- Le Royaume d'Arendelle -
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 23)

Sam 06 Mai 2023, 20:08
Chapitre 23
Ryder
 
Ma vie semblait être redevenue normale. Ou presque. J’avais retrouvé la sœur qui m’avait tant manquée. Après des jours sans nouvelles, Honeymaren était soudainement réapparue. Je me souvenais parfaitement de son retour. Des cris à l’extérieur m’avaient réveillé. Je m’étais précipité hors de mon lit, avais rapidement enfilé un t-shirt et des pantoufles et m’étais élancé vers la porte d’entrée que j’avais ouverte brusquement. Bien qu’entourée de Northuldra soulagés de la voir de nouveau parmi nous, ma sœur avait continué imperturbablement son chemin à travers le camp. Seule et marchant d’un pas déterminé, elle s’était avancée jusqu’à moi sans prêter attention aux regards curieux et aux murmures interrogateurs autour d’elle. Nous étions restés tous les deux immobiles, à un mètre de distance l’un de l’autre, sans savoir quoi nous dire. J’étais resté bouche-bée pendant quelques instants, ne croyant pas à ce que j’étais en train de voir. Elle avait changé. Son regard, son attitude… Elle n’était plus la même et s’était enfin libérée du poids qui l’oppressait. Je ne lui avais rien demandé, j’étais resté silencieux en la regardant depuis le seuil de ma cabane. Je n’avais rien voulu savoir de sa subite disparition. Elle était revenue, c’était tout ce qui comptait. Lorsque j’avais enfin retrouvé mes esprits, ma première réaction avait été de fondre en larmes et de me jeter sur elle pour la prendre dans mes bras. Nous étions ainsi restés collés l’un contre l’autre, en pleurs, pendant de longues minutes, sans nous soucier de ce qu’il se passait autour de nous. C’était des larmes à la fois de joie et de soulagement. J’avais compris que son isolement lui avait apporté la sérénité qu’elle recherchait depuis des années.  Elle paraissait vouloir aller de l’avant et enfin se laisser vivre la vie qu’elle s’était empêché d’avoir pendant si longtemps.

« J’ai quitté Erik », m’avait-elle murmuré à l’oreille alors que nous étions toujours dans les bras l’un de l’autre.

Je n’avais pas été plus surpris que cela de cette annonce. Je m’y attendais. C‘était évident qu’elle n’aurait pu vivre pleinement qu’après avoir définitivement rompu avec le jeune homme. J’avais alors réalisé ce que cela signifiait. Je m’étais écarté de ma sœur, conservant tout de même mes deux mains sur ses épaules et plantant mon regard dans le sien.

« Ça veut dire… que tu reviens vivre avec moi ? » lui avais-je demandé plein d’espoir.

Honeymaren avait esquissé un petit sourire avant de répondre :

" Disons que ce serait envisageable mais seulement si tu veux bien de moi ! »

J’avais eu du mal à contenir ma joie. Après des mois de sentiment d’abandon et de rejet de la part de la jeune femme, j’allais enfin retrouver ma jumelle, celle qui m’avait accompagné tout au long de ma vie et que j’aimais plus que quiconque.

***

Le printemps s’était installé quelques semaines après le retour d’Honeymaren au camp Northuldra. C’était habituellement mon époque préférée de l’année, celle redonnant petit à petit vie à la nature. Mais c’était aussi la période de naissances au sein du troupeau de rennes dont je m’occupais. Cette année, peu de femelles attendaient des petits. Il y en avait eu cinq dont les trois premières avaient déjà mis bas, donnant vie à trois adorables faons. Les deux restantes atteignaient enfin le terme de leur gestation mais ne semblaient pas spécialement pressées d’y être.

Je marchais depuis plus d’une heure, guidant mon troupeau à travers la forêt à la recherche de pâturages. Les plus proches du campement n’offraient plus le moindre mètre carré de lichen à mes rennes. Il n’y avait plus rien qu’ils puissent manger. Les plantes étaient petit à petit rongées par d’immenses trainées noires qui attaquaient d’abord leurs racines avant de s’étendre sur leurs pousses. Ce phénomène était devenu fréquent. Chaque arbre de la forêt enchantée subissait le même sort sans que personne ne puisse y changer quoi que ce soit. La disparition de l’esprit de la terre en était la cause, j’en étais convaincu. Mais ce n’était pas cela qui m’inquiétait le plus. La nourriture que nous récoltions se faisait de plus en plus rare et difficile à conserver. La grande majorité pourrissait en quelques heures, malgré toutes nos tentatives de conservation. Jusqu’ici, nous n’avions pas eu de problèmes alimentaires majeurs bien que nous devions nous adapter à ce nouveau rythme de consommation, quasiment instantané, de tout ce que nous avalions. Notre principal aliment était désormais le poisson. Même si nous devions le cuire et le manger presque dès sa sortie de l’eau, il s’agissait d’une ressource que nous avions toujours en quantité suffisamment importante pour nourrir la tribu. Les espèces végétales, elles, n’échappaient pas à ces trainées noirâtres sous nos pieds. Nos quelques plantations avaient toutes été ravagées. Plus rien ne poussait. La terre était devenue incultivable, ressemblant de plus en plus à de la cendre au fur et à mesure que les jours passaient. Ce qui m’inquiétait et qui inquiétait silencieusement tous les Northuldra était une éventuelle future famine qui semblait nous guetter à chaque nouvelle plante atteinte. Nous ne pourrions pas nous nourrir exclusivement de poissons éternellement. Ce n’était pas une source de protéines intarissable. Elle finirait par s’épuiser un jour ou l’autre, sans que nous ayons d’autre solution pour survivre.

Un brame me tira de mes pensées. Je me retournai et compris que quelques rennes, notamment les plus jeunes, commençaient à avoir du mal à suivre, épuisés par cette longue marche en vue d’un but incertain. Je m’arrêtai et regardai autour de moi. Une petite clairière s’étendait à quelques mètres à peine. Elle ne semblait pas atteinte – ou du moins pas encore – par les traces noires qui ravageaient pourtant une grande partie de la forêt. Les quelques arbres l’entourant étaient intacts, tout comme l’herbe fraîche parsemée de petites fleurs jaunes à mes pieds. Je ne savais pas où j’étais. Je ne connaissais pas cette partie de la forêt enchantée. Mais peu importait. Mon sens de l’orientation me ramènerait au campement Northuldra sans trop de difficultés, j’en étais certain. Les rennes n’attendirent pas mon accord et se jetèrent sur les jeunes pousses qui clairsemaient le sol. Ils les dévorèrent en quelques instants, visiblement affamés. Soudain, je remarquai un des petits, né il y avait à peine quelques jours de cela, allongé aux bordures de la petite clairière. Il ne semblait pas vouloir rejoindre le groupe et restait à l’écart. Pourtant, sa mère l’appelait désespérément depuis plusieurs minutes, espérant le faire enfin venir à elle. En vain. Le petit renne demeurait immobile, gardant ses quatre pattes repliées sous son corps minuscule. Il regardait les autres avec des yeux entrouverts. Je compris que quelque chose n’allait pas. Je m’approchai doucement du petit animal. Il n’eut aucune réaction quand j’arrivai à ses côtés. Il me paraissait si fragile. Sa maigreur était inquiétante. Il ne semblait même pas capable de porter son propre poids. Je m’abaissai et caressai délicatement sa petite tête. Il ne réagit pas au contact de ma main sur sa fourrure et paraissait incapable de faire le moindre mouvement. Je le saisis et le pris dans mes bras. Le renne ne tenta pas de se débattre, au contraire, il se laissa faire. Il était si léger que je n’avais même pas la sensation de porter quoi que ce soit. Sa mère, par réflexe, s’approcha de nous. Je redéposai son petit à côté d’elle, espérant qu’il réagirait enfin. Mais rien ne se produisit. Il restait immobile entre les quatre sabots de sa mère qui tentait de le motiver tant bien que mal par quelques coups de langue. C’était peine perdue.

***

L’après-midi s’était rapidement écoulé, sans même que je m’en sois rendu compte, m’étant assez vite assoupi. Le soleil commençait déjà à disparaître derrière la cime des arbres. Le ciel était devenu orangé. Nous devions rentrer avant la tombée de la nuit, ou nous risquions de nous perdre. Je motivai alors mon troupeau dont la majorité s’était endormie en claquant des mains et en poussant quelques sifflements. Les animaux se redressèrent rapidement, prêts à repartir. Je les dirigeai hors de la clairière dans laquelle nous étions restés et en profitai pour les compter un à un. Je reconnus le dernier renne qui passa sous mes yeux. C’était une femelle ; la mère du petit qui m’avait tant préoccupé. Mais cette fois, elle était seule. Je cherchai du regard le petit renne. Il n’était pas avec le restant du troupeau. Je balayai des yeux la clairière et l’aperçus soudain au pied d’un arbre. Je m’avançai jusqu’à lui en murmurant pour ne pas l’effrayer :

« Eh, debout mon grand, il faut qu’on y aille. »

L’animal ne réagit pas. Quand je fus assez près, je remarquai que ses yeux étaient restés légèrement entrouverts. Cependant, ils ne bougeaient pas et semblaient fixer un point dans le vide. Je m’accroupis, le cœur serré, et passai une main sous son nez minuscule. Aucun souffle ne me parvint. Son cœur ne battait plus non plus. Le petit renne s’était finalement laissé mourir au pied de ce bouleau. Ce n’était pas le premier animal que je perdais mais c’était douloureux à chaque fois, surtout lorsqu’il ne s’agissait que d’un bébé à l’aube de sa vie. Je soupirai en me relevant. Ce ne fut qu’une fois debout que je remarquai les traces noires qui s’étendaient sur le tronc du bouleau. En quelques heures à peine, elles avaient réussi à atteindre cette partie plus reculée de la forêt. Je les suivis du regard et remarquai une chose plus surprenante encore : l’une des marques s’étalant à mes pieds semblait tracer une frontière entre le petit animal mort et moi. Je relevai la tête. De son côté, tous les arbres étaient à présent atteints de cette étrange maladie. L’herbe fraîche et verte que mes rennes avaient broutée cet après-midi était également devenue noirâtre. Du mien en revanche, tout était encore intact. Cette frontière montrait une nette démarcation entre la vie d’un côté et la mort de l’autre…
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 24)

Ven 12 Mai 2023, 22:57
Chapitre 24
Anna
 
Cela faisait des jours que je voyais que Kristoff n’allait pas bien. J’avais beau lui dire que j’étais persuadée qu’il ferait un excellent roi, il ne semblait pas convaincu. Comprenant sa perplexité quant à son futur devoir de souverain, j’avais décidé d’engager un professeur qui lui inculquerait tout ce qu’il devait savoir. Il aurait alors droit à un enseignement accéléré pour apprendre les coutumes, les traditions et pour comprendre tous les enjeux politiques, sociologiques et économiques de notre royaume. J’espérais ainsi rendre Kristoff plus serein et davantage préparé, même si au fond de moi je doutais fortement qu’il se fasse aussi rapidement à cette nouvelle vie.

***

Alors que j’étais perdue dans mes pensées, on frappa à la porte de ma chambre.

« Entrez », dis-je simplement.

Je vis alors Gerda, la domestique, entrer précipitamment.

« Oh ! Votre Majesté ! Vous n’êtes toujours pas habillée ? », fit-elle en portant une main à sa bouche d’étonnement.

Je remarquai alors que j’étais restée une bonne partie de la matinée allongée sur mon lit sans prendre la peine de me toiletter. Je regardai l’horloge dans le coin opposé de ma chambre. Elle indiquait dix heures quarante cinq passé.

« Dois-je vous rappeler, votre Altesse, que vous devez accorder des audiences au peuple d’Arendelle d’ici un quart d’heure à peine ? » continua Gerda tout en cherchant une tenue convenable dans ma garde-robe.

Zut, pensai-je, j’ai encore oublié. Je sautai aussitôt de mon lit, attrapai le premier corset que je trouvai et partis me changer derrière le paravent. Après avoir enfilé mes sous-vêtements, la domestique m’aida à revêtir la longue robe noire et vert pomme qu’elle avait choisie. J’eus tout juste le temps de natter rapidement mes cheveux avant d’entendre l’horloge sonner onze coups. Je pris ma couronne que j’avais laissée sur ma table de nuit et partis en courant à travers tout le château. J’arrivai essoufflée dans la salle du trône, où Kai, le majordome, tentait de maintenir le calme et l’ordre auprès des habitants d’Arendelle déjà présents. A mon entrée, tous les yeux se braquèrent sur moi et, après un court instant de silence, un flot de remarques intempestives me parvint :

« Votre majesté ! Les enfants sont de plus en plus nombreux en classe, cela devient insupportable ! Il faut créer une nouvelle école !
— Le prix du pain a presque doublé ces derniers mois ! Ce n’est plus possible ! Vous devez augmenter nos salaires !
— Un de mes ouvriers s’est blessé cette semaine. J’aurais besoin de placarder des affiches dans Arendelle pour en recruter un nouveau. M’en donnez-vous l’autorisation ?
— Que comptez-vous faire des arbres morts ? Ne devrions-nous pas nous en débarrasser ? »

Et c’est reparti… me dis-je.

***

Je me laissai tomber d’épuisement sur une des chaises de la salle à manger. J’avais passé près de deux heures à écouter chacune des plaintes des habitants d’Arendelle et à essayer d’y apporter des solutions. Mon énergie habituelle semblait s’être totalement évanouie. Je mourrais de faim à présent. Kristoff entra alors, paraissant tout aussi exténué que moi. Il s’installa à l’autre bout de la table et me sourit faiblement. J’ouvris la bouche pour lui demander comment s’était passé sa matinée mais n’en eus pas l’occasion. Kai entra à ce moment-là, suivi par deux domestiques tenant des assiettes surmontées de cloche à bout de bras.

« Rôti de porc et pommes de terre sautées », annonça-t-il d’un air solennel.

On déposa alors les assiettes devant nous. Je me jetai dessus et retirai la cloche. Une agréable odeur monta à mes narines. Je ne pus me retenir plus longtemps. J’engloutis la nourriture aussi vite que possible, ne prenant même pas le temps de respirer. Je levai alors la tête et vis que tout le monde me regardait avec des yeux ronds. Je leur souris à grand peine, la bouche encore remplie de pommes de terre. Kristoff éclata de rire. Il était tellement mignon quand il riait. Deux petites fossettes apparaissaient sur ses joues, le rendant irrésistible. Je mourrais d’envie de l’embrasser, oubliant que nous n’étions pas seuls. Kai se racla la gorge, ce qui me tira immédiatement de mes pensées.

« Votre Majesté », dit-il en s’inclinant légèrement avant de s’éloigner.

Les autres domestiques ne tardèrent pas à l’imiter, nous laissant enfin seuls.
Je remarquai alors que Kristoff n’avait presque pas touché à son assiette. Il ne faisait qu’en racler pensivement les bords avec sa fourchette.

« Kristoff, est-ce que… tout va bien ? » lui demandai-je, inquiète.
Il leva ses beaux yeux bruns dans ma direction.
« Anna… je… je ne veux pas ternir ton image de reine tu comprends ?
— De quoi parles-tu ?
— Tu es issue d’une famille royale, moi non. Je ne suis qu’un pauvre vendeur de glace.  Et puis que diront les habitant d’Arendelle quand…
— Kristoff ! Vendeur de glace ou pas, c’est toi que j’aime, l’interrompis-je. Je crois en toi. Plus que quiconque. Je sais que tu seras à la hauteur. »

Il me regarda, un sourire triste aux lèvres. Je me levai et allai lui prendre la main.

« Suis-moi, lui dis-je.
— Où veux-tu aller ?
— Tu vas voir.
— Mais Anna, tu dois recevoir l’ambassadeur français dans moins d’une heure !
— Peu importe ! Il attendra ! »

Ne laissant pas Kristoff protester davantage, je le tirai à l’extérieur du palais.

***

Nous longeâmes bientôt les quais du port d’Arendelle. Une forte odeur de poissons me fit grimacer. Je ne pris pas le temps de m’arrêter et continuai imperturbablement ma route. Nous passâmes sous le clocher du village, avant de nous rendre sur les hauteurs d’Arendelle. De magnifiques petites collines recouvertes d’arbres en fleur nous faisaient face. Ayant toujours la main de Kristoff dans la mienne, j’emmenai alors le jeune homme dans un endroit plus reculé, dont moi seule connaissais l’existence. Un mur de pierre se tenait face à nous. J’avançai, sûre de moi, vers un épais enchevêtrement de branches de lierre qui en tapissait toute une partie. D’une main, je l’écartai, laissant apparaître un passage dans la roche sous les yeux ébahis de Kristoff. Je l’entrainai à l’intérieur jusqu’à ce que nous arrivions dans une adorable petite clairière entourée de dizaines d’arbres à travers lesquels seuls quelques rayons de soleil arrivaient à passer. Tout près de l’entrée du passage que nous avions emprunté, se tenait une magnifique cascade d’eau qui donnait naissance à un minuscule étang recouvert de nénuphars. Une herbe verte, parsemée de petites fleurs colorées, s’étendait sous nos pieds. Le chant de quelques oiseaux au-dessus de nos têtes nous parvint. C’était un lieu magique que j’avais décidé de garder pour moi jusqu’alors afin de le préserver. Il était intact. Les traces noires qui parcouraient tout le royaume ne l’avait pas encore atteint.

« Bienvenue dans mon repère secret ! lançai-je joyeusement à Kristoff.
— Anna c’est… c’est splendide !
— N’est-ce pas… Je m’y rends à chaque fois que je ne me sens pas très bien. Cela m’apaise. Et je me suis dit que ce serait aussi certainement le cas pour toi. Heureusement pour nous, tout est encore intact… »

Il me sourit et m’embrassa sur le front.

« Merci. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi », me chuchota-t-il au creux de l’oreille.

Il alla s’asseoir au bord de l’étang dont l’eau scintillait avec le reflet de la lumière, ce qui lui donnait presque un aspect irréel. Je le suivis et fis de même, étalant ma longue robe autour de moi.

« Alors… qu’est-ce que tu proposes ? demandai-je en prenant un petit air naïf.
— Regarde ! Il y a un poisson magnifique ! » me dit Kristoff, ignorant ma question et pointant son index vers l’eau claire.

Je me penchai, ne voyant rien de ma place. Une gerbe d’eau m’éclaboussa soudain le visage avant même que je ne puisse réagir. Je me tournai vers mon futur mari, surprise et trempée. Il riait à pleins poumons, visiblement fier de sa plaisanterie. Le voyant heureux, je me mis à rire également tout en l’aspergeant en retour. Il finit par se jeter sur moi, me faisant tomber en arrière. Me retrouvant alors allongée sur l’herbe, il profita de l’occasion pour me bloquer les bras sur le sol au-dessus de ma tête et approcha son visage du mien. Quelques gouttes de ses cheveux blonds mouillés tombèrent sur moi. Je sentis enfin ses lèvres chaudes effleurer les miennes. N’y tenant plus, je pressai subitement ma bouche contre celle de Kristoff. Nous nous embrassâmes longuement, lui au-dessus de moi, oubliant tout ce qui nous entourait. Le bruit lointain des cloches nous tira subitement de cet instant de tendresse.

« L’ambassadeur ! J’entends les cloches ! Il vaut… il vaut mieux que je m’en aille ! A ce soir ! » dis-je au jeune homme en me redressant précipitamment et en déposant un dernier baiser sur ses lèvres.

Je repartis en courant vers le château, laissant Kristoff derrière moi.

***

La nuit tomba enfin. Je n’en pouvais plus. J’avais passé tout le restant de l’après-midi à négocier avec l’ambassadeur français afin de pouvoir exporter davantage de nos marchandises locales vers la France. Il avait finalement accepté, renforçant ainsi nos liens commerciaux. Epuisée et ayant grand besoin de me détendre, je me fis couler un bain dans la salle d’eau attenante à ma chambre. Pendant que l’eau chaude remplissait peu à peu la baignoire, je me déshabillai et me décoiffai, retirant enfin la couronne de mes cheveux qui me paraissait bien plus lourde qu’en début de journée. Je me retrouvai bientôt nue, après avoir laissé tomber au sol les derniers morceaux de tissus qui me recouvraient. Je me regardai dans le miroir face à moi. Je rougis, gênée par mon propre corps. Je ne tardai pas à croiser mes bras par-dessus ma poitrine pour la cacher. Je n’avais jamais eu confiance en moi concernant mon physique. Adolescente, j’avais été terrorisée en voyant mon corps d’enfant se transformer petit à petit en corps de femme. Mais la pire épreuve avait été celle de l’apparition de mes premières règles. Je m’étais sentie sale, ne comprenant pas ce qu’il m’arrivait. Cette innocence je la devais à mes parents, et surtout à ma mère qui n’avait jamais abordé la question avec moi, car la sexualité, et tout ce qui s’en rapprochait, n’était pas un sujet de conversation convenable entre parents et enfants. Non, c’était un sujet tabou, interdit, un secret que l’on
devait découvrir seul. A l’époque, j’aurais aimé pouvoir parler de mes craintes, de mes angoisses concernant ces changements physiques avec Elsa. C’était ma grande sœur, elle aurait certainement pu me rassurer et me décomplexer, ayant elle-même vécu la même chose. Mais cela avait été impossible à cause de la séparation qui nous avait été infligée. A présent, mon manque de confiance en moi n’avait toujours pas disparu. J’essayais simplement de le dissimuler lorsque j’étais avec Kristoff. Un ronflement provenant de la pièce voisine me tira de mes pensées. Je souris, tout en me glissant dans mon bain, en imaginant le jeune homme dormir la bouche entrouverte et les cheveux en bataille. L’eau chaude apaisa quelque peu mes muscles endoloris et crispés par le stress et la fatigue de ces derniers jours. Je réalisai alors qu’avec toute l’agitation de l’après-midi, je n’avais pas eu le temps de revoir Kristoff avant qu’il ne s’endorme.

Après avoir passé une vingtaine de minutes à me détendre dans la baignoire, j’enfilai rapidement une robe de nuit et bondis sur mon lit. L’horloge indiquait minuit passé. 

"Enfin tranquille", murmurai-je. 

Je fermai les yeux, prête à sombrer dans le sommeil.

***

Je me levai et me rendis devant la chambre de Kristoff. Je frappai doucement à la porte. Pas de réponse. J’entrai. Le lit était vide. Il n’y avait personne. Mon cœur se serra. Je parcourus le palais de long en large à sa recherche. En vain. Kai et les autres domestiques semblaient eux aussi avoir disparu. J’étais désespérément seule. Je courus à l’extérieur. Un violent orage venait d’éclater dans la nuit noire. Des trombes d’eau s’écrasaient sur moi. Je me précipitai vers les écuries, espérant y trouver Kristoff en compagnie de Sven. Ni l’un ni l’autre n’y était. Il n’y avait plus qu’un cheval – le mien – qui hennissait, terrorisé par le bruit du tonnerre.  Je m’approchai de lui pour le rassurer. Après l’avoir calmé, je mis une selle sur son dos et enfilai un mors dans sa bouche. Je passai mon pied dans l’étrier et partis sillonner Arendelle. Les rues étaient vides. Seuls le vent, le tonnerre et les battements de la pluie sur les pavés tuaient le silence de mort qui s’était abattu sur le village. Un éclair zébra le ciel. Je me sentais de plus en plus mal à l’aise. Ne pouvant rester une minute de plus dans cet endroit qui me donnait la chair de poule, je partis au galop vers le nord. Avec un peu de chance, Kristoff se trouverait peut-être dans la forêt enchantée avec Sven.
J’agrippai la crinière de mon cheval, en larmes. La peur me gagnait de plus en plus. Les sabots de l’animal dérapaient à intervalles irréguliers sur le sol boueux. Je manquai de tomber à plusieurs reprises. Après un long instant, j’aperçus enfin l’orée de la forêt enchantée se profiler à l’horizon. La pluie redoubla d’intensité. J’arrivais enfin à la hauteur des quatre menhirs, incarnant chacun un esprit, qui matérialisaient l’entrée de la forêt. A peine eus-je posé un pied au sol que la pluie s’arrêta soudainement. L’orage avait également disparu. Le temps semblait suspendu. J’entendis alors des voix familières derrière moi. Je me retournai et vis Elsa dans les bras de Kristoff. Sven broutait tranquillement quelques mètres plus loin. Ils ne semblaient pas porter attention à moi.

« Kristoff ! Elsa ! » criai-je, heureuse de les avoir enfin retrouvés.

Ils ne bougèrent pas, restant plongés dans leur conversation. A vrai dire, ils ne semblaient même pas m’avoir entendue. Je m’époumonais à nouveau. Le résultat fut le même. Je n’existais pas pour eux. Je vis alors avec horreur Kristoff se pencher et déposer délicatement ses lèvres sur celles de ma sœur. Mes larmes coulèrent de nouveau. Des larmes de colère et de tristesse. Je me sentais trahie.

« Kristoff ! » hurlai-je une nouvelle fois, désemparée.

Ma voix tremblait. Je voulus courir dans leur direction, me jeter sur eux, les asséner de coups de poing pour déferler ma rage. Je tentai de faire un pas. Impossible. Je baissai les yeux. Mes pieds étaient ancrés dans le sol. Je ne pouvais plus bouger, j’étais prise au piège. Je me rendis alors compte que j’avais de plus en plus froid. Je regardai mes mains. Le bout de mes doigts se recouvrait de givre. La glace s’empara de mon corps. Je compris alors que je resterai figée pour l’éternité. Trop faible pour m’égosiller de nouveau, je murmurai imperceptiblement le nom de ma sœur et de celui que j’aimais dans un dernier souffle. Je les vis tourner leurs visages dans ma direction. Ils haussèrent les épaules et s’éloignèrent, m’abandonnant à mon triste sort.

***

Je me réveillai en sursaut, suffoquant et en sueur. Je regardai autour de moi : le lit, l’horloge, la penderie… Tout était en place. Je me rallongeai en poussant un grognement, me rendant compte que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 25)

Ven 19 Mai 2023, 18:53
Chapitre 25
Elsa
 
La forêt enchantée n’était plus la même. L’épaisse couche de neige de cet hiver avait fini par se retirer, laissant de nouveau place à un tapis de petites jacinthes sauvages qui n’avaient pas encore éclos malgré la saison. Je levai la tête vers le ciel bleu. Les branches des arbres qui retrouvaient petit à petit leur feuillage me cachaient en partie la vue des grands nuages blancs qui flottaient au-dessus de moi. Ils étaient immobiles, à l’image du paysage qui m’entourait. J’avais appris la disparition de Courant d’Air, l’esprit du vent. Cela faisait plusieurs mois maintenant. Bien qu’étant la passerelle entre les humains et les éléments de la nature, je ne comprenais pas moi-même ce qui était en train de se produire. Nous n’étions plus que trois : Bruni, Nokk et moi. Les disparitions consécutives de l’esprit de la terre et du vent m’inquiétaient. Je n’avais jamais assisté à cela et n’étais sûrement pas en mesure de comprendre ce qu’il se passait. J’ignorais comment ils avaient pu s’évanouir ainsi, aussi brutalement, sans laisser la moindre trace.
Alors que j’étais perdue dans mes pensées, je n’entendis pas Yéléna s’approcher de moi. Elle posa une main sur mon épaule ce qui me fit sursauter. Sous l’effet de la surprise, une plaque de verglas apparut brusquement sous mes pieds, faisant glisser la chef Northuldra en arrière. Je la retins immédiatement, l’empêchant de tomber.

« Merci », dit simplement Yéléna, déconcertée par ce qu’il venait de se passer.

Elle fit mine de passer ses mains sur son long manteau pour en enlever une poussière imaginaire. Je souris intérieurement, trouvant que la Northuldra était toujours aussi minutieuse quant à son apparence. Comme lisant dans mes pensées, elle reprit aussitôt, pleine d’assurance :

« Vous pensez bien que je ne suis pas venue ici simplement pour vous parler ménage. Silja veut vous voir et vite d’après ce que j’ai compris ».

