Frozen 3 [FCU] : Nouveaux défis gloire et pouvoir

Chapitre 25 : Arnevik.


Si l’enfer était une ville, alors, Anna en était certaine elle venait de passer les portes du royaume de Satan alors que le groupe dépassait le panneau de bois miteux sur lequel était écrit à la peinture rouge « Arnevik ».
Tel le Nattmara, ce lieu de perdition semblait avaler sa proie pour ne plus jamais la libérer de son univers épouvantable de débauche, violence et crasse. Les bras de ce monstre urbain donnaient l’illusion de se refermer par le dédale des rues sordides et misérables sur le traineau de Kristoff. La petite troupe poursuivait prudemment son périple. Sven était en alerte attentif au moindre bruit au milieu du vacarme des bagarres de tavernes, de chansons paillardes et des cris de terreurs témoignant d’agressions dans les ténèbres des ruelles.


Anna se réfugia encore davantage dans la cape réalisée à la hâte par les trolls. Elle qui pensait qu’il ne s’agirait que d’une protection futile et dispensable était heureuse de l’insistance de Kristoff, Yohan et Bulda qui la lui avait passé autour du cou. Elle pouvait ainsi y trouver une cachette qui garantissait son anonymat en ces terres perdues où l’autorité royale n’existait plus depuis longtemps. Bien qu’Arnevik fasse toujours partie du Royaume d’Arendelle, cela faisait bien longtemps qu’elle était tombée aux mains des pires crapules du continent, désormais plus personne ne devait encore savoir que la ville fût des siècles auparavant le berceau de la famille royale. En ce lieu, aucune autorité, aucune loi n’était tolérée et à voir l’état de délabrement du poste de garde, désaffecté depuis de nombreuses années, il paraissait clair que les symboles d’autorité étaient même honnis sur ces terres.


La jeune femme eût le malheur de balayer la rue principale du regard, contre les palissades à moitié détruites elle pouvait y lire des insultes envers la couronne, puis, souillé de détritus et déjections dont l’odeur nauséabonde manquât de peu de lui faire rendre son dernier repas, un portrait de la famille royale. Jamais de toute son existence, Anna n’avait réellement craint pour sa vie mais entendre des soiffards sortir précipitamment de ce qui devait être un tripot mal famé la glaça. Les quatre brigands, chemise à moitié déchirés, pleine de graisse de crasse et de sueur hurlaient à gorge déployé leur volonté d’assassiner toute personne royale, tandis qu’ils crachaient sur le portrait qu’elle venait de voir.


La souveraine se serra encore davantage contre le torse chaud et rassurant de son fiancé. Elle pouvait sentir les battements réguliers de son cœur quand le sien battait la chamade. Kristoff semblait si calme, elle tachait d’y puiser la force et le courage qui la caractérisait, mais les rires et les menaces des saoulards l’angoissait quelque peu. Et si l’un d’eux venait à la reconnaître ? Cela déclencherait à coup sûr l’apocalypse et seuls et sans arme, ils n’avaient aucune chance ! En cet instant, elle se revit quelques heures plus tôt lorsque Yohan venait de leur apprendre son terrible secret.


Passé la surprise elle avait réussi à lui pardonner et surtout ménager la rage de Kristoff qui l’avait déjà attrapé par le col de chemise et le menaçait de son poing vengeur. Anna avait pu l’en dissuader, elle n’avait aucun grief contre Yohan et même, elle lui faisait confiance. L’homme aurait très bien pu continuer à cacher la vérité, jamais il n’avait menti et avait même fini par se confier sans que personne ne lui demande quoi que ce soit. Pourtant, maintenant qu’elle voyait la ville de ses propres yeux, elle le maudissait intérieurement, sans lui ils ne seraient pas là en train de traverser ce coupe gorge et se mit à regretter de ne pas avoir laissé Kristoff le défigurer.


Elle se mordit alors la lèvre honteuse. Ça n’était pas elle ! Elle n’était pas une personne qui prônait la violence, jamais elle ne pourrait souhaiter du mal à qui que ce soit. Même à Hans, qu’elle continuait pourtant de maudire ! Elle s’était montrée soulagée quand elle avait appris qu’à l’issu de son procès il n’avait pas été mis à mort contrairement à ce que réclamait le réquisitoire. Paradoxalement, il allait peut-être même devenir son sauveur et celui d’Elsa. Elsa ! Les pensées de la jeune rousse volèrent alors vers son ainée. C’était pour elle qu’elle se trouvait dans cette ville de malheur, penser à sa sœur lui redonna du courage.


