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- Voldago
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[Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Jeu 04 Jan 2018, 16:26
Bonjour à tous,
Je vous présente ici le prologue de ma fan-fiction. C'est un cross-over entre Raiponce et la Reine des Neiges, se déroulant durant les événements du film. Je l'ai écrite de janvier à juillet dernier, mais je l'ai récemment reprise pour la corriger. L'histoire est centrée sur le point de vue de Raiponce, alors qu'elle se trouve à Arendelle pendant l'hiver provoqué par Elsa. Sans plus attendre, voici le prologue :
Ce voyage devait être une simple formalité. « Tu te rendras à la cérémonie, tu présenteras tes hommages à la reine en notre nom, et tu reviendras auprès de nous une fois les festivités terminées. », lui avait dit son père. En tant que princesse héritière du royaume de Corona, Raiponce était la principale représentante de son pays ; et en cette année 1839, la tradition voulait que chaque nouveau monarque invitât des représentants de chaque nation à son couronnement. Quoi de plus naturel alors qu’elle fut envoyée par son père, roi de Corona, à la cérémonie de couronnement de la Reine Elsa d’Arendelle ? Cependant, il y avait un hic : les relations entre la reine en question et Raiponce étaient distantes, au mieux, depuis un tragique accident survenu trois ans plus tôt qui avait bouleversé la vie de la souveraine. Non pas qu’Elsa fusse particulièrement chaleureuse avec le reste du monde : Raiponce connaissait la reine pour être froide et solitaire. La princesse voyait donc sa confrontation à venir avec cette dernière avec une certaine appréhension ; d’autant plus qu’elle se sentait responsable de l’attitude d’Elsa et de son malheur, quoique injustement. Cette culpabilité avait réveillé en Raiponce des remords liés à une autre personne qu’elle avait faite souffrir, et créait chez la princesse un trouble qu’elle n’avait jamais connu.
Ses nuits en étaient devenues agitées et mères de cauchemars ; et la présence de son fidèle époux Eugène n’y changeait rien. Raiponce, pourtant d’ordinaire si joyeuse et insouciante, se sentait peu à peu gagnée par l’angoisse chaque jour passant. La jeune femme craignait ce qu’il adviendrait dans les jours à venir : qui pourrait deviner la réaction d’Elsa lors de leur rencontre ? Elle imaginait de plus mal cette reine si isolée, et à ses yeux si vulnérable, avoir les capacités de faire face aux manigances de la noblesse qui ne tarderait pas à se presser à ses portes. Dignitaires cupides et nobles ambitieux se déchireraient pour obtenir les faveurs de la reine, et la situation risquait vite de devenir explosive.
Tout cela irait encore si ce n’était pour ce mystère qui intriguait toutes les cours d’Europe : depuis treize ans, les portes du château d’Arendelle étaient fermées au monde extérieur. Les hypothèses allaient bon train : paranoïa de la famille royale, orgueil mal placé, préparation de terribles complots… Mais on ne pouvait remettre en cause l’étrangeté de cet ostracisme royal, et il semblait évident pour Raiponce qu’il était lié à l’isolement volontaire de la reine. Un sombre secret tourmentait Elsa. Et avec les portes du château ouvertes pour la première fois depuis treize ans, nul doute que les curieux se presseraient pour essayer de démêler le vrai du faux. Le mystère ne ferait certainement pas long feu sous l’inquisition des dizaines d’invités ; et que se produirait-il si le secret était découvert, nul ne pourrait le dire. Mais une crise couvait à Arendelle, et Raiponce risquait bien de s’y trouvée mêlée.
Au-delà de cela, un mauvais pressentiment tourmentait Raiponce et lui ne disait rien qui vaille : rien ne se passerait comme prévu, elle en aurait mis sa main à couper.
Voilà pour le prologue, je vous invite à me donner votre avis, même si vous n'êtes pas inscrit, car l'inscription ne prend que quelques minutes et ça me ferait vraiment plaisir ! Je mettrai très bientôt le chapitre 1 en ligne, qui est beaucoup plus long. Prenez ce prologue comme une mise en bouche !
Merci d'avance pour vos avis !
Je vous présente ici le prologue de ma fan-fiction. C'est un cross-over entre Raiponce et la Reine des Neiges, se déroulant durant les événements du film. Je l'ai écrite de janvier à juillet dernier, mais je l'ai récemment reprise pour la corriger. L'histoire est centrée sur le point de vue de Raiponce, alors qu'elle se trouve à Arendelle pendant l'hiver provoqué par Elsa. Sans plus attendre, voici le prologue :
Prologue
Ce voyage devait être une simple formalité. « Tu te rendras à la cérémonie, tu présenteras tes hommages à la reine en notre nom, et tu reviendras auprès de nous une fois les festivités terminées. », lui avait dit son père. En tant que princesse héritière du royaume de Corona, Raiponce était la principale représentante de son pays ; et en cette année 1839, la tradition voulait que chaque nouveau monarque invitât des représentants de chaque nation à son couronnement. Quoi de plus naturel alors qu’elle fut envoyée par son père, roi de Corona, à la cérémonie de couronnement de la Reine Elsa d’Arendelle ? Cependant, il y avait un hic : les relations entre la reine en question et Raiponce étaient distantes, au mieux, depuis un tragique accident survenu trois ans plus tôt qui avait bouleversé la vie de la souveraine. Non pas qu’Elsa fusse particulièrement chaleureuse avec le reste du monde : Raiponce connaissait la reine pour être froide et solitaire. La princesse voyait donc sa confrontation à venir avec cette dernière avec une certaine appréhension ; d’autant plus qu’elle se sentait responsable de l’attitude d’Elsa et de son malheur, quoique injustement. Cette culpabilité avait réveillé en Raiponce des remords liés à une autre personne qu’elle avait faite souffrir, et créait chez la princesse un trouble qu’elle n’avait jamais connu.
Ses nuits en étaient devenues agitées et mères de cauchemars ; et la présence de son fidèle époux Eugène n’y changeait rien. Raiponce, pourtant d’ordinaire si joyeuse et insouciante, se sentait peu à peu gagnée par l’angoisse chaque jour passant. La jeune femme craignait ce qu’il adviendrait dans les jours à venir : qui pourrait deviner la réaction d’Elsa lors de leur rencontre ? Elle imaginait de plus mal cette reine si isolée, et à ses yeux si vulnérable, avoir les capacités de faire face aux manigances de la noblesse qui ne tarderait pas à se presser à ses portes. Dignitaires cupides et nobles ambitieux se déchireraient pour obtenir les faveurs de la reine, et la situation risquait vite de devenir explosive.
Tout cela irait encore si ce n’était pour ce mystère qui intriguait toutes les cours d’Europe : depuis treize ans, les portes du château d’Arendelle étaient fermées au monde extérieur. Les hypothèses allaient bon train : paranoïa de la famille royale, orgueil mal placé, préparation de terribles complots… Mais on ne pouvait remettre en cause l’étrangeté de cet ostracisme royal, et il semblait évident pour Raiponce qu’il était lié à l’isolement volontaire de la reine. Un sombre secret tourmentait Elsa. Et avec les portes du château ouvertes pour la première fois depuis treize ans, nul doute que les curieux se presseraient pour essayer de démêler le vrai du faux. Le mystère ne ferait certainement pas long feu sous l’inquisition des dizaines d’invités ; et que se produirait-il si le secret était découvert, nul ne pourrait le dire. Mais une crise couvait à Arendelle, et Raiponce risquait bien de s’y trouvée mêlée.
Au-delà de cela, un mauvais pressentiment tourmentait Raiponce et lui ne disait rien qui vaille : rien ne se passerait comme prévu, elle en aurait mis sa main à couper.
Voilà pour le prologue, je vous invite à me donner votre avis, même si vous n'êtes pas inscrit, car l'inscription ne prend que quelques minutes et ça me ferait vraiment plaisir ! Je mettrai très bientôt le chapitre 1 en ligne, qui est beaucoup plus long. Prenez ce prologue comme une mise en bouche !
Merci d'avance pour vos avis !
- Voldago
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Date d'inscription : 05/08/2015
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Ven 05 Jan 2018, 17:14
Voici le premier chapitre :
Chapitre 1 : une nouvelle aventure
Là-haut, dans cette tour dissimulée dans la forêt de Corona, une femme criait. Sa plainte n’avait pas d’âge : était-elle celle d’une enfant, d’une jeune femme, d’une vieille femme aux doigts squelettiques et à la peau ridée ? Toujours était-il que ce cri était témoin d’une grande souffrance, de celle que l’on éprouve une seule fois. Il inspirait terreur et désarroi ; et pourtant, Raiponce se sentait irrésistiblement attirée par lui. Elle marcha, jusqu’au pied de cette tour maudite ; et après un papillonnement de paupières, se trouva à son sommet, dans une grande pièce où se mélangeaient souvenirs d’une enfance heureuse et sentiment d’une oppression à nulle autre pareille. Etendue devant Raiponce, une femme aux cheveux noirs et bouclés agonisait et gémissait d’une voix rauque. Sa chevelure virait au blanc, et le poids de la vieillesse marquait progressivement ses traits. La femme jeta un regard rempli de haine à Raiponce.
-Regarde, regarde ce que tu as fait, murmura-t-elle.
La femme poussa un hurlement faisant se dresser les poils sur l’échine de Raiponce. Elle griffa le sol de ses ongles qui se transformaient peu à peu en griffes arquées, et sa chair se ratatina sur ses os. La princesse regarda, tétanisée, se produire l’œuvre du temps : la malheureuse ne fut bientôt qu’un squelette sur lequel reposait un vêtement de tissu, et les os furent bientôt poussière. Ce n’est qu’un cauchemar, songea Raiponce. Ce n’est qu’un cauchemar. Fort heureusement, elle avait raison ; un instant plus tard, la princesse se réveilla sous les couvertures d’un lit moelleux et confortable, poussant un cri de surprise en se retrouvant dans un lieu qu’elle ne reconnaissait pas. Elle écarta les couvertures et se rassit précipitamment au bord de son lit. Mais elle revint vite à elle : Raiponce avait dormi dans sa cabine, à l’intérieur du navire qui la menait à Arendelle. Tout allait bien.
-Mauvaise nuit ? s’enquit un jeune matelot dont les bras étaient chargés de matériel.
La princesse peinait à distinguer ses traits dans l’obscurité de ses quartiers.
-Plutôt, oui, confessa-t-elle.
-Vous parliez, durant votre sommeil. Je crois que vous disiez le mot « mère ».
Raiponce se crispa quelque peu.
-Je suis désolé, ai-je été indiscret ? s’inquiéta le matelot.
-Non, non, ce n’est rien, assura la princesse. J’ai fait un cauchemar, au sujet de ma… « mère adoptive ».
-Il s’agit bien de la vieille femme qui vous a kidnappée étant enfant, n’est-ce pas ?
-C’est bien elle.
-Tout Corona connaît cette histoire. Cette femme –Gothel, je crois-, a utilisé durant des siècles le pouvoir d’une fleur magique pour conserver une jeunesse éternelle. Alors votre mère était enceinte de vous, elle est tombée gravement malade, et la fleur a été utilisée pour la guérir ; mais ses pouvoirs ont été transmis à vos cheveux par le biais de votre mère, et Gothel vous a enlevée pour utiliser votre chevelure afin de continuer à rester jeune. Vous avez été enfermée dans une tour durant dix-huit ans, jusqu’à ce que le prince Eugène arrive. Bien-sûr, il n’était qu’un voleur utilisant le pseudonyme de Flynn Rider à cette époque. Vous l’avez persuadé de vous guider dans le royaume pour découvrir le monde extérieur, et vous êtes tombés amoureux l’un de l’autre ; et quand Gothel a voulu vous récupérer, il a coupé vos cheveux pour qu’ils perdent leur pouvoir et vous libèrent de votre « mère » adoptive. Vous êtes revenue au château après dix-huit ans d’absence, vous êtes mariée avec Eugène, et voilà. Une très belle histoire, je trouve.
-C’est bien résumé, sourit la princesse. Mais j’ai cru un moment qu’elle ne s’achèverait pas si bien : Eugène avait été mortellement blessé par Gothel quand il m’a coupé les cheveux, et aurait perdu la vie s’il ne m’était resté une partie du pouvoir de la fleur. Je crois bien que je n’avais jamais eu aussi peur de toute mon existence.
-Soyez-en heureuse, Votre Altesse. Avoir peur de perdre quelqu’un montre à quel point vous l’aimez. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Sur ces sages paroles, le jeune homme quitta la cabine avec son matériel. Raiponce resta immobile un moment, puis songea qu’il était temps de monter sur le pont, d’autant que le voyage touchait à sa fin. La jeune femme quitta ses vêtements de nuit pour porter une fine robe rose avant de quitter ses quartiers, et de monter sur le pont par une échelle en bois, avant de se diriger vers l’avant du navire. La princesse s’accouda à la proue. Les bras croisés, elle observait silencieusement de son regard vert les voiles de son trois mâts frémir sous la brise légère de cette matinée d’été. Le temps était doux, et bien plus agréable qu’escompté : il était même pratiquement identique à celui de Corona. La princesse songea que les témoignages grandiloquents du personnel de son château, rapportant qu’elle allait se rendre dans un pays compressé par un climat glacial et une nuit sans fin à longueur d’année, étaient grandement exagérés : le temps n’était pas moins doux que la première fois où elle s’était rendue à Arendelle. Ces descriptions exagérées et farfelues n’avaient pas été sans lui rappeler les avertissements répétés de sa « mère » sur le monde extérieur, qui avaient visé à la garder enfermée dans sa maudite tour pour l’éternité par le biais du meilleur verrou qui puisse exister : sa propre peur. Dans les deux situations, les informations s’étaient avérées fausses ; et dans les deux situations, Raiponce avait quoi qu’il en soit décidé de faire fi des risques.
La princesse porta son regard vers Eugène, qui observait nonchalamment leur destination, et venait de s’accouder à la balustrade en se tournant les pouces. Quelques mèches de ses cheveux bruns tombait sur ses sourcils, comme toujours. Raiponce pensa avec tendresse que si ce n’était pour son courage, elle serait certainement toujours sous la garde de Mère Gothel, prisonnière d’un enfer sans fin. Mais elle avait pu échapper à ce sort d’un simple geste d’Eugène qui avait à la fois tranché sa chevelure et le fil de sa terrible destinée. Ainsi, la magie habitant les cheveux de Raiponce s’était éteinte, et avec elle la vie de Gothel, la sorcière étant privée de la seule chose lui permettant encore de survivre, et le temps et la mort réclamant enfin leur dû. Enfin libre, la jeune femme avait pu goûter au véritable bonheur pour la première fois de sa vie, et avait épousé Eugène quelques temps après. Cependant, une ombre de culpabilité passait sur ce bonheur quand Raiponce se rappelait le sort de celle qui avait malgré tout été sa mère jusqu’à ses 18 ans.
La princesse se dirigea vers son époux et reposa elle aussi ses bras sur la balustrade, à la droite d’Eugène.
-J’espère qu’on nous réserve un accueil digne de ce nom, lança le prince. Ce voyage m’a donné faim.
-Moi qui croyais t’avoir vu engloutir une choucroute ce matin… répondit Raiponce avec un regard ironique.
-La haute-mer, ça creuse, se justifia Eugène.
-…trois rôtis de bœuf ces deux derniers jours…
-Je n’aurais pas voulu les gâcher.
-…également une meule entière censée survivre jusqu’au voyage de retour…
-Les rats commençaient à s’y intéresser, dit innocemment le jeune homme.
-Il n’y a pas de rats. Et pour finir, tu as même volé six des pommes de Maximus. Le pauvre a dû se rationner pendant tout le voyage, termina Raiponce d’une voix plaintive.
-Ça ne lui fera pas de mal de se mettre un peu au régime. Toute la journée, la seule chose qu’il fait, à part me faire des croche-pieds bien-sûr, c’est manger des pommes. Je suis pratiquement sûr que la moitié de sa paie y passe.
-Oh, Maximus devrait se mettre au régime, selon toi ? s’amusa la princesse en appuyant fortement sur le ventre d’Eugène de son index. M’est-avis que c’est plutôt toi que ces années passées au château ont engrossé…
Eugène eut un sursaut et se frotta douloureusement le ventre. Il haussa un sourcil provocateur et rétorqua à sa jeune épouse :
-Les années ne t’ont pas tellement gâtée non plus, commença-t-il.
Raiponce eut une inspiration indignée, et fit mine de donner un coup de poing au prince, mais Eugène lui retint le bras d’une main, l’autre se posant autour de son dos pour la rapprocher délicatement de lui. La princesse n’opposa aucune résistance et abandonna tout faux semblant, riant amoureusement avant de libérer sa main de l’emprise d’Eugène, la passant derrière son cou pour mieux l’embrasser. Raiponce ferma les yeux un instant, profitant simplement du baiser qu’elle partageait avec l’homme qu’elle aimait. Mais au bout de quelques secondes, ils furent interrompus par un soufflement irrité et la princesse releva ses paupières. Maximus, le poil d’un blanc brillant, les regardait avec exaspération. Perché sur sa tête, Pascal dormait paisiblement. Raiponce sourit et desserra son étreinte, faisant face au noble destrier.
-Je crois qu’il en a assez de nous voir nous embrasser tout le temps depuis une semaine, glissa Eugène.
Maximus hocha vigoureusement la tête, catapultant le pauvre caméléon sur le visage d’Eugène, ces derniers poussant un cri à l’unisson. Affolé, Eugène eut le réflexe d’agiter sa main devant son visage, envoyant Pascal s’écraser sur le plancher. La princesse gloussa et se pencha en tendant la main vers le caméléon, qui tira la langue d’un air furieux en direction d’Eugène avant de trottiner sur le bras de Raiponce et de grimper sur son épaule. La jeune femme se rapprocha de Maximus et serra ses bras autour de son cou, le caressant affectueusement.
-Nous serons bientôt arrivés, Max. Tu n’auras plus à nous supporter très longtemps. Et je suis sûre que tu pourras t’acheter toutes les pommes que tu voudras…
Le cheval hennit joyeusement, et recula pour retourner superviser l’arrivée au port. Raiponce se retourna vers son époux.
-D’un autre côté, il n’y avait pas vraiment d’autre occupation, n’est-ce pas ? plaisanta Raiponce. Et le lit de nos quartiers était tellement grand et confortable...
Entendant cela, Pascal se dissimula les yeux et devint rouge de gêne.
-Après tout ce temps, s’esclaffa le prince, le crapaud n’est toujours pas habitué.
-Et après tout ce temps, tu continues de l’appeler crapaud au lieu de caméléon, répliqua Raiponce en caressant doucement l’animal.
-Je ne serais plus vraiment moi, autrement, non ?
Les deux époux échangèrent un regard complice, puis la princesse baissa les yeux et soupira.
-C’est maintenant, n’est-ce-pas ? s’attrista la jeune femme. Après trois ans, il nous faut revoir celles dont les parents sont morts en se rendant à notre mariage.
Les iris de Raiponce s’humidifièrent et se teintèrent de tristesse. Elle sentit Eugène poser une main réconfortante sur son visage et elle releva ses yeux vers lui.
-Je suis sûr que tout se passera bien. C’étaient le frère de ta mère et sa femme. Ton oncle et ta tante. Ils n’auraient voulu rater ton mariage pour rien au monde, surtout après t’avoir perdue pendant dix-huit ans. Leurs filles ne t’en voudront pas, et elles savent très bien que tu avais envoyé un courrier pour les prévenir des conditions climatiques. Tu n’y es pour rien si la lettre n’est jamais arrivée. Et c’est un jour de fête après tout, la reine sera couronnée aujourd’hui et les portes du palais s’ouvriront pour la première fois depuis treize ans.
Raiponce s’efforça de sourire, le cœur légèrement rasséréné.
-Je ne sais pas, répondit cependant la princesse. Je ne m’inquiète pas pour la sœur de la reine, Anna, avec qui j’entretiens une correspondance épistolaire depuis la mort de ses parents, mais pour la reine elle-même. Elle m’a à peine répondu, et de façon très distante. Durant les échanges que j’ai eus avec sa sœur, j’ai eu l’impression que la reine évitait tout contact avec elle, et avec qui que ce soit d’autre d’ailleurs, comme si elle avait peur de quelque chose. Personne ne savait à quoi elle passait ses journées ; l’un des seuls à encore lui parler est le régent et Premier Ministre d’Arendelle, Magnus.
-Qu’est-ce qui pourrait pousser la reine à fuir jusqu’à sa propre sœur ? interrogea Eugène.
-J’aimerais le savoir. Si je pouvais les aider, peut-être que cela pourrait soigner un peu des souffrances qu’elles ont vécues…
-Alors il ne nous reste plus qu’à découvrir ce qui se trame ici, affirma le prince. Comment s’appelle le royaume, déjà ?
La princesse prit la main d’Eugène et l’entraîna avec elle vers la proue du navire. Ensemble, ils observèrent le royaume qui se dévoilait sous leurs yeux. Rien n’avait changé depuis trois ans. Par-delà le navire à trois mâts les devançant, se dressait un village enclavé dans une crique, aux maisons dont les couleurs allaient du vert au rose, en passant par le bleu. La plupart des habitations étaient rassemblées à proximité du port, à basse altitude, mais certaines se trouvaient plus haut, sur le versant de la montagne qui gardait l’autre côté du village. Un chemin sinueux, encadré de maisons, permettait de grimper en direction des hauteurs. De hautes murailles entouraient l’ensemble du royaume, bâties malgré les différences d’altitude. Plus bas, juste devant les navires, une ouverture encadrée de deux phares, à l’intérieur de la muraille, permettait de s’engouffrer dans le royaume pour s’amarrer au port. A leur gauche, le château de la famille royale, lui aussi entouré de murailles de pierre et de nombreuses tours de différentes tailles et aux toits verts, possédait des toits pentus à l’architecture semblable à celle d’un gâteau de mariage. Le sommet du palais était une fine tour triangulaire aux contours arrondis, qui semblait presque percer le ciel. Le tout était relié au village par un pont encadré des drapeaux portant l’emblème du royaume. C’était un endroit magnifique.
-Arendelle, répondit finalement Raiponce. C’est le royaume d’Arendelle.
Alors que le navire se rapprochait du passage entre les deux phares, Eugène lui donna un léger coup d’épaule en indiquant du menton une vitre située à mi-hauteur du palais. Là, une jeune femme, que Raiponce vit rousse malgré la distance, était perchée sur une planche de bois suspendue au-dessus du vide et s’en servait comme d’une balançoire.
-On dirait qu’il y a aussi des hystériques ici, plaisanta Eugène.
-C’est ma cousine Anna, suggéra Raiponce. Elle m’a toujours paru très… enthousiaste.
-Peut-être que ce séjour sera amusant, finalement, s’exclama Eugène.
-Tant qu’il ne se produit pas de catastrophe terrible menaçant de tous nous faire tuer, ça m’ira, sourit la jeune femme.
Le navire pénétrait à l’intérieur de l’enclave, à présent. Autour de lui, les deux phares se tenaient dressés, immobiles et imposants.
-Mais non, répondit Eugène avec confiance. Que pourrait-il arriver de mal, de toute façon ?
________
Voilà pour le premier chapitre ! N'hésitez-pas à me dire ce que vous en pensez ! Pour l'instant, ça reste une introduction des personnages et de leurs objectifs. C'est nécessaire pour préparer la suite. J'aime prendre mon temps
Le prochain chapitre arrivera dans deux-trois jours.
Chapitre 1 : une nouvelle aventure
Là-haut, dans cette tour dissimulée dans la forêt de Corona, une femme criait. Sa plainte n’avait pas d’âge : était-elle celle d’une enfant, d’une jeune femme, d’une vieille femme aux doigts squelettiques et à la peau ridée ? Toujours était-il que ce cri était témoin d’une grande souffrance, de celle que l’on éprouve une seule fois. Il inspirait terreur et désarroi ; et pourtant, Raiponce se sentait irrésistiblement attirée par lui. Elle marcha, jusqu’au pied de cette tour maudite ; et après un papillonnement de paupières, se trouva à son sommet, dans une grande pièce où se mélangeaient souvenirs d’une enfance heureuse et sentiment d’une oppression à nulle autre pareille. Etendue devant Raiponce, une femme aux cheveux noirs et bouclés agonisait et gémissait d’une voix rauque. Sa chevelure virait au blanc, et le poids de la vieillesse marquait progressivement ses traits. La femme jeta un regard rempli de haine à Raiponce.
-Regarde, regarde ce que tu as fait, murmura-t-elle.
La femme poussa un hurlement faisant se dresser les poils sur l’échine de Raiponce. Elle griffa le sol de ses ongles qui se transformaient peu à peu en griffes arquées, et sa chair se ratatina sur ses os. La princesse regarda, tétanisée, se produire l’œuvre du temps : la malheureuse ne fut bientôt qu’un squelette sur lequel reposait un vêtement de tissu, et les os furent bientôt poussière. Ce n’est qu’un cauchemar, songea Raiponce. Ce n’est qu’un cauchemar. Fort heureusement, elle avait raison ; un instant plus tard, la princesse se réveilla sous les couvertures d’un lit moelleux et confortable, poussant un cri de surprise en se retrouvant dans un lieu qu’elle ne reconnaissait pas. Elle écarta les couvertures et se rassit précipitamment au bord de son lit. Mais elle revint vite à elle : Raiponce avait dormi dans sa cabine, à l’intérieur du navire qui la menait à Arendelle. Tout allait bien.
-Mauvaise nuit ? s’enquit un jeune matelot dont les bras étaient chargés de matériel.
La princesse peinait à distinguer ses traits dans l’obscurité de ses quartiers.
-Plutôt, oui, confessa-t-elle.
-Vous parliez, durant votre sommeil. Je crois que vous disiez le mot « mère ».
Raiponce se crispa quelque peu.
-Je suis désolé, ai-je été indiscret ? s’inquiéta le matelot.
-Non, non, ce n’est rien, assura la princesse. J’ai fait un cauchemar, au sujet de ma… « mère adoptive ».
-Il s’agit bien de la vieille femme qui vous a kidnappée étant enfant, n’est-ce pas ?
-C’est bien elle.
-Tout Corona connaît cette histoire. Cette femme –Gothel, je crois-, a utilisé durant des siècles le pouvoir d’une fleur magique pour conserver une jeunesse éternelle. Alors votre mère était enceinte de vous, elle est tombée gravement malade, et la fleur a été utilisée pour la guérir ; mais ses pouvoirs ont été transmis à vos cheveux par le biais de votre mère, et Gothel vous a enlevée pour utiliser votre chevelure afin de continuer à rester jeune. Vous avez été enfermée dans une tour durant dix-huit ans, jusqu’à ce que le prince Eugène arrive. Bien-sûr, il n’était qu’un voleur utilisant le pseudonyme de Flynn Rider à cette époque. Vous l’avez persuadé de vous guider dans le royaume pour découvrir le monde extérieur, et vous êtes tombés amoureux l’un de l’autre ; et quand Gothel a voulu vous récupérer, il a coupé vos cheveux pour qu’ils perdent leur pouvoir et vous libèrent de votre « mère » adoptive. Vous êtes revenue au château après dix-huit ans d’absence, vous êtes mariée avec Eugène, et voilà. Une très belle histoire, je trouve.
-C’est bien résumé, sourit la princesse. Mais j’ai cru un moment qu’elle ne s’achèverait pas si bien : Eugène avait été mortellement blessé par Gothel quand il m’a coupé les cheveux, et aurait perdu la vie s’il ne m’était resté une partie du pouvoir de la fleur. Je crois bien que je n’avais jamais eu aussi peur de toute mon existence.
-Soyez-en heureuse, Votre Altesse. Avoir peur de perdre quelqu’un montre à quel point vous l’aimez. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Sur ces sages paroles, le jeune homme quitta la cabine avec son matériel. Raiponce resta immobile un moment, puis songea qu’il était temps de monter sur le pont, d’autant que le voyage touchait à sa fin. La jeune femme quitta ses vêtements de nuit pour porter une fine robe rose avant de quitter ses quartiers, et de monter sur le pont par une échelle en bois, avant de se diriger vers l’avant du navire. La princesse s’accouda à la proue. Les bras croisés, elle observait silencieusement de son regard vert les voiles de son trois mâts frémir sous la brise légère de cette matinée d’été. Le temps était doux, et bien plus agréable qu’escompté : il était même pratiquement identique à celui de Corona. La princesse songea que les témoignages grandiloquents du personnel de son château, rapportant qu’elle allait se rendre dans un pays compressé par un climat glacial et une nuit sans fin à longueur d’année, étaient grandement exagérés : le temps n’était pas moins doux que la première fois où elle s’était rendue à Arendelle. Ces descriptions exagérées et farfelues n’avaient pas été sans lui rappeler les avertissements répétés de sa « mère » sur le monde extérieur, qui avaient visé à la garder enfermée dans sa maudite tour pour l’éternité par le biais du meilleur verrou qui puisse exister : sa propre peur. Dans les deux situations, les informations s’étaient avérées fausses ; et dans les deux situations, Raiponce avait quoi qu’il en soit décidé de faire fi des risques.
La princesse porta son regard vers Eugène, qui observait nonchalamment leur destination, et venait de s’accouder à la balustrade en se tournant les pouces. Quelques mèches de ses cheveux bruns tombait sur ses sourcils, comme toujours. Raiponce pensa avec tendresse que si ce n’était pour son courage, elle serait certainement toujours sous la garde de Mère Gothel, prisonnière d’un enfer sans fin. Mais elle avait pu échapper à ce sort d’un simple geste d’Eugène qui avait à la fois tranché sa chevelure et le fil de sa terrible destinée. Ainsi, la magie habitant les cheveux de Raiponce s’était éteinte, et avec elle la vie de Gothel, la sorcière étant privée de la seule chose lui permettant encore de survivre, et le temps et la mort réclamant enfin leur dû. Enfin libre, la jeune femme avait pu goûter au véritable bonheur pour la première fois de sa vie, et avait épousé Eugène quelques temps après. Cependant, une ombre de culpabilité passait sur ce bonheur quand Raiponce se rappelait le sort de celle qui avait malgré tout été sa mère jusqu’à ses 18 ans.
La princesse se dirigea vers son époux et reposa elle aussi ses bras sur la balustrade, à la droite d’Eugène.
-J’espère qu’on nous réserve un accueil digne de ce nom, lança le prince. Ce voyage m’a donné faim.
-Moi qui croyais t’avoir vu engloutir une choucroute ce matin… répondit Raiponce avec un regard ironique.
-La haute-mer, ça creuse, se justifia Eugène.
-…trois rôtis de bœuf ces deux derniers jours…
-Je n’aurais pas voulu les gâcher.
-…également une meule entière censée survivre jusqu’au voyage de retour…
-Les rats commençaient à s’y intéresser, dit innocemment le jeune homme.
-Il n’y a pas de rats. Et pour finir, tu as même volé six des pommes de Maximus. Le pauvre a dû se rationner pendant tout le voyage, termina Raiponce d’une voix plaintive.
-Ça ne lui fera pas de mal de se mettre un peu au régime. Toute la journée, la seule chose qu’il fait, à part me faire des croche-pieds bien-sûr, c’est manger des pommes. Je suis pratiquement sûr que la moitié de sa paie y passe.
-Oh, Maximus devrait se mettre au régime, selon toi ? s’amusa la princesse en appuyant fortement sur le ventre d’Eugène de son index. M’est-avis que c’est plutôt toi que ces années passées au château ont engrossé…
Eugène eut un sursaut et se frotta douloureusement le ventre. Il haussa un sourcil provocateur et rétorqua à sa jeune épouse :
-Les années ne t’ont pas tellement gâtée non plus, commença-t-il.
Raiponce eut une inspiration indignée, et fit mine de donner un coup de poing au prince, mais Eugène lui retint le bras d’une main, l’autre se posant autour de son dos pour la rapprocher délicatement de lui. La princesse n’opposa aucune résistance et abandonna tout faux semblant, riant amoureusement avant de libérer sa main de l’emprise d’Eugène, la passant derrière son cou pour mieux l’embrasser. Raiponce ferma les yeux un instant, profitant simplement du baiser qu’elle partageait avec l’homme qu’elle aimait. Mais au bout de quelques secondes, ils furent interrompus par un soufflement irrité et la princesse releva ses paupières. Maximus, le poil d’un blanc brillant, les regardait avec exaspération. Perché sur sa tête, Pascal dormait paisiblement. Raiponce sourit et desserra son étreinte, faisant face au noble destrier.
-Je crois qu’il en a assez de nous voir nous embrasser tout le temps depuis une semaine, glissa Eugène.
Maximus hocha vigoureusement la tête, catapultant le pauvre caméléon sur le visage d’Eugène, ces derniers poussant un cri à l’unisson. Affolé, Eugène eut le réflexe d’agiter sa main devant son visage, envoyant Pascal s’écraser sur le plancher. La princesse gloussa et se pencha en tendant la main vers le caméléon, qui tira la langue d’un air furieux en direction d’Eugène avant de trottiner sur le bras de Raiponce et de grimper sur son épaule. La jeune femme se rapprocha de Maximus et serra ses bras autour de son cou, le caressant affectueusement.
-Nous serons bientôt arrivés, Max. Tu n’auras plus à nous supporter très longtemps. Et je suis sûre que tu pourras t’acheter toutes les pommes que tu voudras…
Le cheval hennit joyeusement, et recula pour retourner superviser l’arrivée au port. Raiponce se retourna vers son époux.
-D’un autre côté, il n’y avait pas vraiment d’autre occupation, n’est-ce pas ? plaisanta Raiponce. Et le lit de nos quartiers était tellement grand et confortable...
Entendant cela, Pascal se dissimula les yeux et devint rouge de gêne.
-Après tout ce temps, s’esclaffa le prince, le crapaud n’est toujours pas habitué.
-Et après tout ce temps, tu continues de l’appeler crapaud au lieu de caméléon, répliqua Raiponce en caressant doucement l’animal.
-Je ne serais plus vraiment moi, autrement, non ?
Les deux époux échangèrent un regard complice, puis la princesse baissa les yeux et soupira.
-C’est maintenant, n’est-ce-pas ? s’attrista la jeune femme. Après trois ans, il nous faut revoir celles dont les parents sont morts en se rendant à notre mariage.
Les iris de Raiponce s’humidifièrent et se teintèrent de tristesse. Elle sentit Eugène poser une main réconfortante sur son visage et elle releva ses yeux vers lui.
-Je suis sûr que tout se passera bien. C’étaient le frère de ta mère et sa femme. Ton oncle et ta tante. Ils n’auraient voulu rater ton mariage pour rien au monde, surtout après t’avoir perdue pendant dix-huit ans. Leurs filles ne t’en voudront pas, et elles savent très bien que tu avais envoyé un courrier pour les prévenir des conditions climatiques. Tu n’y es pour rien si la lettre n’est jamais arrivée. Et c’est un jour de fête après tout, la reine sera couronnée aujourd’hui et les portes du palais s’ouvriront pour la première fois depuis treize ans.