Silja était une vieille femme dont personne ne connaissait l’âge exact. Pleine de curiosité à son propos, j’avais posé de nombreuses questions aux Northuldra en espérant en savoir plus sur elle. J’avais alors appris qu’elle avait perdu sa famille entière lors de la bataille qui opposât mon grand-père, le roi Runeard, et l’ancien chef des Northuldra, trente-quatre ans auparavant. N’ayant pas supporté la vue des corps retrouvés sans vie d’une de ses filles et de son mari, Silja avait décidé de se crever les yeux, restant ainsi aveugle pour l’éternité. Je soupçonnais qu’elle était également devenue folle suite à cette tragédie. Bien qu’étant très étrange, la vieille femme était très respectée dans le village, notamment grâce à ses visions dont on m’avait si souvent parlé. Je n’avais jamais pu voir Silja à l’œuvre jusqu’ici. La plupart du temps, elle restait recroquevillée dans une chaise à bascule devant sa tente et se balançait inlassablement dessus à longueur de journée, prononçant des paroles indistinctes. Je savais qu’en tant que chamane du village, elle était l’un des éléments principaux et indispensables pour son peuple.
Sans un mot, je suivis Yéléna. Je ne savais pas à quoi m’attendre de la part de Silja. A vrai dire, cette dernière ne m’avait jamais adressé la parole. Je n’étais même pas sûre qu’elle connaisse véritablement mon existence. Je n’avais jamais osé la rencontrer non plus. Bien qu’elle pratique une forme de magie elle aussi, je ne m’étais jamais sentie à l’aise en sa présence.
 Nous arrivâmes bientôt devant la tente de la vieille femme. La chef Northuldra se posta à l’entrée, mains croisées dans le dos, me regardant de haut en bas. Je fis un pas en direction du tipi, prête à entrer à l’intérieur. Yéléna intercepta brusquement ma main et me força à me tourner vers elle. Elle me dit alors avec froideur, plongeant son regard sévère dans le mien :
« Ne lui adresse pas la parole avant qu’elle ne t’ait autorisée à le faire, tiens-toi droite et ne t’avise surtout pas de toucher au moindre objet qui lui appartient. Suis-je claire ? »
La Northuldra me regardait durement. Je faillis protester en réalisant qu’elle me traitait comme une enfant, mais finis par me raviser. Je savais que ma parole ne pesait rien face à celle de Yéléna. Si je voulais avoir ne serait-ce qu’une petite chance d’être intégrée et acceptée par elle, je devais me taire et acquiescer. J’hochai simplement la tête pour toute réponse, ne cherchant surtout pas à la contrarier.
La première chose qui me surprit en entrant fut une forte odeur d’encens que l’on laissait brûler. Le sol en terre battue était jonché d’objets divers et étranges que je ne sus reconnaître dans la pénombre. Silja était assise au fond de la tente sur ce qui me sembla être un tas de peaux de rennes. La seule source de lumière était une minuscule bougie posée à ses pieds. Je m’approchais prudemment, n’osant pas ouvrir la bouche suite à ce que m’avait ordonné Yéléna à l’extérieur. Quand je fus à la hauteur de la vieille Northuldra, celle-ci attrapa soudainement mes mains, me faisant basculer en avant. J’étouffai un cri à la fois de surprise et de peur. Pendant ce qui me sembla être une éternité, Silja conserva mes mains dans les siennes. Elle caressait ma peau glacée, ne semblant pas surprise par ma température corporelle naturellement froide.  Alors qu’elle s’occupait à frôler chacun de mes doigts et de mes ongles, j’observais sa peau marquée par le temps. Ses rides témoignaient chacune d’une épreuve de sa longue vie, j’en étais certaine. Je vis alors les lèvres de Silja remuer. Elle semblait vouloir me dire quelque chose. Puis, au bout d’un nouvel instant de silence, elle réussit enfin à prononcer :

« Je sais que tu es douée de pouvoirs magiques mon enfant. Tu as appris à les contrôler avec peine mais tu ne connais pas encore toute l’étendue de leur puissance. Fais-moi une démonstration à présent.

— Mais… vous ne pourrez rien voir », lui signifiai-je d’une petite voix, me faisant la plus discrète possible.

La vieille femme fronça les sourcils, semblant agacée par mes propos.

« Je n’ai pas besoin de les voir mais de les sentir », répliqua-t-elle en posant alors une main sur le haut de ma poitrine.

Décontenancée et ne comprenant pas ce qu’elle faisait, je me mis à rougir, gênée. Je retins mon souffle pendant quelques secondes, attendant qu’elle me dise quoi faire. La voyant patienter silencieusement, se concentrant sur les battements de mon cœur, je compris que je devais user de mon pouvoir. Je me tournai alors vers le côté opposé de la tente, afin d’être sûre de ne pas la blesser. Une lumière bleutée jaillit alors de mes mains, comme à chaque fois que j’utilisais ma magie. En à peine quelques secondes, une magnifique sculpture de glace d’un renne qui ressemblait fortement à Sven apparut devant nous. Satisfaite de mon œuvre, je lançai un regard fier à Silja qui avait gardé une main au niveau de mon cœur durant toute l’opération. Elle finit par reculer, me lâchant enfin. Elle resta un long moment muette, semblant réfléchir silencieusement. Je croisai alors les mains dans mon dos, ne sachant que faire pendant qu’elle méditait ainsi. Puis au bout de quelques minutes qui me parurent durer des heures, elle me fit comprendre d’un geste que je devais partir. Je sortis donc de la tente, perturbée par ce qu’il venait de se passer. Mon esprit était embrouillé. Pourquoi donc cette femme m’avait-elle demandé d’utiliser mon pouvoir devant elle pour finalement me laisser repartir sans aucune explication ? Yéléna, qui n’avait pas bougé d’un centimètre depuis que je l’avais quittée, ne semblait pas vouloir m’éclaircir sur ce point. La voix de Silja retentit alors dans la tente, appelant simplement la chef Northuldra. Je fis mine de m’éloigner mais entendis ces quelques paroles qui furent échangées entre les deux femmes :

« J’ai senti une puissance rare en elle, comme jamais je ne l’avais senti chez un esprit.
— En es-tu sûre ?
— Oui. Jamais je n’ai dû faire face à de tels pouvoirs. Jusqu’ici ils ont été une force pour nous tous, y compris pour elle. Mais nous ne savons pas jusqu’où elle est capable d’aller. Sa puissance pourrait être bien plus importante que tout ce que nous avons connu jusqu’ici Yéléna, j’en ai bien peur. Elle nous a protégés mais elle serait tout aussi capable de nous nuire. »

Un silence terrible s’abattit sur la tente de Silja. Les deux femmes s’étaient brutalement tues, comme méditant sur leurs dernières paroles. Pour la première fois depuis des années, je ressentis de nouveau une boule d’angoisse se former dans ma gorge et au creux de mon ventre. Je revivais cette horrible sensation que j’avais tenté d’éviter toute ma vie durant, celle qui m’avait fait perdre le contrôle plusieurs fois sans que je puisse l’en empêcher. Mais c’était plus fort que moi. Ces paroles étaient un nouveau déclencheur. Mon cœur se serra, comme compressé dans ma poitrine. Mes ongles s’enfoncèrent dans la paume de mes mains tremblantes de colère. Je me mordis la lèvre inférieure, essayant de contenir mes émotions. Je sentis les larmes me monter aux yeux mais ne leur permis pas de couler. Je devais tenir et ne pas me laisser submerger, encore une fois.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 26)

Ven 26 Mai 2023, 19:42
Chapitre 26
Honeymaren
 
J’avais vu Elsa entrer dans cette tente. Je ne savais pas ce que Silja lui voulait. Je regardais la scène depuis la minuscule fenêtre de la cabane dans laquelle je vivais dorénavant avec mon frère jumeau.  J’étais seule ce matin-là. Seule à façonner quelques sculptures en bois, comme d’habitude depuis le début du printemps. C’était le nouveau travail que l’on m’avait attribué : sculptrice sur bois. Je passais donc mes journées à polir, tailler, construire, démolir… On faisait souvent appel à moi pour édifier de nouvelles petites cabanes de bois qui remplaçaient petit à petit les tentes, jugées trop précaires pour résister aux saisons froides comme nous avions pu le constater quelques mois auparavant.
Alors que je m’activais sur une bûche à laquelle je souhaitais donner la forme d’un petit ours afin de l’offrir à un des enfants du village, mes pensées divaguèrent. Je raclais le bois à l’aide d’un couteau quand soudain la lame dérapa, s’enfonçant dans la chair de mon doigt. Je retins un cri de douleur. Une goutte de sang perla sur le haut de ma première phalange et dégoulina le long de ma main. Je mis alors mon pouce sanguinolent dans ma bouche, espérant ainsi atténuer ma souffrance. Jamais je ne m’étais blessée bêtement de la sorte. La vue d’Elsa m’avait plus perturbée que je ne le pensais. Grimaçant de douleur, je regardai ma peau vivement entaillée. Je me tournai alors vers la fenêtre et la vis. Elle était si belle. Ses longs cheveux blond platine tombaient en cascade dans son dos. La robe qu’elle portait mettait en valeur chaque parcelle de son corps. Je me surpris à regarder la poitrine de la jeune femme. Je rougis, ne comprenant pas ce qu’il m’arrivait. Depuis qu’Elsa était apparue dans la forêt enchantée, je ne pouvais m’empêcher de la regarder, émerveillée. J’étais  moi aussi tombée sous son charme, comme tous les autres Northuldra. Au début, il m’avait semblé éprouver simplement une grande admiration pour elle. Son caractère et son physique si atypiques, si uniques, m’avaient terriblement intriguée. Puis, les mois passant, j’avais compris qu’il s’agissait d’autre chose de bien plus fort. Quelque chose qui me comprimait l’estomac à chaque fois que l’ancienne reine s’adressait à moi. Quelque chose qui m’interdisait de me regarder dans un miroir sans être soudainement envahie par un sentiment de honte. Je n’avais jamais ressenti une chose pareille, même si je m’étais longtemps forcée en vain à éprouver ce sentiment lorsque j’étais avec Erik. Je ne pouvais cependant l’avouer à personne cette fois-ci. Pas même à moi.

Jamais je n’avais ressenti de telles choses en la présence d’une femme. C’était si… étrange ! J’avais toujours eu des compagnons masculins depuis mon adolescence et en avais été satisfaite. Jusqu’à aujourd’hui. Mais je l’ignorais encore. Ou du moins, je voulais l’ignorer. Je me devais de refouler ces sensations étranges en la présence d’Elsa et réprimer mes pensées la concernant. Tout avait changé en moi et avait bousculé cet équilibre que je tentais de retrouver tant bien que mal dans ma vie depuis des années. J’avais toujours dû prendre sur moi et je devais le faire une nouvelle fois, bien que je ne comprenne pas tout à fait ce qu’il m’arrivait.
Je baissais la tête. Une larme coula sur ma joue. Je l’essuyai d’un geste rageur. Je ne pouvais pas pleurer. Je n’avais pas le droit, pas après tout ce que j’avais dû endurer. Le souvenir de mes parents me revint brusquement en mémoire. Je revis alors les flammes autour de moi, s’approchant dangereusement, prêtes à lécher ma peau d’enfant.

***

La fumée et les cendres m’étouffaient. J’étais prise d’une violente quinte de toux incontrôlable. Mes poumons brûlaient. L’air me manquait de plus en plus. Je n’arrivais plus à respirer. Une poutre du plafond s’effondra juste devant moi dans un bruit fracassant. J’entendis alors Ryder hurler, à quelques mètres de moi :

« Honeymaren, baisse-toi, vite ! »

Je sentais l’angoisse dans sa voix. Je fis ce qu’il me dictait de faire, paniquée. Je me retrouvai alors allongée à plat ventre contre le sol de terre brûlant. Je vis enfin mon frère apparaître à travers un épais nuage de fumée noire, rampant dans ma direction. Il était recouvert de suie noire collant à sa peau recouverte de sueur. La chaleur était de plus en plus insupportable et m’étouffait. Arrivé à ma hauteur, Ryder saisit ma main et tenta de me tirer vers une issue. Manquant d’oxygène, mon corps ne répondait plus à mes envies de sortir de ce brasier. Je me sentais complètement vide, comme si toutes mes forces m’avaient subitement abandonnée. Tout semblait tournoyer autour de moi. La vision de mon jumeau était de plus en plus floue. Je n’arrivais plus à distinguer nettement son visage tordu par la douleur et la peur. Ses lèvres bougeaient. Il cria quelque chose que je ne compris pas. Un bruit sourd et puissant résonna non loin de nous. J’eus tout juste le temps d’apercevoir un homme robuste, dont le visage couvert de cendres m’était familier, avant de perdre partiellement connaissance. Je sentis qu’on me soulevait.
Sentant enfin l’air extérieur sur ma peau quelques secondes plus tard, je frissonnai. Mes doigts frôlèrent l’herbe sèche : on me déposait au sol, enfin en sécurité. J’hoquetai, ne parvenant pas à retrouver mon souffle. J’ouvris à grand peine mes yeux et vis avec horreur l’homme se rediriger en courant vers la maisonnette en flammes. Plusieurs personnes, que je n’avais pas remarquées jusqu’ici, tentèrent de l’arrêter, en vain. Désespéré, il hurlait, à s’en déchirer les cordes vocales, un mot, un prénom. Nora. Il repoussa violemment ceux qui le retenaient et pénétra de nouveau dans l’incendie. Un terrible bruit retentit alors. Une explosion. Sa puissance fut telle qu’elle projeta au sol les quelques personnes qui se tenaient près de la cabane enflammée. Tout ce qu’il restait de la petite maison s’effondra alors dans un craquement assourdissant. Je me redressai tant bien que mal, réalisant enfin ce qu’il se passait. La douleur de ce moment me déchira de l’intérieur.

« PAPA ! », hurlâmes mon frère et moi au même instant.

***

Nous perdîmes les deux êtres les plus chers à nos yeux d’enfants cette nuit-là. Nous avions huit ans.
Cette pensée me fit frissonner. Je ne m’étais jamais remise de ce drame, même quinze ans après. Je m’étais juré de ne plus jamais tenter d’allumer une bougie par moi-même.
Je relevai la tête, regardant de nouveau par la fenêtre. Elsa avait disparu. Je fus terriblement déçue de ne plus pouvoir l’observer discrètement. J’entendis soudain la porte d’entrée s’ouvrir et claquer violemment contre le mur. Je levai les yeux au ciel, sachant pertinemment qui venait d’entrer dans un tel vacarme. La tête de Ryder apparut dans l’embrasure de l’entrée du salon dans lequel je me trouvais. Il me souriait bêtement. Il s’avança et s’assit sur une chaise en face de moi. Il retira ses bottes usées et les jeta sans ménagement à travers la pièce. Je lui lançai un regard noir.

« Quoi ? » me dit-il en prenant un air innocent.

Je soupirai.

« Décidément même à vingt-trois ans tu te comportes comme un enfant. Je dois faire toute ton éducation, lui reprochai-je.
— Hé ! Je te rappelle que je suis plus vieux que toi ! Tu me dois le respect !
— Pardon ?! Nous sommes jumeaux !
— Peut-être mais JE suis né neuf minutes avant toi », ricana-t-il, fier de lui.

Parfois, je me demandais comment j’avais fait pour supporter mon frère depuis notre naissance. Il était insupportable et avait un comportement puéril. Mais je me rappelai subitement que n’ayant plus eu de parents très tôt, il avait été confronté tout comme moi au monde adulte de façon prématurée. Je devinai alors que cette immaturité était pour lui un moyen de retrouver l’enfance qu’il n’avait pas eue.

Il se releva et me donna un petit coup de coude dans les côtes pour me taquiner.

« Bon alors qu’est-ce que tu as ? me demanda-t-il, voyant apparemment mon désarroi.
— Je ne sais pas, mentis-je.
— Moi je sais. Ça commence par El, ça finit par sa ».

Je le regardai, bouche-bée. Comment pouvait-il savoir ? Je ne lui avais pourtant jamais rien confié à ce sujet. Il rit en voyant ma tête, ce qui me déstabilisa davantage.

« Tu te décides enfin à me le dire ou bien tu comptes rester silencieuse ? » reprit-il, sérieusement cette fois-ci.

Je ne comprenais pas. Il voulait que je lui dise quelque chose que je n’avais jamais pu m’avouer à moi-même encore. J’ouvris la bouche mais aucun son n’en sortit. Ryder haussa les épaules, comprenant qu’il n’obtiendrait pas d’information supplémentaire. Son visage s’assombrit soudainement.

« Tu devrais penser à autre chose et tu le sais, rajouta-t-il en me regardant durement. C’est une femme. »

Il baissa les yeux et vit à mes pieds la bûche que j’avais commencé à sculpter avant que je ne me blesse. Il se pencha et la ramassa pour voir le résultat de mon travail.

« Tu as toujours l’intention de l’offrir à un enfant du village ou bien tu préfères la garder pour toi ? » me demanda-t-il sèchement en me montrant le morceau de bois.

Je levai timidement la tête. Sans m’en rendre compte, je n’avais pas sculpté un ours. Loin de là. Pendant que j’avais été perdue dans mes pensées, la bûche avait pris la forme du corps d’une jeune femme…
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 27)

Ven 02 Juin 2023, 16:52
Chapitre 27
Kristoff
 
Six mois déjà. Six mois que j’avais demandé Anna en mariage. Six mois qu’elle était devenue reine d’Arendelle. Elle évoluait dans un monde qu’elle connaissait parfaitement, auquel elle avait été habituée dès sa naissance – ce qui n’était pas mon cas. Je ne m’étais jamais senti aussi peu à ma place. Tous ces joyaux,  ces repas somptueux, ces bonnes manières à adopter, ces vêtements richement ornés… Tout cela m’était jusqu’alors inconnu, moi qui avais été éduqué de façon à me contenter du strict minimum et de ce que m’offrait la nature auprès des trolls.
Notre mariage était prévu en mai. Il ne me restait donc qu’un mois avant de devenir roi d’Arendelle, avant de m’unir à jamais à la femme que j’aimais. Cela me procurait à la fois de l’excitation et de l’angoisse. Moi, Kristoff Bjorgman, simple vendeur de blocs de glace, roi ? C’était surréaliste ! Je n’avais jamais été préparé à cela, je ne savais pas comment m’y prendre. Le simple fait que les habitants d’Arendelle commencent d’ores et déjà à faire une révérence à mon passage me mettait mal à l’aise. Je n’étais pas encore leur souverain après tout.
De son côté, Anna resplendissait. Je ne l’avais jamais vue aussi belle. Sa nouvelle position de reine lui allait à merveille. Malgré quelques difficultés au début, elle avait réussi à se faire une place et à inscrire son règne dans l’histoire d’Arendelle. Elle était juste, droite, tout en sachant détendre l’atmosphère et garder son petit côté espiègle et naïf qui m’avait tant plu chez elle au début de notre relation. Tous semblaient parfaitement satisfaits de cette nouvelle façon de gouverner, bien différente de celle d’Elsa, plus stricte, sérieuse et respectueuse des conventions que sa cadette. La jeune femme s’était faite petit à petit à sa nouvelle vie et à son nouveau statut qui lui avaient pourtant paru horriblement compliqués à gérer durant les premiers mois. Elle avait enfin réussi à se détacher du modèle de ses parents et de sa sœur pour suivre son propre chemin et gouverner comme elle l’entendait. Pourtant, je comprenais malgré tout qu’Anna n’arrivait plus à être complètement elle-même. Sa position de reine lui imposait une rigueur à laquelle elle n’avait certainement jamais dû être habituée, elle qui était de nature très spontanée. Je voyais qu’elle prenait en permanence sur elle pour ne pas retomber dans ce qui était considéré comme un défaut dans le monde aristocratique. Je l’admirais pour sa détermination et sa capacité à garder son sang froid lorsqu’elle était en compagnie de ministres ou de personnes haut placées. Je ne savais pas moi-même si j’en serais capable un jour. J’avais un caractère si naturel que bien souvent on me voyait comme quelqu’un de déplacé et en marge de ce monde monarchique dans lequel j’étais actuellement plongé.

***

En ce soir de début avril, me retrouvant seul après une longue journée de préparatifs pour mon futur mariage, je me mis à observer pensivement l’intérieur de ma chambre. Un grand lit à baldaquins trônait contre le mur du centre. Les pieds de ce dernier étaient en chêne sculpté. Les murs étaient tapissés d’un magnifique papier peint mauve pâle qui mettait en valeur l’immense cheminée en face du lit, dont les teintes plus sombres ressortaient davantage. Le bruit du feu qui crépitait à l’intérieur amenait un peu de chaleur à cette immense pièce, ce qui m’apaisait. Je n’avais jamais connu une chambre aussi spacieuse auparavant. Mais ce qui me plaisait le plus était l’immense fenêtre sur le mur du fond de laquelle je pouvais admirer l’extérieur à ma guise.
M’avançant de quelques pas, je me laissai alors tomber sur le lit, épuisé. Fixant le plafond, perdu dans mes pensées, je n’entendis pas la porte s’ouvrir. Une voix familière me sortit alors de ma torpeur :

« Kristoff ? Est-ce que… je peux te parler ? »

Je relevai la tête. Anna se tenait devant moi, l’air inquiète. Il était rare que la jeune femme vienne me trouver dans ma chambre à cette heure-ci. Nous n’étions pas vraiment autorisés à nous retrouver aussi tardivement. Je savais que l’on pouvait lui en tenir rigueur, lui reprochant de ne pas respecter le protocole nous interdisant de dormir ensemble avant notre mariage. Cela incluait donc les retrouvailles nocturnes…  
La jeune femme s’approcha du lit, tenant une bougie à la main. Nous ne nous étions pas vus de la journée, occupés chacun de notre côté à différentes tâches ne nous permettant pas de prendre le moindre temps de repos. Nous nous étions habitués à ce genre de situation et n’étions plus surpris de ne plus nous voir autant qu’avant. Mais je compris cette fois-ci qu’elle ne venait pas simplement parce que je lui manquais. Elle semblait épuisée et tenait à peine debout.

« Bien sûr, qu’est-ce qu’il y a ? lui demandai-je soudainement inquiet de ce comportement si inhabituel de sa part.
— J’ai l’impression de tout faire de travers… Je ne me sens pas suffisamment prête pour être reine
— Pourquoi dis-tu cela ? Je pensais que nous en avions déjà parlé… Tu es parfaite Anna ! Il ne faut pas que tu doutes de toi comme ça… En six mois tu n’as pas fait la moindre erreur ! Il n’y a aucune raison pour que cela se passe mal dans les mois et années à venir » la rassurai-je.

Je vis alors un faible sourire apparaître sur ses lèvres. Elle sembla légèrement rassurée.

« Tu dis cela parce que tu es amoureux ! me taquina-t-elle, c’est loin d’être ce que tout le monde pense…
— Non pas du tout ! Je suis sincère, je te dis ça en toute honnêteté et objectivité.
— Attends… tu es en train de me dire que tu ne m’aimes pas ?
— Anna… Ne recommence pas s’il te plait ! »

Elle gloussa. Elle aimait tellement me faire perdre la tête ! Cependant, je commençais de plus en plus souvent à m’en rendre compte avant que cela ne dégénère, même si je devais quand même avouer que j’adorais lorsqu’elle se montrait aussi joueuse avec moi. Elle n’avait pas perdu son âme d’enfant, même à presque vingt-deux ans, et cela me plaisait. Même si j’avais bien cru ne jamais réussir à lui faire ma demande en mariage à cause de son attitude…
Anna vint alors se blottir dans mes bras. Elle avait retiré sa longue robe noire et vert turquoise tachée et l’avait remplacée par une autre d’un bleu sombre. Je retirai sa couronne de ses cheveux et la posai sur la table de nuit à côté de nous.

«  Kristoff ! Qu’est-ce que tu fais ? » me demanda-t-elle, surprise.

Je lui souris tendrement.

« Quand tu es avec moi, tu n’es plus la reine, tu es avant tout la femme que j’aime », lui chuchotai-je à l’oreille.

Elle leva alors la tête et m’embrassa langoureusement, passant ses mains dans mes cheveux. Surpris, il me fallut quelques secondes pour réaliser ce qu’il se passait. Je défis lentement son chignon, libérant enfin ses longs cheveux auburn. Elle pressa son corps contre le mien ce qui me fit immédiatement rougir. Je la repoussai doucement, interrompant notre baiser. Ses yeux pétillaient de désir. Je savais ce qu’elle voulait. Ne semblant pas faire attention à ma réticence, elle caressa doucement mon torse, prête à retirer la chemise que je portais. Je pris alors ses mains dans les miennes, l’empêchant ainsi de faire un geste de plus.

« Je suis désolée… Je ne sais pas ce qui m’a pris… » murmura-t-elle, gênée.

Je saisis doucement son menton et plongeai mon regard dans le sien avant de lui dire le plus calmement possible :

«  Tu devrais retourner dans ta chambre… avant que l’on aille trop loin… »

Anna parut déçue et fit une petite moue boudeuse adorable, mais ne protesta pas pour autant, sachant pertinemment quel était son devoir. Cependant, c’était la première fois que je la voyais agir ainsi, sans la moindre retenue. Elle qui s’était toujours montrée relativement timide dans les quelques moments intimes que nous avions pu avoir, avait soudainement lâché prise pendant quelques secondes, sans que j’y sois préparé. Il y eut un long moment de silence pendant lequel nous n’osions plus nous regarder dans les yeux l’un de l’autre. Anna fut la première à briser la glace :

« Kristoff… J’ai vraiment besoin de revoir ma sœur tu comprends ? Elle seule peut nous apporter des explications sur ce qu’il se passe en ce moment et… elle me manque…
— Que veux-tu que je fasse ? lui demandai-je.
— J’aimerais que tu ailles dans la forêt enchantée et que tu la ramènes à Arendelle…
— Mais Anna c’est un très long voyage pour…
— Je sais mais je ne peux pas quitter le palais et j’ai peur qu’elle ne puisse pas non plus venir jusqu’ici en sécurité. Alors, je t’en supplie… »

Je l’interrompis en déposant un léger baiser sur ses lèvres. J’esquissai un sourire avant de lui dire :

« J’irai la chercher et la ramènerai, ne t’en fais pas. Maintenant va te coucher avant que l’on ne nous fasse la moindre remarque. »

Le visage de la jeune femme s’illumina. Elle m’embrassa sur le front, reprit sa couronne et la bougie qu’elle avait abandonnées quelques minutes plus tôt et se dirigea vers la porte. Avant de la franchir, elle se retourna vers moi et me murmura un bonne nuit. Je lui souris et lui envoyai un baiser avant d’ajouter :

« Ne t’en fais pas pour ton devoir de reine. Tu arrives toujours à trouver des solutions, même dans les moments les plus difficiles. Les gens t’aiment déjà pour ce que tu es, tu n’as pas besoin de changer quoi que ce soit pour leur plaire. Et je suis là pour t’épauler… Ne l’oublie jamais. 
— D’ici un mois tu pourras m’aider de façon plus concrète », conclut-elle en me lançant un regard plein d’amour.

Sur ce, elle referma la porte derrière elle, me laissant de nouveau seul. J’entendis ses pas dans le couloir s’éloigner petit à petit. La perspective de ce mariage me semblait de plus en plus proche à présent. Je soupirai, me redressai légèrement en m’appuyant sur les coudes et éteignis la petite lampe à huile posée sur ma table de chevet. Un mois seulement… pensai-je en me laissant lourdement retomber sur mon oreiller avant de sombrer dans le sommeil.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 28)

Ven 09 Juin 2023, 21:21
Chapitre 28
Elsa
 
Cette visite chez Silja la veille m’avait terriblement troublée. A chaque fois que j’y repensais, je suffoquais, j’avais l’impression de sentir une force extérieure me compresser la poitrine. Mais c’était les mots échangés entre Yéléna et la vieille femme qui m’avaient le plus blessée. J’avais tout juste l’impression de me sentir enfin acceptée comme j’étais par les autres, de pouvoir laisser ma magie s’exprimer sans aucune contrainte. J’avais ressenti ces paroles comme un coup de poignard. Les Northuldra pouvaient-ils vouloir se séparer de moi, ou pire, vouloir me faire disparaître une fois pour toute ?
Une branche craqua derrière moi. Je me retournai vivement, mains en avant, prête à user de mon pouvoir. Je reconnus immédiatement Honeymaren qui maintenait difficilement une dizaine de bûches en équilibre sur ses avant-bras. Elle paraissait gênée.

« Oh ! Excuse-moi, je ne voulais pas te déranger… me dit-elle timidement.
— Ne t’en fais pas, tu ne me déranges pas. Je réfléchissais simplement », la rassurai-je.

Elle leva un sourcil interrogateur, l’air soudainement inquiet.