-Yohan ? Mais comment saurez-vous le retrouver dans cet enfer ? Demanda-t-elle sans prononcer le nom de Hans.
-Quand j’ai quitté Weselton, je me suis embarqué par gros temps vous savez et au bout de trois jours, mon navire était en perdition, je risquais le naufrage à tout moment…C’est là qu’Hans est arrivé. Je ne le savais pas mais, depuis son bannissement des Iles du Sud, il m’avait retrouvé et m’observait de loin, il est venu pour me sauver. Bref c’est grâce à lui que ma fille et moi avons pu accoster vivant en Arendelle.
-Un acte charitable mais qui n’efface pas les pêchers d’avant. Se renfrogna la souveraine.
-Sans doute votre Altesse, mais vous savez, depuis cet événement, lui qui était déjà délaissé dans la famille s’est trouvé être le nouveau pestiféré après moi… Dans notre enfance, nous ne nous sommes presque jamais parlé, nous avions des précepteurs différents, bref, c’est comme si nous étions des étrangers l’un pour l’autre, et là, il s’est senti proche de moi. Je crois qu’il a compris quel avait pu être ma douleur de devoir vivre un amour caché. Devoir tout quitter pour avoir une chance d’être heureux, d’abandonner son titre et renier son nom. Lui qui n’en a plus a dû comprendre qui j’étais désormais. Curieusement, nous sommes 13 mais finalement, nous sommes seulement deux frères, les autres, disons que nous partageons juste notre sang…Bref, il m’a juré qu’il serait toujours là pour moi et m’a dit quand j’ai débarqué où je pourrais le trouver en cas de besoin.
-Espérons que ça n’est pas trop loin…Cette rue est sinistre ! Remarqua Laïka.
-Oh vous n’avez encore rien vu ! Ici c’est la rue principale ! Mais nous devons nous rendre dans les quartiers sombres de la ville, près des quais.
-Et comment arrivez-vous à vous repérer là-dedans…Car je vous le dis, hors de question de demander notre chemin à qui que ce soit ! Lança Kristoff alors qu’il détournait le regard d’une vitrine où séchait des cadavres de rongeurs coincés dans des pièges d’un autre temps.
-J’ai dû passer par ici au cours de mon voyage avant de revenir sur Arendelle
-Vous êtes venu ici avec votre fille ? S’insurgea Anna qui regrettait immédiatement d’avoir levé la voix.
-Dieu merci non ! Il y a à cinq lieux d’ici un couvent où nous avions trouvé refuge quelque temps. Attendez ! Kristoff ! Vous voyez cette petite ruelle…C’est notre chemin !


L’indication du prince des Iles du Sud coupa court à la conversation et le groupe s’enfonça davantage encore dans les bas-fonds d’Arnevik. Yohan n’avait pas menti, la ville semblait encore plus angoissante loin des lumières des principaux tripots d’ivrognes. Dans la pénombre des ruelles, les maisons en ruines, faiblement éclairés par les dernières lanternes encore en fonction, telles des spectres projetaient sur eux leur ombre glaçante, alors que terrés dans chaque recoin, sous les ruines des cabanes ou charrettes abandonnées, scintillaient les yeux des rats à l’affut.
A chaque endroit où la souveraine posait les yeux, elle était frappée par un mélange de dégout et d’effroi. Partout des immondices ! Immondices sur les trottoirs, immondices sur les pavés humides, immondices devant chaque devanture.


L’heure tardive rendait l’endroit quasi désert mais chaque habitant paraissait plus angoissant que l’autre, et Anna n’osait pas les dévisager tant ils semblaient tous appartenir à un autre monde. Sans même s’en rendre compte, Kristoff fit légèrement forcer l’allure de Sven. Le traineau descendit rapidement la ruelle et au fur et à mesure que le bruit des embruns se fit entendre ; l’odeur d’iode, mélangé à celle du poisson fermenté arrivait aux narines du groupe. C’était désagréable mais paraissait curieusement respirable par rapport à l’odeur d’ordures qui empestait le haut de la ville.


Ils arrivèrent à un carrefour, le reflet noir de la mer au loin où seul le bruit des vagues se faisait entendre tranchait avec les lumières de la ville, Arnevik paraissait transformée. Yohan les avaient prévenus, il leur restait un quartier à traverser avant de toucher au but. Ce ne fut pas celui qui surprit le plus la jeune souveraine. De chaque côté de la rue, les vitrines éclairées des commerces aux titres racoleurs. Devant chaque échoppe, des groupes de femmes de mauvaise vie fumaient, buvaient et, sans aucune pudeur n’hésitaient pas à montrer leurs bas où à dégrafer toujours davantage leur corset plongeant, laissant apparaître aux yeux de tous les fruits du désir et des plaisirs charnels. A l’intérieur de chaque bâtisse, dans une harmonieuse cacophonie des cris de plaisirs se répondaient en canon alors que les corps enlacés, éclairés dans les bordels par les chandelles se reflétaient sur les devantures voisines, laissant au voyageur égaré tout loisir d’assister au spectacle. En ce quartier, Arnevik, la ville interdite, capitale des orgies et de la dépravation n’usurpait en aucun cas sa réputation.


-Quelle ville immonde ! S’insurgea Laïka
-Oh croyez-moi, ce que vous voyez ici est finalement presque acceptable par rapport à ce que le l’on peut trouver dans cette ville.
-Que pourrait-on bien trouver d’autres dans la ville du pécher que des tripots d’ivrognes et des bordels ? Demanda Anna
-Majesté j’ai bien l’impression que vous connaissez assez mal ce qui fait tourner cette ville qui pourtant fait partie de votre Royaume. Kristoff, par ici ! Nous y sommes presque.


La remarque de Yohan fit taire Anna. De ce qu’elle avait pu voir à l’entrée d’Arnevik, elle ne pouvait hélas que lui donner raison. Ce lieu abandonné par le Royaume vivait dans une profonde misère ! Elle devait bien l’avouer, jamais elle n’aurait pu imaginer ce qu’elle avait sous les yeux. La réalité apparaissait bien pire que toutes les rumeurs qu’elle avait pu entendre au château sur cette ville de vauriens. Mais si les habitants étaient devenus des pestiférés, étais-ce uniquement de leur faute ou étais-ce aussi celle de la couronne qui dans le passé avait préféré les oublier ?