Raiponce s’efforça de sourire, le cœur légèrement rasséréné.
-Je ne sais pas, répondit cependant la princesse. Je ne m’inquiète pas pour la sœur de la reine, Anna, avec qui j’entretiens une correspondance épistolaire depuis la mort de ses parents, mais pour la reine elle-même. Elle m’a à peine répondu, et de façon très distante. Durant les échanges que j’ai eus avec sa sœur, j’ai eu l’impression que la reine évitait tout contact avec elle, et avec qui que ce soit d’autre d’ailleurs, comme si elle avait peur de quelque chose. Personne ne savait à quoi elle passait ses journées ; l’un des seuls à encore lui parler est le régent et Premier Ministre d’Arendelle, Magnus.
-Qu’est-ce qui pourrait pousser la reine à fuir jusqu’à sa propre sœur ? interrogea Eugène.
-J’aimerais le savoir. Si je pouvais les aider, peut-être que cela pourrait soigner un peu des souffrances qu’elles ont vécues…
-Alors il ne nous reste plus qu’à découvrir ce qui se trame ici, affirma le prince. Comment s’appelle le royaume, déjà ?
La princesse prit la main d’Eugène et l’entraîna avec elle vers la proue du navire. Ensemble, ils observèrent le royaume qui se dévoilait sous leurs yeux. Rien n’avait changé depuis trois ans. Par-delà le navire à trois mâts les devançant, se dressait un village enclavé dans une crique, aux maisons dont les couleurs allaient du vert au rose, en passant par le bleu. La plupart des habitations étaient rassemblées à proximité du port, à basse altitude, mais certaines se trouvaient plus haut, sur le versant de la montagne qui gardait l’autre côté du village. Un chemin sinueux, encadré de maisons, permettait de grimper en direction des hauteurs. De hautes murailles entouraient l’ensemble du royaume, bâties malgré les différences d’altitude. Plus bas, juste devant les navires, une ouverture encadrée de deux phares, à l’intérieur de la muraille, permettait de s’engouffrer dans le royaume pour s’amarrer au port. A leur gauche, le château de la famille royale, lui aussi entouré de murailles de pierre et de nombreuses tours de différentes tailles et aux toits verts, possédait des toits pentus à l’architecture semblable à celle d’un gâteau de mariage. Le sommet du palais était une fine tour triangulaire aux contours arrondis, qui semblait presque percer le ciel. Le tout était relié au village par un pont encadré des drapeaux portant l’emblème du royaume. C’était un endroit magnifique.
-Arendelle, répondit finalement Raiponce. C’est le royaume d’Arendelle.
Alors que le navire se rapprochait du passage entre les deux phares, Eugène lui donna un léger coup d’épaule en indiquant du menton une vitre située à mi-hauteur du palais. Là, une jeune femme, que Raiponce vit rousse malgré la distance, était perchée sur une planche de bois suspendue au-dessus du vide et s’en servait comme d’une balançoire.
-On dirait qu’il y a aussi des hystériques ici, plaisanta Eugène.
-C’est ma cousine Anna, suggéra Raiponce. Elle m’a toujours paru très… enthousiaste.
-Peut-être que ce séjour sera amusant, finalement, s’exclama Eugène.
-Tant qu’il ne se produit pas de catastrophe terrible menaçant de tous nous faire tuer, ça m’ira, sourit la jeune femme.
Le navire pénétrait à l’intérieur de l’enclave, à présent. Autour de lui, les deux phares se tenaient dressés, immobiles et imposants.
-Mais non, répondit Eugène avec confiance. Que pourrait-il arriver de mal, de toute façon ?
________
Voilà pour le premier chapitre ! N'hésitez-pas à me dire ce que vous en pensez ! Pour l'instant, ça reste une introduction des personnages et de leurs objectifs. C'est nécessaire pour préparer la suite. J'aime prendre mon temps
Le prochain chapitre arrivera dans deux-trois jours.
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Dim 07 Jan 2018, 23:34
Chapitre 2 : L’arrivée à Arendelle
Raiponce descendit précautionneusement du navire par son étroite rampe en bois. Elle descendit sur un ponton en bois auquel était arrimé deux navires, dont le fier trois mâts qui les avait transportés, derrière eux. De l’autre, un homme descendait, dont la coupe de cheveux n’était pas sans lui rappeler celle d’Eugène, à ceci près qu’il était roux et possédait des favoris descendant jusqu’au-dessus du menton. Il marchait à reculons, essayant de faire descendre avec prudence un cheval par le filet. La robe de l’étalon était beige et une mèche noire se trouvait au-dessus de son front, au milieu d’une crinière blanche. L’homme quant à lui portait des gants et une veste blancs, laquelle se trouvait au-dessus d’une chemise bleue. Une cravate rouge parachevait son élégance naturelle. Il laissait une assez bonne impression à Raiponce, qui lui trouvait un air sympathique. Le voyant peiner pour persuader son cheval de descendre, la princesse s’avança sans attendre Eugène.
-Attendez, je vais vous aider, lança la jeune femme à l’inconnu. Je peux ?
L’homme la regarda un instant avant de se reconcentrer sur son étalon, qui s’obstinait à ne pas vouloir descendre en renâclant.
-Je vous en serais reconnaissant, répondit-il.
Raiponce posa doucement une main sur l’encolure du cheval, et de l’autre, lui caressa le poil entre les yeux. La bête se calma légèrement, fixant la princesse avec intérêt.
-Comment s’appelle-t-il ? demanda cette dernière.
-Sitron.
-Bonjour, Sitron, murmura la jeune femme en souriant. Je suis Raiponce. Allez, viens, ne t’inquiète pas.
Sitron hésita une seconde, puis obtempéra, descendant sur le ponton d’un pas claquant.
-Voilà, comme ça. Tu vois ? l’encouragea Raiponce.
Le cheval, tranquillisé, finit par se retrouver complètement sorti de la rampe et la princesse lui flatta l’encolure avec affection. Devant elle, l’homme posa un genou à terre avec déférence et baissa le regard.
-Je vous remercie, madame. C’est un honneur de rencontrer la princesse de Corona.
-Oh, je vous en prie, ce n’est rien, relevez-vous, rit Raiponce. Monsieur… ?
Son interlocuteur se releva lentement et inclina la tête.
-Hans. Le Prince Hans, des Îles du Sud.
-Enchantée, Hans, répondit la jeune femme en esquissant une révérence.
Raiponce entendit des pas derrière elle et se retourna. Eugène, vêtu d’une tunique pourpre, les rejoignit et se plaça à gauche de la princesse.
-Déjà en train de te faire des amis, hein ? Je te préviens, plaisanta Eugène, je ne suis pas disposé à te partager.
Raiponce leva les yeux au ciel.
-Hans, je vous présente Eugène, mon époux, qui est un vrai plaisantin. Eugène, voici Hans, prince des Îles du Sud.
Hans tendit la main vers l’ancien voleur, qui la serra vigoureusement.
-Enchanté, monsieur, dit Hans.
-Moi de même. Ravi de rencontrer un nouveau royal, s’exclama Eugène. Vous venez pour le couronnement, vous aussi ?
-C’est exact, confirma Hans d’un ton courtois. J’espérais rencontrer la reine et sa sœur.
-Vous aurez certainement plus de chances avec la princesse. A ce qu’il parait, sa sœur est un vrai glaçon.
-Eugène… s’exaspéra la princesse.
-Quoi ? protesta Eugène. C’est toi qui me l’as dit.
Le visage du prince des Îles du Sud s’éclaira significativement.
-Vous connaissez la famille royale d’Arendelle ? s’intéressa-t-il.
-Plus ou moins, reconnut avec gêne Raiponce. J’ai rencontré une fois la Princesse Anna, et à travers les lettres que je recevais d’elle, la princesse m’a toujours paru quelqu’un de très ouvert et d’optimiste. Elle avait hâte de découvrir le monde extérieur, et je suppose qu’elle bondira en dehors des murailles du château sitôt les portes ouvertes.
Ce que je comprends parfaitement, songea amèrement Raiponce.
-Et pas la Reine Elsa ? comprit Hans.
La princesse se mordilla légèrement la lèvre, embarrassée d’être entrée sur ce sujet-là. Elle opina légèrement du chef.
-Mais vous verrez bientôt tout cela vous-même.
Elle commença à reculer vers la terre ferme, suivie d’Eugène, et fit un signe de main à Hans.
-On se reverra au couronnement ! lança-t-elle.
Le prince les salua également, l’air pensif, comme s’il devait prendre une décision difficile. La dernière chose que Raiponce vit de lui avant de se détourner vers sa destination fut son visage mystérieux.
-Bienvenue à Arendelle ! s’exclama un homme au fort embonpoint vêtu d’une veste bleue. Les portes sont sur le point de s’ouvrir.
Raiponce inclina la tête avec un sourire, tandis que l’individu indiquait par de grands gestes qu’il fallait se diriger à gauche. La princesse et Eugène marchèrent à pas lents sur le ponton de bois auquel était arrimé le fier navire qui les avait transportés. En voyant les clous plantés des deux côtés du ponton et les lattes de bois irrégulières qui le composaient, Raiponce se félicita intérieurement d’avoir cédé aux suppliques de ses parents en acceptant de porter des chaussures en cuir noir au lieu de se présenter en va-nu pieds au couronnement et au bal donné en l’honneur de la Reine Elsa. En dépit de son dédain pour les chaussures, en porter était toujours plus agréable que d’avoir les pieds transpercés d’échardes et de morceaux de métal rouillé.
-Un homme charmant, n’est-ce pas ? jugea Raiponce en grimpant les marches de pierre qui menaient à la ville.
-Je ne sais pas trop, hésita Eugène. Il y avait quelque chose de bizarre chez lui.
La jeune femme s’immobilisa au sommet de l’escalier, intriguée.
-Tu crois ? s’étonna-t-elle. Comment cela ?
Eugène se gratta la tête, apparemment gêné.
-J’ai vécu toute ma jeunesse avec des voleurs, des manipulateurs et des menteurs. Mon instinct me dit que ce Hans est les trois à la fois. Sa voix, sa façon de s’exprimer… Tout avait l’air contrôlé. Il vaut mieux se méfier de lui.
-Mais c’est un prince, s’exclama Raiponce. Il a déjà toutes les richesses qu’il puisse rêver. Que pourrait-il vouloir voler ?
-Je ne sais pas, admit le jeune homme.
Il se détendit et sourit à son épouse, prenant sa main pour l’emmener vers le château.
-Ce n’est peut-être rien. Tu as sûrement raison, je ne devrais pas m’inquiéter.
La jeune femme étant persuadée de la bonne foi de Hans, songea qu’Eugène se montrait un tantinet paranoïaque sur les bords, et n’y pensa plus.
Raiponce et Eugène arrivèrent sur la place du village en passant sous un petit préau recouvrant quelques étals de fleurs multicolores à l’odeur délicieuse. En se retrouvant à l’air libre, ils virent sur leur chemin une sorte de grande croix de bois recouverte de fleurs aux couleurs estivales reliant également les extrémités du monument. Des serpentins multicolores accrochés en dessous du point central de la croix descendaient jusqu’au sol, ornant davantage la place de la joie ambiante.
-C’est très laid, si tu veux mon avis, glissa Eugène.
-Mais non, protesta Raiponce, c’est tout à fait charmant.
A proximité, un traineau chargé de glaçons, à côté desquels se trouvaient un jeune homme blond aux cheveux décoiffés et un renne possédant un pelage blanc et plus sombre vers l’arrière, et de longs et majestueux bois.
-T’as vu ça ? lança Eugène. Un cheval avec de grosses cornes.
-Eugène, soupira Raiponce, c’est un renne.
-C’est pareil, répliqua le prince en tâtant ses poches.
Il en sortit une pomme couleur rouge vif –appartenant évidemment à Maximus- et le tendit à l’animal, qui la renifla suspicieusement avant de s’en détourner avec mépris.
-Il préfère les carottes, leur expliqua le blond en tapotant le renne sur le dos. Des glaçons ?
-Non, merci, s’excusa Raiponce en s’éloignant. Nous risquons d’être en retard au couronnement. Bonne journée !
La princesse fut vite rejointe par Eugène, et les deux se dirigèrent vers la gauche du village, quittant à regret la dizaine d’étals fourmillant de vie, de couleurs et de marchandises, pour se frayer un chemin à travers la foule s’avançant vers le château dans une grande excitation. L’émotion était palpable chez les habitants, et pour cause ! Cela faisait plus de treize ans que les portes étaient fermées, que l’accès au château leur était interdit. A présent, ils allaient enfin pouvoir rencontrer leur reine et la princesse, un événement qui serait certainement historique pour la petite communauté. Pour les plus jeunes, c’était la première fois qu’ils pourraient se rendre à l’intérieur du château –ou la cour pour la populace- et découvrir cet endroit autrefois interdit. Raiponce se sentit proche de ces gens qui, comme elle jadis, n’avaient pu se rendre là où ils le désiraient, à la différence que la jeune femme n’avait même pas eu la possibilité de quitter l’exiguïté de sa tour.
Passant au centre du pont reliant le village au château, Raiponce observa les étendards verts et violets marqués de la silhouette de la reine qui bordaient le pont, accrochés à des lampadaires, et la princesse se demanda une fois de plus quel genre d’accueil elle pourrait bien leur réserver. A l’extrémité du pont de pierre, des portes en bois d’une dizaine de mètres gardaient l’accès au château, situées entre les murailles d’où de leur sommet s’affichaient d’autres écus. L’endroit était une véritable place forte : de bas toits de bois protégeaient les murailles, sur lesquelles des dizaines de soldats pouvaient défendre le château.
-Toujours aussi impressionnant, souffla Eugène en admirant les remparts. Tu crois que je pourrais voler sa couronne, à celle-là ?
-Je suis sûr que tu trouverais un moyen, s’amusa Raiponce en se rapprochant des portes en suivant toujours le mouvement.
Alors qu’elle se trouvait presque au niveau des portes, Raiponce entendit le grondement annonciateur de l’ouverture, et le passage se libéra en quelques secondes : les portes s’ouvrirent en quelques instants sous les yeux de Raiponce, accompagnées de celles situées deux mètres plus loin ouvrant directement sur la cour du château. Avant de pénétrer dans le château, la princesse voulut observer une nouvelle fois les murailles vues de près, mais un mouvement précipité devant elle attira son regard.
La princesse n’eut que le temps de voir une jeune femme rousse, cheveux enroulés au-dessus de sa tête dans un genre de chignon, portant une robe noire et verte, que la femme s’était déjà élancée derrière eux, vers le village. Interloquée, Raiponce s’arrêta momentanément, suivie de près par Eugène. Anna. En dépit des nombreuses personnes qui se pressaient derrière elle et qui la contournèrent, la dardant de regards agacés, la jeune femme chercha des yeux sa cousine et la retrouva bondissant sur la balustrade du pont.
Raiponce suivit du regard la course de cette jeune femme. Celle-ci passée treize années entières enfermée dans la tristesse solitaire d’une enfance cloîtrée à l’intérieur du château, se précipitait, radieuse. Elle semblait vouloir s’échapper le plus loin possible de cet endroit qui avait été sa demeure durant toute sa vie et que tout le reste de la population souhaitait découvrir, comme si elle craignait en restant un instant de plus que les portes ne se referment à tout jamais entre elle et sa liberté. Mais non, ce n’était pas de la crainte que l’on voyait dans cet élan de liberté. En ce moment précis, il sembla à la princesse que rien n’aurait pu atteindre Anna, qui désormais avait stoppé sa course pour s’accrocher à un lampadaire et tournoyer autour, emportée dans son euphorie. Et ce n’était plus sa cousine qu’elle voyait se précipiter hors du château d’Arendelle, mais elle-même, lorsqu’après dix-huit ans son désir de connaître le monde extérieur avait surpassé sa peur et que d’un geste de courage elle avait enfin quitté sa tour. Raiponce reconnut avec émotion la même détermination qui animait sa cousine, et sut qu’elle seule comprenait comment Anna pouvait se sentir à cet instant.
-Je suis heureux de voir qu’Anna a retrouvé sa joie de vivre, fit Eugène en redirigeant son regard vers Raiponce.
-Cela t’étonne ? rit son épouse. Je l’avais dit, elle n’attendait que l’ouverture des portes pour s’échapper du château.
-Je crois qu’elle me rappelle quelqu’un, mais je ne saurais dire qui…
-C’est sûrement de famille, répondit Raiponce.
-A propos, reprit Eugène, il serait temps d’aller voir ton autre cousine, la reine, non ?
D’un même mouvement, les regards des deux époux se tournèrent vers le château. Derrière les portes, la cour d’entrée se dévoilait devant eux, bondée de curieux et de citoyens d’Arendelle. Leur présence masquait l’entrée du château aux yeux de Raiponce, mais les étages supérieurs restaient visibles. La bâtisse était pratiquement entièrement grise, hormis les toits pentus verts du palais. Plusieurs fenêtres laissaient deviner des étages et des couloirs aux teintes rouges vives. Certaines parties du château étaient construites en porte à faux, et une structure pyramidale culminait en une haute et fine tour, touchant presque le ciel de sa grâce. Et plus bas, sur le balcon central de la façade, Raiponce repéra une personne vêtue de bleu et drapée dans une cape rose, dont le regard se portait sur la foule. Immédiatement, elle ressentit une boule d’angoisse se nouer au creux de son ventre et eut l’impression qu’une chape glaciale se déversait sur elle, car elle avait deviné par son emplacement et la manière dont elle était vêtue qu’il ne pouvait que s’agir de la future Reine Elsa. La respiration de Raiponce s’accéléra sensiblement, et la princesse fut tenaillée par l’anxiété devant l’inévitable confrontation qui allait suivre et la contraindre à affronter sa culpabilité. Serait-elle capable d’affronter le regard d’Elsa ? Des sentiments contradictoires se renforçaient et luttaient dans son esprit, s’excitant mutuellement : personne ne saurait raisonnablement lui reprocher la mort du roi et de la reine d’Arendelle, la jeune femme se le martelait sans cesse, mais il lui était impossible d’effacer les remords éprouvés en dépit de toute logique. C’était la voie de son cœur que de suivre les aléas de ses émotions, et elle ne se sentait pas prête, pas encore. Pas prête à soutenir le regard de la reine, ni à supporter l’éventualité d’une mauvaise tournure des choses. Ce pourquoi elle décida de…
-Allons voir Anna, lâcha subitement la princesse en saisissant le bras d’Eugène.
Son époux, qui venait à l’instant d’esquisser un mouvement vers le château, s’arrêta instantanément, perplexe.
-Hein ? Pourquoi maintenant ? On risque de rater la cérémonie…
-Mais non, répliqua Raiponce d’un ton qu’elle voulut rendre enjoué. La reine ne risque pas de commencer sans sa sœur, si ?
-Mais on ne sait même pas où elle est passée, soupira Eugène d’un ton maussade.
-Je suis sûre qu’on finira par la trouver, affirma la princesse en tirant son époux par le bras vers le village. Allez, ce sera drôle !
-Ce ne sera pas drôle ! geignit Eugène en roulant des yeux.
Pourtant, le jeune homme ne se débattit pas et se laissa traîner, résigné. Ils se mirent à zigzaguer à travers la foule compacte, prenant de plus en plus de vitesse en tâchant de ne bousculer aucun passant. Les visages perplexes et furieux qui les entouraient bientôt ne furent plus que de vagues formes indistinctes balayées par la vitesse, et Raiponce se sentit de plus en plus légère et insouciante alors qu’elle abandonnait derrière elle le château et la reine. La princesse ne pourrait retarder éternellement cette confrontation qu’elle redoutait tant. Mais seulement dix minutes, un court instant d’éternité… Cela n’avait plus d’importance. Les bannières filaient autour d’elle, et une douce brise d’été lui caressait le visage ; elle avait à peine une vingtaine d’années, elle était mariée et heureuse. Elle n’allait quand même pas se laisser aller si facilement, si ? Eugène avait raison, rien ne pouvait arriver de mal. Il ne se passerait rien de grave. Raiponce n’avait donc aucun souci à se faire. Elle n’était d’ailleurs pas en train de fuir, juste de goûter un instant à sa liberté chérie. Puis, elle rencontrera Elsa, qui ne lui en voudra absolument pas et l’accueillera avec amitié, et elle repartira chez elle le cœur libéré de tout remords. Alors, pourquoi s’inquiéter ?
Grisée et enthousiaste, Raiponce n’avait pas fait attention au détail du paysage qui avait défilé, et s’arrêta subitement en entendant résonner un tintement de cloches, annonciateur du couronnement, lui rappelant qu’elle était partie chercher Anna. Eugène, dont elle tenait toujours la main eut fort heureusement le temps de stopper sa course avant qu’il n’ait pu trébucher et entrainer Raiponce dans sa chute. Décoiffé et le souffle court, il lâcha la main de son épouse et se pencha en avant, mains sur les cuisses.
-C’est bon ? Tu as fini ? ironisa-t-il en reprenant sa respiration.
-Anna est sûrement dans le coin, répondit Raiponce en ignorant le sarcasme de son mari.
Elle jeta un œil autour d’elle. Ils étaient de retour sur la place du village, juste au-dessus des quais, à la différence près que celle-ci était vide de monde, la population entière s’étant soit rendue au château, soit était demeurée chez elle. Sans indice sur la localisation de sa cousine, la princesse songea une seconde à retourner au palais, quand elle entendit le son d’un corps tombant bruyamment dans l’eau. Raiponce, sans attendre Eugène, s’élança immédiatement dans la direction du bruit, descendant la pente menant aux quais et se dirigeant sur sa droite, courant sur le ponton de bois. Après quelques mètres, elle aperçut une chaloupe renversée en flottaison sur la mer, à demi-soulevée par quelqu’un que la princesse ne pouvait voir, et un cheval se tenant sur le sol au-dessus, observant d’un air inquiet l’individu. Il ne fallut qu’un instant à Raiponce pour reconnaître Sitron, et identifia alors instantanément l’homme qui rejeta la chaloupe sur le côté et apparut au grand jour : Hans.
Raiponce s’immobilisa devant le prince, gardant les dents serrées pour éviter de montrer son amusement devant la mauvaise posture de Hans, barbotant dans l’eau cristalline. Eugène, arrivant à l’instant, ne fut pas aussi diplomate :
-Alors, on prend un bain avant le couronnement ? lança-t-il au prince qui nageait vers le rebord. Un peu trop fraîche, si vous voulez mon avis.
-Eugène… soupira Raiponce en ne pouvant retenir un léger sourire.
-Non, ce n’est rien, répondit gracieusement le prince en levant les bras pour agripper l’extrémité du ponton. C’est vrai qu’elle est très fraîche.
La princesse et son époux se rapprochèrent quelque peu du rebord et se penchèrent pour tendre la main à l’infortuné Hans qui luttait pour se hisser hors des eaux. Raiponce contracta ses muscles pour tirer le prince vers le haut, rougissant sous l’effort. Avec son aide et celle d’Eugène, le prince des Îles du Sud parvint à se tirer de ce mauvais pas et se retrouva genou à terre, puis se redressa, ruisselant et trempé jusqu’aux os.
-Je dois une nouvelle fois vous remercier, sourit Hans en croisant les bras pour conserver un peu de chaleur. C’était une situation extrêmement inconfortable.
-Ça devient une habitude, remarqua moqueusement Eugène. Mais dites-moi, comment vous êtes-vous retrouvé là ?
-Mon regard a été, comment dire, distrait, pendant un moment, par la vision d’une jeune femme. Vous savez ce que c’est, termina Hans en échangeant un regard avec le jeune homme.
Les hommes, se lamenta intérieurement Raiponce. Mais la princesse eut comme un déclic en faisant correspondre ce que Hans venait de dire avec ses propres souvenirs.
-Une jeune femme ? s’exclama-t-elle en agrandissant les yeux de surprise. Vous avez rencontré Anna ?
-C’est en effet avec la princesse d’Arendelle que j’ai eu l’honneur de converser, confirma Hans. Je l’ai trouvée fort charmante. Mais comment l’avez-vous deviné ?
-Oh, répondit Eugène, nous étions justement en train de la chercher. Enfin, Raiponce était en train de la chercher, moi je me suis juste laisser traîner. Nous étions sur le point d’aller rencontrer la Reine Elsa quand elle a soudainement décidé de faire demi-tour pour aller chercher Anna. Ce n’est pas trop surprenant, il est vrai que les femmes se montrent parfois imprévisibles, surtout quand elles ont leurs…
Raiponce lui enfonça violemment son coude dans l’estomac, ulcérée, ce qui coupa court à la réflexion machiste du jeune homme et lui bloqua la respiration.
-Eugène ! s’indigna-t-elle avec un regard indigné.
-Quoi ? répliqua Eugène en croisant ses bras pour protéger son ventre de toute nouvelle agression. J’expliquais juste que les femmes ont des problèmes que les hommes…
-Pardonnez-moi, le coupa précipitamment Hans d’une intonation assez gênée, j’éprouve beaucoup de plaisir à discuter avec vous, mais il me faut retourner au château pour changer ces vêtements avant le couronnement. J’espère que nous nous reverrons bientôt.
Il s’inclina brièvement et fit demi-tour, saisissant au passage la bride de son cheval pour le faire marcher avec lui, et se dirigea vers la place du village, les vêtements dégoulinant toujours d’eau de mer. Raiponce darda sur son époux des yeux excédés.
-Comment peux-tu te demander pourquoi nous n’avons pas d’amis alors que tu te comportes de la sorte ? soupira-t-elle. C’est affligeant, vraiment.
-Il fallait bien trouver un moyen de le faire fuir, expliqua Eugène en hochant la tête. Il semblait parti pour nous coller toute la matinée, avec ses courbettes et sa complaisance.
Raiponce était perplexe devant l’antipathie qu’éprouvait Eugène pour Hans, car elle continuait de le trouver très sympathique, et bien plus ouvert que beaucoup à Corona.
-Pourquoi le détestes-tu tant ? s’étonna Raiponce avec un geste interrogatif.
-Ce n’est pas que je le déteste, se défendit Eugène. Mais plus je lui parle, plus je crois que tout est faux chez lui. Il nous dit ce qu’il croit qu’on veut entendre, il s’adapte en fonction de celui qui est en face de lui. Tu n’as pas remarqué comme il changeait de ton selon qu’il s’adressait à toi ou à moi ? Et puis, cette rencontre opportune avec Anna, excuse-moi mais je trouve ça louche. Et s’il voulait se servir d’elle pour se rapprocher du trône ?
-Mais non, raisonna Raiponce, tu te fais des idées. Rien ne dit qu’il cherchera à revoir Anna. Laisse-lui au moins la journée pour montrer sa bonne foi.
Eugène lui lança un regard pour le moins dubitatif, ne semblant guère convaincu.
-Mouais. On verra, lâcha-t-il.
Cependant, Eugène avait instillé un certain doute dans le cœur de Raiponce, qui voyait à présent d’un nouvel œil l’intérêt d’Hans pour la famille royale. Elle essaya de se rappeler ce que ses parents lui avaient dit de lui quand ils lui avaient parlé des familles royales de la région… Il est le treizième fils. Aucune chance d’hériter du trône. La jeune femme secoua la tête. Non, cela ne se pouvait pas. Il avait l’air si élégant, si… inoffensif. C’était Gothel qui lui avait appris à se méfier de tout et de tout le monde, qui l’avait endoctrinée pour qu’elle voit en tout une menace. Je ne la laisserai plus contrôler ma vie. Elle est partie pour toujours. Cette certitude renforça sa détermination, et la princesse cessa de se torturer l’esprit.
-Nous devons retourner au château, rappela Raiponce avec force. Ils vont commencer sans nous. Et j’aimerais rencontrer le Premier Ministre Magnus avant de parler à Elsa, histoire de tâter le terrain.
-Tant qu’ils ne mangent pas tout… répondit Eugène en partant aux côtés de Raiponce vers le palais.
Tandis que la princesse repartait vers le lieu où l’attendait sa destinée, Raiponce se surprit à se sentir plus confiante et sereine que jamais, peut-être revigorée par son escapade. Elle songea une fois de plus, faisant écho aux paroles d’Eugène sur le navire : Que pourrait-il arriver de mal, de toute façon ?
_____
Voilà, à partir de maintenant je mettrai en ligne un chapitre chaque mercredi et dimanche ! Il y a en tout 17 chapitres, sans compter le prologue et l'épilogue. N'hésitez pas à commenter !
- Samantha Frost
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Lun 08 Jan 2018, 18:09
Déjà pour commencer bonne année à toi, Voldago, et j'aimerai m'excuser de ne pas avoir commenté plus tôt
J'ai pas vraiment le temps de faire un commentaire bien construit -Et de toute façon je sais pas en faire xD- mais sache que je lirai ton histoire jusqu'à la fin, car tu sors assez des fanfictions "basique" de Raiponce et Eugène arrivant à Arendelle
Je trouve aussi que tu maîtrise vachement bien les personnages d'Eugène, Raiponce et Hans, donc j'ai hâte de voir comment tu vas gérer Anna et Elsa
Ton écriture est facile à lire, c'est bien construit et aéré, c'est bien formulé, bref c'est très agréable à lire
Je pourrais pas commenter à chaque nouveau chapitre, mais sache que je les lirai
J'ai pas vraiment le temps de faire un commentaire bien construit -Et de toute façon je sais pas en faire xD- mais sache que je lirai ton histoire jusqu'à la fin, car tu sors assez des fanfictions "basique" de Raiponce et Eugène arrivant à Arendelle
Je trouve aussi que tu maîtrise vachement bien les personnages d'Eugène, Raiponce et Hans, donc j'ai hâte de voir comment tu vas gérer Anna et Elsa
Ton écriture est facile à lire, c'est bien construit et aéré, c'est bien formulé, bref c'est très agréable à lire
Je pourrais pas commenter à chaque nouveau chapitre, mais sache que je les lirai
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Lun 08 Jan 2018, 19:39
Samantha Frost a écrit:Déjà pour commencer bonne année à toi, Voldago, et j'aimerai m'excuser de ne pas avoir commenté plus tôt
J'ai pas vraiment le temps de faire un commentaire bien construit -Et de toute façon je sais pas en faire xD- mais sache que je lirai ton histoire jusqu'à la fin, car tu sors assez des fanfictions "basique" de Raiponce et Eugène arrivant à Arendelle
Je trouve aussi que tu maîtrise vachement bien les personnages d'Eugène, Raiponce et Hans, donc j'ai hâte de voir comment tu vas gérer Anna et Elsa
Ton écriture est facile à lire, c'est bien construit et aéré, c'est bien formulé, bref c'est très agréable à lire
Je pourrais pas commenter à chaque nouveau chapitre, mais sache que je les lirai
Bonne année à toi aussi Samantha !
Ne t'inquiète pas, je suis déjà très content que tu aies posté un message
Je suis content que ça te plaise, en fait j'ai voulu partir d'une théorie ultra-connue pour essayer d'en faire quelque chose d'original, en donnant un intérêt à l'histoire de Raiponce en elle-même à l'intérieur d'une autre histoire, celle du film. Son évolution et sa vie intérieure sont au centre de toute la fan-fiction, que j'ai rédigée comme un livre. J'ai beaucoup travaillé pour rester totalement fidèle au scénario du film que je n'ai pas du tout changé ! Le plus dur a été de donner un rôle à Raiponce en justifiant son absence du "champ" de la caméra. Malgré son absence dans le scénario, Raiponce va ici jouer un rôle très actif dans le déroulement des choses, toujours sans contredire le film.
Ça me rassure que tu trouves que je suis resté fidèle aux personnages ! Elsa et Anna vont justement apparaître dans le chapitre suivant, donc tu pourras rapidement voir si l'histoire reste crédible. D'autres personnages existants vont encore apparaître, mais aussi un certain nombre de nouveaux personnages.
Tant mieux si tu aimes mon écriture, parfois j'ai l'impression de m'étendre un peu et de faire des phrases un tantinet trop longues
En tout cas, encore merci d'avoir commenté, ça me fait vraiment plaisir !
Je posterai le chapitre 3 après-demain, donc si tu repasses dans la soirée de mercredi tu devrais trouver le nouveau chapitre
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Mer 10 Jan 2018, 22:28
Chapitre 3 : Un accueil glacial
Le temps de trajet du retour au château fut très court, Raiponce et Eugène étant trop pressés pour se laisser distraire par de nouvelles rencontres ou quelque autre escapade. Ils s’en retournèrent bien vite dans la cour, passant au travers des immenses portes désormais ouvertes. La crainte de la princesse de se voir rater la cérémonie était infondée : hormis la part importante de la population qui n’était pas invitée au couronnement à l’intérieur de la chapelle et qui restait de ce fait à patienter dans la cour, Raiponce pouvait apercevoir quelques nobles richement vêtus pénétrer dans le bâtiment noir et marron dont le haut clocher dominait la cour à la hauteur du château. Eugène et elle se frayèrent un chemin à travers les citoyens d’Arendelle, qui observaient avec un ravissement enfantin la somptueuse architecture du palais, pour se présenter devant l’entrée de la chapelle, encadrée de deux gardes. Ces derniers, apprenant leur identité, inclinèrent respectueusement la tête et les invitèrent à pénétrer à l’intérieur.
Rentrée dans le bâtiment, Raiponce observa longuement l’architecture du lieu : elle admira les vitraux en mosaïque laissant se déposer des raies de lumière des deux côtés de la chapelle, sur les invités assis sur les bancs en face de l’autel, et les nombreux piliers montant d’une vingtaine de mètres pour se rejoindre en un toit voûté de bois. Plus loin, en hauteur, un renfoncement dévoilait une douzaine de choristes habillés en rouge et discutant entre eux. Enfin, devant la princesse, que ne dissimulait pas totalement la file d’une demi-dizaine de personnes, la majestueuse Reine Elsa, au pied des quelques marches de l’autel, saluait les invités venus se presser à son couronnement, sa longue cape mauve se déposant gracieusement derrière-elle. Ses cheveux blonds platine étaient réunis en un chignon à l’arrière de sa tête, et ses doigts gantés d’un bleu ciel orné de symboles restaient entrelacés. Anna quant à elle restait en retrait, proche de l’autel, et retournée de l’autre côté dans une discussion amicale avec plusieurs invités.
