- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Mer 02 Sep 2015, 19:22
Merci Micky, content que tu aies autant aimé.^^ ^^ ^^ ^^
Juste, en ce qui concerne la voix dans la tête de Thranduil... Ben tu t'en doutes non? Ce n'est pas très compliqué, je ne comptais pas du tout faire de mystère là-dessus.
Sachez que je suis moi-même fan de l'amitié Tauriel/Elsa: allez savoir pourquoi mais j'ai toujours rêvé d'une rencontre entre ces deux personnages... Et c'est en partie ce qui m'a motivé pour écrire cette histoire. X) Donc, comme vous vous en doutez, leur histoire ne s'arrêtera pas là.^^
Par contre, pour ce qui est d'Anna et compagnie... Désolé Micky, mais ce n'est pas du tout prévu pour ce tome 2.
J'ai réfléchi à ta question, mais honnêtement, je ne vois aucun moment où son intervention serait utile à l'histoire pour l'instant (sachant que celle-ci est déjà totalement planifiée). Tu vas me dire que je pourrais réécrire un passage du même genre que le prologue de ce tome, où on retourne voir ce qui se passe à Arendelle... Mais ce serait juste chiant selon moi, parce qu'à part 'on attend le dégel', il ne se passe rien de bien nouveau là-bas. :/ Ca casserait juste le rythme.
En revanche, il est bien prévu de les revoir dans le tome 3.^^ Ses interventions seront même, pas non plus fréquentes, mais assez fréquentes.
Donc, promis je vais essayer de réfléchir du mieux possible à ta suggestion pour ce tome 2, mais à priori, malheureusement, elle ne reviendra pas vraiment avant le tome 3.
Juste, en ce qui concerne la voix dans la tête de Thranduil... Ben tu t'en doutes non? Ce n'est pas très compliqué, je ne comptais pas du tout faire de mystère là-dessus.
Sachez que je suis moi-même fan de l'amitié Tauriel/Elsa: allez savoir pourquoi mais j'ai toujours rêvé d'une rencontre entre ces deux personnages... Et c'est en partie ce qui m'a motivé pour écrire cette histoire. X) Donc, comme vous vous en doutez, leur histoire ne s'arrêtera pas là.^^
Par contre, pour ce qui est d'Anna et compagnie... Désolé Micky, mais ce n'est pas du tout prévu pour ce tome 2.
J'ai réfléchi à ta question, mais honnêtement, je ne vois aucun moment où son intervention serait utile à l'histoire pour l'instant (sachant que celle-ci est déjà totalement planifiée). Tu vas me dire que je pourrais réécrire un passage du même genre que le prologue de ce tome, où on retourne voir ce qui se passe à Arendelle... Mais ce serait juste chiant selon moi, parce qu'à part 'on attend le dégel', il ne se passe rien de bien nouveau là-bas. :/ Ca casserait juste le rythme.
En revanche, il est bien prévu de les revoir dans le tome 3.^^ Ses interventions seront même, pas non plus fréquentes, mais assez fréquentes.
Donc, promis je vais essayer de réfléchir du mieux possible à ta suggestion pour ce tome 2, mais à priori, malheureusement, elle ne reviendra pas vraiment avant le tome 3.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
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Fighting the boundary 'till you break through.
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- Micky93Légende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Mer 02 Sep 2015, 20:17
Je comprends M.B...
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 06 Sep 2015, 16:02
Bon, voici le chapitre 12 les gens.^^
Il est en deux parties car très long (ça je m'y attendais... :/). J'ai essayé de le raccourcir, mais la scène qui se déroule dans la dernière partie est tellement chaotique est complexe à décrire que je n'y suis pas bien arrivé. Alors désolé si la dernière partie vous semble un peu longue et fastidieuse, j'essaierai peut-être de modifier ça si vraiment ça vous dérange.^^'
Quoi qu'il en soit le voici, en revanche, je ne peux rien vous promettre sur la date de sortie du prochain. J'essaierai bien sûr de le poster le week-end prochain au plus tôt, mais rien n'est garanti.
Sur ce, bonne lecture^^:
La grande fête des étoiles avait, comme escompté, réchauffé les cœurs qui en avaient tant besoin durant un moment, et ainsi les elfes étaient-ils parvenu à percevoir de nouveau une lointaine lumière au-delà de l'obscurité. Mais le jour avait fini par arriver, et pour une fois, l'apparition des rayons du Soleil fut un triste évènement, car il était gris et pâle, noyé dans les draps de nuages fantômatiques, et fit disparaître une à une les douces étoiles du ciel.
Mais, comme lui avait demandé le roi, le peuple de Vertbois fit de son mieux pour surpasser son chagrin et continua de suivre le cours de sa vie à travers les ténèbres grandissantes. Au palais, l'activité reprit également son cours: les couloirs étaient à nouveau parcourus par tous les elfes du palais, tandis que les chants avaient disparu de la Forêt.
Dans les caves, l'on s'agitait beaucoup: de grands tonneaux de bois furent transportés d'étages en étages pour être finalement entassés sur un grand parquet de bois clair et lisse. Il y en avait à présent une vingtaine, attendant d'être chargés. Mais les responsables du commerce et gérants des marchandises ne semblaient pas pressés le moins du monde: assis à une table, débouchant l'une des bouteilles de vin, chacun une coupe à la main, ils ne s'occupaient plus guère des tonneaux. Ce qui provoqua le mécontentement du gardien des clefs des étages inférieurs lorsqu'il descendit en ces lieux.
"Enfin, ces tonneaux auraient du être envoyés à Esgaroth il y a longtemps! s'exclama-t-il en désignant le chargement de barils. Le batelier doit être en train de les attendre: que vont-ils penser?
-Nous n'avons pas assez de vin pour tous les remplir, répondit l'un des responsables en marchand tout en remplissant sa coupe. Nous n'allons tout de même pas leur envoyer des tonneaux à moitié remplis: que penseraient-ils alors? Il va falloir attendre de recevoir d'autres bouteilles de Dorwinion."
Lorsque les trois elfes assis à la table furent servis, ils prirent le temps de savourer cet instant de repos qui s'offrait à eux. L'un deux renifla passionnément la boisson pourpre emplissant sa coupe.
"On peut dire ce qu'on veut du mauvais caractère du roi, mais il a un goût très sûr en matière de vin, fit-il avant d'en boire une première gorgée."
Cela sembla être un véritable délice pour lui.
"Tiens Elros, goûte le, dit-il en tendant la coupe au gardien des clefs.
-Je suis tenu de garder les nains! protesta ce dernier avec cependant une lueur d'envie brillant dans les yeux.
-Ils sont enfermés: où iraient-ils? répliqua l'autre en se saisissant du lourd et encombrant trousseau de clefs que tenait Elros et en le suspendant à un crochet sur le mur juste derrière lui."
Elros hésita un instant, mais tenté par la bonne odeur de la boisson, il finit par s'asseoir à la table et boire avec délice le vin des terres de l'Est avec ses camarades, laissant les clefs libres et sans surveillance.
Mais il était également certaines choses qui n'avaient pas changé: les nains étaient donc toujours enfermés, n'ayant à présent plus une once d'espoir dans leurs cœurs; ou s'ils en avaient encore, cette lueur était si faible qu'ils ne pouvaient plus même la percevoir. Et ils pleuraient, car ils comprenaient alors que leurs deux compagnons, Elsa et Bilbon, n'avaient pas survécu aux ténèbres de la Forêt...
Seul Kili parvenait à résister encore et toujours aux tourments du chagrin, et ce davantage depuis sa rencontre avec l'elfe Tauriel. Son visage si rayonnant et ses paroles si belles étaient comme une douce musique le tenant éveillé et l'empêchant de sombrer dans le noir sommeil éternel. Et Elle gardait également un charmant souvenir de ce soir où elle avait la connaissance du nain: son visage rieur et son entrain à toute épreuve semblaient pouvoir la tirer aisément de tous ses longs moments de tristesse et de solitude.
Ainsi était-elle revenu le voir alors qu'elle bénéficiait d'un temps de repos dans sa fonction, et il avait semblé tout aussi heureux de la revoir qu'elle l'était elle-même. Ils avaient appris encore davantage à se connaître: Kili lui avait parlé de toutes ses années aux côtés de son frère, à parcourir les terres de l'Eriador en rêvant sans cesse aux lointains royaumes dont leur parlaient leur mère, leur oncle et leur grand-père, et Tauriel lui apprit bien des choses sur la Forêt, sur sa splendeur d'autrefois et sur les longues années qu'elle avait déjà vu défiler dans sa pourtant très courte encore vie d'elfe... Et elle lui parla également de la mort de ses parents. Une ombre était alors passée sur son beau visage, et n'avait pas tardé à déteindre pareillement sur celui de Kili.
"Je suis navré... Dit-il en baissant les yeux. Je suis sans doute incapable de comprendre ce que vous devez ressentir depuis toutes ces années, car jamais la vie n'a abattu un tel coup sur mon frère et moi-même, mais je puis tout de même savoir ce que cela fait de perdre quelqu'un de sa famille.
-Ah oui? s'étonna l'elfe en relevant ses yeux tristes vers lui. Vous aussi?
-Il s'agit de mon grand-père: il était d'une bravoure sans faille, et mon frère et moi étions très proches de lui. Mais il est mort au cours d'une bataille il y a bien longtemps... Enfin, pour dire vrai, personne n'a jamais retrouvé son corps, mais il a totalement disparu ce jour là et jamais personne n'a retrouvé aucune trace de lui depuis; alors quelle autre explication peut-il y avoir?"
Tauriel lui adressa tout de même ses condoléances.
Mais autour d'eux, certains des nains entendaient leurs discussions et s'interrogeaient, voire s'irritaient de voir cette elfe adresser ainsi la parole à leur camarade. Et ils ne comprenaient pas pourquoi ce dernier coopérait de la sorte...
"Kili? appela Bofur, les sourcils froncés. Que fais-tu donc à parler avec elle? Que peux-tu bien avoir à lui dire?
-Qu'est-ce qui te prend frérot? l'interpella Fili, sortant un instant de sa sombre torpeur. Pourquoi lui révèles-tu toutes ces choses sur notre vie? En quoi cela la regarde-t-elle? Peut-être comptes-tu également tout lui révéler sur nos plans pour pénétrer dans la Montagne..."
Soudain, Tauriel ouvrit de grands yeux et se redressa brusquement.
"La Montagne? répéta-t-elle avec le souffle quasiment coupé. Que voulez-vous dire?
-Ne venez donc pas nous narguer pour essayer de nous tirer les vers du nez, répliqua Fili d'un ton cinglant. Nous savons que votre roi est au courant: il a déjà essayé de duper notre chef. Mais je vous garantis que vous n'envoûterez pas mon petit frère avec vos charmes sournois!
-Fili! cria son cadet. Calme-toi s'il te plaît, parle-lui autrement."
Mais Tauriel ne prêtait pas attention aux injures proférées par les nains: elle se leva et recula de quelques pas, les yeux exorbités, comme un spectacle inimaginable se déroulait sous ses yeux en cet instant même.
"Vous êtes... Balbutia-t-elle avec des lèvres tremblantes. Vous êtes les nains d'Erebor, héritiers des grandes lignées: vous êtes venus à travers ces terres pour entrer dans la Montagne et récupérer votre royaume... Vous avez trouvé un moyen d'entrer dans Erebor...
-Eh bien oui, répondit simplement Kili, dérouté devant l'air estomaqué de l'elfe. Comment? Voulez-vous dire que votre roi ne vous en a pas informé?"
Tauriel ne répondit pas tout de suite: elle avait à présent l'impression que son cœur accomplissait de gigantesques sauts à chacun de ses battements. Tout semblait tourner autour d'elle: ainsi c'était l'ardente volonté de restaurer un grand royaume depuis longtemps perdu qui avait amené ces nains dans la Forêt, et les vieilles prophéties étaient donc sur le point de s'accomplir... Mais alors, qu'étaient-ils en train de faire? Elle et les siens? De quel droit empêchait-il cette quête d'arriver à son terme? Et pourquoi le roi Thranduil ne lui avait-il rien dit de ce qu'il savait? Mais son air devint sombre lorsqu'elle résolut que cela était hélas devenue son habitude depuis quelques temps.
"Non, murmura-t-elle en baissant les yeux. Non, il ne me dit plus rien."
Un silence pesa sur eux pendant un moment, Tauriel semblant toujours totalement déroutée par ce qu'elle venait de découvrir. Puis finalement, Kili approcha sa tête des barreaux:
"Quoi qu'il en soit, vous comprenez à présent ce qui nous amenait dans cette Forêt, dit-il dans un demi ton, étonnamment calme et serein. Nous sommes venus de si loin et passés à travers tant de difficultés, pour voir notre course terminer dans ces sombres cellules. Ne pouvez-vous rien y faire? Ne pouvez-vous pas tenter de raisonner le roi?"
L'elfe releva lentement les yeux, semblant enfin revenir à la réalité. Elle entendait bien les paroles et les complaintes de ces treize nains, et pensa de nouveau à leur amie enfermée là-haut dans une chambre obscure. Et elle se dit que Kili avait raison: cela ne pouvait se passer ainsi, elle ne pouvait laisser les choses se poursuivre de la sorte. Elle ne se faisait cependant aucune illusion: elle n'imaginait pas que Thranduil prenne en compte son jugement sur un problème aussi important... Mais rester les bras croisés à attendre lui était la plus insupportable des idées.
"Je... Je vais voir ce que je peux faire, finit-elle par dire avant de se détourner et de s'éloigner dans les couloirs nerveusement et précipitamment."
Et ce fut alors avec des regards étonnés que les nains virent l'elfe s'éloigner, faisant à présent planer au dessus d'eux un mince nouvel espoir de revoir enfin la lumière du jour. Mais leurs visages étaient toujours maussades et gris, car ils se doutaient intimement qu'une capitaine des gardes n'aurait pas le pouvoir de faire changer une décision du roi.
Mais malgré toute leur peine et tout le chagrin qui les déchirait, tous ignoraient encore qu'un grand danger, à leurs trousses depuis bien longtemps, les avait finalement rattrapés et les guettait à présent, tapi dans l'ombre.
En effet, au dehors, dissimulés dans l'obscurité des troncs noirâtres et des branchages faméliques, épiant les grandes portes du royaume des Forêts, toute une troupe de chasseurs Orques, enragés, tailladés par l'impatience qui les rongeait depuis des semaines et armés jusqu'aux dents. A leur tête était le féroce Bolg, qui les avait menés à travers les sombres bois en quête de la compagnie d'Ecu de chêne, comme le lui avait demandé son père. Mais la Forêt n'était pas un lieu des plus aisés, même pour eux: les ravins, les buttes, la terre moite et les racines avaient inévitablement ralenti leur course. La nourriture s'était faite rare, et la faim tout comme le désir d'enfin rattraper ces nains bouillonnant dans leurs esprits avaient lentement accru leur férocité.
Ils avaient foulé avec une perfide frénésie le sol de ces bois, cherchant avidement la moindre trace de la compagnie, qu'ils savaient sur le sentier des elfes vers le Nord. Mais, lorsqu'après environ deux semaines de fouilles et de recherche ils avaient enfin trouvé les dalles du sentier, aucune trace des nains ne pouvait y être trouvée. Cependant une autre odeur emplissait alors l'air: une odeur encore fraîche des elfes de Ndaedelos. Furieux, ils comprirent que les nains avaient été emportés par ces derniers, et en effet, ils retrouvèrent leur odeur mêlée à celle des elfes, et la suivirent jusqu'aux portes de la forteresse.
Mais là encore, ils se trouvèrent devant une impasse: la porte était solidement fermée et quatre gardes en armure, armés de longues lances et protégés de grands boucliers se tenaient droits et fermes devant elle. Il était bien trop risqué de forcer cette entrée, d'autant que de nombreux autres gardes se tenaient encore derrière ces portes. Bolg, ainsi que tous ses sbires, affichèrent des airs furieux, mais gardèrent leur calme et demeurèrent silencieux, évitant d'être repérés. Le chef de la troupe réfléchissait, cherchant une autre solution pour atteindre enfin les sales nains, tandis que les eaux de la rivière chantaient dans leur tumulte fluet.
"Qu'allons-nous faire? le pressa l'un des siens d'une voix quelque peu inquiète. Les portes sont étroitement gardées..."
Mais enfin, l'esprit du grand Orque pâle s'illumina: aucun ne disposait d'une seule entrée, et toutes n'étaient pas aussi fermement gardées que la plus grande d'entre elles.
"Pas toutes... Finit-il par répondre en empoignant fermement son arme. Suivez-moi!"
Et, dans un silence angoissant, ils s'éloignèrent de nouveau dans l'obscurité des bois, sur les pas menaçants de leur chef qui affichait à présent un sourire mauvais.
Mais au-delà des elfes et des nains, une autre personne encore était menacée par l'ombrage de ce danger au sein du palais: Elsa demeurait encore et toujours dans sa sombre chambre, les mains enserrées dans ses froides menottes d'acier. Allongée sur son lit, fixant le plafond de pierre, elle repensait encore au soir de la fête des étoiles. Elle se souvenait des mille lumières qu'elle avait vu danser et scintiller au loin dans les bois par son étroite fenêtre, tandis que les douces voix des elfes l'avaient bercée toute la nuit avant qu'elle ne soit emporté dans les doux draps d'un long sommeil. Elle se demandait à présent si un tel spectacle était courant dans cette grande Forêt, et si elle aurait un jour l'occasion d'enfin sortir de cette prison et de le voir de plus près.
Des larmes perlaient dans ses yeux, car elle imaginait qu'Anna sa petite sœur, aurait certainement adoré au-delà de bien des choses assister à cette cérémonie, et elle se disait de plus en plus chaque jour, comme le lui avait suggéré Tauriel, que l'abandonner était peut-être la plus grosse erreur qu'elle ait jamais faite: et elle aurait tant aimé en cet instant pouvoir aller la retrouver et la serrer aussi fort que possible dans ses longs filets d'amour, pour lui dire enfin tous ces lourds regrets qu'elle avait sur le cœur. Mais elle savait que cela était impossible, car elle ignorait tout d'abord si elle pourrait un jour quitter cette obscure chambre de pierre, et même si elle parvenait à en sortir, elle ne connaissait toujours aucun moyen de regagner Arendelle. Alors la tristesse l'emportait au loin dans ses sombres puits sans fond, que même les raies de lumières se glissant par la fenêtre au dessus d'elle ne parvenaient pas à illuminer.
Mais soudain, un cliquetis se fit entendre dans la serrure de la porte. Presque aussitôt, la jeune femme se redressa, aux aguets, attendant avec une étrange impatience de voir son visiteur. Peut-être était-ce de nouveau Tauriel? Cette pensée lui réchauffa le cœur, car revoir l'elfe aux beaux cheveux roux lui aurait été un grand réconfort... La porte s'ouvrit et l'individu en question entra dans la pièce; mais ce n'était pas Tauriel.
Ce n'était pas non plus Thranduil. A vrai dire, il avait un air de famille avec ce dernier: ses cheveux étaient tout aussi blonds et son visage portait certains traits communs avec le roi. Mais celui-ci avait des yeux d'un bleu plus clair, comme celui du ciel, et au lieu d'un grand manteau d'argent, il portait des vêtements d'un vert foncé comme les feuillages d'été et de grandes bottes de cuir sombre. Son visage était également assez dur, comme celui du roi, mais dans une moindre mesure. Il s'avança lentement vers le lit, une certaine appréhension se lisant dans ses yeux.
"Qu... Qui êtes-vous? S'enquit Elsa en le fixant toujours.
-Je suis Legolas, fils de Thranduil, répondit-il d'une voix lisse, mais tout de même plus chaleureuse que celle de son père. Le roi désire s'entretenir avec vous, et il vous invite pour cela dans ses appartements."
Elsa eut à peine le temps d'assimiler ces paroles, que le prince de la Forêt décrocha une clef de métal sombre de sa ceinture et se saisit de l'une des mains d'Elsa toujours prisonnière du bracelet d'acier. Il glissa la clef dans l'étroite serrure de cette dernière et la tourna, libérant bientôt la première main de la jeune femme. Puis il fit de même avec l'autre menotte. Elsa eut l'impression d'être libérée d'un immense poids qui l'écrasait depuis longtemps: elle put enfin plier et déplier librement ses doigts et tourner aisément ses poignets engourdis, et cette sensation lui procura un immense soulagement.
Mais bien vite, elle revint à la réalité et réalisa enfin le sens des paroles de ce Legolas: elle était invitée dès maintenant dans les appartements du roi Thranduil, ses bracelets venaient d'être défaits... Etait-ce bien réel? La chance se présentait enfin à elle: enfin elle allait pouvoir quitter cette chambre qui la retenait prisonnière depuis des jours. Cependant, malgré la soudaine joie qui l'envahit, elle s'efforça de garder son calme et de rester neutre: elle allait avoir de nouveau affaire au roi, et il n'était pas question qu'elle laisse à nouveau filer cette chance de libération en explosant de colère comme la dernière fois. Elle se releva donc dignement, calmement, et se tint droite, attendant la suite des évènements.
"Veuillez me suivre à présent, lui indiqua l'elfe en se dirigeant vers la porte."
Sans se faire attendre, la jeune femme se dirigea sur ses pas et sortit enfin de sa cellule. Là, elle attendit quelques instants que le prince referme la porte avant de se remettre en route, découvrant enfin ce fameux château du royaume de Vertbois. Elle contempla les grands couloirs courant entre les solides murs de pierre brute, parcourue de sillons humides et de racines fougueuses, et les escaliers sibyllins qui allaient et venaient, montaient, descendaient et tournaient tel de souples anguilles dans une eau vivace, ainsi que les lanternes orangées baignant les lieux dans leur mystérieuse lueur.
Les elfes, beaux et gracieux, mais froids et au visage morose, la regardaient passer avec une grande curiosité. Elle tentait cependant de garder son calme et de ne pas se laisser impressionner par ces regards: elle suivait simplement Legolas, qui la conduisait à travers couloirs et escaliers vers les fameux appartements du roi.
Alors que le Soleil était levé depuis un petit moment, les nains dans leurs cellules n'en percevaient toujours pas le moindre rayon. S'ils avaient pendant un bref moment eut le fol espoir de pouvoir être libérés par le biais de cette elfe aux cheveux roux, celui-ci s'était de nouveau évaporé. A présent ils s'étaient résignés à finir leurs jours ici, enterrés au plus profond des caves de la Forêt noire, ou même exécuté brutalement par les gardes sous les ordres du roi. Les yeux baissés, imprégnés de larmes, ils demeuraient dans un silence de mort car aucun garde n'était passé par là depuis un temps, et plus aucun d'entre eux ne disait rien.
Excepté Thorin qui, depuis des jours, releva enfin la tête, les yeux rouges et gonflés, et prit enfin lentement la parole, d'une voix rauque et terrassé par la fatigue et le chagrin.
"Pardonnez-moi, pardonnez-moi mes amis de vous avoir entraînés dans cet endroit, et dans cette quête si folle, si impensable... Tout cela était bien trop risqué: tous ceux qui ont douté de nous avaient certainement raison, et nous aurions sans doute mieux fait de les écouter depuis le début. Aujourd'hui tout est fini, et nous avons perdu deux de nos chers compagnons, sans rien avoir pu faire pour les secourir... Pardonnez-moi pour nous avoir condamnés à demeurer ici enfermés jusqu'à la fin des temps."
Ses lèvres tremblèrent, et les larmes affluèrent de plus belle dans les yeux de ses compagnons. Alors, ayant proféré ses dernières paroles, il s'apprêta à replonger la tête dans les genoux pour ne plus jamais l'en ressortir et finir ses jours dans l'obscurité la plus totale.
Mais soudain:
"Vous n'êtes pas piégés ici, non! lança dans un murmure une petit voix si agréablement familière."
Alors, soudainement, tous redressèrent les yeux et regardèrent au dehors de leurs cellules, et virent, dans ce qu'ils crurent un instant être l'éblouissante lumière d'une fabuleuse illusion, un hobbit au visage doux et aux cheveux châtains, vêtu d'une veste pourpre et d'un gilet vert, les regardant avec des yeux bleus pétillant d'une complicité sans faille, mais brillant également d'un grand empressement.
C'était bien Bilbon Sacquet: les compagnons n'en crurent pas leurs yeux, et leurs cœurs firent tous à l'unisson le même immense saut de joie dans leurs poitrines. Les larmes se mirent à couler pour de bon sur leurs joues, mais c'étaient cette fois des larmes de joie.
"Bilbon! s'exclamèrent en cœur Balin et Thorin, se précipitant contre les barreaux de leur cage.
-Chut, les gardes sont tout près! leur souffla le hobbit en s'approchant à pas de velours."
Il tenait dans sa main un trousseau de nombreuses clefs de bronze et d'argent, qu'il avait subtilement dérobé aux gardes en tant qu'excellent cambrioleur. Alors, devant les yeux émerveillés et éclatant d'une nouvelle vague de bonheur, de soulagement et d'espoir, il ouvrit une à une et le plus silencieusement possible les cellules aux sombres barreaux. Tous voulurent l'embrasser, lui adresser nombre de tape chaleureuse et amicale sur l'épaule, alors que les mots leur manquaient pour exprimer le bonheur qu'ils éprouvaient en le revoyant enfin. Balin ne put s'empêcher d'émettre un petit rire devant le si grand miracle que venait d'accomplir leur camarade hobbit; et Thorin, en sortant de sa cellule, ne sut que dire, et se contenta de fixer son ami avec des yeux exprimant tout ce qu'il ressentait. Il voulut l'étreindre aussi fort et chaleureusement qu'il le pouvait, mais il se retint car il savait que le temps pressait.
Enfin tous libérés de leurs prisons, les nains se rassemblèrent silencieusement et vérifièrent consciencieusement qu'aucun garde n'approchait. Puis Dwalin prit le devant de la marche et indiqua à ses camarades de le suivre.
"Montons: suivons les escaliers le plus discrètement possible. Il faudra rapidement trouver la grande porte."
Tous commencèrent alors à le suivre, encore tout tremblant d'émotion devant cet incroyable miracle qui venait de leur échouer. Mais soudain, Bilbon les rappela:
"Pas par là. Venez, suivez-moi!"
Et il commença à descendre le grand escalier de pierre qui descendait dans d'autres profondeurs, vers les caves du château. Il courait presque, mais même alors ses pieds ne produisaient aucun bruit sur le sol. Déroutés, les nains décidèrent cependant d'écouter leur ami qui venait d'être suffisamment brillant pour parvenir à les sortir de cette très mauvaise passe, et se lancèrent à sa suite dans les escaliers descendant.
Leurs pas de nains étaient lourds, et ils durent fournir bien plus d'efforts que le hobbit pour rester silencieux. Ils étaient à présent sur leurs gardes, tendant l'oreille, prêts à bondir au moindre bruit suspect: mais un étrange silence régnait dans les couloirs du château; un silence pesant. Ils descendirent ces escaliers durant ce qui leur sembla un long moment: les marches étant parfois sculptées dans d'énormes racines qui jaillissaient des murs et plongeaient, couvertes de mousse fraiche et humide, vers le fond de la forteresse, faisant également office de grandes colonnes.
Enfin, ils finirent par arriver en bas des marches, et se trouvèrent dans une grande salle au plafond assez bas et aux murs de pierre, contre lesquels s'étalaient de grandes étagères remplies notamment de bouteilles de vins, mais également de sacs de graines et de plantes diverses et variées. Bilbon leur indiqua une nouvelle fois de faire silence, car quatre elfes se tenaient assis autour d'une table non loin de là: à vrai dire, ils étaient affalés sur cette dernière, et à leurs côtés reposaient trois bouteilles de vins entièrement vidées. Les inconscients s'étaient laissé prendre au bon goût de la boisson et avaient plongé dans un profond sommeil.
Déconcertés, les nains continuèrent tout de même de suivre leur ami à travers la salle. Et celui-ci les mena jusque devant une grande pile de tonneaux vides et ouverts, entassés sur un parquet de bois lisse. Devant l'étrangeté de la situation, Kili finit par s'exclamer dans un souffle:
"Mais ce n'est pas vrai: nous sommes dans les caves!
-Vous devez nous conduire dehors, objecta également Bofur, pas plus loin dedans!
-Je sais ce que je fais! se défendit Bilbon. Maintenant tout le monde se glisse dans les tonneaux: un pour chacun.
-Vous êtes fou! protesta Dwalin. Ils vont nous trouver.
-Non, non, mais non, je vous le promets. Je vous en prie: faites moi confiance!"
Semblant grandement hésiter, les nains se concertèrent en silence, se demandant s'ils devaient avoir foi en un plan aussi insensé. Bilbon, devant le précieux temps qu'ils perdaient, lança un regard désespéré à Thorin qui, seul, était resté à l'écart des autres. Celui-ci le regarda également un instant, et leurs yeux échangèrent nombre de mots tus qui n'avaient de sens que pour eux deux. Mais finalement, le roi des nains décida de croire en son ami, et lui adressa un signe de tête.
"Faites ce qu'il dit! lança-t-il à ses compagnons."
Tous levèrent alors les yeux vers lui et, devant son regard solennel et appuyé, décidèrent de se fier au plan de M. Sacquet. En silence, ils se glissèrent chacun dans l'un des grands tonneaux de l'empilement, essayant à la foi de se cacher du mieux possible et de trouver une position suffisamment confortable. Thorin fut le dernier à entrer dans son barril, et une fois que cela fut fait, tous tournèrent vers le hobbit des regards extrêmement attentifs, comme s'ils se remettaient entièrement à lui.
"Et maintenant, que faisons-nous? s'enquit Nori.
-Ne respirez plus, répondit simplement Bilbon en se saisissant d'un levier en bois dépassant du sol."
Tous affichèrent alors des airs effarés et déroutés, mais ils n'eurent rien le temps de dire: Bilbon, priant pour que le bruit ne réveille pas les gardes endormis, tira de toutes ses forces sur le levier. Alors, lorsque ce fut fait, le plancher commença à pivoter autour d'un axe et s'ouvrit telle une grande trappe. Alors les tonneaux se mirent à basculer et à rouler pour bientôt disparaître dans la grande ouverture qui venait d'apparaître, alors que les nains poussaient quelques cris de surprise et d'angoisse, se recroquevillant soudain dans leurs tonneaux. Ils roulèrent, roulèrent, puis bientôt tombèrent en chute libre, qui leur sembla durer très longtemps, et finirent finalement tous l'un après l'autre dans une eau froide et agitée.
Une fois tous les tonneaux partis, le plancher se scella de nouveau, et Bilbon, s'apprêtant à rejoindre ses compagnons, fut soudain pris au dépourvu: il était coincé.
'Quel idiot!' hurla-t-il intérieurement.
Comment avait-il pu ne pas penser à cela? Il n'y avait plus aucun tonneau pour lui, ni personne pour tirer le levier... Qu'allait-il faire?
En tous les cas, il aurait mieux fait de vite trouver une solution, car plus haut, déjà, l'on s'était rendu compte de l'évasion des nains.
"Ils sont sortis! s'écria l'un des gardes en fouillant la dernière cellule. Toutes les cellules sont vides!
-Où est le gardien des clefs? demanda un autre d'un air irrité et empressé.
-Je crois l'avoir vu pour la dernière fois descendre dans les caves..."
Alors, tous se précipitèrent vers les sous-sols, descendant à toutes jambes les longs escaliers dans un retentissement féroce d'armures de métal cliquetant.
En entendant ce vacarme, Bilbon fut pris de panique: il comprit que les gardes arrivaient. Ils devait trouver une solution, vite! Affolé, il se mit à sauter, sauter de toutes ses forces sur le plancher, espérant que celui-ci finisse par s'ouvrir de nouveau sous son poids. Et en effet, il en loua de tout son cœur la bonne Chance, la trappe mal refermée pivota de nouveau, et il glissa rapidement, avant de tomber pour finalement plonger dans une eau fraiche, qui lui mordit en premier lieu la peau, trempa ses vêtements et emplit ses narines, ce qui lui fit tourner la tête quelques instants. Mais finalement, il remonta à la surface, espérant pouvoir retrouver rapidement ses compagnons. Sa tête émergea de l'eau et il inspira une grande bouffée d'air qui emplit avec vivacité ses poumons. Puis soudain, il sentit une main attraper la sienne et le tirer. Il ouvrit les yeux et vit que Nori, installé dans son tonneau, venait de le saisir et l'invitait à s'agripper à son baril de bois, ce que le hobbit fit avec joie, reprenant sa respiration. Il tourna la tête et constata avec joie que tous étaient encore là, regardant avec de grands sourires le brillant petit hobbit. Ils se trouvaient tout juste à la source d'un courant dont les eaux grises couraient avec fougue entre de hautes parois de pierre brute et sombre, tandis que loin au-dessus d'eux s'étendait le grand plancher des caves elfiques.
C'était par ce courant que les elfes envoyaient les tonneaux de vins, normalement solidement fermés, vers la ville d'Esgaroth sur le Long Lac. Car ces eaux rejoignaient rapidement le courant du Taurduin, qui coulait ensuite en direction du fameux Lac.
En tête du groupe était Thorin lui aussi dans son tonneau, écartant les bras et s'agrippant fermement aux parois de pierre de chaque côté afin de retenir tous les tonneaux et attendre l'arrivée du hobbit. Ainsi, lorsque celui-ci fut bien parmi eux et solidement agrippé au tonneau de Nori, le roi sut qu'il était temps d'enfin quitter cet endroit.
"Bravo Maître Sacquet! lança-t-il avec un large sourire."