Anna ne put poursuivre sa réflexion et manquât à nouveau de tout rendre lorsque leur compagnon annonça qu’ils étaient enfin dans la bonne rue. Il n’y avait presque aucune lumière. Les bruits des orgies au loin avaient quasiment disparu laissant place à un silence pesant, seulement troublé par un léger sifflement de la bise et le bruit lointain des vagues qui s’écrasaient contre les récifs. L’endroit était le plus bizarre et angoissant de tous. Anna craignait à tout moment voir surgir un fantôme tant l’espace semblait irréel. Elle regrettait presque l’atmosphère violente et alcoolisée de l’entrée de la ville et le quartier des orgies lui paraissait presque chaleureux et accueillant en comparaison. Yohan fit stopper Kristoff devant une bâtisse à moitié en ruine. Il n’y avait pas la moindre fenêtre et la petite porte était couverte d’échardes. Le vieux bois qui constituait l’édifice émettait des craquements venus d’outre-tombe. Au-dessus de la porte, taillé au couteau était écrit le nom du lieu maudit : « Engel Døt »


La jeune rousse n’eût pas le temps de détailler davantage que son cœur manquât un battement. Une femme encapuchonnée, le teint blafard venait de sortir. Elle portait un grand tablier taché de sang de même que ses mains. A sa ceinture pendaient des pinces et bistouris rouillés. Tout portait à croire que les activités au sein de l’établissement étaient tout sauf légales.


-Que fait cette femme ?
-Une faiseuse d’Ange votre Altesse, vous n’avez pas lu l’écriteau ? Lança Yohan alors qu’il fusillait la femme du regard.
-Attendez quoi ? Une telle activité, mais c’est parfaitement illégal et immoral, et ils en ont jusqu’à un nom publicitaire ?! S’étrangla Anna.
-Cela vous étonne Anna dans une ville pareille sans aucun repère ? Voilà le vrai visage d’Arnevik. Il y a six ans mon père voulait que j’y embarque avec ma compagne pour…Enfin vous avez compris. Il n’a jamais supporté notre amour, elle n’était que couturière…Enfin je n’ai pas besoin de vous faire un dessin ? Voilà pourquoi j’ai quitté mon titre et mon pays. Allons, faites attention à bien garder votre capuchon, nous allons entrer !


Anna voulait protester mais le jeune homme ne lui en laissa pas le temps. Il se présenta à la porte puis marmonna une phrase au garde qui ouvrit. L’homme émit un grognement et les laissa passer. Anna n’osait pas croiser le regard du colosse. L’endroit était exigu. Il y régnait une forte odeur d’éther et de Javel. A leur droite, derrière une porte pouvait s’entendre les cris de douleurs d’une femme. Personne n’avait le moindre doute sur l’horreur qui s’y déroulait de l’autre côté. Yohan pressa Anna vers un petit passage, personne ne souhaitait s’attarder. L’un après l’autre, ils descendirent un escalier poussiéreux et furent surpris d’arriver dans une salle plus spacieuse. Une taverne clandestine.
Il n’y avait que des hommes, et aucun n’inspirait confiance. Tous étaient armés, la plupart couverts de cicatrices. L’alcool coulait à flot. L’odeur de tabac et de sueur empestait la pièce. Yohan fit signe aux autres de se taire. Il s’approcha du tavernier et à nouveau marmonna quelque chose d’incompréhensible.


-Je ne sais pas de quoi vous parlez ! Il n’est pas là, déguerpissez vous deux avec vos femelles ! Grogna l’homme
-Non, mes femelles et moi nous restons, peut-être que ceci vous aidera à mieux me comprendre.


Anna serra les poings pour ne pas répondre à l’insulte. Elle vit Yohan sortir de sa poche un petit anneau sur lequel elle reconnut les armoiries. Ce ne pouvait être que sa bague de prince des Iles du Sud…Il était véritablement celui qu’il prétendait être. L’homme derrière le bar prit l’objet et ses traits se radoucirent.


-‘Scuzez ! J’vous prenais pour c’que vous et ‘ pas ! Vous et les dames, attendez, j’vous f’rai signe !


Aussitôt il disparut dans son arrière cuisine. Yohan à nouveau encouragea Anna à ne rien dire et tous attendirent quelques minutes le retour du patron.


-Mais qu’est-ce que c’est que cet endroit ? Souffla Anna qui ne tenait plus.
-Restez cachée Anna ! Arnevik ne connait aucune loi…Mais la ville a malgré tout ses leaders ! Rien de ce qui se passe dans cette ville ne se fait sans que cela ne soit su ici.
-Un ordre chez les criminels ?... Ironisa Kristoff
-Oui on peut dire ça comme ça !
-Mais comment se fait-il que vous soyez aussi au courant Yohan ? Questionna Anna.
-Disons que…Vous savez je me suis enfui des Iles et tenu tête à mon père, avec Kamille nous nous sommes mariés en secret. Elle a accouché d’Emma. Sauf que pour le roi des Iles du Sud, une telle naissance était intolérable pour son prestige…
-D’accord mais quel rapport ? S’impatienta Kristoff
-Le rapport ?... Il a missionné des hommes pour nous tuer ! Voilà pourquoi nous vivions cachés. Et…Il…Il a réussi avec Kamille. Fit-il le cœur lourd.
-Je suis désolée… Reprit Anna sincère en posant la main sur son épaule.
-Je n’ai rien pu faire, je l’ai abandonné avec la petite pour sauver nos vies. Je pense que mon père a dû croire que nous n’étions plus nous non plus, depuis, plus personne ne nous a traqué. Et, quand nous avons fini par arriver en Arendelle et que mon frère m’a expliqué où il se trouvait, j’y ai vu un moyen de me venger de notre père. Voilà pourquoi je suis venu ici…Pour recruter des assassins chargés de retrouver les meurtriers de ma femme !