Raiponce crut défaillir tant l’atmosphère semblait s’être réchauffée, et une vague de chaleur anxieuse parcourut tout son corps. Tout va bien se passer, voulut-elle se persuader. Elle jeta un œil du côté d’Eugène, toujours à ses côtés, dans l’espoir timide de trouver la force qui lui manquait. Son époux lui prit la main et lui donna un sourire réconfortant. Raiponce le lui rendit courageusement, et détourna la tête vers la reine, fermant les yeux une seconde pour rassembler sa volonté. Elle expira lentement, puis rouvrit doucement les paupières. Il n’y avait plus qu’un seul homme devant Elsa. Le Premier Ministre ne montre aucun signe de vie. Je ne pourrai pas lui parler avant de rencontrer Elsa, et je n’ai donc aucun moyen d’être sûre d’être bien accueillie. En dépit de son cœur qui s’affolait et lui intimait de faire demi-tour et de s’enfuir en courant, la princesse fit un pas en avant, puis se mit à marcher avec dignité vers l’autel, serrant fortement la main de son époux qui calait sa cadence sur la sienne. La princesse éprouva une reconnaissance émue pour Eugène, qui, malgré ses blagues de mauvais goût et son effronterie, était toujours là quand elle en avait le plus besoin.
Au bout de quelques secondes, le dernier invité fit demi-tour pour s’installer avec les autres, et Raiponce se retrouva face à la reine, qui leva vers elle ses yeux de glace, l’expression figée et, semblait-il, parfaitement sereine, quoique peut-être un peu appréhensive. Raiponce tâcha de montrer son plus beau sourire, et, finalement, fit fi de ses peurs pour s’adresser à la nouvelle reine d’Arendelle.
-Votre Majesté, commença Raiponce avec une révérence. C’est pour moi un grand honneur de vous rencontrer.
Son époux, les yeux voilés d’émerveillement devant la beauté de la reine, resta coït et en oublia de faire montre du respect qui lui était dû. Raiponce se racla la gorge avec gêne, et Eugène battit des paupières, comme sonné.
-Hmmm ? fit-il. Oh, oui, de même pour moi votre éminence.
-Majesté, glissa discrètement Raiponce.
-Votre Majesté, se corrigea Eugène, c’est ça. Désolé.
Elsa laissa apparaître l’ombre d’un sourire derrière son visage de glace, et inclina la tête en guise de salutation.
-Ne vous en faites pas, répondit la reine. Vous n’êtes pas le seul à avoir des problèmes avec le protocole. A qui ai-je l’honneur ?
Si elle avait été légèrement soulagée en voyant la reine se montrer plus avenante qu’elle ne la croyait, Raiponce eut une seconde d’hésitation, qu’elle voulut masquer alors qu’elle répondait :
-Voici mon époux Eugène, indiqua la princesse en faisant un geste vers son mari. Je suis la Princesse Raiponce de Corona, votre cousine.
La réalisation de l’identité de ses interlocuteurs eut l’air d’avoir l’effet d’une douche froide sur la souveraine. L’expression de son regard changea en l’espace d’un instant d’une curiosité bienveillante à une mélancolie amère, et les traits de son visage se fermèrent et s’assombrirent.
-Oh, murmura-t-elle en baissant les yeux, c’est vous.
Ni Eugène ni Raiponce n’osèrent émettre la moindre réponse. Les craintes de la princesse prenaient d’un seul coup une apparence bien plus réelle. Elle aurait voulu dire quelque chose, s’excuser peut-être pour la tragédie qui s’était produite, exprimer la terrible peine qui était la sienne, dire un mot réconfortant, ou même se défendre de la responsabilité de la mort des parents de la reine ; mais toute faculté de décision lui fit défaut, ainsi que tous les scénarios qu’elle avait imaginés pour se rassurer, et peut-être aussi le courage qui lui aurait été nécessaire ; et Raiponce ne dit rien. Elle resta immobile, pleine d’appréhension et de culpabilité. De même, Eugène gardait le silence, semblant attendre ne serait-ce que l’ombre d’un signe de la reine qui lui aurait donné l’autorisation de répondre. Finalement, passées cinq secondes qu’on aurait prises pour des heures, la reine releva les yeux vers le couple, le visage devenu complètement impassible.
-Profitez bien de votre séjour à Arendelle, lâcha-t-elle froidement.
Elle ne daigna même pas leur laisser le temps de lui répondre, ni ne les salua ; elle se contenta de se détourner d’eux, bras croisés, et de fixer résolument l’un des coins de la chapelle. La princesse sentit un début de panique la gagner alors qu’elle ne savait absolument pas comment elle devait réagir, et se passa la main dans les cheveux avec grand embarras. Eugène cependant tiqua, et fit un mouvement vers la reine, l’apostrophant avant que Raiponce ne puisse l’en empêcher :
-Ecoutez, votre Majesté, fulmina-t-il avec le regard dur. On est désolés de ce qui vous est arrivé –vraiment-, mais vous n’avez pas le droit de nous en tenir pour responsables. On n’y est pour rien si le bateau de vos parents a coulé pendant qu’ils se rendaient à notre mariage. Autant accuser un vendeur de couteau des accidents domestiques. Nous avons tenté de vous prévenir ! Vous n’avez pas le droit de vous montrer injuste à ce point !
-C’est en se rendant chez vous qu’ils sont morts. Vous m’avez pris les seules personnes au monde qui pouvaient…
La reine s’était exprimée à voix basse, presque dans un souffle. Les paroles étaient comme sorties d’elles-mêmes, telle une manifestation de la rancœur profonde d’Elsa. Mais elle s’était interrompue, se retenant semblait-il de justesse de révéler quelque chose de vital. La reine demeurait droite, sans un mouvement. Si seulement elle avait reçu cette foutue lettre. Raiponce quant à elle avait finalement rassemblé tout son courage pour répondre :
-Ce n’étaient pas les seules personnes au monde, intervint-elle en se rapprochant d’Elsa. Il vous reste Anna, votre sœur.
Au nom d’Anna, la reine avait brièvement jeté un regard dans sa direction ; la princesse d’Arendelle était toujours plongée dans sa discussion, sans aucune idée de la confrontation qui avait lieu à peine à quelques mètres. Elsa pivota, tournant son visage vers Raiponce, ses yeux toujours aussi glacials.
-Cela ne vous concerne pas, asséna-t-elle avec fermeté. A présent, quittez les lieux. Vous n’êtes pas les bienvenus dans mon royaume.
Tandis que Raiponce restait sous le choc de la déclaration déraisonnée de la souveraine, celle-ci adressait un signe en direction de l’extérieur. A l’instant, deux gardes les rejoignirent, entourant Eugène et la princesse.
-Veuillez escorter ces individus hors de la chapelle, ordonna Elsa avant de faire demi-tour et d’apposer ses mains sur l’autel, demeurant stoïque.
La reine soupira et termina dans un murmure :
-Où est Magnus quand j’ai besoin de lui ?
Sans aucune ressource, n’ayant aucun recours lui venant à l’esprit, Raiponce ferma les yeux avec résignation et se détourna, entraînant Eugène, dont elle tenait encore la main, ne lui laissant pas l’occasion de lancer une autre provocation à la reine. Ils retournèrent à l’extérieur sous les regards curieux des invités, surveillés de près par les gardes qui les suivaient à la trace. Alors qu’ils venaient de sortir du lieu et que les gardes s’apprêtaient à refermer les portes, ils croisèrent Hans, portant des vêtements propres, qui se rendait au pas de course dans la chapelle sans sembler les voir. Sitôt rentré, les lourdes portes se refermèrent avec un claquement, et ce fut tout.
Quelques secondes à fixer les portes closes furent nécessaires à Raiponce pour que la princesse parvienne à réaliser complètement ce qui venait de se produire. Elle en comprit la totalité en deux temps : d’abord, elle assimila le fait qu’Elsa venait tout bonnement de les expulser de son couronnement de façon tout à fait injuste. Puis, elle se rendit compte d’une vérité bien plus terrible : elle ne pourrait pas obtenir le pardon de la reine, et son sentiment de culpabilité n’en serait que plus fort. Tout s’écroulait pour la princesse. Son monde menaçait d’être englouti dans un océan de remords et de larmes, tel le navire du roi et de la reine d’Arendelle, et Raiponce se sentait tragiquement impuissante.
L’émotion devint trop lourde à supporter pour la princesse ; elle tomba à genoux sur les dalles de pierre de la cour, ne pouvant retenir des sanglots brisés. Tout lui devenait inaudible hormis ses pleurs qui la coupaient de ce qui l’entourait. Elle ne pouvait que vaguement distinguer des silhouettes danser devant la brume de ses larmes, et un homme agenouillé devant elle qui tendait une main secourable vers son visage, vain effort pour l’atteindre à travers son émoi et la réconforter. S’il avait lu en son esprit lors de cet instant, il aurait pu comprendre que rien de ce qu’il pouvait lui apporter ne serait suffisant pour soigner son mal. Raiponce ignorait même ce qu’il lui faudrait pour ce faire ; tout ce qui existait pour elle était son désespoir.
Alors elle resta là, égarée, effondrée, incapable de se résoudre à se relever pour, il le fallait pourtant, continuer, et faire face à tous ses démons. Il lui était tellement plus facile de se complaire dans ses larmes que d’arrêter ce flot nuisible et de tenter d’aller de l’avant, de soigner sa culpabilité. Elle n’avait qu’à s’abandonner totalement, et peut-être, peut-être que sa souffrance finirait par se tarir.
Mais paradoxalement, s’enfoncer dans la lâcheté du remords passif ne lui causa que davantage de souffrances encore, les larmes appelant d’autres larmes. Bientôt, elle n’en put plus, et sa douleur en devint intense au point qu’elle aurait accepté rageusement tout moyen de sortir de cet enfer infernal, fut il le premier qu’on lui aurait proposé et le plus déraisonné.
Cette volonté de mettre fin à cette souffrance infinie, induite par un instinct de survie surgi de sa partie la plus bestiale, lui conféra la force qui lui était nécessaire pour se sortir de son état d’impuissance et retourner dans « la vraie vie » qu’elle avait tant voulue découvrir alors qu’elle n’était qu’une jeune femme à peine sortie de l’enfance. Elle avait voulu vivre sa vie, accomplir ses propres choix ? Peut-être était-ce là le prix à payer : accepter les conséquences de ses actes et devoir continuer à avancer malgré cela. Raiponce prit alors une décision : elle ne savait pas comment, ni même si cela était juste, mais elle allait se libérer du fardeau qui lui pesait depuis si, si longtemps, et détruire la culpabilité dont elle souffrait tant en réparant un peu du mal qui avait été causé. Si Elsa refusait de lui pardonner, elle n’aurait d’autre choix que de se pardonner elle-même. Mais dans ce cas, comment arranger les choses ? La princesse n’eut pas à réfléchir plus de quelques secondes pour que la réponse lui vienne enfin : il lui fallait revoir Anna.
Prendre cette résolution fut pour Raiponce un immense soulagement, et elle sentit qu’un poids quittait ses épaules. Anna, elle, lui pardonnerait, Raiponce le savait. Elles avaient déjà échangé de nombreuses fois, et en se retrouvant face à la princesse une seconde fois, Raiponce serait enfin libre. Tant pis si Elsa s’entêtait dans sa froide rancœur ; après tout, on ne pouvait raisonnablement lui en vouloir pour l’accident de ses parents, n’est-ce pas ? C’était Elsa qui s’était montrée injuste et dure, et c’était à elle qu’il fallait en vouloir. Ce fut donc vers la reine que Raiponce redirigea ses émotions négatives, et elle qui se retrouva haïe pour avoir refusé de lui pardonner. La princesse n’avait nul besoin du pardon d’une souveraine amère et cruelle. Celui d’Anna suffirait pour deux, et au diable la reine et son ressentiment.
Toute à ses réflexions, Raiponce ne s’aperçut alors que ses larmes avaient cessé de couler : son instinct de survie avait fait son office, et sa culpabilité s’était quelque peu atténuée. Forte de sa prise de décision, la princesse trouva enfin la force de se relever, essuyant ses yeux encore humides. Elle vit à ce moment qu’Eugène s’était lui aussi relevé, l’observant avec inquiétude. Il fit un pas vers elle, et la princesse le laissa la serrer dans ses bras.
-Ne t’en fais plus, la rassura son époux. C’est terminé. Demain, nous serons loin d’ici, et cette histoire n’aura plus d’importance.
La tentation d’écouter l’homme qu’elle aimait et de partir au large en abandonnant Arendelle et sa damnée souveraine fut véritable, mais brève. Raiponce avait conscience qu’elle ne pourrait jamais aller totalement de l’avant si elle ne parvenait pas à trouver la paix avec elle-même ici, maintenant.
-Non, refusa la princesse d’une voix teintée de regret. Nous devons rester, au moins jusqu’au bal de ce soir.
-Mais pourquoi ? s’étonna Eugène en desserrant son étreinte et en fixant son épouse des yeux. La reine nous a clairement fait comprendre qu’elle n’était pas disposée à nous accueillir. Plus rien ne nous retient ici.
Même s’il ne semblait pas comprendre, la princesse devait s’assurer qu’Eugène la soutiendrait. Elle en avait besoin.
-Je ne peux pas partir sans avoir parlé à Anna, plaida Raiponce. Je veux m’assurer que tout ira bien pour elle. C’est la moindre des choses.
Le visage d’Eugène trahit une certaine appréhension à l’idée d’avoir à revivre une rencontre possiblement traumatisante, ce que Raiponce comprenait parfaitement.
-Anna ne réagira pas comme sa sœur, affirma Raiponce. Elle n’a rien à voir avec elle. Rappelle-toi que nous l’avons déjà rencontrée une fois. D’ailleurs, nous nous apprécions beaucoup.
Malgré sa visible absence de motivation, Eugène parut se résigner à la décision de son épouse, lâchant un soupir fataliste.
-Je comprends. Si c’est vraiment ce que tu veux, je resterais avec toi jusqu’à ce que tu te sentes prête.
L’indéfectible loyauté de son mari la revigora complètement, achevant de lui faire retrouver confiance en elle : Raiponce ne pourrait perdre définitivement tout espoir tant qu’Eugène serait à ses côtés. La princesse enlaça le cou de son mari et l’embrassa tendrement.
-Merci, répondit-elle après s’être dégagée. Ce ne sera pas trop long, je te le promets.
-Ne t’inquiète pas pour ça. Alors, poursuivit Eugène, qu’est-ce que tu comptes faire ?
Raiponce se mura dans ses réflexions, recherchant une idée pour parler à Anna sans qu’Elsa ne s’en rende compte. Il lui en vint une assez rapidement :
-Attendons la fin de la cérémonie, proposa la princesse. Nous nous cachons à l’angle de la chapelle, et je ferai signe à Anna pour qu’elle nous rejoigne sans qu’Elsa en soit alertée.
-C’est nul, comme plan, la railla Eugène. On se fera repérer à tous les coups.
-Mais non, tu verras, l’encouragea Raiponce. C’est plus sûr que de risquer de la perdre de vue et de devoir la chercher dans tout le royaume.
-Ça reste nul.
-Eh bien tu n’as qu’à proposer mieux, ironisa la princesse en se dirigeant vers l’extrémité droite de la façade de la chapelle. En attendant, rien ne nous empêche d’essayer.
Raiponce dépassa le coin du bâtiment et se positionna dos au mur, penchant légèrement la tête pour attendre la sortie des convives. Elle fut rejointe par Eugène, qui se plaça juste derrière elle. Peu de temps s’écoula avant que la situation n’évoluât : l’écho assourdi de chants religieux leur parvint avant que la princesse n’ait pu commencer à s’ennuyer. Les murs de l’édifice, s’ils réduisaient certes l’amplitude du son et le déformaient, n’empêchaient pas Raiponce d’être touchée par l’émotion vibrante de la chorale. La jeune femme en effet avait préservé son attachement à l’art, sous toutes ses formes, seule expression de liberté qui lui avait été permise lorsqu’elle vivait dans sa tour. Elle se souvenait avoir passé des journées entières à repeindre jusqu’au dernier recoin de sa prison dorée, cherchant inconsciemment à reproduire le souvenir de son royaume perdu. Même après qu’elle fut enfin revenue auprès de sa véritable famille, elle ne s’était jamais entièrement sentie complète, comme s’il lui manquait toujours quelque chose.
Le chant de la chorale s’éteignit doucement, et la princesse entendit moins d’une trentaine de secondes plus tard un homme psalmodier solennellement, dans la langue nordique, les paroles sacrées qui devaient sanctifier le règne de la souveraine. L’ordinateur termina dans le langage moderne :
-…la Reine Elsa d’Arendelle.
Le mantra fut aussitôt repris par les spectateurs de la cérémonie, qui se livrèrent ensuite à des applaudissements et des acclamations nourries. Une pointe d’amertume traversa l’esprit de Raiponce, qui rageait d’avoir été ainsi expulsée du couronnement pour lequel elle avait tout de même passé une semaine sur un navire qui aurait très bien pu subir le même sort que celui de la famille royale.
La princesse entendit bientôt le bruit distinctif de portes qui s’ouvraient, et elle put en jetant un œil discret voir un flot d’invités quitter la chapelle avec grand bruit, bavardant gaiement. A la suite de la foule de nobles, parmi lesquels Hans discutant avec des dignitaires étrangers, qui se dirigeaient vers le château, Raiponce put reconnaître Elsa marchant à l’écart de ses invités –ce qui ne surprit guère la princesse, qui avait pu goûter à l’antipathie de la reine-, et Anna, fermant la marche et restant à une distance significative de sa sœur. Raiponce y vit l’ouverture qui lui était nécessaire pour attirer la princesse d’Arendelle sans alerter la souveraine, et appela à mi-voix :
-Anna ?
La jeune femme se retourna en entendant son nom, recherchant de ses yeux celle qui l’avait appelée. Un échange de regard avec sa cousine lui fut suffisant pour la reconnaître, en dépit du fait qu’elle ne l’avait plus vue depuis trois ans : une lumière éclaira le visage d’Anna, qui bondit retrouver la princesse de Corona. La joie qu’elle éprouvait de revoir enfin sa cousine avec qui elle avait échangé durant plusieurs années déborda tant que Raiponce manqua d’être étouffée sous l’étreinte d’Anna. Mais tandis qu’elle embrassait chaleureusement sa cousine, Raiponce ayant les yeux tournés vers la foule de nobles aurait juré avoir surpris un regard énigmatique de Hans dirigé vers Anna. Cela ne dura cependant qu’un instant, car Hans avait un battement de paupières plus tard son attention tournée sur les autres dignitaires, et Raiponce cessa d’y penser pour se concentrer sur Anna.
-Oh, Raiponce, s’écria joyeusement la princesse en libérant sa cousine de son étreinte, cela faisait tellement longtemps que j’attendais de te rencontrer de nouveau en chair et en os ! Comment vas-tu ? Le voyage s’est bien passé ? J’avais terriblement peur, la mer peut être si agitée parfois… Et Eugène est avec toi ! Je suis heureuse de vous revoir. Et voilà aussi Pascal ! Il est si adorable. Et au fait, comment vous trouvez Arendelle ? Ça fait treize ans que je ne l’aie pas vue de l’intérieur, il faut absolument qu’on la visite ensemble ! Vous me direz tout sur Corona. Mais je n’arrête pas de parler, et d’ailleurs, pourquoi n’étiez-vous pas à la cérémonie ? C’est vrai qu’elle était assez barbante, même s’il y avait un invité ou deux avec un physique avantageux… Attendez, j’ai dit quoi ?
L’enthousiasme d’Anna, monopolisant certes la discussion, avait déteint sur Raiponce, qui éprouvait une grande joie en rencontrant sa cousine. Elle qui avait été sur le point d’exprimer son ressentiment vis-à-vis de la reine, n’eut pas le cœur de lui faire de la peine et opta pour lui dissimuler la vérité plutôt que d’élargir le gouffre qui la séparait de sa sœur.
-Eh bien, répondit-elle, c’est que nous sommes arrivés en retard et que…
-Votre sœur nous a plus ou moins bannis du royaume quand Raiponce a essayé de se montrer amicale avec elle, intervint platement Eugène.
-Eugène ! s’indigna Raiponce avec un regard alarmé en direction de sa cousine.
Elle craignait qu’Anna ne réagisse mal, que l’ombre de sa sœur ne vienne gâter sa première journée à l’extérieur de son château. Mais si un voile de tristesse passa effectivement sur le visage de la princesse, cette dernière n’eut pas l’air d’être plus surprise que cela.
-Elsa s’est toujours montrée distante, regretta Anna. Elle a pris l’habitude de fermer la porte à tout le monde, y compris à moi.
-Nous avions remarqué, ironisa Eugène.
-Je comprends sa réaction, répondit à contrecœur Raiponce. Elle a été très affectée par la mort de ses parents, c’est normal qu’elle se montre un peu… froide avec nous.
La princesse de Corona n’en pensait rien. Un bouillonnement intérieur la faisait presque vibrer de colère ; il lui causait une douleur presque physique de répondre cela alors que ton son corps se retenait pour ne pas hurler qu’elle n’avait rien à voir avec tout ça, qu’Elsa se montrait injuste… Raiponce trouva néanmoins la force de ne rien dire de cela, une nouvelle fois pour épargner Anna un maximum.
-Cela ne l’autorise pas à agir ainsi, objecta Anna en secouant la tête. Eugène et toi n’êtes pas responsables. Je suis sûre qu’Elsa le sait aussi, au fond d’elle-même. Elle finira par s’excuser.
-Vu l’accueil qu’elle nous a réservé, plaisanta Eugène, je pense qu’il y a plus de chances qu’il se mette à neiger en juillet.
-Eugène… soupira son épouse.
-Mais non, je suis tout à fait sérieux. Après tout, nous sommes à Arendelle, ça serait étonnant qu’il ne se mette pas à neiger avant demain, si ?
L’humour du jeune homme dérida Anna, qui laissa échapper un petit gloussement.
-Oh, il ne fait pas si froid que ça, vous exagérez. Vous vous habituerez vite.
-Je ne sais pas si nous pourrons rester très longtemps, hésita sa cousine. Elsa nous a clairement fait comprendre qu’elle n’était pas disposée à nous accueillir.
-Mais non, ne t’en fais pas, la réfuta nonchalamment Anna d’un geste de la main. Je vous ferai rentrer au château, vous n’aurez qu’à vous montrer discrets jusqu’à ce que je persuade ma sœur de vous laisser rester.
-Je croyais que vous ne vous étiez plus parlées depuis treize ans ? risqua doucement Raiponce.
Anna se mordilla légèrement la lèvre, l’air embarrassé.
-Hmm, oui, c’est vrai, mais elle reste ma sœur, et je l’aime, même si je ne sais pas ce qu’elle ressent pour moi. Aujourd’hui sera la première occasion que j’aurai de renouer le contact avec elle, alors il faudra bien que je tente ma chance.
Le regard de la princesse d’Arendelle fut soudainement plus brillant et joyeux, retrouvant son optimisme habituel.
-Mais nous verrons tout ça ce soir. En attendant, nous avons tout le royaume à visiter. Vous venez ?
Rattrapée par son entrain, Anna sautilla un peu avant de faire brusquement volte-face et de s’élancer vers le village, laissant sur place Eugène et Raiponce.
-Oh non, elle court aussi, gémit le prince. Je suppose qu’on doit…
Son épouse l’agrippa fermement par le bras et se précipita à la suite de sa cousine, entraînant Eugène avec elle.
-…la suivre, termina Eugène avec résignation.
Le prince et Raiponce s’élancèrent, prêts à découvrir les beautés du royaume d’Arendelle sans se soucier plus de Hans ou de l’accueil glacial de la reine, car après tout, le pire était sans doute derrière eux. Que pourrait-il arriver de mal, de toute façon ? Rien du tout.
Enfin, c’était ce qu’ils croyaient.
___
Voilà pour la confrontation entre Elsa et Raiponce ! Dimanche, notre chère Raiponce va faire quelques nouvelles rencontres très importantes pour la suite. Et rassurez-vous, le moment fatidique de la petite "crise" ne tardera pas trop...
- Samantha Frost
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Jeu 11 Jan 2018, 18:53
J'aime ce chapitre !
Tait toi, Eugène...
Tu as aussi super bien géré Elsa et Anna ! J'avais peur que tu fasses comme font la plupart des gens qui écrivent des fanfiction ; rendre Elsa trop sévère, fière et si accro au protocole et aux manières royal, et une Anna trop débile... Hors ce n'est pas le cas, elles sont limite parfaite
J'ai hâte de voir la suite !
Voldago a écrit:-Vu l’accueil qu’elle nous a réservé, plaisanta Eugène, je pense qu’il y a plus de chances qu’il se mette à neiger en juillet.
Tait toi, Eugène...
Tu as aussi super bien géré Elsa et Anna ! J'avais peur que tu fasses comme font la plupart des gens qui écrivent des fanfiction ; rendre Elsa trop sévère, fière et si accro au protocole et aux manières royal, et une Anna trop débile... Hors ce n'est pas le cas, elles sont limite parfaite
J'ai hâte de voir la suite !
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Jeu 11 Jan 2018, 23:11
Samantha Frost a écrit:J'aime ce chapitre !Voldago a écrit:-Vu l’accueil qu’elle nous a réservé, plaisanta Eugène, je pense qu’il y a plus de chances qu’il se mette à neiger en juillet.
Tait toi, Eugène...
Tu as aussi super bien géré Elsa et Anna ! J'avais peur que tu fasses comme font la plupart des gens qui écrivent des fanfiction ; rendre Elsa trop sévère, fière et si accro au protocole et aux manières royal, et une Anna trop débile... Hors ce n'est pas le cas, elles sont limite parfaite
J'ai hâte de voir la suite !
Oui je n'ai pas pu résister à ce petit clin d'oeil à l'hiver qui vient
Elsa à mon avis c'est le personnage le plus difficile sur lequel j'ai écrit pour cette fan-fiction, elle est tellement complexe et déchirée que ça peut être difficile de distinguer le masque qu'elle porte de sa véritable personnalité, et ensuite de trouver le bon équilibre entre sa froideur et sa nature originelle plus avenante.
J'ai beaucoup hésité avant de lui donner cette réaction face à Raiponce, je me demandais si je ne la représentais pas de façon trop dure ; mais je voulais vraiment enfoncer Raiponce (ce que je continue à faire par la suite, sans trop spoil). L'idée qu'Elsa puisse lui en vouloir étant donné que ses parents sont morts en se rendant à Corona m'a quand même paru logique, puisque c'est cet événement qui l'a complètement isolée pendant les trois dernières années et qu'on a souvent tendance à agir irrationnellement quand on souffre, à vouloir trouver un coupable même si sa responsabilité est très faible dans l'événement. C'était important pour moi de montrer ce double visage d'Elsa, qui parvient au début à se montrer plus ou moins amicale mais qui se met à être plus agressive quand elle est déstabilisée, comme elle l'a fait avec Anna lors de la soirée suivante. Mais en l'occurrence, elle n'a pas les mêmes raisons d'être en colère contre Raiponce : alors qu'elle cherche à protéger Anna, elle en veut véritablement à Raiponce (de façon totalement injuste ).
Anna aussi présente deux facettes distinctes, puisqu'elle est très joyeuse mais garde une grande tristesse en elle à cause de son isolation, à mon avis c'est un gros traumatisme pour elle, donc elle est mal à l'aise quand elle est proche d'Elsa qui l'a rejetée ou quand on lui parle de son comportement. Je continue par la suite à montrer ces ambiguïtés, même si le personnage principal est Raiponce et qu'à partir du début de l'hiver elle interagira beaucoup moins avec ses cousines étant donné que je ne voulais pas centrer mon intrigue sur les événements du film mais plutôt sur les coulisses.
Je suis content que ça te plaise toujours autant, j'espère que tu aimeras le chapitre suivant où j'introduis notamment un personnage important pour la suite et totalement nouveau, j'ai passé beaucoup de temps à réfléchir sur sa personnalité et son parcours passé et dans l'histoire.
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Dim 14 Jan 2018, 19:28
Chapitre 4 : Retrouvailles et rencontres en tout genre
Ce fut une après-midi douce et délicate, comme il en existe si peu. Des heures de sérénité et de joie perdues dans un monde d’ordinaire si plein de doute et de ressentiment. Ce sont de ces moments dont on regrette ne pas plus se souvenir, mais dont on ne le peut car il n’y a simplement rien à en dire. Sans événement regrettable, sans danger ni perturbation il ne reste rien pour éveiller la conscience et faire dévier de sa trajectoire l’action naturelle des Hommes, ce pourquoi les périodes de bonheur tranquille sont celles dont on se rappelle le moins, puisque vécues dans un état presque léthargique où la conscience endormie se laisse bercer par les heures passant.
Après s’être rendus à bord du navire de Raiponce pour déjeuner, le petit groupe s’était décidé à retourner à terre. Ainsi, le reste de la journée s’écoula pendant qu’Anna, Eugène et Raiponce exploraient le village d’Arendelle, flânant sur la place, trainant dans les rues, grimpant les chemins étroits et sinueux à flanc de colline, discutant pour rattraper le temps perdu… Il fut révélé à Raiponce que le Premier Ministre avait quitté le royaume en raison d’un voyage d’affaires, ce qui expliquait son absence lors du couronnement d’Elsa. La princesse l’avait rencontré une première fois trois ans auparavant, et le considérait avec respect ; elle le savait un grand ami de la famille royale et espérait le revoir pour mieux comprendre les dissensions entre Anna et sa sœur.
Si les beautés pittoresques d’Arendelle enchantaient Raiponce, c’était bien Anna qui l’émerveillait le plus. La jeune femme rayonnait presque littéralement, souriant constamment et se montrait d’une gentillesse incomparable avec tous ceux qu’elle rencontrait. Il lui était impossible de se tenir immobile plus de quelques minutes ; il lui fallait sans cesse bondir découvrir de nouvelles choses, rencontrer de nouvelles personnes. Treize années de réclusion semblaient n’avoir eu d’autre effet sur elle que d’exciter davantage son naturel extraverti. Raiponce elle-même finit par se laisser aller, retrouvant pour la première fois depuis longtemps une bonne humeur totalement libérée de ses remords et incertitudes.
Il n’y eut qu’un seul fait notable durant cette journée : alors qu’Anna avait pris de l’avance et qu’Eugène et Raiponce peinaient pour la rattraper, ils tombèrent au milieu d’une ruelle sombre sur un petit homme assez vieux accompagné de deux gardes à l’air austère et portant des vestes noires, qui était vêtu d’un uniforme noir et d’épaulières dorées, ses cheveux gris brossés en arrière. De multiples médailles et décorations ornaient sa poitrine, ainsi qu’une écharpe rouge accrochée de son épaule à sa hanche opposée. Il semblait en pleine discussion avec un quatrième homme, dont les vêtements ternes et maladroitement rapiécés juraient avec la noblesse de ceux de son interlocuteur. Ses cheveux étaient blonds et hirsutes, et on devinait des muscles saillants sous le tissu de ses loques. Son visage était jeune, mais semblait durement marqué par le poids d’une vie éreintante, montrant des cernes sombres en-dessous de ses yeux noirs.
Les hommes n’avaient pas remarqué leur présence. Sentant qu’un coup fourré se tramait, Raiponce se dissimula derrière une charrette de marchandises, et fit signe à Eugène d’en faire de même. Le petit homme s’adressait au jeune homme blond d’un ton dont la condescendance n’était nullement dissimulée.
-Bien-sûr, je ne m’abaisserais pas à traiter avec des personnes telles que vous en temps normal, mais les prix des biens du royaume sont trop élevés pour que Weselton puisse réellement en bénéficier.
Weselton ! Raiponce se rappelait de quelques bribes de souvenirs au sujet du duché. Il s’agissait d’une des principales puissances commerciales de la région, et un partenaire de Corona. Le petit homme devait alors être le duc. La réputation de ce dernier n’était guère glorieuse : il passait pour un pleutre, avide et extrêmement orgueilleux.
-C’est ça, répliqua l’autre homme. Donc vous voulez que je vole des marchandises pour pouvoir vous les vendre à bas prix ?
C’était donc de contrebande qu’il s’agissait. Raiponce pensa avec tristesse que la criminalité avait aussi cours à Arendelle, et qu’avec des hommes comme le Duc de Weselton la situation ne pourrait s’améliorer.
-Je vois que vous comprenez vite. Faites le nécessaire dans la nuit, et j’enverrai mes hommes vous retrouver demain pour le paiement, dans cette ruelle infecte.
-Ça devrait pas poser de problème. Mais vous devriez d’abord vous préoccuper des deux fouineurs qui nous écoutent derrière la charrette.
Un frisson glacé comprima le cœur de la princesse, tétanisée par la surprise et l’angoisse. Elle chercha le regard d’Eugène, qui ne montrait pas moins d’étonnement et d’indécision. Sentant qu’il ne servirait à rien de jouer les sourds, elle se releva pour faire face avec dignité aux quatre hommes, gardant les bras croisés et le regard dur. Mis à part le blond qui affichait un sourire vaguement amusé, les hommes étaient visiblement alarmés : les deux gardes avaient rapproché la main du pommeau de leur épée, et le duc s’était prudemment réfugié derrière eux, observant les intrus par l’espace situé entre ses gardes. Eugène, quant à lui, s’était également relevé dans le même temps et tenta de temporiser la situation avec un geste d’apaisement.
-C’est un malentendu, dit-il après un rire nerveux. Nous avons été invités pour le couronnement et nous nous sommes égarés pendant que nous visitions… Mais vous avez l’air très occupés, alors on va pas vous embêter plus longtemps. Tu viens, Raiponce ?
Il essaya de la prendre par la main pour l’éloigner de ces hommes peu recommandables, mais la jeune femme se dégagea avec colère, se rapprochant même des comploteurs. S’il y avait une chose qu’elle ne pouvait pas supporter, c’était qu’on abuse de la précarité des plus démunis pour faire du profit.
-Comment pouvez-vous vous regarder dans une glace ? s’indigna-t-elle avec virulence. Faire voler les biens d’Arendelle pour pouvoir faire plus de bénéfices, et ruiner des familles entières ? C’est totalement abject !
Le duc recula davantage devant les imprécations de la princesse, agrippant l’un de ses gardes pour se dissimuler derrière-lui.
-Maisnonjenevoispasdequoivousvoulezparler, répliqua-t-il avec précipitation. Jamais je n’oserais commettre un tel crime ! D’ailleurs, nous ne faisions nous aussi que passer, alors bonne journée à vous !
Il ne laissa pas un instant à Raiponce pour l’invectiver de nouveau : le duc attrapa ses gardes, les força à se retourner, et les entraîna avec lui à grande vitesse vers l’autre bout de la ruelle. Eugène soupira, soulagé.
-J’ai bien cru qu’il allait demander à ses hommes de nous étriper, admit-il. J’apprécierais que tu me préviennes, la prochaine fois que tu veux risquer nos vies…
Raiponce ressentit un sentiment de culpabilité en réalisant que, si ce n’était pour la lâcheté du duc, la situation aurait pu terminer d’une manière bien plus tragique.
-Désolée, s’excusa-t-elle en se passant la main dans les cheveux. Je n’avais pas vraiment réfléchi.
-Ça, j’avais remarqué. En plus, vous venez de me faire perdre un client.