Bilbon lui fit comprendre d'un geste de la main que ce n'était rien. Alors Thorin lâcha prise et se retourna, faisant dos au courant, et avec tous les siens derrière lui, se laissa porter par les eaux vers la si radieuse lumière du jour, non vue depuis bien trop longtemps. Ils serpentèrent ainsi entre les deux parois de pierre durant quelques instants, poussés par des eaux encore calmes. Puis enfin, après un dernier virage, ils aperçurent devant eux une ouverture, et par elle le ciel pâle couverts de nuages blanchâtres. Tous retinrent leur souffle, et soudain entendirent le bruit d'une cascade: et en effet, quelques secondes plus tard ils tombèrent tous dans une chute d'eau qui les conduisit immédiatement dans un torrent plus large et plus agité, aux eaux plus claires et plus bleues.
Sur les rives se dressaient les arbres de la Forêt, innombrables et fanés, attendant l'arrivée de l'hiver, tandis qu'une fine mousse recouvrait les rochers bordant les eaux vives. Sous les arbres, les ombres s'étendaient, mais sur le courant, où le passage des branches s'interrompait, les pâles rayons du Soleil d'automne matinal se déversaient chaleureusement. Les nains s'agrippèrent plus fermement aux bords de leurs tonneaux, à présent secoués par le courant plus vif et tumultueux, tandis que Bilbon s'agrippait comme il pouvait, ses pieds et ses jambes trempant dans l'eau froide commençant à être assaillis de crampes. Ils filèrent dans les eaux, apercevant bientôt devant eux une muraille passant au-dessus du courant tel un pont, percée en cet endroit d'une grande ouverture afin de laisser passer les tonneaux de vin. Mais quatre gardes postés sur ce mur remarquèrent bien vite l'étrange cargaison arrivant vers eux, et en aucun cas il ne s'agissait de vin. Les nains prièrent pour avoir le temps de franchir ce portail, car après cela, le courant les porterait sans que rien ne puisse les arrêter.
Mais hélas, plus loin derrière eux, deux des rôdeurs de la Forêt sortirent précipitamment de la forteresse et virent le groupe des quatorze compagnons sur le point de s'évader.
"Fermez la grille! cria le premier."
Et le second se saisit d'un corps à sa ceinture et y souffla tout l'air de ses poumons, faisant retentir le son clair à des lieues à la ronde.
Entendant cet ordre, les gardes de la muraille s'exécutèrent: l'un d'entre eux se dirigea vers un grand levier de bois poli, et le poussa vers le haut de toutes ses forces. Alors, aussitôt, un bruit d'engrenages se fit entendre et, dans la grande ouverture de la muraille, les deux battants d'une lourde grille de métal forgé se refermèrent inexorablement.
"Non! Non! cria Thorin en tentant d'accélérer comme il le pouvait."
Mais il était trop tard: la grille se referma dans un claquement sec, et tous se retrouvèrent bientôt de nouveau bloqués par des barreaux de métal. Leurs cœurs vacillèrent dans leurs poitrines: avoir eu un espoir d'évasion presque aussitôt balayé de la sorte était sans doute encore pire que de ne pas en avoir du tout. Car à présent ils étaient pris au piège, avec des gardes armés au-dessus d'eux et tout le royaume alerté par le cor du gardien des bois.
Il est en deux parties car très long (ça je m'y attendais... :/). J'ai essayé de le raccourcir, mais la scène qui se déroule dans la dernière partie est tellement chaotique est complexe à décrire que je n'y suis pas bien arrivé. Alors désolé si la dernière partie vous semble un peu longue et fastidieuse, j'essaierai peut-être de modifier ça si vraiment ça vous dérange.^^'
Quoi qu'il en soit le voici, en revanche, je ne peux rien vous promettre sur la date de sortie du prochain. J'essaierai bien sûr de le poster le week-end prochain au plus tôt, mais rien n'est garanti.
Sur ce, bonne lecture^^:
Chapitre 12 (partie 1):
La grande fête des étoiles avait, comme escompté, réchauffé les cœurs qui en avaient tant besoin durant un moment, et ainsi les elfes étaient-ils parvenu à percevoir de nouveau une lointaine lumière au-delà de l'obscurité. Mais le jour avait fini par arriver, et pour une fois, l'apparition des rayons du Soleil fut un triste évènement, car il était gris et pâle, noyé dans les draps de nuages fantômatiques, et fit disparaître une à une les douces étoiles du ciel.
Mais, comme lui avait demandé le roi, le peuple de Vertbois fit de son mieux pour surpasser son chagrin et continua de suivre le cours de sa vie à travers les ténèbres grandissantes. Au palais, l'activité reprit également son cours: les couloirs étaient à nouveau parcourus par tous les elfes du palais, tandis que les chants avaient disparu de la Forêt.
Dans les caves, l'on s'agitait beaucoup: de grands tonneaux de bois furent transportés d'étages en étages pour être finalement entassés sur un grand parquet de bois clair et lisse. Il y en avait à présent une vingtaine, attendant d'être chargés. Mais les responsables du commerce et gérants des marchandises ne semblaient pas pressés le moins du monde: assis à une table, débouchant l'une des bouteilles de vin, chacun une coupe à la main, ils ne s'occupaient plus guère des tonneaux. Ce qui provoqua le mécontentement du gardien des clefs des étages inférieurs lorsqu'il descendit en ces lieux.
"Enfin, ces tonneaux auraient du être envoyés à Esgaroth il y a longtemps! s'exclama-t-il en désignant le chargement de barils. Le batelier doit être en train de les attendre: que vont-ils penser?
-Nous n'avons pas assez de vin pour tous les remplir, répondit l'un des responsables en marchand tout en remplissant sa coupe. Nous n'allons tout de même pas leur envoyer des tonneaux à moitié remplis: que penseraient-ils alors? Il va falloir attendre de recevoir d'autres bouteilles de Dorwinion."
Lorsque les trois elfes assis à la table furent servis, ils prirent le temps de savourer cet instant de repos qui s'offrait à eux. L'un deux renifla passionnément la boisson pourpre emplissant sa coupe.
"On peut dire ce qu'on veut du mauvais caractère du roi, mais il a un goût très sûr en matière de vin, fit-il avant d'en boire une première gorgée."
Cela sembla être un véritable délice pour lui.
"Tiens Elros, goûte le, dit-il en tendant la coupe au gardien des clefs.
-Je suis tenu de garder les nains! protesta ce dernier avec cependant une lueur d'envie brillant dans les yeux.
-Ils sont enfermés: où iraient-ils? répliqua l'autre en se saisissant du lourd et encombrant trousseau de clefs que tenait Elros et en le suspendant à un crochet sur le mur juste derrière lui."
Elros hésita un instant, mais tenté par la bonne odeur de la boisson, il finit par s'asseoir à la table et boire avec délice le vin des terres de l'Est avec ses camarades, laissant les clefs libres et sans surveillance.
Mais il était également certaines choses qui n'avaient pas changé: les nains étaient donc toujours enfermés, n'ayant à présent plus une once d'espoir dans leurs cœurs; ou s'ils en avaient encore, cette lueur était si faible qu'ils ne pouvaient plus même la percevoir. Et ils pleuraient, car ils comprenaient alors que leurs deux compagnons, Elsa et Bilbon, n'avaient pas survécu aux ténèbres de la Forêt...
Seul Kili parvenait à résister encore et toujours aux tourments du chagrin, et ce davantage depuis sa rencontre avec l'elfe Tauriel. Son visage si rayonnant et ses paroles si belles étaient comme une douce musique le tenant éveillé et l'empêchant de sombrer dans le noir sommeil éternel. Et Elle gardait également un charmant souvenir de ce soir où elle avait la connaissance du nain: son visage rieur et son entrain à toute épreuve semblaient pouvoir la tirer aisément de tous ses longs moments de tristesse et de solitude.
Ainsi était-elle revenu le voir alors qu'elle bénéficiait d'un temps de repos dans sa fonction, et il avait semblé tout aussi heureux de la revoir qu'elle l'était elle-même. Ils avaient appris encore davantage à se connaître: Kili lui avait parlé de toutes ses années aux côtés de son frère, à parcourir les terres de l'Eriador en rêvant sans cesse aux lointains royaumes dont leur parlaient leur mère, leur oncle et leur grand-père, et Tauriel lui apprit bien des choses sur la Forêt, sur sa splendeur d'autrefois et sur les longues années qu'elle avait déjà vu défiler dans sa pourtant très courte encore vie d'elfe... Et elle lui parla également de la mort de ses parents. Une ombre était alors passée sur son beau visage, et n'avait pas tardé à déteindre pareillement sur celui de Kili.
"Je suis navré... Dit-il en baissant les yeux. Je suis sans doute incapable de comprendre ce que vous devez ressentir depuis toutes ces années, car jamais la vie n'a abattu un tel coup sur mon frère et moi-même, mais je puis tout de même savoir ce que cela fait de perdre quelqu'un de sa famille.
-Ah oui? s'étonna l'elfe en relevant ses yeux tristes vers lui. Vous aussi?
-Il s'agit de mon grand-père: il était d'une bravoure sans faille, et mon frère et moi étions très proches de lui. Mais il est mort au cours d'une bataille il y a bien longtemps... Enfin, pour dire vrai, personne n'a jamais retrouvé son corps, mais il a totalement disparu ce jour là et jamais personne n'a retrouvé aucune trace de lui depuis; alors quelle autre explication peut-il y avoir?"
Tauriel lui adressa tout de même ses condoléances.
Mais autour d'eux, certains des nains entendaient leurs discussions et s'interrogeaient, voire s'irritaient de voir cette elfe adresser ainsi la parole à leur camarade. Et ils ne comprenaient pas pourquoi ce dernier coopérait de la sorte...
"Kili? appela Bofur, les sourcils froncés. Que fais-tu donc à parler avec elle? Que peux-tu bien avoir à lui dire?
-Qu'est-ce qui te prend frérot? l'interpella Fili, sortant un instant de sa sombre torpeur. Pourquoi lui révèles-tu toutes ces choses sur notre vie? En quoi cela la regarde-t-elle? Peut-être comptes-tu également tout lui révéler sur nos plans pour pénétrer dans la Montagne..."
Soudain, Tauriel ouvrit de grands yeux et se redressa brusquement.
"La Montagne? répéta-t-elle avec le souffle quasiment coupé. Que voulez-vous dire?
-Ne venez donc pas nous narguer pour essayer de nous tirer les vers du nez, répliqua Fili d'un ton cinglant. Nous savons que votre roi est au courant: il a déjà essayé de duper notre chef. Mais je vous garantis que vous n'envoûterez pas mon petit frère avec vos charmes sournois!
-Fili! cria son cadet. Calme-toi s'il te plaît, parle-lui autrement."
Mais Tauriel ne prêtait pas attention aux injures proférées par les nains: elle se leva et recula de quelques pas, les yeux exorbités, comme un spectacle inimaginable se déroulait sous ses yeux en cet instant même.
"Vous êtes... Balbutia-t-elle avec des lèvres tremblantes. Vous êtes les nains d'Erebor, héritiers des grandes lignées: vous êtes venus à travers ces terres pour entrer dans la Montagne et récupérer votre royaume... Vous avez trouvé un moyen d'entrer dans Erebor...
-Eh bien oui, répondit simplement Kili, dérouté devant l'air estomaqué de l'elfe. Comment? Voulez-vous dire que votre roi ne vous en a pas informé?"
Tauriel ne répondit pas tout de suite: elle avait à présent l'impression que son cœur accomplissait de gigantesques sauts à chacun de ses battements. Tout semblait tourner autour d'elle: ainsi c'était l'ardente volonté de restaurer un grand royaume depuis longtemps perdu qui avait amené ces nains dans la Forêt, et les vieilles prophéties étaient donc sur le point de s'accomplir... Mais alors, qu'étaient-ils en train de faire? Elle et les siens? De quel droit empêchait-il cette quête d'arriver à son terme? Et pourquoi le roi Thranduil ne lui avait-il rien dit de ce qu'il savait? Mais son air devint sombre lorsqu'elle résolut que cela était hélas devenue son habitude depuis quelques temps.
"Non, murmura-t-elle en baissant les yeux. Non, il ne me dit plus rien."
Un silence pesa sur eux pendant un moment, Tauriel semblant toujours totalement déroutée par ce qu'elle venait de découvrir. Puis finalement, Kili approcha sa tête des barreaux:
"Quoi qu'il en soit, vous comprenez à présent ce qui nous amenait dans cette Forêt, dit-il dans un demi ton, étonnamment calme et serein. Nous sommes venus de si loin et passés à travers tant de difficultés, pour voir notre course terminer dans ces sombres cellules. Ne pouvez-vous rien y faire? Ne pouvez-vous pas tenter de raisonner le roi?"
L'elfe releva lentement les yeux, semblant enfin revenir à la réalité. Elle entendait bien les paroles et les complaintes de ces treize nains, et pensa de nouveau à leur amie enfermée là-haut dans une chambre obscure. Et elle se dit que Kili avait raison: cela ne pouvait se passer ainsi, elle ne pouvait laisser les choses se poursuivre de la sorte. Elle ne se faisait cependant aucune illusion: elle n'imaginait pas que Thranduil prenne en compte son jugement sur un problème aussi important... Mais rester les bras croisés à attendre lui était la plus insupportable des idées.
"Je... Je vais voir ce que je peux faire, finit-elle par dire avant de se détourner et de s'éloigner dans les couloirs nerveusement et précipitamment."
Et ce fut alors avec des regards étonnés que les nains virent l'elfe s'éloigner, faisant à présent planer au dessus d'eux un mince nouvel espoir de revoir enfin la lumière du jour. Mais leurs visages étaient toujours maussades et gris, car ils se doutaient intimement qu'une capitaine des gardes n'aurait pas le pouvoir de faire changer une décision du roi.
Mais malgré toute leur peine et tout le chagrin qui les déchirait, tous ignoraient encore qu'un grand danger, à leurs trousses depuis bien longtemps, les avait finalement rattrapés et les guettait à présent, tapi dans l'ombre.
En effet, au dehors, dissimulés dans l'obscurité des troncs noirâtres et des branchages faméliques, épiant les grandes portes du royaume des Forêts, toute une troupe de chasseurs Orques, enragés, tailladés par l'impatience qui les rongeait depuis des semaines et armés jusqu'aux dents. A leur tête était le féroce Bolg, qui les avait menés à travers les sombres bois en quête de la compagnie d'Ecu de chêne, comme le lui avait demandé son père. Mais la Forêt n'était pas un lieu des plus aisés, même pour eux: les ravins, les buttes, la terre moite et les racines avaient inévitablement ralenti leur course. La nourriture s'était faite rare, et la faim tout comme le désir d'enfin rattraper ces nains bouillonnant dans leurs esprits avaient lentement accru leur férocité.
Ils avaient foulé avec une perfide frénésie le sol de ces bois, cherchant avidement la moindre trace de la compagnie, qu'ils savaient sur le sentier des elfes vers le Nord. Mais, lorsqu'après environ deux semaines de fouilles et de recherche ils avaient enfin trouvé les dalles du sentier, aucune trace des nains ne pouvait y être trouvée. Cependant une autre odeur emplissait alors l'air: une odeur encore fraîche des elfes de Ndaedelos. Furieux, ils comprirent que les nains avaient été emportés par ces derniers, et en effet, ils retrouvèrent leur odeur mêlée à celle des elfes, et la suivirent jusqu'aux portes de la forteresse.
Mais là encore, ils se trouvèrent devant une impasse: la porte était solidement fermée et quatre gardes en armure, armés de longues lances et protégés de grands boucliers se tenaient droits et fermes devant elle. Il était bien trop risqué de forcer cette entrée, d'autant que de nombreux autres gardes se tenaient encore derrière ces portes. Bolg, ainsi que tous ses sbires, affichèrent des airs furieux, mais gardèrent leur calme et demeurèrent silencieux, évitant d'être repérés. Le chef de la troupe réfléchissait, cherchant une autre solution pour atteindre enfin les sales nains, tandis que les eaux de la rivière chantaient dans leur tumulte fluet.
"Qu'allons-nous faire? le pressa l'un des siens d'une voix quelque peu inquiète. Les portes sont étroitement gardées..."
Mais enfin, l'esprit du grand Orque pâle s'illumina: aucun ne disposait d'une seule entrée, et toutes n'étaient pas aussi fermement gardées que la plus grande d'entre elles.
"Pas toutes... Finit-il par répondre en empoignant fermement son arme. Suivez-moi!"
Et, dans un silence angoissant, ils s'éloignèrent de nouveau dans l'obscurité des bois, sur les pas menaçants de leur chef qui affichait à présent un sourire mauvais.
Mais au-delà des elfes et des nains, une autre personne encore était menacée par l'ombrage de ce danger au sein du palais: Elsa demeurait encore et toujours dans sa sombre chambre, les mains enserrées dans ses froides menottes d'acier. Allongée sur son lit, fixant le plafond de pierre, elle repensait encore au soir de la fête des étoiles. Elle se souvenait des mille lumières qu'elle avait vu danser et scintiller au loin dans les bois par son étroite fenêtre, tandis que les douces voix des elfes l'avaient bercée toute la nuit avant qu'elle ne soit emporté dans les doux draps d'un long sommeil. Elle se demandait à présent si un tel spectacle était courant dans cette grande Forêt, et si elle aurait un jour l'occasion d'enfin sortir de cette prison et de le voir de plus près.
Des larmes perlaient dans ses yeux, car elle imaginait qu'Anna sa petite sœur, aurait certainement adoré au-delà de bien des choses assister à cette cérémonie, et elle se disait de plus en plus chaque jour, comme le lui avait suggéré Tauriel, que l'abandonner était peut-être la plus grosse erreur qu'elle ait jamais faite: et elle aurait tant aimé en cet instant pouvoir aller la retrouver et la serrer aussi fort que possible dans ses longs filets d'amour, pour lui dire enfin tous ces lourds regrets qu'elle avait sur le cœur. Mais elle savait que cela était impossible, car elle ignorait tout d'abord si elle pourrait un jour quitter cette obscure chambre de pierre, et même si elle parvenait à en sortir, elle ne connaissait toujours aucun moyen de regagner Arendelle. Alors la tristesse l'emportait au loin dans ses sombres puits sans fond, que même les raies de lumières se glissant par la fenêtre au dessus d'elle ne parvenaient pas à illuminer.
Mais soudain, un cliquetis se fit entendre dans la serrure de la porte. Presque aussitôt, la jeune femme se redressa, aux aguets, attendant avec une étrange impatience de voir son visiteur. Peut-être était-ce de nouveau Tauriel? Cette pensée lui réchauffa le cœur, car revoir l'elfe aux beaux cheveux roux lui aurait été un grand réconfort... La porte s'ouvrit et l'individu en question entra dans la pièce; mais ce n'était pas Tauriel.
Ce n'était pas non plus Thranduil. A vrai dire, il avait un air de famille avec ce dernier: ses cheveux étaient tout aussi blonds et son visage portait certains traits communs avec le roi. Mais celui-ci avait des yeux d'un bleu plus clair, comme celui du ciel, et au lieu d'un grand manteau d'argent, il portait des vêtements d'un vert foncé comme les feuillages d'été et de grandes bottes de cuir sombre. Son visage était également assez dur, comme celui du roi, mais dans une moindre mesure. Il s'avança lentement vers le lit, une certaine appréhension se lisant dans ses yeux.
"Qu... Qui êtes-vous? S'enquit Elsa en le fixant toujours.
-Je suis Legolas, fils de Thranduil, répondit-il d'une voix lisse, mais tout de même plus chaleureuse que celle de son père. Le roi désire s'entretenir avec vous, et il vous invite pour cela dans ses appartements."
Elsa eut à peine le temps d'assimiler ces paroles, que le prince de la Forêt décrocha une clef de métal sombre de sa ceinture et se saisit de l'une des mains d'Elsa toujours prisonnière du bracelet d'acier. Il glissa la clef dans l'étroite serrure de cette dernière et la tourna, libérant bientôt la première main de la jeune femme. Puis il fit de même avec l'autre menotte. Elsa eut l'impression d'être libérée d'un immense poids qui l'écrasait depuis longtemps: elle put enfin plier et déplier librement ses doigts et tourner aisément ses poignets engourdis, et cette sensation lui procura un immense soulagement.
Mais bien vite, elle revint à la réalité et réalisa enfin le sens des paroles de ce Legolas: elle était invitée dès maintenant dans les appartements du roi Thranduil, ses bracelets venaient d'être défaits... Etait-ce bien réel? La chance se présentait enfin à elle: enfin elle allait pouvoir quitter cette chambre qui la retenait prisonnière depuis des jours. Cependant, malgré la soudaine joie qui l'envahit, elle s'efforça de garder son calme et de rester neutre: elle allait avoir de nouveau affaire au roi, et il n'était pas question qu'elle laisse à nouveau filer cette chance de libération en explosant de colère comme la dernière fois. Elle se releva donc dignement, calmement, et se tint droite, attendant la suite des évènements.
"Veuillez me suivre à présent, lui indiqua l'elfe en se dirigeant vers la porte."
Sans se faire attendre, la jeune femme se dirigea sur ses pas et sortit enfin de sa cellule. Là, elle attendit quelques instants que le prince referme la porte avant de se remettre en route, découvrant enfin ce fameux château du royaume de Vertbois. Elle contempla les grands couloirs courant entre les solides murs de pierre brute, parcourue de sillons humides et de racines fougueuses, et les escaliers sibyllins qui allaient et venaient, montaient, descendaient et tournaient tel de souples anguilles dans une eau vivace, ainsi que les lanternes orangées baignant les lieux dans leur mystérieuse lueur.
Les elfes, beaux et gracieux, mais froids et au visage morose, la regardaient passer avec une grande curiosité. Elle tentait cependant de garder son calme et de ne pas se laisser impressionner par ces regards: elle suivait simplement Legolas, qui la conduisait à travers couloirs et escaliers vers les fameux appartements du roi.
Alors que le Soleil était levé depuis un petit moment, les nains dans leurs cellules n'en percevaient toujours pas le moindre rayon. S'ils avaient pendant un bref moment eut le fol espoir de pouvoir être libérés par le biais de cette elfe aux cheveux roux, celui-ci s'était de nouveau évaporé. A présent ils s'étaient résignés à finir leurs jours ici, enterrés au plus profond des caves de la Forêt noire, ou même exécuté brutalement par les gardes sous les ordres du roi. Les yeux baissés, imprégnés de larmes, ils demeuraient dans un silence de mort car aucun garde n'était passé par là depuis un temps, et plus aucun d'entre eux ne disait rien.
Excepté Thorin qui, depuis des jours, releva enfin la tête, les yeux rouges et gonflés, et prit enfin lentement la parole, d'une voix rauque et terrassé par la fatigue et le chagrin.
"Pardonnez-moi, pardonnez-moi mes amis de vous avoir entraînés dans cet endroit, et dans cette quête si folle, si impensable... Tout cela était bien trop risqué: tous ceux qui ont douté de nous avaient certainement raison, et nous aurions sans doute mieux fait de les écouter depuis le début. Aujourd'hui tout est fini, et nous avons perdu deux de nos chers compagnons, sans rien avoir pu faire pour les secourir... Pardonnez-moi pour nous avoir condamnés à demeurer ici enfermés jusqu'à la fin des temps."
Ses lèvres tremblèrent, et les larmes affluèrent de plus belle dans les yeux de ses compagnons. Alors, ayant proféré ses dernières paroles, il s'apprêta à replonger la tête dans les genoux pour ne plus jamais l'en ressortir et finir ses jours dans l'obscurité la plus totale.
Mais soudain:
"Vous n'êtes pas piégés ici, non! lança dans un murmure une petit voix si agréablement familière."
Alors, soudainement, tous redressèrent les yeux et regardèrent au dehors de leurs cellules, et virent, dans ce qu'ils crurent un instant être l'éblouissante lumière d'une fabuleuse illusion, un hobbit au visage doux et aux cheveux châtains, vêtu d'une veste pourpre et d'un gilet vert, les regardant avec des yeux bleus pétillant d'une complicité sans faille, mais brillant également d'un grand empressement.
C'était bien Bilbon Sacquet: les compagnons n'en crurent pas leurs yeux, et leurs cœurs firent tous à l'unisson le même immense saut de joie dans leurs poitrines. Les larmes se mirent à couler pour de bon sur leurs joues, mais c'étaient cette fois des larmes de joie.
"Bilbon! s'exclamèrent en cœur Balin et Thorin, se précipitant contre les barreaux de leur cage.
-Chut, les gardes sont tout près! leur souffla le hobbit en s'approchant à pas de velours."
Il tenait dans sa main un trousseau de nombreuses clefs de bronze et d'argent, qu'il avait subtilement dérobé aux gardes en tant qu'excellent cambrioleur. Alors, devant les yeux émerveillés et éclatant d'une nouvelle vague de bonheur, de soulagement et d'espoir, il ouvrit une à une et le plus silencieusement possible les cellules aux sombres barreaux. Tous voulurent l'embrasser, lui adresser nombre de tape chaleureuse et amicale sur l'épaule, alors que les mots leur manquaient pour exprimer le bonheur qu'ils éprouvaient en le revoyant enfin. Balin ne put s'empêcher d'émettre un petit rire devant le si grand miracle que venait d'accomplir leur camarade hobbit; et Thorin, en sortant de sa cellule, ne sut que dire, et se contenta de fixer son ami avec des yeux exprimant tout ce qu'il ressentait. Il voulut l'étreindre aussi fort et chaleureusement qu'il le pouvait, mais il se retint car il savait que le temps pressait.
Enfin tous libérés de leurs prisons, les nains se rassemblèrent silencieusement et vérifièrent consciencieusement qu'aucun garde n'approchait. Puis Dwalin prit le devant de la marche et indiqua à ses camarades de le suivre.
"Montons: suivons les escaliers le plus discrètement possible. Il faudra rapidement trouver la grande porte."
Tous commencèrent alors à le suivre, encore tout tremblant d'émotion devant cet incroyable miracle qui venait de leur échouer. Mais soudain, Bilbon les rappela:
"Pas par là. Venez, suivez-moi!"
Et il commença à descendre le grand escalier de pierre qui descendait dans d'autres profondeurs, vers les caves du château. Il courait presque, mais même alors ses pieds ne produisaient aucun bruit sur le sol. Déroutés, les nains décidèrent cependant d'écouter leur ami qui venait d'être suffisamment brillant pour parvenir à les sortir de cette très mauvaise passe, et se lancèrent à sa suite dans les escaliers descendant.
Leurs pas de nains étaient lourds, et ils durent fournir bien plus d'efforts que le hobbit pour rester silencieux. Ils étaient à présent sur leurs gardes, tendant l'oreille, prêts à bondir au moindre bruit suspect: mais un étrange silence régnait dans les couloirs du château; un silence pesant. Ils descendirent ces escaliers durant ce qui leur sembla un long moment: les marches étant parfois sculptées dans d'énormes racines qui jaillissaient des murs et plongeaient, couvertes de mousse fraiche et humide, vers le fond de la forteresse, faisant également office de grandes colonnes.
Enfin, ils finirent par arriver en bas des marches, et se trouvèrent dans une grande salle au plafond assez bas et aux murs de pierre, contre lesquels s'étalaient de grandes étagères remplies notamment de bouteilles de vins, mais également de sacs de graines et de plantes diverses et variées. Bilbon leur indiqua une nouvelle fois de faire silence, car quatre elfes se tenaient assis autour d'une table non loin de là: à vrai dire, ils étaient affalés sur cette dernière, et à leurs côtés reposaient trois bouteilles de vins entièrement vidées. Les inconscients s'étaient laissé prendre au bon goût de la boisson et avaient plongé dans un profond sommeil.
Déconcertés, les nains continuèrent tout de même de suivre leur ami à travers la salle. Et celui-ci les mena jusque devant une grande pile de tonneaux vides et ouverts, entassés sur un parquet de bois lisse. Devant l'étrangeté de la situation, Kili finit par s'exclamer dans un souffle:
"Mais ce n'est pas vrai: nous sommes dans les caves!
-Vous devez nous conduire dehors, objecta également Bofur, pas plus loin dedans!
-Je sais ce que je fais! se défendit Bilbon. Maintenant tout le monde se glisse dans les tonneaux: un pour chacun.
-Vous êtes fou! protesta Dwalin. Ils vont nous trouver.
-Non, non, mais non, je vous le promets. Je vous en prie: faites moi confiance!"
Semblant grandement hésiter, les nains se concertèrent en silence, se demandant s'ils devaient avoir foi en un plan aussi insensé. Bilbon, devant le précieux temps qu'ils perdaient, lança un regard désespéré à Thorin qui, seul, était resté à l'écart des autres. Celui-ci le regarda également un instant, et leurs yeux échangèrent nombre de mots tus qui n'avaient de sens que pour eux deux. Mais finalement, le roi des nains décida de croire en son ami, et lui adressa un signe de tête.
"Faites ce qu'il dit! lança-t-il à ses compagnons."
Tous levèrent alors les yeux vers lui et, devant son regard solennel et appuyé, décidèrent de se fier au plan de M. Sacquet. En silence, ils se glissèrent chacun dans l'un des grands tonneaux de l'empilement, essayant à la foi de se cacher du mieux possible et de trouver une position suffisamment confortable. Thorin fut le dernier à entrer dans son barril, et une fois que cela fut fait, tous tournèrent vers le hobbit des regards extrêmement attentifs, comme s'ils se remettaient entièrement à lui.
"Et maintenant, que faisons-nous? s'enquit Nori.
-Ne respirez plus, répondit simplement Bilbon en se saisissant d'un levier en bois dépassant du sol."
Tous affichèrent alors des airs effarés et déroutés, mais ils n'eurent rien le temps de dire: Bilbon, priant pour que le bruit ne réveille pas les gardes endormis, tira de toutes ses forces sur le levier. Alors, lorsque ce fut fait, le plancher commença à pivoter autour d'un axe et s'ouvrit telle une grande trappe. Alors les tonneaux se mirent à basculer et à rouler pour bientôt disparaître dans la grande ouverture qui venait d'apparaître, alors que les nains poussaient quelques cris de surprise et d'angoisse, se recroquevillant soudain dans leurs tonneaux. Ils roulèrent, roulèrent, puis bientôt tombèrent en chute libre, qui leur sembla durer très longtemps, et finirent finalement tous l'un après l'autre dans une eau froide et agitée.
Une fois tous les tonneaux partis, le plancher se scella de nouveau, et Bilbon, s'apprêtant à rejoindre ses compagnons, fut soudain pris au dépourvu: il était coincé.
'Quel idiot!' hurla-t-il intérieurement.
Comment avait-il pu ne pas penser à cela? Il n'y avait plus aucun tonneau pour lui, ni personne pour tirer le levier... Qu'allait-il faire?
En tous les cas, il aurait mieux fait de vite trouver une solution, car plus haut, déjà, l'on s'était rendu compte de l'évasion des nains.
"Ils sont sortis! s'écria l'un des gardes en fouillant la dernière cellule. Toutes les cellules sont vides!
-Où est le gardien des clefs? demanda un autre d'un air irrité et empressé.
-Je crois l'avoir vu pour la dernière fois descendre dans les caves..."
Alors, tous se précipitèrent vers les sous-sols, descendant à toutes jambes les longs escaliers dans un retentissement féroce d'armures de métal cliquetant.
En entendant ce vacarme, Bilbon fut pris de panique: il comprit que les gardes arrivaient. Ils devait trouver une solution, vite! Affolé, il se mit à sauter, sauter de toutes ses forces sur le plancher, espérant que celui-ci finisse par s'ouvrir de nouveau sous son poids. Et en effet, il en loua de tout son cœur la bonne Chance, la trappe mal refermée pivota de nouveau, et il glissa rapidement, avant de tomber pour finalement plonger dans une eau fraiche, qui lui mordit en premier lieu la peau, trempa ses vêtements et emplit ses narines, ce qui lui fit tourner la tête quelques instants. Mais finalement, il remonta à la surface, espérant pouvoir retrouver rapidement ses compagnons. Sa tête émergea de l'eau et il inspira une grande bouffée d'air qui emplit avec vivacité ses poumons. Puis soudain, il sentit une main attraper la sienne et le tirer. Il ouvrit les yeux et vit que Nori, installé dans son tonneau, venait de le saisir et l'invitait à s'agripper à son baril de bois, ce que le hobbit fit avec joie, reprenant sa respiration. Il tourna la tête et constata avec joie que tous étaient encore là, regardant avec de grands sourires le brillant petit hobbit. Ils se trouvaient tout juste à la source d'un courant dont les eaux grises couraient avec fougue entre de hautes parois de pierre brute et sombre, tandis que loin au-dessus d'eux s'étendait le grand plancher des caves elfiques.
C'était par ce courant que les elfes envoyaient les tonneaux de vins, normalement solidement fermés, vers la ville d'Esgaroth sur le Long Lac. Car ces eaux rejoignaient rapidement le courant du Taurduin, qui coulait ensuite en direction du fameux Lac.
En tête du groupe était Thorin lui aussi dans son tonneau, écartant les bras et s'agrippant fermement aux parois de pierre de chaque côté afin de retenir tous les tonneaux et attendre l'arrivée du hobbit. Ainsi, lorsque celui-ci fut bien parmi eux et solidement agrippé au tonneau de Nori, le roi sut qu'il était temps d'enfin quitter cet endroit.
"Bravo Maître Sacquet! lança-t-il avec un large sourire."
Bilbon lui fit comprendre d'un geste de la main que ce n'était rien. Alors Thorin lâcha prise et se retourna, faisant dos au courant, et avec tous les siens derrière lui, se laissa porter par les eaux vers la si radieuse lumière du jour, non vue depuis bien trop longtemps. Ils serpentèrent ainsi entre les deux parois de pierre durant quelques instants, poussés par des eaux encore calmes. Puis enfin, après un dernier virage, ils aperçurent devant eux une ouverture, et par elle le ciel pâle couverts de nuages blanchâtres. Tous retinrent leur souffle, et soudain entendirent le bruit d'une cascade: et en effet, quelques secondes plus tard ils tombèrent tous dans une chute d'eau qui les conduisit immédiatement dans un torrent plus large et plus agité, aux eaux plus claires et plus bleues.