« Rien de grave j’espère ? » me demanda-t-elle.

Je lui souris faiblement et secouai la tête, lui affirmant que non. Les morceaux de bois qu’elle tenait s’échappèrent soudainement de ses mains et vinrent s’écraser sur le sol. Honeymaren poussa un léger grognement de colère et s’abaissa pour les ramasser. Je m’approchai et saisis quelques bûches pour l’aider. La jeune femme me fit un signe de tête reconnaissant.

***

Le chemin jusqu’au camp Northuldra fut extrêmement silencieux. Nous n’échangeâmes pas la moindre parole. Je lui lançais régulièrement un regard en coin. Elle semblait mal à l’aise et retroussait de temps en temps son nez d’une façon que je trouvai adorable. Un léger sourire s’afficha sur mes lèvres, sans que je sache véritablement pourquoi.
Nous arrivâmes bientôt devant sa cabane. Je déposai le tas de bois que je tenais à l’arrière de son habitation, voyant que de nombreuses bûches y avaient déjà été entreposées. Honeymaren me fit un large sourire et me remercia. Alors que je m’apprêtai à repartir, elle saisit ma main. Le contact de ma peau glacée la fit frissonner. Ce geste me déstabilisa soudainement. 

« Je voulais te dire… »

Elle soupira, n’achevant pas sa phrase. Je retirai ma main de la sienne, soulagée de ne plus avoir à subir le contact d’une autre personne contre mon corps. Puis au bout de quelques instants, elle reprit :

« N’aie pas peur de ce que les gens pensent de toi. Tu nous as déjà prouvé que l’on pouvait te faire entièrement confiance. Ceux qui ne croient pas en toi ont tord. Tu n’es pas un danger, je le sais », dit-elle finalement en plongeant ses grands yeux bruns dans les miens.

Je n’osais pas la regarder. Je sentais les larmes me monter aux yeux et ma gorge se serrer. Je détestais montrer le moindre signe de faiblesse. La souffrance causée par l’isolation que je m’étais imposée durant mon enfance et mon adolescence ainsi que cette peur constante de faire du mal aux autres, étaient toujours profondément ancrées en moi. J’avais beau essayer de la refouler, les mots d’Honeymaren me ramenaient durement à la réalité : j’effrayais les Northuldra. Je tournais le dos à la jeune femme, les poings serrés. Je soupirai et partis sans une parole.

***

J’avais quitté le camp Northuldra et m’étais dirigée vers la Mer Sombre. Je n’y étais pas retournée depuis la mort du père d’Isaak. Au moment où je m’étais approchée de l’eau redevenue liquide, Nokk était apparu. J’avais longuement hésité avant de monter sur son dos, me rappelant la violence de notre dernière rencontre. Cette fois, il m’avait laissée faire, sans la moindre protestation.
A présent, je m’agrippais fermement à sa crinière et galopai à travers les vagues en direction d’Ahtohallan. Mes yeux étaient remplis de larmes. Je n’arrivais plus à les retenir. Les paroles d’Honeymaren m’avaient rappelé de tristes souvenirs. Où que je sois, les gens ne m’acceptaient pas entièrement. Ils doutaient de moi en permanence. Cependant, quelque chose d’autre m’avait troublée dans le comportement de la jeune femme. Quelque chose que je n’arrivais pas à expliquer. Sa façon de me regarder, de me parler, de tenter des rapprochements physiques… Tout ceci me mettait terriblement mal à l’aise sans que j’en sache l’exacte raison. Elle avait complètement changée et ne se comportait plus de la même manière avec moi. Cette soudaine proximité me semblait étrange. Je n’y étais pas habituée. Elle qui m’avait d’abord semblé si gentille et compréhensive me paraissait différente depuis sa rupture avec son ancien compagnon, Erik. Je m’étais véritablement sentie proche d’elle quelques mois auparavant, réussissant à me retrouver dans sa personnalité. Pourtant, depuis plusieurs semaines, je me sentais gênée en sa présence. J’avais donc préféré partir plutôt que de rester en sa compagnie. Pouvait-elle être… ? Non, c’était impossible.

***

Arrivée aux abords de la rivière gelée, je quittai le cheval, appuyant doucement mon front contre le sien pour lui murmurer un merci. J’avançai, posant ma main contre la paroi de glace que je devais longer pour arriver au centre du glacier. Mon cœur battait de plus en plus vite. Cet endroit me procurait toujours autant d’excitation que la première fois que j’y étais venue. Rien n’avait bougé depuis mon dernier passage. J’arrivai bientôt dans ce que j’appelais la « salle principale », là où j’avais découvert qui j’étais réellement : le cinquième esprit. Je déposai un pied sur la dalle qui m’était consacrée au centre de celles des quatre autres esprits. A ma grande surprise, rien ne se passa. Les immenses marques au sol ne s’illuminèrent pas comme prévu. Celles de l’esprit de la terre et du vent étaient devenues sombres et ne portaient plus leurs couleurs vertes et violettes habituelles. Je chantai alors les quelques notes qui m’avaient hantée des nuits durant : Ah Ah Ah Ah. Les souvenirs de mes parents et de mon passé ne surgirent pas comme je l’espérais.

« Tes parents ne t’ont pas appris à dire bonjour quand tu entres quelque part ? »

Je sursautai, laissant échapper plusieurs jets de glace de surprise. Silja se tenait derrière moi, appuyée sur une canne.

« Je ne savais pas que vous étiez… Que faites-vous… Enfin, comment… ? » bégayai-je, incapable de trouver mes mots.  

La vieille femme haussa un sourcil.

« Eh bien ! J’attends, dit-elle, impatiente.
— Pardon… Hum… Bonjour, fis-je en m’éclaircissant la voix.
— Il t’en aura fallut du temps ! Mais il vaut mieux tard que jamais… »

Je la regardais, bouche-bée.

« Mais… Que faites-vous ici ? demandai-je en reprenant mes esprits.
— Je viens me détendre un peu, je n’en pouvais plus du village ! Et toi, que venais-tu faire?
— Je venais me ressourcer simplement…
— En compagnie de tes vieux souvenirs ? m’interrogea-t-elle d’un air dubitatif.
— Disons que je l’espérais… Mais ils ne sont pas apparus pour une raison que j’ignore. Et maintenant je me retrouve avec vous à leur place… marmonnai-je de façon à ce qu’elle ne comprenne pas la dernière partie de ma phrase.
— Je t’ai entendue ! Je suis aveugle certes mais pas sourde ! fit-elle d’un ton mécontent. Ils ne sont pas apparus peut-être parce que tu devrais les oublier pour laisser de la place à de nouveaux souvenirs…
— Les oublier ? Non, jamais ! Ils sont tout ce qu’il me reste de mon enfance… Je ne peux pas oublier mes parents, c’est impossible…
— Ta mère n’a pourtant eu aucun problème avec ça », me répliqua sèchement Silja.

Je levai les yeux vers elle, choquée par ses propos. Je ne savais que répondre à cela. La Northuldra s’approcha de moi, chassant à l’aide de sa canne les quelques morceaux de glace que j’avais laissés échapper quelques minutes plut tôt et qui la gênaient dans sa progression. Elle porta une main à mon visage. Elle caressa lentement du bout des doigts mon front, mon nez, mes lèvres puis passa sa main dans mes longs cheveux blond platine. Elle semblait me visualiser dans son esprit grâce à ce mécanisme.

« Tu ressembles énormément à Iduna. Tu as le même visage qu’elle. Vos nez et vos lèvres sont identiques, me confia impassiblement la vieille femme. Nous verrons bien jusqu’où ira cette ressemblance »
.
Une larme coula sur ma joue et alla s’écraser sur la main de Silja. Elle l’essuya d’un geste. Ses yeux recouverts d’un voile blanc se posèrent fixement sur moi. Ils me rappelèrent soudain la douleur qu’elle avait dû ressentir en perdant ses enfants. Je ne lui en voulais pas de me dire de telles choses. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Elle avait subi ce qu’avaient certainement vécu les parents de ma mère lorsque celle-ci les avait brusquement quittés pour vivre avec mon père, sans plus jamais donner signe de vie.

« Que sont-ils devenus ? » demandai-je en reniflant.

La Northuldra comprit immédiatement à qui je faisais allusion.

« Ils sont morts de chagrin peu après qu’Iduna les ait abandonnés. Ils étaient dévastés, tout comme je l’étais ».

Silja s’éloigna de moi, se dirigeant vers la sortie. Je la suivis. Nous nous retrouvâmes bientôt face à la Mer Sombre, sur l’étendue de glace qui bordait Ahtohallan. Nokk réapparu en me voyant approcher. Je réalisai alors en le regardant que j’étais la seule à pouvoir le monter. Je me tournai vers Silja et lui dis, étonnée :

« Comment avez-vous fait pour venir jusqu’ici ? »

Elle sourit, s’attendant visiblement à ce que je lui pose cette question.

« Si tu te demandes si je suis grimpée sur le dos de cette vieille tête de mule de cheval, eh bien non je ne l’ai pas fait !
— Alors comment… »

Je n’eus pas le temps d’achever ma question. La vieille femme m’interrompit :

« Comme ça ! »

Elle frappa deux fois le sol avec sa canne. Un grondement sourd retentit autour de nous. Le sol se mit à trembler sous nos pieds. Je levai la tête vers la Northuldra ne comprenant pas ce qu’il se passait. Je vis soudain l’étendue d’eau devant nous se fendre en deux, laissant apparaître un chemin à travers les flots qui conduisait directement sur l’autre rive. Je restais médusée devant un tel spectacle. Silja dit en riant :

« Pourquoi crois-tu que l’on m’appelle la vieille folle du village ? Je ne sais peut-être pas maîtriser les esprits comme toi mais j’ai appris à contrôler la nature depuis bien longtemps ! »

Elle s’avança sur le passage qu’elle venait de créer et poursuivit sa route jusqu’à son retour sur la terre ferme. Je restai à l’observer, les bras ballants, auprès de Nokk. Décidemment, cette femme est pleine de surprises, songeai-je en souriant.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 29)

Ven 16 Juin 2023, 12:06
Chapitre 29
Honeymaren
 
Quelle idiote j’avais été ! Pourquoi donc avais-je abordé le sujet de son intégration parmi nous ? Je savais pourtant pertinemment que c’était une question sensible. J’avais bien vu qu’Elsa était plus distante avec les Northuldra depuis sa visite chez Silja. J’ignorais ce qu’elles s’étaient dit mais lorsque j’avais vu la tête de la jeune femme quand elle était ressortie de cette tente, j’avais compris que quelque chose la tracassait. Ses beaux yeux bleus n’avaient plus le même éclat. Elle semblait triste, effrayée, douteuse. Cela m’affectait aussi. Je n’aimais pas la voir dans cet état. Pourtant je n’avais pas su quoi lui dire. Rien n’était sorti de ma bouche pour lui remonter le moral. J’étais restée bêtement silencieuse jusqu’au moment de lui remémorer les craintes de certains à son sujet, enfonçant ainsi le couteau dans la plaie semblant déjà bien ouverte. Mais que lui dire de plus ? C’était la vérité. Elle était certes blessante mais demeurait réelle. Les gens avaient peur. La haine grandissait dans les cœurs et les esprits. Une haine silencieuse mais qui ne tarderait pas à éclater au grand jour, je le craignais de plus en plus.
***     
Je préparais distraitement à manger pendant que Ryder ramassait les copeaux de bois que j’avais laissés trainer un peu partout dans la pièce. Je remuai mécaniquement ma cuillère dans la marmite devant moi, sans même prêter attention à ce que je faisais.
« Honeymaren ça sent le brûlé ».
Je savais que Silja était un peu… spéciale. Mais au point de perturber Elsa de cette manière… Non il y avait forcément autre chose.
« Honeymaren ! »
C’est vrai qu’Elsa avait toujours eu ce petit air inquiet et préoccupé, c’était dans sa nature. Mais là c’était différent. Quelque chose de plus profond. Je le voyais dans ses yeux. Elle n’était plus la même qu’au début de sa rencontre avec les Northuldra.
« HONEYMAREN ! »
Le cri de mon frère, que je n’avais pas entendu jusque là, me ramena brutalement à la réalité. Une épaisse fumée noire s’élevait de la marmite. Tout bouillonnait à l’intérieur. Ryder se précipita vers une fenêtre et l’ouvrit en grand.
« Mais enfin, qu’est-ce qui te prend ? » me dit-il d’un ton plein de reproches.
Je ne réagis pas. Il soupira, désespéré.
« Notre dîner est immangeable maintenant… s’exaspéra-t-il.
— Dans ce cas, ça ne te changera pas de quand c’est toi qui fais la cuisine », lâchai-je sans réfléchir.
Ryder parut vexé et ajouta amèrement :
« Très bien. Débrouille-toi. »
Il sortit de la cuisine sans me laisser dire un mot de plus. Je regardai la marmite bouillante. Je pris une carafe d’eau et, d’un geste rageur, en vidai le contenu sur le feu qui crépitait en-dessous. Je partis m’affaler dans le canapé, épuisée mentalement.
***     
Les jours passèrent. Je n’en avais pourtant pas l’impression. La notion du temps ne m’intéressait plus. J’étais entièrement coupée du monde extérieur. Plus rien ne m’importait. Je me sentais vide de toute émotion, comme si mon esprit ne faisait plus partie de mon corps. Il semblait lointain, perdu au milieu des quelques pensées qui me traversaient de temps à autre. J’étais au plus mal. Je ne mangeais presque plus. Je n’avais pas faim. Je n’avais plus qu’une chose en tête : Elsa.
Depuis notre dernière discussion, elle semblait m’éviter, ce qui me faisait souffrir en silence. J’étais ressortie une fois pour tenter de la retrouver. J’étais restée la plus naturelle possible en la croisant enfin au détour du campement Northuldra mais sa réaction avait été glaciale. Elle avait continué son chemin, sans même me prêter attention. Depuis, Je passais mes journées dans mon lit, à fixer le plafond, ne trouvant plus aucun intérêt à aller me promener dans la forêt comme je le faisais auparavant. Je ne voulais plus croiser la jeune femme. Je ne supportais plus son regard froid qui m’ignorait, comme jamais il ne l’avait fait.
Ryder venait régulièrement me voir. C’était la seule personne que j’acceptais à mes côtés. Lors de ses visites, je ne lui adressais pas la parole et restais immobile dans mon lit, fixant un point devant moi sans jamais le lâcher du regard. Je répondais de temps en temps à ses questions par des grognements sans conviction. Mon frère semblait inquiet pour moi et ne comprenait pas ce que j’avais. Je ne le comprenais pas non plus à vrai dire. Ou plutôt, je ne voulais pas le comprendre.
***     
Ce matin-là, je restai blottie au chaud sous mes draps avec cette irrémédiable envie de ne rien faire, à part rester prostrée dans ma chambre pour le restant de mon existence. Je vis soudain un rai de lumière apparaître sur le mur en face de moi : on ouvrait ma porte. J’entendis des chuchotements dans mon dos. Je reconnus tout de même la voix de mon frère. Mais il n’était pas seul. Il était accompagné d’une autre personne que je n’arrivais pas à déterminer malgré tous mes efforts. Je me retournai pour leur faire face. Je découvris, horrifiée, Silja qui se tenait sur le seuil de ma chambre, aux côtés de Ryder. Tous les deux me fixaient. Mon jumeau avait le même regard rempli de pitié qu’il conservait depuis le début de ma subite dépression tandis que la vieille femme affichait une mine dubitative. Elle  s’approcha alors de moi, tenant un morceau de branche de pommier dans une main. Je m’enfonçai un peu plus dans mon lit pour m’éloigner d’elle. Elle saisit brusquement mon bras, ne me laissant pas faire un geste supplémentaire. Silja déposa la branche sur ma table de nuit, se tourna vers mon frère et lui dit posément :
« J’aurais besoin que tu nous laisses seules un moment. »
Ben voyons, pensai-je, si c’est pour que je ressorte dans le même état qu’Elsa, c’est sûr que c’est mieux s’il n’y a pas de témoin. Je vis alors mon jumeau se retirer, m’abandonnant, terrorisée, aux mains de la vieille Northuldra. Cette dernière posa une main sur mon front. J’étais brûlante.
« Depuis combien de temps es-tu enfermée dans cette minuscule pièce ? me demanda-t-elle.
— Qua… Quatre jours… » réussis-je à articuler.
Silja se dirigea vers la fenêtre et ouvrit en grand les volets. La lumière m’éblouit. N’étant plus habituée à une telle luminosité, j’eus besoin de plusieurs secondes avant de pouvoir rouvrir les yeux.
« Là, c’est mieux », reprit la vieille femme, satisfaite de sentir la chaleur du soleil sur sa peau.
Elle revint vers moi et retira mes draps d’un coup sec avant que je ne puisse faire quoi que ce soit. A la fois surprise et gênée, je croisai les bras par-dessus ma poitrine, n’ayant qu’un pyjama sur moi. Ayant compris qu’elle m’avait surprise et que je devais être peu habillée, Silja sourit et dit :
« Je te rappelle ma petite que je suis aveugle ! Tu pourrais être nue, je ne verrais rien ! »
Je rougis. La simple perspective d’être nue devant la vieille femme me dégouta. Elle s’assit à côté de moi et posa sa main sur mon ventre, sous le fin débardeur blanc que je portais. Elle me fit respirer le plus lentement possible. Au bout de quelques minutes, elle brisa de nouveau le silence :
« Tu es angoissée. Mais tu ne souffres d’aucun mal physique. Cependant, je pense savoir ce qui est à l’origine de ton mal être… Ou plutôt qui. »
La panique me gagna instantanément. Non, elle ne pouvait pas savoir, c’était impossible.
« Je suis peut-être vieille et faible mais je sais encore reconnaître ce genre de choses, continua Silja. Tu devrais lui dire.
— Lui dire quoi ? lui demandai-je interloquée.
— Eh bien la vérité. Que tu l’aimes. »
Je restai interdite. Tout se bousculait en moi. Je ne pensais pas qu’entendre ces mots me ferait cet effet. Je n’avais pas véritablement envisagé cette option. Cela me semblait impossible. Après ce qu’il s’était passé avec Erik, je ne pouvais pas dire une chose pareille à quelqu’un. Je n’étais pas prête.
« Tu n’iras pas mieux tant que tu ne le lui auras pas dit et tu le sais, remarqua la vieille femme.
— Je ne peux pas… Elle me rejettera… Et… c’est une femme…
— Très bien. Dans ce cas tu as raison. Reste là à te morfondre au fin fond de ton lit. »
Silja se releva et sortit de la pièce. Je me redressai et me regardai dans le grand miroir en face de moi. Je n’étais pas belle à voir. J’étais toute pâle, n’ayant pas vu la lumière du jour depuis quelques temps, mes cheveux étaient complètement ébouriffés et j’avais de gros cernes sous les yeux. Le miroir me renvoya le reflet de la branche de pommier que la vieille Northuldra avait laissée sur ma table de nuit. Je me tournai vers elle et la pris dans mes mains. Le pommier, symbole de l’amour, pensai-je en souriant. Silja savait donc avant même de venir me voir. Je me levai d’un bond et me dirigeai vers la chaise sur laquelle j’avais laissé mes vêtements. Je pris une des feuilles de la branche et la fourrai dans la poche de mon manteau en peau de renne. Allez, un peu de motivation, m’encourageai-je intérieurement.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 30)

Dim 25 Juin 2023, 21:21
Chapitre 30
Ryder
 
Je n’avais jamais vu Honeymaren dans cet état. Elle qui était d’ordinaire si calme, si sérieuse, avait brusquement basculé dans la dépression, sans que j’en sache la raison. Son regard vide permanent avait été comme un coup de massue pour moi. Ce n’était plus ma sœur. Inquiet, je m’étais précipité chez Silja, espérant que celle-ci trouverait l’origine de son mal. La vieille femme n’était restée que quinze minutes auprès d’Honeymaren et était repartie silencieusement en s’appuyant sur sa canne, sans me dire quoi que ce soit sur leur entrevue. Je l’avais alors inondée de questions, espérant en apprendre davantage sur l’état de ma jumelle. La vieille Northuldra s’était arrêtée, s’était tournée vers moi et avait attrapé mon visage entre ses mains.
 « Ne sois pas si impatient Ryder, m’avait-elle dit posément. Tu le découvriras tôt ou tard. »
Puis elle était partie, me laissant seul avec mes interrogations. A peine cinq minutes plus tard, Honeymaren était sortie en courant de sa chambre, habillée, coiffée et toilettée. J’étais resté cloué sur place, bouche-bée. Elle s’était alors précipitée vers la cuisine et en était ressortie tenant du pain et de la confiture entre ses mains. En deux temps trois mouvements, elle s’était faite six tartines qu’elle avait avalées presque sans mâcher, elle qui n’avait pas mangé depuis quatre jours. Sous mes yeux ahuris, elle s’était dirigée vers moi et avait refermé ma bouche que j’avais gardée ouverte de stupéfaction jusqu’ici.
« A tout à l’heure ! » m’avait-t-elle joyeusement lancé avant de sortir pour profiter de la douce chaleur de cet après-midi ensoleillé.
Je n’avais pas bougé, sous le choc d’un tel contraste entre la jeune femme que j’avais connue durant les quatre jours précédents et celle qui me faisait à présent face.
***     
Je contemplais, pensif, les petits rennes qui étaient nés depuis à peine deux semaines. Ils gambadaient déjà fièrement derrière leur mère, même si leurs petites pattes encore fragiles manquaient de s’empêtrer régulièrement. Les deux femelles qui attendaient encore leur petit ne donnaient aucun signe d’une mise bas éventuelle. Je veillais tranquillement sur elles et sur le restant de mon troupeau, m’assurant qu’ils aient toujours le peu d’herbe fraîche restant à leur disposition. Je vis alors au loin une silhouette s’approcher rapidement. Je plissais les yeux, espérant mieux la distinguer. Je reconnus presque immédiatement de qui il s’agissait. Je souris en voyant arriver Kristoff sur le dos de Sven.
« Kristoff ! Ça faisait longtemps ! Que fais-tu ici ?
— Tu me manquais trop je n’ai pas eu d’autre choix que de venir te voir ! » me taquina le jeune homme en descendant du renne et en venant me donner un petit coup de coude dans les côtes.
Je ris. Je n’avais pas vu mon ami depuis plusieurs mois. La saison hivernale avait été très rude cette année, empêchant quiconque de faire le voyage entre Arendelle et la forêt enchantée.
« Combien de temps restes-tu ? lui demandai-je.
— Quelques jours seulement. Je ne peux pas laisser Anna seule au château trop longtemps… Elle a besoin de moi. Et puis, elle m’a demandé de venir chercher Elsa pour la ramener à Arendelle vendredi soir. »
J’écoutais distraitement Kristoff. J’enviais mon ami pour sa relation avec la jeune reine, moi qui n’avais jamais été très doué dans ce domaine. Pourtant, il semblait différent. Quelque chose sur son visage avait changé depuis la dernière fois que je l’avais vu. De gros cernes sous ses yeux trahissaient sa fatigue. Il continuait de parler, même si je ne l’écoutais plus vraiment. Kristoff ne remarqua pas mon air distrait et poursuivit :  
« J’ai beau dire à Anna que les géants de la Terre pourraient emmener sa sœur jusqu’à Arendelle, elle ne veut rien entendre et préfère que ce soit moi qui… »
Je sortis soudain de mes pensées.
« Tu n’es pas au courant ? » l’interrompis-je alors.
Le jeune homme parut surpris, laissant définitivement sa phrase en suspens.
« Au courant de quoi ? me demanda-t-il en fronçant les sourcils.
 — L’esprit de la terre et du vent ont disparu il y a des mois déjà. Personne ne sait pourquoi, pas même Elsa ou Yéléna. Les géants ne sont plus là Kristoff… »
Mon ami resta bouche-bée pendant quelques secondes.
« Tu n’as pas remarqué tous ces changements autour de nous ? repris-je en désignant du menton les troncs noircis des arbres de la forêt enchantée autour de nous.
— Si, bien sûr que si. Arendelle est dans le même état. Mais je ne pensais pas que cela pouvait être aussi grave… »
La mine déconfite de Kristoff me fit une fois de plus prendre conscience de la gravité de la situation. Je décidai de changer rapidement de sujet pour éviter de gâcher un peu plus l’ambiance de nos retrouvailles :
« Alors comment ça se passe avec ta future femme ? » fis-je en lui adressant un clin d’œil complice.
Le jeune homme conserva son air dépité. 
« Bien, enfin je crois… » me répondit-il d’un ton peu convaincant.
Je décelai une pointe d’anxiété dans sa voix. Je fronçai les sourcils, peu habitué à ce comportement de la part de mon ami, d’ordinaire plus joyeux et farceur.
« Votre mariage est prévu pour bientôt je crois ? repris-je, faisant semblant de ne pas avoir remarqué son attitude étrange.
— Oui, dans trois semaines… soupira-t-il tout en s’allongeant dans l’herbe.
— Si je ne te connaissais pas aussi bien, je pourrais penser que ça ne te réjoui pas vraiment… » dis-je en lui adressant un sourire en coin.
Il y eut un instant de silence. Puis, Kristoff reprit la parole :
« Ce n’est pas tellement le mariage qui m’effraie. C’est plutôt ses conséquences…
— Tu ne te sens pas prêt à devenir roi c’est ça ?
— Non pas du tout ! Ryder tu… enfin… tu es comme moi. Tu n’es pas issu d’une famille royale, tu sais ce que je ressens…
— Pourquoi n’en parles-tu pas à Anna ? proposai-je.
— J’ai essayé…  A plusieurs reprises même… Mais à chaque fois elle a cherché à me rassurer en me disant que tout ira bien.
— Elle n’a peut être pas tord Kristoff. Elle a confiance en toi et elle sait de quoi tu es capable. Et je pense aussi que tu t’en sortiras parfaitement ! Et puis, qui ne craquerait pas pour un petit blondinet aussi adorable que toi ? » dis-je avec un ton moqueur, tout en ébouriffant les cheveux de mon ami. 
Il rit en faisant mine de me repousser. Puis, il se jeta sur moi sans prévenir, avant même que je ne puisse me défendre. Il m’attrapa, coinça ma tête dans le creux de son coude et me décoiffa à mon tour. Après avoir réussi à me dégager, nous nous chamaillâmes encore pendant plusieurs minutes, tels deux frères. Nous finîmes par nous arrêter, le souffle coupé tellement nous avions ri. Nous restâmes étendus sur l’herbe, l’un à côté de l’autre, à observer les nuages qui flottaient dans le magnifique ciel bleu.
« Et toi ? Tu n’as pas une personne en particulier en vue ? » me demanda Kristoff en me jetant un regard en coin.
Je restai interdit, ne sachant que répondre. En temps normal, je lui aurais répondu non sans hésitation et lui aurais fait remarquer que sa question était stupide. Cette fois-ci, quelque chose d’inconnu m’en empêchait. Mes mots semblaient retenus par une force intérieure et refusaient de sortir de ma bouche. Kristoff se redressa, un sourire railleur aux lèvres en voyant mon manque de réaction.
« Ça, ça veut dire oui ! » me taquina-t-il.
Je mis quelques secondes avant de répondre :
« Non !
— Tu as hésité !
— Non c’est pas vrai ! »
Je rougis subitement, voyant que je n’arriverais pas à convaincre le jeune homme. Une ombre passa soudainement au-dessus de nous. Je levai la tête et vis Yéléna, appuyée sur son bâton, qui se tenait juste derrière nous. Elle se racla la gorge, voyant que nous restions allongés au sol en sa présence. Reprenant mes esprits, je me relevai précipitamment et saluai poliment la chef Northuldra. Kristoff m’imita après un instant d’hésitation. Je remerciai intérieurement Yéléna d’être arrivée à ce moment-là, me rendant compte qu’elle venait de m’éviter un long moment de justifications inutiles  auprès de mon ami.
« Ryder… tes rennes ! » me dit désespérément la chef Northuldra en désignant le pâturage derrière moi.
Je me retournai vivement, réalisant que je n’avais plus prêté attention à mes bêtes depuis l’arrivée de Kristoff. La clairière dans laquelle je les avais laissés était vide.
« Oh non ! Où sont…
— Dans le village », m’interrompit calmement Yéléna, visiblement habituée à mon manque de surveillance concernant mon troupeau.
Je regardai Kristoff. Nous nous comprîmes en un regard. Nous montâmes immédiatement sur le dos de Sven et partîmes au galop vers le campement.
***     
Tout avait été saccagé. Les beaux parterres de fleurs qui entouraient de nombreuses cabanes avaient été piétinés. Les tas de bois parfaitement entassés aux abords des petites habitations avaient été renversés, tout comme les seaux d’eau qu’avait été remplir chaque habitant le matin-même pour son approvisionnement personnel. Les rennes étaient éparpillés un peu partout dans le camp, broutant tranquillement l’herbe verte, sans se soucier du désastre qu’ils avaient causé. Je déglutis péniblement devant ce spectacle. Yéléna posa une main sur mon épaule.
« Je te charge bien évidemment de réparer les dégâts que tu as provoqués. Et seul », ajouta-t-elle en lançant un regard noir à Kristoff.
Je soupirai, désemparé, mais me mis aussitôt à la tâche.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (chapitre 31)