La princesse avait presque oublié la présence du blond. Eugène et elle redirigèrent leur attention sur lui, appréhensifs. L’homme n’avait cependant pas l’air hostile, adossé à une barre de bois soutenant le préau d’une maison, conservant toujours son sourire. Mais il croisa le regard d’Eugène, et son expression changea soudainement, montrant un ahurissement incrédule. Le prince aussi avait l’air franchement surpris et écarquillait les yeux.
-Heinrich ? articula-t-il. C’est bien toi mon vieux ?
-Eugène Fitzherbert ? répondit l’autre homme en secouant la tête. Je ne pensais jamais te revoir.
Là, Raiponce était complètement perdue.
-Attendez, vous vous connaissez ? intervint-elle. Nous ne sommes pourtant venus à Arendelle qu'une fois, et brièvement.
-Je ne suis pas d’ici, expliqua Heinrich. Je viens de Corona, comme vous.
-Nous étions ensemble, à l’orphelinat, enchaîna Eugène.
-Il nous racontait toujours ces histoires sur Flynnigan Rider, reprit Heinrich. Alors quand j’ai vu des avis de recherche à ce nom et avec son visage, j’ai tout de suite compris qu’il s’agissait d’Eugène, même si le nez était un peu différent.
-Complètement raté tu veux dire ! s’offusqua le jeune homme. C’était un crime, une véritable honte ! Mais au fait, comment es-tu arrivé ici ?
-Quelques années après ton départ, j’avais atteint l’âge légal de la majorité. Comme d’autres gosses arrivaient tous les mois, l’orphelinat m’a foutu dehors pour faire de la place. Je me suis retrouvé à la rue, en plein hiver et sans rien à bouffer.
-Mais c’est monstrueux ! s’indigna Raiponce.
-C’est ce qui se produit quand on n’a pas la chance d’être la fille du roi de Corona et qu’on n’a pas un rond, répondit Heinrich avec amertume. Enfin bref, j’avais faim et froid et nulle part où aller, alors j’ai essayé de m’enrôler dans la garde. Mais j’ai été refusé, pas question d’accepter des mendiants ou des voleurs qu’y disaient. Comme personne d’autre voulait de moi pour des petits boulots, j’ai dû me résoudre à voler de la bouffe et à dormir dans une baraque abandonnée à peine protégée du froid. Dans le même temps, j’essayais toujours de trouver un travail honnête, mais pas moyen, alors j’ai fini par abandonner.
-C’est à peu près ce qui m’est arrivé, intervint Eugène, sauf que j’ai vite compris que le vol était plus profitable qu’essayer de trouver un boulot minable. Et après ?
-Je savais que si je ne volais que de la nourriture je ne pourrais jamais mener la vie dont je rêvais, loin de Corona, là où je pourrais devenir quelqu’un de bien. J’ai commencé à voler des objets de valeur, et à les revendre pour de l’argent. Mais c’était pas suffisant pour payer mon départ, et j’ai fait quelques sales boulots pour des brigands du Canard boiteux, des intimidations, des trucs de ce genre. J’ai fini par réunir assez d’argent, et il y a environ trois ans, j’ai pris un bateau pour Arendelle. Je suis arrivé juste après la mort du roi et de la reine.
-Mais votre nouvelle vie ne s’est pas déroulée comme escomptée, devina la princesse. Sinon, nous ne vous aurions pas trouvé en train de faire affaire avec Weselton.
-Je suis un étranger ici, confirma tristement Heinrich. Les gens se méfiaient de moi, et je n’ai pas pu trouver de travail. J’avais passé plusieurs années à réunir la somme nécessaire pour foutre le camp et démarrer une nouvelle vie, tout ça pour me retrouver au point de départ. Mes économies se sont vite envolées, et j’ai dû recommencer à voler. Voilà, vous savez tout.
Une grande peine serrait le cœur de Raiponce, car le récit tragique d’Heinrich lui avait fait réaliser la détresse d’une partie de la population de son royaume, qu’elle croyait pourtant si bien connaître. Elle ne s’était jamais doutée des épreuves qu’un jeune homme ou qu’une jeune femme pouvait traverser en venant d’un milieu précaire et difficile. Elle se rendit compte que des dizaines d’orphelins comme Heinrich devaient subir le même sort à Corona, et qu’ils devaient comme lui et Eugène se mettre à voler pour survivre.
-Je suis vraiment désolée de ce qui vous est arrivé, dit Raiponce avec empathie. Mais vous ne devez pas vous résoudre à cette vie, il n’est jamais trop tard pour changer.
-J’en sais quelque chose, confirma Eugène. Si j’ai pu m’en tirer, tu le peux aussi.
-Toi c’est différent, t’es tombé amoureux d’une princesse. J’ai pas eu cette occasion, regretta Heinrich. Ici, la princesse ne rêve que du prince charmant que je ne risque pas d’incarner, et la reine est un glaçon.
-Je ne vous le fais pas dire, soupira Raiponce. Mais Anna est ma cousine, je suis certaine de pouvoir la convaincre de vous trouver un travail, une fois qu’elle nous aura réconciliés avec la reine, qui nous a légèrement pris en grippe.
Heinrich sembla indécis, n’ayant l’air de savoir comment accueillir la nouvelle. Il se gratta la tête.
-J’essaie depuis tellement longtemps que j’ai fini par ne plus y croire. Vous pouvez toujours tenter, si vous réussissez je vous en serai vraiment reconnaissant. J’en peux plus de cette vie.
-A propos d’Anna, demanda Eugène, où est-elle passée ?
Celle-ci était totalement sortie de l’esprit de Raiponce. La princesse se souvint qu’elle les devançait.
-Elle est partie la première, répondit la jeune femme. Nous devrions la rejoindre.
-Je ne vous retiens pas alors, fit Heinrich. Si jamais vous voulez me voir, vous savez où me trouver.
-On repassera demain, assura Eugène. Ça m’a fait plaisir de te revoir.
-Je suis également ravie de vous avoir rencontré, affirma Raiponce.
-Vous avez été mes seules rencontres positives depuis des années, sourit Heinrich. Encore merci d’essayer de m’aider.
-C’est normal, répondit Raiponce avec émotion. Je fais ce qui me semble juste.
Eugène et elle quittèrent Heinrich après l’avoir salué, repartant sur les traces d’Anna en sortant de la ruelle. Ils la retrouvèrent rapidement, s’amusant à marcher en équilibre sur un muret, puis ils repartirent pour poursuivre leur exploration de la ville.
Le soir tombant, ils s’en retournèrent au port pour retrouver Maximus qui avait fini de débarquer toutes les affaires du navire et les accueillit par un piaffement joyeux. Tous repartirent en direction du château, où le bal à venir avait de nouveau attiré une grande foule réunie dans la cour. Après s’être frayés un chemin à travers la population, ils passèrent entre deux ravissantes fontaines et s’arrêtèrent devant l’entrée du château, laissant Anna passer devant pour s’adresser aux deux gardes postés en sentinelles devant les portes closes.
-Ils sont avec moi, expliqua la princesse.
Malgré la crainte de Raiponce qu’ils ne soient reconnus et expulsés sans ménagement, les gardes opinèrent et s’écartèrent après une révérence. Anna se retourna vers sa cousine et Eugène.
-Il vaut mieux que je rentre seule le temps de prévenir Elsa. En attendant, essayez d’être discrets !
-Promis, affirma Raiponce. Bonne chance !
La princesse d’Arendelle sourit et pénétra à l’intérieur du château, disparaissant après avoir bifurqué quelques mètres derrière les portes. Alors que Raiponce et Eugène lui emboitaient le pas après avoir patienté quelques secondes pour lui laisser de l’avance, l’un des gardes leur barra la route de la main. La princesse se vit aussitôt arrêtée, trainée de force sur son bateau, bannie du royaume… Mais le garde se contenta d’expliquer :
-Je suis désolé, mais les animaux sont interdits à l’intérieur du château. Vous devrez laisser votre cheval et votre crapaud dans la cour.
-C’est un caméléon ! s’offusqua Raiponce.
-Certes, madame, répondit poliment le garde. Mais cela ne change rien aux règles.
Soupirant de contrariété, la jeune femme prit Pascal qui sommeillait sur son épaule et le déposa sur la tête de Maximus.
-Je suis désolée, regretta-t-elle. Ce ne sera pas trop long. Allez faire une balade en attendant, d’accord ?
Pascal et Maximus la regardèrent d’un air ennuyé, ayant clairement l’air de n’avoir aucune envie de passer la soirée dehors. Le cheval hennit de frustration, mais sembla se résigner, tandis que Pascal tira la langue de dépit. Après une caresse qu’elle voulut consolatrice, la jeune femme se détourna et rentra avec Eugène à l’intérieur du château, les portes se refermant derrière eux. Le faste de la décoration fut du goût de Raiponce, et lui rappela la beauté du château de Corona. Le ton de la couleur était au rouge, qu'il s'agisse des murs des cloisons ou des tapis. Un corridor à la droite d'Eugène et de la princesse semblait mener à la salle principale, où la soirée allait se dérouler. Raiponce longea le mur situé à quelques mètres devant eux, et arriva rapidement à l'intérieur de l'immense salle de bal, remplie de convives de la noblesse locale et étrangère. Au cœur de la pièce, des couples de danseurs valsaient gracieusement sous les yeux appréciateurs des autres invités, au rythme de la musique entrainante jouée par un orchestre situé plus à gauche. Des colonnes jalonnaient les deux côtés de la partie centrale de la salle, menant au trône de la reine à l'autre extrémité de la pièce. Il était vide : Elsa ne devait pas encore être arrivée. Raiponce se tourna vers son époux.
-Nous devrions nous cacher dans un coin, au milieu de la foule, en attendant qu'Anna nous rejoigne, proposa la princesse.
-Entendu, accepta Eugène, mieux vaut éviter d'attirer l'attention et profiter de l'absence de la reine.
Les deux optèrent pour s'immiscer dans la partie gauche de la salle, cachés derrière une colonne à une distance raisonnable du trône, proches de l’orchestre et au milieu des invités qui conversaient en souriant dans un brouhaha vivant et chaleureux. Tous semblaient ravis de leur présence, et parmi les quelques bribes éparses que Raiponce parvenait à distinguer de leurs discussions, le sujet de la famille royale et de l'ouverture des portes était le plus populaire. Le mystère qui entourait la reine était considéré comme des plus captivants.
En observant distraitement la foule des invités, Raiponce aperçut sur la partie droite Weselton et Hans en pleine discussion avec quatre hommes que la princesse reconnut pour être des ambassadeurs français, irlandais, espagnol et allemand. Eugène, les voyant à son tour, remarqua :
-Weselton et Hans. On dirait que les grands esprits se rencontrent.
-Eugène…
-Quoi, c’est vrai, je suis sûr que…
Le jeune homme fut soudain interrompu par des applaudissements nourris saluant la fin de la première danse, suivis par une voix d’homme annonçant :
-La Reine Elsa d'Arendelle !
Raiponce, alertée du risque, se plaça juste derrière la colonne pour ne pas être vue de la reine, mais tenta en dépit de cela de jeter un œil vers le trône. Elle vit sa cousine apparaître en provenance de la droite de la salle, toujours habillée de ses vêtements de couronnement, et marcher avec grande retenue jusque devant son trône, où elle s'arrêta pour observer les invités devant elle, ne regardant pas dans la direction de la princesse à son grand soulagement. L'homme qui avait annoncé l'arrivée de la reine, derrière elle, fit un geste sur la gauche de la salle et proclama :
-La Princesse Anna d'Arendelle !
La ci-nommée surgit de l'autre côté de la salle, passant en un éclair à proximité de Raiponce avec laquelle elle échangea un sourire, et se stoppa net quelques mètres à proximité de sa sœur, faisant des signes vigoureux de la main à la foule d’invités, jusqu'à ce que l'homme la saisisse brusquement malgré ses protestations pour la placer juste à côté de sa sœur. La famille royale arrivée, les conversations reprirent leur cours. Au moment où Raiponce pensait continuer sa discussion avec son époux concernant Hans, ce dernier sembla les repérer et traversa la salle pour les rejoindre, passant entre les convives qui avaient commencé à danser. Il s'exclama chaleureusement, une coupe de champagne à la main :
-C'est une joie de vous rencontrer à nouveau. Mais je ne vous ai pas vus pendant la cérémonie, où étiez-vous donc ?
-Oh, nous étions au fond de la chapelle, mentit Raiponce qui ne tenait pas à expliquer son différend avec la reine. Nous avons passé la journée à visiter la ville en compagnie de sa sœur.
La princesse chercha Anna des yeux vers le trône de sa sœur, mais Elsa y demeurait seule, le regard rieur -surprenamment-, dirigé vers le cœur de la salle de bal. Anna s'y trouvait, entraînée bon gré mal gré par les gesticulations d'un petit homme en qui Raiponce reconnut le Duc de Weselton. Elle ressentit alors un élan de compassion pour sa pauvre cousine.
-Arendelle doit en effet être très agréable à visiter, reprit Hans. Mais j'avais hélas d'autres préoccupations : je devais entre autres, en tant que représentant des Îles du Sud, nouer des liens avec les puissances étrangères. Je regrette de ne pas avoir rencontré le Premier Ministre Magnus, qu’on dit un homme plein d’esprit ; car certains des émissaires m'ont plus d'une fois donné envie de m'esquiver et de partir profiter de cette belle après-midi, croyez-moi.
-Vous devez parler du Duc de Weselton, comprit Eugène. Un vrai vaurien, celui-là. De ce que nous avons pu voir de lui, il serait prêt à tout pour faire du profit.
-Je dois dire que cela est assez exact, admit Hans. Il a très à cœur les intérêts financiers de sa patrie.
-Vous voulez dire ses propres intérêts, répliqua durement Raiponce.
-Certes, fit Hans. Sur un sujet plus léger, il a également une réputation de danseur particulièrement original.
-Je ne vous le fais pas dire, répondit Raiponce. Je l'ai vu avec la princesse tantôt et il s'est montré pour le moins, disons-le, enthousiaste.
La jeune femme, qui avait balayé la salle du regard, s'était aperçu qu'Anna avait disparu une fois de plus, et était retournée auprès de sa sœur. Tandis que Raiponce en était presque à penser que les deux femmes allaient parvenir à retrouver leur complicité perdue en voyant Anna esquisser un geste vers sa sœur, elle fut vite détrompée quand Elsa répondit à sa marque d'affection en lui tournant le dos et en ayant un mouvement d'exaspération vive, causant un chagrin visible à sa sœur. Hans surprit le regard de Raiponce, et après avoir remarqué la détresse de sa cousine, marmonna :
-Veuillez m'excuser quelques minutes.
Il les planta sans plus de cérémonie, et se dirigea avec empressement vers un endroit plus éloigné du trône, alors qu'Anna repartait en direction de la sortie, semblant être au bord des larmes. Un instant après qu'Hans se soit arrêté dans la partie centrale de la salle, sur la trajectoire d'Anna, cette dernière fut brutalement bousculée par un maladroit et trébucha, battant des bras pour essayer de conserver son équilibre. Elle fut rattrapée de façon très fortuite par Hans, qui affecta d'avoir l'air surpris -car Raiponce avait compris qu'il n'en était rien-, avant de déposer sa coupe sur un plateau tendu par un serveur et d'entraîner Anna dans une danse après avoir échangé quelques mots avec elle.
Raiponce, proprement stupéfaite, comprit qu'elle ne pouvait plus douter : Hans cherchait délibérément à séduire sa cousine.
-Quel petit malin, s'exclama Eugène. Tu as vu comment il s'y prend ? C'est au
minimum un amoureux très habile, au pire un dangereux manipulateur.
-Ne tirons pas de conclusions hâtives, tempéra Raiponce qui ne pouvait se résoudre à incriminer le prince. Il a peut-être simplement remarqué sa tristesse et a cherché à la réconforter.
-C'est ça, et si sa sœur l'ignore c'est en réalité parce que c'est une méchante sorcière aussi, persifla son époux.
Raiponce ne trouva rien à répondre, le cœur rongé par le doute. Et si Hans voulait véritablement se servir d'Anna pour accéder au trône ? Elle observa le prince et sa cousine, perdus chacun dans le regard de l’autre. Elsa quant à elle n’avait sans doute rien remarqué, ayant apparemment disparu. Il vint une idée à la jeune femme, qui avait besoin de se détendre l'esprit.
-Si nous dansions ? proposa-t-elle. La reine n’est plus là, et de toute façon nous serons dissimulés par les autres.
-Avec plaisir, répondit Eugène, cela nous fera faire un peu de sport après la semaine passée sur le navire.
Il lui prit la main avec tendresse, et les deux époux marchèrent ensemble au cœur de la salle de bal, s’insérant entre deux couples et se calquant sur leur rythme. Hans et Anna, au centre du cercle formé par les danseurs, monopolisaient l’attention de la foule tant leur connivence était visible, et devant tant de symbiose qu’aucun homme, songeait Raiponce, ne pourrait simuler, la princesse écarta une fois encore ses doutes et cessa de se préoccuper de Hans pour se concentrer sur le moment présent. Après tout, pensa-t-elle en tournoyant sous le bras d’Eugène, même s’il est fin stratège, ses sentiments sont sans doute sincères.
-La soirée se déroule plutôt bien, tout compte fait, dit Raiponce avec enthousiasme. Même si la réconciliation ne semble pas pour tout de suite…
-Anna et sa sœur finiront par se rendre compte qu’elles s’aiment, espéra Eugène, et la reine entendra raison sur la mort de ses parents.
Une pointe de colère émergea du subconscient de Raiponce, mais cette dernière sut le réprimer, poursuivant ses pas avec grâce.
-L’essentiel est qu’Anna aille bien, répondit-elle. Je n’ai pas besoin du pardon de la reine.
Sa réponse eut l’air de surprendre Eugène, qui n’en fit néanmoins de rien. Raiponce préféra changer de sujet au plus vite, penser à la reine l’exaspérant au plus haut point.
-Tu t’y prends plutôt bien, finalement, apprécia-t-elle.
-J’espère bien, répliqua-t-il. Il fallait bien que les heures de leçons reçues de ta mère servent à autre chose qu’à me réduire les pieds en compote.
Eugène et son épouse continuèrent quelques minutes leur valse, puis la musique s’estompa et la danse des invités s’arrêta du même coup, recevant les applaudissements des invités qui avaient préféré rester spectateurs. Tenant la main d’Eugène, elle fit avec lui la révérence devant les convives, avant de le serrer dans ses bras pour l’embrasser malgré les murmures de gêne des nobles, peu habitués à ces épanchements d’affection. Lorsqu’ils eurent terminé et regardèrent autour d’eux, ils virent que Hans et Anna s’étaient éclipsés. Ils retournèrent vers la gauche de la salle, derrière les colonnes, et purent les apercevoir bavarder gaiement. L’enthousiasme d’Anna couplé à sa maladresse porta malencontreusement l’un de ses gestes hasardeux à frapper le prince en plein visage, sans que ce dernier s’en offusque, éclatant même de rire avec la princesse.
-Le chat met en confiance la souris avant de la dévorer, dit sarcastiquement Eugène.
-Ne sois pas si paranoïaque, soupira son épouse. Ils ont des affinités, c’est tout.
Hans et Anna se dirigeaient à présent vers la porte la plus proche, située sur le mur de gauche, et quittèrent discrètement la salle de bal.
-M’est avis que tout cela est très louche, persista Eugène. Si nous-
Un hennissement furieux retentit alors de l’entrée de la salle de bal, couvrant le vacarme des conversations. Tous tournèrent la tête vers l’extérieur du château, et virent entrer au grand galop un cheval blanc –Maximus !- poursuivre un caméléon qui était évidemment Pascal. Durant sa course, le cheval, paraissant furibond, manqua de bousculer plusieurs invités, qui s’étaient par réflexe écartés de son passage, certains tombant au sol dans la cohue. La foule laissa un espace respectable à Maximus, tandis que l’objet de sa fureur parvenait à grimper au sommet du trône, se pensant en sécurité. Immédiatement, la princesse sut que l’inévitable allait se produire : le cheval, aveugle à tout sens commun, fonça tête baissée sur la partie gauche du trône de la reine, le faisant basculer vers la droite tandis que Pascal bondissait sur la tête du cheval pour éviter de chuter. Le trône s’écrasa au sol avec grand bruit, mettant fin à la querelle entre le caméléon et le cheval qui s’appliquaient déjà à s’entretuer et qui s’immobilisèrent soudainement, de concert avec toute la foule d’invités qui s’était tue d’un silence grave. La princesse oublia toute prudence et se précipita vers Maximus et Pascal, prise de colère, Eugène la suivant de près.
-Mais à quoi jouez-vous tous les deux ? s’écria-t-elle.
Aussitôt, Maximus pointa un sabot accusateur vers Pascal juché sur sa tête, qui essayait de se camoufler en prenant la couleur du poil de Maximus et se cachait les yeux avec ses pattes. Devant la frayeur qu’elle causait à son ami, la princesse se sentit honteuse et se radoucit.
-Tu as voulu nous rejoindre, dit-elle à Pascal, c’est ça ? Et Maximus t’a poursuivi.
Elle soupira.
-Bon, ce n’est pas trop grave, je suis sûre que-
-Je croyais avoir été claire, l’interrompit une voix glaciale que Raiponce aurait préféré ne pas reconnaître. Vous n’êtes pas les bienvenus dans mon royaume.
La princesse détourna vivement la tête en direction de la droite de la salle. Elsa venait d’apparaître à l’une des entrées et s’approchait d’elle à pas lents, le regard chargé d’une colère froide.
-Votre majesté, tenta Eugène, nous…
-Assez ! le coupa sèchement Elsa d’une voix dont on pouvait déceler une fureur difficilement contenue.
L’atmosphère de la salle sembla tout à coup se rafraichir, et la température diminuer de plusieurs degrés, faisant grelotter Raiponce qui se mit à souffler de la vapeur blanche. Que se passe-t-il ? La reine s’apercevant de ce changement de climat sembla être prise de terreur, et s’empressa d’ordonner en se retournant pour repartir de la pièce :
-Mettez les dehors immédiatement !
La princesse se sentit saisie par des bras musclés avant qu’elle n’ait pu protester, et vit à ses côtés Eugène être lui aussi pris par un des gardes du château, ainsi que Maximus tiré par les rênes. Ils furent ainsi trainés manu militari sous les yeux de toute la noblesse d’Arendelle, la poigne du garde serrant tellement fort le bras de Raiponce qu’elle en ressentit une vive douleur. Ses faibles protestations furent inutiles, et elle fut avec ses compagnons jetée sans ménagement au sol une fois sortie du château, s’écrasant sur les dalles de pierre en n’ayant que le temps de mettre ses bras en avant pour ne pas tomber trop durement. Malgré sa douleur, la princesse s’aida de ses mains pour se relever tandis que derrière elle, les portes se refermaient avec fracas, encore.
-Quelle peste, cella là ! s’exclama Eugène en époussetant son habit. J’en ai vraiment assez d’être sans cesse chassé comme le voleur que je ne suis plus.
-Moi qui avais promis à Anna que nous resterions discrets… se lamenta Raiponce. Vu l’état dans lequel nous avons laissé la salle du trône, nos chances de demeurer dans le royaume semblent anéanties.
-Dans ce cas, rentrons à Corona, proposa Eugène d’une voix d’où perçait l’espoir de mettre fin à leurs désagréments. Tu as vu Anna, comme tu le souhaitais, et elle se portera très bien sans nous, surtout en compagnie de…
Il s’arrêta et se rembrunit.
-…Hans, reprit-il sombrement. Je l’avais oublié, lui. Il a posé ses griffes sur ta cousine, et je n’ai pas l’impression qu’il veuille la lâcher…
-Je ne suis toujours pas convaincue du bien-fondé de tes soupçons, répondit Raiponce. Mais si mince que soit le doute, je ne peux pas nier le fait que son comportement est étrange. Nous ne pouvons pas partir tant que nous ne sommes pas sûrs de ses intentions, et je ne peux partir sans avoir revu Anna, ni sans lui avoir parlé d’Heinrich.
-Tu as raison, admit Eugène. Je suppose que nous devrons passer la nuit sur le navire, en priant pour que la reine n’aura pas donné d’ordres à toute la garde pour nous arrêter à vue une fois que nous voudrons redescendre.
-Il n’est pas si tard, fit Raiponce en remarquant que la nuit venait à peine de recouvrir Arendelle et que les étoiles pointaient encore timidement. Nous pourrions partir retrouver Anna pour l’informer de ce qui s’est passé.
-C’était justement ce que j’allais te proposer avant que Maximus et Pascal ne fassent leur show, révéla Eugène après un regard ironique en direction du cheval qui replaçait dignement sa crinière avec son sabot. Je m’étais dit que suivre Hans et Anna nous permettrait d’en apprendre davantage, mais ils se dirigeaient vers les jardins, qui se situent dans l’enceinte du palais. Je dois t’avouer que je ne vois pas trop comment nous y rendre si la garde est sur le qui-vive.
-Allons, tu as bien réussi à t’infiltrer dans le château de mes parents pour voler ma couronne ! s’amusa Raiponce. Cela ne doit pas être si différent.
-Je pourrais escalader, supposa son époux, et redescendre dans les jardins. Mais ce serait beaucoup de risques, et cela veut dire que tu devrais m’attendre ici pour monter la garde.
-Hors de question, répliqua fermement Raiponce.
-C’est ce que je pensais, sourit Eugène. Dans ce cas, nous n’avons qu’à aller à un endroit où ils pourraient se rendre à l’extérieur du château. Tu as une idée ?
La princesse soupesa ce qu’elle connaissait d’Anna et les informations qu’elle possédait sur la région.
-Je ne connais pas bien Arendelle, répondit-elle, mais je crois qu’Anna m’a parlé dans une de ses lettres d’un ou deux coins où elle avait prévu de se rendre une fois qu’elle aurait rencontré son « grand amour ».
-Splendide, s’exclama Eugène. Allons-y immédiatement et attendons-les là-bas, dans ce cas.
-C’est que, hésita Raiponce, je n’ai pas le moindre souvenir de quel endroit il s’agissait. Mais j’ai emmené les lettres que j’ai reçues d’Anna, et nous pourrons les relire sur le navire.
-Il vaut mieux ne pas perdre de temps alors, affirma son époux.
Raiponce opina et se lança avec Eugène, Maximus et Pascal dans une nouvelle course effrénée à travers le peuple qui attendait une apparition de la reine dans la cour du château, traversant le pont éclairé de part et d’autres par les lampadaires qui soutenaient les bannières de la reine, et passant sous le préau menant au port. Ils purent aisément retrouver la chaloupe renversée sous laquelle Hans s’était retrouvé plus tôt dans la journée, et la retournèrent sans effort. Eugène et la princesse s’installèrent à l’intérieur, laissant Maximus en compagnie de Pascal sur le quai, trop lourd pour être transporté par le canot.
Le navire de Corona se trouvant à l’extérieur de l’enclave, il fallut de nombreux coups de rames à Eugène et Raiponce pour s’y rendre, et un temps qui sembla assez long fut nécessaire. Arrivés à proximité, ils s’époumonèrent pour réveiller l’équipage à bord. Un matelot barbu, l’air ensommeillé, arriva rapidement et leur jeta une échelle de corde, qu’ils purent utiliser pour monter sur le pont. Après s’être excusés d’avoir interrompu la nuit de sommeil de tout l’équipage, ils demandèrent à ce dernier de conduire le navire à quai pour faire remonter Maximus et Pascal, et à un des matelots de se charger de ramener la chaloupe. Ceci fait, les époux ouvrirent la trappe située dans la partie centrale du navire pour descendre par une échelle dans leurs quartiers. La pièce était plongée dans l’obscurité, et la princesse connaissant de mémoire la disposition de la pièce retrouva facilement un chandelier qu’elle alluma immédiatement. Une faible luminosité leur permit de se repérer dans la petite chambre contenant uniquement un lit double, deux tables de chevet et un placard.
Raiponce se dirigea vers sa table de chevet et en ouvrit le tiroir, sortant tout un paquet de lettres d’une boite en carton. Elle s’assit avec Eugène sur le lit aux draps de soie, lui tendant la moitié du paquet.
-Essaie de voir si tu peux trouver où Anna pourrait se rendre, demanda la princesse en commençant à lire ses propres lettres.
Les deux époux consommèrent quelques sandwiches qu’on leur avait apportés pendant qu’ils parcouraient une à une les lettres sans rien trouver d’autre que les rêveries de la princesse d’Arendelle. Raiponce vit le paquet s’amincir petit à petit.
-C’est vraiment passionnant, ironisa Eugène. Oh oh !
-Quoi, s’écria vivement Raiponce, tu as trouvé ?
-Non, mais écoute ça, c’est assez mémorable : « J’ai passé la journée à chercher mon épingle à cheveux favorite, et je me suis rendu compte le soir venu que je la portais déjà. Quelle idiote je fais ! ». Son quotidien a l’air d’être palpitant.
-Arrête de te moquer et continue de chercher, soupira la princesse.
L’une des dernières lettres attira son attention, car elle lut en survolant le contenu des yeux les mots fatidiques : « grand amour ». Raiponce revint plus en détail dessus, trouvant après plusieurs dizaines de minutes de recherche infructueuses -sa correspondance avec Anna étant très fournie-, l’objet de leur venue : « Je n’ai de cesse d’imaginer le moment où je me rendrai enfin au-dessus de la cascade avec mon grand amour. La vue est superbe, et on peut y admirer le château de face. »
La princesse fit part à Eugène de ce qu’elle avait trouvé, et ils remontèrent sur le champ sur le pont, alors que le navire s’était amarré et que Maximus et Pascal étaient montés à bord. Après leur avoir conseillé de rester dormir sur le navire pour éviter de causer plus de troubles, Raiponce redescendit ensuite en compagnie d’Eugène tandis que le navire s’éloignait lentement, et tous deux s’arrêtèrent pour observer les montagnes de l’autre côté du royaume. Même dans la nuit, il leur fut possible de distinguer rapidement une cascade s’écoulant silencieusement, en hauteur et surplombant la ville. Ils s’y rendirent, remontant par les routes sinueuses qu’ils avaient déjà empruntées durant l’après-midi. Après une demi-heure de marche, ils arrivèrent à leur destination, voyant à leur gauche la cascade se déverser avec un bruit caractéristique. Un escalier de pierre semblait mener sur une petite langue de roche surplombant la cascade et le royaume, et Eugène et Raiponce l’empruntèrent.
-J’espère que nous n’arrivons pas trop tard, craignit la princesse en escaladant les marches.
-Nous verrons bien, répondit Eugène avec fatalisme. Et puis s’ils sont déjà partis, nous n’aurons qu’à retourner sur le navire et attendre demain, je ne vois pas trop ce qui pourrait arriver de grave entre temps…
Ils parvinrent à la dernière marche, l’extrémité de la corniche se trouvant à leur gauche. Pendant que la princesse se remettait de l’éprouvante escalade, elle jeta un œil en direction de la cascade, pensant pouvoir observer le royaume d’un point de vue sublime. Mais elle ne le put, car entre les deux filets d’eau qui encadraient la corniche, sa vue était obstruée. Par deux individus. Hans et Anna. Mais ce n’était pas ce qui provoquait l’expression d’effarement complet qui naissait sur son visage et celui d’Eugène : c’était quelque chose de bien plus inattendu.
Genou à terre, tenant tendrement entre ses paumes la main gauche d’Anna, Hans échangeait avec la jeune femme un regard d’amour mutuel sans équivoque, alors qu’un sourire euphorique s’affichait sur le visage de la princesse.
Visiblement, Hans venait de demander Anna en mariage. Et elle avait dit oui.
___
Voilà pour ce chapitre, j'annonce que c'est au suivant que les ennuis commenceront véritablement
- Samantha Frost
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Dim 14 Jan 2018, 20:02
Et bien bon chapitre comme depuis le premier
J'ai juste une petite question qui me trotte dans la tête, est-ce que tu arrêtera ta fanfiction au moment ou le film se termine ou tu va continuer encore après ? C'est juste pour savoir
J'attends la suite
J'ai juste une petite question qui me trotte dans la tête, est-ce que tu arrêtera ta fanfiction au moment ou le film se termine ou tu va continuer encore après ? C'est juste pour savoir
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- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Dim 14 Jan 2018, 21:38
Samantha Frost a écrit:Et bien bon chapitre comme depuis le premier
J'ai juste une petite question qui me trotte dans la tête, est-ce que tu arrêtera ta fanfiction au moment ou le film se termine ou tu va continuer encore après ? C'est juste pour savoir
J'attends la suite
L'histoire s'arrête à la fin du film, quelques minutes après grand maximum. Je ne voulais pas extrapoler sur la suite des événements, et je voulais vraiment faire une sorte de spin-off comme le Roi Lion 3 avec un autre point de vue sur une action que l'on connaît déjà. Si j'écrivais une suite, ça serait forcément toute autre chose
Merci pour ta fidélité
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Mer 17 Jan 2018, 22:13
Chapitre 5 : Coup de froid sur le royaume
-Oh p***** ! s’exclama Eugène avec ébahissement, résumant parfaitement la pensée de Raiponce.
L’interjection du jeune homme attira l’attention des tourtereaux, qui tournèrent la tête vers Raiponce et son époux. Hans donnait l’impression d’être assez décontenancé par l’apparition imprévue de ces derniers, mais Anna ne se départit pas de son air euphorique et ne laissa pas à un silence gêné le temps de créer un malaise, sautillant pour retrouver sa cousine.
-Je suis tellement heureuse de vous retrouver ! s’écria-t-elle avec un large sourire. J’ai passé une soirée extraordinaire. Tout s’est déroulé exactement comme je me l’imaginais Raiponce, tu te souviens quand je t’écrivais sur le grand amour que je finirais par vivre ? C’est finalement arrivé ! Hans m’a demandée en mariage ! Mais quelle idiote je fais, je ne vous ai même pas présentés…
-Nous nous sommes déjà rencontrés, lui révéla Hans en les rejoignant.
-Vraiment ? Mais c’est formidable ! Enfin bref, vous serez bien-sûr invités pour la cérémonie, cela réparera votre absence de tout à l’heure.
-Ce serait avec plaisir, répondit prudemment Raiponce, mais ne crois-tu pas que tout cela est un peu… rapide ?
-Oh mais non, pas du tout ! s’exclama Anna en regardant son fiancé avec tendresse. Hans et moi sommes faits l’un pour l’autre, c’est évident.