Sur les rives se dressaient les arbres de la Forêt, innombrables et fanés, attendant l'arrivée de l'hiver, tandis qu'une fine mousse recouvrait les rochers bordant les eaux vives. Sous les arbres, les ombres s'étendaient, mais sur le courant, où le passage des branches s'interrompait, les pâles rayons du Soleil d'automne matinal se déversaient chaleureusement. Les nains s'agrippèrent plus fermement aux bords de leurs tonneaux, à présent secoués par le courant plus vif et tumultueux, tandis que Bilbon s'agrippait comme il pouvait, ses pieds et ses jambes trempant dans l'eau froide commençant à être assaillis de crampes. Ils filèrent dans les eaux, apercevant bientôt devant eux une muraille passant au-dessus du courant tel un pont, percée en cet endroit d'une grande ouverture afin de laisser passer les tonneaux de vin. Mais quatre gardes postés sur ce mur remarquèrent bien vite l'étrange cargaison arrivant vers eux, et en aucun cas il ne s'agissait de vin. Les nains prièrent pour avoir le temps de franchir ce portail, car après cela, le courant les porterait sans que rien ne puisse les arrêter.
Mais hélas, plus loin derrière eux, deux des rôdeurs de la Forêt sortirent précipitamment de la forteresse et virent le groupe des quatorze compagnons sur le point de s'évader.
"Fermez la grille! cria le premier."
Et le second se saisit d'un corps à sa ceinture et y souffla tout l'air de ses poumons, faisant retentir le son clair à des lieues à la ronde.
Entendant cet ordre, les gardes de la muraille s'exécutèrent: l'un d'entre eux se dirigea vers un grand levier de bois poli, et le poussa vers le haut de toutes ses forces. Alors, aussitôt, un bruit d'engrenages se fit entendre et, dans la grande ouverture de la muraille, les deux battants d'une lourde grille de métal forgé se refermèrent inexorablement.
"Non! Non! cria Thorin en tentant d'accélérer comme il le pouvait."
Mais il était trop tard: la grille se referma dans un claquement sec, et tous se retrouvèrent bientôt de nouveau bloqués par des barreaux de métal. Leurs cœurs vacillèrent dans leurs poitrines: avoir eu un espoir d'évasion presque aussitôt balayé de la sorte était sans doute encore pire que de ne pas en avoir du tout. Car à présent ils étaient pris au piège, avec des gardes armés au-dessus d'eux et tout le royaume alerté par le cor du gardien des bois.
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 06 Sep 2015, 16:18
Chapitre 12 (partie 2):
Mais pendant que Bilbon était en train de délivrer ses camarades, Elsa suivait toujours le prince Legolas à travers les couloirs, tous deux encore inconscients de ce qui se déroulait dans les étages inférieurs. Ni l'un ni l'autre n'avait jusqu'à présent rien dit, mais l'elfe finit par tourner la tête vers la jeune femme, un air intrigué sur le visage.
"J'aimerai vous demander quelque chose, dit-il alors de sa voix atonale.
-Quoi donc? s'enquit Elsa en restant elle aussi impassible.
-D'où vous provient donc ce don si incroyable? Etes-vous réellement une simple humaine, ou avez-vous un rapport quelconque avec les lointaines terres de l'Ouest?
-Je ne peux moi-même répondre à cette question... Je suis bien humaine, vous n'avez pas à douter de cela, mais aussi loin que je me souvienne, cette magie a toujours été en moi; et j'ignore totalement d'où elle m'est venue. Et cela n'a pas toujours été facile pour moi... En revanche, je puis vous assurer que je viens d'un endroit encore bien plus éloigné d'ici que ces fameuses terres de l'Ouest."
Legolas ralentit soudain quelque peu, fronçant les sourcils, se demandant ce qu'elle voulait dire et comment cela était possible. Après un silence, durant lequel il avait fixé la jeune femme, comme pour essayer de sonder ses pensées, il finit par demander à nouveau, l'air méfiant:
"Pourquoi avoir déchaîné un tel ouragan sur notre royaume?
-Ce n'était en aucun cas mon intention, se défendit Elsa, tout en gardant son calme. Ces pouvoirs qui sont les miens sont parfois aussi puissants qu'incontrôlables: ils m'ont totalement échappé ce jour là, et je ne pus rien faire pour les contenir. Je vous promets que jamais je n'ai voulu causer de tort à vos terres, et que je n'en ai pas plus l'intention maintenant."
Legolas resta silencieux, la fixant encore quelques instants. Puis il finit par acquiescer lentement, et se remit en route, suivi de près par la jeune femme.
Enfin, ils finirent par arriver devant les fameux appartements du roi: Elsa vit se dresser devant elle une grande porte de bois, surmontées d'une arche de pierre sculptée ou des branches souples s'entremêlaient, tandis que des fleurs comme des étoiles éclosaient sur leurs rameaux et que des feuilles dansaient autour d'elles. Elle ne put s'empêcher de contempler avec admiration ces fines décorations, car tout ce qu'elle avait vu jusqu'à présent dans ces couloirs lui avait semblé beau minutieux, et digne de la grâce des elfes.
Legolas frappa trois fois sur la grande porte, puis sans attendre la réponse l'ouvrit.
"Suivez-moi, dit-il à l'adresse de la jeune femme."
Alors celle-ci, retenant son souffle, entra à sa suite dans la pièce, et découvrit, de ses yeux ébahis, les colonnes de bois soutenant la grande voûte du plafond, les nombreux escaliers aux marches sculptées et le grand bassin d'eau bleue au centre de la pièce.
Et au bord de ce bassin se tenait Thranduil, droit, fier, dans son éternel manteau d'argent, contemplant l'eau ondulante avec une grande tristesse sur le visage. Même sa couronne de feuilles semblait fatiguée, fanée et racornie.
"Père, mon seigneur, appela le prince. Voici l'enchanteresse Elsa que vous avez demandé à voir."
Lentement, le roi releva la tête, et porta sur la jeune femme un regard vide, embué par un voile masquant toute émotion. Elsa le fixa également, impassible, leurs regards se soutenant l'un l'autre, et aucun des deux ne ressentant l'envie de détourner les yeux. Puis finalement, Thranduil prit une grande inspiration et tenta de se ressaisir.
"Laissez-nous Legolas, je vous prie, dit-il à l'adresse de son fils."
Celui-ci sembla soudain piqué au vif.
"Comment? demanda-t-il d'un air soudain effaré.
-Je souhaite m'entretenir seul avec cette femme, répondit le roi en reportant son regard sur cette dernière.
-Mais père... Est-il prudent de demeurer seul avec...
-Legolas! le coupa Thranduil. Je vous demande de quitter cette pièce."
Un silence suivit cette soudaine hausse de ton, semblant alors pesant. Puis finalement, le prince poussa un soupir et s'inclina, avant de tourner les talons et de se diriger vers la porte. Mais en chemin, il attrapa soudain Elsa par le bras et se pencha vers elle, lui murmurant à l'oreille d'un ton dissuasif:
"Si jamais tu tentes quoi que ce soit contre lui, enchanteresse, je te tuerai.
-Assez Legolas! lança le roi avec impatience."
Alors, semblant toujours extrêmement réticent, le prince quitta la pièce, refermant la porte derrière lui.
Elsa était à présent seule avec le roi dans la pièce où régnait un étrange silence, bercé uniquement par le léger souffle de l'eau bleutée du bassin. Puis enfin, après quelques instants, Thranduil sortit de son immobilité et se dirigea lentement vers une table de bois. Elsa n'y avait pas vraiment prêté attention jusqu'à présent, mais elle remarqua à ce moment que de nombreux plateaux de fruits rouges, ocres, dorés, blancs et argentés: des pommes délicieusement rondes du cœur de l'automne, des pêches argentées provenant d'elle ne savait quel arbre magique, des poires luisantes comme des émeraudes et des prunes aux attirants reflets pourpres. Il y avait également deux coupes d'argent et un grand pichet de vin au milieu de tous ces splendides plateaux colorés.
Thranduil prit alors place sur l'une des deux chaises disposées de chaque côté de la table: sculptée dans un bois de chêne, où branche et racine semblait se joindre pour former un ensemble fort et profondément lié à la terre et au monde. Puis il fit signe à la jeune femme de faire de même.
Elsa, un peu méfiante, s'approcha alors lentement de l'autre chaise, taillée dans un if, avant de s'y asseoir, faisant désormais face au grand roi de la Forêt, se demandant de plus en plus ce qu'il pouvait bien lui vouloir. Il désigna alors les nombreux plateaux garnis recouvrant la table:
"Vous devez avoir faim, dit-il alors d'une voix qui se voulait confortante, après avoir passé plusieurs jours dans une chambre obscure. Je vous en prie: servez-vous donc, prenez tout ce dont vous avez envie."
Elsa fut quelque peu déroutée, mais elle dut bien admettre que son estomac se plaignait depuis quelques jours. Alors, ne voyant nul couverte ou assiette, elle se saisit de l'une des pommes et croqua dedans à pleine dent. La chair sucrée et emplie de jus frais du fruit fut un véritable régal pour sa langue et son palais, et la contenta encore davantage lorsqu'elle avala la première bouchée. Après un moment, Thranduil attrapa le pichet de vin et en versa le contenu dans les deux coupes d'argent, avant de prendre l'une en main et de tendre l'autre à la jeune femme. Celle-ci prit doucement la coupe en main, et regarda un instant le breuvage pourpre qu'elle contenait, avant d'en avaler une première gorgée, tout comme le fit le roi lui-même.
Elle trouva le vin vif et pur, mais plus fort que celui que l'on buvait à Arendelle. Après avoir savouré la boisson, et se sentant rassasiée, elle reposa le gobelet et regarda le souverain de Vertbois droit dans les yeux.
"Bien, et si vous me disiez à présent ce que vous me voulez, roi Thranduil? dit-elle en se forçant de paraître assurée, mais non provocatrice. Car je ne pense pas que vous m'ayez fait en personne venir dans vos appartements pour me regarder manger et boire.
-Non effet, répondit l'intéressé en croisant ses mains sous son menton. Je ne cherchais avec cela qu'à apaiser votre faim et étancher votre soif. Mais la raison qui me pousse à vouloir vous parler est toute autre."
Elsa se redressa légèrement, toute ouïe: elle ignorait de quoi le roi voulait parler, mais elle comptait bien cette fois obtenir sa libération; alors elle devrait rester calme et diplomatique. Le roi la dévisagea encore quelques instants, puis un petit sourire apparut sur ses lèvres.
"Je suis navré que vous ayez eu à rester prisonnière durant tout ce temps, finit-il par dire sans la moindre fluctuation dans la voix. Mais comprenez bien qu'une puissance telle que la vôtre peut sembler effrayante lorsqu'on y est confronté pour la première fois. Cependant je vous observe, et je pense pouvoir vous croire: je ne crois pas que vous ayez chercher à nuire à mon royaume, en quelque manière que ce soit."
Elsa ne répondit rien, se contentant de penser qu'il était effectivement temps que le roi comprenne cela.
"Cependant j'ai entendu et appris des choses sur vous au cours de ces derniers jours, reprit-il en s'adossant à son fauteuil. Et je sais à présent que vous n'êtes pas venue seule en ces terres: vous êtes une amie et alliée des treize nains que nous avons trouvés au cœur des bois. C'est en tant que l'un de leurs compagnons que vous avez pénétré dans ces bois."
Elsa sentit son cœur tomber dans sa poitrine: elle pensa un instant à nier, mais elle ne voyait pas bien à quoi cela pourrait servir à présent. Thranduil était sûr de lui, elle était démasquée. Alors, résignée, elle fronça légèrement les sourcils et tenta de garder son calme.
"Vous êtes perspicace, votre majesté. Est-ce donc cela qui vous pousse à vouloir me parler seul à seul? En quoi cela peut-il vous concerner à ce point?
-Eh bien, cela m'intrigue en premier lieu, répondit simplement le roi. Comment quelqu'un d'aussi exceptionnel que vous peut-il vouloir voyager ainsi en compagnie de treize répugnants nains?
-Je vous interdis de parler de la sorte! répliqua Elsa, qui déjà commençait à avoir du mal à se contrôler. Vous ne savez rien d'eux!
-Oh non, je crois plutôt que VOUS ne savez rien d'eux, répondit Thranduil en affichant un air sombre et inquiétant. Vous ne savez rien de leur vraie nature..."
Un silence s'abattit, et Elsa se demanda de quoi pouvait bien parler le roi. Etait-ce simplement du à l'animosité naturelle entre Nains et Elfes, ou avait-il une vraie raison de proférer de telles paroles? Mais le roi ne continua pas dans cette direction, et reprit peu à peu son air impassible.
"A vrai dire, bien que cela m'intrigue, peu m'importe la raison qui vous pousse à les suivre, reprit-il lentement. Je peux même presque l'imaginer: sans doute avez-vous été séduite par les fascinants et héroïques récits de la vie du grand Thorin Ecu de chêne, roi et chef à la tête de cette compagnie."
Elsa sentit sa gorge se nouer en repensant à Thorin, dont elle n'avait plus vu les yeux d'acier la chevelure de geai depuis si longtemps.
"Je connais bien ce descendant de Durin, petit fils du roi Thror, poursuivit Thranduil. Et je sais exactement ce qui l'amène, lui et ses compagnons, à travers ses terres. Ils sont venus avec l'espoir fou de reprendre les terres d'Erebor et de Däle au terrible et puissant Smaug, et vous vous êtes jointe à eux pour les aider dans cette tâche."
La jeune femme se raidit: elle se sentait de plus en plus acculée, comme si le roi lui arrachait peu à peu tous les masques et les voiles de mystère qu'elle portait, et que bientôt elle n'aurait plus rien derrière quoi se cacher ou se protéger. Mais elle s'efforça de tenir bon et de paraître toujours inébranlable.
"Sans doute dites-vous vrai, répondit-elle dans un souffle. Je crois à présent comprendre que c'est la raison pour laquelle je me trouve ici.
-Il est vrai que je comprends le rôle que vous pouvez tenir au sein de cette quête insensée: l'enchanteresse aux sortilèges de neige et glace pour combattre le dragon aux flammes de l'Enfer... Un choix judicieux et très pertinent; à croire que les chemins de la croisée des Mondes ont entendu nos prières à tous.
-Comment? s'exclama la jeune femme en se redressant. Que dites-vous?
-Je ne suis pas dupe Elsa: je l'ai rapidement compris. Un pouvoir tel que le vôtre n'existe pas en Terre du Milieu, ni même sans doute au-delà de la Grande Mer. Vous nous venez tout droit d'un autre monde, perdu dans je ne sais quelle lointaine constellation... Tauriel en a parlé à mon fils Legolas, qui me l'a rapporté par la suite: je sais que là bas, au loin, dans ce royaume inaccessible qui est le vôtre, attend votre sœur, que vous avez été contrainte d'abandonner et qui vous manque plus que tout."
En entendant parler de sa sœur, Elsa n'en put plus et les larmes vinrent à ses yeux avant de se mettre à couler sur ses joues. Elle baissa alors le regard et plaqua sa main sur sa bouche, tentant de masquer ses sanglots.
"Je suis navré que les choses soient ainsi, dit alors Thranduil d'un ton qui semblait étrangement sincère. Tout ceci est réellement regrettable, et je compatis avec vous: être ainsi perdue dans un monde totalement inconnu, loin de chez soi, et sans savoir comment y retourner..."
Elsa ne répondit rien, s'efforçant toujours de cacher ses pleurs dans ses mains.
"Mais en réalité il existe bien un moyen de rentrer chez vous Elsa, reprit soudain le roi. Et je sais exactement lequel.
-Comment? s'écria la jeune femme en relevant brusquement la tête, ses yeux encore embués de larmes.
-Absolument: et cela me concerne autant que vous."
Elsa resta silencieuse, à le regarder, pendue à ses lèvres, assoiffée d'en savoir plus. Thranduil, lui, leva des yeux tristes vers la voûte rocheuse de la pièce. Puis, après un silence, il poussa un soupir et commença à s'expliquer:
"Comme vous l'avez vous-même constaté au cours de votre voyage dans ces bois, un mal s'est emparé d'eux: depuis des dizaines et des dizaines d'années à présent, Vertbois étouffe sous le voile d'une ombre terrible, et pourtant mystérieuse. D'où vient-elle? Qui ou quoi peut en avoir ainsi après notre royaume? Difficile à dire... Mais cette Forêt n'a pas toujours été comme cela: autrefois elle rayonnait et regorgeait de merveilles... Seulement, elle ne serait peut-être jamais devenue ainsi si seulement son essence la plus pure était encore en elle...
-De quoi parlez-vous? s'intrigua la jeune femme en essuyant ses larmes.
-Vertbois est une vieille Forêt: profondément magique et imprégnée de la force des âges passés. Et il y a bien longtemps, dans des temps si reculés que beaucoup de mes sujets ne les ont jamais connus, d'innombrables joyaux furent extraits du cœur de chaque pierre, chaque arbre, chaque racine, chaque carré de terre, chaque feuille de cette forêt par certains des plus purs et des plus puissants être qui demeuraient encore en ce monde en ces temps. Les pierres de Lasgalen, joyaux de la Grande Forêt aux verts feuillages, bénis par la blanche lumière de notre étoile bien aimée: Eärendil, belle et puissante protectrice. Toutes ces pierres, détentrices d'un immense pouvoir, furent plus tard rassemblées et confiées au souverain de ces bois: placées dans son palais, éclatantes et rayonnant de la plus pure beauté, leur lumière protégeait pour toujours ces bois de toute ombre qui voudrait s'insinuer en eux. Mais à présent, ces précieuses gemmes ne demeurent plus dans notre Forêt: elles sont retenues prisonnières dans les sombres cavernes d'une grande Montagne habitée jadis par des Nains."
Elsa mit quelques instants à assimiler tout cela, mais lorsqu'elle comprit enfin ce que voulait dire le roi, ses yeux s'ouvrirent en grand.
"Oui, approuva Thranduil, voyant qu'elle avait compris. Ces pierres sont terrées dans les profondeurs de la Montagne solitaire, sous les pattes du terrible Smaug. Leur pouvoir est désormais loin de nous, et notre Forêt privée de sa lumière et de sa sève magique et bénéfique; c'est pourquoi elle croule chaque jour de plus en plus sous le poids de cette Ombre grandissante, sans pouvoir y résister.
-Je... Je suis navrée pour vous... Mais, qu'est-ce que cela a à voir avec moi et mon royaume?
-J'y viens, ma chère Elsa. Comme je vous l'ai dit, ces gemmes contiennent un pouvoir extrêmement grand, bien plus que vous ne pouvez l'imaginer. Elles sont imprégnées de l'éclat et de la magie d'une grande et immortelle étoile, qui chaque nuit voyage loin au-dessus de nous entre toutes les constellations des cieux, et chaque jour disparaît dans des mondes inconnus, au-delà de toute vision et de toute connaissance. Ces joyaux sont si puissants qu'ils sont capables d'ouvrir les portes secrètes et mystérieuses des longs chemins reliant les mondes entre eux."
Elsa entendit cela, et soudain tout sembla s'arrêter autour d'elle. Elle entendit comme un bruit sourd résonner dans son esprit et taire tout autre son venu de l'extérieur à ses oreilles, son cœur sembla se gonfler jusqu'au bord de l'explosion, puis se ratatiner jusqu'à une ridicule graine fripée, elle se sentit vaciller tandis que tout devenait flou autour d'elle...
Avait-elle bien entendu? Etait-ce bien vrai? Thranduil était-il en train de lui dire que...
"Oui, c'est exact, confirma le roi en acquiesçant lentement. Ces gemmes pourraient vous permettre de regagner votre royaume natal, et d'être enfin réunie avec votre sœur."
Elsa dut se retenir à la table pour ne pas tomber à la renverse. Elle n'en croyait pas ses oreilles, dans lesquelles résonnait à présent un sifflement aigu. Mais pourtant elle ne rêvait pas: et elle comprit rapidement qu'il devait s'agir là des fameuses et si précieuses gemmes dont lui avait parlé le seigneur Elrond, il y avait bien longtemps dans la riante vallée d'Imladris. Il disait donc vrai? Ces gemmes n'étaient pas une simple légende... Car la jeune femme avait beau dévisager le roi, elle ne décelait aucune trace de mensonge dans ses yeux.
Une sensation qui ne l'avait plus habité depuis longtemps, depuis environ trois ans maintenant, l'envahit de nouveau: l'idée nette, claire et désormais possible de rentrer chez elle, à Arendelle, dans le fjord où chantent les vagues et ondulent les pins sur les montagnes. Retrouver le château au toit d'azur, son peuple,... Et Anna, sa tendre et douce Anna, petite sœur adorée depuis toujours. Elle avait souvent pensé à son retour au royaume, mais elle l'avait toujours cru impossible, une simple fantaisie qui jamais ne se réaliserait. Mais à présent, cette possibilité s'offrait à elle: et qui plus est, se trouvant précisément là où tout ce long et périlleux voyage devait l'amener.
Pendant un instant, elle vit dans le visage beau et lisse du souverain de la Forêt le plus beau et le plus aimable des êtres, car il lui offrait l'opportunité qu'elle avait toujours crue inexistante et dont elle avait pourtant souvent rêvée. Mais soudain, elle revint à la réalité et se demanda si Thranduil n'avait pas encore autre chose à lui dire, ou à lui préciser.
"Et... Qu'envisagez-vous de faire? demanda-t-elle, ayant encore du mal à articuler correctement.
-Réfléchissez Elsa: ces gemmes nous sont à tous deux précieuses au-delà de tout, et nous souhaitons désormais tous deux les obtenir. Croyez-moi, j'ai déjà essayer de convaincre vos amis nains de me les rapporter une fois qu'ils auraient repris la Montagne, mais ils ont sauvagement refusé en me traitant de tous les noms. Jamais ils ne me laisseront m'approcher de leur compagnie ou de leur Montagne... Mais vous, vous êtes leur amie, leur chère amie: ils seront fous de joie lorsqu'ils vous retrouveront. Je suis tout à fait prêt à tous vous relâcher, et vous laisser mener votre quête à bien. Je ne doute point de la puissance de votre pouvoir Elsa: je suis certain que vous parviendrez à venir à bout de ce maudit dragon, car personne d'autre ne le pourrait, mais vous êtes une personne exceptionnelle. Une fois que la bête aura enfin été terrassée et que la Montagne sera à vous, vous n'aurez qu'à vous emparer secrètement des gemmes de Lasgalen, toutes contenues dans un petit coffre de bois sculpté, avec une serrure en étain. Tout ce que je vous demanderai alors, serait de me les amener: je vous promets, en échange de tout cela, de vous en offrir suffisamment pour vous permettre de regagner enfin votre royaume et retrouver votre sœur. Ainsi mon royaume retrouvera-t-il sa force et sa pureté, et vous regagnerez tout ce qui vous est cher. Qu'en dites-vous?"
Elsa resta un instant bouche-bée, imaginant être de nouveau emportée dans le tourbillon de cristal scintillant, et atterrir doucement sur les pentes des montagnes du fjord d'Arendelle, où se balançaient les verts sapins sur lesquels soufflait un vent frais du matin, portant les senteurs de la mer bleutée en contrebas. Elle fut alors sur le point d'accepter, mais repensa soudain à tous ses camarades: Thorin, Bofur, Bombur, Balin, Dwalin, Fili, Kili et tous les autres... Depuis le début ils la considéraient comme une amie, ils l'avaient tous acceptée et aidée à s'accepter elle-même, et à présent elle devrait les trahir en s'associant avec un peuple qu'ils détestaient? Cette idée la répugnait au plus haut point, mais l'image d'Arendelle était également très présente dans son esprit.
"Mais... balbutia-t-elle, tiraillée entre ses émotions. Et que se passera-t-il si jamais ils me surprennent?
-Mais je compte justement sur vous pour qu'ils ne vous surprennent pas, répondit Thranduil d'un air sévère. Alors, avons-nous un accord?
-Pourquoi devrais-je vous croire? Qui me dit que vous tiendrez parole?
-Je n'ai aucune raison de souhaiter vous voir terminer vos jours ici dans la peine Elsa. Je ne suis pas votre ennemi, et je n'imagine que trop bien ce que vous devez ressentir depuis toutes ces années séparée des vôtres.
-Mais dites-moi, qu'est-ce qui m'oblige à vous rapporter les gemmes une fois que la Montagne aura été reprise? Pourquoi ne pourrais-je simplement les utiliser pour regagner mon royaume sans avoir à trahir mes amis?
-Peut-être tout d'abord ce sentiment que l'on appelle compassion et compréhension: car vous n'apprécieriez guère l'idée de laisser notre belle Forêt dépérir lentement jour après jour. Et ensuite, les pierres de Lasgalen n'ouvrent les grands couloirs des Mondes que lorsqu'une ancienne incantation elfique est prononcée, et je doute fort que vous la connaissiez."
Elsa ne trouva rien à répondre: Thranduil avait raison. Elle ne pourrait supporter l'idée d'abandonner cette Forêt à son sort; car elle repensa à Tauriel et à la description que celle-ci lui en avait faite. L'elfe aux cheveux roux était devenue assez chère à son cœur, et elle se haïrait éternellement de la laisser sombrer dans les ténèbres qui envahissait Vertbois. Et elle devait également bien avouer qu'elle n'avait aucune connaissance de l'incantation dont parlait le roi Thranduil. Elle était coincée: si elle tenait à rentrer chez elle, elle devrait d'une manière ou d'une autre trahir ses chers amis nains qui avaient traversé tant d'épreuves avec elle. Mais cela était absolument inconcevable pour elle: comment pourrait-elle leur faire une chose pareille?
"Mais... Pourrais-je déjà savoir comment ces pierres se sont retrouvées dans la Montagne solitaire? demanda-t-elle comme si elle cherchait la moindre échappatoire."
Alors, Thranduil baissa les yeux, et poussa un long soupir: il semblait ne pas vouloir évoquer ce qu'il devrait dire à présent pour répondre à cette question. Mais finalement, avec un grand chagrin dans les yeux, il se leva lentement et fit quelques pas en direction de son bassin. Elsa le regarda, silencieuse, intriguée: avait-elle posé la question de trop? Après un moment, il soupira de nouveau, et commença à répondre tout en gardant le regard plongé dans l'eau du bassin.
"Avez-vous déjà déploré la perte d'un être cher Elsa? demanda-t-il d'une voix légèrement tremblante.
-Oui, répondit-elle. Croyez-moi, oui.
-Vous savez donc ce que l'on peut ressentir dans ce cas."
Il se tut un instant, puis reprit la parole sur un ton morose.
"Ce royaume, celui des elfes de la Forêt, est installé sur ces terres depuis des temps extrêmement anciens, que moi-même n'ait pas connu. De tous temps ce fut un royaume digne de la grâce des Eldars: où seuls importaient les êtres peuplant paisiblement ce monde, les animaux s'épanouissant au cœur des bois, loin de toute violence, peine ou chagrin, les arbres étendant leurs chevelures de branchages aux milles feuilles verdoyantes au-dessus desquelles perlaient les scintillantes étoiles comme la rosée qui confère sa vitalité à chaque plante de la terre. Quel équilibre plus parfait aurait-on pu souhaiter pour un tel royaume? Puis un jour, les Nains sont arrivés: s'installant avec fracas dans cette Montagne solitaire, qui étendit chaque jour un peu plus son ombre froide sur nos bois. Et bientôt, les Hommes arrivèrent à leur tour, attirés par les richesses extraites des entrailles de la Montagne. Tous, Hommes et Naugrims, frappèrent les enclumes de leurs marteaux, firent brûler des feux, emplissant le ciel de fumée, battirent des murailles telles de grandes cicatrices sur le vaste et sauvage paysage,... Et ils se seraient mis à couper des arbres de notre Forêt pour alimenter leurs maudites forges si je les avais laissé faire sans rien dire. Ainsi la tranquilité de notre royaume fut-elle à jamais troublée par ces êtres cupides et insensibles."
Il se tut, et respira bruyamment pour regagner son calme, car il s'était quelque peu emporté en prononçant ses dernières phrases. Puis il reprit, beaucoup plus calmement:
"Mais je parvins tout de même à ignorer tous ces troubles, car ma vie était illuminée par une merveilleuse personne. Comme vous vous en doutez, mon cher fils Legolas ne m'est pas tombé du ciel: nous lui avons ensemble donné la vie, mon épouse et moi-même. Son nom était Rossivrin, j'étais son époux depuis maintes et maintes années. Je n'aimais rien plus qu'elle en ce monde: elle m'était tout, était source de mes plus grandes joies et consolation pour mes plus grandes tristesses. Radieuse comme l'étoile qui traverse les cieux et gracieuse comme la feuille qui s'épanouit sur la branche fertile, toutes ces longues années passées en sa compagnie furent les plus belles de toutes. Puis un jour, notre enfant Legolas vint compléter notre bonheur. Nous l'aimions tous deux de tout notre cœur, et étions si comblés de savoir que le trône du royaume des Forêts possédait à présent un héritier. Afin, alors, de célébrer nos longues années d'amour et la venue de notre fils et de notre bonheur le plus complet, je décidai d'offrir à ma chère femme le plus beau et le plus précieux des présents qui soit: je comptais honorer son noble cou à l'aide d'un collier fait des plus belles perles de ce monde. Un collier tressé des puissants et radieux joyaux de Lasgalen... Mais enfiler de si délicates pierres sur un gracile fil d'argent était un travail manuel d'une extrême difficulté, et il n'y avait qu'une seule manière d'obtenir le meilleur résultat: confier cette tâche aux meilleurs forgerons et orfèvres que le monde ait porté de tous temps. J'allai donc trouver les Nains d'Erebor, leur amenant le coffre rempli des joyaux et leur exprimant mon souhait de créer le plus magnifique des colliers avec ces derniers. Je leur laissai donc les pierres précieuses, prévoyant de revenir dans quelques mois en escomptant trouver la travail terminé."
Il s'arrêta soudain, et sembla lutter pour retenir un sanglot.
"Mais il faut croire que les jours de paix et de bonheur ne devaient pas durer. Rossivrin, mon épouse bien aimée, connut une mort violente et tragique pour libérer les terres du Nord d'une sombre menace. Jamais le monde ne me parut aussi sombre qu'après cela: plus rien n'avait de sens à mes yeux, et tout me semblait gris, fade, inerte, las... Comme si mer, terre et cieux s'apprêtaient à basculer par delà les ombres du crépuscule. Tout n'était plus que tristesse, et elle n'était plus là pour chasser mes pensées noires. La seule chose qui mes restait d'elle, la dernière source de lumière pouvant éclairer mes jours, était ce collier que j'avais fait faire pour elle, et qui devait être prêt à présent."
Elsa ne dit rien, sentant simplement une boule se former dans sa gorge: car elle ne savait que trop bien ce que l'on ressentait lorsqu'un être cher nous était brutalement enlevé.
"Lorsque je me rendis donc à la Montagne solitaire, afin de récupérer ce bien, seul souvenir radieux survivant de ma femme, reprit le roi d'une voix tremblante, les nains avaient achevé leur travail: digne de celui que j'avais espéré. Le collier était prêt, magnifique, éclatant,... J'eux l'impression, en le contemplant, de revoir un instant la douce lumière de son visage me souriant... Mais alors, les nains, ces êtres sans cœur, ont brutalement refermé le coffre à clef, et ont refusé de me rendre ce qui m'appartenait. Insensibles à mon chagrin et ma peine immenses, ils gardèrent les gemmes pour eux seuls et les cachèrent loin dans les profondeurs de leurs obscures galeries, me regardant pleurer en me narguant et se moquant de ma souffrance. J'ai bien tenté depuis de leur faire entendre raison, mais jamais ils n'ont ouvert leurs cœurs et ont toujours cruellement refusé de me restituer ce coffre de merveilles."
Il s'arrêta et se mit à pleurer pour de bon, s'enfouissant le visage dans une main. La jeune femme, elle, resta bouche-bée: était-ce bien la vérité? Les nains avaient-ils réellement été capables d'une telle cruauté? Non, elle refusait d'y croire... Et pourtant.
Finalement, après un moment de silence ponctué par ses sanglots, et après que des larmes eurent coulé et troublé son reflet dans l'eau, le roi releva la tête et revint lentement s'asseoir sur son fauteuil, les yeux encore rouges. Il fixa Elsa, puis demanda d'une voix insistante:
"Que dites-vous donc? Ramenez-moi les joyaux, ainsi pourrai-je rendre son souffle d'antan à mon royaume et honorer dignement le souvenir de mon épouse, et je vous en laisserai suffisamment pour vous permettre de rentrer chez vous. Acceptez-vous, oui ou non, mon offre?"
Elsa se mit à respirer frénétiquement, à se tordre sur sa chaise et à se mordre les lèvres. Elle ne pouvait laisser passer ainsi cette chance de rentrer chez elle et de retrouver Anna, mais jamais, JAMAIS elle ne pourrait se résoudre à agir telle une fourbe traître dans le dos de ses amis. Que devait-elle faire? Que devait-elle répondre? Pourquoi devait-elle être soumise à ce choix? La tête lui tournait à présent: que n'aurait-elle pas donner pour pouvoir s'évaporer et disparaître de cet endroit, comme si jamais le roi ne lui avait avancé cette proposition, cet impossible choix. Elle était sur le point de hurler pour évacuer l'intense bouillonnement de son esprit, lorsque soudain l'on frappa violemment à la porte de la pièce.
"Qu'y a-t-il? demanda Thranduil en fronçant les sourcils."
Aussitôt, la porte s'ouvrit et un garde en armure entra précipitamment dans la pièce.
"Votre majesté, s'écria-t-il d'une voix essoufflée et empressée, les nains se sont échappés!"
Tous deux, Elsa et Thranduil, se redressèrent brusquement dans l'exact même temps, elle avec une soudaine étincelle d'espoir dans les yeux, et lui un soudain regard affolé.
"Comment?! s'exclama-t-il en se levant d'un bond.