Ven 30 Juin 2023, 19:33
Chapitre 31
Anna
 
Le soleil de l’après-midi tapait contre les vitres du palais. Quelques rayons de lumière se posèrent sur mon visage et donnèrent de jolis reflets roux à mes cheveux. Je souris et fermai les yeux en sentant leur douce chaleur sur ma peau. Le mois de mai approchait à grands pas. Enfin ! J’allais bientôt me marier ! A cette pensée, je sentis des petits picotements d’excitation dans le bas de mon ventre. Jamais cette perspective ne m’avait paru aussi proche. Je rouvris les yeux, revenant à la réalité. Je vis les nombreux tas de dossiers posés sur le bureau en face de moi et poussai un soupir de lassitude. Comment ma sœur avait-elle pu se charger d’autant de choses durant son règne, sans jamais sourciller ? Je n’étais pas aussi courageuse et assidue qu’elle. Ces courriers officiels m’ennuyaient au plus haut point. J’ouvrais les lettres une à une en parcourant rapidement leur contenu, sans y prêter davantage attention. Je me rendis alors compte que Kai, le majordome, avait soigneusement empilé les faire-part de mon mariage avec Kristoff sur un coin de mon bureau. Il ne manquait plus que le cachet royal avant de pouvoir les envoyer aux représentants des royaumes alentours afin de les y convier. Je marquai alors consciencieusement d’un sceau chacune des invitations. C’est officiel, me dis-je intérieurement après avoir cacheté le dernier faire-part.
« Kai ! »  appelai-je.
J’entendis des pas précipités dans le couloir puis vis le domestique apparaître dans l’embrasure de la porte du cabinet dans lequel je me trouvais.
« Vous m’avez demandé Votre Majesté ? » me demanda-t-il poliment.
Je me retins de rire en entendant le ton solennel que prenait le majordome à chaque fois qu’il s’adressait à moi.
« Je souhaiterais que vous fassiez parvenir au plus vite ces faire-part annonçant mon futur mariage aux royaumes voisins, lui dis-je en essayant de garder mon sérieux.
— Bien Votre Altesse. Je m’assurerai que le bateau qui les transportera parte demain matin à la première heure. »
Il prit le paquet de lettres que je lui tendais. Je remarquai alors l’air exaspéré qu’il affichait, lui qui paraissait de plus en plus aigri et réticent à mon mariage avec Kristoff. Au fur et à mesure que les jours passaient, son visage et ses expressions devenaient toujours plus froids lorsque nous abordions ce sujet. Avant même que je ne puisse lui faire la moindre réflexion, le majordome fit une légère révérence et repartit aussi vite qu’il était arrivé. A peine eut-il quitté la pièce que je m’affalai sur mon siège, incapable de me tenir droite une minute de plus. Je me massai les tempes dans l’espoir d’atténuer un mal de crâne qui revenait de plus en plus fréquemment. Je tournai la tête vers la pendule à ma gauche. Seize heurs trente-cinq. Allez, un peu de courage, me motivai-je malgré moi.
***     
 Quelques heures plus tard, je me retrouvais à regarder tristement le soleil couchant depuis le balcon de ma chambre. Les derniers rayons de lumière rendaient l’eau du fjord scintillante. Le ciel avait pris une jolie teinte rose-orangée. Je soupirai devant ce magnifique spectacle. Kristoff me manquait terriblement, bien que ce fût moi qui l’ai envoyé chercher Elsa. Je me remémorai alors le dernier baiser que nous avions échangé avant son départ pour la forêt enchantée hier après-midi. Je fermai les yeux, imaginant ses lèvres chaudes et douces contre les miennes. Je souris à cette pensée. Il doit certainement être arrivé, supposai-je. On frappa à ma porte, ce qui me tira de mes songes.
« Entrez », dis-je, déçue de ne pouvoir profiter davantage de ce court instant de bonheur.
Ce fut de nouveau Kai qui ouvrit la porte.
« Le dîner est servi votre Altesse, m’annonça-t-il.
— J’arrive tout de suite ».
Je me tournai une dernière fois vers l’extérieur. Le soleil avait disparu à l’horizon.
***     
Une heure plus tard, je revins dans ma chambre et me jetai à plat ventre sur mon lit. J’avais beaucoup trop mangé. Le repas m’avait paru extrêmement long sans la compagnie de Kristoff. N’ayant aucune autre distraction, j’avais englouti tout ce que l’on m’avait présenté. Combien de fois avais-je repris une part de gâteau au chocolat ? Cinq, six fois ? Je ne savais plus très bien.
Je me mis sur le dos, fixant le plafond. Je me sentais terriblement vide, même après avoir avalé autant de nourriture. Non, ce n’était pas lié, c’était un sentiment plus intense, plus profond, plus douloureux. Je n’avais jamais ressenti de telles sensations. Je comprenais enfin ce qu’était l’amour, à la fois tendre et douloureux, joyeux et triste, passionnel et haineux. Il décuplait nos sentiments, que ce soient les pires ou les meilleurs. Jamais je n’avais été aussi heureuse et triste à la fois. J’aimais Kristoff plus que tout au monde. J’avais vécu et je vivais les meilleurs moments de ma vie en sa compagnie. Mais dès qu’il n’était pas là, je ressentais une déchirure intérieure si profonde que je me retrouvais presque morte et incapable de vivre en son absence.
Je me levai et quittai ma chambre, incapable de calmer mon trouble. Le couloir était sombre et silencieux. Tous dormaient. J’étais seule. Je me déplaçais le plus silencieusement possible. Mes pieds nus sur le parquet ne faisaient pas le moindre bruit. Cette sensation me rappela subitement mes sorties nocturnes lorsque j’étais enfant dans l’espoir de retrouver Elsa dans sa chambre. Je me remémorai cette immense déception lorsque, chaque nuit, je me rendais compte que l’unique porte me séparant de ma sœur était en permanence verrouillée, m’empêchant d’aller la retrouver. Je me souvins de la peur de me faire surprendre par mes parents, cette même angoisse qui me serrait la gorge, bien des années plus tard alors qu’Iduna et Agnarr n’étaient plus de ce monde…
Je me rendis dans la pièce voisine, la chambre de Kristoff. Elle était affreusement vide, dépourvue de vie et de chaleur. Tout était calme. Trop calme. Je frissonnai. Cette situation me rappela subitement la première scène de mon cauchemar, identique à celle que je vivais actuellement. L’image d’Elsa et Kristoff s’embrassant me revint alors en mémoire. Mes poings se serrèrent. Je secouai la tête, chassant ce souvenir glaçant de mon esprit. J’entrai et allumai un feu dans l’imposante cheminée pour contrer la fraîcheur de la nuit qui gagnait peu à peu le palais. Je regardai quelques instants les flammes rouges et jaunes danser dans l’âtre, puis vins me blottir dans les draps de Kristoff. Ils étaient imprégnés de l’odeur du jeune homme, ce qui m’apaisa immédiatement. Je m’enroulai un peu plus dedans en m’imaginant dans ses bras. J’enfouis mon visage dans un des deux oreillers du lit. Une larme coula sur ma joue. J’étais à fleur de peau. Toute la fatigue accumulée ces derniers jours me rendais extrêmement sensible et l’absence de Kristoff n’arrangeait rien. Je passai doucement mes mains sous l’oreiller pour le presser davantage contre ma tête. Soudain, mes doigts effleurèrent quelque chose d’inhabituel. Quelque chose de lisse, doux et légèrement rugueux. Du papier, pensai-je. Je me redressai brusquement et sortis l’objet de sa piètre cachette. Il s’agissait bel et bien d’une feuille de papier que l’on avait pliée en quatre. Je l’ouvris délicatement, rongée par la curiosité et le cœur battant. Je découvris une lettre :
 
J’imagine que si tu lis ce message c’est que je dois terriblement te manquer, au point de venir occuper mon lit… Peu importe ! Sache que je n’aime pas non plus être loin de toi, sans pouvoir caresser tes cheveux si doux, sentir ton parfum si agréable et voir tes grands yeux bleus qui me manquent tant. Je pense très fort à toi, où que je sois au moment où tu lis ces quelques mots. Je te promets que nous rattraperons tous les instants que nous aurons ratés vendredi quand je rentrerai. D’ici là, essaye de ne pas trop baver sur mon oreiller en pensant à moi ! Je t’embrasse très fort mon amour… Je t’aime.
 
PS : ne t’avise pas de venir trop souvent dans ma chambre le soir (même si j’avoue que cela doit être très tentant…) ! On ne sait jamais, tu pourrais garder cette habitude même après mon retour… Il ne faudrait pas que cela dérape et que nous fassions quoi que ce soit avant notre mariage…
 
Kristoff
 
A la fin de ma lecture, je fus surprise de remarquer que je souriais bêtement, sans même m’en être rendu compte auparavant. Je caressai du bout des doigts l’écriture bancale et irrégulière de Kristoff. La sensation de vide qui m’avait oppressée quelques minutes plus tôt avait totalement disparu, laissant place à un sentiment de légèreté. Je me laissai alors retomber en arrière sur le lit en soupirant de bonheur. Mon futur mari me réservait toujours des surprises et c’était ce que j’aimais par-dessus tout dans notre relation.
« Moi aussi je t’aime », murmurai-je doucement en pressant la lettre contre ma poitrine.
Je fermai les yeux et m’endormis rapidement dans la chambre du jeune homme.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 32)

Ven 07 Juil 2023, 17:45
Chapitre 32
Elsa
 
Je regardais la lune et les étoiles depuis la fenêtre de ma cabane. Leur luminosité contrastait fortement avec le noir de la nuit. Il n’y avait pas le moindre bruit, pas même un gazouillement d’oiseau. J’avais décidé d’habiter en contrebas du campement des Northuldra, ayant toujours gardé mon petit côté solitaire. J’aimais pouvoir me retrouver seule de temps en temps, sans être dérangée par les questions incessantes des uns et des autres sur mon passé. J’ouvris doucement la fenêtre. La chaleur s’abattit sur moi. Aucune brise ne vint caresser mon visage. Je ne m’y étais pas encore habituée, bien que la disparition de l’esprit du vent remonte déjà à plusieurs mois.
Soudain, on frappa à ma porte. Je regardai l’heure. Vingt-trois heures cinquante. Qui donc pouvait être décidé à se promener dans les bois à cette heure-ci ? Je me dirigeai vers l’entrée, curieuse. En ouvrant la porte, je découvris Honeymaren se tenant parfaitement droite sur le seuil de ma cabane.
« Que se passe-t-il ? », lui demandai-je, étonnée de la voir si tardivement.
La jeune femme baissa les yeux et me dit timidement :
« Elsa, je… »
Elle soupira.
« Je suis vraiment désolée pour ce que je t’ai dit concernant ton intégration… Je ne voulais pas te blesser, j’ai parlé sans réfléchir…
— Ne t’en fais pas, c’est oublié, lui répondis-je en souriant.
— Vraiment ? Quand j’ai vu que tu m’évitais, je pensais que tu m’en voulais d’avoir abordé ce sujet… »
Je me mordis la lèvre inférieure. Devais-je lui dire la réelle raison de cet éloignement ? De l’embarras dans lequel elle me mettait quand j’étais à ses côtés ? Je la regardai. La lumière de la lune se reflétait sur son visage et dans ses yeux. Je fus surprise de réaliser que la vue de la jeune femme m’attendrissait subitement.
« Je suppose que tu n’es pas venue uniquement pour t’excuser… n’est-ce pas ? » fis-je en détournant mon regard, avant qu’elle ne remarque quoi que ce soit.
Honeymaren parut gênée. Elle triturait nerveusement ses doigts, ne sachant que répondre. Je soupirai.
« Viens, entre. On étouffe avec cette chaleur, lui proposai-je en espérant tout de même qu’elle ne s’éterniserait pas.
— Merci », me répondit-elle en souriant, visiblement soulagée que je change de sujet.
Je ne savais que lui dire de plus. L’intérieur de ma cabane était assez petit. Nous longeâmes rapidement le minuscule couloir tout en gardant le silence. Je ne recevais que très rarement de la visite, si bien qu’il y avait peu de meubles et les pièces étaient juste assez grandes pour une personne. La plus spacieuse était la chambre. En passant devant, je me rendis compte que je n’avais pas refermé la fenêtre et que la chaleur extérieure gagnait petit à petit la pièce. J’approchai et la rabattis immédiatement. Je me retournai et vis Honeymaren immobile dans l’encadrement de la porte. La seule source de lumière était les rayons de la lune qui s’infiltraient dans la pièce par la fenêtre. Je poussai un soupir et vins m’asseoir sur le rebord du lit. Je tapotai le matelas à côté de moi pour l’inviter à faire de même. La jeune femme s’approcha et s’installa près de moi. Je la regardai. Elle fixait le sol, le souffle court. Je vis alors une larme couler le long de sa joue. Elle l’essuya rapidement du revers du coude, tout en reniflant. Je souris. Ses gestes me rappelaient ceux d’Anna. Je retrouvais en elle ce petit côté enfantin si caractéristique de ma sœur. Je m’aperçus cependant qu’elles dégageaient toutes deux des choses bien différentes, malgré leur similitude de comportement. Lorsqu’il s’agissait d’Anna, j’aimais la taquiner et rire de son attitude alors que je trouvais que cela donnait un charme tout autre à la jeune Northuldra.
Honeymaren fouilla dans la poche de son long manteau. Elle en ressortit une feuille d’arbre, sans que je puisse distinguer quoi que ce soit de plus dans la pénombre. Je lui lançai un regard interrogateur.
« C’est une feuille de pommier », me dit-elle calmement, tout en en caressant les bords.
Cette information ne m’éclaira pas davantage. Elle se tourna alors vers moi. Pour la première fois depuis qu’elle était arrivée, elle me regardait droit dans les yeux sans sourciller. Son regard était intense, ses pupilles étaient dilatées. Elle inspira profondément et dit :
« Le fait que tu m’aies rejetée pendant plusieurs jours m’aura au moins servi à réaliser quelque chose… »
Je me sentais de plus en plus mal à l’aise. Elle baissa les yeux, voyant ma gêne.
« Pendant longtemps je n’ai pas compris de quoi il s’agissait mais il a simplement fallu qu’on m’ouvre les yeux », continua-t-elle.
Mon cœur s’emballa. Je faillis m’étouffer en avalant péniblement ma salive. Honeymaren guettait discrètement mes réactions. Puis, elle reprit :
« Elsa… Quand je t’ai vue pour la première fois, tu as radicalement changé quelque chose en moi. Je n’ai pas su dire de quoi il s’agissait. Mais au fil des mois, des conversations et des regards échangés j’ai pris conscience que tout ce que j’avais fait jusqu’ici, je l’avais toujours fait en fonction des autres, et jamais dans mon propre intérêt. Ma relation avec Erik m’a ouvert les yeux et j’ai enfin accepté ce que je refusais de croire pendant tout ce temps. »
La température chuta brusquement dans la pièce. Des flocons commencèrent à tomber du plafond. J’avais beau essayer de contenir mes émotions comme je le pouvais, mes pouvoirs reprenaient petit à petit le dessus sans que j’en sache la raison. La jeune femme sourit tout en regardant la feuille qu’elle tenait toujours dans ses mains. Je retins mon souffle.
« Et j’ai compris que si je voulais vraiment être heureuse, si je voulais enfin vivre ma vie comme je l’entendais, je devais faire un choix décisif et prendre un risque », poursuivit-elle.
Elle leva de nouveau la tête vers moi. Ses grands yeux bruns pétillaient.
« Je crois que… »
Elle se mordit la lèvre.
« Je t’aime… », murmura-t-elle doucement.
Je la regardai, bouche-bée. Les flocons tourbillonnaient autour de nous dans un vent glacial qui venait de se créer. Mon rythme cardiaque était de plus en plus rapide et ma respiration était irrégulière. Je tentais de me calmer par tous les moyens, sans succès. Je jetai un regard à Honeymaren que je voulais le plus froid possible. En vain. Lorsque je la regardais, un doux frisson me parcourait et je me retrouvais incapable de lui en vouloir. Je voulus la repousser, m’éloigner d’elle. Mais quelque chose au fond de moi m’en empêchait, m’obligeait à rester sur place. Je vis la jeune femme claquer des dents. Ses mains tremblaient. Je me rendis alors compte que la pièce autour de nous était recouverte de givre, plongeant la chambre dans un froid polaire. Je ne ressentais rien, habituée depuis bien longtemps à ces températures extrêmes. Je retirai la longue cape qui était accrochée dans mon dos et m’approchai d’Honeymaren pour lui couvrir les épaules avec. Je n’eus pas le temps de faire un geste supplémentaire. La jeune femme se pencha brusquement vers moi et caressa doucement ma joue.
« Qu’est-ce que tu… »
Je ne pus achever ma phrase. Elle m’embrassa fougueusement, ne me laissant pas l’occasion de réagir. Elle passa une main derrière ma nuque, m’attirant un peu plus contre elle. La minuscule tempête créée au sein de ma chambre disparut aussitôt. Sur le coup de la surprise, je ne réagis pas. Je restai figée quelques secondes, ressentant comme une vive chaleur dans le bas du ventre. Puis, reprenant mes esprits, je la repoussai vivement, interrompant ce baiser inattendu. La Northuldra semblait tout aussi surprise que moi de sa réaction.
« Qu’est-ce qui t’as pris ? soufflai-je de façon presque inaudible en fixant le sol.
— Elsa je ne voulais pas… Je suis désolée… »
Sa voix tremblait. Honeymaren se remit à pleurer. Une vive douleur m’oppressa soudainement la poitrine.  Des stalactites se formèrent alors au plafond. Je n’avais plus le contrôle. J’inspirai profondément, tentant d’ignorer la brûlure que je ressentais à l’intérieur de ma cage thoracique.
« On ne peut pas… dis-je calmement. Nous sommes deux femmes. C’est impossible.
— Elsa je t’en prie ! Je ne peux plus continuer à vivre de cette façon, en essayant de refouler mes sentiments en permanence ! J’ai essayé et ça n’a pas fonctionné. Au contraire ça s’est empiré ! » hurla-t-elle.
Les larmes inondaient ses joues à présent.
« On ne peut pas ! crai-je en pesant chacun de mes mots.
— Je le sais. Ce que j’aimerais savoir c’est si TU le veux. »
Je regardai la jeune femme, sans savoir quoi répondre. Elle se rapprocha de moi. Les larmes dans ses yeux faisaient ressortir ses magnifiques iris. Elle était si belle en cet instant. Les reflets de la lune dans ses cheveux l’embellissaient encore un peu plus. Mon cœur se serra.
« C’est impossible… », murmurai-je finalement.
Honeymaren recula d’un pas. Elle avait le souffle coupé, ne s’attendant visiblement pas à cette réponse. Elle resta interdite quelques instants, comme si tout son corps devait recevoir l’impact de mes paroles avant de pouvoir de nouveau réagir. Mais il ne se passa rien. La Northuldra refoula ses larmes du dos de la main, ramassa ma cape tombée au sol et me la tendit. Je la saisis tout en lui lançant un regard désolé. Elle l’ignora, affichant des yeux soudainement vides de toute émotion. Je compris alors la blessure que je venais de lui infliger. Sans un mot, elle quitta la chambre. J’entendis la porte d’entrée se refermer derrière elle, me laissant de nouveau seule. Je soupirai et baissai tristement les yeux. Je vis alors la feuille de pommier qui avait été abandonnée là par la jeune femme. Je m’accroupis et l’attrapai. Mes doigts caressèrent mécaniquement ses bords dentelés.
« Je crois que… je t’aime ».
Les paroles d’Honeymaren se répétaient en boucle dans ma tête.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 33)

Ven 14 Juil 2023, 20:28
Chapitre 33
Kristoff
 
Aksel !
Je me réveillai en sursaut. Mon cœur battait anormalement vite. Je regardai autour de moi. Il faisait nuit noire au dehors. La lune était recouverte par les nuages et ne déversait pas sa lueur rassurante sur Arendelle. Mon souffle était saccadé. J’avais du mal à retrouver une respiration normale. Je sentis des gouttes de sueur dégouliner le long de mon front. Je ne m’étais plus souvenu de ce nom depuis des années et voilà qu’il ressurgissait dans mon esprit sans crier gare. A vrai dire, j’avais tout fait pour l’oublier, lui et une grande partie de mon enfance. Mais depuis quelques mois, des bribes de souvenirs venaient de nouveau m’assaillir dans mon sommeil.  
Je me laissai retomber dans mon lit, terrassé de fatigue. Je ne pouvais pas me permettre de dormir si peu, surtout avec les journées de plus en plus chargées qui m’attendaient. Je fermai alors les yeux, espérant me rendormir rapidement malgré la boule d’angoisse qui grandissait dans ma gorge. Les mains posées sur mon ventre, je tentai de respirer lentement pour me calmer. Derrière mes paupières closes, des pensées se bousculaient dans ma tête. Je savais que je devais faire le vide dans mon esprit ou au moins songer à des choses rassurantes si je voulais m’endormir paisiblement. Je me concentrai alors sur le visage souriant d’Anna. J’imaginai ses longs cheveux auburn encadrant son visage et ses grands yeux bleus. Je repensai à cet après-midi ensoleillé durant lequel elle m’avait emmené sur les hauteurs d’Arendelle, dans cette magnifique petite clairière aux plantes et à l’étang si luxuriants. Un sourire à peine conscient s’afficha sur mes lèvres. Je me sentais sombrer petit à petit dans le sommeil, ne sachant plus réellement où je me trouvais. Ma chambre avait laissé place à ce lieu secret dont seuls Anna et moi connaissions l’existence. Je n’étais plus dans un lit mais accroupi dans de l’herbe fraîche qui chatouillait la paume de mes mains.
***   
 Je me penchai au-dessus de la surface scintillante de l’étang. Mon reflet y apparut au milieu des nénuphars. Soudain, je sentis des mains se poser dans mon dos et me pousser vers l’avant. Surpris, je fus immédiatement déséquilibré et mes doigts qui se maintenaient difficilement aux bords de l’étang dérapèrent. Je n’eus d’autre choix que de plonger dans l’eau la tête la première. Bien que submergé, j’entendis le rire étouffé d’Anna. J’ouvris les yeux et levai la tête. Je vis son reflet miroiter au-dessus de moi. Ma vengeance allait être terrible. Je remontai rapidement à la surface et, quand je pus de nouveau respirer, envoyai une gerbe d’eau sur le rivage, espérant surprendre la jeune femme. Mais ce fut sans succès : elle avait subitement disparu. Je la cherchai alors du regard. En vain. La clairière était déserte.
« Anna ? », criai-je.
Pas de réponse. J’étais seul. Je nageai jusqu’au bord de l’étang et y appuyai mes mains pour m’aider à m’en extirper. La terre gorgée d’eau se transforma en boue lorsque j’y exerçai une pression. Mes doigts s’enfoncèrent dedans. Je réussis à sortir une jambe puis l’autre de l’eau. Etant agenouillé dans la boue, j’eus du mal à me relever. Quand je fus enfin debout, je remarquai que mes vêtements étaient tout aussi sales que mes mains recouvertes de terre. J’en fis abstraction ainsi que de la mauvaise odeur qui s’en échappait et me concentrai sur ce qu’il y avait autour de moi. Les branches d’arbres se secouaient doucement au rythme du vent. Quelques chants d’oiseaux retentissaient dans la petite clairière.
« Anna ! », appelai-je de nouveau dans l’espoir que la jeune femme me réponde enfin.
Les gazouillis se stoppèrent brusquement. Un silence effrayant s’installa. Je courus jusqu’à l’entrée de la clairière, un passage dans la roche dissimulé sous un rideau de lierre. Je soulevai rapidement ce dernier et découvris avec surprise une porte en bois massif. Je me jetai sur la poignée et tentai de l’ouvrir. Elle était verrouillée. J’en reconnus alors l’alliage en fer forgé. Je connaissais cette porte. Je me retournai, tout en conservant une main sur sa poignée. La clairière que j’avais laissée derrière moi quelques secondes avait disparu. A vrai dire, une seconde bien plus familière s’était installée à sa place. D’immenses pins l’entouraient. Le soleil et la chaleur de l’après-midi avaient eux aussi été remplacés par un ciel gris et une tempête de neige glaciale dont les flocons s’accumulaient à mes pieds.
« C’est impossible… » murmurai-je, désemparé.
Mes yeux se posèrent de nouveau sur la poignée de la porte que je n’avais pas lâchée. A la place de la paroi rocheuse se trouvait à présent la cabane de bois que je connaissais si bien. Cette même petite habitation sombre et peu hospitalière perdue au fin fond des bois dans laquelle j’avais été contraint de vivre pendant des années. J’essayai d’actionner une nouvelle fois la poignée. Inutile, elle était bloquée. Seule la clé pouvait permettre de l’ouvrir. La clé ! Je me précipitai sur le tas de neige derrière moi et creusai dans l’espoir de l’y trouver. Avec un peu de chance, elle serait toujours au même endroit. Alors que je me démenais en farfouillant à droite et à gauche, j’entendis la porte de la cabane s’ouvrir et se refermer dans un grincement. Je fis volte-face et me retrouvai face à un petit garçon blondinet d’une dizaine d’années. Son visage et son air renfrogné m’étaient parfaitement familiers. Je me remis debout d’un bond. Le garçonnet ne semblait pas me voir. Il marchait d’un pas décidé dans ma direction, les mains dans les poches.
« Atten… Attention ! » criai-je en ne le voyant pas ralentir alors qu’il était maintenant à un mètre de moi.
Il continua imperturbablement sa route. Pire, il passa au travers de mon corps. Je ne fus nullement déséquilibré à son contact. Je compris enfin : je n’existais pas. Il ne pouvait ni me voir ni m’entendre. J’assistais à la scène de l’extérieur. Ce jeune garçon, c’était moi. Moi il y avait plus de quinze ans. Je le suivis du regard jusqu’à ce qu’il s’enfonce dans la forêt au milieu des pins. Je voulus le suivre et fis un pas dans sa direction. Mais je fus retenu par ma curiosité. Je retournai alors vers la cabane et regardai par une fenêtre donnant sur la salle à manger. Il faisait sombre à l’intérieur. Pourtant, je pus distinguer la fourrure d’un petit animal posée sur la table au centre de la pièce. Je détournai rapidement le regard, ne supportant pas plus la vue d’animaux morts et dépecés que durant mon enfance. A part cela, la pièce était déserte. Il n’y avait personne. Je fis le tour de la cabane et arrivai devant une seconde fenêtre. J’y jetai un coup d’œil au travers et découvris une chambre peu meublée dont j’avais oublié l’existence. Sur le lit qui occupait à lui seul la moitié de la pièce, dormait un homme barbu et robuste. Sa bouche légèrement ouverte me fit imaginer les ronflements qui devaient en sortir. Je restai un instant à l’observer. Cela faisait seize ans que je ne l’avais pas vu. Sa barbe et ses cheveux bruns devaient avoir blanchis. Son imposante carrure devait s’être amoindrie au fil des années.
« Adieu, Aksel… » murmurai-je de l’autre côté de la fenêtre avant de m’éloigner de la petite cabane.
Je suivis les traces de pas laissées dans la neige. J’aurais dû avoir la sensation de connaître ce chemin puisque je l’avais déjà emprunté auparavant. Pourtant, j’avais l’impression que c’était la première fois que je le foulais et devais me presser pour ne pas perdre la trace de mon moi antérieur. Je finis par le rejoindre quelques dizaines de mètres plus loin. Je me mis aux côtés du garçonnet et marchais au même rythme que lui, prenant garde à ne pas le dépasser. Je l’observais tout en avançant. Je faisais presque deux fois sa taille. Il paraissait en colère et saisissait de temps en temps une poignée de neige à ses pieds pour former une boule et l’envoyer violemment contre le tronc d’un pin. En le regardant agir ainsi, j’avais l’impression de ressentir sa colère au plus profond de moi, de comprendre toute l’injustice qui pesait sur ses épaules. Le petit blondinet se dirigea alors vers un arbre et envoya un coup de pied rageur dans son tronc sans véritablement songer à la stupidité de son geste. J’esquissai un sourire en l’entendant crier de douleur. Il se mit à sautiller sur place tout en maintenant son pied meurtri entre ses mains. Il poussa des jurons remplis de colère contre sa propre bêtise :
« Quel idiot ! Quel idiot ! Quel i… »
Il se tut soudainement, les yeux fixés sur un point devant lui. Le petit garçon lâcha alors son pied et avança prudemment entre les pins. Je m’arrêtai subitement de rire et m’approchai. Il s’était accroupi au pied d’un arbre et observait quelque chose. Je suivis son regard. A seulement une dizaine de mètres de nous, un renne était étendu à même la neige. L’animal ne bougeait pas. Sa tête posée ainsi sur le sol me fit comprendre qu’il ne se relèverait plus jamais. L’enfant s’approcha du renne. Je voulus le retenir en tentant d’attraper son poignet. En vain. Ma main passa au travers de son bras. Je le suivis, n’ayant visiblement pas le choix. En arrivant à hauteur de l’animal, je remarquai une importante blessure encore récente au niveau de son flanc. Un impact de balle. Le renne n’avait pas survécu. Mais ce ne fut pas ce que regarda en premier le petit garçon. Au milieu des pattes immobiles de l’animal se tenait un petit renne. Ce dernier était blotti contre la fourrure de ce qui devait certainement être sa mère.
« Hey, n’aie pas peur », dit calmement le garçonnet à l’intention du bébé renne.
Il posa doucement une main sur la tête du petit animal qui paraissait terrorisé. Il se laissa tout de même faire et accepta les caresses qu’on lui faisait. Je regardais faire Kristian, mon double. Il sortit une carotte de la poche de son manteau et dit :
« Je l’avais gardée pour moi mais tiens. »
Le petit renne en grignota le bout sans grande conviction.
« Allez… Je n’ai rien d’autre à te proposer. Mais regarde c’est super bon. »
Le petit blondinet croqua à pleine dent un morceau de sa carotte avant de la tendre de nouveau à l’animal. Ce dernier finit par l’imiter. Le jeune garçon le prit dans ses bras et l’extirpa de sa cachette.  
« Je crois qu’on est tous les deux orphelins maintenant… Mais ne t’inquiète pas, je vais prendre soin de toi. Je vais t’appeler… Sven ! »
***  
J’entrouvris doucement les yeux. Je n’avais jamais rêvé de cette rencontre. J’avais préféré garder mon enfance enfouie dans ma mémoire plutôt que de la laisser ressurgir à n’importe quelle occasion. Mais pour une fois, j’étais heureux d’avoir lâché prise et de m’être permis de me remémorer ce moment. Je laissai retomber mes paupières et me rendormis, un léger sourire aux lèvres.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 34)