Le patron était de retour, coupant Yohan dans son explication ce qui l’arrangea, c’était la partie de sa vie dont il avait le plus honte. Le tavernier leur fit un petit signe et tous arrivèrent devant une petite pièce. Au fond, un homme masqué, éclairé par une bougie.
Yohan allât à sa rencontre après avoir demandé aux autres de ne pas approcher. Par l’embrasure de la porte, Anna vit les deux hommes se tomber dans les bras et personne ne put les entendre. Le patron posa alors sa main sur l’épaule de Kristoff


-‘Z’en ont pour un moment ! Allez vous asseoir à une table ! Enfin, sauf si ces jolies dames veulent nous faire un spectacle de gambettes ! Lança l’homme avec un sourire mauvais
-Non ! Euh…Ma…Compagne et…ma mère allons plutôt nous asseoir ! Improvisa Kristoff.
-Bien…Vous buvez queq’chose ?
-Non merci ! Siffla Anna entre ses dents
-S’cuzez ma cocotte ! mais ici, ‘z’êtes obligés d’consommer !
-Bon bah…Un lait de chèvre alors ! Suggéra Kristoff
-Y’ a que d’l’alcool ici mon gars !
-Bah alors ce que vous avez !
-Très bien…Par contre, on paie d’avance !


Furieuse, Anna sortit quelques pièces de sa bourse et les jeta énervée sur la table. Le tavernier satisfait s’en saisi et apporta aussitôt trois grandes pintes. Pour éviter de hurler, Anna se rua sur l’une d’elle et en prit de longues gorgées. La bière servie était infâme mais collait avec l’ambiance du lieu. La jeune femme peinait à réaliser où elle se trouvait, le matin même elle s’était réveillée dans les bras de celui qu’elle allait épouser, devait être couronnée et voilà que finalement elle était camouflée dans une cape crée à la hâte dans un tripot malodorant à boire une bière immonde tout en attendant l’aide providentielle d’un homme qu’elle n’espérait ne plus jamais revoir.


Elle se pencha et tenta d’écouter les conversations voisines afin de se changer les idées. Hélas pour elle, ces dernières traitaient principalement des bordels d’Arnevik. Chacun se vantait de ses performances auprès des plus belles créatures de la cité. Ils riaient des fortunes qu’ils amassaient avec ce commerce immoral et les autres activités illégales qui étaient monnaie courante. La jeune reine se mordit la langue pour ne pas intervenir, cela aurait été suicidaire ! Elle reprit à nouveaux de grandes gorgées du breuvage pour y passer ses nerfs.


Désaltérée, elle poursuivit son écoute et, curieusement, la conversation entre les deux bandits à côté d’elle avait changé de ton. Ils discutaient à voix basse. Elle tendit l’oreille curieuse de savoir quels nouveaux crimes ils prévoyaient de perpétrer mais la réalité était tout autre. En ce lieu, la discussion entre les deux golgottes était honteuse et ils ne pouvaient se permettre de se montrer faibles. Et pourtant ! Tous deux rêvaient d’aventure ! Le premier espérait un jour pouvoir franchir le détroit et s’installer dans les montagnes de la grande Ile d’Aren et, pourquoi pas, devenir chercheur d’or dans les riches mines de l’ile. Le second lui, rêvait des pâturages au nord d’Harmon, d’une petite maison douillette avec femme et enfant et mener une vie tranquille loin de la violence et la crainte de se faire poignarder dans le dos.


Le cœur de la jeune rousse faillit manquer un battement lorsque les deux hommes regardèrent dans sa direction. Elle replongea aussitôt dans sa pinte. Ces gibiers de potence avaient-ils remarqués qu’elle les observait ? Ou pire, avait-elle été reconnue ? Elle n’osa pas bouger, ni même écouter Kristoff et Laïka qui discutaient du pays Northuldra. Puis, au bout de quelques secondes, la jeune femme comprit qu’elle n’intéressait pas les brigands. Ces derniers avaient le regard humide et perdu dans le vide. Ils restèrent ainsi quelques instants puis, soupirèrent, ils prirent leur pinte et la vidèrent d’une traite puis, reprirent bruyamment leurs conversations grivoises. Anna jeta un œil derrière elle et vit ce que les hommes observaient. Au mur, à moitié déchirée et tachée, une vieille carte du royaume d’Arendelle avec à la place de la mer sombre, un blason orné d’un crocus, le symbole des seigneurs d’Arnevik de l’ancien temps. Au-dessus, écrit en lettre d’or un nom : Arnved le Juste. Anna se souvenait de ses leçons d’Histoire. C’était le neveu d’Aren le Grand, l’un des tout premiers seigneurs d’Arnevik et aussi celui qui a succédé à son oncle sur le trône…Son ancêtre direct !


Soudain Kristoff l’interpella et la fit s’asseoir. La jeune reine obéit en veillant à couvrir son visage dans sa cape. Yohan était de retour avec l’homme masqué. Sans rien demander, alors qu’ils s’installaient, le tavernier remplaça les consommations par des boissons plus dignes d’eux selon ses dires, le tout sans demander la moindre contribution. Anna préféra ignorer la nouvelle offense et continuait de garder son visage caché alors que l’homme au masque fixait Laïka.


-Alors comme ça mon frère, tu as besoin de mon aide pour des Northuldra ! Tu t’es emmouraché de celle-là ?
-Pas eux ! Moi ! Lança alors Anna.