-Ils ont trouvé un moyen de s'évader, répondit le garde. Ils ne sont plus dans leurs cellules: toutes ont été ouvertes et sont vides à présent!"
Alors que le roi baissa des yeux furieux vers le sol, semblant réfléchir à toute vitesse, Elsa sentit son cœur faire un immense bond de joie et de soulagement dans sa poitrine: Bilbon avait réussi, son plan avait finalement marché. Tous ses compagnons étaient à présent libres au-dehors, et elle n'avait plus qu'à les rejoindre. Totalement emportée par sa joie et son émotion, elle se leva brusquement de sa chaise et, jetant un dernier regard au roi dont elle n'oubliait cependant pas la grande peine, lança simplement:
"Je suis navrée."
Puis soudain, elle lança ses deux bras dans les airs, et en un instant, toute la pièce fut envahie par une véritable tempête de neige: un vent froid et cinglant souffla de toutes ses forces, ballottant d'innombrables flocons aigus et luisants. Les hurlements du vent se répercutèrent contre les murs, agitèrent follement les eaux du bassin et firent voler les deux chaises ainsi que tous les fruits de la table... Thranduil et le garde se protégèrent le visage de leurs mains, aveuglés pendant quelques instants. Alors, profitant de cette panique qu'elle venait de créer, Elsa prit ses jambes à son cou et sortit en trombes de la pièce.
Le blizzard la suivant de près, elle courut, courut de toutes ses jambes à travers les couloirs, descendant escalier après escalier, passant porte après porte, toute personne se trouvant sur son chemin contrainte de s'écarter brusquement pour espérer échapper à la terrible tempête. Semant ainsi nombre de gardes, et après avoir couru un bon moment au hasard des couloirs, elle finit par arriver devant la grande porte: haute et solide, d'un bleu turquoise envoûtant, elle était étroitement surveillée par deux gardes. Mais ceux-ci n'eurent guère le temps de réagir, car la jeune femme lança son bras en avant et précipita sur la porte un puissant souffle de vent qui les força à se jeter au sol et ouvrit d'un seul coup les deux battants.
En deux temps trois mouvements, Elsa se retrouva au dehors, une grande bouffée d'air frais lui emplit les poumons et ses yeux contemplèrent enfin la vraie et pure lumière du Soleil qui depuis des jours lui avait été cachée. Se sentant revivre, et ne pensant plus qu'à rejoindre enfin ses compagnons, elle pensa tout d'abord à traverser le pont passant au dessus du Taurduin pour gagner l'autre rive, mais où alors irait-elle par la suite? Elle se rappela que cette rivière courait jusqu'au dehors de la Forêt, comme le lui avait dit Tauriel. Sans doute était-ce également le chemin qu'avaient emprunté ses camarades, et sans doute devait-elle le suivre elle aussi. Sans hésiter, elle se lança alors sur sa gauche et suivit le courant qui descendait, tumultueux, entre des rochers humides, laissant finalement derrière elle la grande forteresse du royaume de Ndaedelos. Elle ne s'arrêta jamais de courir, regardant toujours droit devant elle, ne souhaitant plus que revoir enfin les visages de tous ses compagnons.
Mais ceux-ci étaient en réalité loin d'être tirés d'affaire: à présent entassés dans leurs tonneaux contre la solide grille, certains coincés sous l'arche de la muraille, ils se trouvaient dans une situation extrêmement délicate. Les derniers regardaient avec angoisse les gardes au-dessus d'eux tirer leurs épées étincelantes du fourreau, prêts à combattre, tandis que tout le reste de la garde du palais ne tarderait plus à arriver. Ils ne pouvaient rien faire: ballottés dans des tonneaux, désarmés, inférieurs en nombre,... Comment ce plan d'évasion qui avait ramené sur leur horizon une lumière éclatante comme ils n'en avait plus aperçu depuis des semaines aurait-il pu plus mal se terminer? Comment la situation pouvait-elle être pire à présent?
Mais soudain, cette question sembla malheureusement trouver une réponse. L'un des gardes sur la muraille se raidit soudain en poussant un cri de douleur étouffé, et tomba bientôt à la renverse, s'écroulant sur le ventre: une flèche sombre aux plumes de corbeau était plantée dans son dos, droit entre les deux épaules. Et soudain, une silhouette apparut, surgissant de derrière le mur de pierre: c'était un Orque. Un air féroce déformait les traits de son visage aux yeux brûlant de rage, une horrible hache pendait à sa ceinture tandis qu'il tenait dans sa main un arc aux formes tranchantes à faire frissonner n'importe qui.
En le voyant, les gardes se préparèrent aussitôt à mettre fin à ses jours, mais quelques instants plus tard, au moins dix autres de ces créatures apparurent à leur tour, sautant par-dessus les remparts et se jetant sauvagement sur les elfes gardiens. Ceux-ci se débattirent autant qu'ils purent, mais les Orques avaient eu l'avantage de la surprise: en peu de temps, les gardes finirent égorgés par de sombres poignards aux dents effilées.
Les nains furent à leur tour pris de panique:
"Attention, il y a des Orques! crièrent les derniers à l'adresse de leur camarade piégés sous l'arche de pierre."
La terreur se lut alors sur leurs visages: non, ce n'était pas vrai, pas maintenant... Et pourtant ils entendaient déjà les lourds et sinistres de toutes les horribles créatures en approche. La panique les envahissait véritablement, car ils n'avaient alors aucune arme pour se défendre. Les mains tremblantes, Fili, Kili et quelques autres à l'arrière du groupe purent observer le terrible spectacle se déroulant sous leurs yeux: d'entre les arbres, surgissant de l'obscurité, nombre d'Orques armés jusqu'aux dents et poussant de féroces cris accouraient vers la muraille, venant prêter main forte à leurs confrères. Ils étaient bien plus nombreux que les nains, ceux-ci n'auraient aucune chance... Et soudain, comme pour terminer le terrible tableau, un grand Orque, à la peau pâle, apparut à son tour d'entre les arbres; mais ce n'était pas Azog. Il avait une tête et un visage totalement déformés par d'affreuses blessures comblées par des plaques de métal sombre. Et bientôt, glaçant le sang des nains, il se mit à crier dans sa cruelle langue:
"Débarrassez-vous d'eux! Tuez-les tous!"
Sa voix seule, cruelle, pleine de furie et puissante, suffit à les faire frissonner.
"Sous le pont! cria Thorin à l'adresse de ses compagnons. Abritez-vous sous l'arche!"
Les autres tentèrent bien de faire comme il le disait, mais il n'y avait pas assez de place pour tous sous la muraille. Et soudain, l'un des Orques les plus proche sortit une longue dague acérée, et sauta depuis la muraille sur le tonneau abritant Nori. Celui-ci, pris de panique, sans rien pour se défendre, tenta de se débattre, de repousser son assaillant, mais rien n'y fit. Le monstre le saisit au cou et leva son arme dans les airs, prêt à l'abattre. Mais il fut brusquement arrêté dans son geste: une petite lame brillant d'un éclat bleu se planta juste sous sa gorge. Bilbon, le seul des compagnons à posséder encore son arme, était venu au secours de son ami. L'Orque poussa un petit cri étouffé, et lâcha bientôt prise, avant de sombrer au fond de l'eau. Mais Nori eut immédiatement le réflexe de s'emparer du couteau de la créature, et alors tout s'enchaîna à partir de là.
Car lorsque les autres monstres se jetèrent sur ses camarades, il poignarda le plus proche de lui, permettant à son camarade de s'emparer à son tour de son arme pour mettre à bas un autre Orque,... Et ainsi rapidement, les nains se saisirent un à un des armes de leurs assaillants. A présent équipés pour du moins tenter de se défendre, ils se sentirent quelques instants un peu plus assurés, mais cela ne dura pas, car les Orques arrivaient encore, toujours plus nombreux. Les nains se battaient comme ils pouvaient, lacérant leurs attaquants avec leurs propres couteaux, les transperçant de leurs propres lance et les battant de leurs propres massues, mais ils ne pourraient pas lutter éternellement.
Mais alors, un cor se fit de nouveau entendre: tous tournèrent la tête, et virent toute une troupe de gardes et rôdeurs de la Forêt arriver vers eux en courant, toutes armes sortis. Les Orques poussèrent des cris de rage et brandirent leurs sombres lances comme une menace, mais cela ne suffit pas à impressionner les elfes. Les archers usèrent rapidement de leurs arcs, et une première volée de flèches fendit les airs, mettant rapidement à bas bon nombre des monstres. Puis d'autres empoignèrent leurs dagues scintillante et leurs épées et se jetèrent à l'assaut des créatures qui les attaquaient. Les nains furent tout d'abord déroutés par ce secours inattendu, mais ils finirent par se faire à cette idée: en cet instant, ils se battaient aux côtés des elfes.
Ceux-ci abattirent leurs épées, firent voler leurs flèches, danser leurs dagues, tandis que les nains maniaient les sombres armes des monstres avec une impressionnante ardeur et l'énergie du désespoir. Mais ils savaient qu'ils ne pouvaient rester ici indéfiniment: la grille devait être ouverte. Kili jeta un regard au-dessus de lui, et vit le grand levier de bois sur la muraille, qui n'avait qu'à être abaissé pour ouvrir en grand les barreaux. Prenant son courage à deux mains, il bondit hors de son tonneau et sauta sur la rive, sous les regards affolés et ébahis de ses camarades. Il devait à présent monter les escaliers menant au sommet du mur, mais là un Orque à la peau grise et à la carrure massive se jeta sur lui et tenta de le poignarder au flanc. Il parvint de justesse à éviter l'assaut, mais il ne pourrait s résister longtemps. Soudain:
"Kili! lança Dwalin. Attrape!"
Et le guerrier lui lança une grande perche garnie de pointes en fer à son extrémité. Le jeune nain s'en saisit au vol et l'abattait de toutes ses forces sur le crâne de son assaillant: celui-ci vacilla et Kili l'envoya au fond des eaux d'un coup de pied dans le torse. Puis il se dépêcha de reprendre sa course et de grimper les escaliers à toutes jambes: mais là encore, deux monstres se jetèrent sur lui en même temps. Il sentit une main le saisir au cou et lui couper le souffle, mais il envoya un violent coup de perche dans les jambes du monstres qui tomba à genoux, avant d'être achevé d'un coup dans la nuque qui envoya voler sa tête dans les airs. A peine Kili eut-il le temps de reprendre son souffle que la deuxième créature arriva sur lui, brandissant un poignard. Mais en bas, son aîné Fili se saisit d'un couteau et l'envoya droit sur l'assaillant de son frère. L'arme se planta dans la gorge de l'Orque qui tomba bientôt à la renverse.
Kili vit alors le levier qui n'était plu qu'à quelques pas: il n'avait plus que quelques enjambées à faire pour libérer ses compagnons et leur permettre d'échapper enfin à ce sinistre champ de bataille.
Mais sur la rive, à l'autre bout du mur, Bolg, le grand Oque, vit le jeune nain s'approcher du levier, et comprit avec fureur qu'il s'apprêtait à ouvrir la grille, et que ces maudits nains pourraient alors leur échapper encore une fois. Alors il se saisit de son arc et d'une sombre flèche à la pointe d'acier luisante dans son carquois. Il encocha l'angoissant projectile sur la corde, concentra toute sa colère et sa pensée sur le jeune nain, et décocha sa flèche qui vola en un éclair droit vers sa cible.
Kili ne sentit rien venir: il tendait déjà la main vers le levier, prêt à l'abaisser, quand soudain, une fulgurante douleur foudroya son genoux droit, et se répandit rapidement dans toute sa jambe. Quelque chose, de tranchant, venait de se planter dans son genou... Il eut envie de hurler, mais n'en sentit pas la force en lui: il avait soudain l'impression que toute sa jambe brûlait ardemment et était plongée dans un bain de glaçon mordants à la foi, puis une étrange douleur, comme si chacune de ses veines était atrocement compressée, se répandit lentement en lui. Il poussa alors un petit soupir étouffé, et vacilla tandis que sa vision se brouillait.
"Kili! cria alors Fili en voyant son frère blessé."
Et en entendant cela, Thorin fut également pris de panique.
Le plus jeune neveu du roi bascula en avant et tenta malgré tout d'abaisser le levier, s'accrochant de toutes ses forces à lui, mais il n'y parvint pas: il avait l'impression que toute force avait abandonné ses doigts, ses bras et tous les membres de son corps. Alors il s'écroula sur le sol, tenant sa jambe en affichant une affreuse grimace de douleur.
Les larmes aux yeux, il vit un Orque se précipiter vers lui, une sombre épée à la main, prêt à l'achever. Mais soudain, une flèche vint se planter droit dans la poitrine du monstre qui s'écroula au sol. Kili tourna vivement la tête et vit accourir une elfe à la longue et flamboyante chevelure de feu, de vert et de cuir vêtue, un arc de bois à la main: Tauriel arrivait à toutes jambes, capitaine des gardes qu'elle était. Elle ne perdit aucun temps: l'un de ses flèches vola à nouveau et envoya au sol un autre monstre. Puis elle saisit ses deux dagues et les fit tournoyer en tous sens, avec l'agilité qui était la sienne, se débarrassant de chaque créature se trouvant sur son chemin.
Reprenant peu à peu son souffle, Kili regarda se battre farouchement l'elfe qui venait une nouvelle foi de lui éviter la mort.
Le combat faisait toujours rage autour de lui: les elfes se défendaient ardemment contre les Orques, à présent le prince aux cheveux blonds, fils du roi Thranduil, était là lui aussi, se battant aux côtés de son amie Tauriel, tandis que les compagnons de Kili en contrebas résistaient vaillamment aux assauts, n'attendant plus que la grille s'ouvre. Comprenant alors qu'ils comptaient sur lui, le jeune nain ignora la douleur et prit son courage à deux mains, avant de se redresser sur ses jambes et d'attraper le levier sur lequel il tira de toutes ses forces, finissant par l'abaisser en fin de compte.
Alors, les battants de la grille s'ouvrirent et les nains furent enfin libérés: Thorin fut emporté en premier par le courant. Il tomba dans une nouvelle cascade et atterrit pour de bon dans le courant du Taurduin, aux eaux fougueuses et aux remous véritablement agités. Kili, voyant que les tonneaux s'en allaient un par un à une vitesse impressionnante, s'empressa, en serrant les dents de toutes ses forces, d'arracher la flèche de son genou, et de sauter de la muraille pour regagner son tonneau vide. Son frère le prit alors par l'épaule, s'assurant de bien le garder près de lui, et ensemble, à la suite de tous leurs compagnons, ils furent emportés par le courant tumultueux, loin des elfes et des féroces Orques.
Regardant la scène avec fureur, Bolg cria aux siens:
"Après eux! Rattrapez-les!"
Alors, en moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, tous les Orques abandonnèrent leur combat contre les elfes pour se lancer le long de la rivière à la poursuite des nains, Bolg toujours à leur tête.
Mais les elfes ne se contentèrent pas de cette fausse victoire: ces monstres s'étaient introduits sur leurs terres et ils devaient les éliminer, car ils ne pouvaient laisser un tel danger menacer à nouveau leur royaume. En outre, cette attaque était étrange; pourquoi avait-elle eu lieu maintenant? Quel était donc le but de ces monstres? Cela avait-il un quelconque rapport avec les ténèbres envahissant les bois? Autant de questions incitant les elfes à penser que quelque chose d'étrange était en train de se dérouler, et à se lancer à la poursuite de ces assaillants.
Elsa quant à elle, continuait de courir le long du torrent, ignorant son essoufflement et ne songeant qu'à retrouver ses amis. Courant sans savoir réellement où elle allait, longeant simplement la rivière, elle finit par atteindre un genre de muraille passant au dessus du courant. L'endroit était désert, mais elle pouvait entendre ces cris et de nombreux bruits de pas et de course un peu plus loin. Elle grimpa précipitamment sur le mur, et vit en effet plus bas de nombreux elfes, rôdeurs des bois, courir eux aussi le long de la rivière, poursuivant toute une troupe de... Non, ce n'était pas vrai. Elle ne voulut pas croire ses yeux, mais son sang se glaça lorsqu'elle vit que tout cela était bien réel: les elfes couraient après une horde d'Orques armés et féroces.
Elle recula de quelques pas, ne souhaitant pour rien au monde rencontrer à nouveau ces horribles créatures. Mais pouvait-elle réellement reculer? Pouvait-elle se livrer ainsi à la garde du palais qui la renverrait certainement aux fers pour son évasion ravageuse. Que devait-elle faire: choisir entre les geôles du palais ou les lames acérées des Orques...
Mais soudain, elle entendit des voix qui lui semblèrent familières en contrebas: intriguée, elle plissa les yeux, et vit de petites silhouettes ballottées dans les eaux du Taurduin, semblant installées dans... Des tonneaux? Totalement déroutées, elle était cependant certaine d'avoir reconnu les voix des nains, et reconnaissait également certaines de leurs barbes et de leurs chevelures. Son cœur fit alors un bond: ses amis étaient là-bas, filant droit vers la lisière de la Forêt au cœur même des eaux torrentielles de la rivière. Alors son choix fut fait: si elle devait affronter les Orques pour retrouver ses compagnons, elle le ferait avec autant de courage qu'elle pourrait en avoir. Alors elle se lança à toutes jambes le long du courant, serpentant aussi rapidement qu'elle le pouvait entre les arbres de la Forêt.
Les nains se cramponnaient aux bords de leurs tonneaux, ballottés en tous sens, parfois engloutis sous les remous, cognant contre des rochers, buvant la tasse... Sans compter les flèches des Orques venant parfois se planter droit dans leurs 'embarcations', manquant de peu de les transpercer eux-mêmes. Bilbon était à présent monté à cheval sur un tonneau vide, trempé de la tête au pied, tentant pourtant comme il pouvait de garder la tête hors de l'eau froide et rugissante. Thorin, toujours en tête du groupe, tenait fermement en main une longue épée prise à un Orque plus haut dans le courant. IL s'en servait vaillamment pour mettre à bas tous les monstres qui tentaient de l'attaquer, lui ou ses compagnons. Un Orque lui sautant droit dessus depuis la rive fut en un éclair envoyé par le fond d'un coup de l'arme particulièrement bien placé; et nombreuses furent les créatures qui ainsi périrent de la main de Thorin. Derrière lui, tous les autres se défendaient au moins aussi ardemment: Balin, Dwalin, Bofur, Bifur, Dori, Nori... Tous évitaient comme ils le pouvaient les attaques des créatures, mettant fin à leurs jours à l'aide de leurs propres armes. Fili, lui, tenait fermement son frère cadet d'une main, qui grimaçait encore de douleur dans son tonneau. Il le protégeait avec ferveur, décapitant le moindre monstre qui tentait de l'attaquer.
Les elfes, eux, avaient fini par rattraper les Orques et se battaient avec eux sur les rives, en envoyant bon nombre gire sur le sol, mais subissant également de nombreuses pertes. Les monstres se montraient particulièrement féroces, et donnaient beaucoup de fil à retordre aux gardes de la Forêt. Legolas et Tauriel étaient en tête de leur troupe, poignardant chaque monstre passant à leur proximité et décochant flèche après flèche. Plusieurs fois il manquèrent d'être touchés d'une flèche ou mortellement blessés, mais jamais ils n'abandonnaient le combat; Tauriel se battant particulièrement farouchement contre ces monstres auxquels elle vouait une haine sans nom. Et Legolas luttait ardemment à ses côtés.
Elsa courait, courait toujours de toute la force de ses jambes, accompagnée dans sa fougue par le rugissement des eaux et les cris du féroce combat qui se déroulait sous ses yeux. Elle finit par rattraper la foule d'Elfes et d'Orques et coupa sans s'arrêter à travers ce champ de bataille qui se tenait sur les bords de la Rivière de la Forêt. Les gardiens des bois la virent passer mais n'eurent nullement le temps de se soucier d'elle. Elle tenta bien parfois de les aider en transperçant quelques monstres de ses lances de glace, mais ceux-ci étaient encore trop nombreux. Quelques fois, elle vit plusieurs d'entre se poster en travers de sa route, tendant les bras comme pour l'attraper et l'arrêter dans a course. Poussée par une énergie stupéfiante, elle serra fermement le poing et envoya le premier d'entre eux s'écraser contre un arbre par la seule force de son bras. Un autre se jeta sur elle, mais fut aussitôt empalé sur toute une rangée de stalagmites aiguës. A peine eut-elle le temps de reprendre son souffle, que soudain deux autres la saisirent fermement par les bras, et la tirèrent violemment, lui faisant perdre l'équilibre. Relevant la tête, elle vit deux Orques la tenir avec force et tenter de la maîtriser, comme pour l'emmener avec eux.
"Allons, tiens-toi tranquille! cria le premier, aux dents pointues sortant de sa bouche. Tu vas venir avec nous: nous devons t'amener devant le Maître!"
La respiration haletante, cette idée de 'Maître' ne lui inspirant rien de bon, et refusant férocement de se laisser faire, Elsa serra les poings et hurla de toutes ses forces:
"Noooon!!"
Alors une véritable explosion de neige et de glace envoya voler et s'écraser au sol les deux créatures. Ne prenant même pas le temps de retrouver ses esprits, Elsa se remit sur pieds et reprit en un éclair sa course. Les arbres commençaient à se faire moins nombreux et moins hauts: sans doute approchait-elle de la lisière des bois. Encouregée, elle redoubla alors de vitesse, laissant derrière elle les sauvages combats, ne regardant que vers l'avant, là où enfin elle retrouverait les treize nains et le hobbit.
Ceux-ci remarquaient également que les arbres se faisaient de moins en moins nombreux, et ils étaient venus à bout de presque tous les Orques. Seuls en restaient encore quelques uns que combattaient les elfes sur les rives. Thorin jeta un regard en arrière pour vérifier que tous les siens étaient bien là, et fut rassuré lorsqu'il constata que cela était bien le cas. Enfin ils étaient libres, enfin leur voyage pourrait se poursuivre et surtout s'achever. En cet instant, même le terrible danger qui se tenait juste à ses côtés ne pouvait étouffer la flamme qui s'était allumée dans son cœur.
Soudain, il vit sur la rive à sa droite l'elfe aux longs cheveux blonds, le prince de la Forêt, aux prises avec un Orque déchaîné. Celui-ci tentait sauvagement de planter sa dague dans le cou de l'elfe. Le fils du roi parvint cependant à désarmer la créature et à finalement lui trancher la tête. Mais il ne vit pas le grand monstre massif qui arriva derrière lui en silence et leva sa grand hache, prêt à l'abattre sur lui d'un seul coup. Mais Thorin saisit alors l'épée qu'il tenait à deux et la leva haut dans les airs: il choisit de tuer la créature qui menaçait le prince de la Forêt, car les Orques ne méritaient que le mort, et à choisir, il préférait voir un Elfe en vie plutôt qu'un Orque. Il lança alors l'épée de toute ses forces, et celle-ci alla se planter droit dans le torse du monstre, qui lâcha son arme dans un dernier souffle et s'écroula sur le sol.
Legolas, surpris, se tourna alors et vit la créature qui avait failli l'assassiner gisant à présent sur la pierre qui se couvrait de son sang noir. Puis il tourna à nouveau la tête et regarda s'éloigner rapidement dans son tonneau le roi des Nains, qui venait contre toute attente de lui sauver la vie. Une étrange sensation emplit son cœur: quelque chose d'assez douloureux, car avoir une dette envers un nain était quelque chose d'assez inconcevable pour lui, et pourtant cela était bel et bien le cas à présent. Il resta là un moment, debout, immobile, fixant simplement les silhouettes des nains s'éloigner de plus en plus dans le courant, n'étant plus que de petits points noirs sur l'horizon à présent.
Mais à ce moment, en silence, un autre Orque, l'un des derniers survivants, s'approcha de lui par derrière, armé d'un arc et de flèche: Narzug était son nom. Il encocha l'une d'entre elles sur la corde, et visa tout droit le dos du prince des Bois. Il décocha sa flèche, mais celle-ci fut aussitôt déviée de sa course par une autre. Dérouté, il tourna la tête, et n'eut que le temps de voir une elfe se jeter sur lui, le désarmer en un instant et plaquer une froide dague sur sa gorge et une autre droit sur son cœur. Ne pouvant plus rien faire pour lutter, il se prépara à mourir, mais soudain, le fils du roi cria:
"Tauriel!"
L'elfe aux cheveux roux s'arrêta alors net, et leva le regard vers lui. Lentement, lui tourna son regard froid et impassible vers l'Orque, qu'il regarda avec dégoût. Mais malgré tout, il ajouta:
"Nous avons besoin de lui vivant."
Tauriel fit la moure: cela semblait être très dur pour elle de ne pas se débarrasser une fois pour toute de cette vermine qu'elle tenait entre ses mains. Mais elle parvint malgré tout à se contenir, et préféra tourner son regard vers la rivière. Là, elle regarda quelques instants les tonneaux disparaître au loin, sachant que dans l'un d'eux se trouvait un jeune nain aux cheveux noirs, qui avait su lui apporter un peu de réconfort dans cette période si sombre de sa vie.
- Lhysender
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Localisation : Quelque part entre la raison et la folie
Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Mar 08 Sep 2015, 10:17
Voilà, j'ai enfin finit de tout lire
Je vais t'épargner les habituelles compliments sur les descriptions et l'écriture, car elles sont (et je pense pouvoir affirmer sans me tromper, seront toujours) d'actualité !
Alors faisons ça dans l'ordre:
Partie 1
C'est à la fois calme, et en même temps on sent que ça va péter dans pas longtemps. La relation entre Tauriel et Kili va bon train, quand tu sais comment ça va finir...
Bon par contre un bon point pour Thranduil, il a enfin décidé de libérer Elsa quand même...mais bon, à voir ce qu'il va lui demander...
Partie 2
...au punaise le Thranduil il remonte dans mon estime là, dans le sens où il vraiment intelligent ce roi ! Et puis il sait comment faire pour qu'Elsa retrouve Arendelle et donc Anna ?! Mais ça voudrait dire que si il est sincèrement sincère...il aurait un cœur et des sentiments ? Ouah !!!!!!!!
Et puis tout son récit sur l'histoire de ce collier...punaise mais entre lui et Elsa qui veut retrouver Anna...mais c'est trop triste !
Allez les gens câlin général pour se remonter le moral !
Oh oui, les tonneaux !!!!!!!!
Le combat était excellent en tout cas ! Et puis Elsa était...comment dire...totalement épique ! Le moment où les deux orques l’attrapent et qu'elle les dégage dans une explosion de neige et de glace, c'est juste la classe quoi !
Bref, encore un excellent chapitre, vivement la suite !
Je vais t'épargner les habituelles compliments sur les descriptions et l'écriture, car elles sont (et je pense pouvoir affirmer sans me tromper, seront toujours) d'actualité !
Alors faisons ça dans l'ordre:
Partie 1
C'est à la fois calme, et en même temps on sent que ça va péter dans pas longtemps. La relation entre Tauriel et Kili va bon train, quand tu sais comment ça va finir...
Bon par contre un bon point pour Thranduil, il a enfin décidé de libérer Elsa quand même...mais bon, à voir ce qu'il va lui demander...
Partie 2
...au punaise le Thranduil il remonte dans mon estime là, dans le sens où il vraiment intelligent ce roi ! Et puis il sait comment faire pour qu'Elsa retrouve Arendelle et donc Anna ?! Mais ça voudrait dire que si il est sincèrement sincère...il aurait un cœur et des sentiments ? Ouah !!!!!!!!
Et puis tout son récit sur l'histoire de ce collier...punaise mais entre lui et Elsa qui veut retrouver Anna...mais c'est trop triste !
Allez les gens câlin général pour se remonter le moral !
Oh oui, les tonneaux !!!!!!!!
Le combat était excellent en tout cas ! Et puis Elsa était...comment dire...totalement épique ! Le moment où les deux orques l’attrapent et qu'elle les dégage dans une explosion de neige et de glace, c'est juste la classe quoi !
Bref, encore un excellent chapitre, vivement la suite !
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Mer 09 Sep 2015, 17:44
Merci Lhys.^^
Eh oui, Elsa découvre qu'il est finalement possible de rentrer chez elle... Mais pourra-t-elle pour cela trahir ses amis? (non je ne suis pas cruel... )
Ah ben tant mieux si même toi j'ai réussi à te faire apprécier un peu Thranduil : c'c'était un défi de haut niveau quand-même!
Bon, je suis surtout content si tu as apprécié la scène des tonneaux: j'avais peur que tous ces combats, ces actions en parallèles, tous ces gestes bien précis... Ce soit complètement brodellique, qu'on y comprenne rien et que ça devienne lassant. :/
Mais bon, si tu me dis que tu as aimé, ça me rassure (je dis souvent ça non? ).
Bref, merci encore.^^ Par contre, je ne peux toujours pas dire pour quand sera prête la suite. :/
Eh oui, Elsa découvre qu'il est finalement possible de rentrer chez elle... Mais pourra-t-elle pour cela trahir ses amis? (non je ne suis pas cruel... )
Ah ben tant mieux si même toi j'ai réussi à te faire apprécier un peu Thranduil : c'c'était un défi de haut niveau quand-même!
Bon, je suis surtout content si tu as apprécié la scène des tonneaux: j'avais peur que tous ces combats, ces actions en parallèles, tous ces gestes bien précis... Ce soit complètement brodellique, qu'on y comprenne rien et que ça devienne lassant. :/
Mais bon, si tu me dis que tu as aimé, ça me rassure (je dis souvent ça non? ).
Bref, merci encore.^^ Par contre, je ne peux toujours pas dire pour quand sera prête la suite. :/
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 27 Sep 2015, 17:31
Bon! J'ai enfin terminé d'écrire le chapitre 13, donc le voici.^^ (Encore en deux parties à cause de sa longueur... -_-').
Je n'ai rien de spécial à dire... Ah, à part peut-être que si à partir de maintenant vous tombez sur quelques noms de lieu qui ne vous disent rien, c'est parce que je les ai inventés moi-même: en effet, je trouve juste un peu dommage que la géographie des régions du Nord soit si peu détaillée chez Tolkien, donc j'ai décidé de remédier à cela dans ma fic.
Donc j'ai inventé quelques noms, qui viendront au fur et à mesure des chapitres qui suivront, et c'est sans doute pour cela que vous ne les reconnaissez pas.^^'
Bref, bonne lecture.
Si le magicien Gandalf avait su quels risques immenses venaient d'encourir tous ses amis, il aurait certainement été saisi d'une sombre panique et aurait volé à leur secours en un éclair. Mais hélas, tout ceci ignorait il: son esprit était centré sur la non moins sombre destination qui l'attendait au bout de sa longue errance sur les sentiers gris qui couraient hardis par dessus les terres du sauvage Rhovanion.
Il avait à présent gravi bien des monts escarpés sous la lourde courbe des cieux agités, et maints ruisseaux houleux et maintes prairies échevelées avait-il enjambé de son pas au panache grisâtre. Pour quiconque, il était un vagabond errant au loin, trainant sa longue barbe blanchâtre et affrontant le vent tenace de son long bâton, marmonnant pour lui-même, ne se retournant jamais. En effet, jamais sa marche ne fut paisible et sereine, tant les pensées lugubres accablaient son esprit. Il craignait sans cesse, chaque jour un peu plus, ce qui l'attendait au loin dans ces fameux monts de Rhudaur; mais pourtant, jamais ne s'arrêtait-il, aussi infatigable que le liseron et aussi persistant que toute ronce.
Haut avait-il longé les crêtes abruptes et les pentes où les rochers rugissant s'entrechoquaient avec plus de fracas qu'un bélier jetant à bas la porte de fer des plus hautes tours et des plus vastes châteaux, longtemps avait-il marché dans les bosquets où les ombres des arbres s'étendaient longues sur l'herbe jaunie par l'automne semé par le ciel, et à présent tout proche était-il de sa destination. Il escaladait à présent les plus hauts cols et longeait les plus hautes falaises de ces montagnes, sous un ciel pâle et silencieux. Gravissant l'un après l'autre de curieux rochers semblables à des marches grimpant le long d'une falaise haute et noire, il regardait les sommets et les vallons s'entremêler tout autour et au dessous de lui, tableau affadi de ces contrées qui avaient été jadis le théâtre de maints sinistres évènements.
Plusieurs fois manqua-t-il de perdre l'équilibre sur une angle de pierre effrité et de sombrer dans une longue et interminable chute; mais toujours parvint-il à se maintenir debout, gris contre la falaise noire. Puis enfin il arriva au bout de ces innombrables et périlleuses escalades, sur un petit perron de pierre très étroit et dangereusement instable. Cet endroit était réellement haut perché au dessus du monde et incroyablement périlleux d'accès... Un endroit parfait pour cacher quelque chose qui ne devait jamais être retrouvé.
Gardant le regard porté droit devant lui, s'appuyant contre la paroi, sachant le vide mortel qui s'étendait juste au dessous de lui, il se tourna et fit alors face à une étroite porte, ouverture anguleuse donnant sur un noir tunnel s'enfonçant loin dans les entrailles des montagnes. Cette porte aurait du être solidement scellée, mais à la grande horreur du magicien qui pâlit en constant cela, les lourds barreaux de fer sombre étaient tordus, brisés, la grille défoncée et la porte sans protection aucune. Gandalf fut alors submergé par une vague de terreur et d'angoisse: les choses semblaient aller de mal en pis à mesure que le temps passait, et à chaque découverte qu'il faisait. Cependant, il ne pouvait rester là à se morfondre: aussi prit-il une grande inspiration et pénétra dans le tunnel d'une noirceur absolument impénétrable. Chacun de ses pas sur le sol pentu et glissant résonnait longtemps contre les parois, et son souffle semblait plus grave, plus rauque et plus menaçant dans cet exigu couloir.