Ven 21 Juil 2023, 17:38
Chapitre 34
Yéléna
 
Je n’arrivais plus à respirer. Ma poitrine semblait compressée sous le poids d’une force invisible qui m’étouffait petit à petit. Nous n’étions qu’au mois d’avril et pourtant, la chaleur commençait déjà à nous terrasser. Ce n’était pas celle de la journée qui me dérangeait le plus. Je n’avais qu’à me rapprocher d’un cours d’eau si je voulais me rafraîchir ; il y faisait encore frais. Non, c’était durant la nuit que cela me devenait insupportable. Jamais je n’avais eu à supporter de telles températures à des heures si tardives. Habituée à un rafraichissement soudain de l’atmosphère une fois le soleil couché, je n’arrivais pas à me faire à ce nouveau mode de vie dans lequel toute bouffée d’air frais devenait exceptionnelle voire inexistante. Depuis que l’esprit du vent s’était mystérieusement évaporé dans la nature, il devenait impossible d’espérer des températures clémentes durant la nuit.
Je me levai, ne supportant plus de me tortiller dans mon lit à la recherche d’une position pas trop inconfortable dans laquelle dormir. Je ne fermais plus l’œil depuis des années déjà mais tout s’était subitement aggravé en quelques mois à peine. Je ne cherchais plus à trouver le sommeil. C’était inutile, je le savais. Je préférais alors sortir de ma tente et parcourir le village jusqu’à dénicher un endroit calme et frais dans lequel rester une bonne partie de la nuit pour écouter la forêt. C’était une chose merveilleuse qui était devenue au fil du temps l’une de mes activités favorites. Entendre le clapotis de l’eau d’un ruisseau sur les pierres qui en tapissaient le fond. Voir le vol majestueux d’une chouette s’élançant d’une branche d’arbre et venant frôler le sol pour attraper un minuscule mulot qu’elle seule était capable de repérer dans le noir de la nuit. Sentir l’humidité des feuilles et de la terre. Jamais je ne m’étais sentie aussi vivante que dans ces moments là. Mais tout ceci était devenu rare après la disparition des esprits de la terre et du vent. Le doux bruissement du vent entre les feuilles avait laissé place au silence. La chouette avait elle aussi disparu, ne trouvant plus de quoi se nourrir. Bientôt cela serait notre tour…
J’écartai les pans de ma tente. La chaleur était tout aussi écrasante à l’extérieur. Je me sentais épuisée. Mon corps avait de plus en plus de mal à endurer des températures chaudes comme celles-ci. J’étais faible et incapable de faire le moindre effort physique. Je détestais me l’avouer, mais je commençais à ressentir les effets de la vieillesse sur mon corps. Je n’étais plus la femme sportive et inarrêtable d’autrefois. D’anciennes douleurs ou blessures tues depuis des années refaisaient surface. J’avais eu tord de vouloir les oublier, de vouloir les réduire à de simples cicatrices n’ayant plus la moindre importance. Mais voilà que ces sensations de coup de poignard lancinantes dans la cuisse gauche revenaient sans crier gare, me rappelant pourquoi j’étais obligée d’emporter partout où j’allais le bâton me servant de canne.
Je marchais péniblement. La douleur dans ma jambe me renvoyait le souvenir de cette affreuse journée que j’avais voulu oublier. Cette journée durant laquelle, trente-quatre ans auparavant, j’avais perdu mon père et avais failli perdre également ma jambe…
***   
J’observais. A vrai dire, c’était ce que j’avais toujours fait. Je guettais les réactions des uns et des autres, appuyée contre un tronc d’arbre à attendre les bras croisés que quelque chose se produise. Mais quoi ? Je ne savais pas vraiment. Depuis l’arrivée du roi d’Arendelle et de son peuple dans la forêt enchantée, quelque chose ne me plaisait pas. Je me méfiais de Runeard et de sa garde qui n’arrêtaient pas de prôner le pacifisme autour d’eux alors même qu’ils portaient des épées à leur ceinture. Aucun ne me semblait véritablement sincère. Leur ton trop mielleux et leurs sourires forcés ne m’inspiraient pas confiance. Mais nul ne semblait s’en méfier. J’étais la seule.
Mon père, Harald, bavardait avec le roi Runeard. Je les regardais depuis plusieurs minutes sans parvenir à dire ce qui me dérangeait le plus dans leurs attitudes. Leurs éclats de rire ou bien les accolades qu’ils se donnaient l’un et l’autre régulièrement au fil de leur discussion ? Ils semblaient proches. Trop proches, alors qu’ils se connaissaient à peine. Les habitants d’Arendelle s’étaient toujours montrés hostiles avec nous. Ils nous avaient fait comprendre à plusieurs reprises que nos modes de vie bien trop ancestraux à leur goût n’étaient plus adaptés au monde qui nous entourait. Pendant des années, nos peuples s’étaient éloignés à cause de ces différences. Mais, en quelques semaines à peine, le roi Runeard avait soudainement pris la décision de faire de nous des alliés du royaume, nous promettant de nous protéger en cas d’invasion ennemie. Pour nous prouver sa bonne foi, il nous avait offert un barrage qu’il venait à présent inaugurer. Quelque chose m’échappait. Pourquoi après tant d’années de mépris Runeard pouvait-il vouloir se rapprocher de nous sans rien demander en retour ? C’était invraisemblable.
Ne supportant plus de voir mon père s’entendre ainsi avec le roi d’Arendelle, je quittai enfin mon poste d’observatrice pour m’approcher d’eux. Quand je fus assez près, je lançai :
« Père, puis-je vous parler ?
— Pas maintenant Yéléna, je suis occupé, me répondit-il sans même m’accorder un regard.
— C’est important et urgent », insistai-je d’un ton grave.
Le chef Northuldra se tourna enfin dans ma direction. Son regard était planté dans le mien. Comprenant que je n’allais pas fléchir, il soupira, s’excusa auprès de Runeard et vint me rejoindre.
« J’espère pour toi que tu as une bonne raison pour m’interrompre ainsi, me murmura-t-il.
— Ils ne m’inspirent pas confiance.
— Qui ça ?
— Ces gens. Ces gens que tu as invités pour inaugurer ce maudit barrage.
— Que veux-tu dire ? me demanda-t-il, soupçonneux.
— Mais enfin père ! Ouvrez les yeux je vous en prie ! Ne voyez-vous pas que ce cadeau est empoisonné ? Depuis sa construction, le barrage n’a fait que détruire nos récoltes ! Il ne nous est absolument pas bénéfique !
— Yéléna… Tout ce que je vois c’est que ce cadeau est un cadeau de paix. Il permet de réunir enfin nos peuples déchirés.
— Mais pourquoi ne laissons-nous pas les choses telles qu’elles étaient ?
— Yéléna…
— Peuples déchirés ou pas, nous avons toujours très bien vécu sans leur aide !
— Yéléna arrête…
— Ils ne veulent que nous imposer leur culture pour détruire la nôtre !
— YÉLÉNA ! Ça suffit ! Désormais nous ne pouvons plus vivre sans leur aide et tu le sais ! La moindre attaque d’un royaume adverse nous détruirait tous ! Leurs armes sont bien plus puissantes que les nôtres ! C’est pourquoi nous avons besoin d’eux. En tant que fille du chef, je te pensais au moins capable de ce genre de réflexions avant de venir m’interrompre en pleine discussion avec le roi ! Tu nous conduirais à notre perte si nous devions écouter en permanence tes préjugés ! »
Je restai sans voix. Jamais mon père n’avait osé me parler ainsi. Le regard glacial qu’il me lançait était tout aussi blessant que ses paroles.
« Réfléchis la prochaine fois », m’asséna-t-il avant de retourner auprès du roi Runeard.
J’étais clouée sur place, incapable de faire un geste. Je sentis les larmes me monter aux yeux. Reprenant rapidement mes esprits, je tournai le dos à mon père et quittai le village Northuldra, m’assurant ainsi que personne ne me verrait pleurer.
Je ne marchai pas plus de deux minutes avant de m’asseoir sur un rocher au bord du ruisseau qui entourait le campement. Je saisis une pierre à mes pieds et la lançai rageusement dans l’eau. De grosses gouttes glacées vinrent éclabousser mon pantalon. Je soupirai tout en essuyant mes joues mouillées du revers de ma manche. Je n’avais pas l’habitude de pleurer. Encore moins à cause de mon père. Il avait toujours été sévère avec moi mais ne m’avait jamais blessée comme il venait de le faire. Mes larmes étaient une réaction de petite fille, ce que je n’étais plus depuis bien longtemps. Je pris une seconde pierre. Alors que je m’apprêtai à l’envoyer dans le ruisseau, des cris au loin retinrent mon geste. Je me relevai d’un bond et, comprenant que cela provenait du village, laissai retomber la pierre qui roula jusqu’au rocher sur lequel j’étais encore assise quelques secondes plus tôt.
« Réfléchis la prochaine fois ».
Les paroles de mon père résonnaient encore dans ma tête. Mais je n’avais pas le temps pour cela. Il fallait agir.
Je me précipitai vers le camp, manquant de me prendre les pieds dans des racines d’arbres à plusieurs reprises. Je courus le plus vite possible et couvris rapidement les deux cents mètres qui me séparaient du village. En y arrivant enfin, je découvris le chaos qui s’y était installé. Des débris de toute sorte jonchaient le sol. Mais ce fut quand j’aperçus des corps inanimés baignant dans leur propre sang que je compris ce qu’il se passait. Des Northuldra, tous. Leurs vêtements étaient encore reconnaissables. Je sentis alors la haine monter en moi. Sans hésiter, je m’approchai d’un des cadavres et saisis la lance sur laquelle sa main était encore refermée. De nouveaux cris retentirent un peu plus bas. Je me faufilai le plus discrètement possible entre les quelques cabanes et tentes qui me cachaient la vue. Tapie dans l’ombre, je découvris avec horreur un champ de bataille dans lequel soldats d’Arendelle et Northuldra s’entretuaient. Ces derniers, bien qu’en majorité, se faisaient massacrer par les attaques puissantes et rapides de leurs ennemis.
« Leurs armes sont bien plus puissantes que les nôtres ».
Mon père avait raison. Leurs épées tranchantes ne laissaient aucune chance aux Northuldra qui étaient simplement armés de bâtons ou de lances dans le meilleur des cas.
Un soldat d’Arendelle tua sous mes yeux une jeune femme sans la moindre hésitation. Quand le corps de cette dernière s’effondra, il parut satisfait et s’éloigna pour choisir une autre victime. Un cri déchirant retenti au même moment. Je vis alors une femme plus âgée se précipiter vers le corps sans vie de celle qui venait d’être assassinée. Elle tomba à genoux tant ses jambes tremblaient et caressa doucement les cheveux de la jeune femme morte. Ses cris de désespoir se mêlèrent à ses larmes. Je ressentais sa douleur malgré la distance qui nous séparait.
« Je te vengerai, je te le promets », murmurai-je à son attention bien qu’elle ne puisse m’entendre.
Je me glissai derrière les arbres qui entouraient cette scène morbide. Je ne lâchais pas des yeux le soldat ayant tué cette jeune femme sans la moindre pitié. Il me répugnait. Ma colère ne cessait d’enfler. Il menaçait à présent un groupe de Northuldra qui n’était pas armé. Composé de vieillards, de personnes blessées et même d’une femme enceinte, je savais qu’ils n’auraient aucune chance de survivre si je n’intervenais pas maintenant. Je détachai la pointe en pierre taillée de ma lance et m’approchai silencieusement. Le soldat, qui ne m’avait pas remarquée, dégaina son arme, prêt à frapper le premier Northuldra à sa portée. J’accélérai et arrivai brusquement dans son dos, et, avant même qu’il ne puisse réagir, enfonçai la pierre tranchante dans son abdomen. Le corps transpercé de part en part du soldat se raidit. Il lâcha alors son épée qui tomba dans un bruit métallique au sol. Je retirai d’un coup sec la pointe de lance, laissant le soldat s’écrouler à son tour. Il me fallut plusieurs secondes avant de réaliser que je l’avais tué. Pourtant, je ne fus absolument pas prise de remords.
J’entendis presque aussitôt des cris de rage autour de moi. J’eus tout juste le temps de me retourner pour voir un second soldat se jeter sur moi. Il venait de me voir tuer froidement son compatriote et semblait vouloir le venger. Je perdis l’équilibre et tombai au sol. Le soldat fendit l’air de son épée à plusieurs reprises. Je réussis à esquiver les coups. Le morceau de pierre taillée ne m’était d’aucune utilité. J’attrapai l’épée du soldat mort et contrai comme je pus les tentatives de celui qui me faisait face. Un seul moment d’inattention faillit me conduire à ma perte. Là, derrière moi, de nouveaux cris fusèrent. Je ne pus m’empêcher de me retourner, comme par réflexe. Je vis alors deux hommes qui se faisaient face au bord d’un précipice et les reconnus aussitôt : le roi Runeard et mon père. Ce dernier fut violemment projeté en arrière dans la bagarre. Son pied dérapa sur un des rochers du rebord de la falaise. Son dernier geste fut d’attraper la cape du roi d’Arendelle, l’entraînant avec lui dans sa chute.
« PÈRE ! » hurlai-je au même moment.
Le même cri avait retenti non loin de moi. Je tournai la tête dans sa direction et aperçus un adolescent aux cheveux blonds. Sa voix avait eu la même intonation que moi. Nous venions de vivre le même déchirement, perdant tous les deux des êtres chers.
Profitant de la sensation d’anéantissement qui venait de me frapper de plein fouet, le soldat m’asséna un violent coup d’épée dans la cuisse. Je sentis sa lame déchirer ma chair jusqu’à finalement se figer en atteignant mon fémur. Le garde d’Arendelle retira immédiatement son arme de ma jambe, aggravant ainsi ma blessure. Je m’effondrai au sol dans un hurlement de douleur. Mon premier réflexe fut de maintenir ma cuisse entre mes mains. Je jetai un regard noir au soldat qui, satisfait, s’éloigna en arborant un sourire sadique. Je sentis un liquide chaud dégouliner entre mes doigts. Je les portai à hauteur de mes yeux. Mes paumes étaient recouvertes de sang.
***   
Cette dernière scène n’avait duré que quelques secondes. Pourtant, trente-quatre ans après, je ressentais encore cette douleur lancinante dans le haut de ma jambe. Assise sur un rocher au cœur du village Northuldra, je relevai doucement mon pantalon jusqu’à apercevoir de nouveau cette marque qui traversait ma cuisse de part en part. Tout comme la déchirure causée par la perte de mon père, cette blessure laisserait une cicatrice indélébile à tout jamais.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 35)

Ven 28 Juil 2023, 21:03
Chapitre 35
Honeymaren
 
Jamais je ne m’étais sentie aussi stupide. La réponse d’Elsa m’avait figée sur place. Depuis, ses dernières paroles ne cessaient de tourner en boucle dans mon esprit sans que je puisse les en empêcher. Son regard glacial avait été comme un coup de massue. Je ne l’avais jamais vue ainsi. J’avais longtemps eu peur du rejet et avais finalement eu raison de m’en méfier. Les conseils de Silja ne m’avaient été d’aucune aide, bien au contraire, ils avaient empiré la situation. Je regrettais tellement de les avoir suivis. Mais maintenant, il était trop tard pour faire marche arrière. Elsa savait ce que je ressentais à présent. J’avais moi-même eu du mal à m’entendre lui avouer un tel secret. Un secret que je pensais pourtant garder bien enfoui au plus profond de mon être. Mais voilà que les mots s’étaient échappés presque naturellement de ma bouche, sans que je puisse les retenir. Les grands yeux bleus atterrés d’Elsa auraient pourtant dû m’arrêter avant que je ne lui confie l’inavouable. J’avais néanmoins continué à lui déballer tout ce que j’avais sur le cœur et qui pesait sur ma poitrine depuis bien trop longtemps. D’un côté, je m’en voulais terriblement de lui avoir ainsi révéler mes sentiments. Je me sentais honteuse et osais à peine sortir de la cabane de mon frère tant la peur de croiser l’ancienne reine m’était insupportable. De l’autre, la nuit dernière avait été le seul instant de ma vie durant lequel j’avais véritablement été fidèle à mes ressentis, jusqu’à oser les dévoiler à celle que j’aimais. Mais ce n’était pas cela qui me restait le plus en mémoire. Non, c’était ce baiser. Ce baiser volé que je n’avais pu retenir. Cela avait été presque instinctif, comme quelque chose de plus fort que moi qui avait soudainement pris le contrôle de mon corps et de mon esprit à cet instant. La sensation de ses lèvres douces et gelées contre les miennes m’avait paru merveilleuse, bien qu’elle n’ait duré qu’un court instant. La surprise de la jeune femme avait permis de rallonger ne serait-ce qu’un tout petit peu le moment dont je rêvais depuis des nuits déjà. Même si cela ne s’était pas exactement passé comme je l’avais espéré, j’avais malgré tout profité de ces quelques secondes de bonheur. Mais cela n’avait pas duré. A peine m’avait-elle repoussée que je ressentais à nouveau un mal être profond. Le même que celui qui s’était emparé de moi quelques jours plus tôt. Et voilà que je retombais une nouvelle fois dans la dépression, ne supportant plus de voir qui que ce soit. Mon frère ne semblait rien y comprendre. Lorsqu’il m’avait vue rentrer la nuit dernière, il m’avait paru complètement déboussolé. Mais je pouvais bien admettre que, de l’extérieur, mon comportement était assez étrange. Je m’étais brusquement remise sur pieds après quatre jours passés au fond de mon lit sans voir la lumière du jour pour ensuite revenir le soir même encore plus abattue que je ne l’avais été.
« Hey, qu’est-ce que tu as ? »
Ryder venait d’entrer dans ma chambre sans même que je m’en sois rendu compte, bien trop occupée à ruminer la nuit de la veille. Il se tenait dans l’encadrement de la porte, bras croisés, me regardant fixement d’un air inquiet.
« Je suis vraiment obligée de répondre ? maugréai-je en tournant péniblement mon visage vers lui.
— Je te le conseille sinon je vais te harceler toute la soirée pour connaître la vérité, dit-il en venant s’asseoir sur le rebord de mon lit, un sourire taquin aux lèvres.
— Tu peux toujours essayer. J’ai l’habitude avec toi de toute façon. »
Mon jumeau soupira en levant les yeux au ciel.
« Honeymaren cette fois-ci je suis sérieux. Ça fait des jours que je ne te comprends plus. Le matin tu déprimes, le midi tu sautes de joie et le soir tu déprimes de nouveau. Je te connais, je sais que tu peux avoir des sautes d’humeur fréquentes, mais à ce point, ça n’était jamais arrivé. Et tu ne manges presque plus. Tu passes tes journées enfermée dans ta chambre en refusant de me parler. Alors s’il te plait, fais au moins un effort cette fois. »
Il était rare de voir mon frère aussi sérieux. Je n’en avais pas l’habitude. Son regard dur et inquiet lui donnait l’air d’un jumeau attentionné et protecteur envers sa sœur, ce qui contrastait beaucoup du jeune homme jouant l’imbécile auquel je faisais généralement face.
« Je suis un peu… euh… préoccupée en ce moment, c’est tout, répondis-je.
— Préoccupée ? Non, sans blague ! Je me doute que tu es préoccupée ! Ce que je veux savoir c’est ce qui te préoccupe justement.
— Tu ne peux pas comprendre.
— Mais je peux tout comprendre.
— C’est sans importance, laisse tomber.
— Il suffirait simplement que tu m’expliques ce qu’il se passe Honeymaren ! On est jumeaux je te rappelle ! Tu es la seule famille qu’il me reste. Alors si je ne peux même pas savoir ce qui te rend aussi malheureuse, dis-moi à quoi je sers ? »
Je restai muette. Ryder avait toujours été là pour moi, je devais bien l’avouer. Nous nous étions tout confié depuis notre enfance. Mais aujourd’hui, c’était différent. Il ne pouvait pas comprendre. Il me haïrait si je lui disais la véritable raison de cette subite dépression. Tous me haïraient si j’avouais un tel secret. C’était un sujet tabou, non, un sujet interdit qu’il était même impossible d’aborder au cours d’une discussion. Pire, envisager toute relation de la sorte était une honte, une trahison envers une famille et tout un peuple. Deux femmes ne pouvaient s’aimer. C’était impossible, je le savais. Pourtant, une petite lueur d’espoir continuait malgré tout à briller en moi. Une lueur que je refusais d’éteindre prématurément. Bien que les normes de la société dans laquelle je vivais ne me le permettent pas, je ne pouvais m’empêcher de penser que c’était là que se trouvait le bonheur que je cherchais depuis si longtemps. Là, avec cette femme, avec Elsa. Mais c’était quelque chose que personne d’autre que moi ne pouvait comprendre. J’étais seule face à cette réalité qui pourtant en était bien une. J’avais essayé de rentrer dans les codes, de ne pas faire de vague – puisqu’après tout c’était ce que l’on attendait de tout le monde – mais cela n’avait pas marché. Ma relation avec Erik m’avait enfin ouvert les yeux sur ma situation. C’était bien d’ailleurs la seule raison pour laquelle j’étais heureuse de l’avoir vécue.
Mes yeux se recentrèrent subitement sur ceux de Ryder. Il n’avait pas bougé, attendant impatiemment que je prononce un mot, une phrase, n’importe quoi. Ses poings et sa mâchoire serrés trahissaient son impatience. Des larmes se formaient déjà aux coins de ses yeux. Je savais qu’il était profondément blessé par mon silence. Mais que pouvais-je vraiment lui offrir d’autre ? C’était cela ou un mensonge. Je choisis alors la deuxième option.
« J’ai repensé à Erik. Et… je me demandais si…
— Si quoi ? demanda-t-il sèchement.
— Si j’ai vraiment bien fait de partir ainsi… »
Ryder parut soudainement déçu. Cependant, sa déception laissa rapidement place à la colère. Il se remit immédiatement debout et commença à faire les cent pas.
« Comment peux-tu encore te poser des questions pareilles après ce qu’il s’est passé ? C’est un abruti fini et toi tu oses encore repenser à lui et avoir des remords ? cria-t-il.
— Eh bien je…
— Attends, attends… Tu n’es quand même pas en train de me dire que tu regrettes de l’avoir quitté rassure-moi ?
— Non mais je… enfin…
— Donc tu t’es rendue malade pendant des jours et des jours juste à cause de ce type ? A des moments, je ne te comprends vraiment pas… »
Et moi je ne comprends pas que tu puisses croire ces bêtises, pensai-je. Je regardai mon jumeau traverser ma chambre d’un bout à l’autre en revenant systématiquement sur ses pas sans se lasser. Il faisait de grands gestes lui donnant presque un air théâtral tout en continuant son interminable monologue. Il déblatérait sans le moindre signe de fatigue ses reproches contre moi. Je ne l’écoutais plus vraiment. A vrai dire, mon esprit était ailleurs. Je regardais ses lèvres bouger mais les sons qui en sortaient ne me parvenaient pas. C’était certainement mieux ainsi. Cependant, je ne pus m’empêcher en regardant sa bouche d’imaginer les lèvres d’Elsa. Cette pensée me transperça le cœur. Je ressentais de nouveau ce que j’avais éprouvé lorsque la jeune femme m’avait regardée si durement après notre court baiser en prononçant ces quelques mots :
« On ne peut pas ! C’est impossible… »
Cela m’avait ramenée brutalement à la réalité. Je n’avais compris qu’à cet instant ce que voulait dire « avoir le cœur brisé ». C’était cependant bien plus qu’une simple brisure. C’était un lent déchiquètement, morceau par morceau, toujours plus douloureux à chaque minute qui s’écoulait.
Je sentis soudain des mains sur mes épaules qui me secouaient.
« Honeymaren ? Tout va bien ? »
Le visage inquiet de Ryder me faisait de nouveau face. Je l’avais presque oublié. Je ne pus répondre quoi que ce soit, tant ma gorge était serrée. J’éclatai brusquement en sanglots, ne pouvant me contenir plus longtemps. Mon frère me serra immédiatement contre lui.
« Tu te fais du mal en pensant à Erik… Il faut que tu arrêtes ça, je t’en supplie… » murmura-t-il en déposant un léger baiser sur mon front.
Je me mordis la lèvre. Si seulement tu savais à qui je pense réellement, ce ne serait pas un baiser que tu me donnerais…
***   
L’après-midi touchait à sa fin. Ryder avait fini par me laisser tranquille, pensant m’avoir raisonnée sur mes soi-disant regrets concernant Erik. La douleur qui m’avait été infligée la veille par le rejet d’Elsa ne se dissipait pas, au contraire, elle s’empirait. Toute perspective de bonheur s’était brutalement envolée. Si elle ne voulait pas de moi, je ne pouvais atteindre cette vie heureuse dont je rêvais tant. C’était fini.
Je sortis de mon lit, après avoir passé toute la journée dedans. Mes jambes me portaient à peine. Toutes mes forces semblaient s’être évanouies. Je m’appuyai contre le mur derrière moi et inspirai profondément. Une larme dégoulina le long de ma joue et vint s’écraser au sol. Jamais je ne m’étais sentie aussi mal. Tout espoir avait disparu. J’avais tout gâché, encore une fois.
Je fis glisser ma main le long des planches de bois, me maintenant toujours difficilement debout. J’ouvris la porte de ma chambre et me faufilai silencieusement dans le couloir. Je le longeai calmement, prenant garde à ne pas faire craquer le plancher sous mes pieds. Il ne fallait pas que Ryder m’entende. Je passai devant la porte grande ouverte qui donnait sur le salon. Mon frère était assis dans une des chaises en bois qui entouraient la table et paraissait pensif. Je réussis à me glisser jusqu’à la porte d’entrée sans qu’il me remarque. Lorsque je fus enfin à l’extérieur, j’avançai d’un pas décidé vers le centre du village. J’étais sûre de moi, je savais ce que je devais faire.
En arrivant devant la plus ancienne des tentes du campement, j’entrai sans hésiter à l’intérieur après m’être assurée qu’il n’y avait personne. Il y faisait sombre. Une odeur rance me fit grimacer. Je devais me dépêcher avant le retour de Silja. Je n’avais pas à être là. Si elle me surprenait, je n’avais aucune excuse pouvant justifier ma présence.
Une marmite était posée au-dessus d’un feu de bois. Je m’approchai et en soulevai le couvercle. Un liquide verdâtre bouillonnait à l’intérieur. Je fus prise d’un haut le cœur et recouvris immédiatement le récipient. Je parcourus du regard le restant de la tente. Diverses fioles étaient disposées un peu partout dont le contenu avait été plus au moins vidé. J’en saisis une, encore entièrement remplie, et l’ouvris. Sans aucune hésitation, je la portais à ma bouche et en bus une gorgée. Je reposai le flacon là où je l’avais trouvé et sortis immédiatement de la tente de Silja. Je retournai dans la cabane de mon frère, ouvris violemment la porte, n’ayant plus besoin d’être discrète, et traversai rapidement le couloir jusqu’à ma chambre.
« Tout va bien Honeymaren ? » demanda Ryder d’une voix inquiète.
Je ne lui répondis pas et claquai la porte derrière moi avant de me jeter sur mon lit.
« Je dois rejoindre Kristoff. Tu es sûre que ça va ? reprit mon frère depuis le couloir.
— Oui », répondis-je péniblement.
J’entendis mon jumeau ouvrir et refermer la porte d’entrée. J’étais seule. Des sanglots me serraient la gorge. Je n’arrivais plus à respirer correctement, l’air me manquait. Je sentis mes larmes chaudes couler le long de mes joues. Je ne pouvais plus les arrêter. Une violente douleur me déchirait déjà l’estomac. Je mordis mon oreiller de toutes mes forces pour étouffer comme je pus mes gémissements. Je me tortillais dans mes draps tout en me maintenant le ventre des deux mains tant cela devenait insupportable. Encore quelques minutes Honeymaren. Plus que quelques minutes avant que tout cela cesse. 
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 36)