L’homme qui n’avait pas daigné poser le regard sur elle la dévisagea et tressaillît, malgré la cape, le peu qu’il voyait était suffisant. Lentement, l’homme retira son masque et ne laissa plus de place pour le doute à la jeune femme. Hans, les rouflaquettes légèrement plus fournies que dans son souvenir lui faisait face. Malgré son sourire en coin qui marquait une fausse joie de la revoir, le visage poupon qui caractérisait le benjamin des Iles du Sud lors du couronnement d’Elsa n’était plus. En trois ans, il paraissait en avoir pris au moins dix. Ses traits étaient plus durs, une légère barbe claire et mal rasé entourait son visage. Seuls ses yeux émeraude, tel un serpent restaient les mêmes que ceux qui l’avait fait fondre trois ans auparavant, hypnotiques et séduisants.


-Princesse Anna d’Arendelle…Voilà une visite que je n’attendais pas ! Lança-t-il d’un ton sincèrement surpris avant de jeter un regard sévère vers son frère.
-Je suis la reine désormais… Prince Hans !
-Puisque nous en sommes aux titres, pas de prince pour moi ! Vous savez sans doute comment j’ai été jugé et condamné n’est-ce pas ? Votre émissaire d’Arendelle n’en a pas perdu une miette !
-Bien ! Je ne pense pas que les présentations soient nécessaires ! Lança Yohan pour tenter de détendre une atmosphère soudain pesante.
-Non en effet ! Et tu t’es bien gardé mon frère de me dire à qui j’allais parler ! Comment as-tu pu finir à cirer les bottes de la couronne d’Arendelle ?
-Je…Je suis devenu, le conseiller diplomatique de la reine Anna…Elle nous a pris sous sa protection Emma et moi…
-Ma nièce dans les jupons d’Arendelle ! J’aurai tout entendu ! Alors ! Dîtes-moi ma petite Anna d’Arendelle, quel oiseau de mauvais augure vous a fait arriver dans ma charmante Cité ?


Hans avait parlé avec un ton très irrespectueux. Ayant tout oublié de l’étiquette royale, il posa sans ménagement ses bottes sur un tabouret libre puis, sciemment prit le verre le plus proche de la jeune rousse pour le porter à ses lèvres.


-J’ai besoin de naviguer au large des Iles Kut !


Anna avait répliqué sur un ton de défi et répondit à la provocation en prenant à son tour le verre situé au plus près d’Hans. Elle le fixa et avala une grande gorgée. Elle ne savait pas ce qu’elle buvait mais l’alcool lui brula rapidement la gorge. Elle lutta pour ne pas tousser ni détourner le regard du prince déchu qui semblait amusé de la scène.


-Sa Majesté veut partir en croisière ? Mauvaise destination ! Si vous voulez des Iles, je peux vous conseiller celles du Sud, en cette saison c’est magnifique…Mais je doute que cela vous intéresse !
-Ne jouez pas avec moi Hans ! Vous vous doutez bien que je ne fais pas tout ce voyage jusqu’ici pour du tourisme !
-Allez savoir ! Vous pourriez me surprendre !
-Parce que moi qui vient en personne jusqu’ici pour vous trouver vous, ça ne vous surprend pas assez comme ça ?
-Et vous ma chère ? Mais je reconnais que cela m’intrigue. Vous vouliez revoir mes beaux yeux n’est-ce pas ? Néanmoins effectivement, je m’étonne, car, il semble donc que vous étiez au courant de ma présence ici et même…Oui on peut le dire, le fait que je sois devenu une figure d’Arnevik !
-Je ne le savais pas…
-Oh ? Comme c’est étonnant ?! Un membre de la famille royale qui ne connaît rien de cette ville ! Tiens, en parlant de famille, vous êtes là pour la créature magique qui vous sert de sœur n’est-ce pas ?
-Je…Non ! Mentit Anna furieuse
-Vous mentez très mal ! Dommage, c’est un outil important pour un monarque, demandez à mon père il est doué pour ça…Enfin, pas autant que le vôtre je vous l’accorde…Oh c’est vrai pardon, vous ne pouvez lui demander ce conseil…C’est vrai qu’il n’est plus…
-Mon père n’était pas un menteur ! Fulmina Anna.
-Ah oui ? Alors fermer son château et son royaume pendant plus d’une décennie et laisser courir le bruit que les princesses héritières n’étaient plus de ce monde vous appelez ça comment vous ?


C’en fut trop pour Kristoff, comme par mimétisme avec les homes de la table d’à côté, il bondit de son tabouret, mais, contrairement aux brutes, il ne commença pas se battre contre Hans, retenu par Laïka et Yohan alors qu’Hans observait satisfait.