Puis soudain, son pied glissa sur une pierre particulièrement humide et il se mit à dévaler la pente sans pouvoir s'arrêter: la panique saisit son cœur et il poussa un soudain cri. Il sentit bientôt qu'il arrivait à la fin du couloir et que les murs s'éloignaient soudain considérablement. Dans un réflexe de survie, il s'agrippa à l'angle du mur et parvint enfin à s'arrêter sur un replat. Il reprit son souffle quelques instants, puis approcha son bâton de sa bouche et murmura des mots en une étrange et ancienne langue. Bientôt, l'extrémité de l'objet s'illumina d'une vive lumière légèrement bleutée, et éclaira timidement le lieu dans lequel se trouvait Gandalf. Et soudain, il vit qu'il se tenait debout sur un nouveau perron rocheux, avec le noir couloir derrière lui et juste devant ses pieds, un gouffre sans fin qui plongeait loin dans les ténèbres des profondeurs. Son cœur fit un bond lorsqu'il réalisa qu'un pas de plus dans l'obscurité l'aurait précipité dans les sombres gouffres de l'oubli.
Mais il se reprit et releva la tête, pour constater que la 'pièce' dans laquelle il se trouvait à présent était de forme carrée, avec des angles saillants taillés dans la pierre brutale que la lumière du bâton éclairait, projetant dans l'endroit une lueur fantomatique qui n'avait rien de très rassurant. De l'autre côté du gouffre, en face de Gandalf, se dessinait également une porte dans la roche, aussi noire que la précédente. Le magicien savait que c'était là bas, dans cette ouverture, que se trouvait l'information après laquelle il avait couru depuis toutes ces semaines, là-bas qu'il saurait si oui ou non de terribles et sombres évènements étaient bel et bien en train de se préparer. Il agrippa alors plus fermement son bâton et s'engagea sur un mince rebord de pierre sur sa gauche, longeant la paroi et menant jusqu'à la fameuse porte.
La traversée fut des plus angoissantes: l'étroitesse du rebord l'obligeait à se déplacer dos au mur, et à chaque pas la pierre semblait s'effriter et s'écrouler, emplissant son esprit de la terrifiante image d'une chute sans fin dans le noir. Réellement, tout semblait avoir été fait pour rendre cet endroit aussi inaccessible que possible. Mais finalement, avec un sang incroyablement froid et un calme impressionnant, Gandalf parvint à atteindre l'autre côté, et la porte sombre. Là, il constata que la grille qui la fermait autrefois avait également été détruite et ouverte, les restes des barreaux pointant tel des lances menaçantes. Déglutissant avec difficulté, il s'approcha de l'ouverture et fit bientôt face à l'obscurité. Mais il leva son bâton, et la lueur éclaira l'endroit et dissipa les ténèbres: un petit couloir s'enfonçait également dans la roche, mais il était bien moins long et l'on en voyait la fin, toute proche. Là-bas, au fond, était un petit caveau gris et terne, aux parois usées et friables, couvertes de longues toiles d'araignées imprégnées de la poussière de maintes années de silence. Et là, au centre de cette petite cave, était un grand bac taillé directement dans la pierre, avec un couvercle de roche également le recouvrant: un cercueil. Mais le lourd couvercle était brisé et nombre de ses massifs morceaux gisaient mornes sur le sol noir, laissant le sinistre sarcophage grand ouvert.
La terreur et l'angoisse saisirent alors Gandalf pour de bon, balayant tout espoir, si mince soit-il, qui brûlait encore en son cœur. Son visage devint aussi blanc qu'un linge et ses traits s'étirèrent dans une expression de gravité et de peur. Car il commençait à comprendre, à faire les liens entre les différents évènements qui l'avaient alarmé, et cela l'emplissait de la pire des craintes. Mais, comme s'il cherchait à tout prix à se raccrocher au dernier espoir insensé, il commença lentement à s'avancer vers le tombeau, pointant son bâton droit devant lui, tenant à regarder par lui-même à l'intérieur du cercueil.
'Peut-être n'est-ce que l'usure du temps, pensait-il désespérément, sans y croire lui-même. Peut-être la chose est-elle toujours dans le cercueil...'
Retenant son souffle, à présent tout près du coffre mortuaire, il se pencha lentement, agrippant son bâton si fermement que ses jointures devenaient blanches, prêt à découvrir ce que cachait la noirceur de ce tombeau. Et soudain, un cri strident et aigu se fit entendre et une chose surgit soudain du sarcophage, semblant se jeter droit sur le magicien: mais ce n'était qu'une chauve-souris, dérangée par la lumière du bâton et prenant son envol en quête d'un recoin plus sombre. Gandalf sursauta, mais se ressaisit rapidement, loin d'être rassuré cependant. Car le cercueil était bel et bien vide.
Il s'accabla lui-même d'avoir espéré tel un fou que toutes ces preuves évidentes pouvaient se révéler erronées: tout ce qu'il avait craint depuis son départ de la compagnie se trouvait hélas être terriblement vrai, il n'y avait plus aucun doute possible. Son cœur se mit à battre, il avait l'impression d'entendre un râle s'élever et résonner grondant tout autour de lui. Cet endroit n'avait rien de bon, il devait le quitter au plus vite. Il se tourna et se trouva soudain nez à nez avec une silhouette se dressant dans l'obscurité. Il sursauta comme un diable, mais la lumière de son bâton éclaira bientôt un visage qui lui était familier: un visage ridé, anxieux, serti d'une longue barbe brunâtre...
"Radagast! s'exclama le magicien gris, son visage semblant soudain se détendre quelque peu. C'est vous...
-Pourquoi suis-je ici Gandalf? demanda ce dernier d'un air dérouté et guère plus rassuré que son confrère.
-Croyez-moi, je ne vous aurais pas fait venir ici sans une bonne raison, répondit Gandalf.
-C'est un drôle d'endroit pour une rencontre...
-Oui, assurément.
-Ce lieu est empli de magie noire... Je crois que nous ne devrions pas nous y attarder."
Tous deux se tournèrent alors et sortirent ensemble du caveau, retournant sur le seuil juste devant la porte de pierre. Radagast se tourna soudain et leva les yeux, fixant quelque chose au dessus de l'ouverture: là, dans la roche, étaient gravés maints signes et runes d'une langue de jadis, tracés dans des traits saillants.
"Ce sont de noirs sortilèges Gandalf, fit remarquer le magicien brun. Anciens et pleins de haine... Qui est enterré ici?
-S'il a eu un nom, il est oublié depuis longtemps, répondit le pèlerin d'un air grave. On ne devait le connaître que comme un serviteur du mal: un parmi les autres..."
Il plongea soudain son regard dans les ténèbres du gouffre au dessous d'eux, puis avança son bâton qui les dissipa soudain, révélant, creusées dans les parois de pierre, huit autres portes du même genre, toutes autrefois scellées par des grilles à présent réduites en miettes.
"Un parmi les neuf, conclut Gandalf avec un visage plus pâle que jamais."
Un lourd silence s'installa, la lumière du bâton de Gandalf tressautant avec peine, comme une dernière pauvre lueur se débattant pour rester en vie et échapper aux ombres immenses qui tentaient de l'étouffer.
"Sortons d'ici Radagast, reprit finalement le magicien gris en s'engageant sur l'étroit rebord de pierre, Radagast à sa suite.
-Mais je ne comprends pas Gandalf, dit alors ce dernier. Pourquoi donc vouliez-vous me montrer tout ceci?
-Car vous êtes tout autant concerné par ces évènements que n'importe qui d'autre en ce monde. Le monde m'inquiète Radagast: depuis un certain temps maintenant, d'étranges signes, des manifestations de sombres pratiques plus vues depuis des centaines d'années ont refait surface. Mon œil observait, anxieux, toutes ces choses se produire, sans comprendre, doutant simplement. Mais depuis peu, la fréquence et la gravité de ces signes s'est accrue, me poussant toujours plus fortement à croire que quelque chose bougeait, se déplaçait en silence... Vous-même avez aiguisé mes sens en me contant le triste devenir du grand Vertbois.
-Vertbois... Murmura amèrement le magicien brun. En effet, son état empire de jour en jour: plus denses se font les ombres et plus féroces les créatures, les Elfes sont rongés d'inquiétude au cœur de leur royaume.
-Je le sais, je l'ai vu de mes propres yeux. C'est d'ailleurs à l'orée de la Forêt que j'ai senti l'urgente nécessité de venir vérifier le devenir de ces tombeaux."
Arrivés au bout de la périlleuse traversée, tous deux s'engagèrent de nouveau dans le noir tunnel, remontant avec difficulté vers la lointaine et pâle lumière du jour.
"La Forêt se meurt et tombe aux mains des ombres, reprit Radagast d'une voix rauque. Je suis à présent certain que tout cela est lié au sorcier qui habite Dol Guldur: le Nécromancien. Qui qu'il puisse être, il a étendu son influence sur Vertbois et a empoisonné chacun de ses arbres. Il gronde chaque jour de plus en plus, et pourtant reste insaisissable tel de la fumée glissant entre les doigts, dissimulé dans sa forteresse.
-Vous êtes donc témoin de ces sombres choses se déroulant dans l'ombre, échappant comme elles le peuvent à toute surveillance. Vous avez comme moi été alarmé, et senti que les contrées que vous foulez depuis toujours sont menacées: c'est pourquoi je tenais à vous mettre au courant des noirs secrets des Monts du Rhudaur.
-Mais pourquoi Gandalf? Quel rapport cela a-t-il avec le mal dévorant Vertbois?
-Radagast, vous savez fort bien que ces choses jusqu'à présent enterrées dans ces tombeaux étaient jadis les plus terribles servants des Ténèbres: les servants de l'Anneau. Ils furent cependant vaincus et ensevelis au plus profond de ces sommets inaccessibles, afin que plus jamais leur ombre, même trépassée, ne puisse s'étendre sur le monde. Mais à présent, nous l'avons tous deux constaté, ils ont été réveillés et appelés par un maître.
-Mais ça ne peut être le Nécromancien: un sorcier humain n'a pas le pouvoir de réveiller pareilles abominations.
-Qui vous dit qu'il est humain?"
Le magicien brun s'arrêta soudain, tout en même temps qu'ils sortaient enfin du tunnel. Lui et Gandalf se regardèrent gravement, la lumière grisâtre du Soleil semblant assombrir le moindre de leurs traits. Le vagabond gris tourna lentement la tête et regarda l'immensité des montagnes ternes s'étendre sous ses yeux, tandis que le vide s'étendait toujours menaçant sous le perron de pierre et qu'un vent de mauvaise augure, un vent de l'Est, agitait les feuilles du monde.
Finalement, ne souhaitant pas demeurer ici plus longtemps, ils s'engagèrent sur les friables marches de pierre du long de la falaise, et regagnèrent bientôt un sol ferme, tout en continuant d'échanger d'inquiétantes paroles.
"Nombreuses étaient les créatures, les sorciers et les Etres Puissants au service du Mal en son temps, disait Gandalf en gardant un regard frissonnant fixé droit devant lui. De nombreux Maïars, corrompus par son ombrage, s'étaient eux aussi rangés de son côté. Si la plupart furent vaincus, d'autres ont survécu et sont toujours restés terrés dans les profondeurs, leur empire et leur puissance anéantis. Mais aujourd'hui, il est évident que l'un d'entre eux a refait surface et s'attelle à réveiller les plus sombres et les plus terribles de ses anciens alliés... Reste à savoir: qui est-il? Et d'autres points me restent également obscurs: pourquoi donc exactement compte-t-il se servir des Neuf? Et a-t-il l'intention de faire appel à d'autres alliés?
-Je crois hélas qu'il a d'autres alliés depuis bien longtemps Gandalf...
-Que voulez-vous dire? s'inquiéta le magicien gris en tournant soudain vers son confrère un regard ardent.
-D'autres créatures que les araignées de la Forêt foulent de nouveau les terres depuis longtemps: les Orques, Gandalf. Ils semblent devenir plus féroces avec le temps; Beorn, dans sa maison dressée de bois et de roche, l'a remarqué. Il est inquiet lui aussi: il dit observer ces monstres et jurerait que leur nombre augmente, comme si quelque chose les poussait à tous se rassembler. Leurs attaques se font plus fréquentes, et ceux depuis un temps déjà... Ne croyez-vous pas que cela coïncide parfaitement avec les premières manifestations de ces étranges signes dont vous parlez?"
Gandalf sembla réfléchir un instant, puis soudain, son visage s'étira en une gravité des plus angoissantes. Un éclair semblait avoir traversé son esprit, et était loin d'être porteur de bonnes nouvelles: une flamme de terreur brûlait à présent dans ses yeux.
"Par les cieux, vous avez raison! s'exclama-t-il d'une voix affolée. Comment ne l'ai-je pas compris plus tôt? Tout devient clair à présent, mais ce n'est certainement pas pour nous réjouir..."
Soudain pressés par un élan de panique et de grande urgence, ils se remirent en marche en forçant l'allure. Leurs esprits étaient à présents troublés des plus grands tourments, et le monde autour d'eux semblait résonner au son de cet affolement: un brouillard commençait d'envahir les vaux des montagnes, tissant son pâle voilage entre la terre et le ciel, cachant les clairs rayons du Soleil. Gandalf commençait à respirer frénétiquement.
"Les ténèbres s'agitent de nouveau dans les entrailles du monde, disait-il à moitié pour lui-même, à moitié pour son confrère. Je devinais bien qu'il était étrange de voir ainsi de nouveau des Orques sillonner les terres, ressurgis des profondeurs, et puis ces étranges messages en Langue Noire circulant de mains en mains dans nombre de territoires... A présent je comprends: ce n'est pas par hasard que les Orques se montrent de nouveau si féroces et se lancent de la sorte après la compagnie d'Ecu de chêne, ce n'est pas par hasard si les Gobelins grondent dans les entrailles de la terre, pas par hasard si des Trolls quittent leurs montagnes et attaquent les terres avoisinantes... Même cette si curieuse Bataille des Champs verts, célèbre dans la Comté depuis un temps maintenant, est liée à tout cela, j'en suis certain. Il était totalement incompréhensible de voir ainsi des rangs de Gobelins s'attaquer aux terres de l'Eriador, et même à la Comté; mais je crains que cette décision ne venait en réalité pas d'eux: ils avaient reçu des ordres, des directives... Cet Ennemi qui s'est dressé à Dol Guldur, qui qu'il soit, a rassemblé des armées des plus anciennes créatures du Mal, et compte bien s'en servir pour engloutir ce monde sous son noir pouvoir. Il a déjà mené bien des campagnes et tenté maints assauts, dont cette attaque sur l'Eriador, sans pourtant jamais donner aucun signe de sa présence, sans jamais laisser penser qu'il était à la tête de ces forces; car il n'était pas encore assez fort pour risquer d'être découvert, non plus que ses armées, et, Eru soit loué, ces tentatives ont toujours échoué jusqu'à présent."
Il se tut un instant, son visage n'affichant plus rien que de la peine, de l'effroi et du regret.
"Mais depuis, en silence, sans se faire remarquer, son pouvoir s'est accru, reprit-il. Ses armées ont grandi et ont gagné en force: il a rassemblé les plus féroces créatures et a choisi des chefs et généraux parmi elles. Azog le profanateur n'est en réalité pas un simple chasseur, mais un commandant de légions. Mais hélas cela ne s'arrête pas là: l'Ennemi a réveillé ces autres serviteurs, ces Neuf terribles alliés... Nous avons été aveugles Radagast, et notre aveuglement a permis à l'Ennemi de revenir. A présent il se prépare pour la guerre: cela commencera dans l'Est. La Montagne, voilà son objectif.
-Comment pouvez-vous en être sûr Gandalf?
-Cela ne vous est-il toujours pas évident? Il essaie en premier lieu de s'emparer du Rhovanion: il a déjà presque entièrement conquis Vertbois, et j'ignore combien de temps encore les Elfes pourront lui résister."
Gandalf s'arrêta de nouveau, et ses yeux se levèrent vers le ciel noyé dans la brume, lançant au loin un regard des plus désespéré, semblant prier quelque dieu invisible pour implorer son aide.
"Mais surtout et enfin, reprit-il de nouveau, ce que je craignais plus que tout est sur le point de se produire, car là-bas, dans la Montagne, l'attend un autre allié des plus terribles qui soient. Le 'Nécromancien' veut commencer sa conquête en s'emparant des terres du Nord-Est car celles-ci sont affaiblies: les Nains en ont été chassés et les Hommes ont perdu leur cité, leur force et leurs armes... Et cela à cause d'une créature non des moindres: Smaug, le terrible dragon. Il y a quelques temps, lorsque je rencontrai Thorin Ecu de chêne à Bree, je l'encourageai dans son idée de se lancer à la reconquête d'Erebor, car, avec tous ces signes alarmants, je craignais que des esprits malveillants, quels qu'ils soient, finissent par se tourner vers la Montagne et parvinssent à ranger la bête de leur côté. Mais hélas, cela devient réalité à présent: Smaug a fui les terres arides de la Brande Desséchée pour s'installer de force dans la luxuriante cité des Nains d'Erebor, regorgeant d'or et de pierreries qui lui sont les plus belles et précieuses choses en ce monde. Depuis plus de cent cinquante ans, cette créature terrorise les terres du Nord et dort au plus profond des entrailles du Mont solitaire... Mais cette torpeur va à présent prendre fin, le dragon va se réveiller, car l'Ennemi est à présent presque prêt, et n'attend plus que la dernière occasion de renforcer encore son pouvoir. Les dragons sont depuis toujours les plus diaboliques, les plus féroces et les plus puissants enfants et alliés du Mal: il est certain que ce Nécromancien cherchera à rappeler le dernier d'entre eux dans ses rangs, tout comme il est certain que Smaug le suivra sans hésiter, avec toutes ces promesses de conquête du monde que lui fera l'Ennemi... Conquêtes qui permettront à cette créature des flammes d'étendre son territoire, son domaine de chasse et d'amasser tous les trésors des plus prestigieuses cités de ce monde.
-Mais... Mais cela est terrible. Car contre une telle créature à la tête de telles armées, personne ne pourrait rien.
-Hélas non: même si toutes les lignées des plus grands peuples s'assemblaient, leurs chances contre une telle puissance ne seraient que bien maigres. Tous périraient, et alors commencerait le règne des flammes et des lances noires. C'est pourquoi il faut agir au plus vite: le temps est contre nous désormais."
Si tôt dit, le magicien gris s'engagea à grands pas sur un sentier glissant entre de hauts rochers, où se dressaient des arbres sombres et fanés par l'hiver imminent.
"Où allez-vous? l'appela soudain Radagast.
-Rejoindre les autres, répondit son confrère.
-Gandalf! Vous ne pouvez partir...
-Je les ai encouragés, je ne les abandonnerai pas. Une très lourde menace pèse au-dessus d'eux: car ce qui se cache dans cette Montagne est encore plus dangereux que tout ce que je craignais.
-Mais si ce que vous dites est vrai, le monde court un grave danger, dit le magicien brun sur un ton lent et rauque. Le pouvoir dans cette forteresse ne fera que se renforcer... Pour mettre fin à cette menace, ne croyez-vous pas que le Mal devrait être attaqué à la source?"
Gandalf se tourna lentement vers lui, le dévisageant d'un air désemparé, semblant être affreusement tiraillé entre deux extrêmes décisions. Il demeura ainsi un moment, respirant bruyamment, s'agrippant à son bâton comme s'il craignait de s'écrouler. Mais au fond de lui, il savait que son ami avait raison: attaquer l'Ennemi dans son berceau serait la plus efficace des solutions. Pourtant, cette idée lui causait un terrible pincement au cœur.
"Vous me demandez d'abandonner mes amis à leur sort...
Murmura-t-il en tournant un regard désolé vers l'Est, dissimulé par une épaisse brume de mauvais augure."
Bien loin de là, à l'Est, par-delà la longue vallée et la Forêt de la nuit, la compagnie des Nains, si elle n'avait pas idée de l'ampleur de la menace qui les guettait, sentait tout de même sa lourde présence non loin.
Ayant finalement réussi à s'échapper des couloirs de pierre du royaume des Forêts et à filer entre les griffes des Orques, ils dérivaient à présent dans des eaux beaucoup plus calmes et plates, d'un beau vert turquoise. Et il fallait également noter que leur périple dans la Forêt était enfin terminé, car ils étaient enfin sortis des bois et le ciel pâle s'étendait à nouveau au-dessus d'eux: adieu feuillages sombres et sinistres tel une immense voûte impénétrable, adieu troncs serpentins et lianes épineuses... L'air pur emplissait de nouveau leurs poumons. A leur gauche comme à leur droite, des rochers gris pâle longés de fissures, parsemés de buissons et d'arbustes dépouillés de leurs feuilles, se dressaient avant de plonger dans le lit vacillant du Taurduin. Le silence régnait, uniquement tapissé du chant léger de l'eau calme, et de l'incertain et triste bruissement agitant chaque branchette rigide et balançant chaque brin d'herbe fané.
Pourtant, les compagnons étaient tout sauf tranquilles: ils semblaient au contraire pressés, angoissés, ils affichaient des moues de douleur et des mines d'une pâleur déroutante, témoignant de tout ce temps qu'ils avaient passé loin du Soleil. Tous dodelinaient de la tête, assommés par la course effrénée et incontrôlable qui les avait entraînés dans les eaux vives de la rivière. Trempés, recrachant les dernières gorgées d'eau qui avaient pénétré leurs poumons, tremblant de froid dans la brise mordante, s'accrochant au bord de leurs tonneaux comme au dernier fil les reliant à la vie, ils tentaient comme ils pouvaient de continuer à avancer tout en regagnant peu à peu leurs esprits. Endoloris dans chaque recoin de leur corps pour s'être maintes et maintes fois heurté à des rochers et au bois de leurs barils, ils tentaient cependant d'ignorer la douleur et ramaient à l'aide de leurs mains ou de bâtons racornis ramassés à la surface de l'eau.
Et leurs pensées, comme pour compléter cruellement la douleur de leurs corps, étaient troublées par l'appréhension et la peur. Cette attaque d'Orques si soudaine, si brutale, les avait pris au dépourvu et les avait exposé à un danger auquel ils n'étaient alors absolument pas préparés. Ils étaient parvenus à s'en sortir, mais ces monstres n'abandonneraient pas ainsi: s'ils les avaient si férocement traqués depuis la lisière Ouest de Vertbois, leur chasse continuerait jusqu'à ce que le dernier Orque ou bien le dernier Nain soit mort. Aussi, les compagnons ne sentaient guère rassurés, conscient de ce danger leur courant toujours après, tremblant à chaque instant de voir une créature sombre et cruelle, les foudroyant de ses yeux luisants et découvrant ses dents carnacières tout en brandissant une lame noire et dentelée de derrière le moindre rocher.
"Rien derrière nous? demanda un moment Thorin tout en continuant de ramer comme il le pouvait.
-Rien que je puisse voir, répondit Balin en jetant un œil en arrière.
-Je pense que nous avons semé les Orques, suggéra Bofur, toussotant et grelotant.
-Pas pour longtemps, répliqua Thorin d'un air tendu, nous ne sommes plus dans le courant.
-Bombur est à moitié noyé! lança Dwalin en désignant son camarade vacillant de la tête dans son tonneau."
Thorin le vit lui aussi, et résolut qu'ils ne pouvaient rester plus longtemps dans cette eau. Ils étaient en vérité bien moins rapides à présent qu'à la marche.
"Tout le monde gagne la rive! lança-t-il en désignant sur sa droite un endroit où les rochers étaient bas et plats, entrant dans l'eau en pente très douce, leur offrant comme une petite plage pour accoster."
Tous se dirigèrent fébrilement vers ce poste, et un à un quittèrent leur tonneau pour poser enfin le pied sur la terre ferme. La tête leur tournait, certains s'écroulèrent même à quatre pattes, reprenant péniblement une respiration normale. Bilbon, qui depuis tout ce temps s'était démené pour rester agrippé et monté sur son tonneau, posa à son tour le pied sur les rochers, lui aussi trempé et grelotant. Les rochers eux-mêmes étaient glaciaux sous le ciel gris et le vent aigu du Nord.
Après un moment, tous tournèrent leurs regards vers le hobbit, et de grands sourires vinrent finalement illuminer leurs visages: car malgré ce froid, ces blessures et ces attaques, ils étaient libres à présent et grâce à lui. Thorin s'approcha de lui et le serra chaleureusement dans ses bras, comme en ce jour lointain sur le sommet du Carrock.
"Au nom de tous ici, je vous remercie infiniment Maître Sacquet, dit-il en plongeant son regard dans celui du hobbit qui parut un peu gêné. Nous avons tous eu tellement peur pour vous...
-Je dois dire que je me suis aussi fait bien du souci à votre sujet, répondit Bilbon. Mais je suis heureux de constater que vous avez tous su résister à la folie qui aurait pu s'emparer de vous dans ces profonds cachots."
Tous le regardèrent d'un regard radieux et admiratif. Mais soudain, ils furent ramenés à la réalité par un petit cri de douleur: ils tournèrent la tête, et découvrirent alors Kili, se trainant lourdement pour tenter de s'asseoir sur un rocher arrondi. Tous se rassemblèrent autour de lui, et Thorin et Fili notamment vinrent l'aider à atteindre son but. Une fois le jeune nain assis, ils l'examinèrent de plus près: son visage exprimait une douleur amère, saisissante, cinglante et aussi profonde. Chaque centimètre de son corps tremblotait, mais cela n'avait rien à voir avec le froid: il avait l'affreuse impression que ses vaisseaux se gonflaient puis se ratatinaient en permanence, que quelque chose glissait sous sa peau pour la dessouder de sa chair.
Son oncle et son frère, alarmés, posèrent alors leurs regards sur sa cuisse droite: là, juste au dessus du genou, était une profonde entaille montrant une chair encore rouge et vive, de laquelle coulait un sang auquel semblait s'être mêlé un étrange liquide noir. De toute évidence l'œuvre de cette maudite flèche Orque, froidement décochée par le fils du terrible tourmenteur de la lignée de Durin.
"Il lui faut un bandage! dit Fili en fixant la plaie.
-Mais nous devons faire vite: les Orques nous talonnent, précisa Thorin. Hâtons-nous de bander sa jambe! Ensuite nous quitteront cet endroit au plus vite; nous sommes tous là, nous n'avons pas de raison de nous attarder ici."
Tous acquiescèrent, mais soudain Bofur releva le tête.
"Attendez! s'exclama-t-il. Bilbon, où est Elsa?"
En entendant cela, tous se raidirent soudain tandis qu'un silence s'abattit brutalement. Ils jetèrent quelques regards nerveux autour d'eux, puis se tournèrent tous vers le hobbit. Celui-ci, raide comme un piquet, sembla réfléchir quelques instants, et soudain, une expression tout bonnement horrifiée venant déformer son visage, il saisit sa tête entre ses mains et poussa un long cri à la fois plaintif et plein de colère contre lui-même.
"OOOOH! IMBECILE QUE JE SUIS!"
Il leva vivement les yeux vers le courant en amont, vers les arbres de la Forêt que l'on pouvait encore apercevoir plus haut. Se mordant les doigts, l'air absolument paniqué, il expliqua la situation à ses camarades.
"Je lui avais dit de rester en arrière tandis que je viendrai vous libérer, et lui avais promis de venir avec vous tous la retrouver non loin des portes du royaume des elfes. Mais je n'avais alors pas prévu que l'évasion se ferait à bord de tonneaux... Mon dieu! J'étais si préoccupé par votre libération, mon esprit bouillonnait tant pour trouver un plan quelconque que j'ai fini par oublier le reste. Comment ai-je pu être aussi idiot?
-Allons, calmez-vous Bilbon, lança Dori d'un ton pourtant presque autant paniqué. Elsa est loin d'être idiote, elle aura certainement l'idée de suivre la rivière elle aussi. Et même si cette idée ne lui vient pas, elle est certainement encore là haut dans les bois. Nous devrions remonter le courant afin d'aller la retrouver.
-Quoi? s'exclama Gloïn. Et nous jeter dans les griffes des Orques?
-Nous ne pouvons pas l'abandonner! objecta le hobbit.
-Mais remonter cette rivière serait la pire des folies...
-Thorin! appela le hobbit à l'aide, espérant un secours, une sage décision de la part du chef de la compagnie."
Celui-ci regardait également au loin la rivière en amont. Ses yeux brûlaient d'angoisse, son cœur semblait battre à tout rompre: il était tiraillé entre deux choix.
"L'automne touche à sa fin, murmura-t-il, demain se lèvera le jour de Durin. Nous n'avons presque plus de temps pour atteindre la Montagne..."
Tous restèrent muets, suspendus à ses lèvres tremblantes, attendant son verdict. Bilbon était au bord des larmes.
"Mais nous ne pouvons abandonner l'un des nôtres à un danger si grand que celui de la Forêt noire, finit par conclure Thorin à haute voix. Nous formerons des groupes qui partiront chacun fouiller un recoin différent des terres alentours et s'il le faut remonteront jusqu'à la lisière des bois. Mais il faut à tout prix éviter de tomber sur les Orques."
Gravement, les autres acquiescèrent. Bilbon se prit de nouveau la tête dans les mains: cette fois il ne put retenir ses larmes. Comment, mais COMMENT avait-il pu oublier Elsa? A présent, à cause de lui, ils se retrouvaient obligés de replonger droit vers le terrible danger qui les pourchassait. Jamais il ne s'en était autant voulu de sa vie, mais il ne pouvait plus rien y changer: à présent il devait tout faire pour rattraper son erreur.
L'air ferme, décidé et résolu, tous se tenaient à présent prêts à partir; mais soudain:
"Attendez! cria une voix. Je suis là!"
Ce cri semblait provenir de l'autre rive: tous tournèrent brusquement leur regard vers les rochers dressés au-dessus de l'eau, et bientôt virent une silhouette fluette et de pâle bleu vêtu courir à toute jambes entre les buissons séchés. Derrière elle une longue tresse de cheveux blonds comme une neige scintillante flottait dans l'air froid: c'était elle, Elsa.
Tous, et spécialement Bilbon, ouvrirent alors de grands yeux et sautillèrent de joie et de soulagement en la voyant ainsi arriver droit vers eux. Sous des acclamations et même quelques applaudissements, la jeune femme, arrivant au bord de la rive, frappa le sol de son pied et bientôt un long et brillant pont de glace apparut, surplombant prestigieusement les eaux turquoises du Taurduin. Ainsi, en quelques instants, leur amie qu'ils avaient cru avoir perdu les rejoignit, un sourire et des larmes incontrôlés de bonheur et de soulagement scintillant sur son visage.
Lorsqu'enfin elle posa le pied sur la rive, tous l'accueillirent dans une chaleureuse allégresse: ils lui sourirent, lui serrèrent les mains et lui donnèrent des tapes sur les épaules. Thorin affichait ce sourire si particulier qui s'étendait oblong sous ses yeux mystérieux et profonds et lui donnait cet air si noble et si juste. Puis, lorsqu'Elsa vit Bilbon près d'elle, elle s'agenouilla et le serra dans une forte étreinte qu'il lui rendit volontiers. Lorsqu'ils se défirent l'un de l'autre, le hobbit affichait l'air le plus honteux et le plus confus qui soit.
"Je suis navré Elsa, balbutia-t-il. Je me sentais si perdu dans ces grands couloirs de pierre, entre ces escaliers et ces racines, à me cacher pour échapper aux gardes tout en observant chaque détail afin d'imaginer le meilleur plan qui soit, que j'ai fini par oublier...
-Ne vous en faites pas Bilbon, le coupa-t-elle en posant une main rassurante sur la sienne. Il est déjà miraculeux que vous ayez réussi à tous vous échapper de vos prisons, et je n'imagine que trop bien l'angoisse et la panique qui ont du vous saisir durant ces derniers jours. Et nous sommes à présent tous là: inutile de tergiverser sur les malheurs passés.
-Pourtant, rien que de repenser à ces longues heures, recroquevillé dans l'obscurité du coin d'un couloir, des frissons envahissent tout mon être. Reprit Bilbon en se frottant les bras comme pour chasser le froid. Si vous aviez pu voir à quoi ressemblaient ces longs et souples corridor Elsa...
-Mais je l'ai vu, répondit la jeune femme."
Tous se tournèrent alors vers elle, une expression effarée sur le visage.
"Voulez-vous dire que...? Commença Balin.
-Oui, j'ai moi aussi fini par être capturée, acquiesça-t-elle d'un air sterne. J'ai rencontré les elfes, leur roi...
-Leur Roi? répéta Thorin d'un ton sec et avec une certaine colère étirant son visage. J'en suis sincèrement navré pour vous. Et que vous voulait-il donc?"
Elsa ne répondit pas: elle sentit soudain comme un vide se former en elle, comme si l'air qui emplissait ses poumons s'était soudain évaporé. Elle regarda Thorin en remuant des pensées amères, désemparées, navrées, tentant comme elle pouvait de masquer ces émotions. Elle n'avait cessé de penser à cet entretien qu'elle avait eu avec le roi Thranduil: ces gemmes si précieuses qui gisaient dans les profondeurs de la Montagne solitaire sous griffes de Smaug, et qui représentaient sa seule chance de revoir un jour son royaume... Mais comment, comment pourrait-elle trahir ses si chers amis en s'alliant secrètement avec leur rival? Ce choix était inconcevable pour elle, et elle préféra essayer de le chasser de son esprit, espérant de tout cœur qu'elle pourrait trouver une autre solution et ne jamais avoirà agir de la sorte.
Alors elle secoua discrètement sa tête, comme pour dissiper ces sombres pensées, et préféra taire tout ce qui avait été dit au sujet des pierres de Lasgalen.
"Oh rien de bien mystérieux, répondit-elle avec un sourire forcé. Il s'interrogeait simplement sur mes pouvoirs, sur leur nature, sur mes attentions, sur la raison qui m'avait poussé à déclencher une si terrible tempête au cœur de la Forêt... Mais avec la surprise et la diversion qu'a créé votre soudaine évasion, j'ai finalement réussi à lui échapper et à m'enfuir afin de vous retrouver."