Ven 04 Aoû 2023, 17:32
Chapitre 36
Elsa
 
« Elle est tellement… inaccessible. »
« Un monstre ! C’est un monstre ! »
« Une sorcière ! »
Voilà comment on m’avait toujours qualifiée. Voilà comment les hommes m’avaient toujours qualifiée. Je n’avais jamais été autre chose qu’une menace, qu’un danger à leurs yeux. La plupart ne me faisaient pas confiance ou avaient peur de moi et de mes pouvoirs. Ils préféraient pour beaucoup d’entre eux les femmes  stables émotionnellement, ce qui n’était pas vraiment mon cas. Ce désintérêt de leur part à mon égard était cependant réciproque. Jamais un homme ne m’avait réellement plu. Je m’étais toujours sentie obligée de cacher ma vraie personnalité en ne laissant voir aux autres qu’une Elsa froide et rigide. J’avais évolué tout au long de ma vie dans un monde d’hommes dans lequel j’avais dû m’imposer, malgré toutes les difficultés que j’avais pu rencontrer à cause de ma différence. Je ne m’étais pas permis d’aimer. Je n’en avais eu ni le temps ni l’envie. Mais pour la première fois de mon existence, quelqu’un éprouvait réellement des sentiments pour moi. Jusqu’ici, je n’avais pas envisagé que cette personne puisse être une femme. Et pourtant… L’aveu d’Honeymaren m’avait complètement déstabilisée. Cela faisait des jours, voire des semaines, que je me doutais de ce qu’elle ressentait vraiment. Son regard avait changé. Moi qui me retrouvais autrefois en elle à chaque fois que je plongeais mon regard dans le sien, j’avais soudainement compris que ce n’était plus un reflet de ma personnalité que me renvoyaient ses yeux, mais de l’amour. J’avais mis du temps à le comprendre. Trop de temps. Si bien qu’une fois après avoir assimilé l’information, je l’avais refoulée jusqu’à ce que la jeune femme me l’avoue par elle-même. J’avais vu son regard brûlant, à la fois rempli d’espoir et de désir. Il m’avait complètement détruite. J’avais essayé depuis quatre années d’être émotionnellement stable. Je m’étais forcée et avais finalement appris à contrôler mes sentiments. Mais voilà qu’Honeymaren avait de nouveau fait pencher la bascule en ne prononçant que deux mots. Deux petits mots qui m’avaient fait et me faisaient perdre tous mes moyens.
Je n’étais pas sortie de la journée malgré le beau temps. Le risque était bien trop élevé. Depuis la soirée de la veille, je ne maîtrisais plus mes pouvoirs. J’avais l’impression de retomber dans mes travers, dans mes incertitudes qui m’avaient tant oppressée quelques années auparavant. Les murs de ma chambre étaient recouverts de givre qui gagnait petit à petit le plafond. La température avait largement chuté. Je m’avançai jusqu’à la fenêtre et tentai de l’ouvrir, espérant faire entrer un peu de chaleur de l’extérieur dans la pièce. Impossible. Elle était bloquée par la glace. Calme-toi Elsa, je t’en supplie calme-toi, m’intimai-je. Cela faisait des heures que je tournais en rond dans ma chambre, essayant par tous les moyens de stopper la tempête qui prenait de plus en plus d’ampleur dans ma poitrine. Ma cage thoracique était comme compressée par toutes les émotions qui tournoyaient en moi. Les battements de mon cœur accéléraient sans cesse. Je suffoquais, manquant d’air. Un tourbillon de flocons de neige virevoltait autour de moi. La pièce tout entière semblait tourner de plus en plus vite. Je devais trouver quelque chose sur lequel m’appuyer, n’importe quoi. Ma vision était troublée, je ne distinguais plus les meubles autour de moi. Je titubais en tâtonnant presque à l’aveugle à la recherche d’une surface familière. Je finis par trouver le rebord de mon lit. Je me laissai alors tomber à genoux, tout en m’agrippant fermement au matelas. Je fermais les yeux, serrant le plus fort possible mes paupières. Je refusais de voir ce spectacle chaotique une seconde de plus. Une larme coula sur ma joue. Je n’en pouvais plus.
« Assez… », murmurai-je entre deux sanglots.
Je ne me souvenais plus de cette sensation de malaise que j’avais pourtant si souvent vécue autrefois. J’avais l’impression de me vider de mes forces. Je ne contrôlais plus rien. Non, c’était ma magie qui me contrôlait à présent et je ne faisais que subir. Je savais que je ne devais surtout pas laisser la tornade qui se formait en moi prendre le dessus. Elle serait capable de tout ravager sur son passage, comme cela avait déjà été le cas auparavant. Je devais tenir à tout prix. Mais chaque inspiration était encore plus douloureuse que la précédente. Chaque larme qui dégoulinait le long de mes joues était si glacée qu’elle laissait une marque brûlante sur ma peau. Tout mon être semblait être écrasé par ces pouvoirs bien trop puissants pour être maîtrisés et contenus en une seule personne. Je devais me concentrer pour reprendre l’avantage et ne surtout pas me laisser submerger. Je pris une lente inspiration, laissant mes poumons se regonfler de l’air qu’ils avaient perdu. Cette bouffée d’oxygène me fit reprendre mes esprits. C’était le moment, le bon. Si je ne saisissais pas cette opportunité, je tomberais de nouveau dans ce qui m’avait tant causé de tords.
« Assez ! » hurlai-je en frappant violemment le sol de mes poings.
Tout se figea autour de moi. Les flocons s’arrêtèrent de tournoyer et tombèrent immédiatement au sol. Le givre et la glace recouvrant les murs et le plafond arrêtèrent de progresser. J’haletai, ne réussissant que très difficilement à reprendre un souffle normal. Je baissai les yeux vers mes mains. Entre ma peau et le plancher s’était formée une gerbe de glace prenant presque la forme d’une étoile au moment de l’impact de mes poings sur le sol. Je me remis debout en m’aidant du rebord de mon lit.
« J’ai réussi », me murmurai-je, fière de moi.
Soudain, on frappa à la porte de ma chambre. Je levai un sourcil de surprise. Avant même que je n’en donne l’autorisation, je vis que l’on actionnait la poignée. La porte s’ouvrit difficilement, tant la glace s’était formée autour du mécanisme. J’aperçus alors Kristoff qui semblait tout aussi surpris que moi.
« Euh… je me suis permis d’entrer parce que j’ai entendu un cri et euh… ça m’a inquiété », se justifia-t-il en se grattant l’arrière de la tête, gêné.
Je lui souris, ne sachant que faire de plus.
« Waouh ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ici ? demanda-t-il en remarquant ma chambre dont les murs et les meubles sens dessus dessous étaient recouverts de givre.
— Eh bien… euh… je… Il y a eu un petit… accident », bégayai-je.
Le jeune homme parut inquiet.
« Mais tout va bien ! C’est réglé. Enfin je crois… tentai-je de le rassurer.
— Vous êtes sûre ? Parce que sinon ça ne me dérange pas de rester un peu avec vous le temps que vous alliez mieux… Anna m’a envoyé ici pour vous ramener en sécurité à Arendelle alors il vaudrait mieux éviter le moindre problème avant même que nous ne soyons partis…
— Non, non, je vous assure, tout va bien ! » affirmai-je une fois de plus en lui souriant pour essayer de cacher mon trouble.
Kristoff me regarda quelques instants, l’air hésitant. Il soupira avant d’ajouter :
« Vous savez… Pendant très longtemps j’ai eu du mal à concevoir comment une tempête de neige d’une telle envergure avait pu se déclencher après votre couronnement. Mais j’ai fini par le comprendre. Vous étouffiez vos émotions parce que c’était ce que l’on vous avait toujours enseigné pour maîtriser vos pouvoirs alors que cela ne faisait qu’empirer le phénomène. Vous avez réussi à les contrôler uniquement lorsque vous avez décidé de laisser libre cours à vos sentiments. »
Je le regardai impassiblement. Il avait raison. Ce n’était qu’une fois après m’être acceptée comme j’étais, sans chercher à me cacher ou me contenir, que j’avais enfin réussi à vivre pleinement ma vie.
« Mais après tout ce n’est pas à moi de vous dire quoi faire ! Je ne sais pas par quoi vous passez en ce moment et cela n’a peut-être rien à voir avec ce dont je vous parle ! » dit-il en riant.
Je baissai les yeux et regardai mes mains tout en me mordillant la lèvre inférieure. Le jeune homme parut embarrassé face à mon silence.
« Bon eh bien… si vous me confirmez que tout va bien, je vous laisse. S’il y a le moindre problème, vous savez que vous pouvez m’appeler, je serai sûrement à l’étable avec Sven. »
Il quitta ma chambre.
« Kristoff ! le rappelai-je.
— Oui ? dit-il en se retournant.
— Merci. »
Il me fit un grand sourire avant de partir définitivement.
Quand je fus seule, je m’assis sur mon lit en poussant un long soupir. Je me sentais complètement vidée. Je me massai alors les tempes pour tenter d’atténuer le mal de tête qui me gagnait depuis plusieurs minutes. Le contact de mes doigts gelés me rappela le chao qu’il y avait autour de moi. Un chao qui avait démarré avec le souvenir de la soirée de la veille. Avec le souvenir d’Honeymaren. La jeune femme m’avait toujours intriguée. Je me sentais proche d’elle. Plus proche que de n’importe quel autre Northuldra. Mais jamais je ne m’étais imaginé que cette relation pourrait aller au-delà de l’amitié. C’était impossible. Pourtant, je ne pouvais m’extirper de ses grands yeux bruns lorsqu’ils se posaient sur moi. Je ne pouvais m’empêcher de sourire à chacune de ses mimiques me rappelant Anna. Honeymaren avait un passé dur, similaire au mien, j’en étais convaincue. Je savais qu’elle avait vécu mille choses mais qu’elle n’en laissait paraître aucune. Elle attisait ma curiosité comme peu de gens réussissaient à le faire, et plus les jours passaient, plus j’avais envie d’en savoir plus sur elle. Et pourtant, il avait fallut qu’elle m’annonce qu’elle m’aimait, que je prenne cette réalité de plein fouet pour que je remette tout en question. Tout jusqu’à la maîtrise de mes émotions. Mais pourquoi cette Northuldra avait-elle réussi à détruire la stabilité que j’avais réussie à construire en moi durant quatre années en un simple aveu n’ayant duré que le temps d’une soirée ?
« Vous avez réussi à contrôler vos pouvoirs uniquement lorsque vous avez décidé de laisser libre cours à vos sentiments. »
Etait-il possible que… ? Non. Cela ne pouvait pas m’arriver, pas à moi qui avais reçu une éducation stricte, provenant du milieu royal dans lequel j’étais née, et qui m’avait toujours tournée vers la norme et le respect des conventions. Cependant, je devais bien avouer qu’Honeymaren avait bouleversé la plupart de mes certitudes. Je n’avais jamais été attirée par les hommes certes, mais l’avais-je déjà été par les femmes ? Je ne savais plus.
Je me remis debout. Mes jambes tremblaient. Je me mis au centre de ma chambre, fermai les yeux et inspirai profondément. Essayant de rester la plus concentrée possible, je levai alors lentement les mains tout en conservant les paupières closes. Je repassais en boucle la scène de la veille au soir dans ma tête. Je me surpris presque aussitôt à sourire machinalement. Quand mes mains se rejoignirent au-dessus de ma tête, je les appuyai l’une contre l’autre quelques instants avant de relâcher ma pression. Une fois mes bras revenus le long de mon corps, je rouvris les yeux. La glace et le givre qui recouvraient la pièce quelques minutes plus tôt avaient totalement disparu. Je souris, fière de moi. Mais ma joie ne dura qu’un court moment. Je me rendis soudain compte de ce que cela signifiait. Je m’étais mise à l’épreuve et cela avait fonctionné. Seul l’amour peut dégeler un cœur de glace, pensai-je. Je tenais enfin la vérité. Ou plutôt je la reconnaissais enfin. Je fus alors prise d’un pincement au cœur. Les sentiments que je ressentais mélangeaient à la fois joie et honte. La honte de me sentir plus proche que la normale d’une femme. Mais la présence de la jeune Northuldra avait tout bouleversé depuis quelques temps. La peur mais aussi l’excitation de savoir ce qu’elle ressentait réellement pour moi, ces sensations et ces réactions étranges de mon corps, mon regard fuyant quand elle me regardait dans les yeux, tout ceci me faisaient réaliser une chose : je l’aimais en retour malgré moi.
***   
Le soleil commençait déjà à se coucher. Ses rayons peinaient à atteindre le village Northuldra à travers les cimes des arbres. Je marchais d’un pas rapide et décidé. Je savais ce que je devais faire.
J’arrivai bientôt devant la porte de la cabane que je cherchais. Je frappai trois coups et attendis que l’on vienne m’ouvrir. Rien. Pas un bruit, pas un mouvement ne me provenait de l’intérieur de la petite habitation. Je tentai d’actionner la poignée. L’entrée n’avait pas été verrouillée. J’entrai doucement dans la cabane, prenant soin de refermer la porte derrière moi.
« Honeymaren ? » fis-je, espérant que la jeune femme me répondrait.
Toujours rien. J’avançai alors de quelques pas et passai devant la salle à manger qui était vide. Il faisait sombre. La plupart des volets étaient fermés, ne laissant qu’un maigre filet de lumière s’introduire à l’intérieur. Je vis alors deux portes au fond du couloir. Je frappai à l’une d’entre elles. Pas de réponse.
Après quelques secondes d’hésitation, je finis par entrer et découvris la chambre de la jeune femme. Il y faisait tout aussi sombre que dans le restant de la cabane. Une forte odeur de vomi me parvint alors. L’inquiétude me gagna soudainement.
« Honeyma… »
Je m’interrompis immédiatement en l’apercevant, allongée sur le lit au centre de la pièce et me tournant le dos. Elle ne bougeait pas. Je me précipitai vers elle et saisis doucement son visage.
« Non… S’il te plait non… », murmurai-je, le cœur serré.
Je tournai complètement la jeune femme vers moi et retins ma respiration. Elle entrouvrit les yeux. Je soupirai de soulagement. Elle était en vie.
« Elsa ? Qu’est-ce que tu fais ici ? dit-elle faiblement.
— Qu’est-ce que tu as fait ? »
Elle ne répondit pas.
« Honeymaren qu’est-ce que tu as fait ? insistai-je, de plus en plus angoissée.
— Je… »
Une violente quinte de toux l’empêcha de parler. Elle tenta de se redresser et cracha du sang. Quelques gouttes vinrent tacher ma robe.
« Je t’en prie réponds-moi… suppliai-je, les larmes aux yeux.
— Je pensais que tu ne voulais pas de moi… »
Je me mordis la lèvre inférieure.
« Je n’ai jamais dit ça… C’est juste que… C’est compliqué… Et tu le sais », lui dis-je en soupirant.
La jeune femme baissa les yeux, l’air déçu.
« J’ai avalé une des potions de Silja, m’avoua-t-elle.
— Tu as quoi ?! » m’écriai-je.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 37)

Ven 11 Aoû 2023, 21:36
Chapitre 37
Yéléna
 
Une tentative de suicide. Voilà ce que c’était. Elsa, paniquée, venait d’entrer dans la tente de Silja en espérant y trouver de l’aide. La vieille femme et moi y étions depuis un moment déjà. L’ancienne reine nous avait tout raconté. Les vomissements, le sang, les difficultés à respirer… Honeymaren s’était empoisonnée, il n’y avait aucun doute.
« Qu’a-t-elle avalé ? demanda calmement Silja en s’appuyant sur sa canne.
— Je ne sais pas, elle n’a pas su me le dire… Je pense qu’elle a fait ça sur un coup de tête sans véritablement regarder ce qu’elle ingérait…  
— Cela ne va pas nous faciliter la tâche… Où est-elle ?
— Dans sa chambre.
— Hmmm… Et depuis combien de temps est-elle malade ?
— Je ne sais pas je l’ai trouvée dans cet état quand j’y suis entrée. »
Silja fouilla au fin fond d’une vieille amphore pour en ressortir un petit tube contenant un liquide jaunâtre.
« Qu’est-ce que c’est ? demanda Elsa.
— Un antidote. Il n’y a plus qu’à espérer que ce soit le bon ! »
***  
Nous suivîmes Elsa jusqu’à la cabane de Ryder et d’Honeymaren. Lorsque nous entrâmes dans la chambre de cette dernière, je fis une grimace de dégoût, tant l’odeur me répugnait. Silja alla ouvrir la fenêtre sur le mur du fond. La jeune femme était allongée sur son lit, aussi pâle que ses draps. De grosses gouttes de sueur dégoulinaient le long de son front. Elle semblait au plus mal. La vieille Northuldra vint s’asseoir à côté d’elle et posa délicatement sa main sur son ventre. Elsa apporta alors une bassine qu’elle mit au pied du lit. A peine l’eut-elle déposée qu’Honeymaren vomit. Je détournais rapidement le regard, prise d’un soudain mal aise.
« Pourriez-vous nous laisser un moment ? nous demanda Silja.
Elsa et moi nous regardâmes puis quittâmes la pièce. Nous retrouvant seules dans le couloir et ne sachant quoi nous dire, nous gardâmes le silence. Je sentais que la jeune femme redoutait ce qui allait se passer. Je n’avais jamais douté des pouvoirs de guérison de mon amie. Je savais qu’elle pouvait soigner Honeymaren. Mais quelque chose m’échappait. Pourquoi diable Elsa se trouvait-elle chez la Northuldra à une heure si tardive ? L’inquiétude qu’elle montrait face à l’état de la jeune femme était bien supérieure à la mienne. Je la regardai faire les cent pas devant la porte de la chambre. Son angoisse était palpable. Je me décidai à rompre le silence :
« Savez-vous ce qui lui a pris ? » lui demandai-je.
Elsa s’arrêta net, fixant un point dans le vide. Elle paraissait déstabilisée par ma question.
« Non, je n’en sais rien… finit-elle par répondre.
— Vous n’avez même pas une idée ? Parce qu’on ne fait tout de même pas une tentative de suicide pour rien. »
La jeune femme tressaillit au mot « suicide ».
« Non. Non je ne sais vraiment pas ce qui a pu se passer. »
Je soupçonnais pourtant le contraire. Il était évident qu’elle savait. Elle agissait comme si elle en était elle-même la responsable.
***   
Une demi-heure s’écoula avant que Silja ne réapparaisse, tout aussi impassible que d’habitude. La vieille femme referma la porte de la chambre d’Honeymaren derrière elle, s’étira et repartit lentement à travers le couloir en s’appuyant sur sa canne. Elsa faillit défaillir face au mutisme de mon amie. Elle se précipita vers elle avant qu’elle ne sorte de la cabane, l’attrapa par les épaules et demanda d’une voix inquiète :
« Alors ? Comment va-t-elle ? Etait-ce le bon antidote ?
— Va le découvrir par toi-même, lui répondit Silja.
— Quoi ? Mais… »
La vieille femme se retira sans un mot de plus, nous laissant seules avec nos interrogations. L’ancienne reine se jeta presque immédiatement sur la porte de chambre d’Honeymaren. Elle sembla hésiter quelques instants puis finit par l’ouvrir. Je me faufilai derrière elle et restai dans l’encadrement de la porte. La Northuldra était toujours allongée dans son lit mais semblait avoir repris quelques couleurs. Elle sourit en voyant Elsa s’asseoir à ses côtés. Cette dernière paraissait rassurée et soupira de soulagement, elle qui avait retenu son souffle en entrant dans la pièce. Quelque chose me dérangeait dans cette scène. Les deux jeunes femmes semblaient proches. Trop proches. Honeymaren ne m’avait pas remarquée. Elle posa sa main sur celle d’Elsa. Je me raclai la gorge, attirant leur attention sur moi.
« Eh bien je vois que tu vas beaucoup mieux », maugréai-je.  
La Northuldra sembla gênée.
« Euh… Je… Oui… Enfin… C’est grâce à Silja… balbutia-t-elle.
— En effet. Mais pourquoi as-tu fait une chose pareille ? Ne me dis pas que tu es inconsciente à ce point… »
Honeymaren se tut. Elsa et elle se regardèrent silencieusement. Je sentis une atmosphère pesante, remplie d’embarras et de non-dits, s’installer dans la pièce. Je gênais, c’était évident. Je leur lançai un regard glacial, les saluai et partis.
***   
« Tu n’avais rien remarqué ?
— Non. Enfin, je ne sais pas.
— Ça m’a pourtant paru évident. Dès le premier jour.
— Mais en es-tu vraiment sûre ?
— Qu’est-ce qu’il te faut Yéléna pour ouvrir les yeux ? Une boisson fraîche peut-être ? »
Je restai muette. Silja me tournait le dos, occupée à ranger ses fioles contenant toutes sortes de potions en lieu sûr.
« Avec quoi s’est-elle empoisonnée ?
— De l’arsenic, dit la vieille femme en me désignant du menton un des tubes.
— Je pensais que l’on ne pouvait pas guérir après avoir ingéré un tel…
— Si. Seulement si l’on s’y prend à temps comme cela a été le cas. »
Je considérais quelques instants le tube contenant un liquide aussi transparent que de l’eau. Pourquoi ? me demandais-je sans cesse intérieurement.
« Un chagrin certainement.
— Comment ? dis-je, étonnée, en levant les yeux vers Silja.
— Je répondais simplement à ta question. Mais tu n’as jamais connu cela toi qui as un cœur aussi dur que de la pierre.
— Je te remercie.
— Tu l’as toujours dit. Tu es insensible à ce genre de choses.
— Et tant mieux », rétorquai-je en croisant les bras par-dessus ma poitrine.
La vieille femme vint s’asseoir en face de moi, essoufflée d’être restée debout aussi longtemps.
« Tu sais Yéléna, reprit-elle en allongeant ses jambes sur un petit guéridon en osier, je me suis demandé pendant des années pourquoi aucun homme ne te plaisait, mais peut-être que…
— N’y songe même pas ! »
Silja se tut. Elle afficha un air pensif et soucieux à la fois, les mains posées sur son ventre.
« Ne te tracasse pas tant. Quand va-t-elle repartir ? demanda-t-elle.
— Kristoff est déjà arrivé pour la ramener.
— Je sais ! Ce n’est pas ce que je voulais savoir.
— Eh bien je ne sais pas ! Le plus tôt possible j’espère.
— Et toi qui espérais qu’elle n’y retourne pas… me fit remarquer mon amie.
— Oui. Mais c’était avant toute cette histoire. Je n’aime pas la tournure que cela prend. Dis-moi seulement comment tu as su ce qu’il se passait entre elles…
— Après sa rupture avec ce beau jeune homme…
— Erik.
— Oui voilà, Erik, la petite est tombée malade. Une dépression sans doute. Pendant les quelques jours qui ont précédé, je l’ai longuement observée. Elle était différente. J’ai retrouvé la petite fille joyeuse qu’elle était avant que ses parents… »
La vieille femme s’interrompit en sentant le regard grave que je posais sur elle.
— Enfin, peu importe, reprit-elle. Elle passait beaucoup de temps avec Elsa. Disons qu’elle faisait tout pour la voir le plus souvent possible. Et puis j’ai vu son frère arriver un matin. Il était tracassé par l’état de sa sœur. J’ai tout de suite compris. Une intuition. Tu me connais…
— Que diraient ses parents s’ils savaient ce que leur fille…
— Ils l’aimeraient tout autant ! s’exclama Silja.
— Comment peux-tu…
— Parce que l’on aime ses enfants, quoi qu’ils fassent. Si j’avais encore mes filles et qu’elles prenaient le même chemin que celui qu’Honeymaren est en train d’emprunter, je t’assure que j’en serais très heureuse !
— Tu n’en sais rien, elles ne sont plus là ! »
Mon amie parut soudainement blessée. Elle se redressa sur son siège, s’approcha de moi et saisit mon visage entre son pouce et son index.
« Bien sûr que je le sais Yéléna ! Tu connais la douleur que j’ai ressentie en voyant l’une d’entre elles mourir sous mes yeux ! Tu le sais puisque tu l’as vue aussi ! Cette douleur était le résultat du déchirement que provoquait tout mon amour pour ma fille en moi. Et crois-moi, je l’aimais tellement que j’aurais été capable de tout pour qu’elle soit heureuse. Même si pour cela elle devait m’avouer l’inavouable ! »
Je fixais le sol, ne sachant quoi ajouter à ses propos.
« Tu n’as jamais eu d’enfant. Tu ne peux pas comprendre.
— Non en effet je ne peux pas comprendre. Tout ce que je vois, c’est qu’elle est en train de déshonorer notre peuple et le peu de famille qu’il lui reste ! Ryder est-il au courant ?
— Je ne crois pas.
— Parfait. Assure-toi que cela reste ainsi. »
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 38)