-Allons, Tout doux, pas de bêtise ! Essayez de lever la main sur moi…Oh vous auriez sans doute le dessus sans problème mais vous voyez, les hommes présents ici viendraient alors immédiatement me défendre ! Tous ou presque me doivent un service ! Et tous sont prêts à suivre un ordre que je donne !
-Attendez quoi ? Vous seriez devenu une sorte de…de roi des bandits ? S’étrangla Anna.
-Oh ? Mais c’est que je vous ai mal jugé Anna, vous avez de l’esprit, je dois avouer que j’aime beaucoup ce nom ! Tenez par exemple, vous voyez le grand type avec la dague là-bas ? C’est Jorgen. Je l’ai secouru quand il a fait naufrage, et à côté, Tarjej, sauvé d’une tentative d’abordage ! Et c’est plus ou moins la même chose pour tous : tempête, récifs, attaques… Tous ne prennent la mer que quand ils savent que je suis dans les environs pour les protéger !
-Justement mon frère comme tu es un homme charitable tu vas pouvoir l’aider pour son voyage ! Il n’y a que toi qui puisse passer au large des Iles Kut !
-Tu es un flatteur Yohan ! Oui je suis le seul à pouvoir faire ça.
-Fort bien, alors nous embarquons ce soir ! Répliqua Anna
-Oh là doucement ! Quand ai-je dit que j’acceptais ? Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que je puisse accepter de risquer ma vie au large de ces Iles maudites pour vous aider ! Vous ! A cause de qui j’ai perdu mon titre et mon prestige ! Vous savez, seulement parce que c’est mon frère qui vous a conduit jusqu’à moi, je ne vous ai pas fait mettre en pièce par cette bande d’idiots ! Et c’est seulement parce que j’aime mon frère et ma nièce que je ferai en sorte que vous puissiez quitter Arnevik sans que personne ne touche à votre joli minois Anna…Et dîtes vous que c’est déjà beaucoup ! Répliqua Hans d’une manière cinglante.
-Tu ne comptes pas les aider ? Demanda Yohan déçu.
-Exactement mon frère ! Je ne compte pas les aider ! Reprit-il son verre à la main, alors qu’Anna le fixait, vidant également le sien.
-Vous souhaitez retrouver votre place ? Vos titres ? Votre prestige ? Votre richesse ? Très bien Hans ! Vous savez que si je viens vous voir ici, sans escorte et déguisée c’est que je n’ai pas d’autre choix, vous avez deviné, je viens pour sauver ma sœur ! Alors maintenant fini les politesses que vous me servez depuis tout à l’heure et parlons franchement ! Pas la peine de négocier ! Aidez-moi Hans et je vous rendrais ce que vous avez perdu. Je ferais de vous un seigneur d’Arendelle, avec plus de richesses et de pouvoir que vous n’auriez pu en espérer comme prince des Iles du Sud. En revanche, jamais je ne vous autoriserai à remettre un pied au château, ça sera ma seule condition. A prendre ou à laisser ! Acceptez, et vous redeviendrez un homme riche et puissant !
-Mais je le suis déjà ici…
-Là ça sera aux yeux de tous… Avec une respectabilité à faire pâlir de jalousie vos frères…
-Vous devez vraiment être désespérée pour tout miser si rapidement !
-A prendre ou à laisser ? S’impatienta-t-elle
-Je passe ! Je n’ai aucune raison de vous venir en aide ! Ni d’accepter votre offre pour me mettre à vos ordres ! Ni vous, ni votre sœur n’avez l’étoffe d’une reine ! La compagnie de tous ces gueux sans cervelle m’est préférable. Voyez, je reste malgré tout sympathique et vous évite de devoir attendre une réponse. Vous n’aurez donc pas à souffrir davantage de vous trouver dans cette ville. Bon retour !
-Pas l’étoffe d’une reine ? Lança Anna d’une voix glaciale, en prenant le verre des mains de son interlocuteur pour le vider d’une traite.
-Non…Mais vous avez une belle descente c’est déjà ça ! Ironisa-t-il.
-Et vous qui traitez ceux que vous côtoyez d’imbéciles et de gueux vous valez mieux que moi ?
-Mais vous aussi les traitez ainsi !
-Non ! Et je vais vous montrer, ex prince ce que signifie être un grand monarque ! Chose que vous n’êtes pas !


La rouquine n’en pouvait plus de l’impertinence de son ancien fiancé. En un éclair elle se leva et tira Révolute à sa ceinture que la longue cape offerte par les trolls avait habilement dissimulée. Surpris, le benjamin des Iles du Sud n’eût pas le temps de porter la main à son arme et craignait l’attaque qui n’arriva pas. Ce que fit Anna l’étonna bien plus.


Déterminée, elle se rua vers la bataille qui faisait rage depuis quelques minutes. Les bandits, surpris de voir quelqu’un, surtout une femme intervenir se déconcentrèrent une fraction de seconde. C’était suffisant pour Anna. Toutes ses années d’enfance à prendre clandestinement des leçons d’escrime allaient servir. Anna avait acquis une grande maîtrise des techniques et se montrait rapide et agile. Profitant de l’effet de surprise, elle prit le fer d’un des bandits et d’un habile geste du poignet le désarma sans effort. Les deux autres brutes ne se laissèrent pas faire et l’attaquèrent avec violence. S’ils étaient bien plus forts qu’elle, ils étaient en revanche bien plus lents et n’avaient pas été initié par les meilleurs maîtres d’armes du continent. Anna, telle une ballerine évitait avec grâce les coups et à aucun moment ne paraissait être en danger.


Tout à coup, le premier homme désarmé se jeta sur elle, un tabouret à la main. Surprise, elle fut heureuse de l’éviter et lui fit au passage un croque en jambe. L’homme, prit dans son élan frappa de plein fouet son camarade avant de lui tomber dessus lourdement. Il n’en restait plus qu’un. Le plus grand. Sans aucune pitié, dévoré par la rage il engagea le combat. Table, tabouret, vaisselle, tout était massacré sous ses violentes attaques mais la jeune femme était inaccessible. Anna virevoltait telle une guêpe autour du brigand, elle jouait avec lui, prête à piquer à tout instant.


-Vous ne comptez pas l’aider ? Demanda Yohan à Kristoff
-Euh…Mais aller aider qui ? Répondit le montagnard amusé.


Il était serein. Il avait pu au cours des trois dernières années assister aux entraînements de sa promise et il savait que la brute épaisse qui l’affrontait n’avait pas la moindre chance arme à la main.


-Allons c’est mou tout ça, un peu d’enthousiasme que diable !