C’est encore plus grave que je ne le croyais. La princesse d’Arendelle avait si longtemps été rejetée par sa sœur, coupée de toute personne qui aurait pu l’aimer, que cet amour non distribué et ce besoin de se sentir écoutée et aimée s’étaient mués en un désir irrépressible de trouver cet être idéal en qui elle avait placé jour après jour toutes ses espérances d’une vie meilleure. Au fil des années, laborieusement, minutieusement, la princesse avait imaginé trait pour trait son grand amour, qui allait arriver sur son cheval blanc pour la libérer de sa solitude. Cela en avait donc fini par devenir une obsession : Anna pensait qu’en trouvant enfin l’homme de sa vie, toutes ses blessures seraient indubitablement cicatrisées et le rejet de sa sœur sans aucune importance. En rencontrant Hans, il lui avait suffi de déceler chez lui quelques-unes des caractéristiques qu’elle recherchait –l’élégance, la gentillesse-, pour que son amour l’élise comme sujet et qu’il s’y accroche avec la force du désespoir. Cela était l’instinct de survie le plus basique : Anna avait besoin d’aimer et de se sentir aimée, et le prince remplissait toutes les conditions. Il était arrivé à pic : venant d’être une fois de plus rejetée par sa sœur, Anna était vulnérable, son amour refoulé cherchant frénétiquement une personne à qui s’accrocher. Son inexpérience, sa naïveté avaient fait le reste, et voilà qu’elle était fiancée à un parfait inconnu.
-Je n’ai pas le moindre doute à ce sujet, ironisa Eugène. Mais votre sœur aimerait sans doute avoir voix au chapitre…
-Elsa ! s’exclama Anna. C’est vrai, il faut que nous lui demandions sa bénédiction. Si nous y allions maintenant, Hans ?
-Il serait peut-être plus approprié d’attendre la fin de la fête, peut-être même quelques jours, proposa Hans. La reine serait plus disposée si elle me rencontrait d’abord…
-Oui, vous avez sans doute raison, concéda la princesse avec une once de déception dans la voix.
Mais Raiponce, guère emballée à la perspective de voir sa cousine se marier à un individu duquel elle se méfiait de plus en plus, ne pouvant nier le caractère douteux de son comportement, ne tenait pas à ce que toutes les chances soient du côté d’Hans. Tuer leur mariage dans l’œuf, ou au moins le retarder, causerait peut-être de la peine à Anna, mais la protégerait peut-être d’un homme dangereux. S’ils demandaient sa bénédiction à la reine immédiatement, la probabilité qu’Elsa refuse en bloc était très forte : usée par toute une journée de retenue et d’altercations avec Raiponce, perturbée après sa dispute avec sa sœur, la souveraine risquait de réagir à cette nouvelle de façon violente et passer une très mauvaise nuit, une idée que Raiponce ne pouvait s’empêcher de trouver séduisante sachant la manière dont elle l’avait traitée.
-Attendre ? fit-elle mine de s’étonner en changeant son attitude du tout au tout. Mais pourquoi ? Elsa sera certainement ravie d’apprendre que tu as enfin trouvé le bonheur ! Cela pourrait même la pousser à s’ouvrir davantage, et à revenir vers toi. Vous devriez lui demander sa bénédiction sur le champ, tant que votre ferveur est encore présente !
Eugène, dubitatif, resta silencieux, ne semblant pas comprendre à quoi jouait son épouse. Hans eut l’air contrarié, mais cela ne dura qu’un instant. Anna, quant à elle, attirée par la perspective de renouer le contact avec sa sœur et enchantée d’avoir des arguments pour lui apprendre la nouvelle immédiatement, s’écria joyeusement :
-Merci, Raiponce, c’est une très bonne idée ! Venez Hans, il nous faut absolument parler à Elsa avant que la fête ne soit terminée !
Elle entraîna son fiancé, qui n’osait apparemment pas refuser, peut-être de peur de la contrarier, et repartit au galop vers le château, disparaissant en empruntant l’escalier. Eugène s’adressa à Raiponce :
-Pourquoi les as-tu envoyés au casse-pipe ? Tu sais bien qu’Elsa n’acceptera jamais de laisser sa sœur épouser un homme qu’elle a rencontré le jour-même.
La princesse lui expliqua le plan qu’elle avait imaginé, se sentant cependant divisée sur son propre comportement : elle venait après tout de manipuler sciemment sa cousine pour lui retirer le seul bonheur qu’elle avait connu depuis des années. Mais c’était pour son bien, se persuadait-elle, car Hans lui paraissait de plus en plus avoir de plus grandes ambitions que celle de conquérir le cœur d’Anna, et Raiponce n’avait de toute façon pas l’intention de partir sans s’être assurée qu’Anna ait trouvé de quoi assurer son bonheur.
-C’est malin, apprécia Eugène, quoiqu’un peu du style de Gothel, sans vouloir t’offenser. Tu es donc d’accord avec moi, Hans cache quelque chose ?
Raiponce eut une sensation désagréable, presque physique, en s’entendant comparée à sa manipulatrice de « mère ». Elle ne releva pas, consciente qu’Eugène ne pensait pas à mal.
-Je pense qu’il a une attitude troublante, répondit-elle. Mais je ne vois toujours pas ce qu’il pourrait obtenir en épousant Anna.
-Qu’importe, il ne l’aura pas. On rentre ? J’ai comme l’impression que ta cousine aura bientôt besoin que tu la réconfortes…
Raiponce acquiesça, et repartit avec Eugène en direction du château. En arrivant dans la cour, ils purent observer que la foule était plus dense que jamais, car il était pensé que la reine allait faire une apparition pour saluer ses sujets. Les bavardages allaient bon train dans l’attente de ce moment tant espéré. La princesse songea que la sortie de la reine serait le moment idéal pour se glisser discrètement à l’intérieur du château, et se posta avec son époux à proximité des portes, restant entourés des habitants dans une zone située à gauche de l’escalier menant à l’entrée principale. Un seul instant était passé que les portes s’ouvrirent brutalement, s’arrêtant l’une face à l’autre avec un bruit fort. Un des villageois s’écria avec enthousiasme : « La voilà ! », faisant se retourner toute la population en direction de l’ouverture et applaudir, pour saluer chaleureusement l’arrivée d’Elsa. En effet, la reine venait d’apparaître, mais au lieu de la froide réserve que Raiponce s’attendait à retrouver sur son visage, ce fut une expression de panique terrible et d’indécision. Derrière les yeux de glace d’Elsa semblait comme brûler le spectre déchainé d’une terreur qui, après toute une vie d’une menace perpétuelle, avait enfin frappé. Après un regard anxieux jeté à l’intérieur du château, elle descendit frénétiquement les quelques marches conduisant dans la cour, dans une course où l’on ne savait pas si ce qu’elle fuyait était à l’intérieur du château, où bien quelque chose d’enfoui au fond d’elle-même. Elle tenta de se glisser entre les citoyens d’Arendelle, qui, malheureusement pour elle, ne semblaient pas être conscients de son trouble et, plutôt que de s’écarter, restaient sur son passage en s’inclinant respectueusement devant elle.
Raiponce et Eugène préférèrent passer derrière la souveraine et grimper les marches pour se rendre dans le château plutôt que de chercher à savoir ce qui l’agitait. Mais une fois parvenue au pas de la porte, la princesse eut une hésitation, presque un pressentiment annonciateur d’un événement funeste, vestige d’un instinct bestial. Il lui parut impensable de rentrer dans le château sans savoir auparavant ce qui mettait la reine dans un tel état. Raiponce se retourna donc, dans l’intention de jeter un dernier regard à sa cousine, pour qui elle éprouvait derrière la haine artificielle qu’elle avait créée pour se protéger, un sentiment de tendresse inséparable de leur lien familial. La reine se trouvait à quelques mètres devant Raiponce, à moitié dissimulée par les jets d’eau de l’une des fontaines. Devant ses sujets qui lui rendaient impossible le fait de quitter la cour, Elsa se mit à reculer lentement, acculée au rebord de la fontaine qu’elle toucha de la main par inadvertance.
Ce fut à cet instant qu’une chose impensable se produisit. Le contact entre la main d’Elsa et la fontaine parut provoquer une réaction brusque et imprévisible : le rebord se gela complètement, puis ce fut l’eau qui se solidifia et prit la consistance de la glace, alors qu’Elsa et les spectateurs de la scène reculèrent, pris par surprise, et que les jets de la fontaine s’immobilisèrent dans la forme d’une vague glacée. C’était incontestablement la manifestation d’une force surnaturelle, avec laquelle Raiponce avait été familière à ses dépens pour la majeure partie de sa vie : de la magie.
La première pensée de la princesse fut pour Anna, et, craignant pour sa vie, se précipita à l’intérieur du château, suivie d’un Eugène décontenancé, bifurquant à droite en évitant de justesse Weselton et ses gardes qui s’étaient élancés à la poursuite de la souveraine, le duc s’écriant en s’arrêtant devant les portes : « La voilà ! Arrêtez-la ! »
Après être entrée dans le corridor, elle vit avec soulagement sa cousine, qui courait vers elle pour rejoindre sa sœur. Au moment de croiser Raiponce, la princesse s’arrêta un instant, confuse et haletante, tandis qu’un bruit de glace brisée détonait non loin de l’entrée, que des cris terrorisés se faisaient entendre et que Weselton s’exclamait « Un monstre. C’est un monstre ! ».
-Anna ! s’exclama Raiponce. Que s’est-il passé ? Elsa est à l’extérieur, elle…
-Je suis désolée, je dois la retrouver immédiatement, la coupa précipitamment sa cousine. C’est de ma faute, je m’en veux tellement… Elle ne s’était pas isolée pour me faire du mal, au contraire, elle voulait simplement…
Trop inquiète pour sa sœur, Anna ne termina pas sa phrase et reprit immédiatement sa course, se faufilant entre Eugène et Raiponce. Cette dernière, sans vraiment réfléchir, animée par son besoin de comprendre ce qu’il s’était produit, repartit en sens inverse, vers la salle du trône. Mais alors qu’elle se retournait et s’élançait sans vraiment regarder devant elle, elle heurta un obstacle de grande taille et tomba au sol avec lui : c’était Hans, qui se releva vivement et repartit à tout allure vers la sortie, essayant de rattraper Anna avec de grandes enjambées.
Raiponce, le corps meurtri par cette nouvelle chute, se releva péniblement, soutenue par Eugène.
-Je l’apprécie de moins en moins, celui-là, dit la princesse d’un ton acerbe.
-Tu n’es pas la seule, lui confia Eugène.
Ils posèrent leur regard sur la salle du trône. Une surprise d’ampleur les y attendait : quelques mètres derrière les portes, on ne pouvait qu’être forcés de constater qu’un large arc de cercle de stalagmites gelés pointés sur les invités horrifiés était bel et bien apparu. Puisqu’il n’avait pas simplement poussé dans la soirée, la seule explication plausible était qu’il avait été invoqué par la même personne qui avait gelé la fontaine, et qui n’était autre qu’Elsa. Raiponce contourna la chose prudemment pour se retrouver face à l’ensemble des invités, qui étaient en proie à l’agitation et au chaos. Hormis quelques nobles qui parvenaient à conserver leur stature et leur calme et dont l’inquiétude n’était trahie que par une expression faciale troublée alors qu’ils se regroupaient en petits groupes, l’immense majorité des convives, blêmes et fébriles, ne montrait pas autant de tact : quand certains poussaient encore des exclamations terrorisées, d’autres visiblement très éprouvés sanglotaient de manière incontrôlée, et la plupart s’exprimaient avec de grands gestes et vociféraient leur mécontentement d’avoir été ainsi agressés, devant des gardes qui peinaient à maintenir l’ordre.
Nul faux semblant, plus de minauderies ni de formules protocolaires : devant un événement que peu pouvaient assimiler, qu’aucun n’aurait pu comprendre ou prévoir, la nature animale de chacun ressurgissait, les transfigurant pour les changer en bêtes acculées. La reine était différente, elle était donc une menace ! Qu’attendait-on pour l’arrêter ? Comme tout ce que la société ne comprend pas est voué à être d’abord l’objet d’une méfiance latente, puis d’une peur déraisonnée, jusqu’à ce que ces sentiments se muent en une haine féroce, paroxysme d’un mécanisme de défense instinctif destiné à protéger sa survie, les nobles d’Arendelle et d’alentour ne firent pas exception à la règle devant la situation et s’étaient immédiatement réfugiés dans leur instinct naturel de survie. Les dignitaires étrangers entrevoyaient dès lors d’autres sujets de préoccupation : les pouvoirs de la reine, bien utilisés, pourraient devenir une arme terrible menaçant la souveraineté de leur pays. Des nobles locaux, opportunistes et peu scrupuleux, complotaient déjà pour s’accaparer le pouvoir suite à la fuite d’Elsa : n’avait-elle pas abandonné le trône ? Sa lignée ne pourrait-elle pas tomber en disgrâce aisément ? Qui resterait-il alors comme souverain d’Arendelle ? Weselton quant à lui, s’il avait été présent, aurait certainement été en train de rechercher le moyen de tirer profit de la vacance du pouvoir en récupérant à son compte les richesses du royaume.
C’était un exemple-type d’une situation de crise, où chacun peut trouver une façon de s’élever, de profiter du chaos pour obtenir des pouvoirs ou des richesses que l’on n’aurait pu d’ordinaire gagner en si peu de temps, voire jamais. C’est donc pour cela que Raiponce comprit qu’il y avait là un plus grand danger que les pouvoirs de la reine : l’ambition. Elle décida d’agir avant que la noblesse ne commence à s’entredéchirer. Elle fit quelques pas en avant.
-S’il vous plaît, s’époumona-t-elle vainement. Ecoutez-moi, je…
Malgré quelques têtes qui se tournèrent vers la princesse, presque tous l’ignorèrent parfaitement.
-Ils ne t’écouteront jamais, la prévint Eugène. Ils sont trop occupés à gémir inutilement.
-Il faut pourtant que… répondit la princesse en recherchant un moyen d’attirer l’attention de la noblesse.
Elle s’interrompit, trouvant une idée en posant ses yeux sur un des gardes, portant à la différence des autres un uniforme bleu, et qui réconfortait l’une des invités secouée de pleurs ininterrompus. Le meilleur moyen de restaurer l’ordre, était toujours le plus simple. Elle se dirigea directement sur le garde et l’interpella en lui saisissant le bras.
-J’ai besoin de votre aide et de celle de vos collègues pour ramener le calme, afin que je puisse m’exprimer devant les nobles.
L’homme la jaugea d’un regard dédaigneux.
-Je ne prends aucun ordre de vous, petite, dit-il d’un ton condescendant. Je suis Norway, le capitaine de la garde d’Arendelle. Et si je me rappelle bien, la reine vous a bannie deux fois du royaume, alors vous feriez mieux de déguerpir.
Raiponce sentit une vague de colère l’envahir. Elle était déterminée à ne pas laisser le royaume s’écrouler en l’absence de la reine, au moins pour le bien de la population et celui d’Anna. Ce n’était pas un imbécile de garde qui allait l’en empêcher.
-Je ne suis pas votre petite, Norway, répliqua-t-elle sèchement. Je suis son Altesse la princesse héritière Raiponce de Corona, la nièce de votre défunt roi. La reine a abandonné le pouvoir, et ses ordres sont caducs. Alors faites votre devoir et ramenez-moi les autres gardes afin que nous puissions restaurer l’ordre !
Le garde la défia du regard, mais la princesse y décela une hésitation, qui finit par vaincre la ténacité de l’homme, qui perdit son air hautain.
-Bien sûr, madame, s’inclina-t-il. Veuillez m’excuser un instant.
Norway s’esquiva pour rechercher ses collègues, laissant Raiponce avec Eugène.
-Ça c’est la femme que j’aime ! apprécia Eugène. Il faut savoir remettre les gens à leur place. Qu’est-ce que tu comptes faire ?
-Improviser, sourit son épouse.
Le capitaine revint bientôt, accompagné d’une dizaine de ses collègues qui se réunirent en demi-cercle devant la princesse.
-Quels sont vos ordres, madame ? demanda amèrement Norway.
Elle réfléchit un instant, soupesant ses options, puis songea que rien ne valait la force brute.
-Nous avons besoin d’ordre, alors exigez que le silence se fasse. Utilisez tous les moyens nécessaires.
Les gardes obtempérèrent sans discuter, formés à suivre les ordres quels que soient leurs opinions. Eugène eut un regard légèrement anxieux, mais resta silencieux. Une fois les hommes positionnés, ils dégainèrent d’un seul mouvement leurs armes et le capitaine s’écria avec force :
-SILENCE ! SON ALTESSE LA PRINCESSE DE CORONA VA S’EXPRIMER !
C’était peut-être un peu exagéré. La tactique fut brutale, mais efficace : le brouhaha tumultueux fit instantanément place à un calme imposé par les armes et la peur, marqué par des visages soudain craintifs. La princesse s’avança devant les gardes et fit face à la foule, puis prit une grande inspiration.
-Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, commença-t-elle. Je suis désolée de devoir recourir à de tels moyens pour me faire entendre, mais il est nécessaire que vous gardiez votre calme. La crise que traverse Arendelle n’est que temporaire, et le départ de la reine ou ses pouvoirs ne sont pas une excuse pour se détourner ni des lois, ni de tout sens commun. La Princesse Anna est en l’absence de sa sœur la dirigeante légitime du royaume, aussi vous vous montrerez avisés en ne tentant pas d’usurper son autorité ou d’attenter à la souveraineté d’Arendelle. Je vous prierai aussi de faire preuve de sang-froid le temps que la crise se résolve. Ce n’est pas en…
Elle s’interrompit. Depuis qu’elle était arrivée dans la pièce, Raiponce avait ressenti le froid s’insinuer progressivement dans le château, sans y faire plus attention, plaçant la diminution de température sur le compte des traces de la magie de la reine. Mais il fit bientôt trop froid pour ne pas se rendre compte que le climat extérieur avait changé, ce que tous ressentaient à cause de l’ouverture des portes laissant s’infiltrer une température très anormale pour la saison. Eugène partit vers l’extérieur pour comprendre de quoi il retournait, laissant Raiponce aux prises avec une foule qui, tenue en laisse par la princesse, semblait s’agiter en s’apercevant qu’il se produisait un changement inquiétant et certainement pas désiré. Les gardes eux-mêmes étaient visiblement pris d’une anxiété grandissante.
-Ce n’est pas en perdant notre calme que la situation s’arrangera, reprit Raiponce. Je peux vous assurer que tout rentrera bientôt dans l’ordre.
En réalité, la princesse n’en avait aucune idée. L’important était simplement de paraître sûre d’elle et de persuader la noblesse de ranger ses poignards et trahisons pour le moment. Anna allait arriver d’un instant à l’autre, songeait-t-elle, et elle pourrait prendre le relais pendant qu’on trouverait un moyen de retrouver la reine.
Eugène revint alors que son épouse allait reprendre. Il avait la mine grave, ses yeux d’ordinaire joyeux n’étaient qu’indécision et inquiétude. Il se pencha sur son épouse et lui murmura à l’oreille :
-Elsa a disparu en gelant tout derrière elle. De la neige a commencé à tomber, et le fjord est complètement givré. Les navires sont piégés dans la glace, nous sommes tous coincés ici.
Le ciel s’écroulait. Ebranlée, la princesse craint immédiatement le pire pour Pascal et Maximus, retournés sur leur navire, ainsi que pour l’équipage ; puis elle se rassura en songeant que ce n’était pas de la glace ou quelques flocons qui allaient les tuer, et qu’ils pourraient revenir au château sans danger. Des questions se soulevèrent immédiatement : comment retourner à Corona ? Combien de temps durerait cet hiver contre-nature ? Et comment diable pourrait-on y mettre un terme ? Mais la princesse sut ne rien laisser paraître, rendue experte par des années d’éducation politique, d’autant que les invités semblaient suspecter que quelque chose de grave était en train de se dérouler. L’un d’eux s’écria d’un ton accusateur « Ils nous cachent quelque chose ! », ce qui accentua la panique générale. Raiponce opta pour la vérité, puisqu’elle ne pourrait être dissimulée très longtemps de toute façon, et reprit rapidement le contrôle de la situation.
-Il semblerait que la reine ait temporairement déclenché une sorte d’hiver magique, et il pourrait être impossible de quitter le royaume pour le moment.
La révélation provoqua le retour d’un brouhaha chaotique, d’où toute velléité de tirer profit de la situation avait disparu : la crise n’était plus une opportunité, mais un véritable danger. Les ambitions n’étaient plus ; seul l’instinct de survie demeurait, et une peur maladive : aussi les gardes durent-ils hausser la voix pour maintenir l’ordre et faire taire la noblesse.
-Ne vous inquiétez pas, continua Raiponce d’un ton qu’elle voulut rendre le plus avenant possible. Le château vous accueillera le temps que vous puissiez rentrer chez vous, vous ne courez aucun danger. Tout sera aux frais de la couronne, bien entendu.
La princesse n’avait pas pu s’empêcher de laisser cette mauvaise surprise à Elsa en guise de représailles pour son attitude pour le moins déplaisante. Mais cela eut le mérite de rassurer quelque peu la foule, qui se détendit significativement, enfin. Ils se dispersèrent, se réunissant en petits groupes et permettant aux gardes de rengainer leurs armes et de retourner à leur poste. Raiponce poussa un soupir de soulagement, éprouvée, et se retourna vers Eugène.
-Est-ce que tu as vu Anna ? demanda-t-elle.
-Elle était en train de discuter avec Hans et Weselton, répondit Eugène.
-Charmante compagnie. Nous devrions la rejoindre, maintenant que la situation est sous contrôle ici.
Ils ressortirent donc du château, arrivant au sommet du petit escalier surplombant la cour. Raiponce grelotta en ressentant la morsure du froid ; l’hiver était bel et bien arrivé en ce soir d’été, et des flocons tombaient silencieusement sur les pavés de la cour du château. Le bruit d’une cavalcade s’éloignant lui parvenait faiblement, et Raiponce n’eut que le temps d’apercevoir une femme, juchée sur un cheval blanc et dont la cape verte flottait au vent disparaître derrière les portes ouvrant sur le village. Tous les regards étaient tournés vers elle, en particulier ceux de Hans, et de Weselton et de ses gardes, situés en contrebas. Raiponce les rejoignit, inquiète de ne pas voir sa cousine.
-Où est Anna ? s’enquit-elle.
La reconnaissant, Weselton ouvrit la bouche, semblant prêt à l’invectiver pour une raison ou une autre, mais eut l’air de se souvenir qu’elle pouvait à tout instant dénoncer sa tentative d’obtenir illégalement les richesses d’Arendelle, et ne dit rien.
-La princesse est partie à la recherche de sa sœur, révéla Hans. Elle m’a laissé à la tête du royaume en attendant son retour.
On aurait cru que cela n’en finirait jamais : au moment où la princesse imaginait que la situation ne pouvait pas empirer, elle était sévèrement détrompée. Anna n’était plus là, peut-être en danger, et elle avait livré Arendelle aux griffes d’un homme aux motivations plus que douteuses.
-Quelle tristesse, persifla Eugène. Une telle responsabilité doit vous peser terriblement.
Le prince ne releva pas le sarcasme, répondant d’un ton toujours aussi respectueux.
-En effet. J’espère me montrer à la hauteur de la tâche.
-Mais attendez une minute, intervint Raiponce, vous me dites qu’Anna est partie seule à la recherche de sa sœur ?
-En effet, confirma le prince. Elle voulait que je reste pour m’occuper d’Arendelle.
-Mais elle aurait pu au moins être escortée ! Elle n’a pas quitté le château depuis treize ans et ne connaît absolument pas la région. A-t-elle des provisions, ou des vêtements chauds ?
-Je ne crois pas, admit Hans avec un air contrit. La princesse a pris rapidement la décision de partir, je n’ai pas vraiment réfléchi à la question.
-Avez-vous perdu l’esprit ? s’insurgea Raiponce. Vous l’avez laissée partir seule, dans une nuit glaciale, sans vêtements chauds, sans guide, sans itinéraire, sans expérience, sans provisions et sans moyen de se défendre ?
Pendant un instant très bref, Raiponce repéra une lueur d’agacement dans les yeux verts du prince. Ce dernier le dissimula néanmoins parfaitement dans sa réponse.
-Je comprends votre réaction. Mais il n’y a pas d’inquiétude à avoir, je suis persuadé que la princesse reviendra d’ici demain avec Sa Majesté.
Mais le prince s’était trahi par sa réaction et son comportement : un homme amoureux ne laisserait jamais la femme qu’il aime prendre de tels risques pour une mission si hasardeuse. C’était désormais évident : Hans se jouait d’Anna, et cherchait à les manipuler eux aussi, peut-être pour obtenir le pouvoir, que la princesse lui avait bien obligeamment confié avant de partir. Ce fut au moment de cette réalisation que Raiponce vit un homme s’approcher d’eux. Il devait avoir la soixantaine, et ses cheveux étaient d’un blond cendré, impeccablement coiffés en arrière. L’homme portait une élégante veste verte ornée du motif du crocus, qui était le symbole d’Arendelle. Son regard d’un bleu profond était intense et pénétrant, et donnait à ceux qu’il fixait un certain sentiment de malaise, comme s’ils étaient attentivement scrutés. Raiponce reconnut instantanément Magnus, le Premier Ministre du royaume.
-Altesses, dit-il en courbant l’échine devant Hans et la jeune femme. Messieurs. Je suis le Premier Ministre d’Arendelle. J’ai appris que la soirée s’était terminée plus tôt que prévu ?
Sa voix avait des sonorités douces et agréables, malgré son âge avancé. Raiponce lui trouvait un air rassurant, et le considérait digne de confiance, depuis leur première et unique rencontre lors de son premier séjour à Arendelle.
-Je suis ravi de vous rencontrer, monsieur le Premier Ministre, affirma Hans.
Il raconta à Magnus les événements de la soirée. Le Premier Ministre n’avait pas l’air surpris et hochait la tête avec attention.
-Cela confirme les informations que j’ai reçues. Je n’étais bien sûr pas au courant de l’existence des pouvoirs de la reine. Je regrette de ne pas avoir pu être présent auprès d’elle, les choses se seraient certainement déroulées différemment.
-Je crois me souvenir que vous faisiez un voyage d’affaires, intervint Raiponce.
-Cela est vrai, confirma Magnus. Je revenais d’un voyage effectué dans le cadre de mes fonctions, durant lequel j’ai mené des négociations commerciales au nom d’Arendelle avec le roi des Français Louis-Philippe. Mon navire approchait des quais quand l’hiver s’est abattu sur le royaume, et j’ai dû terminer le trajet à pied.
-J’espère que mon statut de régent ne vous dérange pas, s’inquiéta le prince. Si la Princesse Anna avait su que vous alliez revenir avant qu’elle ne parte à la recherche de la reine, elle vous aurait sans doute confié la régence.
-Prince Hans, répondit Magnus, je comprends tout à fait la décision de la princesse que je connais comme ma fille. Je vous aiderai du mieux que je peux durant cette crise.
Hans eut l’air soulagé de la réaction du Premier Ministre, et sourit franchement.
-Je vous remercie, monsieur.
Un autre homme s’approcha alors du groupe ; ce n’était autre qu’Heinrich. Il jeta un regard ironique à Weselton, qui avait le regard fuyant et maugréait quelques mots incompréhensibles, puis se tourna vers les quatre autres personnes présentes.
-Ravi de vous revoir. Belle soirée, n’est-ce pas ? plaisanta-t-il.
-Excusez-moi, l’interrompit Hans. Je crains de ne pas vous avoir été présenté.
-Moi de même, mentit vivement Weselton.
-C’est un ami à nous, expliqua Raiponce, Heinrich. Heinrich, voici le Prince Hans des Îles du Sud, le Premier Ministre Magnus, et… le Duc de Weselton.
-Ho ho, tout le gratin est là, à ce que je vois, répondit Heinrich. Enchanté de vous rencontrer.
Il serra vigoureusement la main de Hans et de Magnus, puis celle de Weselton. Ce dernier trépigna nerveusement, reculant derrière ses gardes.
-Ravi. Mais je vais prendre congé, si vous me le permettez, ce froid est insupportable, et il me reste à trouver une chambre pour la nuit.
Il fila sans un mot supplémentaire, peu attiré par l’idée de se voir dénoncé. La princesse se rappela qu’elle avait promis de parler du cas d’Heinrich à Anna.
-Je suis désolée Heinrich, s’excusa Raiponce, mais avec tout ce qu’il s’est passé, je n’ai pas pu demander à la princesse de vous trouver un travail. J’espère que vous ne m’en voulez pas.
-Je m’en doutais un peu, vu la situation, répondit Heinrich.
-De quoi parlez-vous ? s’intéressa Hans.
-Je suis plus ou moins à la rue et sans emploi, expliqua l’autre homme, alors la Princesse Raiponce m’a proposé d’en parler à sa cousine.
Hans détailla Heinrich du regard, observant sa forte musculature.
-Je n’ai certes pas la légitimité de la souveraine, mais je pense rester dans mes prérogatives de régent en vous donnant un travail de terrain. Venez au château, nous verrons plus précisément demain quelle responsabilité je pourrais vous confier.
-Bonne initiative, approuva le Premier Ministre. Une paire de bras supplémentaire ne sera pas de trop.
La mâchoire d’Heinrich se décrocha de surprise, car le jeune homme après des années de rejet et de mépris de la part de la société s’attendait certainement à une énième rebuffade.
-Je… Vous êtes sûr de vous ? Merci alors. Je ne vous décevrai pas, je vous le jure.
-Je n’en doute pas, répondit noblement Hans. Allez demander une chambre au personnel, nous n’allons pas vous laisser dormir dehors par ce froid.
L’air toujours aussi sonné, Heinrich s’en fut vers l’intérieur du château, laissant une inquiétude poindre dans le cœur de Raiponce : si Hans se constituait une sorte de garde rapprochée, il pourrait rapidement asseoir son pouvoir durant l’absence d’Elsa et d’Anna.
-Prince Hans, fit Magnus. Je pense que nous devrions nous mettre au travail. Il y a du pain sur la planche.
-Vous avez raison, monsieur le Premier Ministre, répondit Hans. A présent, si vous voulez bien nous devons nous assurer que la population se porte bien.
Ils se retirèrent et Eugène et Raiponce se retrouvèrent seuls au pied des marches.
-Quel opportuniste, soupira Eugène. Même dans un moment pareil, il trouve le moyen de s’adapter et d’en profiter pour prendre le pouvoir.
-J’aurais dû t’écouter depuis le début, se désola Raiponce. Dire que je l’ai jeté dans les bras d’Anna et les ai poussés à demander à Elsa sa bénédiction…
-Tu n’es pas responsable de ce qui s’est produit. C’était totalement imprévisible. Même Anna ignorait que sa sœur possédait de tels pouvoirs.
-Mais je savais qu’Elsa serait poussée à bout. Je comptais dessus pour qu’elle refuse le mariage de sa sœur.
Quelle imbécile elle avait été ! Elle enrageait d’avoir aggravé davantage encore la situation.
-Tu pensais bien faire, la réconforta Eugène. Et ça aurait marché si Elsa n’avait pas gardé un petit secret dont on se serait tous bien passé.
-C’est vrai, concéda Raiponce. Néanmoins, je reste toujours la cause de cette catastrophe, et c’est à moi de la réparer.
-Que comptes-tu faire ?
-Comme je ne sais pas où Anna a pu se rendre et qu’elle devrait rentrer rapidement si tout se passe bien, je pense que nous serons d’une plus grande utilité ici, à Arendelle. Je me méfie de ce que Hans pourrait faire si personne n’est là pour contrebalancer son pouvoir. Le surveiller ne serait pas une mauvaise idée. Il faudrait également nous assurer le soutien de Magnus, dont le poids politique est très important ici.
-Je suis d’accord, approuva Eugène. Après une bonne nuit de sommeil par contre. La journée a été plutôt éreintante. Et moi qui pensais que tout se passerait bien !
En effet, il n’aurait pas plus pu se tromper : la journée censée être festive avait pris un tour bien plus sombre et un hiver impitoyable s’était imposé à la place de l’été splendide qui régnait jusqu’alors. Raiponce avait vu se réveiller ses pires craintes, et la culpabilité déraisonnée qu’elle avait enfoui à l’intérieur d’elle-même avait ressurgi pour mieux la tourmenter, lui promettant de ne jamais plus lui laisser de repos tant qu’elle n’aurait pas tout sacrifié pour sauver Anna et le royaume des ambitions mauvaises du Prince Hans.
Les jours à venir s’annonçaient sombres.
___
Voilà pour cette première partie qui clôt la première journée de cette histoire ! La suite reprendra le lendemain matin, et toute la deuxième partie et un gros morceau de la troisième se dérouleront entièrement dans l'ellipse située entre la scène du départ d'Anna (auquel nous avons brièvement assisté) et celle où Hans distribue des vêtements à la population. J'ai donc imaginé entièrement cette partie sans me reposer sur les scènes du film comme je l'ai fait jusqu'à présent, puisque nous ignorons ce qu'il s'est produit à Arendelle durant cet intervalle de temps.
- Samantha Frost
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Jeu 18 Jan 2018, 11:41
Je l'attendais cet hiver éternel xD Tu devrai franchement écrire une suite au film, je suis sûre que ça serait splendide
Il y a juste une petite chose qui me démange un peu depuis le début de l'histoire ;
C'est très bien écrit et tout, mais parfois j'ai du mal à faire la différence entre ce que le personnage dit et la narration (Je sais pas comment ça s'appelle xD) C'est pas régulier donc ça va, mais par moment comme ici c'est compliqué à distinguer
J'ai hâte de voir ce que tu as inventé pendant cet ellipse de temps, et j'ai hâte de lire la suite !
Il y a juste une petite chose qui me démange un peu depuis le début de l'histoire ;
Voldago a écrit:-La princesse est partie à la recherche de sa sœur, révéla Hans. Elle m’a laissé à la tête du royaume en attendant son retour.
On aurait cru que cela n’en finirait jamais : au moment où la princesse imaginait que la situation ne pouvait pas empirer, elle était sévèrement détrompée. Anna n’était plus là, peut-être en danger, et elle avait livré Arendelle aux griffes d’un homme aux motivations plus que douteuses.
C'est très bien écrit et tout, mais parfois j'ai du mal à faire la différence entre ce que le personnage dit et la narration (Je sais pas comment ça s'appelle xD) C'est pas régulier donc ça va, mais par moment comme ici c'est compliqué à distinguer
J'ai hâte de voir ce que tu as inventé pendant cet ellipse de temps, et j'ai hâte de lire la suite !
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Jeu 18 Jan 2018, 17:55
Samantha Frost a écrit:Je l'attendais cet hiver éternel xD Tu devrai franchement écrire une suite au film, je suis sûre que ça serait splendide
Il y a juste une petite chose qui me démange un peu depuis le début de l'histoire ;Voldago a écrit:-La princesse est partie à la recherche de sa sœur, révéla Hans. Elle m’a laissé à la tête du royaume en attendant son retour.
On aurait cru que cela n’en finirait jamais : au moment où la princesse imaginait que la situation ne pouvait pas empirer, elle était sévèrement détrompée. Anna n’était plus là, peut-être en danger, et elle avait livré Arendelle aux griffes d’un homme aux motivations plus que douteuses.