Les autres restèrent quelques instants silencieux, et Elsa eut l'impression qu'ils sentaient qu'elle ne leur disait pas tout. Mais finalement, tous acquiescèrent, et son cœur fut enfin libéré de ce poids, du moins pour un temps. Cependant, repensant à toute cette horrible traversée dans les ténèbres de la Forêt, elle reprit:
"A vrai dire il est grandement inquiet. L'état de son royaume, de sa Forêt le trouble et il craignait que je sois une sorcière ou un démon envoyé afin de mettre à bas une fois pour toute son domaine...
-Eh bien il peut être inquiet, répliqua aussitôt Bofur en fixant les arbres de Vertbois au loin en amont. J'ignore quelle sorte de mal s'est emparé de cet endroit mais cela est loin d'être une plaisanterie. Ces terres ne sont plus ce qu'elles étaient autrefois: le sol est desséché, la Montagne ternie, la Forêt fanée..."
Il tourna son regard vers Thorin et ajouta:
"Je pense qu'il est grand temps qu'un roi digne de ce nom apparaisse et reprenne les rennes de ces contrées."
Tous les autres adressèrent également un regard brûlant d'une lueur d'espoir au chef de la Compagnie.
Puis, après un moment, Elsa se remit enfin sur pied, mais soudain, un petit cri de douleur l'alerta: elle tourna vivement la tête et découvrit Kili assis sur un rocher, Dwalin et Fili à ses côtés. Son genoux droit était étroitement enveloppé d'un linge blanc et il grimaçait de douleur. Son frère ainé avait enfin terminé de préparer son bandage, et venait de serrer le dernier nœud: mais à présent, l'étoffe claire se couvrait d'une tâche pourpre grandissant de seconde en seconde.
Le cœur de la jeune femme fit un bond dans sa poitrine.
"Mon dieu, mais... Que lui est-il arrivé? demanda-t-elle en ouvrant de grands yeux.
-Il a du payer le prix de la bravoure, répondit sombrement Balin. Grâce à sa témérité, nous avons pu échapper aux grilles et aux cages du royaume des Forêts, mais son acte lui a valu d'être touché d'une flèche des Orques: et la blessure n'est pas des moindres. Mais plus inquiétant encore, est l'Orque qui a décoché cette flèche lui-même: la hargne de ces créatures envers notre Compagnie sembla être encore bien plus important que ce que nous craignions. Azog le profanateur n'est pas seul à mener sa traque: son fils, l'Orque pâle du nom de Bolg, est également après nous; et de sa main froide et cruelle il a bien failli tuer le neveu de Thorin. Loué soit son frère ainé pour l'avoir protégé durant toute la descente de la rivière."
Un lourd silence s'abattit un instant; puis les deux compagnons aidèrent Kili à se remettre sur pieds.
"Allez, courage mon gars! dit Dwalin en le soutenant comme il pouvait."
Elsa avait de la peine au cœur en voyant la mine pâle, chargée de douleur et chagrine du jeune nain: jamais encore elle ne l'avait vu ainsi; lui qui était toujours enjoué, optimiste et débordant d'enthousiasme... Un peu comme sa chère sœur, Anna... Mais bientôt, en repensant aux paroles du vieux nain, elle sentit la colère envahir son cœur. Bolg, le fils d'Azog? Ce monstre, ce profanateur avait donc une progéniture pour prendre sa suite dans ses horribles crimes? La jeune femme serra les poings: cet Azog et toute sa lignée mériteraient tous de finir à jamais oubliés et perdus dans les ténèbres du néant! Pourquoi tant de cruauté à l'égard de ces pauvres Nains, voyageant à travers les terres pour regagner leur foyer? Pourquoi tant de souffrances causées? A présent, à cause de ce Bolg, l'un des leurs était blessé, et déjà bien des fois auparavant les compagnons avaient manqué de laisser leurs vies dans les griffes de ces Orques... Elle ignorait pourquoi, mais en cet instant, plus que jamais, elle ressentait une véritable fureur en pensant au profanateur et à son diabolique fils.
"Quoi qu'il en soit, dit soudain Bilbon en regardant derrière lui d'un air angoissé, si ce que Balin dit est vrai, je n'ose imaginer ce qui arriverait si les Orques nous rattrapaient maintenant. Nous devons nous mettre en route!
-En route pour où? demanda le vieux Nain à la barbe blanche d'un air morne.
-Pour la Montagne, voyons! répondit le hobbit. Nous sommes tout près...
-Il y a un lac entre nous et cette Montagne, répliqua Balin. Et nous n'avons rien pour le traverser.
-Alors contournons-le, suggéra M. Sacquet.
-Les Orques nous rattraperaient, lança Dwalin d'un air grave, c'est clair comme du cristal. Et nous n'avons pas d'armes pour nous défendre."
Bilbon semblait alors à court d'idées, et de plus en plus paniqué, ce qui était également le cas d'Elsa. Le vent froid et aigu qui soufflait doucement parvenait même à la faire frissonner: qu'allait-il alors arriver? Comment pourraient-ils s'en sortir à présent? Avec un blessé à transporter et aucune arme pour se défendre... Bien sûr, la jeune femme pouvait compter sur ses pouvoirs, mais elle doutait de pouvoir protéger tous ses compagnons à elle seule, à moins de s'enfermer à jamais dans un dôme de glace, attendant que les monstres finissent par en venir à bout avec leurs sombres haches. Comment pourraient-ils survivre à présent dans ces terres désolées? Il y avait bien peu d'endroits sûrs où se rendre à présent: à l'Ouest, en amont, était la sombre Forêt noire, à lisière de laquelle, non loin d'eux, s'étendaient les Longs Marais...
La panique commençait à se saisir du groupe: Elsa réfléchissait, réfléchissait, tentant de ne pas céder à la peur qui envahissait son esprit. Elle commença à jeter des regards à droite et à gauche, espérant vainement trouver une solution.
Et soudain, sur sa gauche, se dressant sur les rochers juste au-dessus d'eux, elle vit avec effroi se dessiner une silhouette sur le ciel gris. Elle poussa un petit cri étouffé et sursauta, observant la même réaction chez ses camarades lorsqu'eux aussi découvrirent l'ombre les surplombant. A présent, la jeune femme distinguait la forme plus clairement: c'était un homme de grande taille, vêtu d'un long manteau; mais surtout, il tenait dans ses mains un long arc sur lequel était encochée une flèche à la pointe de métal. Il regardait les compagnons d'un air sévère et méfiant, tirant sur la corde de son arc, comme s'il se tenait prêt à décocher sa flèche à tout instant.
Retrouvant son courage, Dwalin se saisit d'un bâton sur le sol et l'empoigna à deux mains, se mettant face à l'inconnu, droit et gonflant le torse. Mais l'homme pointa alors son arc vers lui et décocha sa flèche, qui vint se planter droit dans le bois, sa pointe demeurant à quelques centimètres de la poitrine du Nain, qui sembla soudain intimidé. Aussitôt, et avec une vitesse impressionnante, l'homme tira une autre flèche de son carquois et l'encocha sur son arc, la pointant bien vite vers les compagnons, l'air encore plus méfiant et menaçant.
"Refaites ça, et vous êtes morts! lança-t-il d'un ton froid."
Tous se dressèrent, et le cœur d'Elsa se mit à battre. Cependant, Thorin s'avança de quelques pas:
"Qui êtes vous? demanda-t-il en fronçant les sourcils. Que voulez-vous?
-C'est à vous de répondre à mes questions, répliqua l'homme en pointant sa flèche vers lui. Je vous demande donc la même chose: qui êtes-vous?"
Thorin ouvrit la bouche pour répondre, mais Balin lui fit signe de le laisser parler.
"Bien le bonjour mon brave, dit-il en levant les mains pour montrer qu'il n'avait aucune intention belliqueuse. Je me permets de parler au nom de mes compagnons: nous sommes une troupe de marchands venus de l'Ouest. Nous avons rencontré quelques difficultés à traverser ces terres et nous sommes quelque peu égarés dans les parages."
L'inconnu le regarda d'un air suspicieux, restant silencieux pendant un moment. Puis finalement, il tourna et son regard et sa flèche vers Elsa.
"Et depuis quand les marchands s'associent-ils avec les sorcières? Demanda-t-il en montrant d'un signe de tête le pont de glace qui scintillait au dessus du courant."
Elsa sentit son cœur faire un bond en voyant la flèche pointée droit sur elle. Bilbon, lui, sembla soudain indigné. Il vint se placer devant la jeune femme en empoignant le manche de sa petite épée Dard.
"Ce n'est pas une sorcière! lança-t-il d'un air de défi."
Mais Elsa posa une main sur son épaule et lui fit signe de ne pas engager d'hostilités.
"La demoiselle est notre amie et compagnonne de voyage, répondit Balin en adressant un regard amical à la jeune femme. Elle est avec nous depuis la ville de Bree: vous n'avez rien à craindre d'elle."
L'homme resta de nouveau silencieux pendant un temps, gardant sa flèche pointée sur Elsa, fixement successivement la jeune femme et le pont de glace qui enjambait la rivière avec un air plus que méfiant et en une certaine manière accusateur, si bien que celle-ci finit par se sentir réellement mal à l'aise. Après un moment, Balin fit de nouveau quelques pas:
"Pardonnez-moi, mais il me semble que vous venez d'Esgaroth, si je ne m'abuse, s'enquit-il d'un ton toujours très poli.
-Pourquoi? demanda sèchement l'homme.
-Le bateau que vous avez là-bas, il ne serait pas à louer par hasard?"
En entendant cela, Elsa se demanda de quoi parlait son ami. Mais lorsqu'elle tourna la tête pour regarder le courant en contrebas, elle vit effectivement un genre de mât dépasser d'un amas de rocher plus loin, qu'elle n'avait pas remarqué auparavant. Son cœur s'allégea quelque peu: alors peut-être trouveraient-ils finalement un moyen de traverser le Lac pour atteindre la Montagne à temps?
L'archer tourna également son regard vers ledit bateau, puis après un moment, l'air toujours un peu méfiant, abaissa lentement son arc.
Quelques temps plus tard, tous, nains, hobbit, homme et femme se tenaient rassemblés près du bateau en question. Sans vraiment donner de réponse, l'homme, après avoir rangé son arc et ses flèches, leur avait demandé de l'aide pour acheminer tous les tonneaux jusqu'à son embarcation. Espérant tous finir par le convaincre de les transporter, les compagnons acceptèrent sans une contestation: chacun se saisit donc de l'un des tonneaux qui gisaient toujours trempés sur les rochers, et le fit rouler avec précaution sur la roche, l'amenant jusqu'à destination. Ainsi, ils ne durent faire que deux aller-retours pour transporter tous les barrils. Ils prirent également le temps de découvrir un peu mieux cet homme qui semblait avoir surgi de nulle part: il avait apparemment une quarantaine d'années derrière lui, ses cheveux noirs et emmêlés lui tombaient sur les épaules, tandis que des favoris, une moustache et une barbiche marquaient les traits de son visage mince et fatigué, aux yeux d'un bleu assez terne. Il était vêtu pauvrement: un simple pantalon de toile et un gilet de laine tressée serré à la taille par une vieille ceinture de cuir usé; seul son long manteau de peau et rembourré de fourrure semblait pouvoir le protéger du froid: mais le cuir de ce vêtement était lui aussi usé et déchiré par endroits.
Lorsqu'enfin tous les tonneaux furent acheminés, l'homme se chargea de les ranger sur le pont de son embarcation.
A vrai dire, il s'agissait plus d'un petit rafiot que d'un réel bateau: la mousse recouvrait sa coque de bois humide, ses cordages étaient effilés et usés et sa voile, enroulée au sommet du mât, était jaunie et le tissu rongé par endroits. Le 'bateau' était amarré à un petit quai de pierre, juste à l'embouchure du Taurduin qui se jetait en cet endroit dans le Long Lac, s'étendant à présent sous les yeux des compagnons. Et Elsa comprenait pourquoi il était ainsi nommé: s'il ne faisait qu'environ deux milles de largeur, il devait bien en faire une quinzaine sur la longueur. Ses eaux immenses et sombres sous le ciel grisâtre se ridaient sous le souffle du vent.
"Qu'est-ce qui vous fait croire que je vous aiderais? demanda finalement l'homme tout en chargeant les tonneaux sur son bateau.
-Ces bottes ne sont pas de première jeunesse, remarqua Balin en désignant les vieilles chausses brunâtres de l'archer-batelier, et ce manteau non plus. Vous avez sans doute des bouches affamées à nourrir... Combien de loupiots?
-Deux filles et un garçon, répondit l'homme d'un air sombre sans s'arrêter de charger les tonneaux.
-Et votre femme, j'imagine que c'est une beauté, suggéra le nain avec un sourire flatteur sur les lèvres."
Soudain, le batelier s'arrêta et resta silencieux quelques instants. Puis, d'un ton éteint et peiné, répondit:
"Oui, c'était une beauté."
Le sourire s'effaça soudain du visage de Balin, et Elsa se sentit soudainement désolée elle aussi.
"Je suis navré, reprit le vieux nain barbu, je ne voulais pas...
-Rah, ça va, ça va! Assez de politesses, s'impatienta Dwalin."
L'homme tourna à nouveau son regard vers eux, puis finalement, après avoir chassé sa tristesse, leur demanda:
"Qu'est-ce qui vous presse?
-Cela vous regarde-t-il? répliqua Dwalin d'un air agacé.
-J'aimerais mieux comprendre qui vous êtes, et ce que vous faites sur ces terres.
-Comme je vous l'ai dit, nous sommes de simples marchands venus des Montagnes Bleues, répondit Balin. Et nous allons voir des parents dans les Monts de Fer.
-De simples marchands dites-vous? répéta l'homme avec un étrange sourire montrant qu'il commençait à douter de cette histoire.
-Il nous faut des vivres, des outils, des armes, expliqua alors Thorin avec un ton également extrêmement poli et précautionneux. Pouvez-vous nous aider?"
Le batelier tourna son regard vers les tonneaux à présent tous rangés sur le pont, et constata toutes les égratignures, les traces de flèches et les entailles de lames creusées dans le bois.
"Je sais d'où viennent ces tonneaux, dit-il.
-Oui, et alors? s'étonna Thorin sans comprendre.
-J'ignore quelles affaires vous faisiez avec les Elfes, mais cela s'est mal terminé."
Un silence s'installa durant quelques instants, et les compagnons se jetèrent des regards gênés et mal à l'aise. Elsa déglutit avec difficulté: qu'insinuait donc cet homme? Avait-il l'intention de les capturer afin de les livrer de nouveau aux elfes? Mais finalement, il commença à détacher les cordages qui reliaient son embarcation au quai.
"Personne n'entre à Esgaroth sans l'accord du Maître, expliqua-t-il. Toute sa fortune provient du commerce avec le royaume de Vertbois: il vous mettra aux fers plutôt que d'encourir la colère du roi Thranduil."
Les compagnons se regardèrent alors à nouveau: allaient-ils donc encore se retrouver dans une impasse? Aucun d'entre eux n'osait même imaginer retourner derrière des barreaux après cette lugubre semaine qu'ils venaient de passer dans les cachots de Ndaedelos. Mais Thorin refusait d'abandonner: il se tourna vers Balin et murmura:
"Offre-lui plus.
-Il doit y avoir un moyen d'entrer dans la ville sans être vu, suggéra le vieux diplomate après avoir acquiescé.
-Oui, approuva le batelier en déposant son arc et son carquois à l'avant du bateau. Mais pour cela, il vous faut un contrebandier.
-Pour lequel nous paierons le double, affirma Balin d'un air solennel."
En entendant cela, l'homme se redressa lentement et tourna son regard vers les compagnons: ceux-ci restèrent pendus à ses lèvres, un air implorant sur le visage. Elsa croisait les doigts en se mordant la lèvre: car à présent, en plus de souhaiter de tout cœur voir ses amis mener enfin leur quête à bien, elle avait une raison profondément personnelle et importante de réussir à gagner la Montagne.
Puis finalement, après avoir longuement hésité, l'homme finit par acquiescer.
Je n'ai rien de spécial à dire... Ah, à part peut-être que si à partir de maintenant vous tombez sur quelques noms de lieu qui ne vous disent rien, c'est parce que je les ai inventés moi-même: en effet, je trouve juste un peu dommage que la géographie des régions du Nord soit si peu détaillée chez Tolkien, donc j'ai décidé de remédier à cela dans ma fic.
Donc j'ai inventé quelques noms, qui viendront au fur et à mesure des chapitres qui suivront, et c'est sans doute pour cela que vous ne les reconnaissez pas.^^'
Bref, bonne lecture.
Chapitre 13:
Si le magicien Gandalf avait su quels risques immenses venaient d'encourir tous ses amis, il aurait certainement été saisi d'une sombre panique et aurait volé à leur secours en un éclair. Mais hélas, tout ceci ignorait il: son esprit était centré sur la non moins sombre destination qui l'attendait au bout de sa longue errance sur les sentiers gris qui couraient hardis par dessus les terres du sauvage Rhovanion.
Il avait à présent gravi bien des monts escarpés sous la lourde courbe des cieux agités, et maints ruisseaux houleux et maintes prairies échevelées avait-il enjambé de son pas au panache grisâtre. Pour quiconque, il était un vagabond errant au loin, trainant sa longue barbe blanchâtre et affrontant le vent tenace de son long bâton, marmonnant pour lui-même, ne se retournant jamais. En effet, jamais sa marche ne fut paisible et sereine, tant les pensées lugubres accablaient son esprit. Il craignait sans cesse, chaque jour un peu plus, ce qui l'attendait au loin dans ces fameux monts de Rhudaur; mais pourtant, jamais ne s'arrêtait-il, aussi infatigable que le liseron et aussi persistant que toute ronce.
Haut avait-il longé les crêtes abruptes et les pentes où les rochers rugissant s'entrechoquaient avec plus de fracas qu'un bélier jetant à bas la porte de fer des plus hautes tours et des plus vastes châteaux, longtemps avait-il marché dans les bosquets où les ombres des arbres s'étendaient longues sur l'herbe jaunie par l'automne semé par le ciel, et à présent tout proche était-il de sa destination. Il escaladait à présent les plus hauts cols et longeait les plus hautes falaises de ces montagnes, sous un ciel pâle et silencieux. Gravissant l'un après l'autre de curieux rochers semblables à des marches grimpant le long d'une falaise haute et noire, il regardait les sommets et les vallons s'entremêler tout autour et au dessous de lui, tableau affadi de ces contrées qui avaient été jadis le théâtre de maints sinistres évènements.
Plusieurs fois manqua-t-il de perdre l'équilibre sur une angle de pierre effrité et de sombrer dans une longue et interminable chute; mais toujours parvint-il à se maintenir debout, gris contre la falaise noire. Puis enfin il arriva au bout de ces innombrables et périlleuses escalades, sur un petit perron de pierre très étroit et dangereusement instable. Cet endroit était réellement haut perché au dessus du monde et incroyablement périlleux d'accès... Un endroit parfait pour cacher quelque chose qui ne devait jamais être retrouvé.
Gardant le regard porté droit devant lui, s'appuyant contre la paroi, sachant le vide mortel qui s'étendait juste au dessous de lui, il se tourna et fit alors face à une étroite porte, ouverture anguleuse donnant sur un noir tunnel s'enfonçant loin dans les entrailles des montagnes. Cette porte aurait du être solidement scellée, mais à la grande horreur du magicien qui pâlit en constant cela, les lourds barreaux de fer sombre étaient tordus, brisés, la grille défoncée et la porte sans protection aucune. Gandalf fut alors submergé par une vague de terreur et d'angoisse: les choses semblaient aller de mal en pis à mesure que le temps passait, et à chaque découverte qu'il faisait. Cependant, il ne pouvait rester là à se morfondre: aussi prit-il une grande inspiration et pénétra dans le tunnel d'une noirceur absolument impénétrable. Chacun de ses pas sur le sol pentu et glissant résonnait longtemps contre les parois, et son souffle semblait plus grave, plus rauque et plus menaçant dans cet exigu couloir.
Puis soudain, son pied glissa sur une pierre particulièrement humide et il se mit à dévaler la pente sans pouvoir s'arrêter: la panique saisit son cœur et il poussa un soudain cri. Il sentit bientôt qu'il arrivait à la fin du couloir et que les murs s'éloignaient soudain considérablement. Dans un réflexe de survie, il s'agrippa à l'angle du mur et parvint enfin à s'arrêter sur un replat. Il reprit son souffle quelques instants, puis approcha son bâton de sa bouche et murmura des mots en une étrange et ancienne langue. Bientôt, l'extrémité de l'objet s'illumina d'une vive lumière légèrement bleutée, et éclaira timidement le lieu dans lequel se trouvait Gandalf. Et soudain, il vit qu'il se tenait debout sur un nouveau perron rocheux, avec le noir couloir derrière lui et juste devant ses pieds, un gouffre sans fin qui plongeait loin dans les ténèbres des profondeurs. Son cœur fit un bond lorsqu'il réalisa qu'un pas de plus dans l'obscurité l'aurait précipité dans les sombres gouffres de l'oubli.
Mais il se reprit et releva la tête, pour constater que la 'pièce' dans laquelle il se trouvait à présent était de forme carrée, avec des angles saillants taillés dans la pierre brutale que la lumière du bâton éclairait, projetant dans l'endroit une lueur fantomatique qui n'avait rien de très rassurant. De l'autre côté du gouffre, en face de Gandalf, se dessinait également une porte dans la roche, aussi noire que la précédente. Le magicien savait que c'était là bas, dans cette ouverture, que se trouvait l'information après laquelle il avait couru depuis toutes ces semaines, là-bas qu'il saurait si oui ou non de terribles et sombres évènements étaient bel et bien en train de se préparer. Il agrippa alors plus fermement son bâton et s'engagea sur un mince rebord de pierre sur sa gauche, longeant la paroi et menant jusqu'à la fameuse porte.
La traversée fut des plus angoissantes: l'étroitesse du rebord l'obligeait à se déplacer dos au mur, et à chaque pas la pierre semblait s'effriter et s'écrouler, emplissant son esprit de la terrifiante image d'une chute sans fin dans le noir. Réellement, tout semblait avoir été fait pour rendre cet endroit aussi inaccessible que possible. Mais finalement, avec un sang incroyablement froid et un calme impressionnant, Gandalf parvint à atteindre l'autre côté, et la porte sombre. Là, il constata que la grille qui la fermait autrefois avait également été détruite et ouverte, les restes des barreaux pointant tel des lances menaçantes. Déglutissant avec difficulté, il s'approcha de l'ouverture et fit bientôt face à l'obscurité. Mais il leva son bâton, et la lueur éclaira l'endroit et dissipa les ténèbres: un petit couloir s'enfonçait également dans la roche, mais il était bien moins long et l'on en voyait la fin, toute proche. Là-bas, au fond, était un petit caveau gris et terne, aux parois usées et friables, couvertes de longues toiles d'araignées imprégnées de la poussière de maintes années de silence. Et là, au centre de cette petite cave, était un grand bac taillé directement dans la pierre, avec un couvercle de roche également le recouvrant: un cercueil. Mais le lourd couvercle était brisé et nombre de ses massifs morceaux gisaient mornes sur le sol noir, laissant le sinistre sarcophage grand ouvert.
La terreur et l'angoisse saisirent alors Gandalf pour de bon, balayant tout espoir, si mince soit-il, qui brûlait encore en son cœur. Son visage devint aussi blanc qu'un linge et ses traits s'étirèrent dans une expression de gravité et de peur. Car il commençait à comprendre, à faire les liens entre les différents évènements qui l'avaient alarmé, et cela l'emplissait de la pire des craintes. Mais, comme s'il cherchait à tout prix à se raccrocher au dernier espoir insensé, il commença lentement à s'avancer vers le tombeau, pointant son bâton droit devant lui, tenant à regarder par lui-même à l'intérieur du cercueil.
'Peut-être n'est-ce que l'usure du temps, pensait-il désespérément, sans y croire lui-même. Peut-être la chose est-elle toujours dans le cercueil...'
Retenant son souffle, à présent tout près du coffre mortuaire, il se pencha lentement, agrippant son bâton si fermement que ses jointures devenaient blanches, prêt à découvrir ce que cachait la noirceur de ce tombeau. Et soudain, un cri strident et aigu se fit entendre et une chose surgit soudain du sarcophage, semblant se jeter droit sur le magicien: mais ce n'était qu'une chauve-souris, dérangée par la lumière du bâton et prenant son envol en quête d'un recoin plus sombre. Gandalf sursauta, mais se ressaisit rapidement, loin d'être rassuré cependant. Car le cercueil était bel et bien vide.
Il s'accabla lui-même d'avoir espéré tel un fou que toutes ces preuves évidentes pouvaient se révéler erronées: tout ce qu'il avait craint depuis son départ de la compagnie se trouvait hélas être terriblement vrai, il n'y avait plus aucun doute possible. Son cœur se mit à battre, il avait l'impression d'entendre un râle s'élever et résonner grondant tout autour de lui. Cet endroit n'avait rien de bon, il devait le quitter au plus vite. Il se tourna et se trouva soudain nez à nez avec une silhouette se dressant dans l'obscurité. Il sursauta comme un diable, mais la lumière de son bâton éclaira bientôt un visage qui lui était familier: un visage ridé, anxieux, serti d'une longue barbe brunâtre...
"Radagast! s'exclama le magicien gris, son visage semblant soudain se détendre quelque peu. C'est vous...
-Pourquoi suis-je ici Gandalf? demanda ce dernier d'un air dérouté et guère plus rassuré que son confrère.
-Croyez-moi, je ne vous aurais pas fait venir ici sans une bonne raison, répondit Gandalf.
-C'est un drôle d'endroit pour une rencontre...
-Oui, assurément.
-Ce lieu est empli de magie noire... Je crois que nous ne devrions pas nous y attarder."
Tous deux se tournèrent alors et sortirent ensemble du caveau, retournant sur le seuil juste devant la porte de pierre. Radagast se tourna soudain et leva les yeux, fixant quelque chose au dessus de l'ouverture: là, dans la roche, étaient gravés maints signes et runes d'une langue de jadis, tracés dans des traits saillants.
"Ce sont de noirs sortilèges Gandalf, fit remarquer le magicien brun. Anciens et pleins de haine... Qui est enterré ici?
-S'il a eu un nom, il est oublié depuis longtemps, répondit le pèlerin d'un air grave. On ne devait le connaître que comme un serviteur du mal: un parmi les autres..."
Il plongea soudain son regard dans les ténèbres du gouffre au dessous d'eux, puis avança son bâton qui les dissipa soudain, révélant, creusées dans les parois de pierre, huit autres portes du même genre, toutes autrefois scellées par des grilles à présent réduites en miettes.
"Un parmi les neuf, conclut Gandalf avec un visage plus pâle que jamais."
Un lourd silence s'installa, la lumière du bâton de Gandalf tressautant avec peine, comme une dernière pauvre lueur se débattant pour rester en vie et échapper aux ombres immenses qui tentaient de l'étouffer.
"Sortons d'ici Radagast, reprit finalement le magicien gris en s'engageant sur l'étroit rebord de pierre, Radagast à sa suite.
-Mais je ne comprends pas Gandalf, dit alors ce dernier. Pourquoi donc vouliez-vous me montrer tout ceci?
-Car vous êtes tout autant concerné par ces évènements que n'importe qui d'autre en ce monde. Le monde m'inquiète Radagast: depuis un certain temps maintenant, d'étranges signes, des manifestations de sombres pratiques plus vues depuis des centaines d'années ont refait surface. Mon œil observait, anxieux, toutes ces choses se produire, sans comprendre, doutant simplement. Mais depuis peu, la fréquence et la gravité de ces signes s'est accrue, me poussant toujours plus fortement à croire que quelque chose bougeait, se déplaçait en silence... Vous-même avez aiguisé mes sens en me contant le triste devenir du grand Vertbois.
-Vertbois... Murmura amèrement le magicien brun. En effet, son état empire de jour en jour: plus denses se font les ombres et plus féroces les créatures, les Elfes sont rongés d'inquiétude au cœur de leur royaume.
-Je le sais, je l'ai vu de mes propres yeux. C'est d'ailleurs à l'orée de la Forêt que j'ai senti l'urgente nécessité de venir vérifier le devenir de ces tombeaux."
Arrivés au bout de la périlleuse traversée, tous deux s'engagèrent de nouveau dans le noir tunnel, remontant avec difficulté vers la lointaine et pâle lumière du jour.
"La Forêt se meurt et tombe aux mains des ombres, reprit Radagast d'une voix rauque. Je suis à présent certain que tout cela est lié au sorcier qui habite Dol Guldur: le Nécromancien. Qui qu'il puisse être, il a étendu son influence sur Vertbois et a empoisonné chacun de ses arbres. Il gronde chaque jour de plus en plus, et pourtant reste insaisissable tel de la fumée glissant entre les doigts, dissimulé dans sa forteresse.
-Vous êtes donc témoin de ces sombres choses se déroulant dans l'ombre, échappant comme elles le peuvent à toute surveillance. Vous avez comme moi été alarmé, et senti que les contrées que vous foulez depuis toujours sont menacées: c'est pourquoi je tenais à vous mettre au courant des noirs secrets des Monts du Rhudaur.
-Mais pourquoi Gandalf? Quel rapport cela a-t-il avec le mal dévorant Vertbois?
-Radagast, vous savez fort bien que ces choses jusqu'à présent enterrées dans ces tombeaux étaient jadis les plus terribles servants des Ténèbres: les servants de l'Anneau. Ils furent cependant vaincus et ensevelis au plus profond de ces sommets inaccessibles, afin que plus jamais leur ombre, même trépassée, ne puisse s'étendre sur le monde. Mais à présent, nous l'avons tous deux constaté, ils ont été réveillés et appelés par un maître.
-Mais ça ne peut être le Nécromancien: un sorcier humain n'a pas le pouvoir de réveiller pareilles abominations.
-Qui vous dit qu'il est humain?"
Le magicien brun s'arrêta soudain, tout en même temps qu'ils sortaient enfin du tunnel. Lui et Gandalf se regardèrent gravement, la lumière grisâtre du Soleil semblant assombrir le moindre de leurs traits. Le vagabond gris tourna lentement la tête et regarda l'immensité des montagnes ternes s'étendre sous ses yeux, tandis que le vide s'étendait toujours menaçant sous le perron de pierre et qu'un vent de mauvaise augure, un vent de l'Est, agitait les feuilles du monde.
Finalement, ne souhaitant pas demeurer ici plus longtemps, ils s'engagèrent sur les friables marches de pierre du long de la falaise, et regagnèrent bientôt un sol ferme, tout en continuant d'échanger d'inquiétantes paroles.
"Nombreuses étaient les créatures, les sorciers et les Etres Puissants au service du Mal en son temps, disait Gandalf en gardant un regard frissonnant fixé droit devant lui. De nombreux Maïars, corrompus par son ombrage, s'étaient eux aussi rangés de son côté. Si la plupart furent vaincus, d'autres ont survécu et sont toujours restés terrés dans les profondeurs, leur empire et leur puissance anéantis. Mais aujourd'hui, il est évident que l'un d'entre eux a refait surface et s'attelle à réveiller les plus sombres et les plus terribles de ses anciens alliés... Reste à savoir: qui est-il? Et d'autres points me restent également obscurs: pourquoi donc exactement compte-t-il se servir des Neuf? Et a-t-il l'intention de faire appel à d'autres alliés?
-Je crois hélas qu'il a d'autres alliés depuis bien longtemps Gandalf...
-Que voulez-vous dire? s'inquiéta le magicien gris en tournant soudain vers son confrère un regard ardent.
-D'autres créatures que les araignées de la Forêt foulent de nouveau les terres depuis longtemps: les Orques, Gandalf. Ils semblent devenir plus féroces avec le temps; Beorn, dans sa maison dressée de bois et de roche, l'a remarqué. Il est inquiet lui aussi: il dit observer ces monstres et jurerait que leur nombre augmente, comme si quelque chose les poussait à tous se rassembler. Leurs attaques se font plus fréquentes, et ceux depuis un temps déjà... Ne croyez-vous pas que cela coïncide parfaitement avec les premières manifestations de ces étranges signes dont vous parlez?"
Gandalf sembla réfléchir un instant, puis soudain, son visage s'étira en une gravité des plus angoissantes. Un éclair semblait avoir traversé son esprit, et était loin d'être porteur de bonnes nouvelles: une flamme de terreur brûlait à présent dans ses yeux.
"Par les cieux, vous avez raison! s'exclama-t-il d'une voix affolée. Comment ne l'ai-je pas compris plus tôt? Tout devient clair à présent, mais ce n'est certainement pas pour nous réjouir..."
Soudain pressés par un élan de panique et de grande urgence, ils se remirent en marche en forçant l'allure. Leurs esprits étaient à présents troublés des plus grands tourments, et le monde autour d'eux semblait résonner au son de cet affolement: un brouillard commençait d'envahir les vaux des montagnes, tissant son pâle voilage entre la terre et le ciel, cachant les clairs rayons du Soleil. Gandalf commençait à respirer frénétiquement.