Anna le provoquait, rendant l’homme plus furieux encore. Il était hors de question pour lui de se laisser dominer par une femme devant toutes les crapules de la ville qui avaient stoppé leurs conversations et observaient ce curieux combat. A nouveau, le bandit frappa dans le vide, manquant de tomber en avant.


-Oh mais faîtes donc attention à votre jambe d’appui !


Vive comme l’éclair, elle le frappa à la jambe du plat de son épée le faisant rugir de rage et à nouveau il lança une nouvelle attaque dans le vide. Le brigand hurlait et respirait bruyamment. Anna le fatiguait à se montrer intouchable. Encore de grands coups d’épées fendirent l’air mais ne rencontraient que le vide.


-Oh mon ami cessez de battre des ailes comme un pélican aviné. Posez-vous ! S’amusa Anna en l’invitant à reprendre sa garde.
-Tu parleras moins quand je t’aurai arraché la langue ma mignonne !
-Essayez !... Ah tout de même ! Enfin une véritable attaque ! Parfait ! Parade ! J’escarmouche, je coupe, je feinte et à la fin de l’envoi…Je touche !


Par un habile mouvement, Anna était passée derrière son adversaire et venait de poser sa main sur le pommeau du bandit qui pouvait sentir sur son dos le plat glacé de Révolute.


-Allons mon ami, lâchez-ceci avant de blesser quelqu’un et asseyez-vous ! Ordonna Anna.


L’homme vaincu et honteux obéit. Il s’installa sans oser croiser le regard de l’assistance médusée. Anna n’en avait que faire et monta sur une table encore debout. Elle fusilla Hans du regard qui, après cette démonstration avait perdu de sa superbe. La jeune femme, Révolute en main retira enfin sa cape et laissa son visage apparaître aux yeux de tous.


-Hommes d’Arnevik, je suis Anna d’Arendelle, votre reine ! Depuis des générations nous vous avons oublié ! Depuis des générations nous vous avons méprisé ! Depuis des générations nous vous avons laissé croupir dans cette ville… Avant d’entrer ici, je ne savais rien. Je n’imaginais qu’un repère d’hommes et de femmes sans honneur et sans royaume mais je me trompais ! Ce sont les miens qui en ont manqué, ce sont les miens qui ont oublié, ce sont les miens qui vous ont oublié ! Alors que pourtant, le sang Arnved le Juste coule dans mes veines !


Elle avait joint le geste à la parole et désignait la vieille carte et son blason au mur. Elle reprit sa respiration alors que tous pouvaient entendre les mouches voler. Avec assurance et éloquence, elle reprit.


-Moi je n’oublie pas ! Si Arendelle existe c’est aussi parce qu’Arnved a su faire prospérer le Royaume d’Aren le Grand. Le crocus d’Arnevik flotte sur le drapeau d’Arendelle…Sur notre drapeau ! Arnevik et Arendelle ne font qu’un, comme le crocus et les couleurs mauve et jaune d’Aren le Grand ne forment qu’un ! Le Royaume vous a dénigré, cela ne sera plus le cas ! Je ne le permettrai pas ! Sous mon règne, Arnevik renaîtra de ses cendres ! Mais pour l’heure, Arendelle est en danger…Votre Royaume est en danger. Mais ensemble, nous prouverons que rien ne peut ébranler Arendelle ! Nous ne formons qu’un seul et même peuple. Arnevik n’est pas une mauvaise ville, Arnevik n’est pas sans foi ni loi, Arnevik doit être un espoir. Pour moi, ici tout change ! Vous n’aurez plus à devoir enfreindre les règles pour survivre, à vous battre, à craindre votre voisin. Le Royaume a une dette envers cette ville, et elle n’en sera que plus grande encore demain ! Mais elle deviendra la ville que vous méritez ! La ville de vos rêves ! Nous la reconstruirons ensemble, nous la nettoierons ensemble et bientôt, vous pourrez vivre paisiblement dans cette ville. Rêver d’une vie de famille tranquille dans une petite maison. Les terres ici sont fertiles, vous pourrez prospérer. Le port est important. Vous pourrez partir sans crainte vivre de nouvelles aventures au-delà des mers si vous le désirez. Oui vous ! Vous l’aurez votre maison familiale ! Oui vous ! Vous l’aurez votre nouveau départ pour l’Ile d’Aren !


Elle fit une nouvelle pause après avoir désigné deux des hommes qu’elle venait de battre en combat singulier. Ceux-ci rougirent, comprenant que la reine avait entendu leur conversation interdite.


-Et vous autres ? Vous aussi vous avez des rêves ? Que préférez-vous ? Un nouveau départ, où tous vos crimes passés seront pardonnés où continuer cette vie à la solde d’un homme ?


Anna avait désigné Hans et des regards méfiants se tournèrent vers l’ancien prince qui n’en revenait pas de ce qu’il entendait.


-Alors choisissez ! Vous faîtes tous parti de mon Royaume…Notre Royaume !... Je suis votre reine, et je n’ai qu’une parole !


Anna en avait terminé…Elle pensait qu’il y aurait eu des réactions mais la foule resta muette de surprise. Les secondes lui semblèrent être des heures. Elle sentait la sueur couler le long de sa colonne vertébrale. Elle n’avait pas vraiment prévu ça et ne savait pas comment les hommes devant elle allaient finir par réagir. Au bout d’un instant, ses deux voisins de tables s’approchèrent, armes à la main. Anna serra un peu plus fort Révolute contre elle. Si tous décidaient de l’attaquer, c’en était fini. Les deux hommes se fixèrent devant la table puis, tous deux ployèrent le genou se tenant en prière sur la garde de leur arme.