C'est très bien écrit et tout, mais parfois j'ai du mal à faire la différence entre ce que le personnage dit et la narration (Je sais pas comment ça s'appelle xD) C'est pas régulier donc ça va, mais par moment comme ici c'est compliqué à distinguer
J'ai hâte de voir ce que tu as inventé pendant cet ellipse de temps, et j'ai hâte de lire la suite !
Merci pour ces compliments , mais pour la suite du film va falloir attendre un moment, en ce moment j'écris mon premier vrai bouquin et il me reste encore beaucoup de travail !
Alors pour les pensées, les paroles et la narration, c'est vrai que c'est parfois un peu confus
Quand il y a une virgule au milieu d'une réplique, quand je reviens à la narration c'est uniquement pour préciser qui parle et parfois la façon dont il le dit ; après la virgule suivante, le dialogue reprend. Quand je vais à la ligne, la réplique est terminée. Les pensées de Raiponce sont en italique, et le reste est uniquement de la narration. Des fois, j'utilise un style indirect pour exprimer un ressenti général sans qu'il s'agisse des paroles du narrateur, mais c'est souvent sous la forme d'exclamations isolées ou de questions rhétoriques. Pour le passage que tu as cité, ça donne ça :
-La princesse est partie à la recherche de sa sœur, révéla Hans. Elle m’a laissé à la tête du royaume en attendant son retour.
On aurait cru que cela n’en finirait jamais : au moment où la princesse imaginait que la situation ne pouvait pas empirer, elle était sévèrement détrompée. Anna n’était plus là, peut-être en danger, et elle avait livré Arendelle aux griffes d’un homme aux motivations plus que douteuses.
J'ai mis en gras les paroles des personnages et j'ai souligné la narration
Voilà, si tu as d'autres remarques, n'hésite pas !
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Dim 21 Jan 2018, 23:23
Chapitre 6 : Le projet du régent
Il n’y avait rien d’autre que de l’obscurité. Partout, où qu’elle regardait, seules les ténèbres les plus profondes se présentaient. Le cœur courageux de Raiponce lui-même menaçait de faillir, alors qu’elle se pensait perdue à jamais dans cet abysse cruel. Avançant à tâtons dans le noir, elle ne trouvait rien pour se raccrocher ou se repérer, et elle se mit à appeler à l’aide dans une tentative désespérée de sortir de ce Tartare qui abritait le pire tourment de tous : le néant. Mais de sa bouche aucun son ne sortait, et l’on n’entendait que le silence, silence, silence…
Des éternités passèrent, et celui-ci fut enfin brisé ; mais pas comme la princesse l’aurait souhaité. La voix qu’elle entendit, féminine et théâtrale, elle ne la reconnut que trop bien.
-Je t’ai manquée, ma petite fleur ? demanda Gothel.
Sa voix semblait surgir tout autour de la princesse, et de nulle part à la fois, venant de l’intérieur et de l’extérieur de sa tête, et elle se répétait plusieurs fois, distordue et affaiblie. Non, ce n’est pas possible. Vous êtes morte.
-Pas tant que tu penseras à moi, ma chérie, la réfuta Gothel qui semblait lire dans les pensées de la princesse. Pensais-tu qu’il te suffirait d’assassiner ta mère pour qu’elle disparaisse à jamais ?
Vous n’êtes pas ma mère. Vous m’avez enlevée à ma véritable mère, et à mon père… Ce n’était pas réel, cela ne pouvait pas être réel.
-Quelle ingratitude ! ironisa la femme. Ne t’ai-je pas nourrie, protégée, aimée pendant dix-huit ans ? Et pourtant, cela ne t’a pas empêchée de trahir ma confiance, me quitter et me laisser pour morte !
Nous n’avions pas le choix… Eugène ne pouvait pas me laisser être votre esclave pour l’éternité.
-Laisse ton voleur de mari en dehors de ça. Toi et moi savons parfaitement qui est responsable, jeune fille. C’est pour toi, à cause de toi qu’il m’a tuée. Comme c’est à cause de toi que ton oncle et ta tante sont morts, à cause de toi que ta cousine a du s’enfuir de son propre royaume, à cause de toi que ta chère Anna perdra la vie en tentant de la retrouver, à cause de toi qu’Arendelle est plongée dans un hiver éternel et que tous ses habitants tomberont dans un sommeil de glace dont jamais ils ne se réveilleront ! Tout cela, par ta faute. Tu ne fais que semer la mort pour tous ceux qui te sont chers.
Non ! Vous mentez… Je n’ai rien fait de mal… La jeune femme perdait pied, son désarroi était immense et sa culpabilité insoutenable.
-Tu peux dissimuler la vérité à ton Eugène… Peut-être même à ton royaume. Mais tu ne peux pas la dissimuler à toi-même, ni à moi. Tu ne peux pas changer le fait que tu es une meurtrière.
Ce dernier mot se répéta encore et encore, gagnant en puissance et en cruauté, assourdissant Raiponce à lui en faire saigner les oreilles, tandis qu’elle se sentait de plus en plus oppressée et que l’obscurité paraissait se refermer sur elle. Elle se sentit soudainement comprimée par une chape de glace, qui lui causa une douleur infinie pendant un instant, et d’un coup, tout cessa.
Les ténèbres disparurent brusquement, laissant place à un plafond aux reflets rosés, recouverts de peintures aux couleurs chatoyantes. Raiponce, étendue sur un matelas moelleux et recouverte de draps bleus, se redressa vivement. Cela n’avait été qu’un cauchemar. La princesse en soupira de soulagement : il n’y avait rien à craindre. Elle écarta ses couvertures et s’assit sur son lit, faisant machinalement glisser ses doigts dans ses longs cheveux blonds. Ses longs quoi ?
Raiponce se leva d’un bond, regardant avec effroi son interminable chevelure descendant de sa tête et roulée en boule au pied de son lit. Elle reconnut alors immédiatement la chambre où elle se trouvait : il s’agissait sans aucun doute de celle de sa tour. La princesse se précipita à l’extérieur de sa chambre en écartant les épais rideaux qui tombaient devant l’ouverture, prise d’un doute terrible : et si le rêve avait été de s’imaginer sortie de sa tour, et que rien de tout ce qui lui était arrivé depuis toutes ces années n’avait eu lieu, qu’Eugène –elle n’osait y penser- n’existait même pas ? Elle dévala à toute vitesse l’escalier en colimaçon qui menait à la salle principale de sa tour, dont elle ne pouvait nier s’y trouver. Celle-ci était identique à ce qu’elle avait toujours été : ses murs recouverts de la peinture que la jeune femme avait artistiquement utilisé pour illuminer sa prison, sa cheminée remplie de bois sec, son placard bleu où Raiponce avait rangé tous ses trésors les plus précieux… Et son absence d’ouverture sur le monde extérieur. Les seules fenêtres étaient masquées par des rideaux, ou ne montraient qu’une obscurité inquiétante derrière leurs vitres sombres.
Le cœur de la jeune femme cognait durement contre sa poitrine, comme en écho à Raiponce dont le seul besoin était de sortir au plus vite de cette prison, quel que soit ce qui l’attendait dehors. Les volets qui lui avaient permis depuis son enfance d’avoir un minuscule aperçu de ce qui se trouvait au-delà de sa tour, minuscule aperçu qui l’avait pourtant appelée et torturée pendant près de deux décennies, se trouvaient eux aussi fermés. Sans hésiter, la jeune femme fut sur eux en un bond, et les poussa de toutes ses forces. Alors qu’elle luttait pour ouvrir le seul obstacle qui la séparait de sa liberté, il céda finalement, les volets s’ouvrant violemment. Raiponce aurait été emportée par son propre élan et aurait pu chuter du haut de sa tour, si elle n’avait été frappée avec la force d’un gigantesque coup de poing et projetée en arrière par une immense vague qui se déversait à l’intérieur dans un bruit apocalyptique. Raiponce, pataugeant dans l’eau dont le niveau augmentait de façon très préoccupante, ne se releva qu’avec une grande difficulté, et tentait en vain de retourner vers l’escalier pour échapper à la marée montante. Puis, entendant des grondements inquiétants, la princesse comprit que le toit de sa tour était en train de céder sous une masse impitoyable : tout le bâtiment était submergé sous l’océan.
Ses pensées perdaient de leur clarté, et Raiponce ne savait plus ce qu’elle faisait : guidée par son seul instinct de survie, elle parvint, lentement mais sûrement, à se rapprocher de l’ouverture qui lui permettrait peut-être de quitter sa tour et de remonter à la surface, en s’accrochant à divers objets accrochés aux murs pour ne pas être entrainée par le courant. Elle parvint au niveau des volets ouverts, qui étaient à présent submergés sous les flots. Elle retint sa respiration, et plongea, les yeux grands ouverts. Mais la force du courant était trop forte pour qu’elle puisse quitter sa tour, et toutes ses forces ne purent que lui permettre que de s’accrocher au rebord de sa fenêtre. Elle regarda avec désespoir l’extérieur de sa tour, et d’autre qu’un océan sans fond et sans issue n’existait qu’un navire dont les couleurs de l’étendard étaient celles d’Arendelle, brisé en deux parties qui s’enfonçaient lentement dans les abysses infinies d’un océan de tourments. Bientôt, Raiponce se mit à suffoquer tandis qu’une obscurité sans nom envahissait tout autour d’elle et qu’elle se sentait s’enfoncer finalement dans les bras de Thanatos, refusant de lutter plus longtemps contre une culpabilité impossible à surmonter.
Et la princesse se réveilla.
Passée une période de confusion brumeuse, cette fois, il n’y avait plus de doute à avoir, c’était bel et bien la réalité : comme l’incertitude accompagne toujours le rêve, l’absence totale de doute est caractéristique d’une réalité indéniable. La princesse se trouvait bien dans un lit aux couvertures bleues, mais ce n’était pas celui de sa tour : elle, Eugène et son caméléon Pascal avaient dormi dans l’ancienne chambre du roi et de la reine d’Arendelle. Après s’être assurés que Pascal, Maximus et leur équipage se portaient bien et avoir laissé le fier étalon dans l’écurie, Eugène et elle s’étaient rendus à l’intérieur du château pour trouver une chambre où dormir, le navire n’étant pas une option compte tenu des conditions climatiques. Leurs liens avec la famille régnante leur avait permis d’accéder à nulle autre que la chambre royale, inoccupée depuis la mort des souverains, et ils n’avaient bien sûr pas protesté, rompus de fatigue et désireux de prendre une bonne nuit de repos. Mais dormir dans la chambre royale n’avait pas été sans accentuer la détresse de la jeune femme, et était sans doute lié à ses tourments nocturnes. Les yeux ensommeillés, la princesse dégagea doucement ses couvertures pour ne pas réveiller Eugène et posa les pieds au sol. Son caméléon, éveillé lui aussi, se percha sur son épaule.
-Je suis désolé, vous ai-je réveillée ?
La personne qui avait parlé était un jeune homme qui portait une chemise à boutons d’un vert sombre, et un foulard-cravate blanc. C’était l’habit des domestiques du château. Le jeune homme se tenait dans l’entrebâillement de la porte d’entrée de la chambre.
-Non, vous n’y êtes pour rien, assura Raiponce. Qu’y a-t-il ?
-Le petit-déjeuner est servi dans la salle à manger du château, au rez-de-chaussée.
-Bien. Je vous remercie de m’en avoir informée, répondit la princesse.
-Je vous en prie.
Le serviteur fit un mouvement pour quitter la pièce et refermait déjà la porte, mais il parut revenir sur sa décision et lança :
-Drôle de soirée, n’est-ce pas ?
-Je ne vous le fais pas dire, soupira Raiponce. Difficile d’imaginer pire.
-C’est sûr. Je ne voudrais pas être à votre place. Déjà, vous vous sentiez responsable de la mort de la famille royale ; et à présent, de la fuite de la reine. Le royaume est laissé à la merci d’un sociopathe prêt à tout pour obtenir le pouvoir. Je me demande jusqu’où vous seriez prête à aller pour l’en empêcher… En tout cas, je vous souhaite bien du courage.
Il fit un clin d’œil à Raiponce et referma la porte sans un mot de plus. Perplexe et sonnée, la princesse se demanda quelques secondes comment ce serviteur pouvait savoir ce qu’elle ressentait et son opinion sur le Prince Hans. Il lui semblait que sa voix était familière ; et elle se rappela qu’il s’agissait du même jeune homme à qui elle avait parlé la veille, dans sa cabine, le matin de son arrivée à Arendelle. Il s’était alors fait passer pour un matelot. Etrange. Je ferais mieux de rester sur mes gardes. Sur cette pensée, Raiponce se leva de son lit. Elle ne voulut pas s’attarder sur la signification du cauchemar qu’elle avait fait avant l’arrivée de l’inconnu, et songea qu’elle devrait prendre son petit-déjeuner. Elle ouvrit l’un des placards en bois de la chambre pour enfiler des vêtements chauds et de couleur rose, ainsi que des chaussures fourrées assorties : la princesse avait eu la prévoyance d’amener des vêtements d’hiver au cas où, qui avaient été transportés dans la chambre après la soirée en même temps que leurs bagages. A sa gauche, trois portes fenêtres laissaient apparaître derrières leurs carreaux vitrés des montagnes ensevelies sous la neige, et l’océan qui jadis lui aurait permis de retourner à Corona, et qui était à présent gelé et recouvert d’une épaisse couche de neige, qui ne tombait cependant plus.
La princesse sortit de la chambre par la droite, refermant discrètement la porte –Eugène lui ayant demandé avant de s’effondrer sur le lit de ne pas le réveiller et de prendre le petit-déjeuner sans lui-, puis entra dans un couloir après avoir tourné à droite au bout de quelques mètres. Elle se trouvait à proximité des chambres de ses cousines : une nouvelle bifurcation à droite la mènerait à celle d’Anna, occupée par Hans pour la nuit, ce que Raiponce était apparemment la seule avec Eugène à trouver particulièrement malsain. Un tapis rose orné d’élégants motifs reliait cette chambre à celle d’Elsa, accessible sur le mur à la gauche de Raiponce, à peine quelques mètres plus loin. La princesse désirant se rendre dans la salle à manger s’arrêta un moment devant la porte de la chambre d’Elsa. Alors que le reste de la décoration du château tendait vers des couleurs rouges et chaudes, les symboles peints sur cette porte s’apparentaient plus à des flocons d’une couleur bleutée, peut-être une référence discrète aux pouvoirs de la souveraine. Raiponce eut un pincement au cœur en imaginant les treize années que sa cousine Anna avait dû passer dans la solitude, maintenue à l’extérieur de la chambre et de la vie de sa sœur par cette porte à laquelle elle avait tant de fois frappé en espérant la faire revenir à elle, hélas en vain. C’était sans comprendre pourquoi sa sœur la rejetait qu’Anna avait passé son enfance et son adolescence, essayant chaque jour un peu moins de retrouver son amour, pour finir par ne plus que la caresser d’yeux embués de larmes.
A présent bien-sûr, tout était plus clair compte tenu des événements de la veille, et le danger dans lequel les pouvoirs d’Elsa mettaient sa sœur justifiait cette isolation, quoique Raiponce ne pouvait que songer avec regret qu’Elsa ne pourrait pas plus faire de mal à sa sœur qu’en la rejetant comme elle l’avait fait pendant tout ce temps, et que cela aurait pu la tuer aussi sûrement qu’avec un éclat de glace en plein cœur : l’amour d’une sœur valait bien un risque éphémère, qui aurait certainement disparu si Elsa s’était sentie acceptée et aimée.
La princesse bifurqua plusieurs fois dans l’étage, ignorant les somptueuses peintures et les murs rouges du fait de son humeur morose, et croisa plusieurs petits groupes de nobles à l’air sombre échanger des messes basses ; la révélation des pouvoirs de la reine, sa petite crise et l’hiver qui s’était installé avait légèrement gâté les festivités. Cela avait également chargé d’autant plus la conscience de Raiponce d’un sentiment de culpabilité cette fois fondé, car la princesse en était indirectement responsable en ayant incité Anna à agir imprudemment avec sa sœur, quoi qu’en dise Eugène. Le seul moyen de se défaire de ce sentiment était pour Raiponce clair : tout faire pour limiter les dégâts de cette erreur et empêcher Hans de nuire aux habitants d’Arendelle le temps qu’Anna revienne avec de bonnes nouvelles.
Un escalier la mena au rez-de-chaussée, d’où elle se dirigea vers la salle à manger. La pièce était assez spacieuse pour contenir trois tables et permettre à plus d’une centaine de personnes de consommer leur repas au même moment. Disposées sur toute la longueur de la pièce, elles se trouvaient sur d’élégants tapis pourpres, au-dessus du parquet de bois ciré, et les plats des invités étaient séparés d’une trentaine de centimètres chacun, car la bienséance était évidemment de mise quelles que soient les circonstances. La noblesse tenait à ses traditions, qui lui permettaient de garder une illusion de contrôle et d’ordre même dans une crise telle que celle qu’elle vivait actuellement. On ne pouvait deviner qu’il s’était passé quelque chose de terrible qu’à travers le silence éloquent qui pesait lourdement sur la salle : lorsque les émotions sont grandes, les cris sont légion ; lorsqu’elles sont immenses, la parole ne suffit plus.
La princesse lassée de la noblesse et de sa morosité songeait à petit-déjeuner avec les équipages des navires dont elle savait qu’ils prenaient leur repas dans la salle du trône, quand en fendant au hasard des yeux l’assemblée des invités installés devant leur repas elle croisa accidentellement le regard de Hans présidant la table centrale, et comprit qu’elle ne pouvait s’esquiver sans être remarquée, d’autant plus qu’elle aurait plus de chances de mieux appréhender les ambitions du prince si elle pouvait s’en rapprocher. La princesse rejoignit donc l’extrémité de la table à l’autre bout de la pièce, où se trouvait également les dignitaires étrangers et Weselton, selon un plan de table respectant l’ordre de préséance : après les places autour de Hans laissées vides pour Raiponce et son époux, le Premier Ministre et Weselton étaient les hommes les plus proches, respectivement à la droite et à la gauche de Hans, suivis des dignitaires français, allemand, irlandais et espagnol. La princesse se rapprocha de la chaise située entre Hans et le Premier Ministre, respectant l’étiquette sans enthousiasme. Les plats n’avaient pas encore été servis et les nobles n’avaient que des couverts en argent à leur disposition.
-Votre Altesse, c’est un honneur de vous avoir parmi nous, l’accueillirent galamment Hans et les autres dignitaires (avec plus ou moins de sincérité, Weselton ayant à peine maugréé) en se levant pour la saluer.
-Tout l’honneur est pour moi messieurs, répondit cordialement Raiponce en s’inclinant.
Elle prit place à table, invitant les autres à faire de même, et maudissant intérieurement son rang et son désir de se rapprocher de la noblesse pour obtenir davantage d’influence à Arendelle, afin de mieux la protéger, ce qui l’obligeait à supporter ces traditions archaïques et vides de sens.
-Je présume, que puisque vous êtes seule, votre époux ne nous rejoindra pas ? devina Hans.
Le prince avait troqué ses élégants habits pour une longue veste d’un bleu sombre, assez ressemblant à l’uniforme des gardes d’Arendelle.
-Il est indisposé, confirma Raiponce en déformant légèrement la vérité, ces émotions et cet hiver soudain l’ont vraiment épuisé. J’ai préféré le laisser se reposer et n’ai pas voulu le réveiller pour prendre le petit-déjeuner.
Par quels chemins devait-elle passer pour éviter de dire qu’il était trop paresseux pour se lever avant midi ! Mais les règles de la bienséance étaient ce qu’elles étaient.
-Vous avez bien fait, approuva Magnus. Il est vrai que la soirée d’hier a été très éprouvante.
-C’est peu dire, intervint le duc. La reine a failli tous nous tuer avec sa sorcellerie, et nous sommes encore en grand danger.
-C’était un accident, rappela fermement Hans, et ma fiancée la Princesse Anna est justement partie à la suite de la reine pour la persuader de faire revenir l’été, de son plein gré.
Weselton n’eut pas l’air convaincu par la capacité d’Anna de parvenir à sauver le royaume, émettant une interjection dubitative.
-Certes, mais nous devrions peut-être réfléchir à la possibilité que la Princesse Anna ne puisse pas raisonner la reine, et qu’il nous faudrait alors envoyer des hommes armés pour la convaincre de revenir…
Raiponce fut –à son grand désarroi- presque tentée par la proposition de Weselton, l’idée de ramener dans une cage la femme qui l’avait par deux fois humiliée et expulsée lui paraissant assez séduisante. De plus, son comportement imprévisible et incontrôlable laissait à penser que la persuader de revenir à Arendelle ne serait pas chose aisée. Mais elle se rappela à l’ordre : Elsa était sa cousine, et le duc n’était animé que par la peur et l’égoïsme. La princesse fut alors prise de colère en entendant ce nabot orgueilleux suggérer de faire prisonnière une femme terrorisée et incapable de contrôler des pouvoirs qu’elle avait trop longtemps dissimulés.
-La convaincre de revenir ? s’indigna virulemment Raiponce. Vous voulez dire la ramener de force ! Je vous rappelle que la Reine Elsa reste la souveraine légitime d’Arendelle, et je peux vous assurer qu’en tant que sa cousine et représentante du royaume de Corona, nous ne vous laisserons pas agresser l’un de nos plus proches alliés sans réagir. Me suis-je bien faite comprendre ?
Weselton affecta d’avoir l’air surpris, haussant les sourcils d’une manière presque comique. La perspective d’une guerre avec Corona n’avait pas l’air de l’enchanter et il battit aussitôt en retraite.
-Je ne suggérais absolument pas d’agresser la reine, tempéra-t-il. Je tiens bien évidemment à préserver les liens qui unissent Weselton à Corona et Arendelle, dont nous sommes un partenaire commercial privilégié.
Le duc se tut, ne défendant pas plus sa proposition d’appréhender Elsa, sans que Raiponce ne puisse être certaine qu’il ne reviendrait pas à la charge plus tard. L’escarmouche verbale avait été suivie avec intérêt par les invités alentours, sans que quiconque n’ose dire un mot. Mais nul doute que la même idée que celle de Weselton s’était déjà frayée un chemin dans les cœurs et les esprits de la noblesse qui, craignant pour sa vie, se trouvait facilement réduite à des extrémités qu’elle jugerait autrement odieuses et inacceptables. Nous ne pouvons pas porter un jugement trop dur sur eux : l’instinct naturel qui est de sauver sa vie en priorité est commandé par quelque chose de plus grand et plus ancien que nous, contre lequel nous ne pouvons lutter qu’avec notre humanité. Et l’humanité s’oublie rapidement quand un individu est confronté à la possibilité de son propre trépas…
-Etant donné l’absence du prince Eugène, reprit Hans en occultant l’altercation, je pense qu’il n’y aura pas de mal à ce qu’Heinrich prenne sa place en face de vous, Votre Altesse.
-Heinrich ? s’étonna Raiponce. J’ignorais qu’il allait nous rejoindre.
Il y avait un monde entre le vol auquel il s’adonnait encore la veille et les nuits passées dans les rues, et le château où il avait dormi cette nuit, ainsi que la place d’honneur qui lui était offerte à la table de la noblesse. Les crises et le chaos sont ainsi faits, donnant plus souvent que d’ordinaire l’occasion aux personnes de basse naissance de montrer leurs talents et leur valeur.
-Le prince voulait qu’il soit présent pour présenter son projet destiné à assurer la sécurité des citoyens d’Arendelle pendant cette période de crise, révéla Magnus.
-Je pense que ce projet vous plaira, fit Hans. Mais je fournirai davantage de précisions lorsqu’Heinrich sera arrivé, il ne devrait plus tarder à présent.
Ce « projet destiné à la sécurité des citoyens d’Arendelle » n’était pas de bon augure pour Raiponce, qui y devinait la genèse d’un Etat autoritaire. Mais quand la reine serait-elle donc de retour ? La princesse soupçonnait que Hans cherchait à accroître son pouvoir en manipulant Heinrich et en faisant de lui son homme de main. C’est donc avec l’esprit inquiet qu’elle vit s’approcher d’eux le jeune homme, méconnaissable de par ses habits propres et neufs : il portait un uniforme marron et était ceint d’une ceinture sombre au-dessus de la taille. Ses cheveux blonds avaient été coupés et soigneusement peignés, lui donnant un air plus avenant. Le plus grand changement était l’épée accrochée à sa ceinture, au pommeau noir et à la poignée de bois, rentrée à l’intérieur de son fourreau. Il s’arrêta à hauteur du dignitaire irlandais, de l’autre côté de la table, un air appréhensif marquant son visage alors qu’il semblait hésiter sur la place qui lui était attribuée.
-Rapprochez-vous, Heinrich, le héla Hans. Vous pouvez prendre la place du prince Eugène. Nous parlions justement de vous.
Heinrich s’assit face à Raiponce, joignant ses mains avec nervosité.
-J’ai demandé à Heinrich de prendre la tête d’une milice composée de civils, qui soulagera la garde de certains de ses devoirs en venant directement en aide à la population pour régler les différends, distribuer de la nourriture et des vêtements aux citoyens dans le besoin, ce genre de choses. La garde pourra ainsi se concentrer sur le maintien de l’ordre et la défense du territoire, et recevoir un soutien armé de la milice en cas de besoin. Heinrich a déjà été informé des horaires des rondes, et on lui a fait visiter l’ensemble du château : il a donc les bases nécessaires à son action.
-Excellente initiative, approuva le dignitaire espagnol. La Princesse Anna a eu raison de vous confier la régence durant son absence.
-Il me semble imprudent de confier des armes à la populace, objecta Weselton. Comment pourrions-nous leur faire confiance dans cette période de crise ? Cette milice pourrait se retourner contre nous.
-Je suis persuadé que la population d’Arendelle se montrera responsable, intervint l’ambassadeur français. Ceux choisis pour rentrer dans la milice seront certainement à la hauteur de leurs devoirs.
C’était un homme à la corpulence fine, possédant une barbe et des cheveux noirs mi-longs. L’ambassadeur irlandais, un homme jeune aux cheveux blonds, semblait quant à lui partagé.
-Je ne doute pas des bonnes intentions du Prince Hans, dit-il, mais il s’agit d’une décision d’importance et je ne suis pas sûr que la Princesse Anna et la Reine Elsa l’approuveront une fois qu’elles seront de retour.
Face au dignitaire espagnol, du côté gauche de la table, le dernier ambassadeur se joignit au débat, un homme roux au visage large qui était allemand.
-La princesse et la reine ne sont pas là, et c’est au Prince Hans de diriger Arendelle en leur absence. Elles comprendront sans doute qu’il devait prendre des mesures audacieuses afin de protéger le royaume du chaos.
-Je connais bien la famille royale, appuya Magnus. Je suis certain de pouvoir leur expliquer les raisons des mesures prises par le Prince Hans.
Ce dernier dirigea son regard sur Raiponce.
-Je souhaiterais avoir votre avis aussi, Votre Altesse, demanda-t-il. Que pensez-vous de cette proposition ? Vous savez que protéger Arendelle est ma seule ambition, et que c’est la charge qui m’a été conférée par la Princesse Anna elle-même.
La jeune femme, qui n’avait pas dit un mot et réfléchissait profondément à la chose, hésitait. Sa défiance à l’égard du prince la poussait instinctivement à rejeter ses décisions de manière systématique. Mais la situation était trop complexe pour être ainsi balayée : Raiponce avait plusieurs raisons de ne pas montrer trop d’hostilité à Hans et à son projet. La première était qu’elle risquerait de s’aliéner le jeune homme et d’être écartée des prises de décision, perdant son meilleur moyen de garder un œil sur Hans. La raison lui commandait également de ne pas, en se montrant trop hâtive, refuser une mesure qui pourrait s’avérer bénéfique : l’admettre avait beau lui en coûter, il en restait que Raiponce ne pouvait nier que la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvait Arendelle pouvait justifier la mise en place d’une milice sans attendre l’accord de la souveraine. Et puis, elle ne pouvait tout de même pas faire perdre à Heinrich le premier emploi honnête qu’il ait eu de toute sa vie. Cependant, le problème restait le même : que l’initiative soit louable ou non, les intentions de Hans en demeuraient mauvaises et cette milice servirait ses plans. La princesse opta donc pour un compromis en attendant de pouvoir réfléchir davantage sur la situation et de pouvoir parler seule à seule avec Heinrich pour lui révéler ses soupçons sur le prince.
-Je pense que, s’agissant d’un changement drastique dans les institutions d’Arendelle, la tempérance est de rigueur. Cette milice pourrait être d’une grande aide dans cette période de crise ; mais avant qu’elle ne soit mise en place, un essai à plus petite échelle pourrait permettre d’évaluer son efficacité. Puisque Heinrich est destiné à en prendre la tête, je propose qu’il aille pendant la journée à la rencontre des habitants pour leur offrir son aide, et qu’il revienne ce soir dans la salle du conseil où nous serions réunis pour décider d’adopter ou non le projet en fonction des premiers résultats obtenus.
Raiponce ressentit une certaine fierté après son argumentation implacable, et le plaisir d’avoir pu mettre à profit ses nombreuses, très nombreuses leçons de politique la préparant à son futur règne en tant que souveraine de Corona. La plus importante avait été sans conteste de ne jamais dévoiler entièrement ses motivations et de toujours prendre des chemins détournés pour arriver à ses fins. De cette manière, elle pouvait s’assurer que ses opposants accepteraient ses propositions en croyant servir leurs propres intérêts, alors qu’ils tombaient en réalité dans un piège savamment préparé. La jeune femme, de nature bonne et compatissante, rechignait parfois à la tâche ; et elle préférait de toute façon affronter directement les injustices et les ennemis des siens ; mais elle devait avouer qu’une stratégie un peu plus retorse pouvait être nécessaire pour le bien de ses sujets et de ceux qu’elle aimait.
-C’est une idée intéressante, répondit Hans. Qu’en dites-vous, Heinrich ? Vous sentez-vous prêt à passer une journée seul au contact des habitants pour leur venir en aide ?
Le prince ne semblait n’avoir été nullement déconcerté par le compromis de Raiponce, comme s’il était assuré du succès de son entreprise. Heinrich n’en paraissait pas aussi certain, et montrait un visage légèrement tendu.
-Je ferais de mon mieux pour être à la hauteur de cet honneur, balbutia-t-il.
-A la bonne heure ! s’exclama Hans. Nous sommes tous d’accord dans ce cas ?
L’approbation fut cette fois générale, fut-ce par un léger murmure du côté de Weselton. Le débat cessa alors, et tous furent servis par plusieurs des domestiques du château. Pascal se servit dans l’assiette de Raiponce sans attendre, ce qui provoqua les rires des personnes présentes. Le petit-déjeuner à base de saumon fumé et de fromage fut délicieux, et la discussion s’étant portée sur des sujets plus légers, Raiponce en vint presque à oublier l’hiver glacial qui sévissait à l’extérieur. Une fois le repas terminé, chacun quitta la table et tous se saluèrent avant de partir chacun de leur côté, Raiponce accompagnant Heinrich car elle souhaitait toujours lui dire deux mots.
-Alors… commença-t-elle avec un sentiment d’appréhension. Jolie promotion, hein ?
La tension n’avait pas quitté les traits d’Heinrich. Il triturait nerveusement le pommeau de sa nouvelle épée, sans que jamais sa main ne le saisisse tout à fait. Le jeune homme ne semblait pas avoir tout à fait réalisé ce qui lui était arrivé ; la voix de Raiponce le sortit de son trouble.
-Hmmm ? Oh, oui, j’avoue que je ne m’y attendais pas trop. Le Prince Hans (on pouvait sentir dans sa voix toute l’estime qu’il lui portait, ce qui alarma Raiponce) est bien le premier à me faire confiance pour un boulot pareil. Prendre la tête d’une milice…
Il se tut, une étincelle de rêve ravivée dans son regard. Raiponce allait le relancer, essayer de mettre en doute les intentions du prince, quand elle se souvint que ce n’était pas la première fois qu’elle voyait cette étincelle : elle l’avait déjà vue la veille, briller dans les yeux d’Anna alors qu’elle accomplissait son plus grand rêve et pensait trouver l’amour de sa vie. Toute sa vie, Heinrich avait subi rejets, peurs, haines, mépris. Son désir de devenir un homme de bien respecté des autres s’était trouvé balayé par la méfiance de tous ceux qu’il avait côtoyés et qui avaient refusé de dépasser leurs préjugés pour donner sa chance à un homme de si basse condition. Alors il l’avait tu, recourant au vol pour survivre. Ce désir aurait peut-être disparu complètement s’il n’avait pas été ramené d’outre-tombe par l’intervention de Raiponce elle-même, lorsqu’elle lui avait de nouveau insufflé l’idée de trouver un travail respectable. Et Hans, comme il s’était engouffré dans les brèches d’Anna laissées par le rejet de sa sœur, avait une fois encore compris qu’il pouvait tirer profit de la souffrance d’autrui pour son propre compte et s’était précipité sur l’occasion pour recruter un soutien indéfectible. Pour Heinrich, il demeurerait l’homme qui l’avait tiré de la misère pour lui offrir tout ce dont il avait toujours rêvé ; jamais, jamais Raiponce ne parviendrait à le persuader du contraire. Et cela, la jeune femme le comprit très bien. Alors… Elle ne dit rien. Il lui restait une journée pour trouver le moyen de contrecarrer le projet de Hans, mais Heinrich ne pourrait pas y prendre part. Dorénavant, ce qui la peinait grandement, ce dernier serait un adversaire, voire une menace.
Ce fut donc silencieusement que les deux se dirigèrent vers le grand salon –ou la salle du trône-, reconverti dans l’urgence en salle à manger : plusieurs longues tables de bois y avaient été déplacées en pièces détachées et montées sur place, ainsi qu’une multitude de chaises, pour permettre aux équipages des navires coincés au royaume de déjeuner au chaud, la salle à manger habituelle n’étant pas assez grande pour les accueillir en plus des invités. L’ambiance y était chaleureuse et humaine ; des rires et des chants emplissaient la salle et résonnaient entre les murs de pierre. Ici, nulle nappe ni couverts d’argents n’avaient été disposées pour les hommes d’équipage ; mais cela ne semblait guère les contrarier, pas plus que le soudain hiver qui les avait contraint à quitter leur navire. Ils semblaient au contraire ravis de se retrouver accueillis dans l’enceinte du château, eux qui en tant que roturiers n’avaient jamais eu l’occasion de pénétrer à l’intérieur d’aucun palais de la région. Raiponce pressentait que leur insouciance ne pouvait être qu’éphémère, qu’elle prenne fin par un brusque retour à leur condition une fois l’été revenu ou d’une manière bien plus sinistre s’il s’avérait que l’hiver ne mourrait jamais.