"Les ténèbres s'agitent de nouveau dans les entrailles du monde, disait-il à moitié pour lui-même, à moitié pour son confrère. Je devinais bien qu'il était étrange de voir ainsi de nouveau des Orques sillonner les terres, ressurgis des profondeurs, et puis ces étranges messages en Langue Noire circulant de mains en mains dans nombre de territoires... A présent je comprends: ce n'est pas par hasard que les Orques se montrent de nouveau si féroces et se lancent de la sorte après la compagnie d'Ecu de chêne, ce n'est pas par hasard si les Gobelins grondent dans les entrailles de la terre, pas par hasard si des Trolls quittent leurs montagnes et attaquent les terres avoisinantes... Même cette si curieuse Bataille des Champs verts, célèbre dans la Comté depuis un temps maintenant, est liée à tout cela, j'en suis certain. Il était totalement incompréhensible de voir ainsi des rangs de Gobelins s'attaquer aux terres de l'Eriador, et même à la Comté; mais je crains que cette décision ne venait en réalité pas d'eux: ils avaient reçu des ordres, des directives... Cet Ennemi qui s'est dressé à Dol Guldur, qui qu'il soit, a rassemblé des armées des plus anciennes créatures du Mal, et compte bien s'en servir pour engloutir ce monde sous son noir pouvoir. Il a déjà mené bien des campagnes et tenté maints assauts, dont cette attaque sur l'Eriador, sans pourtant jamais donner aucun signe de sa présence, sans jamais laisser penser qu'il était à la tête de ces forces; car il n'était pas encore assez fort pour risquer d'être découvert, non plus que ses armées, et, Eru soit loué, ces tentatives ont toujours échoué jusqu'à présent."
Il se tut un instant, son visage n'affichant plus rien que de la peine, de l'effroi et du regret.
"Mais depuis, en silence, sans se faire remarquer, son pouvoir s'est accru, reprit-il. Ses armées ont grandi et ont gagné en force: il a rassemblé les plus féroces créatures et a choisi des chefs et généraux parmi elles. Azog le profanateur n'est en réalité pas un simple chasseur, mais un commandant de légions. Mais hélas cela ne s'arrête pas là: l'Ennemi a réveillé ces autres serviteurs, ces Neuf terribles alliés... Nous avons été aveugles Radagast, et notre aveuglement a permis à l'Ennemi de revenir. A présent il se prépare pour la guerre: cela commencera dans l'Est. La Montagne, voilà son objectif.
-Comment pouvez-vous en être sûr Gandalf?
-Cela ne vous est-il toujours pas évident? Il essaie en premier lieu de s'emparer du Rhovanion: il a déjà presque entièrement conquis Vertbois, et j'ignore combien de temps encore les Elfes pourront lui résister."
Gandalf s'arrêta de nouveau, et ses yeux se levèrent vers le ciel noyé dans la brume, lançant au loin un regard des plus désespéré, semblant prier quelque dieu invisible pour implorer son aide.
"Mais surtout et enfin, reprit-il de nouveau, ce que je craignais plus que tout est sur le point de se produire, car là-bas, dans la Montagne, l'attend un autre allié des plus terribles qui soient. Le 'Nécromancien' veut commencer sa conquête en s'emparant des terres du Nord-Est car celles-ci sont affaiblies: les Nains en ont été chassés et les Hommes ont perdu leur cité, leur force et leurs armes... Et cela à cause d'une créature non des moindres: Smaug, le terrible dragon. Il y a quelques temps, lorsque je rencontrai Thorin Ecu de chêne à Bree, je l'encourageai dans son idée de se lancer à la reconquête d'Erebor, car, avec tous ces signes alarmants, je craignais que des esprits malveillants, quels qu'ils soient, finissent par se tourner vers la Montagne et parvinssent à ranger la bête de leur côté. Mais hélas, cela devient réalité à présent: Smaug a fui les terres arides de la Brande Desséchée pour s'installer de force dans la luxuriante cité des Nains d'Erebor, regorgeant d'or et de pierreries qui lui sont les plus belles et précieuses choses en ce monde. Depuis plus de cent cinquante ans, cette créature terrorise les terres du Nord et dort au plus profond des entrailles du Mont solitaire... Mais cette torpeur va à présent prendre fin, le dragon va se réveiller, car l'Ennemi est à présent presque prêt, et n'attend plus que la dernière occasion de renforcer encore son pouvoir. Les dragons sont depuis toujours les plus diaboliques, les plus féroces et les plus puissants enfants et alliés du Mal: il est certain que ce Nécromancien cherchera à rappeler le dernier d'entre eux dans ses rangs, tout comme il est certain que Smaug le suivra sans hésiter, avec toutes ces promesses de conquête du monde que lui fera l'Ennemi... Conquêtes qui permettront à cette créature des flammes d'étendre son territoire, son domaine de chasse et d'amasser tous les trésors des plus prestigieuses cités de ce monde.
-Mais... Mais cela est terrible. Car contre une telle créature à la tête de telles armées, personne ne pourrait rien.
-Hélas non: même si toutes les lignées des plus grands peuples s'assemblaient, leurs chances contre une telle puissance ne seraient que bien maigres. Tous périraient, et alors commencerait le règne des flammes et des lances noires. C'est pourquoi il faut agir au plus vite: le temps est contre nous désormais."
Si tôt dit, le magicien gris s'engagea à grands pas sur un sentier glissant entre de hauts rochers, où se dressaient des arbres sombres et fanés par l'hiver imminent.
"Où allez-vous? l'appela soudain Radagast.
-Rejoindre les autres, répondit son confrère.
-Gandalf! Vous ne pouvez partir...
-Je les ai encouragés, je ne les abandonnerai pas. Une très lourde menace pèse au-dessus d'eux: car ce qui se cache dans cette Montagne est encore plus dangereux que tout ce que je craignais.
-Mais si ce que vous dites est vrai, le monde court un grave danger, dit le magicien brun sur un ton lent et rauque. Le pouvoir dans cette forteresse ne fera que se renforcer... Pour mettre fin à cette menace, ne croyez-vous pas que le Mal devrait être attaqué à la source?"
Gandalf se tourna lentement vers lui, le dévisageant d'un air désemparé, semblant être affreusement tiraillé entre deux extrêmes décisions. Il demeura ainsi un moment, respirant bruyamment, s'agrippant à son bâton comme s'il craignait de s'écrouler. Mais au fond de lui, il savait que son ami avait raison: attaquer l'Ennemi dans son berceau serait la plus efficace des solutions. Pourtant, cette idée lui causait un terrible pincement au cœur.
"Vous me demandez d'abandonner mes amis à leur sort...
Murmura-t-il en tournant un regard désolé vers l'Est, dissimulé par une épaisse brume de mauvais augure."
Bien loin de là, à l'Est, par-delà la longue vallée et la Forêt de la nuit, la compagnie des Nains, si elle n'avait pas idée de l'ampleur de la menace qui les guettait, sentait tout de même sa lourde présence non loin.
Ayant finalement réussi à s'échapper des couloirs de pierre du royaume des Forêts et à filer entre les griffes des Orques, ils dérivaient à présent dans des eaux beaucoup plus calmes et plates, d'un beau vert turquoise. Et il fallait également noter que leur périple dans la Forêt était enfin terminé, car ils étaient enfin sortis des bois et le ciel pâle s'étendait à nouveau au-dessus d'eux: adieu feuillages sombres et sinistres tel une immense voûte impénétrable, adieu troncs serpentins et lianes épineuses... L'air pur emplissait de nouveau leurs poumons. A leur gauche comme à leur droite, des rochers gris pâle longés de fissures, parsemés de buissons et d'arbustes dépouillés de leurs feuilles, se dressaient avant de plonger dans le lit vacillant du Taurduin. Le silence régnait, uniquement tapissé du chant léger de l'eau calme, et de l'incertain et triste bruissement agitant chaque branchette rigide et balançant chaque brin d'herbe fané.
Pourtant, les compagnons étaient tout sauf tranquilles: ils semblaient au contraire pressés, angoissés, ils affichaient des moues de douleur et des mines d'une pâleur déroutante, témoignant de tout ce temps qu'ils avaient passé loin du Soleil. Tous dodelinaient de la tête, assommés par la course effrénée et incontrôlable qui les avait entraînés dans les eaux vives de la rivière. Trempés, recrachant les dernières gorgées d'eau qui avaient pénétré leurs poumons, tremblant de froid dans la brise mordante, s'accrochant au bord de leurs tonneaux comme au dernier fil les reliant à la vie, ils tentaient comme ils pouvaient de continuer à avancer tout en regagnant peu à peu leurs esprits. Endoloris dans chaque recoin de leur corps pour s'être maintes et maintes fois heurté à des rochers et au bois de leurs barils, ils tentaient cependant d'ignorer la douleur et ramaient à l'aide de leurs mains ou de bâtons racornis ramassés à la surface de l'eau.
Et leurs pensées, comme pour compléter cruellement la douleur de leurs corps, étaient troublées par l'appréhension et la peur. Cette attaque d'Orques si soudaine, si brutale, les avait pris au dépourvu et les avait exposé à un danger auquel ils n'étaient alors absolument pas préparés. Ils étaient parvenus à s'en sortir, mais ces monstres n'abandonneraient pas ainsi: s'ils les avaient si férocement traqués depuis la lisière Ouest de Vertbois, leur chasse continuerait jusqu'à ce que le dernier Orque ou bien le dernier Nain soit mort. Aussi, les compagnons ne sentaient guère rassurés, conscient de ce danger leur courant toujours après, tremblant à chaque instant de voir une créature sombre et cruelle, les foudroyant de ses yeux luisants et découvrant ses dents carnacières tout en brandissant une lame noire et dentelée de derrière le moindre rocher.
"Rien derrière nous? demanda un moment Thorin tout en continuant de ramer comme il le pouvait.
-Rien que je puisse voir, répondit Balin en jetant un œil en arrière.
-Je pense que nous avons semé les Orques, suggéra Bofur, toussotant et grelotant.
-Pas pour longtemps, répliqua Thorin d'un air tendu, nous ne sommes plus dans le courant.
-Bombur est à moitié noyé! lança Dwalin en désignant son camarade vacillant de la tête dans son tonneau."
Thorin le vit lui aussi, et résolut qu'ils ne pouvaient rester plus longtemps dans cette eau. Ils étaient en vérité bien moins rapides à présent qu'à la marche.
"Tout le monde gagne la rive! lança-t-il en désignant sur sa droite un endroit où les rochers étaient bas et plats, entrant dans l'eau en pente très douce, leur offrant comme une petite plage pour accoster."
Tous se dirigèrent fébrilement vers ce poste, et un à un quittèrent leur tonneau pour poser enfin le pied sur la terre ferme. La tête leur tournait, certains s'écroulèrent même à quatre pattes, reprenant péniblement une respiration normale. Bilbon, qui depuis tout ce temps s'était démené pour rester agrippé et monté sur son tonneau, posa à son tour le pied sur les rochers, lui aussi trempé et grelotant. Les rochers eux-mêmes étaient glaciaux sous le ciel gris et le vent aigu du Nord.
Après un moment, tous tournèrent leurs regards vers le hobbit, et de grands sourires vinrent finalement illuminer leurs visages: car malgré ce froid, ces blessures et ces attaques, ils étaient libres à présent et grâce à lui. Thorin s'approcha de lui et le serra chaleureusement dans ses bras, comme en ce jour lointain sur le sommet du Carrock.
"Au nom de tous ici, je vous remercie infiniment Maître Sacquet, dit-il en plongeant son regard dans celui du hobbit qui parut un peu gêné. Nous avons tous eu tellement peur pour vous...
-Je dois dire que je me suis aussi fait bien du souci à votre sujet, répondit Bilbon. Mais je suis heureux de constater que vous avez tous su résister à la folie qui aurait pu s'emparer de vous dans ces profonds cachots."
Tous le regardèrent d'un regard radieux et admiratif. Mais soudain, ils furent ramenés à la réalité par un petit cri de douleur: ils tournèrent la tête, et découvrirent alors Kili, se trainant lourdement pour tenter de s'asseoir sur un rocher arrondi. Tous se rassemblèrent autour de lui, et Thorin et Fili notamment vinrent l'aider à atteindre son but. Une fois le jeune nain assis, ils l'examinèrent de plus près: son visage exprimait une douleur amère, saisissante, cinglante et aussi profonde. Chaque centimètre de son corps tremblotait, mais cela n'avait rien à voir avec le froid: il avait l'affreuse impression que ses vaisseaux se gonflaient puis se ratatinaient en permanence, que quelque chose glissait sous sa peau pour la dessouder de sa chair.
Son oncle et son frère, alarmés, posèrent alors leurs regards sur sa cuisse droite: là, juste au dessus du genou, était une profonde entaille montrant une chair encore rouge et vive, de laquelle coulait un sang auquel semblait s'être mêlé un étrange liquide noir. De toute évidence l'œuvre de cette maudite flèche Orque, froidement décochée par le fils du terrible tourmenteur de la lignée de Durin.
"Il lui faut un bandage! dit Fili en fixant la plaie.
-Mais nous devons faire vite: les Orques nous talonnent, précisa Thorin. Hâtons-nous de bander sa jambe! Ensuite nous quitteront cet endroit au plus vite; nous sommes tous là, nous n'avons pas de raison de nous attarder ici."
Tous acquiescèrent, mais soudain Bofur releva le tête.
"Attendez! s'exclama-t-il. Bilbon, où est Elsa?"
En entendant cela, tous se raidirent soudain tandis qu'un silence s'abattit brutalement. Ils jetèrent quelques regards nerveux autour d'eux, puis se tournèrent tous vers le hobbit. Celui-ci, raide comme un piquet, sembla réfléchir quelques instants, et soudain, une expression tout bonnement horrifiée venant déformer son visage, il saisit sa tête entre ses mains et poussa un long cri à la fois plaintif et plein de colère contre lui-même.
"OOOOH! IMBECILE QUE JE SUIS!"
Il leva vivement les yeux vers le courant en amont, vers les arbres de la Forêt que l'on pouvait encore apercevoir plus haut. Se mordant les doigts, l'air absolument paniqué, il expliqua la situation à ses camarades.
"Je lui avais dit de rester en arrière tandis que je viendrai vous libérer, et lui avais promis de venir avec vous tous la retrouver non loin des portes du royaume des elfes. Mais je n'avais alors pas prévu que l'évasion se ferait à bord de tonneaux... Mon dieu! J'étais si préoccupé par votre libération, mon esprit bouillonnait tant pour trouver un plan quelconque que j'ai fini par oublier le reste. Comment ai-je pu être aussi idiot?
-Allons, calmez-vous Bilbon, lança Dori d'un ton pourtant presque autant paniqué. Elsa est loin d'être idiote, elle aura certainement l'idée de suivre la rivière elle aussi. Et même si cette idée ne lui vient pas, elle est certainement encore là haut dans les bois. Nous devrions remonter le courant afin d'aller la retrouver.
-Quoi? s'exclama Gloïn. Et nous jeter dans les griffes des Orques?
-Nous ne pouvons pas l'abandonner! objecta le hobbit.
-Mais remonter cette rivière serait la pire des folies...
-Thorin! appela le hobbit à l'aide, espérant un secours, une sage décision de la part du chef de la compagnie."
Celui-ci regardait également au loin la rivière en amont. Ses yeux brûlaient d'angoisse, son cœur semblait battre à tout rompre: il était tiraillé entre deux choix.
"L'automne touche à sa fin, murmura-t-il, demain se lèvera le jour de Durin. Nous n'avons presque plus de temps pour atteindre la Montagne..."
Tous restèrent muets, suspendus à ses lèvres tremblantes, attendant son verdict. Bilbon était au bord des larmes.
"Mais nous ne pouvons abandonner l'un des nôtres à un danger si grand que celui de la Forêt noire, finit par conclure Thorin à haute voix. Nous formerons des groupes qui partiront chacun fouiller un recoin différent des terres alentours et s'il le faut remonteront jusqu'à la lisière des bois. Mais il faut à tout prix éviter de tomber sur les Orques."
Gravement, les autres acquiescèrent. Bilbon se prit de nouveau la tête dans les mains: cette fois il ne put retenir ses larmes. Comment, mais COMMENT avait-il pu oublier Elsa? A présent, à cause de lui, ils se retrouvaient obligés de replonger droit vers le terrible danger qui les pourchassait. Jamais il ne s'en était autant voulu de sa vie, mais il ne pouvait plus rien y changer: à présent il devait tout faire pour rattraper son erreur.
L'air ferme, décidé et résolu, tous se tenaient à présent prêts à partir; mais soudain:
"Attendez! cria une voix. Je suis là!"
Ce cri semblait provenir de l'autre rive: tous tournèrent brusquement leur regard vers les rochers dressés au-dessus de l'eau, et bientôt virent une silhouette fluette et de pâle bleu vêtu courir à toute jambes entre les buissons séchés. Derrière elle une longue tresse de cheveux blonds comme une neige scintillante flottait dans l'air froid: c'était elle, Elsa.
Tous, et spécialement Bilbon, ouvrirent alors de grands yeux et sautillèrent de joie et de soulagement en la voyant ainsi arriver droit vers eux. Sous des acclamations et même quelques applaudissements, la jeune femme, arrivant au bord de la rive, frappa le sol de son pied et bientôt un long et brillant pont de glace apparut, surplombant prestigieusement les eaux turquoises du Taurduin. Ainsi, en quelques instants, leur amie qu'ils avaient cru avoir perdu les rejoignit, un sourire et des larmes incontrôlés de bonheur et de soulagement scintillant sur son visage.
Lorsqu'enfin elle posa le pied sur la rive, tous l'accueillirent dans une chaleureuse allégresse: ils lui sourirent, lui serrèrent les mains et lui donnèrent des tapes sur les épaules. Thorin affichait ce sourire si particulier qui s'étendait oblong sous ses yeux mystérieux et profonds et lui donnait cet air si noble et si juste. Puis, lorsqu'Elsa vit Bilbon près d'elle, elle s'agenouilla et le serra dans une forte étreinte qu'il lui rendit volontiers. Lorsqu'ils se défirent l'un de l'autre, le hobbit affichait l'air le plus honteux et le plus confus qui soit.
"Je suis navré Elsa, balbutia-t-il. Je me sentais si perdu dans ces grands couloirs de pierre, entre ces escaliers et ces racines, à me cacher pour échapper aux gardes tout en observant chaque détail afin d'imaginer le meilleur plan qui soit, que j'ai fini par oublier...
-Ne vous en faites pas Bilbon, le coupa-t-elle en posant une main rassurante sur la sienne. Il est déjà miraculeux que vous ayez réussi à tous vous échapper de vos prisons, et je n'imagine que trop bien l'angoisse et la panique qui ont du vous saisir durant ces derniers jours. Et nous sommes à présent tous là: inutile de tergiverser sur les malheurs passés.
-Pourtant, rien que de repenser à ces longues heures, recroquevillé dans l'obscurité du coin d'un couloir, des frissons envahissent tout mon être. Reprit Bilbon en se frottant les bras comme pour chasser le froid. Si vous aviez pu voir à quoi ressemblaient ces longs et souples corridor Elsa...
-Mais je l'ai vu, répondit la jeune femme."
Tous se tournèrent alors vers elle, une expression effarée sur le visage.
"Voulez-vous dire que...? Commença Balin.
-Oui, j'ai moi aussi fini par être capturée, acquiesça-t-elle d'un air sterne. J'ai rencontré les elfes, leur roi...
-Leur Roi? répéta Thorin d'un ton sec et avec une certaine colère étirant son visage. J'en suis sincèrement navré pour vous. Et que vous voulait-il donc?"
Elsa ne répondit pas: elle sentit soudain comme un vide se former en elle, comme si l'air qui emplissait ses poumons s'était soudain évaporé. Elle regarda Thorin en remuant des pensées amères, désemparées, navrées, tentant comme elle pouvait de masquer ces émotions. Elle n'avait cessé de penser à cet entretien qu'elle avait eu avec le roi Thranduil: ces gemmes si précieuses qui gisaient dans les profondeurs de la Montagne solitaire sous griffes de Smaug, et qui représentaient sa seule chance de revoir un jour son royaume... Mais comment, comment pourrait-elle trahir ses si chers amis en s'alliant secrètement avec leur rival? Ce choix était inconcevable pour elle, et elle préféra essayer de le chasser de son esprit, espérant de tout cœur qu'elle pourrait trouver une autre solution et ne jamais avoirà agir de la sorte.
Alors elle secoua discrètement sa tête, comme pour dissiper ces sombres pensées, et préféra taire tout ce qui avait été dit au sujet des pierres de Lasgalen.
"Oh rien de bien mystérieux, répondit-elle avec un sourire forcé. Il s'interrogeait simplement sur mes pouvoirs, sur leur nature, sur mes attentions, sur la raison qui m'avait poussé à déclencher une si terrible tempête au cœur de la Forêt... Mais avec la surprise et la diversion qu'a créé votre soudaine évasion, j'ai finalement réussi à lui échapper et à m'enfuir afin de vous retrouver."
Les autres restèrent quelques instants silencieux, et Elsa eut l'impression qu'ils sentaient qu'elle ne leur disait pas tout. Mais finalement, tous acquiescèrent, et son cœur fut enfin libéré de ce poids, du moins pour un temps. Cependant, repensant à toute cette horrible traversée dans les ténèbres de la Forêt, elle reprit:
"A vrai dire il est grandement inquiet. L'état de son royaume, de sa Forêt le trouble et il craignait que je sois une sorcière ou un démon envoyé afin de mettre à bas une fois pour toute son domaine...
-Eh bien il peut être inquiet, répliqua aussitôt Bofur en fixant les arbres de Vertbois au loin en amont. J'ignore quelle sorte de mal s'est emparé de cet endroit mais cela est loin d'être une plaisanterie. Ces terres ne sont plus ce qu'elles étaient autrefois: le sol est desséché, la Montagne ternie, la Forêt fanée..."
Il tourna son regard vers Thorin et ajouta:
"Je pense qu'il est grand temps qu'un roi digne de ce nom apparaisse et reprenne les rennes de ces contrées."
Tous les autres adressèrent également un regard brûlant d'une lueur d'espoir au chef de la Compagnie.
Puis, après un moment, Elsa se remit enfin sur pied, mais soudain, un petit cri de douleur l'alerta: elle tourna vivement la tête et découvrit Kili assis sur un rocher, Dwalin et Fili à ses côtés. Son genoux droit était étroitement enveloppé d'un linge blanc et il grimaçait de douleur. Son frère ainé avait enfin terminé de préparer son bandage, et venait de serrer le dernier nœud: mais à présent, l'étoffe claire se couvrait d'une tâche pourpre grandissant de seconde en seconde.
Le cœur de la jeune femme fit un bond dans sa poitrine.
"Mon dieu, mais... Que lui est-il arrivé? demanda-t-elle en ouvrant de grands yeux.
-Il a du payer le prix de la bravoure, répondit sombrement Balin. Grâce à sa témérité, nous avons pu échapper aux grilles et aux cages du royaume des Forêts, mais son acte lui a valu d'être touché d'une flèche des Orques: et la blessure n'est pas des moindres. Mais plus inquiétant encore, est l'Orque qui a décoché cette flèche lui-même: la hargne de ces créatures envers notre Compagnie sembla être encore bien plus important que ce que nous craignions. Azog le profanateur n'est pas seul à mener sa traque: son fils, l'Orque pâle du nom de Bolg, est également après nous; et de sa main froide et cruelle il a bien failli tuer le neveu de Thorin. Loué soit son frère ainé pour l'avoir protégé durant toute la descente de la rivière."
Un lourd silence s'abattit un instant; puis les deux compagnons aidèrent Kili à se remettre sur pieds.
"Allez, courage mon gars! dit Dwalin en le soutenant comme il pouvait."
Elsa avait de la peine au cœur en voyant la mine pâle, chargée de douleur et chagrine du jeune nain: jamais encore elle ne l'avait vu ainsi; lui qui était toujours enjoué, optimiste et débordant d'enthousiasme... Un peu comme sa chère sœur, Anna... Mais bientôt, en repensant aux paroles du vieux nain, elle sentit la colère envahir son cœur. Bolg, le fils d'Azog? Ce monstre, ce profanateur avait donc une progéniture pour prendre sa suite dans ses horribles crimes? La jeune femme serra les poings: cet Azog et toute sa lignée mériteraient tous de finir à jamais oubliés et perdus dans les ténèbres du néant! Pourquoi tant de cruauté à l'égard de ces pauvres Nains, voyageant à travers les terres pour regagner leur foyer? Pourquoi tant de souffrances causées? A présent, à cause de ce Bolg, l'un des leurs était blessé, et déjà bien des fois auparavant les compagnons avaient manqué de laisser leurs vies dans les griffes de ces Orques... Elle ignorait pourquoi, mais en cet instant, plus que jamais, elle ressentait une véritable fureur en pensant au profanateur et à son diabolique fils.
"Quoi qu'il en soit, dit soudain Bilbon en regardant derrière lui d'un air angoissé, si ce que Balin dit est vrai, je n'ose imaginer ce qui arriverait si les Orques nous rattrapaient maintenant. Nous devons nous mettre en route!
-En route pour où? demanda le vieux Nain à la barbe blanche d'un air morne.
-Pour la Montagne, voyons! répondit le hobbit. Nous sommes tout près...
-Il y a un lac entre nous et cette Montagne, répliqua Balin. Et nous n'avons rien pour le traverser.
-Alors contournons-le, suggéra M. Sacquet.
-Les Orques nous rattraperaient, lança Dwalin d'un air grave, c'est clair comme du cristal. Et nous n'avons pas d'armes pour nous défendre."
Bilbon semblait alors à court d'idées, et de plus en plus paniqué, ce qui était également le cas d'Elsa. Le vent froid et aigu qui soufflait doucement parvenait même à la faire frissonner: qu'allait-il alors arriver? Comment pourraient-ils s'en sortir à présent? Avec un blessé à transporter et aucune arme pour se défendre... Bien sûr, la jeune femme pouvait compter sur ses pouvoirs, mais elle doutait de pouvoir protéger tous ses compagnons à elle seule, à moins de s'enfermer à jamais dans un dôme de glace, attendant que les monstres finissent par en venir à bout avec leurs sombres haches. Comment pourraient-ils survivre à présent dans ces terres désolées? Il y avait bien peu d'endroits sûrs où se rendre à présent: à l'Ouest, en amont, était la sombre Forêt noire, à lisière de laquelle, non loin d'eux, s'étendaient les Longs Marais...
La panique commençait à se saisir du groupe: Elsa réfléchissait, réfléchissait, tentant de ne pas céder à la peur qui envahissait son esprit. Elle commença à jeter des regards à droite et à gauche, espérant vainement trouver une solution.
Et soudain, sur sa gauche, se dressant sur les rochers juste au-dessus d'eux, elle vit avec effroi se dessiner une silhouette sur le ciel gris. Elle poussa un petit cri étouffé et sursauta, observant la même réaction chez ses camarades lorsqu'eux aussi découvrirent l'ombre les surplombant. A présent, la jeune femme distinguait la forme plus clairement: c'était un homme de grande taille, vêtu d'un long manteau; mais surtout, il tenait dans ses mains un long arc sur lequel était encochée une flèche à la pointe de métal. Il regardait les compagnons d'un air sévère et méfiant, tirant sur la corde de son arc, comme s'il se tenait prêt à décocher sa flèche à tout instant.
Retrouvant son courage, Dwalin se saisit d'un bâton sur le sol et l'empoigna à deux mains, se mettant face à l'inconnu, droit et gonflant le torse. Mais l'homme pointa alors son arc vers lui et décocha sa flèche, qui vint se planter droit dans le bois, sa pointe demeurant à quelques centimètres de la poitrine du Nain, qui sembla soudain intimidé. Aussitôt, et avec une vitesse impressionnante, l'homme tira une autre flèche de son carquois et l'encocha sur son arc, la pointant bien vite vers les compagnons, l'air encore plus méfiant et menaçant.
"Refaites ça, et vous êtes morts! lança-t-il d'un ton froid."
Tous se dressèrent, et le cœur d'Elsa se mit à battre. Cependant, Thorin s'avança de quelques pas:
"Qui êtes vous? demanda-t-il en fronçant les sourcils. Que voulez-vous?
-C'est à vous de répondre à mes questions, répliqua l'homme en pointant sa flèche vers lui. Je vous demande donc la même chose: qui êtes-vous?"
Thorin ouvrit la bouche pour répondre, mais Balin lui fit signe de le laisser parler.
"Bien le bonjour mon brave, dit-il en levant les mains pour montrer qu'il n'avait aucune intention belliqueuse. Je me permets de parler au nom de mes compagnons: nous sommes une troupe de marchands venus de l'Ouest. Nous avons rencontré quelques difficultés à traverser ces terres et nous sommes quelque peu égarés dans les parages."
L'inconnu le regarda d'un air suspicieux, restant silencieux pendant un moment. Puis finalement, il tourna et son regard et sa flèche vers Elsa.
"Et depuis quand les marchands s'associent-ils avec les sorcières? Demanda-t-il en montrant d'un signe de tête le pont de glace qui scintillait au dessus du courant."
Elsa sentit son cœur faire un bond en voyant la flèche pointée droit sur elle. Bilbon, lui, sembla soudain indigné. Il vint se placer devant la jeune femme en empoignant le manche de sa petite épée Dard.
"Ce n'est pas une sorcière! lança-t-il d'un air de défi."
Mais Elsa posa une main sur son épaule et lui fit signe de ne pas engager d'hostilités.
"La demoiselle est notre amie et compagnonne de voyage, répondit Balin en adressant un regard amical à la jeune femme. Elle est avec nous depuis la ville de Bree: vous n'avez rien à craindre d'elle."
L'homme resta de nouveau silencieux pendant un temps, gardant sa flèche pointée sur Elsa, fixement successivement la jeune femme et le pont de glace qui enjambait la rivière avec un air plus que méfiant et en une certaine manière accusateur, si bien que celle-ci finit par se sentir réellement mal à l'aise. Après un moment, Balin fit de nouveau quelques pas:
"Pardonnez-moi, mais il me semble que vous venez d'Esgaroth, si je ne m'abuse, s'enquit-il d'un ton toujours très poli.
-Pourquoi? demanda sèchement l'homme.
-Le bateau que vous avez là-bas, il ne serait pas à louer par hasard?"
En entendant cela, Elsa se demanda de quoi parlait son ami. Mais lorsqu'elle tourna la tête pour regarder le courant en contrebas, elle vit effectivement un genre de mât dépasser d'un amas de rocher plus loin, qu'elle n'avait pas remarqué auparavant. Son cœur s'allégea quelque peu: alors peut-être trouveraient-ils finalement un moyen de traverser le Lac pour atteindre la Montagne à temps?
L'archer tourna également son regard vers ledit bateau, puis après un moment, l'air toujours un peu méfiant, abaissa lentement son arc.
Quelques temps plus tard, tous, nains, hobbit, homme et femme se tenaient rassemblés près du bateau en question. Sans vraiment donner de réponse, l'homme, après avoir rangé son arc et ses flèches, leur avait demandé de l'aide pour acheminer tous les tonneaux jusqu'à son embarcation. Espérant tous finir par le convaincre de les transporter, les compagnons acceptèrent sans une contestation: chacun se saisit donc de l'un des tonneaux qui gisaient toujours trempés sur les rochers, et le fit rouler avec précaution sur la roche, l'amenant jusqu'à destination. Ainsi, ils ne durent faire que deux aller-retours pour transporter tous les barrils. Ils prirent également le temps de découvrir un peu mieux cet homme qui semblait avoir surgi de nulle part: il avait apparemment une quarantaine d'années derrière lui, ses cheveux noirs et emmêlés lui tombaient sur les épaules, tandis que des favoris, une moustache et une barbiche marquaient les traits de son visage mince et fatigué, aux yeux d'un bleu assez terne. Il était vêtu pauvrement: un simple pantalon de toile et un gilet de laine tressée serré à la taille par une vieille ceinture de cuir usé; seul son long manteau de peau et rembourré de fourrure semblait pouvoir le protéger du froid: mais le cuir de ce vêtement était lui aussi usé et déchiré par endroits.
Lorsqu'enfin tous les tonneaux furent acheminés, l'homme se chargea de les ranger sur le pont de son embarcation.
A vrai dire, il s'agissait plus d'un petit rafiot que d'un réel bateau: la mousse recouvrait sa coque de bois humide, ses cordages étaient effilés et usés et sa voile, enroulée au sommet du mât, était jaunie et le tissu rongé par endroits. Le 'bateau' était amarré à un petit quai de pierre, juste à l'embouchure du Taurduin qui se jetait en cet endroit dans le Long Lac, s'étendant à présent sous les yeux des compagnons. Et Elsa comprenait pourquoi il était ainsi nommé: s'il ne faisait qu'environ deux milles de largeur, il devait bien en faire une quinzaine sur la longueur. Ses eaux immenses et sombres sous le ciel grisâtre se ridaient sous le souffle du vent.
"Qu'est-ce qui vous fait croire que je vous aiderais? demanda finalement l'homme tout en chargeant les tonneaux sur son bateau.
-Ces bottes ne sont pas de première jeunesse, remarqua Balin en désignant les vieilles chausses brunâtres de l'archer-batelier, et ce manteau non plus. Vous avez sans doute des bouches affamées à nourrir... Combien de loupiots?
-Deux filles et un garçon, répondit l'homme d'un air sombre sans s'arrêter de charger les tonneaux.
-Et votre femme, j'imagine que c'est une beauté, suggéra le nain avec un sourire flatteur sur les lèvres."
Soudain, le batelier s'arrêta et resta silencieux quelques instants. Puis, d'un ton éteint et peiné, répondit:
"Oui, c'était une beauté."
Le sourire s'effaça soudain du visage de Balin, et Elsa se sentit soudainement désolée elle aussi.
"Je suis navré, reprit le vieux nain barbu, je ne voulais pas...
-Rah, ça va, ça va! Assez de politesses, s'impatienta Dwalin."
L'homme tourna à nouveau son regard vers eux, puis finalement, après avoir chassé sa tristesse, leur demanda:
"Qu'est-ce qui vous presse?
-Cela vous regarde-t-il? répliqua Dwalin d'un air agacé.
-J'aimerais mieux comprendre qui vous êtes, et ce que vous faites sur ces terres.
-Comme je vous l'ai dit, nous sommes de simples marchands venus des Montagnes Bleues, répondit Balin. Et nous allons voir des parents dans les Monts de Fer.
-De simples marchands dites-vous? répéta l'homme avec un étrange sourire montrant qu'il commençait à douter de cette histoire.
-Il nous faut des vivres, des outils, des armes, expliqua alors Thorin avec un ton également extrêmement poli et précautionneux. Pouvez-vous nous aider?"