Ven 18 Aoû 2023, 17:31
Chapitre 38
Elsa
 
J’ouvris les yeux. Les rayons du soleil, qui était déjà haut dans le ciel bleu, illuminaient la pièce. Je me redressai et m’étirai, encore courbaturée de la nuit difficile que je venais de passer. J’avais fini par m’endormir dans un fauteuil dans la chambre d’Honeymaren. Je ne la quittais plus depuis les évènements de la veille. Je levai les yeux vers le lit au centre de la pièce. La jeune femme était encore endormie et souriait inconsciemment dans son sommeil.
Je me levai et quittai silencieusement sa chambre. Alors que je venais de refermer la porte derrière moi, je sursautai en découvrant Ryder debout dans le couloir, un verre d’eau à la main.
« Oh ! Je ne savais pas que vous étiez ici ! dit-il en m’apercevant, tout aussi surpris que moi. Ma sœur n’avait pas l’air bien hier soir alors je pensais qu’elle ne voudrait pas recevoir de visite… »
Je restai un instant muette face à la naïveté du jeune homme.
« Tu n’es pas au courant ? » finis-je par lui demander.
Il me regarda, interloqué.
« Au courant de quoi ?
— Honeymaren a fait… une tentative de suicide. »
A peine eus-je terminé ma phrase que Ryder se rua dans la chambre de sa jumelle.
« Honeymaren ! cria-t-il, Honeymaren ! Qu’est-ce que tu as fait ? »
J’entendis la jeune femme, réveillée par les cris de son frère, lui répondre d’une voix ensommeillée :
« De quoi tu parles ?
— Tu le sais très bien ! Pourquoi tu as fait ça ? Tu es devenue folle ? Je pensais que le problème était réglé ! »
Les reproches de Ryder fusaient en tous sens. Je quittai la cabane, les laissant s’expliquer tranquillement.
***   
La mer était calme. Les rayons du soleil couchant se réverbéraient sur sa surface éclatante. Je plissai les yeux pour distinguer Ahtohallan. Je n’en distinguais que péniblement les contours. Soudain, Nokk surgit au milieu du clapotis des quelques vagues. Il me fixa d’un regard intense et désireux de connaître ce que je venais faire sur cette plage. Il pencha doucement sa tête sur le côté, curieux. Je m’approchai de lui, un sourire aux lèvres. Je caressai doucement son encolure. Il ne se laissait faire qu’avec moi. Personne d’autre.  
« Où vas-tu ? »
L’esprit de l’eau disparut instantanément dans les flots, bien trop craintif pour supporter la présence d’inconnu. Je me retournai. Silja me faisait face, debout dans le sable noir. Comment m’a-t-elle suivie ?
« Euh… Je… 
— Nulle part donc. Suis-moi. »
La vieille femme appuya ses deux mains sur sa canne et frappa le sol de deux coups secs. La Mer Sombre s’ouvrit en deux, laissant un passage apparaître. Je restai clouée sur place, tout aussi impressionnée que la première fois que j’avais assisté à ce spectacle. La Northuldra s’y engouffra sans hésiter. Au bout de quelques instants, elle s’arrêta, se retourna et me cria :
« Qu’est-ce que tu attends ? »
Je restai immobile, incapable de faire le moindre geste.
« Eh bien ! Avance ! Aujourd’hui de préférence ! », reprit-elle impatiemment.
Je sortis de ma torpeur. Quand Silja entendit mes pas dans le sable, elle reprit calmement sa route, enfin satisfaite.
Nous marchâmes silencieusement durant les quelques centaines de mètres qui nous séparaient d’Ahtohallan. J’en profitai pour l’observer. Elle me paraissait vieillie. Ses traits étaient encore plus tirés que la dernière fois que je l’avais dévisagée ainsi. Je la dépassais de plus d’une tête. Elle me semblait recroquevillée sur elle-même. Ses longs cheveux blancs étaient regroupés en un chignon peu soigné à l’arrière de son crâne. De nombreuses mèches s’en échappaient et venaient encadrer son visage tourné imperturbablement vers l’horizon. Je regardai par-dessus mon épaule. L’eau recouvrait chacun de nos pas, nous empêchant de rebrousser chemin.
« Ne t’arrête pas », dit la chamane en me remarquant ralentir.
Je me remis à sa hauteur et conservais la cadence, bien que ses jambes ne paraissaient plus capables de la soutenir, tant elles tremblaient à chaque nouvelle foulée.
Nous arrivâmes enfin aux abords de la petite île. Je fus stupéfaite en découvrant que toute la glace qui la recouvrait était toujours intacte, malgré la chaleur.
« Comment est-ce possible… murmurai-je.
— Tu n’as pas disparu. Du moins, pas encore.
— Pardon ?
— Je plaisante ! Ne sois pas si sérieuse ! »
Je restai muette.
« Ce que je veux dire, reprit la vieille femme en se raclant la gorge, c’est que le cinquième esprit – celui de la neige et de la glace – est toujours parmi nous. Tu n’as pas disparu Elsa. Et tant que tu es ici, ce glacier subsistera.
— Je ne savais pas que c’était possible, soufflai-je.
— Même si tu es une passerelle entre les humains et la nature, tu es un esprit comme celui de la terre, du feu, du vent et de l’eau.
— Vous voulez dire que je pourrais… disparaître moi aussi ? »
Silja hésita.
« Je ne sais pas », acheva-t-elle.
Mon cœur rata un battement. Le visage grave de la Northuldra ne me rassurait pas. Elle s’enfonça à l’intérieur du glacier. Je la suivis, ne sachant que faire d’autre.
Lorsque nous fûmes dans la « salle principale », la chamane me regarda longuement avant de me réclamer de lui créer un siège pour qu’elle puisse s’asseoir. Je m’exécutai immédiatement et fis apparaître une petite chaise de glace à quelques centimètres d’elle. La vieille femme se laissa lourdement tomber dessus en soupirant.
« Puis-je te poser une question ? » me demanda-t-elle.
J’acquiesçai.
« As-tu déjà perdu le contrôle de tes pouvoirs ? »
Je levai les yeux vers les siens. Je ne pouvais rien y lire et pourtant, je ressentais comme une tension dans son regard vide.
« Je pensais que vous étiez au courant, répondis-je. Ça m’est arrivé le jour de mon couronne…
— Non. Je parle d’une VRAIE perte de contrôle », m’interrompit-elle.
Je la fixais, interloquée.
« Comment ça ?
— N’as-tu jamais senti que tes pouvoirs prenaient le dessus au point de te faire perdre tout sang-froid et toute lucidité ? »
Je me tus. Cet énorme malaise que j’avais ressenti la veille avant que Kristoff ne rentre soudainement dans ma chambre me revint en mémoire. Alors que j’ouvrais la bouche pour lui répondre, un second souvenir m’assaillit. Celui de mon palais de glace envahit par les deux gardes du Duc de Weselton quatre ans auparavant. Je me remémorai alors les évènements, me rappelant de cette perte de sang-froid dont j’avais fait preuve, au point de m’être sentie capable de tuer ces deux hommes.
J’avalai difficilement ma salive. Je baissai les yeux, comprenant que Silja attendait une réponse.
« Non. Non jamais », mentis-je.
Je ne pouvais pas lui dire la vérité. Je savais la méfiance qu’elle avait envers moi. Je ne pouvais me permettre d’aggraver les choses. Mais, en remarquant son air préoccupé, je repris :
« Pourquoi me demandez-vous cela ? »
La vieille femme me considéra un instant puis soupira.
« Lorsque l’on a des pouvoirs aussi puissants que les tiens et que l’on ne pèse même pas soixante kilos, crois-moi, j’ai de quoi m’inquiéter ! Plus sérieusement, je pense que tu n’as pas conscience de toute leur étendue. Des émotions trop fortes pourraient te faire sortir des limites que tu connais. J’en suis convaincue. Et cela pourrait t’en faire perdre la maîtrise. La question est de savoir jusqu’à quel point ils pourraient prendre le dessus sur toi. »
Une boule d’angoisse se forma dans ma gorge. Je savais jusqu’où j’aurais pu aller si personne ne m’avait arrêtée. J’aurais pu tuer quelqu’un.
***   

La nuit était tombée depuis plusieurs heures quand je revins au village Northuldra, accompagnée de Silja. Tous les habitants semblaient couchés. Aucune lumière ne sortait des cabanes. La vieille femme se dirigea vers sa tente et, avant d’y entrer, me lança :
« N’oublie pas ce que je t’ai dit. »
Et elle disparut à l’intérieur. Je restai les bras ballants au milieu du campement. J’hésitais encore, malgré toutes les certitudes dont j’étais maintenant remplie. J’inspirai profondément et me dirigeai vers la cabane d’Honeymaren. Je frappai quelques coups sur la porte mais ne fus pas surprise de ne pas avoir de réponse. J’entrai aussitôt et traversai d’une traite le couloir jusqu’à la chambre de la jeune femme. Le cœur battant, je toquai à sa porte. Sa voix me parvint :
« Ryder je t’ai dit de me laisser tranquille ! »
J’hésitai quelques secondes avant de pénétrer dans la pièce. La Northuldra était toujours allongée sur son lit et me tournait le dos.
« Qu’est-ce que tu n’as pas compris quand je te demandais de… »
Elle laissa sa phrase en suspens lorsqu’elle se retourna et me vit.
« Elsa ! Excuse-moi, je ne savais pas que c’était toi… »
Je lui souris.
« Je peux ? » lui demandai-je en désignant son matelas.
La jeune femme acquiesça. Je vins alors m’asseoir à ses côtés.
« Où est ton frère ?
— Parti faire une promenade pour se calmer je pense, marmonna-t-elle.
— Oh je vois… Mais il a raison tu sais… Tu n’aurais jamais dû faire une chose pareille. Tu aurais pu te tuer… »
Honeymaren se redressa et s’assit en tailleur. Je remarquai alors qu’elle ne portait qu’un fin débardeur blanc et un pantalon en toile.
« Désolée… C’est plus confortable que le reste de mes vêtements et… je ne m’attendais pas à recevoir de la visite autre que celle de Ryder à cette heure-ci… » dit-elle en apercevant mon regard.
Je lui souris, amusée.
« Et donc… pourquoi est-ce que tu viens ? me demanda-t-elle, l’air gênée.
— J’ai… pas mal réfléchi à ce qu’il s’est passé et… j’ai réalisé plusieurs choses…
— Ah oui ? »
J’acquiesçai. Les yeux de la jeune femme avaient subitement retrouvé leur éclat. Elle était si jolie. Ses cheveux ébouriffés qui visiblement n’avaient pas été coiffés lui donnaient un charme supplémentaire. Je lui souris et approchai lentement mon visage du sien. Nous nous retrouvèrent front contre front, à nous regarder droit dans les yeux. Je sentis son souffle chaud sur moi. Les battements de mon cœur s’accélérèrent de nouveau. N’y tenant plus, je pressai mes lèvres contre les siennes, répondant à un nouveau désir brûlant. Nous nous embrassâmes longuement. Pour la première fois, je ne me souciais plus des normes et des conventions. Tout ce qui m’importait à présent, c’était d’enfin me permettre d’être heureuse.
« Moi aussi je t’aime », murmurai-je entre deux baisers.

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Ven 25 Aoû 2023, 20:45
Chapitre 39
Ryder
 
Je me réveillais après une nuit très agitée. Je n’avais presque pas fermé l’œil. Le soleil s’était déjà levé depuis longtemps. Je savais que j’étais censé être debout depuis un moment, à m’occuper de mon troupeau. Je n’en avais pas eu la force. J’avais passé toute la soirée et une bonne partie de la nuit à errer dans la forêt enchantée. Le comportement de ma sœur m’avait déçu. Je l’avais laissée seule, pris de colère. J’avais longuement marché pour me calmer et, réalisant que ma réaction était stupide, je m’étais dirigé, épuisé, vers ma cabane. Je m’étais approché silencieusement, pensant qu’Honeymaren dormait. Lorsque j’avais vu que le volet de sa fenêtre était toujours fermé, je m’étais approché pour l’ouvrir, sachant que c’était la seule solution pour qu’elle voit enfin la lumière du jour le lendemain matin. Au moment où j’avais posé ma main sur le volet en bois, le petit Bruni avait sauté sur mon bras.
« Hey ! Qu’est-ce que tu fais là toi ? » avais-je demandé en riant au petit animal.
L’esprit du feu m’avait regardé de ses yeux ronds et s’était mit à ramper le long de ma manche jusqu’à venir s’agripper à mes doigts. Au moment où j’avais voulu ouvrir le volet, il avait craché de minuscules flammes sur le dos de ma main.
« Aïe ! Lâche-moi ! Lâche-moi ! Lâche-moi ! » avais-je gémis en secouant mes doigts de toutes mes forces pour faire lâcher prise à la salamandre.
Bruni avait fini par tomber au sol et, avant de partir, m’avait jeté un regard noir. J’avais levé les yeux au ciel avant d’enfin réussir à ouvrir le volet. J’avais simplement jeté un coup d’œil à l’intérieur par curiosité. Ce fut à ce moment précis que j’avais vu ce qui m’avait hanté toute la nuit. Honeymaren et Elsa s’embrassaient éperdument sous mes yeux ébahis. J’avais rapidement détourné le regard, ne voulant surtout pas en voir davantage. Un sentiment de déchirement intérieur s’était emparé de moi. J’avais senti les larmes me monter aux yeux sans savoir pourquoi. Je les avais refoulées tant bien que mal, me sentant soudain envahi par la colère. J’étais tombé à genoux et avais frappé rageusement le sol de mes poings, étouffant un cri de fureur.
A présent, je n’arrivais pas à oublié ce que j’avais vu. Je restais allongé dans mon lit, fixant le plafond. Je passai mes mains sur mon visage pour tenter de me reprendre. Inutile, la vision de ma sœur embrassant Elsa restait gravée dans ma mémoire.
Honeymaren ne s’était toujours pas levée. Le simple fait de me dire que ma jumelle pouvait aimer une femme me rendait fou de rage. Je l’avais pourtant mise en garde ! Je me sentais subitement pris d’un sentiment de honte. Honte d’avoir une sœur différente. Je lui en voulais terriblement. Soudain, j’entendis la porte de sa chambre s’ouvrir et se refermer. Je me levai et me dirigeai vers le salon, les poings serrés. Honeymaren s’y trouvait, se préparant une tasse de thé et affichant une mine pensive. Je vins m’asseoir sur un fauteuil en face d’elle, essayant de rester impassible.
« Tu as passé une bonne soirée ? » lui demandai-je, faussement intéressé.
Elle leva la tête et me regarda, l’air étonné.
« Je n’ai rien fait de spécial, tu sais », me répondit-elle en portant sa tasse de thé à ses lèvres.
Je sentis la colère monter en moi. Elle osait me mentir en me regardant droit dans les yeux.
« Ah bon ? Pourtant j’ai cru comprendre que ta soirée avait été plus excitante que ça… »
Honeymaren sursauta et faillit s’étouffer avec la gorgée qu’elle venait d’avaler.
« Que veux-tu dire ? »
Je vis la panique dans son regard. Je la regardai alors durement.
« Je sais ce qu’il s’est passé hier soir avec Elsa, lui dis-je froidement.
— Mais comment…
— Je vous ai vues », l’interrompis-je.
Ma sœur se mit à rougir d’un coup.
« Qu’est-ce… qu’est-ce que tu as vu exactement ? bafouilla-t-elle soudainement gênée.
— Vous vous embrassiez. Et je ne veux pas savoir ce que vous avez fait après », rajoutai-je d’un ton rempli de reproches en voyant son soulagement.
Je me levai et m’approchai d’elle. Je la saisis violemment par les épaules et plongeai mon regard dans le sien. Nous étions si près l’un de l’autre que nos fronts se touchaient presque. Je la vis grimacer de douleur sous la pression que j’effectuais sur elle.
« Ryder tu me fais mal ! Lâche-moi ! protesta-t-elle.
— Non, je ne te lâcherai pas ! Qu’est-ce qui t’as pris de faire une chose pareille ? Tu sais pertinemment que vous n’avez pas le droit ! hurlai-je.
— Et alors ? Je l’aime ! Je n’allais pas rester les bras croisés à attendre que ça se  passe. A moins que tu préfères me voir déprimer au fond de mon lit ?
— Oui j’aurais préféré ! Je regrette d’avoir fait venir Silja et de t’avoir réconfortée si c’est pour que tu agisses comme ça par la suite… »
Honeymaren me lança un regard froid.
« A quoi t’attends-tu ? Elle est de sang royal ! Elle ne peut pas se permettre de s’engager dans une telle relation ! repris-je.
— Elsa n’est plus reine !
— Et qu’est-ce que ça change ? Elle reste la fille ainée et l’héritière d’Agnarr et d’Iduna, qu’elle le veuille ou non ! Et tu sais ce qu’il se passe quand une reine ne respecte pas son devoir ? »
Ma sœur baissa les yeux. Je vis une larme couler le long de sa joue.
« Si je te dis ça c’est parce que je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit à cause de cette relation. Tu dois y mettre un terme au plus vite, lui dis-je en soupirant.
— C’est injuste… Elle n’est plus reine ! Elle ne devrait plus avoir à respecter ce fichu protocole !
— Peut-être mais c’est comme ça et tu le sais. »
Je relâchai Honeymaren en soupirant. Ses yeux étaient remplis de larmes. Je m’éloignai, la laissant seule un moment.
***     
J’avais quitté la cabane, ayant grand besoin de prendre l’air et avais confié mes rennes à un autre éleveur pour la journée. Je n’avais pas le courage de m’en occuper aujourd’hui. Pas après ce que j’avais vécu la veille.
J’étais assis au bord du petit ruisseau non loin du camp Northuldra. Je jetais rageusement des pierres dans l’eau claire, troublant alors sa surface lisse. Après de longues minutes passées à déverser ma colère de cette façon, je relevai la tête et aperçu Elsa quelques mètres plus loin. Elle était agenouillée, s’occupant de Bruni, l’esprit du feu. La petite salamandre semblait être plus heureuse que jamais entre les mains de la jeune femme – ce qui n’avait pas été le cas avec moi. Cette dernière amusait la petite créature en créant de nombreux flocons au-dessus de sa tête, la rafraîchissant en ce début d’après midi printanier. Elsa ne m’avait pas remarqué. Je serrai les poings tout en l’observant silencieusement. Quelque chose au fond de moi hurlait. Je n’en pouvais plus de me contenir. Je sentis des larmes de rage me monter aux yeux. Je les refoulai, une fois de plus. Soudain je sentis une main se poser sur mon épaule. Je sursautai de stupeur et me retournai vivement. Kristoff, accompagné de Sven, me faisait à présent face.
« Eh ! Je t’ai fait peur ? me demanda-t-il en riant.
­— Non pas du tout. Je réfléchissais juste », lui répliquai-je d’un ton détaché.
Mon ami fronça les sourcils.
« Toi, réfléchir ? Non il y a forcément autre chose ! » se moqua-t-il en me donnant un coup de coude dans les côtes.
Je ne répondis pas à ses provocations pour une fois. Je me retournai pour regarder l’endroit où se trouvait Elsa juste avant que Kristoff n’arrive. Personne. Elle avait disparu. Le jeune homme suivit mon regard.
« Ryder qu’est-ce que tu as ? »
Je soupirai.
« Rien laisse-tomber.
— Ça va arrête. Je te connais. Quelque chose ne va pas. Je t’ai vu jeter tes cailloux dans l’eau. »
Je levai la tête vers Kristoff. Il me regardait fixement, appuyé sur son renne, et attendant une réponse de ma part.
« Disons que j’ai découvert quelque chose que j’aurais préféré ne jamais savoir, dis-je en baissant les yeux.
— Et donc ? Qu’est-ce que c’est ? insista-t-il.
— Honeymaren et Elsa sont… je poussai un soupir n’arrivant pas à terminer ma phrase.
— Amoureuses l’une de l’autre ? »
Je regardai Kristoff, bouche-bée.
« Comment le sais-tu ?
— Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Ne me dis pas que tu viens seulement de l’apprendre ?
— En fait… je m’en doutais… Depuis un moment même… Simplement je ne voulais pas y croire. Je voyais bien qu’Honeymaren avait un comportement… étrange quand il s’agissait d’Elsa. Mais jamais je n’aurais pensé que c’était réciproque. Enfin, tu connais Elsa, elle est tellement…
— Sérieuse ? Droite ? Respectueuse du protocole ?
— Oui ! Exactement ! Et je ne pensais pas qu’elle serait capable de ça, de se mettre éventuellement en danger juste pour une relation avec une autre femme ! »
Kristoff me regarda longuement, sans un mot. Au bout de quelques instants, il me dit :
« Tu sais Ryder, on ne peut rien changer à cela. Ce sont leurs sentiments. C’est comme ça.
— Oui mais ça concerne Honeymaren ! Et par conséquent ça me concerne aussi indirectement ! Je ne veux pas que l’on m’associe à leur relation homosexuelle ! Et je ne veux pas non plus me sentir honteux d’avoir une sœur comme elle par leur faute à toutes les deux !
— Moi je pense que cela te concerne plus directement que tu ne le penses…
— Que veux-tu dire ? demandai-je, étonné.
— Je ne crois pas une seconde que ce soit le fait qu’Honeymaren soit homosexuelle qui te dérange. C’est ta sœur et tu l’aimes comme elle est et tu le sais. Ce qui te met hors de toi c’est qu’Elsa le soit… Je me trompe ? »
Je regardai mon ami, ne comprenant pas. Il reprit :
« C’est une très belle femme. Ne me dis pas que tu as toujours été insensible à son charme.
— Qu… Quoi ? De quoi tu parles ? bafouillai-je, soudainement déstabilisé par les propos de Kristoff. 
— Ryder… Depuis mon arrivée tu ne fais que l’épier. Ne me dis pas que tu ne t’en es pas rendu compte ? »
Je restai muet et les bras ballants. Sven s’approcha de moi et me donna un petit coup de tête. Je le regardai puis levai les yeux vers mon ami. Celui-ci soupira, attrapa le harnais du renne et monta sur son dos.
« Si tu trouves une réponse à ma question, tu sais où me trouver. Mais dépêche-toi, je repars demain matin, et avec elle », me lança Kristoff avant de partir vers les pâturages.
Je le regardai s’éloigner, me retrouvant à nouveau seul.

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Dim 27 Aoû 2023, 09:56
Oh ça se corse niveau amour autour d'Elsa ! Razz
Alors ? Est-ce que Ryder va réussir à mettre un mot sur ses sentiments pour Elsa ?! Very Happy

Oui faut pas croire ! Je suis ton histoire hein Smile

En tous cas j'ai hâte de voir où tu veux nous mener et j'espère que la relation Elsa/Maren n'est pas juste un prétexte de fan et qu'elle va bien être exploitée ! Wink (je me fais pas de soucis au vu de la qualité de tes textes qui est excellente ! Smile )

Bon mais tout de même...Quand est-ce qu'Anna et Kristoff se retrouvent ?! (ça fait longtemps qu'on a pas eu le point de vue de l'un et l'autre ! bravo )

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Dim 27 Aoû 2023, 10:35
Ansa a écrit:Oh ça se corse niveau amour autour d'Elsa ! Razz
Alors ? Est-ce que Ryder va réussir à mettre un mot sur ses sentiments pour Elsa ?! Very Happy

Oui faut pas croire ! Je suis ton histoire hein Smile

En tous cas j'ai hâte de voir où tu veux nous mener et j'espère que la relation Elsa/Maren n'est pas juste un prétexte de fan et qu'elle va bien être exploitée ! Wink (je me fais pas de soucis au vu de la qualité de tes textes qui est excellente ! Smile )

Bon mais tout de même...Quand est-ce qu'Anna et Kristoff se retrouvent ?! (ça fait longtemps qu'on a pas eu le point de vue de l'un et l'autre ! bravo )

Haha ! Suspens... 

Pour Anna et Kristoff ça ne va pas tarder ! Le prochain chapitre est dédié au point de vue de Kristoff d'ailleurs... 
Normalement j'ai fait en sorte que les chapitres dédiés à chacun des personnages soient équilibrés. Il y en a quasiment autant pour chacun. 

A vendredi prochain pour la suite !

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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 40)

Ven 01 Sep 2023, 23:22
Chapitre 40
Kristoff
 
L’après-midi passait à une vitesse folle. J’avais laissé Sven dans la clairière en contrebas avec les autres rennes. Pendant qu’il broutait et gambadait joyeusement, je m’occupais de charger le traineau de provisions variées pour m’assurer que nous n’ayons pas faim durant le voyage jusqu'à Arendelle. Je repensai à la conversation que j’avais eue avec Ryder quelques heures plus tôt. Pourquoi ne veut-il pas m’avouer son attirance pour Elsa ? me demandai-je intérieurement, il pourrait me le confier, je suis son ami !
Alors que j’empilais mes dernières affaires dans le traineau, je vis justement l’ancienne reine s’approcher de moi, les mains vides.
« Vous n’emportez rien ? » lui demandai-je, surpris.
Elle me sourit.
 « J’ai déjà tout ce qu’il me faut à Arendelle, me fit-elle remarquer.
— C’est vrai… Je n’ai plus tellement l’habitude de vous voir au palais c’est pour ça… »
Un silence s’abattit soudain. Je me sentais toujours gêné lorsque j’étais aux côtés d’Elsa. Quelque chose en elle me dérangeait. Je ne savais pas vraiment qualifier mon mal être en sa présence. La veille pourtant, j’avais réussi à lui faire face sans trembler. Pour la première fois depuis que je la connaissais, je m’étais senti en position de force en sa présence. La voir ainsi perdre ses moyens m’avait enfin prouvé qu’elle aussi pouvait montrer des signes de faiblesse malgré le masque rempli d’assurance qu’elle laissait paraître depuis plusieurs années. Mais ce moment de trouble n’avait visiblement pas duré longtemps. Elsa semblait déjà s’être reprise en main et affichait de nouveau son calme et son sérieux habituels. Elle était à l’opposé d’Anna, si joyeuse et optimiste.
La jeune femme se tourna vers moi, me regarda droit dans les yeux et dit :
« Quand comptez-vous partir ? »
Son regard me déstabilisait et me mettait encore plus mal à l’aise. Elle ne semblait pourtant pas l’avoir remarqué. Je me raclai alors la gorge pour tenter de ne rien laisser paraître.
« Demain matin. Ça vous convient ? »
Elsa fit une légère grimace en détournant son regard du mien, ce qui la sortit de son air habituellement si sérieux et froid.
« Oui bien sûr. Cela me laisse le temps de dire au revoir aux Northuldra, dit-elle tristement.
— Et à Honeymaren ? » fis-je sans réfléchir.
L’ancienne reine leva de nouveau les yeux vers moi et faillit s’étouffer de surprise.
« Comment êtes-vous…
— Oh… Simple intuition », mentis-je en me grattant nerveusement l’arrière de la tête, me rendant compte de ma maladresse.
Elle me regarda longuement, essayant visiblement d’en savoir plus. Après plusieurs secondes qui me parurent interminables, elle finit par abandonner et s’éloigna finalement de moi, repartant vers le camp. Je soupirai de soulagement en voyant qu’elle n’avait pas davantage insisté.
***     
Après avoir terminé de ranger les dernières affaires à remporter à bord du traineau, je m’en allai retrouver Sven. Quand il m’aperçut, il se précipita vers moi, heureux de me retrouver. Je caressai doucement son encolure puis montai sur son dos.
« Allez mon grand ! » lui dis-je en lui indiquant de s’enfoncer un peu plus profondément dans la forêt.
Nous passâmes devant de nombreux arbres malades, tous recouverts d’immenses traces noires. Leurs branches étaient à présent toutes dénuées de feuilles. Ils étaient morts, je le savais. Il serait impossible de les sauver. Il fallait les abattre tous, en espérant que cela pourrait stopper la propagation de ces étranges marques, même si j’en doutais fortement. La forêt enchantée était bien plus atteinte par cette étrange maladie qu’Arendelle. Tous les Northuldra étaient directement concernés. Mais aucun n’osait aborder ce sujet. Depuis mon arrivée, jamais je n’avais entendu parler autour de moi des disparitions de l’esprit de la terre et du vent. C’était comme une crainte que l’on préférait taire au lieu de l’affronter.  
***     
Après quelques minutes de marche, nous arrivâmes dans une partie un peu plus reculée de la forêt enchantée. Des arbres encore recouverts de feuilles vertes entouraient une minuscule clairière au centre de laquelle il y avait un gros rocher. Les rayons du soleil illuminaient le tout. C’était magnifique. Je souris en me rappelant ma demande en mariage que j’avais répétée si longuement avec Ryder dans ce même endroit, entouré d’un troupeau de rennes. Cela avait été pathétique ! Mais drôle après coup quand je me rappelais la tête de Yéléna qui nous avait surpris… Finalement, heureusement qu’Anna n’était pas arrivée à ce moment-là. Elle m’aurait certainement trouvé stupide ! Je regardai le rocher. Je descendis du dos de Sven et me dirigeai au centre de la clairière pour monter dessus. Je pris un air faussement sérieux, gonflai la poitrine et me raclai la gorge.
« Princesse Anna d’Arendelle, veux-tu m’épouser ? clamai-je d’un ton solennel en direction de Sven.
— Oui je le veux ! », fit une voix suraigüe derrière moi.
Je sursautai, me retournai vivement et vis Ryder battant exagérément des cils et prenant une position féminine caricaturale qui le rendait complètement ridicule.
« Qu’est-ce que tu peux être bête par moment ! fis-je en riant et en sautant du rocher.
— Pas plus que toi ! Je te rappelle que c’est toi qui faisais l’imbécile à l’instant », me répliqua-t-il en me mimant de façon excessive.
Je levai les yeux au ciel.
« Et dire que j’ai écouté les conseils de quelqu’un n’ayant jamais eu de relations amoureuses… » le taquinai-je. 
Ryder parut vexé et fit une petite moue boudeuse comme un enfant.
« C’est toi qui m’as demandé de l’aide ! »
Je soupirai, exaspéré.
« Bon qu’est-ce que tu viens faire ici ? Tu t’es enfin décidé à m’avouer pour Elsa ? demandai-je à mon ami en reprenant un air sérieux.
— Quoi ?! Non ! Je voulais juste passer encore un peu de temps avec toi avec que tu t’en ailles.
— Je vais te manquer c’est ça ?
— Pfff… Toi non mais Sven oui ! Et je sais que c’est réciproque ! » dit-il en me faisant un clin d’œil.
Il alla prendre la tête de mon renne entre ses mains et le caressa tout en lui disant :
« Qui c’est mon petit renne préféré ? Pas vrai que Tonton Ryder va te manquer ?
— Eh ! Ne lui parle pas comme ça », dis-je en l’écartant de Sven.
Ryder se mit à rire et alla s’asseoir sur le rocher sur lequel je me tenais quelques instants plus tôt.
« Alors, où est-ce que tu en es pour ton mariage avec Anna ? m’interrogea-t-il.
— Toi tu essaies de changer de sujet par tous les moyens ! remarquai-je. Ça avance… Je suppose qu’elle a dû continuer les préparatifs pendant mon absence.
— Tu m’inviteras hein ?
— Evidemment ! Elsa, Honeymaren et Yéléna le seront également bien sûr. »
***     
Nous restâmes à discuter tout le restant de l’après-midi, si bien que nous ne remarquâmes pas que le soleil s’était couché depuis bien longtemps.
« On devrait rentrer maintenant, il est tard et il commence à faire vraiment nuit », signifiai-je à mon ami.
Nous nous regardâmes silencieusement. Puis, au bout de quelques instants, Ryder me prit dans ses bras.
« Tu vas me manquer, me dit-il.
— Toi aussi, fis-je tout en repoussant doucement le jeune homme, peu habitué à ce genre d’étreinte de sa part.
— Tu verras, tu vas t’ennuyer sans moi !
— Au moins je serai au calme, sans avoir à te supporter en permanence ! » le taquinai-je tout en ébouriffant amicalement ses cheveux.
Je repartis, accompagné de Sven, vers la petite cabane que l’on m’avait attribuée durant mon séjour, me retournant à plusieurs reprises pour faire signe à Ryder. Il disparut bientôt derrière les nombreux arbres de la forêt enchantée.
***     
Je me jetai sur mon lit, exténué. Je n’avais même pas pris le temps de retirer mes vêtements. Je regardais le plafond et passai une main dans mes cheveux, tout en pensant à Anna qui devait déjà être en train de dormir. Je souris en l’imaginant allongée en étoile dans son grand lit, les cheveux en pagaille et un filet de salive coulant le long de sa joue. Je m’amusais parfois à rentrer dans sa chambre et à la regarder dormir ainsi. Lorsque je ne trouvais pas le sommeil, je pouvais rester auprès d’elle sans qu’elle le remarque pendant des heures. Je me rendais alors compte que la jeune femme était belle en toutes circonstances – même quand elle bavait légèrement !
Je perdis soudainement mon sourire en pensant aux longues journées qu’elle devait passer en mon absence au palais. Cela faisait presque trois jours que j’avais quitté Arendelle, la laissant seule gérer toutes les affaires du royaume. Certes, je ne pouvais pas encore l’aider concrètement mais au moins je lui apportais d’ordinaire un soutien moral pour toutes les longues tâches administratives qu’elle devait effectuer à longueur de journée et qui, bien souvent, l’épuisaient mentalement.
Je baillai et changeai de position, me retrouvant la joue contre l’oreiller. Demain soir à cette heure-ci, nous serons à nouveau réunis, songeai-je en fermant les yeux.
« Bonne nuit Anna », murmurai-je avant de sombrer dans le sommeil.