Saluant au passage d’un signe les matelots qui les hélaient Heinrich et elle, Raiponce quitta la salle du trône et accompagna le jeune homme jusqu’aux portes du château. Heinrich posa ses mains sur la double porte et écarta lentement les deux battants ; la cour du château se dévoila à eux. Elle était entièrement ensevelie sous la neige, et pratiquement vide de toute présence humaine : à peine une poignée de braves allaient et venaient en dépit des conditions climatiques. Le contraste était saisissant avec le souvenir que la princesse avait d’une cour bondée d’habitants et de nobles qui n’en pouvaient plus d’excitation et de hâte de rencontrer la souveraine. Eh bien, la rencontre ne s’est pas déroulée comme prévue.
-Bonne chance pour ta première journée, souhaita Raiponce à Heinrich. Je suis sûre que tout se passera bien.
La jeune femme elle-même ignorait si c’était véritablement ce qu’elle désirait : son succès était inséparable de celui du prince. Mais son incertitude ne fut pas décelée par Heinrich, qui opina distraitement du chef, restant immobile devant le royaume qui s’ouvrait devant lui. Puis, il caressa doucement le pommeau de son épée, avant d’enfin la saisir fermement, une lueur de détermination brillant dans son regard. Il se tourna vers Raiponce, et un sourire assuré se dessina sur son visage.
-Je tenais à te remercier, Raiponce. C’est grâce à toi que j’en suis ici aujourd’hui. Si tu ne m’avais pas introduit auprès du Prince Hans, je serais sûrement en train de mourir de froid et de continuer de voler pour survivre.
Même si la princesse se serait bien passée de ce rappel désagréable, -non pas que Raiponce eut souhaité qu’Heinrich restât dans les rues- elle put répondre par un même sourire.
-Je n’ai rien fait de spécial, répondit-elle en voulant minimiser le plus possible son rôle dans cette affaire.
-Plus que tu ne le crois, fit Heinrich en descendant les marches qui menaient à la cour. Je comprends pourquoi Eugène a abandonné le vol ! Il a vraiment de la chance de t’avoir.
Le jeune homme lui adressa un dernier signe de la main, avant de se détourner et de marcher à grands pas en direction du nouveau monde qui s’offrait à lui, laissant Raiponce seule avec son désarroi. La princesse soupira, observant Heinrich s’éloigner en ne laissant derrière lui que ses empreintes sur le manteau blanc qui recouvrait le sol. Elle referma les portes.
-Votre Altesse, j’aimerais avoir un mot avec vous, si vous le permettez.
Magnus se tenait derrière la jeune femme. Raiponce afficha son sourire le plus avenant et répondit :
-Bien entendu monsieur, de quoi s’agit-il ?
-Je ne pense pas me tromper en affirmant que vous ne portez pas le Prince Hans dans votre cœur. Suis-je dans le faux ?
Avoir été percée à jour si facilement estomaqua Raiponce, qui ne sut quoi répondre : devait-elle avouer ou nier la vérité ?
-Je prends votre silence pour un non, devina Magnus. Je dois vous avouer que j’ai moi aussi compris les ambitions du prince. Cela n’était guère compliqué pour un observateur tel que moi. Je connais bien Anna, elle serait prête à tomber amoureuse de n’importe quel homme qui lui prêterait attention. Les hommes comme Hans sont prêts à saisir de telles opportunités. Comme je regrette de ne pas être revenu à temps pour avoir été nommé régent !
-Mais vous sembliez soutenir Hans, crut se rappeler Raiponce.
-Ce n’était qu’une façade, admit Magnus. Je ne voulais pas alerter le prince. Mais je n’en pensais pas moins. Nous devons absolument l’empêcher de mener ses plans à leur terme, quels qu’ils soient.
Raiponce réfléchit à la sincérité du Premier Ministre ; mais son instinct lui soufflait qu’elle pouvait avoir confiance en lui. Je voulais avoir son soutien, eh bien je l’ai.
-Que proposez-vous, dans ce cas ? dit-elle.
-Sabotez le projet de milice de Hans. Ma charge de Premier Ministre m’empêche d’intervenir sans être soupçonné, car j’ai de nombreuses tâches et mes faits et gestes doivent être connus de tous. Mais pas les vôtres, Votre Altesse. Si vous discréditez Heinrich et pouvez mettre en doute cette idée, je pourrai alors agir et persuader Hans d’abandonner son projet.
-Heinrich ? répéta Raiponce. Mais le discréditer signifierait le renvoyer à la rue…
-Il n’y restera pas longtemps, je vous le garantis, affirma Magnus. Sitôt Hans tombé et la reine de retour, je lui confierai un poste ; ou vous-même pourrez le faire à Corona. Je trouve que c’est un petit prix à payer pour la sûreté d’Arendelle. Ne voulez-vous pas protéger vos cousines ?
La princesse devait avouer que son interlocuteur parlait vrai. Inconsciemment, elle fit alors un premier pas vers l’obscurité, en consentant à contrecœur au plan de Magnus.
-Si, bien sûr, murmura-t-elle.
-Bien, fit le Premier Ministre. Nous nous retrouverons au déjeuner.
Il s’éclipsa et laissa Raiponce à ses dilemmes moraux. Le cœur empli de nouveaux doutes, la princesse secoua la tête avec amertume et partit retrouver Eugène dans la chambre royale.
___
Voilà pour ce chapitre qui fait office de transition, et qui présente les intrigues de la deuxième partie ! A suivre, l'appui d'un allié inattendu pour aider Raiponce à mettre fin au projet de Hans...
- Samantha Frost
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Lun 22 Jan 2018, 12:55
Bah comme toujours, bon chapitre x)
Mais juste une question, la milice c'est comme la police ? Car sur ce coup j'ai pas trop compris x)
Oui ça date de ton ancien commentaire mais j'avais pas eu le temps de répondre, tu es entrain d'écrire un livre ? Genre qui sortira en bibliothèque et tout ?
Enfin bref, hâte de lire le prochain chapitre !
Mais juste une question, la milice c'est comme la police ? Car sur ce coup j'ai pas trop compris x)
Oui ça date de ton ancien commentaire mais j'avais pas eu le temps de répondre, tu es entrain d'écrire un livre ? Genre qui sortira en bibliothèque et tout ?
Enfin bref, hâte de lire le prochain chapitre !
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- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Lun 22 Jan 2018, 18:59
Samantha Frost a écrit:Bah comme toujours, bon chapitre x)
Mais juste une question, la milice c'est comme la police ? Car sur ce coup j'ai pas trop compris x)
Oui ça date de ton ancien commentaire mais j'avais pas eu le temps de répondre, tu es entrain d'écrire un livre ? Genre qui sortira en bibliothèque et tout ?
Enfin bref, hâte de lire le prochain chapitre !
D'après wikipedia, les milices sont "des polices parallèles et des forces supplétives de l'armée. Le nom est donné aussi à des groupes de personnes créés ponctuellement pour maintenir l'ordre, notamment en cas de troubles civils, ou pour combattre."
Donc oui, en gros une milice peut correspondre à une police qui peut aider l'armée, ou ici la garde. C'est un soutien qui permet de soulager les soldats de métier.
Et oui je suis en train d'écrire un livre, après pour le faire éditer je n'en suis pas encore là, j'enverrai le manuscrit à des maisons d'édition quand je l'aurais terminé
En gros c'est de l'heroic fantasy, dans un contexte proche de la Renaissance, et ça me permet d'écrire sur le thème du changement et des liens entre identité et tradition ! Pour l'instant je développe le scénario général et l'univers avec ce qui s'est passé avant le début du livre, et aussi les personnages, leurs liens, etc... Donc il me reste pas mal de travail mais honnêtement ça se dessine bien déjà, donc j'ai une base assez solide sur laquelle je peux construire le reste !
- Samantha Frost
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Lun 22 Jan 2018, 19:28
Je te souhaite bonne chance pour ton livre, j'espère que tu arrivera à le faire publier
Ça me fait penser à une fille qui faisait des fanfiction sur Wattpad et qui a été repérée par un éditeur, maintenant elle produit ses propres romans x) Je te souhaite aussi autant de chance qu'elle
Ça me fait penser à une fille qui faisait des fanfiction sur Wattpad et qui a été repérée par un éditeur, maintenant elle produit ses propres romans x) Je te souhaite aussi autant de chance qu'elle
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- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Lun 22 Jan 2018, 21:14
Merci, j'espère aussi pouvoir y arriver
Je n'ai pas encore de liens avec des maisons d'édition, mais mon lycée organise une rencontre avec un auteur donc je pourrais peut-être en profiter pour lui glisser un mot
Je n'ai pas encore de liens avec des maisons d'édition, mais mon lycée organise une rencontre avec un auteur donc je pourrais peut-être en profiter pour lui glisser un mot
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Mar 23 Jan 2018, 20:57
Je viens de découvrir ta fanfiction et... C'EST JUSTE DU GENIE . Non sérieusement j'adore l'idée et tu l'exécutes à merveille!!!!! Bon je suis un peu nulle en commentaire constructifs mais en tout cas j'ai hâte de lire la suite (et juste j'adore les interventions d'Eugène ) n’empêche il a eu du flair notre voleur par rapport à Hans (en même temps il a travaillé avec des voyous donc forcément ça aide). Bref bon travail c'est juste super j'attends la suite^^
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Mer 24 Jan 2018, 00:40
WarmIce a écrit:Je viens de découvrir ta fanfiction et... C'EST JUSTE DU GENIE . Non sérieusement j'adore l'idée et tu l'exécutes à merveille!!!!! Bon je suis un peu nulle en commentaire constructifs mais en tout cas j'ai hâte de lire la suite (et juste j'adore les interventions d'Eugène ) n’empêche il a eu du flair notre voleur par rapport à Hans (en même temps il a travaillé avec des voyous donc forcément ça aide). Bref bon travail c'est juste super j'attends la suite^^
Merci pour tous ces compliments
L'idée de départ m'avait intéressé dès que j'ai eu connaissance des théories sur les liens familiaux de Raiponce, d'Anna et d'Elsa, et j'ai voulu imaginer un scénario crédible mettant Raiponce au coeur de l'action et lui permettant d'avoir un rôle important ! Je suis content que tu trouves que j'ai bien réussi à développer cette théorie !
Pour Eugène c'est vrai que je me suis dit que s'il y en avait un qui pouvait comprendre les manigances de Hans, c'était bien lui , heureusement qu'il est là pour mettre la puce à l'oreille de Raiponce.
Je posterai la suite aujourd'hui !
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Mer 24 Jan 2018, 19:24
Chapitre 7 : Contrecarrer Hans
Retournée auprès d’Eugène, Raiponce avait été exaspérée de le trouver toujours profondément endormi. S’étant rappelée qu’il n’était que neuf heures, elle s’était retenue de justesse de le secouer pour le ramener parmi les vivants et avait plutôt attendu patiemment en relisant sa correspondance avec Anna qui avait été transportée dans la chambre avec le reste de ses affaires. Elle avait désespéré d’y trouver une idée, un moyen de persuader sa cousine de la vilenie de Hans. Malheureusement, elle n’avait vu dans les lettres d’Anna que naïveté et attente du grand amour : il n’y avait donc aucune chance pour que Raiponce puisse la détourner de Hans sans qu’Anna n’assiste par elle-même à la démonstration de sa véritable nature. De par les circonstances exceptionnelles, Pascal, lui, avait la permission de gambader à sa guise dans le château, et s’était élancé à l’extérieur de la chambre à la recherche de quelque chose à grignoter.
Eugène ayant fini par émerger de son coma léthargique, la princesse put lui narrer les derniers événements, particulièrement ceux concernant la milice que Hans désirait mettre sur pied et le nouveau poste d’Heinrich à la tête de celle-ci. Eugène avait partagé les inquiétudes de son épouse, et il ne voyait lui aussi dans ce projet que la menace qu’il pourrait représenter et l’ambition personnelle du prince des Îles du Sud. Le prince avait été satisfait du soutien de Magnus, mais Raiponce n’avait pas encore confié à son époux la suggestion du premier ministre de discréditer Heinrich, car elle hésitait encore elle-même et recherchait toujours une autre alternative. Eugène et son épouse avaient convenu qu’ils devaient contrecarrer les plans de Hans et saborder la formation de la milice avant même qu’elle n’ait lieu. Restait à savoir comment s’y prendre concrètement, tout en épargnant au maximum Heinrich qui n’était responsable de rien et en évitant de se mettre le prince à dos : ce numéro d’équilibriste s’annonçait pour le moins délicat. Une aide des parents de Raiponce serait la bienvenue dans cette situation, d’autant que l’appui du royaume de Corona serait fort utile en ces temps difficiles ; néanmoins, le fjord étant gelé, Arendelle se trouvait coupée du reste du monde et incapable d’accueillir des navires étrangers dans son port. Raiponce imaginait mal utiliser un pigeon voyageur par un tel climat, et ne pouvait donc même pas contacter les souverains de Corona, ses parents, pour quérir leur soutien. De toute façon, il n’aurait même pas été possible que des navires puissent se rapprocher suffisamment pour que des hommes puissent prendre pied sur la glace et faire le reste du chemin à pied, avec ce climat si incertain. Et puis, la communication étant ce qu’elle était, la princesse n’aurait pu espérer une réponse avant plusieurs jours, et n’aurait certainement pas reçu de réponse avant que la crise ne soit terminée.
Afin de se changer les idées et de prendre un peu de recul sur la situation, Raiponce et Eugène s’étaient décidés à retourner sur le promontoire rocheux où ils avaient surpris Hans et Anna la veille. Le lieu étant parfaitement placé pour une meilleure observation du royaume, c’était celui qu’ils avaient choisi pour comprendre jusqu’où s’étendait l’hiver glacial qui avait pris possession d’Arendelle. Une fois qu’Eugène fut préparé et eut enfilé une veste azur, les deux époux sortirent de la chambre royale. Il devait être un peu plus de dix heures lorsque, après être passés à l’écurie pour retrouver Maximus et le monter et avoir été rejoints par Pascal qui s’était rassasié, ils quittèrent la sécurité des murailles du château pour se rendre dans le village ; les habitants, inquiets et déboussolés, erraient dans les rues avec une incrédulité toujours présente, quand ils ne restaient pas cloitrés chez eux auprès d’un bon feu de cheminée. Un silence mortel était tombé sur Arendelle alors que la population commençait à s’inquiéter pour son salut et l’avenir du royaume : l’incertitude demeurait à propos de la durée de cet hiver imprévu, et de la nature de la reine. Etait-elle vraiment un monstre ? Pouvait-elle ramener l’été, et, question plus inquiétante encore, le souhaiterait-elle ? Raiponce, son amertume passé, avait fini par dépasser son antipathie pour sa cousine et était persuadée que ce qui s’était produit n’était rien de plus qu’un accident provoqué par la peur. Si Anna pensait qu’Elsa était capable de contrôler ses pouvoirs et de ramener l’été, alors Raiponce choisissait d’avoir confiance en elle et en la raison de sa sœur qui finirait bien par revenir parmi eux, pour reprendre les rênes d’Arendelle et sauver son peuple d’une mort certaine.
Tandis qu’Eugène et Raiponce sillonnaient sur le dos de Maximus les rues du village en direction du promontoire, ils étaient de plus en plus engourdis par le froid, malgré leurs épais manteaux de laine, et cela n’allait pas en s’améliorant avec l’altitude. La princesse en vint à repenser à sa cousine qui devait souffrir davantage encore du climat, étant partie si peu vêtue ; elle espérait qu’Anna pourrait trouver un magasin dans la région pour se ravitailler et se réchauffer un peu. Raiponce était tiraillée entre son instinct de partir la retrouver pour s’assurer qu’il ne lui était rien arrivé et son devoir de veiller sur Arendelle en son absence. Mais n’ayant pas la moindre idée d’où Anna pouvait se trouver, sa seule option était d’attendre, en essayant de temporiser la situation au maximum.
Ils revinrent bientôt à la corniche surplombant le royaume après avoir gravi l’escalier de pierre. La cascade qui hier encore s’en écoulait était désormais de glace, et les filets d’eau l’entourant étaient figés dans une chute éternelle. Raiponce, après s’être laissée glissée au sol, s’avança prudemment jusqu’à l’extrémité du promontoire, et observa avec abattement l’étendue de la catastrophe. A gauche du château, il n’y avait sur l’océan que de la glace à perte de vue, sans le moindre signe de dégel ou de températures plus douces à quelques kilomètres des frontières maritimes du royaume. Les navires, toujours piégés dans la glace, se trouvaient dans l’impossibilité d’effectuer le moindre mouvement ; du toit des maisons descendaient des stalactites témoins de températures bien en deçà de zéro ; et les cimes des montagnes étaient recouvertes d’une épaisse couche de neige. La situation n’avait pas évolué depuis le début de la matinée : Arendelle était piégée dans un étau mortel.
-Bon, lança Eugène, je suppose que ça règle la question. Si Elsa ne met pas fin à sa malédiction, on est tous bons pour rester coincés ici pour l’éternité.
-La population se rendra rapidement compte que l’hiver risque de ne jamais prendre fin, supposa Raiponce. Quand la peur les submergera, ils se retourneront contre la reine et seront prêts à tout pour sauver leur vie…
-…y compris à confier leur destin à un parfait étranger dont la seule légitimité est d’être fiancé à la Princesse Anna, reprit Eugène. A mon avis, ils n’en sont pas encore au point où ils s’entretueront tous aveuglément. Ils sont tout juste assez désespérés pour accepter sans rien dire des mesures de grande envergure. La milice passera comme une lettre à la poste.
-Dans ce cas, comprit la princesse, il n’y aura que nous et Magnus pour nous y opposer véritablement. Nous n’avons plus le choix, il nous faut agir aujourd’hui pour tuer cette milice dans l’œuf.
-Tu m’as dit que la décision ou non de la former serait prise ce soir, après la journée d’essai d’Heinrich. Il nous suffit d’influencer sur cette prise de décision en persuadant les autres dignitaires de faire pression sur Hans. Il n’osera pas agir sans l’appui des puissances étrangères, il risquerait d’abimer son image et d’affaiblir sa position.
-Nous ne pouvons pas y parvenir si l’expérience est un succès, regretta Raiponce en secouant la tête. Weselton pourrait s’y opposer, peut-être aussi le dignitaire irlandais, mais les autres sont bien trop naïfs et aveugles pour comprendre que Hans les manipule. Et Magnus m’a clairement fait comprendre qu’il ne pourrait rien faire si nous ne lui facilitions pas la tâche. La seule solution, c’est…
Elle s’arrêta, réfléchissant désespéramment à un autre moyen, affligée de devoir recourir à de telles extrémités et rongée d’avance par une nouvelle culpabilité qui allait sans nul doute s’ajouter à toutes les autres qui pesaient déjà sur son cœur. Mais non, Raiponce devait se rendre à l’évidence : ils ne pouvaient faire autrement. Elle inspira douloureusement.
-C’est de faire en sorte que l’expérience soit perturbée, pour que tout le projet soit compromis.
-Oui, je pense aussi que… Mais, une seconde, comprit Eugène, tu n’oublies pas que cela mettrait Heinrich en danger, si ?
A contre cœur, Raiponce secoua la tête.
-Je lui ai parlé tout à l’heure, Eugène. Il était tellement reconnaissant envers Hans, si dévoué… Je savais que je ne pourrais jamais lui parler de nos soupçons sans nous le mettre à dos. Nous devons le discréditer auprès de Hans et des dignitaires. Crois-moi, cela me crève le cœur, et je choisirais n’importe quel autre moyen si je le pouvais ; mais nous n’avons pas d’autre choix.
Eugène avait l’air extrêmement troublé et divisé, le regard abattu.
-Franchement, je ne sais pas… C’est mon ami, Raiponce, je ne vois pas comment je pourrais lui faire un coup pareil.
-Je sais que c’est terriblement injuste, mais c’est peut-être pour le mieux. Voudrais-tu qu’il soit l’esclave de Hans ? Heinrich n’est qu’un pion pour lui. Qui sait ce qu’il pourrait en faire une fois qu’il aura perdu son utilité ? Ce sera pour son bien, autant que pour celui d’Arendelle.
Les paroles de Raiponce sonnaient faux à ses propres oreilles ; elle se demanda si c’était véritablement Eugène qu’elle souhaitait convaincre, ou plutôt elle-même.
-Ecoute, tu as peut-être raison, mais je connais Heinrich. Il est fragile, il a toujours rêvé d’obtenir une position comme celle qu’il a aujourd’hui. S’il la perd et qu’il est renvoyé à la rue, il risque de ne pas s’en remettre.
-Nous serons là pour lui, plaida la jeune femme. Il ne sera pas seul, cette fois. Quand tout sera terminé, il pourra rentrer avec nous à Corona, et je demanderai à mes parents de lui trouver un autre travail, un travail honnête au service de gens biens.
Cette idée raffermit la volonté de Raiponce et la rasséréna, la soulageant quelque peu. Après tout, la souffrance d’Heinrich ne serait que temporaire, et tout serait réglé une fois qu’Elsa aurait mis un terme à l’hiver. La princesse n’avait aucune raison de s’en vouloir. Eugène aussi parut assez tranquillisé. Il poussa un soupir.
-Oui, c’est sûrement la meilleure solution, au final. Je dois t’avouer que je n’étais pas non plus très à l’aise en imaginant Heinrich faire le sale boulot de Hans. Mais es-tu sûre de pouvoir le faire embaucher à Corona ?
-Certaine, affirma Raiponce qui était soulagée d’avoir rallié Eugène à son idée. Fais-moi confiance, nous lui trouverons la place qu’il mérite et qui le rendra heureux.
Le jeune homme se détendit sensiblement, prenant la main de sa dulcinée.
-Bien-sûr que je te fais confiance. Nous allons survivre à ça, ensemble, et nous réussirons à rabattre son caquet à cet imbécile de Hans.
Raiponce, reconnaissante, se rapprocha de son époux et l’embrassa, yeux clos, à l’extrémité du promontoire. Tant qu’il serait là pour la soutenir, elle serait toujours assez forte pour surmonter ses doutes.
-Alors, reprit Eugène, est-ce que tu as une idée de comment t’y prendre ?
La jeune femme y avait beaucoup réfléchi pendant le trajet, alors qu’elle avait envisagé tous les moyens qui auraient pu s’offrir à eux.
-Je crois, acquiesça Raiponce. Mais il manque encore une pièce centrale. Nous aurons besoin de la complicité d’une autre personne de confiance. En attendant, mieux vaut rentrer au château pour le déjeuner, nous pourrons prendre une décision à ce moment-là.
-Bien, approuva Eugène, je dois t’avouer que cet hiver me creuse. Je commence à regretter d’avoir manqué le petit déjeuner.
-D’après les grognements que tu as poussés hier soir, tu préférais dormir. D’ailleurs, j’ai dit à Hans et aux autres que tu étais indisposé, donc essaie de ne pas faire de gaffe.
-Pourquoi t’être fatiguée ? s’étonna Eugène. Ce n’est pas un crime de vouloir se reposer après une soirée pareille.
-Tu sais comment est la haute société. En tout cas, Heinrich y sera aussi pour rendre un premier compte-rendu, et nous pourrons en profiter pour le suivre lorsqu’il repartira pour l’après-midi.
Là-dessus, ils quittèrent les hauteurs pour retourner au château, repassant à pied par les ruelles étroites et sinueuses qu’ils avaient déjà empruntées auparavant lors de leur visite du village. Volets et portes étaient fermés : les habitants restaient cloitrés chez eux. Il n’y avait pas âme qui vive dans ce quartier en périphérie du royaume. Marchant devant Maximus et Eugène, la princesse se retrouva par hasard près de la même ruelle dans laquelle ils avaient surpris Weselton la veille, et elle tomba nez à nez avec ce dernier et ces deux sbires, qui tenaient dans leurs bras d’imposantes caisses de bois contenant moult pierreries et objets de valeur. Weselton, ses hommes, et Raiponce s’arrêtèrent brusquement, un moment trop surpris pour parler. La princesse jeta un regard presque imperceptible à son époux pour lui intimer de rester hors de vue, puis regarda successivement Weselton, les biens transportés par ses hommes à la mine patibulaire, puis de nouveau le duc, et son regard se durcit.
-Je vois que vous avez finalement mis votre plan à exécution, monsieur le duc, fit Raiponce d’un ton acerbe.
-Votre Altesse ! s’écria le duc d’une voix haut-perchée. Quel plaisir de vous revoir en cette belle matinée. Que… Que faites-vous ici ?
Raiponce, sur le point de répliquer vertement, se radoucit ; elle décida de se montrer plus diplomatique : son indignation n’aurait pas la moindre utilité, et elle pensait pouvoir tirer avantage de la situation.
-Mais je vous retourne la question, monsieur le duc. J’ai bien l’impression que ce que vous êtes en train de manigancer est illégal, et serait sévèrement puni dans ces temps de crise. Vous ne voudriez pas que cela soit révélé au Prince Hans ou au Premier Ministre.
La menace ne parut pas plaire aux gardes du duc. Ils eurent une brève concertation oculaire, puis dégainèrent leur épée dans un même chuintement métallique, le duc reculant prudemment. La princesse ressentit une vive bouffée d’angoisse, mais se rappela qu’Eugène et Maximus étaient prêts à intervenir à tout moment et garda sa contenance.
-Je ne ferais pas ça, à votre place, les avertit Raiponce. Mon époux a été témoin de votre fourberie hier, et si je meurs ou disparais, il comprendra immédiatement l’identité du coupable et lui et mes parents vous feront payer pour vos crimes. J’en ai également averti quelques personnes de confiance, et vous pouvez être sûrs vous n’échapperez pas à la justice.
La dernière partie était un mensonge, mais Weselton n’avait aucun moyen de le savoir. Ses gardes demeurèrent immobiles, incertains de la conduite à adopter et cherchant du regard les ordres de Weselton. Ce dernier fut la cible du regard déterminé de Raiponce, qu’il tenta de soutenir pendant plusieurs secondes avant de baisser la tête : il devait s’avouer vaincu. Ses hommes rangèrent leur arme au fourreau, et Raiponce sentit l’angoisse qui l’habitait se dissiper.
-Je vois que vous avez tout prévu, lâcha Weselton. Que voulez-vous ?
-Dites à vos hommes de déposer à terre les biens que vous avez volés, et de vous attendre à l’autre bout de la ruelle, dos tourné. Je veux pouvoir les garder en vue sans qu’ils ne nous entendent.
Le duc plissa les yeux, méfiant.
-Pourquoi vouloir me séparer de mes gardes du corps ? demanda-t-il.
-Je préfère que nous soyons seuls. Donnez-leur l’ordre, maintenant.
Weselton soupira et lâcha en agitant la main :
-Faites ce qu’elle dit, attendez-moi de l’autre côté en restant retournés.
Les deux hommes obtempérèrent sans discuter, après un regard d’avertissement à Raiponce semblant la défier de causer le moindre tort au duc en leur absence. Quand ils furent loin, la princesse reprit la parole.
-A présent, nous pouvons discuter. J’imagine que vous vous rappelez de ce projet qu’a le Prince Hans d’instaurer une milice.
-Une idée inutile et imprudente, répondit Weselton avec mépris. La populace ne peut pas avoir de telles responsabilités pendant une crise pareille, je l’ai déjà dit.
-Si je comprends bien, vous n’aurez donc aucun problème pour m’aider à contrecarrer les plans du prince.
-Les contrecarrer ? s’exclama Weselton avec étonnement. Mais quel intérêt avez-vous à faire une telle chose ?
-Cela ne vous concerne pas, répliqua sèchement Raiponce. Tout ce que vous devez savoir, c’est que je ne veux pas de cette milice et que votre soutien pourrait m’être utile.
La princesse ne voulait surtout pas que le duc imagine que son rôle était primordial, ce qui pourrait le pousser à faire preuve d’arrogance et à se croire dans une position de force par la suite.
-Et pourquoi vous aiderais-je ? Qu’est-ce que j’y gagnerais ? Avorter ce projet de milice ne vaut pas la peine que je prenne un risque, aussi mineur soit-il.
-Vous garderez votre tête et pourrez rentrer chez vous sain et sauf une fois l’hiver terminé, affirma Raiponce. Croyez-moi, vous courrez un risque bien plus grand si je dévoile vos agissements à Hans.
Weselton poussa une exclamation de dépit et grimaça. Le vieil homme était bel et bien acculé.
-Très bien. Je vous écoute, qu’avez-vous besoin que je fasse ?
Une euphorie pleine de fierté menaça de s’emparer de la princesse. Elle était parvenue à obtenir le soutien du duc, la pièce manquante de sa stratégie. A présent, tout était clair, et Raiponce savait exactement ce qu’elle devait faire pour empêcher Hans de parvenir à ses fins en formant cette milice.
-En vérité, commença Raiponce, votre rôle sera assez simple : il faudra juste que vous soyez au bon endroit au bon moment. J’ai un plan.
___
Ce chapitre est assez court, mais rassurez-vous, le suivant est plus long et présentera tension et suspense, mais aussi action et fourberie
La noirceur que vous pouvez voir grandir dans le coeur de Raiponce ne risque pas de s'arrêter en si bon chemin...
- Samantha Frost
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Mer 24 Jan 2018, 19:42
Raiponce tombe du côté obscur xD
Mais plus sérieusement, pourquoi avoir arrêté ici ? C'est quoi le plaaaan ?
Bref un peu plus de sérieux, j'adore comment tu as décrit Arendelle, on peut réellement s'imaginer la scène et ça colle assez bien à l'image qu'on a d'Arendelle dans le film
Sinon excuse-moi mon manque d'intelligence, mais j'ai pas très bien compris ce passage :
S'inquiéter pour son salut ? Ceci est malheureusement un language encore trop littéraire pour moi xD
J'attends le prochain chapitre !
Mais plus sérieusement, pourquoi avoir arrêté ici ? C'est quoi le plaaaan ?
Bref un peu plus de sérieux, j'adore comment tu as décrit Arendelle, on peut réellement s'imaginer la scène et ça colle assez bien à l'image qu'on a d'Arendelle dans le film
Sinon excuse-moi mon manque d'intelligence, mais j'ai pas très bien compris ce passage :
Voldago a écrit:Un silence mortel était tombé sur Arendelle alors que la population commençait à s’inquiéter pour son salut et l’avenir du royaume
S'inquiéter pour son salut ? Ceci est malheureusement un language encore trop littéraire pour moi xD
J'attends le prochain chapitre !
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Mer 24 Jan 2018, 21:45
Samantha Frost a écrit:Raiponce tombe du côté obscur xD
Mais plus sérieusement, pourquoi avoir arrêté ici ? C'est quoi le plaaaan ?
Bref un peu plus de sérieux, j'adore comment tu as décrit Arendelle, on peut réellement s'imaginer la scène et ça colle assez bien à l'image qu'on a d'Arendelle dans le film
Sinon excuse-moi mon manque d'intelligence, mais j'ai pas très bien compris ce passage :Voldago a écrit:Un silence mortel était tombé sur Arendelle alors que la population commençait à s’inquiéter pour son salut et l’avenir du royaume
S'inquiéter pour son salut ? Ceci est malheureusement un language encore trop littéraire pour moi xD
J'attends le prochain chapitre !
Il va falloir attendre encore un peu pour tout comprendre
En fait j'ai passé un certain nombre d'heures à me passer en boucle plusieurs scènes et à rechercher plusieurs images du royaume sous des angles différents pour être le plus fidèle possible, après j'ai fait quelques ajouts personnels pour pallier le manque d'informations que j'avais sur l'agencement général ! (quand Eugène et Raiponce vont dans les rues par exemple, je me base sur les plans les plus éloignés montrant toute la ville, et j'ai imaginé la salle à manger également)
S'inquiéter pour son salut c'est un vocabulaire qui vient de la religion, à la base c'est le obtenir son salut c'est sauver son âme et aller au paradis, mais il y a des sens dérivés, ça veut dire plus généralement s'inquiéter pour sa survie !
- Voldago
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Re: [Fan-fiction] Raiponce dans un enfer de glace : les larmes du héron albinos
Lun 29 Jan 2018, 00:07
Chapitre 8 : Le complot
Après avoir détaillé ce que Weselton devait faire pour que l’opération soit menée à bien, Raiponce avait révélé la présence d’Eugène et Maximus au duc, ce qui l’avait passablement contrarié. Consciente de ne pas pouvoir lui faire pleinement confiance, elle lui avait ensuite demandé d’envoyer ses gardes au château et d’y retourner sans escorte afin qu’il ne puisse pas se retrouver seul avec eux. La princesse et son époux, accompagnés de Pascal perché sur l’épaule de la jeune femme et de Maximus qui marchait au pas à leur côté, avaient suivi le duc en gardant une distance suffisante pour discuter sans crainte d’être entendus. C’était donc à ce moment que Raiponce lui expliqua le plan qu’elle avait imaginé dans sa totalité, ayant bien-sûr une confiance totale en son époux à qui elle pouvait révéler sans risque ce qui ne concernait pas directement son rôle. Il n’avait pas formulé de protestation, mais des réticences étaient visibles dans son regard. Il avait du mal à complètement accepter l’idée de briser la carrière d’Heinrich à Arendelle, mais s’y était résigné pour son bien et celui de tous.L’heure du déjeuner étant arrivée, ils s’en étaient retournés dans la salle à manger sitôt arrivés au château. Tout un stock de pommes avait été préparé pour Maximus à l’écurie, où le cheval s’était précipité avec ravissement, tandis que Pascal rejoignait Eugène et Raiponce. Cette dernière était donc arrivée pour le déjeuner, cette fois en compagnie d’Eugène, et s’était assise en face de lui autour de la place réservée à Hans. Celui-ci se faisait désirer, et était le seul avec Heinrich à ne pas être encore arrivé : les dignitaires français, allemand, espagnol et irlandais ainsi que le Duc de Weselton et Magnus étaient tous installés autour de la table centrale.
-C’est une joie de vous voir revigoré, Prince Eugène, s’exclama le dignitaire français. Nous avons appris votre coup de fatigue de ce matin.
-Ah, oui, répondit Eugène avec un sourire, merci. Je vous rassure, je suis tout à fait disposé à déguster un bon repas en votre compagnie.
-A la bonne heure, fit le dignitaire espagnol. Votre épouse vous a certainement informé de la milice que le Prince Hans souhaite mettre sur pied ?
-En effet.
-Vous avez donc certainement un avis sur la question, le pressa l’ambassadeur irlandais.
Il avait été convenu entre Raiponce et son époux de ne pas dévoiler leur opposition au projet de Hans avant que le dîner et le temps de la décision finale ne soient venus.
-Eugène et moi préférons attendre l’issue de l’expérience d’aujourd’hui pour formuler un avis définitif, intervint la princesse.
L’irlandais eut une moue de déception.