-Pour Arnevik ! Pour Notre Reine Anna ! Clamèrent-ils
-Pour Arnevik ! Pour Notre Reine Anna !


L’ensemble des personnes présentes avaient agi comme un seul homme et prêté allégeance à la reine. Comme il était de coutume du temps Arnved le Juste, et pour tous les grands chefs Vikings de l’ancien temps, les hommes s’approchèrent de la table qui fut prise comme un bouclier et soulevèrent Anna pour l’acclamer. Malgré les secousses, la jeune femme sut rester digne et garder le pied ferme, intérieurement elle remercia les longues heures de torture que lui imposait son professeur de danse quand elle n’était encore que princesse.


-Pour Arnevik ! Buvez mes amis ! C’est votre reine qui vous l’offre ce soir !


Toute heureuse Anna lança sa bourse d’or dans les bras du tavernier stupéfait. Des tonnerres d’applaudissements se firent alors entendre. Tous se préparaient à boire à la santé de leur reine retrouvée. Kristoff, ébahi, aida sa belle à descendre. Les quelques hommes qui la croisèrent firent des révérences malhabiles. Anna ne s’en offusqua pas et sourit en faisant des petits signes de la main. Elle était redevenue elle-même, la jeune fille douce et chaleureuse. Mais sa détermination reprit vite le dessus lorsqu’elle se plaça face à Hans. Ce dernier, à la hâte se leva, il n’avait plus l’intention de fanfaronner.


-Vous voyez la différence maintenant ? Voilà comment agit un souverain ! Et je l’ai dit je n’ai qu’une parole. Je vous ai fait une offre, je vous la propose une dernière fois…A prendre ou à laisser ! Fit-elle autoritaire.
-Votre Altesse…Nous pouvons partir dans l’heure si tel est votre désir. Répondit-il avec une révérence.


Les hommes acclamèrent à nouveau Anna et lui jurèrent allégeance alors qu’en compagnie d’Hans, elle quitta le lieu sordide pour retrouver le traineau de Kristoff. Hans les guida et, rapidement, ils arrivèrent au bout d’un quai miteux. La brume était tombée et les ombres paraissaient angoissantes alors qu’Hans montra son navire qui tout à coup apparut aux yeux d’Anna comme surgit du royaume des morts.


-Ma seule fierté Anna !... Voici l’Helga ! Sans doute le meilleur navire des sept mers !
-Un nom magnifique…
-Il est votre, prêt à lever l’ancre selon vos désirs !
-Bien, ne perdons pas de temps, je charge nos affaires Anna ! Fit Kristoff qui vidait le traineau.
-Pas nous…Seulement moi. Répondit-elle triste.
-Quoi ? Répondit Kristoff estomaqué.
-Je dois retrouver ma sœur…Tu as entendu Grand Pabbie, c’est une affaire d’esprit…Je ne sais combien de temps cela prendra, et Olson avait raison tout à l’heure…Il faut que la couronne protège Arendelle !... Lord Kristoff, duc de la plaine des trolls, moi Anna Première, reine d’Arendelle vous nomme maintenant et à perpétuité Prince Consort d’Arendelle. A ce titre, je vous confie la Régence du Royaume en mon absence. Termina Anna d’une voix solennelle mais tremblante.
-Tu…Tu quoi ? Anna ?!
-Protège notre royaume ! Yohan, partez avec Kristoff ! Vous connaissez la stratégie militaire, vous serez plus utiles là-bas !
-Très bien votre Altesse ! Hans, mon frère ! Veille sur la reine !
-Et toi sur ma nièce !


Les deux frères se tombèrent dans les bras puis échangèrent une poignée de main, Laïka emboîta le pas de Yohan, elle ne pouvait rentrer en pays Northuldra, elle serait plus utile auprès des Arendelliens pour le moment. Hans regagna la passerelle et constata que la reine était restée sur le quai, elle faisait face à son fiancé.


-Surtout sois prudente mon amour !
-Je te le promets, et toi…Prends ceci ! Dit-elle en dénouant sa ceinture qui tenait Révolute puis la lui tendit.
-Quoi ?
-L’épée des rois…Garde là près de toi pour guider notre peuple, jusqu’à mon retour, c’est toi qui dois veiller sur eux ! Promets-le-moi !
-Je te le promets aussi !


Le temps semblait figé pour les deux amants. Kristoff passa sa grande main contre la joue de sa belle et s’approcha doucement. Anna fut elle plus rapide et sauta contre lui. Leurs lèvres se rencontrèrent alors que leurs bras se nouaient dans le dos de l’autre. Ils ne faisaient qu’un, ils sentaient chacun la douceur de la bouche de l’autre et puisaient en l’autre tout l’amour et le courage dont ils auraient besoin pour leur mission. Puis leurs mains se dénouèrent et leurs lèvres s’éloignèrent. Tous deux avaient les larmes aux yeux. Kristoff recula jusqu’au traineau sans tourner le dos à sa belle. Il monta alors que Yohan tenait les rênes. Le conseiller diplomatique les fit claquer alors que Kristoff agitait la main. Anna fit son aimé la saluer jusqu’à ce qu’il s’évapore dans la brume. Anna serra les poings pour ne pas pleurer puis tourna la tête vers la passerelle. Hans n’avait pas perdu une miette de la scène mais se gardait bien tout commentaire. Elle le dévisagea, son regard était à nouveau déterminé.


-Hans ! Faîtes prendre la mer à Helga sur le champ ! Lança-t-elle.