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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 41)

Ven 08 Sep 2023, 18:04
Chapitre 41
Yéléna
 
Le soleil venait de se lever. Kristoff et Elsa s’apprêtaient à partir. Les Northuldra s’étaient regroupés autour du traineau pour leur dire au revoir. Quelques enfants couraient joyeusement autour de Sven qui était attelé à l’avant, attendant patiemment que Kristoff lui donne l’ordre de démarrer. J’observais impassiblement la scène depuis ma tente. C’était la première fois depuis des mois que l’ancienne reine d’Arendelle allait repartir dans son royaume d’origine. Je n’aimais pas ces départs. Elsa ne serait plus sous mon œil attentif alors que je continuais à me méfier d’elle. Je n’écoutais que la nature et mon instinct. Personne d’autre. Cette jeune femme n’avait rien de naturel. Non. Sa magie dépassait de beaucoup la puissance des autres esprits. Je les avais longuement observés au cours de ma vie. Ils n’avaient rien en commun avec elle. Il s’agissait de créatures extraordinaires, n’ayant aucun rapport direct avec les êtres humains jusqu’alors. Ils étaient tous issus de catastrophes naturelles et étaient survenus durant des ouragans, des tsunamis, des incendies ou des tremblements de terre pour protéger notre peuple. Elle, elle était apparue sans raison apparente, prétendant simplement entendre une voix la guidant jusqu’à nous. Et cette voix s’était avérée être celle de sa mère. Je ne pouvais m’empêcher de penser qu’un jour ou l’autre, elle finirait par suivre le même chemin qu’Iduna et nous trahirait sans le moindre remord.
Je vis Elsa s’écarter du groupe que formaient les Northuldra autour d’elle. Elle attira Honeymaren avec elle dans un coin plus reculé, semblant vouloir se dissimuler aux yeux des autres. Les deux jeunes femmes ne semblaient pas m’avoir remarquée. J’étais trop loin. J’en profitais pour les regarder discrètement. Je voyais bien que quelque chose naissait entre elles. Quelque chose qui ne me plaisait pas.
Mes doutes s’avérèrent presque immédiatement. Elles s’embrassèrent sous mes yeux, ne m’ayant toujours pas aperçue. Ma mâchoire se crispa. Je serrai les poings. Je fulminais intérieurement en observant cette scène. En à peine six mois de temps, Elsa reproduisait déjà le même schéma que ses parents. Un membre de la famille royale d’Arendelle et une Northuldra ? Je refusais que l’histoire se répète ainsi. Je savais que je ne pouvais pas laisser leur couple prospérer. Deux femmes ensemble qui plus est ! C’était impossible. Cela nous attirerait des ennuis, d’une manière ou d’une autre, et la réputation des Northuldra serait ternie si l’on apprenait cette relation. Je devais les séparer à tout prix.  
Elsa s’éloigna d’Honeymaren en entendant Kristoff l’appeler. L’ancienne reine vint s’asseoir aux côtés du jeune homme et fit un signe de main aux Northuldra pour les saluer. Sous l’ordre de Kristoff, Sven se mit à galoper et le traineau s’éloigna rapidement, disparaissant bientôt au loin.
Je regardai encore longuement l’horizon, bien qu’aveuglée par la forte luminosité de l’aube naissante. Le ciel rose s’éclaircissait de plus en plus. Quand je fus parfaitement certaine qu’Elsa et Kristoff étaient suffisamment loin du camp Northuldra, un immense soulagement m’envahit malgré moi. J’allais pouvoir baisser la garde pendant quelques jours, même si l’idée de ne plus pouvoir surveiller Elsa de près ne me plaisait pas.
Je tournai la tête et vis Honeymaren prête à entrer dans sa cabane, un tas de bois sur les bras. Elle semblait perdue dans ses pensées et affichait un sourire rêveur. Je m’approchai d’elle silencieusement tandis qu’elle déposait les bûches à l’arrière de son habitation, avant d’en sélectionner quelques unes plus adaptées à la sculpture.
« Tu sais que vous ne devriez pas continuer », dis-je froidement en m’appuyant sur ma canne à quelques mètres d’elle.
Elle se retourna en sursautant, faisant tomber les morceaux de bois qu’elle tenait.
« Yéléna ! Je ne vous avez pas vue. De quoi parlez-vous ? me demanda-t-elle tout en ramassant les bûches.
— D’Elsa et toi. »
Honeymaren se figea et pâlit instantanément.
« Ce n’est pas ce que vous croyez…
— Je n’ai pas besoin d’explications ni de justifications inutiles. J’ai accepté qu’elle vienne vivre parmi nous. Je n’ai jamais dit que j’autorisais quiconque à avoir une relation avec elle, avec une personne d’Arendelle.
— Elle n’est plus d’Arendelle. Elle est des nôtres », protesta la jeune femme.
Je saisis brusquement le menton d’Honeymaren entre mon pouce et mon index et attirai son visage près du mien, la forçant à me regarder droit dans les yeux.
« Ce n’est pas parce qu’elle vit ici que cela fait d’elle une Northuldra, fis-je sèchement.
— Mais Iduna…
— Iduna a laissé tomber son peuple ! Et Elsa n’hésitera pas à faire de même l’occasion venue ! » m’écriai-je.
Honeymaren se dégagea brusquement de mon emprise et recula, les larmes aux yeux.
« Non, Elsa n’est pas comme ça… murmura-t-elle.
— Peu importe ! Que ce soit toi ou quelqu’un d’autre, je ne veux aucune liaison avec une personne d’Arendelle, est-ce clair ? »
La jeune femme sembla abasourdie.
« Je ne veux pas te voir avec elle. Oublie-la. Elle ne t’apportera que des ennuis et tu le sais, repris-je.
— Quels ennuis ? dit-elle en me lançant un regard de défi.
— Une relation homosexuelle de la sorte – qui plus est avec quelqu’un d’Arendelle – n’est jamais à concevoir. Jamais ! Cela ne peut être sans conséquences pour les Northuldra. Au lieu de satisfaire tes fantaisies, tu ferais mieux d’aider ton peuple et de ne pas le conduire tout droit vers l’humiliation !
— Je m’efforce d’aider mon peuple !
— Honeymaren, tu es issue d’une de nos plus anciennes familles. Je pensais que perdre tes parents dans cet incendie t’aurait fait mûrir. Je me suis trompée. Depuis leur disparition, tu ne fais qu’aller à contre courant, tu refuses les règles de notre communauté. Songe à ce que Nora et Alexander penseraient de ton comportement. Ton frère, lui, s’est mieux adapté à la situation. Lorsque tu as quitté Erik, j’ai cru que c’était pour mieux repartir dans ta vie mais j’ai eu tord encore une fois ! Cela n’a fait que te conduire sur le pire chemin que tu pouvais emprunter ! Tu ferais mieux de m’écouter pour une fois et de laisser tomber Elsa définitivement. Et si ce n’est pas rapidement le cas, je m’assurerai personnellement que cette histoire d’amour qui n’a pas lieu d’être disparaisse une bonne fois pour toute !»
Honeymaren resta muette, fixant le sol. Elle semblait suffoquer. Ses poings étaient fortement serrés et ses ongles s’enfonçaient dans sa chair.
« Ne me déçois pas », ajoutai-je avant de tourner des talons, la laissant seule.
A peine fus-je partie que je l’entendis s’effondrer à genoux et pleurer. Je ne me retournai pas et continuai ma route.
***     
De retour dans ma tente, je me laissai tomber sur le lit en paille et en peaux de rennes. Je fermai les yeux et posai mes mains sur mon ventre, me concentrant sur ma respiration et mon rythme cardiaque.
« C’est encore moi qui passe pour la méchante, me murmurai-je à moi-même, pourquoi diable faut-il qu’elle s’acharne à poursuivre cette relation avec Elsa alors qu’elle sait pertinemment que cela ne pourra la mener nulle part ? 
— Peut-être parce qu’elle l’aime. »
Je me redressai vivement et vis Silja, assise à côté de mon lit sur un minuscule tabouret de bois. Je me raclai la gorge avant de dire :
« Je ne t’ai pas entendue entrer…
— Je sais.
— Que fais-tu ici ?
— Tu as posé une question alors j’y ai répondu », lâcha-t-elle simplement.
Je la regardai longuement, ne sachant que dire de plus. Je connaissais Silja depuis très longtemps – depuis ma naissance même. Elle avait toujours été là pour moi et réciproquement. J’étais la seule des Northuldra encore en vie à l’avoir connue avant qu’elle ne se crève les yeux. Je me souvenais parfaitement de ce jour. Cela avait été le pire de toute mon existence. Je me souvenais de cette jeune femme assassinée sous mes yeux et de sa mère venant la pleurer. J’avais pu affronter le regard meurtri de cette mère dévastée. Ce regard d’un bleu intense qui aujourd’hui n’était plus qu’un voile blanc ne traduisant aucune émotion. Un regard vide de sens.
« Très bien, alors, qu’en penses-tu ? demandai-je après quelques minutes de silence.
— Je pense que ce n’est pas leur relation qui te fait peur. C’est Elsa.
— C’est absurde, m’offusquai-je.
— Pas si absurde que cela. Tu l’as dit toi-même. Tu te sens soulagée quand elle n’est plus là. »
Je ne répondis rien. J’étais maintenant habituée à ce que Silja connaisse tous mes sentiments et mes ressentis, même ceux que j’enfouissais profondément en moi. Cela ne me choquait plus depuis bien des années.
« Elsa est pour toi un obstacle, reprit la vieille femme.
— Comment ça ? Ce n’est qu’une jeune femme n’ayant pas vécu un tiers de ce que j’ai subi. Pourquoi la considérerais-je comme un obstacle ?
— Yéléna… Ce qui t’effraie, c’est qu’elle devienne plus puissante que toi, que sa magie soit plus puissante que la tienne. »
Je me tus. Je fixai Silja. Aucun mot ne sortit de ma bouche. Sans que je sache réellement pourquoi, je ne trouvai plus le moindre argument à riposter à la vieille femme.
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reine - La Reine des Neiges 3  - Page 3 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 42)

Ven 15 Sep 2023, 22:29
Chapitre 42
Anna
 
Samedi. Enfin. Cela faisait quatre jours que j’attendais ce moment. Ce soir, je serrerai de nouveau Kristoff dans mes bras et reverrai Elsa que je n’avais pas pu voir depuis une éternité. Ils me manquaient tellement.
Je venais de me lever, et pourtant, je me sentais à bout de forces. L’absence de Kristoff avait été plus difficile à supporter que je ne l’avais tout d’abord pensé. Je ne m’étais pas sentie aussi seule dans le château depuis mon enfance, depuis que j’avais été séparée d’Elsa. La sensation d’errer, sans véritable but, dans les couloirs du palais m’était alors revenue brutalement en mémoire durant le séjour du jeune homme dans la forêt enchantée.
Je levai les yeux vers le miroir de la coiffeuse en face de moi. Je grimaçai en y découvrant mon reflet. Je ne reconnus pas vraiment la jeune femme que le miroir me renvoyait. La partie de moi toujours pétillante, joyeuse, dynamique et optimiste semblait s’être évaporée et laissait place à une Anna à la peau pâle et terne, aux joues légèrement creusées d’épuisement et aux cheveux emmêlés. J’attrapai un peigne posé devant moi en soupirant et tentai de mettre un peu d’ordre dans ma coiffure. A chacun de mes passages, les nombreux nœuds que formaient plusieurs de mes mèches semblaient de plus en plus difficiles à défaire. Après plusieurs minutes d’efforts acharnés, je finis par réussir à former un joli chignon bas tressé – le même que lors de mon couronnement.
Ma coiffure étant terminée, j’essayai de cacher mes cernes et mes joues creuses avec un peu de maquillage. Satisfaite du résultat, je finis par poser délicatement ma couronne dans mes cheveux. Je me regardai de nouveau dans le miroir. C’était mieux mais ce n’était pas moi. Ce n’était pas ce à quoi je voulais ressembler mais c’était ce que l’on attendait d’une reine.
Je me levai et me dirigeai vers la porte de ma chambre. Avant de l’ouvrir, je me retournai une dernière fois. Tout était là. Rien n’avait changé. L’immense lit à baldaquin, la cheminée, le grand tapis, la penderie, les murs rose pâle… Cette même chambre que je partageais autrefois avec Elsa. Celle que j’avais toujours gardée, étant bien trop attachée à mes souvenirs d’enfance. Je souris en me revoyant jouer sur ce même tapis avec ma sœur.
***     
« Elsa ! Fais-moi une jolie fée ! »
Mon aînée s’exécuta, sa langue sortant légèrement de sa bouche sous l’effet de la concentration. Une magnifique petite créature ailée faite de glace apparue en quelques secondes entre ses petits doigts enfantins. Je la saisis immédiatement.
« Merci ! » fis-je, surexcitée.
Tenant à bout de bras le jouet qu’avait fabriqué ma sœur, je le fis voltiger au-dessus de ma tête en poussant des « pfiouuu » pour imiter tant bien que mal le bruit du vent. Elsa se mit à glousser.
« Attends, je vais lui construire une petite maison ! dit-elle en se mettant immédiatement à la tâche.
— Bonne idée ! » lançai-je.
Je la regardai faire. Au bout de quelques instants, après l’apparition de la maisonnette de neige sous mes yeux, je croisai les bras et retroussai légèrement mon nez. Quelque chose n’allait pas.
« C’est trop blanc à mon goût, remarquai-je. Un peu de couleurs ça ferait plaisir ! »
Elsa me regarda d’un air interrogateur. Je me mis à farfouiller dans la boîte de jeux derrière moi et en ressortis un petit récipient.
« Tadam ! criai-je fièrement.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda ma sœur.
— Des paillettes. Tu vas voir, ça va être magnifique ! »
Avant qu’Elsa n’ait pu rajouter quoi que ce soit, je retirai le couvercle et tentai d’en vider le contenu sur les ailes de la fée. Les paillettes semblant un peu collées, j’agitai le petit pot un peu plus fort.
« Anna ! Qu’est-ce que tu fais ?! Ça va mal… »
Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase. A la suite d’un mouvement trop brusque, le contenu de la boîte sortit d’un coup, se répandant sur le tapis à mes pieds.
« Finir… » conclut Elsa en levant les yeux au ciel.
Je lui lançai un regard paniqué, ne sachant que faire.
« Elsa, Anna ! Il est l’heure d’aller au lit ! » fit la voix de notre mère en provenance du couloir.
Elsa et moi nous regardâmes. Sans échanger la moindre parole, nous nous comprîmes en un instant.
« Vite ! » souffla ma sœur en entendant les bruits de pas de nos parents approcher.
Nous soulevâmes rapidement le tapis et le retournâmes, cachant ainsi notre – mon – méfait. La porte de notre chambre s’ouvrit à ce moment-là. Nous nous tenions droites, debout sur le tapis côte à côte, un grand sourire aux lèvres. Nos parents ne remarquèrent rien – bien qu’ils trouvèrent notre comportement étrange, peu habitués à ce que nous allions nous coucher aussi vite sans rechigner.
***     
Ce fut quelques jours plus tard que Gerda, la domestique, découvrit notre bêtise en faisant le ménage. Je ris en me rappelant le cri de surprise qu’elle avait poussé. Il avait retenti à travers tout le château, nous faisant tous accourir pour voir ce qu’il se passait. Nos parents nous avaient un peu sermonnées mais s’étaient rapidement adoucis devant nos yeux implorants.
Je soupirai de bonheur. J’aimais tellement cette pièce, elle me rappelait tant de choses. Je posai ma main sur la poignée de la porte. J’inspirai profondément avant de l’actionner et de quitter ma chambre. 
***     
Quelques heures plus tard, en fin de journée, alors que j’étais occupée à choisir le menu que l’on servirait le jour de mon mariage avec le chef du palais, j’entendis des bruits de sabots dans la cour du château. Je me redressai subitement et me dirigeai vers la fenêtre la plus proche, ne tenant plus compte des paroles du cuisinier. Là, j’aperçus enfin ce que j’attendais depuis quatre jours : Sven tirant fièrement le traineau dans lequel Elsa et Kristoff se trouvaient.
Sans même prendre le temps de m’excuser auprès du personnel qui avait eu la patience d’écouter durant plus de deux heures chacune de mes remarques sur le repas que l’on prévoyait, je filai dans le couloir, descendis quatre à quatre les marches me menant au rez-de-chaussée et courus vers la porte principale. Avant même que les gardes ne puissent faire quoi que ce soit, j’en poussai les énormes battants et me précipitai à l’extérieur. Le soleil était en train de disparaître à l’horizon, laissant petit à petit la fraicheur de la nuit nous gagner. Dans la précipitation, je n’avais pas pris le temps de me couvrir davantage et portai seulement une robe.
« Votre Majesté ! Votre Majesté ! cria une voix derrière moi. Vous risquez de tomber malade ! »
Je vis alors Gerda accourir, tenant un long manteau. Je ne l’enfilai pas. A vrai dire, je m’en fichais. Plus rien ne comptait, pas même le froid. En cet instant de bonheur, je ne ressentais plus rien, juste une immense joie qui naissait au creux de mon ventre. Sans attendre davantage de protestations de la domestique, je quittai le seuil du château et avançai de quelques pas vers la cour. C’est là que je le vis. Mon beau glacier sautait agilement du traineau, tendant immédiatement la main à ma sœur pour l’aider à descendre à son tour. Je restai clouée sur place, un sourire béat ineffaçable aux lèvres.
Sven donna un coup de tête à Kristoff qui ne m’avait pas encore remarquée, occupé à décharger les bagages. Il tourna la tête dans ma direction et laissa instantanément tomber les affaires qu’il tenait quand il me vit. Avant même que je ne puisse réagir, il se jeta sur moi, m’attrapa par les hanches et me fit tournoyer à bout de bras dans les airs. A peine m’eut-il redéposée au sol que je l’embrassai passionnément, ne tenant plus compte de ceux qui nous regardaient. Quand j’eus repris mes esprits, je vis Elsa qui nous lançait un regard plein de tendresse. Je la pris dans mes bras, la serrant de toutes mes forces.
« Tu m’as tellement manqué, soufflai-je à son oreille.
 — Toi aussi petite sœur », murmura-t-elle.
***   
Les retrouvailles terminées, nous passâmes le restant de la soirée dans le grand salon, au coin d’un grand feu de cheminée. Kristoff et moi n’arrêtions plus de parler, nous racontant chacun ce qu’il s’était passé durant nos absences mutuelles. Mon futur mari semblait pourtant mal à l’aise. Mon cœur se serrait à chaque fois qu’il lançait un regard à ma sœur lorsque je lui posais une question sur son séjour. Ils me cachaient quelque chose. Je repensai alors à mon rêve. Non Anna, Kristoff ne te ferait jamais une chose pareille, me rassurai-je intérieurement.
Elsa, elle, n’avait pas dit un seul mot depuis que nous nous étions mis au chaud. Elle se contentait de fixer les flammes qui dansaient dans la cheminée, serrant un coussin contre sa poitrine. Elle avait l’air absente et caressai machinalement la tête de Sven qui était posée sur sa cuisse. A chaque fois que ses gestes s’arrêtaient, le renne bramait et s’appuyait un peu plus contre elle pour la faire reprendre – ce qu’elle faisait à chaque fois.
« Et toi Elsa ? Tout s’est bien passé ? » finis-je par demander, intriguée par le comportement de ma sœur.
Elle ne répondit rien. Elle semblait ne pas m’avoir entendue, perdue dans ses pensées, un petit sourire aux lèvres. Je me raclai la gorge. Elle leva alors les yeux vers moi.
« Tu disais ? » me questionna-t-elle.
Je soupirai et levai les yeux au ciel. Décidément, Elsa était très étrange ce soir. Je regardai Kristoff, tentant de trouver une réponse à l’attitude de ma sœur dans son regard. Il se contenta de prendre un air innocent et de hausser les épaules.
« Bon, est-ce que quelqu’un peut me dire ce qu’il se passe ? m’exaspérai-je.
— Je pense que ce n’est pas à moi qu’il faut demander », répondit Kristoff en se tournant vers Elsa.
Cette dernière nous regarda tour à tour avec des yeux ronds et faillit s’étouffer en avalant sa salive.
« Elsa ? fis-je en levant un sourcil interrogateur.
— Je… euh… » bafouilla ma sœur.
Je soupirai, me levai, pris la main de mon aînée et l’entrainai dans le couloir avec moi.
« Maintenant que nous sommes seules, commençai-je, est-ce que tu peux me dire ce qu’il y a s’il te plait ? »
Elsa baissa les yeux, n’osant pas me regarder.
« Je… j’aime quelqu’un », finit-elle par m’avouer.
Mon cœur faillit rater un battement. C’était donc cela. Les regards, les non dits, mon impression d’être mise à l’écart… Mes doutes concernant ma sœur et Kristoff s’avéraient. Je sentis la colère monter en moi.
« Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit plus tôt ? Quitte à me faire trahir trois semaines avant mon mariage, j’aurais encore préféré le savoir immédiatement et ne pas perdre inutilement du temps à vous parler. »
Elsa leva les yeux vers moi. J’y lisais de l’incompréhension.
« De quoi parles-tu ? » me demanda-t-elle, surprise.
Je fus soudainement déstabilisée, ne sachant si elle tentait une fois de plus de me cacher la vérité.
« De ta relation avec Kristoff.
— Quoi ?! Mais non pas du tout. Anna ce n’est absolument pas ce que tu crois…
— Je ne préfère pas que tu te justifies… » dis-je tant bien que mal en sentant les larmes me monter aux yeux.
Elsa se mit soudain à éclater de rire.
« Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de drôle, marmonnai-je furieusement devant sa réaction.
— Excuse-moi, me lança-t-elle en essayant de se retenir. Tu as vraiment cru que Kristoff et moi pouvions être en couple ? »
Je regardai ma sœur, ne comprenant pas ce qu’elle me disait.
« Anna, reprit-elle, je n’aime pas Kristoff, loin de là. Et même si c’était le cas, jamais je ne pourrais te faire une chose pareille, tu es ma sœur. 
— Mais tu as dit que tu étais amoureuse ! rétorquai-je.
— Pas de Kristoff ! Je n’ai jamais dit cela. »
A ces mots, ma rage disparut instantanément. Je fixai Elsa, désireuse d’en savoir plus.
« De qui alors ? Je le connais ? Il est comment ?
— Pas “il“, murmura ma sœur.  “Elle”. 
— Attends… Je ne comprends pas.
— Anna… Je pensais que tu l’aurais remarqué bien plus tôt… C’est… C’est une femme. »
En entendant cet aveu, je restai bouche-bée, ne sachant que dire.

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Ven 15 Sep 2023, 22:51
Alors je veux pas dire mais dans mon tome 2 Kristoff est avec Elsa Razz donc ça peut marcher I love it
J'ai beaucoup aimé ce chapitre mais trop court et va falloir attendre longtemps jusqu'au prochain PDV d'Anna Sad Sad Sad Sad Sad
C'est qui le PDV la semaine prochaine ? I love it

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Dim 17 Sep 2023, 14:40
Ansa a écrit:Alors je veux pas dire mais dans mon tome 2 Kristoff est avec Elsa Razz donc ça peut marcher I love it
J'ai beaucoup aimé ce chapitre mais trop court et va falloir attendre longtemps jusqu'au prochain PDV d'Anna Sad Sad Sad Sad Sad
C'est qui le PDV la semaine prochaine ? I love it
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Dim 17 Sep 2023, 14:58
x.a.l.a.n.d.a a écrit:
Ansa a écrit:Alors je veux pas dire mais dans mon tome 2 Kristoff est avec Elsa Razz donc ça peut marcher I love it
J'ai beaucoup aimé ce chapitre mais trop court et va falloir attendre longtemps jusqu'au prochain PDV d'Anna Sad Sad Sad Sad Sad
C'est qui le PDV la semaine prochaine ? I love it
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Ooooh j'ai hâte dans ce cas I love it :calin:
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