-J’ai personnellement quelques réserves à ce qu’un étranger –sans que la probité du Prince Hans ne soit mise en cause- prenne de telles décisions et exerce un tel pouvoir après si peu de temps passé dans ce royaume. Je ne suis pas certain que la Princesse Anna ait fait un choix judicieux en lui confiant la régence.
L’expression des doutes de l’ambassadeur fut accueillie par un mutisme abasourdi. Personne n’avait jusqu’ici contesté la légitimité du Prince Hans de vive voix.
-Mais enfin, que dites-vous là ? s’exclama le dignitaire espagnol. Le Prince Hans est tout à fait qualifié pour diriger Arendelle en l’absence de la Reine Elsa. Il a reçu une éducation de qualité, et s’est jusqu’ici montré très responsable. De plus, il s’agit de la décision de la Princesse Anna, et nous n’avons pas notre mot à dire sur la question.
-Vous parlez de la décision d’une enfant, isolée du monde pendant treize années. Elle n’a aucune expérience politique, ni sens des réalités. Etait-ce seulement légal ? Je n’en suis pas certain.
-Mais il était la seule personne qui pouvait assumer une telle charge ! intervint l’ambassadeur allemand. Il s’agit du fiancé de la Princesse Anna.
-Des fiançailles rejetées par la Reine Elsa, dois-je vous le rappeler ? Elles sont donc caduques. Donc, en absence de la princesse, la régence aurait dû être confiée au Premier Ministre, ou bien à la plus proche parente, qui se trouve être son Altesse Royale Raiponce de Corona ici présente. Elle aussi est tout à fait qualifiée et possède l’expérience nécessaire, en plus d’avoir une légitimité certaine et une loyauté indiscutable à l’égard d’Arendelle, royaume allié de Corona. N’êtes-vous pas d’accord avec moi, Votre Altesse ? Je vous en prie, ne tenez pas plus longtemps mystère sur vos pensées.
La princesse, qui tentait de rester discrète pour éviter de prendre position, fut alarmée quand elle s’aperçut qu’elle allait y être contrainte : tous les regards étaient désormais fixés sur elle. Magnus et la princesse échangèrent un regard entendu : Raiponce comprit que le Premier Ministre l’intimait de ne pas encore s’opposer à Hans. Elle se racla la gorge avec appréhension, ne pouvant plus rester silencieuse jusqu’au soir.
-Je suis honorée, monsieur, d’inspirer de votre part une si grande considération. Mais ma cousine Anna a pris une décision, et je ne pourrais en aucun cas outrepasser son autorité. J’entends vos inquiétudes concernant le Prince Hans, et je les comprends, mais je pense qu’il mérite une chance de prouver ses compétences et sa bonne foi. Je souhaite, je vous le répète, attendre ce soir pour que puissions voir si ses premières mesures montrent leur efficacité. Les choses seront alors sans doute plus claires.
-Très bien, soupira l’irlandais, si vous insistez. J’ai confiance en votre jugement.
Si vous saviez
, songea Raiponce. Vous n’êtes pas le seul à « douter » du Prince Hans.
-De sages paroles venant de la princesse, approuva l’ambassadeur français. N’est-ce pas, monsieur le Duc ?
-Oui, très, marmonna Weselton en fixant pensivement la table.
Ce fut à cet instant qu’Hans apparut à l’autre bout de la pièce, les rejoignant après avoir traversé la salle et s’asseyant à sa place à gauche de Raiponce, présidant l’assemblée.
-Ravi de vous revoir, messieurs, Votre Altesse, dit-il solennellement. Heinrich ne devrait pas tarder à nous rejoindre pour nous faire part de son premier compte-rendu de la journée.
En effet, le jeune homme n’arriva que quelques minutes après, toujours vêtu de son uniforme de milicien, l’air fier et digne. Comme il était loin, le voleur d’hier qui se riait de la noblesse et des lois ! Sa nouvelle charge l’avait transfiguré ; ou peut-être était-ce l’homme qu’il avait toujours voulu être. Après une profonde révérence, Heinrich s’assit à la gauche du dignitaire irlandais.
-Alors, Heinrich, l’interrogea amicalement Hans, quel est votre rapport sur la situation de la population ?
Le milicien était sur le point de répondre, mais son intervention fut retardée par l’apparition d’un homme d’une trentaine d’années environ, qui s’arrêta au niveau d’Heinrich et entra dans la conversation.
-Je vous prie de m’excuser, dit-il. Je suis le Prince Impérial Louis-Napoléon Bonaparte.
Le prince portait une moustache d’une certaine élégance, dont les pointes remontaient vers ses yeux bleus. Sa tête était assez large et son nez imposant ; ses cheveux étaient d’un châtain sombre, et l’une des mèches au-dessus de son crâne donnait vaguement l’impression d’une vague.
-Un Bonaparte ! s’exclama Magnus avec dédain. Et que venez-vous faire ici ?
-En tant qu’héritier légitime de la maison Bonaparte, dit Louis-Napoléon, j’ai décidé de prendre le pouvoir en France, avec le soutien du peuple. Puisque j’ai été invité au couronnement de la reine Elsa, je me suis dit qu’il serait bon de chercher des alliés parmi les puissances étrangères européennes. Je sais que certains d’entre vous se sont opposés à mon oncle, mais je pense qu’il est temps de tirer un trait sur le passé.
Raiponce se souvenait de ce que son père lui avait dit sur Napoléon. Ce dernier avait été Empereur des Français au début du siècle, et un allié de Corona ; mais après son invasion ratée de la Russie, il avait été défait par une coalition de pays européens, et Corona n’avait été épargnée qu’en raison de sa neutralité lors de la dernière partie du conflit.
-Sachez que vous n’avez reçu une invitation que par courtoisie, répliqua le premier ministre. Nous ne traitons qu’avec le souverain légitime de la France, Louis-Philippe.
-Je crois, répondit froidement le dignitaire français, que vous feriez mieux de partir.
Il fut bruyamment approuvé par ses collègues, qui n’avaient nulle envie de se brouiller avec la France en tissant des liens avec un prétendant au trône. Hans se contenta de regarder Bonaparte avec gravité.
-J’ai amené des armes à feu, persista Bonaparte, et si certains d’entre vous acceptaient de m’aider, je saurais me montrer reconnaissant une fois…
-Je crois que vous n’avez pas compris, le coupa Magnus. Vous n’êtes pas le bienvenu parmi nous. A présent, partez.
Louis-Napoléon fut déstabilisé par l’agressivité du Premier Ministre, et hésita sur la conduite à adopter. Finalement, il choisit de partir sans un mot de plus. Raiponce ne pouvait s’empêcher de se sentir désolée pour le pauvre homme. Weselton, quant à lui, avait semblé intéressé par les dires de Bonaparte sur les armes à feu qu’il avait transportées : peut-être s’imaginait-il déjà en tirer profit.
-Reprenons, fit Hans. Heinrich, je vous demandais quel était votre rapport sur la situation de la population.
-Les citoyens sont très inquiets, Votre Altesse, répondit le jeune homme. Ils ont tous peur de ne pas avoir assez de provisions pour survivre à cet hiver, ou de mourir de froid. Mais ils prennent bien l’idée d’une milice, ça les rassurerait de pouvoir être aidés par l’Etat. Ils vous font complètement confiance pour les protéger et les guider pendant la crise.
Raiponce fut atterrée d’apprendre que la population accueillait à bras ouverts le Prince Hans comme leur dirigeant et acceptait avec précipitation ses mesures ; mais la menace d’une mort possible jetait une ombre sur la faculté de jugement des Hommes, et pouvait parfois les pousser à remettre leur destin dans les mains du premier venu, plutôt qu’eux-mêmes, et de fermer les yeux en priant pour que quelqu’un d’autre les sauve à leur place. La population n’était de plus guère habituée à contester les décisions de la monarchie : ainsi, si la Princesse Anna avait décidé que Hans serait régent, et bien Hans serait régent. Magnus jeta un œil inquiet en direction de la princesse : le Premier Ministre semblait partager ses craintes.
-C’est une bonne nouvelle, apprécia Hans. J’aimerais que vous exprimiez à la population ma gratitude d’être l’objet de leur soutien.
-Ce sera fait, Votre Altesse, affirma Heinrich.
-J’aimerais avoir plus d’informations sur ce que tu as fait pendant cette matinée, intervint Raiponce. Es-tu entré chez certains habitants ? Sais-tu si la population a besoin d’une aide immédiate ?
La princesse désirait récolter le plus de détails possibles sur la façon d’opérer d’Heinrich, pour ensuite mettre en action son plan de la manière la plus efficace possible, notamment concernant la part d’Eugène.
-J’ai pu rencontrer plusieurs citoyens dans leur maison, confirma Heinrich, et ils m’ont montré leurs maigres réserves de bois. C’était l’été encore hier, et la plupart n’avaient chez eux que quelques buches datant du dernier hiver. Il faudrait leur en fournir d’ici un jour ou deux. Il y a aussi des personnes qui n’ont aucun domicile fixe et doivent dormir dans d’anciens bâtiments mal protégés contre le froid. La nuit d’hier a été rude, mais heureusement il n’y a pas eu de morts ni de maladies déclarées. Beaucoup auraient besoin d’un logement temporaire en attendant la fin de l’hiver.
-J’espère que vous ne pensez pas au château, protesta Weselton. Il est déjà presque plein à craquer, et nous avons déjà dû donner l’hospitalité aux équipages de tous les navires des invités.
-La Princesse Anna m’a laissé à la tête du royaume pour que je prenne soin de ses habitants, Monsieur le Duc, répliqua Hans. Je n’en laisserai aucun dormir dans les rues si je peux l’empêcher. Nous hébergerons cette nuit tous les citoyens qui ont besoin d’un abri dans lequel dormir en sécurité.
Si la princesse approuvait la décision apparemment généreuse de Hans, elle comprenait très bien qu’il ne s’agissait que d’une manœuvre de plus de sa part pour gagner la confiance de la population et asseoir sa domination sur le royaume. Ce n’était cependant pas une raison pour que les vagabonds deviennent des victimes collatérales des intrigues politiques que Raiponce fomentait contre Hans. Elle répondit donc sans hypocrisie, une fois que les dignitaires eurent terminé leurs habituels éloges :
-Je suis d’accord. Par un tel froid, nous ne pouvons pas laisser quiconque risquer une nuit supplémentaire sans un logement décent. Ce serait impardonnable.
-Les gens ont l’habitude des basses températures, dans la région. Ça ne devrait pas les déranger plus que d’habitude, pourtant, s’entêta Weselton.
-Détrompez-vous, le contredit Heinrich. Il fait bien plus froid qu’à un hiver ordinaire. C’est un coup à attraper une pneumonie ou à jamais se réveiller.
-Même à Corona, l’appuya Eugène, des nuits glaciales ont déjà tué beaucoup de pauvres gens. J’ai moi-même vécu dans la rue, et je peux vous assurer qu’on est parfois content de se réveiller après une nuit comme celle qui vient de passer.
-L’affaire est donc close, fit Hans en coupant court à la discussion. Je pense qu’il est inutile d’en débattre plus longtemps.
Conscient de ne pouvoir rallier personne à son avis, le duc garda silence. On vint rapidement servir le déjeuner, et le repas se déroula dans une atmosphère lourde. Seul Pascal ne perdait pas sa bonne humeur et avalait goulument plusieurs fruits disposés dans l’assiette de la princesse. La noblesse semblait s’inquiéter davantage que tantôt, les heures passant et la Reine et la Princesse ne revenant toujours pas. Elle se tenait cependant tranquille, respectant l’autorité du Hans : ironiquement, l’intervention de Raiponce suite au départ d’Elsa avait fait croire à un soutien de sa part à la régence du prince, et personne ne souhaitait s’attaquer à un homme allié au royaume de Corona. Ils n’avaient pas compris que la jeune femme n’avait cherché qu’à maintenir l’ordre pour protéger le royaume de lui-même, et certainement pas pour aider Hans dont elle ignorait à ce moment qu’il avait été nommé régent.
Une fois le déjeuner terminé, Raiponce et Eugène demeurèrent en compagnie du duc alors qu’ils se rendaient à l’extérieur du château. Weselton avait à la demande de la princesse ordonné à l’un de ses hommes d’espionner Hans et Heinrich alors qu’ils discutaient du plan de route de ce dernier pour l’après-midi à venir, et le garde avait rapporté que le jeune homme désirait se rendre dans un quartier en périphérie du centre-ville et y faire l’inventaire des réserves des citoyens. Il fallait donc tâcher d’y être avant lui, pour l’y attendre et mettre en action le plan qu’ils avaient préparé. L’autre garde s’y était rendu avec de l’avance pour soudoyer l’un des habitants qui allaient recevoir la visite d’Heinrich, afin qu’il puisse apporter la touche finale au complot que Raiponce préparait. Cette dernière lui avait confié un de ses objets personnels qui devait être au centre de toute l’affaire, ayant néanmoins ressenti une véritable révulsion à l’idée de le laisser entre les mains d’une brute comme le garde de Weselton.
Marchant à droite de Raiponce et d’Eugène, Weselton escorté de son homme de main grelottait en croisant les bras, marmonnant quelques imprécations inintelligibles. Il n’avait pas l’air ravi d’être embarqué dans cette histoire. Ceci dit, Raiponce ne rayonnait pas d’enthousiasme non plus : le cœur sombre, elle passait sans les voir devant les étendards, accrochés aux lampadaires pris dans la glace qui bordaient le pont reliant le village à la demeure royale. Elle se répétait agir par devoir, par nécessité, par amour aussi ; néanmoins, rien de tout cela ne la réconfortait vraiment et une culpabilité oppressante l’enserrait davantage à chaque pas qui la menait vers les quartiers du village. Enfin, le visage d’Eugène d’ordinaire rieur restait fermé et indéchiffrable, laissant une Raiponce encore plus désolée.
La place du village restait quasiment vide. On pouvait voir quelques passants errer en discutant d’un air inquiet, de la buée s’échappant de leur bouche. Les dalles de pierre recouvrant le sol étaient à peine visibles sous la neige. La princesse et ses compagnons grimpèrent dans les hauteurs du village, croisant de moins en moins de personnes sur leur passage. Ils arrivaient sur le lieu où devait se rendre Heinrich : une rue surplombant la place centrale habitée par une population plus défavorisée. Devant eux, les habitations étaient vieilles, et les murs sombres derrière le givre translucide, et ils étaient dos au flanc abrupt de la montagne qui descendait vers le centre-ville. Quatre maisons étaient placées côtes à côtes, et la chaussée permettait d’accéder à une autre partie de la rue plus dense en habitations. Ils furent rejoints par le garde, auquel ils avaient confié la tâche de corrompre l’un des habitants, qui avait la réputation d’être cupide et influençable par l’argent. L’homme leur indiqua que sa manœuvre avait réussi : le plan était en place, et l’objet appartenant à Raiponce avait été laissé à la garde de cet homme, appelé Selvig.
-Heinrich peut arriver d’un moment à l’autre, dit Eugène en jetant un œil vers le château. Il nous faut trouver quelque part où nous dissimuler en l’attendant. Weselton et ses sous-fifres n’auront qu’à se poster entre les deux parties de la rue pour être sûrs de ne pas le rater quand il aura rendu visite à Selvig.
Le regard noir que jetèrent les gardes à Eugène indiqua qu’ils n’appréciaient guère d’être qualifiés de sous-fifres de Weselton. Ce dernier se risqua à émettre une protestation.
-Cela pourrait prendre des heures, geignit le duc. Je n’ai pas l’intention de rester dehors à geler sur place.
-C’est pourtant ce que vous ferez, répliqua Raiponce d’un ton autoritaire. Et dépêchez-vous, il ne faut pas qu’Heinrich nous voit ensemble ici. Allez !
Weselton se détourna après un dernier regard étincelant de fureur. Il se dirigea vers l’autre extrémité de la rue, entouré de ses fidèles hommes de main. La jeune femme et son époux se dissimulèrent derrière le mur du côté droit de la quatrième maison –celle appartenant à leur complice-, profitant de l’absence de badauds. Deux fenêtres étaient situées sur le mur derrière lequel ils étaient dissimulés, la plus proche menant à la cuisine et l’autre ouvrant sur la chambre. Les autres fenêtres se trouvaient au-dessus de la porte d’entrée et sur le côté gauche de la maison, donnant sur le salon et la salle de bain. S’introduire dans la maison serait chose aisée : le propriétaire, Selvig, avait volontairement laissé la fenêtre de la cuisine légèrement entrouverte, afin qu’Eugène puisse s’y infiltrer.
Les jeunes gens virent que Weselton et ses gardes s’étaient adossés au mur de la maison la plus proche dans l’autre moitié de la rue ; les trois hommes n’avaient pas l’air enchantés de se trouver là. Raiponce et Eugène attendirent patiemment l’arrivée d’Heinrich, silencieusement, insensibles à l’excitation d’une nouvelle aventure, une excitation qui les aurait emportés dans une autre occasion moins tragique. Une heure passa, et le Soleil à son zénith débutait son lent déclin. La princesse ruminait ses doutes et ses regrets, incertaine de sa décision. Son trouble fut tel qu’à un moment, elle songea même sérieusement à renoncer et à épargner ce pauvre Heinrich, et essayer de trouver un autre moyen de contrecarrer les desseins du Prince. Elle fut sur le point de confier ses hésitations à Eugène, quand tout fut précipité.
Heinrich, juché sur un cheval à la robe beige, trottait en leur direction. Il n’était plus question de renoncer : le jeune homme était arrivé, et la princesse avait retrouvé suffisamment de détermination pour mener son plan à exécution. Heinrich, portant un sac de cuir en bandoulière, descendit d’un mouvement agile de son destrier et accrocha son sac au flanc de ce dernier. Il s’approcha de la première maison à la porte close, frappant doucement sur le battant. Une voix étouffée, masculine, leur parvint :
-Qui va là ?
-Je suis Heinrich, annonça le blond. Je fais partie de la nouvelle milice d’Arendelle. Pouvez-vous me laisser entrer un moment ?
La porte s’ouvrit vers l’intérieur de la maison. La personne demeurée à l’intérieur était invisible aux yeux de Raiponce et d’Eugène.
-Une milice ? reprit la voix. Jamais entendu parler. Pourquoi voulez-vous entrer ?
-Le Prince Hans vient de la former, répondit poliment Heinrich. Je voudrais entrer pour faire le compte de vos réserves de nourriture et de bois.
-Mouais, marmonna l’autre homme. Allez-y, mais faites vite. Je n’aime pas faire rentrer des inconnus chez moi.
-Je vous remercie.
Heinrich disparut à l’intérieur, et la porte se referma aussitôt. Raiponce, penchée jusque-là derrière le mur pour observer le jeune homme, se redressa.
-Il va visiter les maisons une par une, dit-elle. Quand il arrivera à la nôtre, tu devras t’infiltrer par la fenêtre et faire ce qu’on a prévu.
-J’aime quand tu prends le contrôle, répondit Eugène avec un air enjôleur.
La gravité du moment fut momentanément rompue par le trait d’humour du jeune homme, et Raiponce laissa s’échapper l’ombre d’un sourire.
-Mais je suis toujours en contrôle, répondit-elle. C’est moi, l’héritière de Corona.
-J’avais oublié. J’ai bien peur que le royaume ne soit perdu…
-Très drôle, Eugène, ironisa la princesse. Maintenant, arrête tes plaisanteries à deux sous et tiens-toi prêt à intervenir. Dois-je te rappeler que ton rôle est primordial ?
- Etant donné que je suis de nous deux le meilleur voleur et que tout repose à présent sur cette compétence précise, je pense que ce serait inutile.
En effet, si la jeune femme était très agile et s’était montrée assez habile dans l’exercice de cet « art », elle préférait toujours revenir à ses peintures et à la politique auxquelles elle excellait bien davantage ; Eugène n’avait certes pas à craindre d’être dépassé. Il fallait dire que le jeune homme avait une expérience vieille de plus de quinze ans et volait déjà alors que Raiponce était encore cloîtrée dans sa tour.
Heinrich sortit de la demeure une vingtaine de minutes plus tard, et, tirant la bride de son cheval avec délicatesse pour l’amener à sa suite, alla frapper à la porte de la deuxième maison à gauche de celle où l’attendaient Raiponce et Eugène. Il poursuivit sa routine et arriva finalement devant l’entrée de la demeure du complice des conspirateurs. Il marcha sur le paillasson placé devant la porte, et frappa à la porte, mais il ne reçut d’abord aucune réponse ; puis, la princesse entendit le bruit de fenêtres s’ouvrant brusquement.
-Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous me voulez ? l’apostropha l’homme qui avait été soudoyé.
-Je suis désolé de vous déranger, mais je fais partie de la milice, et j’ai été chargé de répertorier vos possessions et de vous aider si vous en avez besoin.
-Ah ? Vraiment ? répliqua son interlocuteur avec un ton empli de méfiance. Restez en arrière pendant que j’ouvre la porte, et pas de mouvements brusques ou j’appelle la garde.
-Ne vous en faites pas, le rassura Heinrich. Je ne suis pas venu pour vous voler.
Il y eut un temps de battement, et on entendit le cliquetis d’une porte qu’on déverrouille. Raiponce reconnut alors la voix du citoyen d’Arendelle qui s’exclamait avec une surprise feinte :
-Mais je vous reconnais ! Nous nous sommes déjà rencontrés, n’est-ce pas ?
Silence.
-Je n’en sais rien, c’est possible, répondit Heinrich avec une hésitation légèrement craintive. Je vis dans le royaume depuis quelques années.
-Et que faisiez-vous avant de rejoindre cette milice ? persista Selvig sans se départir de son ton soupçonneux.
-Je… Je faisais quelques petits boulots, mentit Heinrich avec empressement.
-Des petits boulots… Voyez-vous cela. Arrêtez de fuir mon regard, voulez-vous ? Je voudrais mieux voir votre visage.
Quelques secondes plus tard, il s’écria avec force :
-Je me rappelle de vous ! Vous êtes ce voleur qui m’avait dérobé du pain il y a quelques semaines !
L’accusation était fausse ; mais les vols à répétition d’Heinrich empêchaient ce dernier d’être certain que l’homme affabulait.
-Vous-vous devez faire erreur, balbutia le jeune homme.
-Il n’y a aucune erreur. J’étais au marché, et je venais d’acheter de la nourriture pour le dîner, alors j’ai déposé mon sac une seconde pour payer le marchand. Quand je me suis retourné, j’ai vu un homme dérober mes achats et détaler avant que je n’ai pu l’arrêter ! Je n’ai pu que voir sa figure un instant, mais je n’ai plus de doute à présent : c’était vous. Comment avez-vous pu vous faire embaucher par le Prince Hans ?
-Le Prince Hans m’a pardonné pour mon passé, admit Heinrich qui semblait s’être résigné à avouer la vérité.
Il avait raffermi sa voix, parlant de manière plus claire.
-Il sait que je n’avais pas le choix si je voulais survivre, poursuivit-il. Je ne me rappelle pas vous avoir volé, mais j’ai pris le bien de tant d’honnêtes gens que c’est tout à fait possible. Je vous promets de tout faire pour me racheter et vous aider. Puis-je entrer ?
Selvig garda silence un instant, ménageant ses effets. Il lâcha après un moment :
-Je ne vous fais pas confiance. Mais j’aurais peut-être besoin de votre aide pour deux trois bricoles. Suivez-moi, mais gare à vous si je m’aperçois que quelque chose disparaît !
-Aucun risque, fit Heinrich avec soulagement. Je suis à votre service.
La princesse décela des bruits de pas, puis d’une porte se refermant doucement. Eugène, s’accroupissant, se déplaça sous la fenêtre de la cuisine, et Raiponce le vit se relever avec précaution pour jeter un œil par la fenêtre restée ouverte. Les mains sur le rebord, il patienta un instant, avant de se hisser en silence et de pénétrer à l’intérieur de la maison. Sachant qu’Heinrich allait poursuivre ses visites et finirait inévitablement par passer devant Raiponce, cette dernière profita de l’absence du jeune homme pour passer de l’autre côté de la maison et se cacher là (ce qu’elle et Eugène avaient prévu plus tôt). Alors que les minutes passaient sans que rien ne se produise, le cœur de la jeune femme tambourinait avec angoisse, craignant qu’Eugène ne soit découvert. Mais le jeune homme était un voleur émérite, et il ne s’agissait pas de son premier larcin. Il ressortit par la même voie qu’il avait empruntée pour rentrer, envoyant un clin d’œil à son épouse au passage, et se glissa jusqu’au cheval d’Heinrich qui était resté sur la chaussée. Il portait un petit objet au creux de son poing fermé. Eugène le déposa à l’intérieur du sac porté par l’étalon, laissant visible un instant ce qu’il avait volé : une bague en or sertie d’un petit diamant, le fameux objet que Raiponce avait fourni. Il le referma doucement avant de revenir tout aussi discrètement vers Raiponce. Il lui fit un sourire serein, teinté d’une certaine mélancolie. Avant que la princesse n’ait pu dire un mot, la porte se rouvrit.
-N’hésitez pas à venir au château ou à appeler la garde si vous avez besoin de quoi que ce soit, dit Heinrich.
Raiponce entendit le jeune homme grimper sur son cheval.
-Oh, vous en faites pas pour ça… répliqua Selvig. Je suis pas du genre à me taire quand on me fait du tort. Tâchez de vous en rappeler si vous avez un jour l’idée de me voler une fois de plus.
-Cela n’arrivera plus, je vous le promets. Bonne journée à vous.
-C’est ça, ricana Selvig. Bon vent.
Il y eut un bruit de sabots claquant sur le sol, diminuant de plus en plus alors qu’Heinrich s’éloignait vers la partie plus profonde de la rue. Il va continuer ses visites, songea Raiponce. Weselton devrait être sur son chemin.
-Suivons-le, proposa Raiponce. Il vaut mieux être sûrs que tout se passe bien, et qu’Heinrich ne soit pas trop meurtri.
-D’accord, mais attendons d’abord que le duc soit intervenu, répondit Eugène. Si Heinrich nous voit avant qu’il n’ait rencontré Weselton et que Selvig l’ait rattrapé, il risquera de soupçonner quelque chose.
Raiponce opina, attendant quelques secondes avec son époux le temps que le jeune homme parvienne au niveau de Weselton avant de le rejoindre. La princesse se surprit à poursuivre le débat intérieur qui l’agitait depuis le début de la journée, et elle se répéta une énième fois qu’il n’y avait pas d’autre solution, et que de toute façon il était bien trop tard pour faire machine arrière, tout étant déjà presque terminé. Il lui fallait seulement espérer que rien d’imprévu ne se produise. Alors qu’une poignée de secondes s’était écoulée, la porte de la maison de Selvig s’ouvrit avec fracas et l’homme aux cheveux noirs se mit à courir à toute vitesse vers Weselton et Heinrich en hurlant à pleins poumons :
-AU VOLEUR ! AU VOLEUR !
Raiponce et son époux choisirent cet instant pour sortir de leur cachette, marchant rapidement vers l’autre bout de la rue. Ils virent en se retrouvant au milieu de la chaussée Heinrich qui avait repassé la bandoulière de son sac autour du cou, toujours sur son cheval, et venant d’être rattrapé par Selvig qui l’apostrophait avec force. Weselton et ses gardes, les bras croisés, assistaient à la scène en affectant d’avoir un air surpris, à la gauche d’Heinrich.
-Je vous dis qu’elle a disparu ! s’écria Selvig. Une bague très précieuse, c’est un héritage familial ! Elle était posée sur ma table de nuit quand vous êtes arrivé, vous vous souvenez ?
-Je m’en rappelle en effet. Quand l’avez-vous vue pour la dernière fois ? demanda Heinrich en baissant le regard sur Selvig.
-Cela devait être il n’y a même pas cinq minutes ! C’était justement à ce moment-là, quand vous…
Le regard de l’homme changea et se mit à briller d’une lueur noire. Raiponce ne put s’empêcher d’admirer les talents d’acteur de Selvig.
-Quand vous êtes entré avec moi dans la chambre pour répertorier le nombre de couvertures. Personne d’autre n’y est rentré depuis.
-Que voulez-vous dire ? s’écria Heinrich. Je n’y suis pour rien !
Eugène et Raiponce arrivaient au niveau du groupe. Absorbé par son échange avec Selvig, Heinrich n’avait rien remarqué et ne s’aperçut de leur présence que quand Raiponce intervint.
-Nous avons entendu des cris, prétendit-elle. Il y a un problème ?
-Il y a que, répondit Selvig d’une voix où l’on pouvait sentir la colère monter, ce maudit étranger qui m’a déjà volé par le passé m’a dérobé mon bien le plus précieux. Je parle d’une bague en or portant un petit diamant qui a été offert à mon arrière-grand-mère par un prince qui la courtisait.
L’histoire n’avait bien entendu rien de vrai, le bijou ayant été offert à Raiponce par son époux lors de sa demande en mariage.
-Je n’ai rien fait du tout ! protesta Heinrich. Le Prince Hans m’a fait jurer de ne plus jamais enfreindre la loi.
Sa détresse était telle et sa voix si tremblante que la princesse ne tint plus, glissant hors de son rôle pour un bref instant et oubliant tous les enjeux, rattrapée par sa conscience et son humanité.
-Il y a certainement une autre explication, plaida Raiponce –et son conflit intérieur rendait le ton de sa voix criant de sincérité-, je suis sûre qu’Heinrich n’a rien à se reprocher.
-Je n’en suis pas si sûr, intervint Weselton. Je n’en étais pas sûr jusqu’à présent, mais vos dires confirment mes suppositions.
-Quelles suppositions ? fit Eugène.
-J’ai vu il y a quelques minutes ce jeune homme glisser un objet brillant à l’intérieur de sa sacoche en cuir. Il s’agit certainement de cette bague qui a été volée.
-Ha-ha ! triompha Selvig. C’est donc bien vous ! Rendez-la moi immédiatement !
L’intervention de la princesse avait été vaine, et n’avait en rien interrompu le déroulement du plan. Heinrich, stupéfait par les accusations dont il était l’objet et qu’il savait complètement fausses, secoua la tête.
-Vous délirez complètement. Il n’y a que quelques documents signés du Prince Hans à l’intérieur de cette sacoche.
-Dans ce cas, prouvez-le ! exigea Selvig.
Le jeune homme s’exécuta avec une expression exaspérée, débouclant la sacoche et regardant à l’intérieur. Mais alors qu’il s’attendait à ne rien y découvrir d’incriminant, le jeune homme se figea soudainement ; le visage décomposé, il glissa une main à l’intérieur de la sacoche et en sortit quelque chose. Il ouvrit le poing : sur sa paume se trouvait la bague en or.
-Je-je ne comprends pas, s’ébahit-il d’une voix d’où perçait un début de panique. Je n’ai jamais vu cette bague de ma vie !
Heinrich commençait à adopter un discours incohérent et suspect, pris de court, comme Raiponce l’avait prévu.
-Vous voyez ? Vous voyez ? cracha Selvig en parlant de plus en plus rapidement. Ce sale voleur est le coupable ! Mais vous ne bernez personne, scélérat : vous avez-vous-même avoué avoir vu cette bague chez moi, et vous savez très bien qu’elle m’appartient, alors ne faites pas semblant de ne pas la connaître.
Sa main se précipita sur la bague que tenait encore Heinrich, et s’en saisit vivement sans que le jeune homme éberlué ne réagisse.
-Je suis sûr qu’il y a une autre explication, raisonna Eugène pour qu’Heinrich ne se doute pas de son implication dans la triste affaire. Je ne sais pas, la bague aurait pu tomber dans la sacoche à cause d’un faux mouvement par exemple…
Raiponce eut le cœur crevé de voir son époux mettre de côté ce qu’il ressentait pour jouer son rôle jusqu’au bout. Elle était déchirée d’avoir eu à exiger un tel sacrifice de la part d’Eugène.
-Ben voyons, ricana Selvig en laissant apparaître ses dents jaunies. Ce trésor à la valeur inestimable se serait glissé malencontreusement dans le sac, puis ce voleur l’aurait refermé sans se rendre compte de rien. Ce serait pas de chance.
-Accident ou non, je n’aurais jamais pris cette bague, affirma Heinrich. Et mon sac était resté à l’extérieur, c’est donc complètement impossible !
Le jeune homme ne se rendait pas compte qu’il clouait lui-même les derniers clous de son cercueil en écartant irrémédiablement l’hypothèse d’un accident.
-Je le confirme, révéla Weselton. La sacoche n’a pas bougé pendant toute la visite d’Heinrich et est demeurée pendue au cou de son cheval. Ce n’est qu’ensuite que ce jeune homme a introduit la bague à l’intérieur, comme je l’ai vu de mes propres yeux.
Heinrich, le visage rendu furibond par les accusations dont il était l’objet, répliqua violemment :
-Menteur ! Vous savez très bien que je n’ai rien avoir là-dedans, espèce de vieillard sénile !
-Comment osez-vous ? vociféra Weselton en se dressant sur la pointe des pieds pour paraître plus imposant. Je suis duc, vous ne pouvez pas m’insulter impunément !
-Calmez-vous, monsieur, intervint la princesse. Il faut comprendre Heinrich, il est accusé de toutes parts, et certainement de façon infondée ! Vous avez peut-être mal vu ce qui s’était passé…
-Il n’y a aucun doute possible, réfuta Weselton, j’ai…
-Bon, je pense qu’on a fait le tour, l’interrompit brusquement Selvig. Vous, la gamine (dit-il en se tournant vers Raiponce), rendez-vous utile et aller chercher la garde.
-Je ne suis pas une gamine, s’insurgea Raiponce. Je suis la Princesse de Corona et je ne reçois d’ordres de personne. Vous n’avez qu’à y aller vous-même.
-Laissez, un de mes hommes va s’en charger, dit Weselton.
Il leva sa main gantée et fit un signe péremptoire au garde qui était à sa gauche, qui se rapprocha de lui. Weselton se retourna vers lui.
-Retournez au château et prévenez le Prince Hans, ordonna-t-il. Et ne traînez pas, surtout. Prenez le cheval du voleur.
-A vos ordres, seigneur, obtempéra l’homme vêtu d’une veste rouge.
Il se plaça sur le flanc du cheval et saisit la bride qui pendait sous le cou de l’animal.
-Je ne vous laisserai pas prendre mon cheval, refusa aussitôt Heinrich en secouant la tête.
Il s’était à son tour emparé avec force de la bride, les phalanges blanchies tant elles étaient contractées. Le jeune homme semblait s’y accrocher comme à une bouée au cœur d’une tempête.
-Je t’en prie Heinrich, laisse le faire, plaida Raiponce. Le Prince Hans te le rendra une fois qu’il t’aura entendu, j’en suis sûre.
Heinrich hésita un moment, peinant visiblement à abandonner son destrier, puis se résigna et relâcha sa prise avant de descendre sans un mot.
FIN DE LA PREMIERE PARTIE DU CHAPITRE
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