Le batelier tourna son regard vers les tonneaux à présent tous rangés sur le pont, et constata toutes les égratignures, les traces de flèches et les entailles de lames creusées dans le bois.
"Je sais d'où viennent ces tonneaux, dit-il.
-Oui, et alors? s'étonna Thorin sans comprendre.
-J'ignore quelles affaires vous faisiez avec les Elfes, mais cela s'est mal terminé."
Un silence s'installa durant quelques instants, et les compagnons se jetèrent des regards gênés et mal à l'aise. Elsa déglutit avec difficulté: qu'insinuait donc cet homme? Avait-il l'intention de les capturer afin de les livrer de nouveau aux elfes? Mais finalement, il commença à détacher les cordages qui reliaient son embarcation au quai.
"Personne n'entre à Esgaroth sans l'accord du Maître, expliqua-t-il. Toute sa fortune provient du commerce avec le royaume de Vertbois: il vous mettra aux fers plutôt que d'encourir la colère du roi Thranduil."
Les compagnons se regardèrent alors à nouveau: allaient-ils donc encore se retrouver dans une impasse? Aucun d'entre eux n'osait même imaginer retourner derrière des barreaux après cette lugubre semaine qu'ils venaient de passer dans les cachots de Ndaedelos. Mais Thorin refusait d'abandonner: il se tourna vers Balin et murmura:
"Offre-lui plus.
-Il doit y avoir un moyen d'entrer dans la ville sans être vu, suggéra le vieux diplomate après avoir acquiescé.
-Oui, approuva le batelier en déposant son arc et son carquois à l'avant du bateau. Mais pour cela, il vous faut un contrebandier.
-Pour lequel nous paierons le double, affirma Balin d'un air solennel."
En entendant cela, l'homme se redressa lentement et tourna son regard vers les compagnons: ceux-ci restèrent pendus à ses lèvres, un air implorant sur le visage. Elsa croisait les doigts en se mordant la lèvre: car à présent, en plus de souhaiter de tout cœur voir ses amis mener enfin leur quête à bien, elle avait une raison profondément personnelle et importante de réussir à gagner la Montagne.
Puis finalement, après avoir longuement hésité, l'homme finit par acquiescer.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 27 Sep 2015, 17:38
Chapitre 13 (partie 2):
Bien plus haut sur la rivière, de retour entre les sombres arbres de la Forêt, l'agitation, l'anxiété et l'angoisse étaient à leur comble dans la forteresse. Les gardes et rôdeurs ayant survécu à l'attaque des Orques étaient de retour, déplorant pour certains de lourdes blessures nécessitant de puissants soins. Tous étaient perplexes et inquiets, car cette attaque avait réellement surgi de nulle part et s'était montrée particulièrement violente, sans compter que bon nombre des Orques avaient réussi à leur échapper et couraient encore, libres et féroces, sur ces terres.
Mais l'un d'entre eux se trouvaient présentement au château de Vertbois, ramené et fait prisonnier par le prince Legolas et la capitaine des gardes Tauriel. Narzug, seul et désarmé, n'avait pu résister et avait du se résoudre à les suivre. A présent qu'il se trouvait totalement sans défense, les longues épées que les gardes du palais portaient en leurs fourreaux et les flèches sur les arcs des rôdeurs l'angoissaient grandement: mais le prince et la capitaine n'avaient apparemment pas l'intention de se débarrasser de lui.
En réalité, ils l'amenèrent prestement dans la salle du trône où le roi fut appelé. L'Orque fut mis à genoux au pied du trône et ses mains furent liées dans le dos, tandis que le prince des bois sortit une dague scintillante et la plaqua contre son cou.
Bientôt, le roi Thranduil arriva, marchant lentement, affichant son éternelle expression impassible et froide. Il avait revêtu une longue tunique pourpre aux motifs de vigne, sur laquelle coulaient ses cheveux si lisses, tandis qu'à taille était une ceinture de laquelle pendait un long fourreau contenant une épée argentée. Aux paroles qu'il proféra, l'Orque comprit bientôt que ce maudit roi des Elfes voulait obtenir des informations de lui. Et son ton était insinuant, séduisant, capiteux, comme s'il cherchait à percer l'esprit de Narzug.
"Telle est la nature du mal, disait le roi en faisant les cent pas aussi lentement que possible autour de la créature. Là, dehors, dans l'ignorance totale du monde, il se renforce et se propage. Une ombre qui grandit dans le noir, une malfaisance à l'affut, aussi noire que le voile de la nuit qui descend. Cela a toujours été et cela sera toujours: avec le temps, toutes les créatures immondes se manifestent.
-Toi et les autres pourchassiez une compagnie de treize Nains, rappela Legolas d'un ton froid, très semblable à celui de son père. Pourquoi?
-Non, pas treize, répondit Narzug avec un sourire mauvais. Plus maintenant: l'un des plus jeunes, l'archer avec des cheveux noirs, nous lui avons planté une flèche de Morgul. Le poison est dans son sang: il va bientôt crever!"
En entendant cela, Tauriel se raidit soudain: elle avait bien entendu les mots 'flèche de Morgul', et elle savait ce que cela signifiait; et cela la remplissait d'horreur et de panique. Mais elle resta impassible, cherchant à tout prix à masquer ses émotions aux yeux du vil Orque.
"Réponds à la question, vermine! lança-t-elle d'un air sévère.
-Je ne réponds pas aux chiens, femelle Elfe! rétorqua la créature d'un ton furieux."
Aussitôt, Tauriel tira une dague de son fourreau dans un bruit saillant de métal.
"J'éviterais de la contrarier à ta place, glissa Legolas d'un ton menaçant et dissuasif."
Tauriel fixait l'Orque d'un air furieux, la main tremblante de rage: voir cette créature, ce semblable à celles qui avaient pris la vie de ses deux parents sous ses yeux, rire et se réjouir ainsi de la souffrance et du mal, la narguant de ses sarcasmes, la mettait dans un état de haine intense.
"Tu aimes tuer Orque? demanda-t-elle en sifflant entre ses dents. La mort te fascine? Alors ça va te plaire!"
Et dans un élan de rage, elle empoigna sa dague et se jeta sur la créature, prête à lui planter droit dans la gorge. Mais soudain:
"Tauriel! cria le roi Thranduil. Cessez-là, je vous prie! Tâchez donc de vous calmer et laissez-moi m'occuper de cela."
La capitaine des gardes ferma les yeux et inspira une grande bouffée d'air, tentant de maîtriser les tremblements de sa main. Puis finalement, elle se redressa et recula de quelques pas, jetant toujours à l'Orque un regard haineux.
"Cela m'est égal qu'un Nain meurt, finit par reprendre Thranduil toujours impassible. Réponds à la question, tu n'as rien à craindre: dis-nous ce que tu sais et tu seras libre."
En entendant ces dernières paroles, Narzug sembla soudain très tenté, tenté de quitter ces pièces et de partir libre loin des lames scintillantes et aveuglantes de Elfes...
"Vous aviez ordre de les tuer, avança Legolas. Pourquoi? Que représente la compagnie de Thorin Ecu de chêne pour vous?
-Cet avorton arrogant ne sera jamais roi! pesta l'Orque d'un air furieux.
-Roi? s'étonna le prince de la Forêt. Il n'y a pas de roi sous la Montagne, et il n'y en aura jamais. Personne n'osera entrer dans Erebor tant que le dragon vivra.
-Tu ne sais rien, ricana la créature. Votre monde va brûler...
-Pourquoi dis-tu cela? Questionna Legolas d'un air soudain anxieux. Parle!
-Notre heure est de nouveau arrivée, mon maître sert l'Unique."
Thranduil, qui était resté impassible et silencieux jusqu'à présent, releva soudain les yeux: et son visage n'aurait pas eu une expression différente si l'on venait de lui annoncer que la fin du monde aurait lieu le soir même.
"Tu comprends maintenant, Semi Elfe? Nargua la créature, satisfaite de la peur qu'avaient provoqué ses paroles. Votre mort est proche... Tu as sans doute cru pouvoir trouver une alliée, une protectrice en la personne de cette sorcière des glaces? Quel espoir cela a du être pour toi lorsque tu as imaginé de tels pouvoirs à ton service: oui, nous aussi la connaissons et savons la magie qui est la sienne. Mais ne te fais pas d'illusions: son esprit est instable et faible. Elle finira tôt ou tard par nous rejoindre, et alors vous périrez tous; les flammes de la guerre s'abattront sur vous!"
Thranduil semblait sur le point de basculer dans le gouffre de la terreur, mais au lieu de cela, il se ressaisit, empoigna le manche de son épée, et en un éclair trancha le cou de l'Orque. Son corps s'étala sur le sol, agité encore de quelques affreuses convulsions, tandis que sa tête demeura dans la main du jeune Legolas, qui fut surpris et dérouté, de même que Tauriel.
"Pourquoi avoir fait cela? demanda le prince. Vous aviez promis de le libérer.
-Et je l'ai fait, répliqua Thranduil tout en rangeant sa lame souillée de sang noir dans son fourreau. J'ai libéré ses malheureuses épaules du poids de sa misérable tête.
-Cet Orque aurait pu nous en dire plus, protesta Legolas.
-Il n'aurait rien pu m'apprendre de plus.
-Quoi qu'il en soit, nous devons agir dès maintenant! lança Tauriel d'un air alarmé. Nous devons au plus vite rassembler des gardes et rattraper les Orques ayant survécu, nous devons dénicher le sombre terrier d'où ils sont sortis, trouver leur repaire,... Il nous faudra même très probablement envoyer nos armées si réellement ils préparent une guerre.
-Au contraire Tauriel, l'interrompit Thranduil, agir précipitamment serait pure folie. Nous devons comprendre ce qui se déroule et nous tenir prêt, nous devons être stables sur nos pieds et ne pas nous lancer aveuglement dans l'inconnu.
-Mais mon seigneur, ne croyez-vous pas que tout cela soit lié à ces ténèbres qui envahissent la Forêt? Ne croyez-vous pas qu'il est temps d'agir à présent? En ce moment même, des Orques foulent librement nos contrées, et certainement bien d'autres encore se tiennent tapis dans l'ombre: nous ne devons pas les laisser faire, nous devons les éliminer tant qu'il en est encore temps, tout comme nous devrions le faire avec ces araignées! Tout est exactement comme je vous le disais l'autre jour...
-Tauriel, s'il vous plaît! Ne recommencez pas, je sais parfaitement ce que je dois faire, et cela ne consiste certainement pas à envoyer nos guerriers se faire massacrer par une menace inconnue.
-Mais enfin que vous faut-il de plus? demanda Tauriel en hurlant à présent, exaspérée par cette attitude si bornée. Vous en avez eu la preuve sous les yeux, l'ennemi vous l'a dit lui-même! Un mal grandit dehors, par-delà nos frontières et nous devons l'arrêter tant que nous le pouvons! Resterez-vous éternellement à regarder le monde sombrer sans rien faire? Laisserez-vous votre peuple être englouti par les ombres? Laisserez-vous ces Orques rallier l'enchanteresse de l'hiver à leur cause? Car alors avec un tel pouvoir contre nous, nous ne pourrons plus rien faire, et tout cela à cause de votre couardise!
-ASSEZ TAURIEL! Hurla soudain Thranduil avec des éclairs dans les yeux, faisant sursauter son fils et la capitaine, qui demeurèrent tous deux totalement silencieux. Je ne vous permets absolument pas de me traiter de couard, m'entendez vous? Je sais parfaitement ce que j'ai à faire, et je vous prierai de cesser de croire pouvoir me donner des leçons. A présent sortez, quittez cette pièce et laissez-moi réfléchir en paix."
L'elfe rousse serra les poings, mais ses yeux affichaient du désespoir au lieu de la colère. Elle était démunie, désemparée: par tous les moyens elle aurait essayé de convaincre son roi d'agir enfin contre ce mal se répandant, mais celui-ci refusait toujours d'entendre raison. Elle ne savait plus que faire... Alors elle soupira, et quitta tristement la pièce, sous le regard navré de Legolas.
Lorsqu'elle fut partie, le silence régna encore un moment. Legolas aurait bien voulu protester, mais il craignait toujours de défier son père, et il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il y avait du vrai dans ses propos. Alors tous deux regardèrent un moment le corps de l'Orque gisant au sol, à présent totalement inerte.
"Que voulait-il dire par 'les flammes de la guerre'? Demanda le prince d'un air intrigué. Il parlait de s'allier avec l'enchanteresse des glaces, mais alors pourquoi parler du feu?
-Car c'est de tout autre chose dont il est question, répondit simplement le roi. Je ne crois pas qu'ils réussiront jamais à s'allier à la magicienne: cela n'était qu'une menace en l'air pour nous effrayer et nous déstabiliser. Mais ces flammes de la guerre font allusion à une autre arme, si puissante qu'elle détruira tout sur son passage...
-Dans ce cas ne croyez-vous pas que Tauriel pourrait dire vrai? Ne devrions-nous pas agir afin de protéger les nôtres d'une si terrible menace?
-Legolas, c'est précisément car je me soucis de mon peuple que je refuse de précipiter les nôtres vers une menace indéterminée. Ne croyez-vous pas que ces Orques puissent se tenir déjà prêts? Que tout cela ne puisse être qu'un piège monté pour accélérer notre perte? Seriez-vous prêt à envoyer nos soldats à l'encontre d'un si grand danger? Qui défendrait notre peuple si tous étaient éliminés? Nous ne devons en aucun cas être stupides et tomber tête la première dans les fourbes stratagèmes des Orques, mais agir intelligemment et contrer leurs attaques. Nous devons protéger nos terres plus que jamais..."
Se tournant soudain vers les deux gardes qui surveillaient l'accès au trône, il lança d'une voix forte:
"Je veux que l'on double la garde à toutes nos frontières, routes et rivières: rien ne bouge sans que j'en sois informé, nul n'entre dans ce royaume et nul n'en sort."
Les deux gardes acquiescèrent en silence, et le roi s'éloigna d'un pas rapide et empressé, chose peu habituelle chez lui. Son visage était grave, et son cœur battait dans sa poitrine: il ne restait pas indifférent aux paroles de Narzug, et s'inquiétait fortement de la suite des évènements à présent. Il était persuadé que toutes ces menaces n'étaient destinées qu'à effrayer le peuple des bois et les pousser à mener des attaques loin de leurs terres contre une menace insaisissable, afin que ce royaume soit laissé sans défense et qu'à jamais les ombres puissent le recouvrir; et il frissonnait d'horreur et de chagrin à cette idée. Il arriva près d'un grand balcon haut perché sur la colline, et regarda le paysage qui s'étendait au dehors: les branches nues et sèches des arbres grinçaient sous la brise, tandis que la rivière courait en soupirant pour aller se jeter dans le Long Lac, et plus loin encore se dessinait sur les cieux gris la grande silhouette d'un Mont solitaire.
Thranduil poussa un étrange et langoureux soupir: il savait que de précieuses gemmes attendaient là bas dans cette Montagne, et qu'une compagnie de Nains était en route pour rejoindre cette dernière, accompagnée d'une magicienne amie des forces de l'hiver. Il essayait de se convaincre lui-même que jamais les Orques ne parviendraient à la compter parmi leurs alliés, que cela n'était encore qu'une sournoise menace; mais surtout, il espérait de toute la peine de son cœur que cette jeune femme se souviendrait de sa proposition et finirait par lui ramener les gemmes de Lasgalen, et qu'enfin le mal rongeant la Forêt pourrait être banni et dissipé, pour laisser enfin place à la lumière du jour et des étoiles après tant d'années de ténèbres.
Plus bas dans les étages de la forteresse, Legolas s'affairait à transmettre les ordres de son père. Il le faisait non sans un certain doute, une certaine réticence dans le cœur, mais finissait par convenir que son père devait avoir raison et agir au mieux: il savait l'attention qu'il portait à son peuple, et se rappelait les jours anciens et heureux ou sa mère était à ses côtés, tous deux œuvrant toujours passionnément pour la prospérité de Vertbois le grand. Aussi agissait-il selon le souhait du roi, et transmettait ses ordres à tous les gardes du palais.
Il se dirigeait à présent vers la grande porte:
"Fermez la porte, ordonnait-il aux deux gardes qui se tenaient là. Gardez-là scellée par ordre du roi.
-Mais... Et Tauriel, mon seigneur? s'enquit l'un deux d'un air un peu dérouté.
-Quoi? s'étonna Legolas en se retournant soudain. Qu'y a-t-il avec elle?
-Elle a quitté le château il y a peu et s'est rendue dans la Forêt, armée de son arc, des ses dagues et d'une épée, expliqua le gardien. Elle n'est pas revenue."
Legolas resta un moment immobile, silencieux: il comprit bien vite ce que cela signifiait. Tauriel, consumée par son désir d'agir, s'était lancée à la poursuite des Orques et s'était certainement mis en tête de les affronter seule. Mais le danger au dehors était certainement bien plus grand que cela, et Legolas craignait pour son amie; de plus, celle-ci venait de désobéir aux ordres du roi, et il ne tenait certainement à ce qu'elle ait à subir des sanctions. Elle devait revenir au plus vite, mais qui pourrait l'en convaincre? Qui restait-il au dehors qu'elle pourrait écouter? Alors le prince comprit bien vite, avec une grand anxiété dans le cœur, qu'il devrait aller la chercher lui-même.
Et le danger courait, courait toujours le long du Taurduin: les Orques, hargneux, n'abandonnaient pas leur objectif. Les Nains devaient périr, et ils accompliraient cette tâche coûte que coûte. Bolg à leur tête, grand, pâle et menaçant, avançait de ses grandes enjambées sur la pierre froide. Un brouillard était à présent descendu sur la terre, et la vision était réduite; mais les Orques sentaient les odeurs tels les plus féroces chiens de chasse.
Bientôt, alors qu'ils étaient tout proches de l'embouchure de la rivière, ils s'arrêtèrent quelques temps, perplexes. L'un deux se baissa soudain et trempa son doigt dans une flaque pourpre, avant de le porter à sa langue.
"Du sang Nain! s'exclama-t-il. Ils étaient ici...
-Il y a une autre odeur, remarqua Bolg en reniflant l'air de ses narines pareilles à celles d'un serpent. De la chair humaine.
-C'est cette sorcière qui voyage avec eux! Suggéra l'un des chasseurs. Nous l'avons vue courir comme une furie à travers les bois en longeant la rivière: elle a certainement retrouvé ses maudits camarades Nains. Mais le Maître ne veut pas que mal lui soit fait: nous devons l'épargner et la lui ramener vivante.
-Non, ce n'est pas elle, le coupa Bolg. C'est une autre odeur encore: une odeur mêlée d'eau, de bois humide et de poisson..."
Intrigué et irrité, il s'avança un peu plus, suivant la trace de cette fameuse odeur, et ses yeux finirent par se poser sur le petit quai de pierre, destiné à accueillir un bateau. Alors, bien vite, il comprit:
"Ils ont trouvé un moyen de traverser le Lac!"
Et en effet, sur les eaux frissonnantes du Lac, un petit bateau glissait en silence. Sa voile état à demi déroulée et le vent froid la gonflait de son souffle spectral, poussant l'embarcation sur l'onde noire, chaque vaguelette venant mourir contre sa coque produisant un petit éclat soupirant disparaissant tel un feu follet dans la brume qui se levait blanche au-dessus des eaux. La vue était grandement entravée par ce brouillard: on ne distinguait plus les rives du Lac, à vrai dire on ne voyait pas à plus de cinq mètres devant soi. Et les sillons cotonneux de la brume dessinaient leur incertaine trajectoire, serpentant au gré du vent, glissant tel les bras d'une étoffe fantôme le long de la coque du bateau, passant en murmurant près des oreilles des compagnons, créant une atmosphère très étrange, rappelant d'une certaine manière à Elsa les lointains Monts Brumeux. Et les Nains eux aussi semblaient mal à l'aise; seul l'homme, tenant à présent la barre à l'arrière du bateau, ne paraissait pas troublé le moins du monde.
Bientôt, alors qu'Elsa regardait vers l'avant, elle vit surgir de la brume une grande silhouette massive, carrée et sombre: comme un grand bloc de pierre, taillé en colonnes et en portes hautes. L'on aurait dit les ruines d'un ancien monument. Mais la jeune femme n'eut guère le temps de se laisser aller à imaginer quel antique demeure cela avait bien pu être, ou même de contempler les restes de cette architecture, car son cœur fit un bond dans sa poitrine en voyant qu'ils fonçaient droit sur la pierre.
"Attention! cria Bofur à l'avant du bateau."
Tous commençaient à paniquer, mais bientôt le batelier tira sur la barre et l'embarcation dévia de sa trajectoire, évitant de justesse la paroi de roche grise et terne.
"Que cherchez-vous à faire? demanda Thorin d'un air irrité et anxieux. Nous noyer?
-Maître Nain, je vous ai fait confiance, j'ai cru à votre histoire... Répondit l'homme en gardant les yeux rivés droit devant lui. Maintenant, je vous demande de me faire également confiance.
-Nous vous faisons confiance! Lança soudain Elsa. Et nous espérons avoir raison, mais cela veut-il dire que nous devions manquer de nous écraser contre la pierre?
-Vous n'avez rien à craindre de moi, répliqua le batelier. En revanche, peut-être ai-je de bonnes raisons d'avoir peur de vous, madame. D'ailleurs, ne pouvez-vous rien faire pour sauver vos compagnons de la noyade avec vos sortilèges si réellement ils sont si effrayés que cela?
-Si vous tenez à recevoir toutes vos pièces, je vous conseille de vous montrer plus poli avec elle! s'irrita Thorin. Et de cesser vos manœuvres périlleuses.
-Si réellement je voulais vous tuer, maître Nain, je l'aurais fait depuis longtemps. Et de plus, je suis né et j'ai grandi sur ces eaux: si je voulais vous tuer, je ne le ferais pas ici."
Tous se turent alors, les compagnons conscients qu'ils n'avaient hélas d'autre choix que de se remettre pieds et mains liés à cet inconnu. Mais cela ne leur plaisait guère:
"Il m'énerve cet homme du Lac, il est arrogant, marmonna Dwalin à l'adresse de ses camarades. On pourrait s'en débarrasser en le jetant par dessus bord...
-Bard! Lança soudain Bilbon. Il s'appelle Bard.
-Comment le savez-vous? s'étonna Elsa en se tournant vers lui.
-Euh... Je lui ai demandé, répondit-il d'un ton qui fit clairement comprendre à la jeune femme que sa question était effectivement stupide.
-Peu importe comment il s'appelle, reprit Dwalin. Je ne l'aime pas.
-Nous ne sommes pas obligés de l'aimer, répliqua Balin qui était occupé à rassembler les pièces de chacun en petits tas, seulement de le payer. Allez les gars, videz vos poches!"
Non sans rechigner, tous ceux qui n'avaient encore rien donné détachèrent leurs bourses et vidèrent leur contenu au pied du vieux diplomate. Elsa elle-même décrocha de sa ceinture la petite bourse de cuir qu'elle avait toujours conservé depuis trois années: celle qui lui servait à récolter les quelques pièces qu'elle gagnait lorsqu'elle se rendait dans les villages pour vendre ses sculptures de glace. Lorsqu'elle était seule dans sa grotte et qu'elle ne connaissait encore rien des Nains, des Elfes, des Hobbits, des magiciens, et du monde... Ce fut donc avec un étrange et quelque peu mélancolique souvenir de ce temps qui paraissait à présent si lointain qu'elle tendit sa bourse à Balin.
Mais a vrai dire, cela lui importait bien peu de se séparer de cet argent: son esprit était occupé par bien d'autres pensées. Elle regardait l'eau brumeuse qui s'étendait tout autour d'elle et écoutait les étranges murmures flotter partout dans le brouillard.
"Tout va bien miss Elsa? Demanda soudain la voix de Thorin, la tirant de ses pensées. Je suis navré pour les médisances de ce Bard à votre égard.
-Ne soyez pas navré voyons, répondit Elsa avec un pâle sourire. Vous n'y êtes pour rien.
-Vous semblez pensive: qu'y a-t-il?
-Oh rien, j'aimerais simplement comprendre où nous nous rendons à présent.
-Nous voguons présentement sur le Long Lac, expliqua Thorin, s'étendant non loin du pied de la Montagne solitaire. De par les circonstances, nous nous trouvons totalement dépourvus de vêtements chauds, de provisions et d'armes, nous sommes donc contraints de nous rendre à Esgaroth, la ville des Hommes du Lac afin d'y trouver de quoi nous approvisionner, car la marche à travers les collines de l'Emyn Govan jusqu'à Erebor sera encore longue. Comprenez-vous à présent?"
La jeune femme acquiesça doucement. Puis elle tourna de nouveau son regard vers les eaux, le vent froid lui semblant une douce brise soufflant sur son visage. Elle ferma les yeux et inspira une grande bouffée d'air.
"Tant d'années depuis lesquelles je ne m'étais plus tenue sur un bateau, murmura-t-elle doucement, senti la fraicheur du vent se mêlant au soupir des vagues, ou écouté le chant de la coque glissant paisiblement sur les eaux...
-Vous dites cela avec une fascinante sérénité sur le visage, observa le roi Nain avec un air contemplatif. Comme si ces mots reflétaient pour vous un souvenir lointain et très cher.
-Oui, en effet, approuva la jeune femme en tournant son regard vers lui. Cet endroit me rappelle quelque peu mon royaume d'origine: où la terre côtoie la mer et où les navires flottent avec grâce sur la courbe des océans... Bien qu'il ne s'agisse ici que d'un lac, je n'avais plus vu pareille étendue d'eau depuis que j'ai fui mon pays."
Un air sombre passa sur son visage et elle baissa tristement les yeux. Thorin posa alors une main sur son épaule.
"Elsa, dit-il, sachez qu'une promesse est une promesse, et que lorsque nous serons enfin venus à bout de toutes les épreuves, nous ferons tout notre possible pour vous rendre la précieuse aide que vous nous avez apporté. J'ignore quel moyen il existe qui vous permettrait de regagner votre royaume, mais si tel est votre souhait, nous aideront de toutes nos forces à le trouver."
La jeune femme releva alors les yeux vers lui, et découvrit son visage beau et noble lui adresser ce sourire si bouleversant. Mais cela ne fit que la plonger dans la plus grande des peines: car elle savait quel moyen lui permettrait de regagner Arendelle, et cela nécessitait de profiter de sa place auprès de ses amis pour leur dérober un précieux coffre et l'apporter tel une voleuse à leur grand rival. Comment pourrait-elle faire une chose pareille à tous ces visages si chaleureux qui l'avaient accueillie et faite leur amie dans une période si noire de sa vie? Comment pourrait-elle ainsi trahir cette confiance, piétiner tous ces liens si précieux qui s'étaient tissés entre eux durant tout ce temps? Elle ne pourrait jamais s'y résoudre, et pourtant cela était le seul moyen de regagner un jour le fjord. Elle avait envie de fondre en larmes, mais elle ne devait surtout pas céder à de pareilles émotions, encore moins devant ses camarades.
Alors elle étira ses lèvres en un sourire reconnaissant devant tant de bonté de la part de son ami, et posa doucement sa main sur celle qu'il avait placé sur son épaule. Cependant, bien qu'elle se refusât catégoriquement à révéler quoi que ce fut au sujet de l'offre que lui avait avancé le roi Thranduil, car la confiance de ses amis était une bien trop immensément précieuse à ses yeux, une chose l'avait tracassée depuis cet entretien qu'elle avait eu avec le roi des Elfes.
En effet, elle peinait à imaginer que les nains en ce temps ait pu faire preuve d'une si grande cruauté que celle de refuser de rendre le collier de perles de la défunte épouse du roi de la Forêt et de le narguer dans sa peine et son chagrin. Lorsqu'elle les voyait ainsi, tous ses amis réunis, elle refusait de croire que ce peuple avait pu être aussi cruel, et pourtant... Thranduil lui avait-il bien dit la vérité?
"Thorin, pardonnez-moi mais, commença-t-elle en hésitant grandement, il... Il y a une chose que j'aimerais vous demander.
-Quoi donc?
-Lorsque j'ai rencontré le roi Thranduil, j'ai vu qu'il avait découvert le but de notre voyage et avait compris que je comptais parmi les membres de cette Compagnie. Et au fil de la discussion, après avoir parlé de la Forêt, de la Montagne solitaire et toutes ces choses, il en est venu à dire que les Nains d'Erebor lui avaient jadis volé tout un coffre de joyaux très précieux. Ou plus exactement, qu'ils avaient refusé de le lui rendre alors que ces perles étaient tout ce qui lui restaient de son épouse décédée. Est-ce vrai?"
Une ombre passa soudain sur le visage du chef de la compagnie.
"Ah, le félon! pesta Dwalin qui avait tout entendu lui aussi. Il a minutieusement pris soin de cacher bien des détails de l'histoire.
-J'aurais du me douter qu'il essaierait de vous ranger de son côté, marmonna Thorin. Croyez-moi miss Elsa, vous ne connaissez pas toute l'histoire à l'heure actuelle.
-Cela me rassure, mais alors quelle est donc cette histoire?
-Avec le grande ville des Hommes à nos portes, le royaume d'Erebor était le plus prospère, le plus riche et le plus rayonnant qui ait jamais été. Cela vous savez déjà, pour avoir déjà entendu cette histoire. Mais les Elfes des bois et leur 'grand roi' n'appréciaient guère le fit qu'un royaume plus puissant vienne faire de l'ombre au leur, aussi de tous temps ont-ils œuvré pour nuire au bien être de notre domaine. Ils interdisaient férocement aux Nains l'entrée dans la Forêt, attaquant même parfois ceux qui la nuit s'en approchaient trop près, leur roi ne cessaient de contester chaque décision du nôtre et se dressait vaniteusement contre lui; souvent a-t-il même fait tout son possible pour dresser les Hommes de Däle contre nous et créer des révoltes. Si bien que la crainte régnait sans cesse au sein de notre cité, crainte qu'un jour ces fourberies finissent par avoir raison de nous. J'imagine que sa majesté Thranduil a pris soin de masquer tout ceci, n'est-ce pas? Mais cela n'est pas le pire: savez-vous ce qui est arrivé par la suite? Un jour, ce roi de la Forêt et plusieurs membres de sa cour sont arrivés sans prévenir dans notre cité devant le trône du roi, et ont demandé à ce que nos meilleurs orfèvres et bijoutiers confectionnent un somptueux collier pour son épouse en perlant ces précieuses pierres de Lasgalen sur des fils d'argent. Nous aurions parfaitement pu refuser: rien, aucune dette ne nous obligeait à remplir cette tâche. Mais nous avons été courtois, nous avons respecté les règles du jeu: nos meilleurs joailliers ont effectivement travaillé nuit et jour pour confectionner le plus radieux collier qui soit. Le travail fut fini dans les temps, réalisé avec de véritables mains de maître: nous étions prêt à lui rendre son collier et tous ses joyaux. Nous avions compris qu'il refusait l'autorité de la Montagne, et cela ne nous importait plus guère: la seule chose que nous lui demandions en échange, était de cesser de se mettre en travers de la prospérité de notre royaume. Nous ne réclamions rien de plus que cela... Mais, bien trop fier, ce roi prétentieux a tout bonnement refusé d'accéder à notre demande. Alors, marché non conclu, tous les Nains de la cour de Thror décidèrent que les gemmes demeureraient dans les salles de la Montagne et ne seraient restituées aux Elfes seulement et uniquement lorsque ceux-ci accepteraient enfin de les laisser s'épanouir en paix. Voilà en réalité à quoi ressemble toute l'histoire."
Elsa resta silencieuse: son cœur était devenu un peu plus léger. Thranduil avait donc bel et bien déformé la réalité pour tenter de la faire céder à sa proposition; elle se sentait quelque peu rassurée de savoir que les Nains n'avaient en réalité pas agi ainsi par pure et simple cruauté. Mais l'histoire de Thranduil, de sa femme et de ce collier n'en demeurait pas moins tragique à ses yeux, et elle se disait que ce problème devait être résolu, et se demandait pourquoi et comment tant de haine pouvait exister entre les Nains et les Elfes... Tout cela était bien triste et tellement dommage.
Après un moment, Thorin finit par s'éloigner et aller rejoindre ses deux neveux à l'avant du bateau. Kili était assis et se tenait la jambe, affichant toujours une moue douloureuse, mais paraissant se porter légèrement mieux, tandis que Fili se tenait debout à ses côtés, regardant Bard d'un air méfiant. Thorin posa une main compatissante sur l'épaule de son plus jeune neveu, et remercia son ainé de s'être ainsi occupé de lui.
Celui-ci, bien qu'il ne prétendit pas douter de la nécessité de se rendre à la ville du Lac, exprima à son oncle sa méfiance à l'égard de l'homme qui les acheminait présentement.
"Qui nous dit qu'il ne va pas nous trahir? demanda-t-il à voix basse."
Thorin tourna un regard sombre vers le batelier, et répondit dans un soupir fataliste:
"Personne."
Elsa, elle, restait pensive et muette: car quelle que fut la raison pour laquelle ces gemmes se trouvaient au cœur du Mont solitaire, c'était là bas que se tenait sa seule chance de retourner un jour chez elle. Mais même maintenant, cette chance lui paraissait encore bien lointaine, car elle savait que le voyage jusqu'à la Montagne n'était pas encore terminé, et surtout elle n'oubliait pas le terrible gardien qui se tenait peut-être encore entre elle et le trésor de la Montagne. Elle se souvint de ce jour lointain au sommet du Carrock dans le Val d'Anduin où Bilbon avait dit que 'le pire se trouvait derrière eux'... A présent elle était très loin d'en être aussi sûre: tous les ennemis qu'ils avaient affronté jusqu'à présent ne représentaient sans doute rien par rapport à la terrible créature qui se terrait dans la Montagne. Bien que, comme l'avait un jour dit Gandalf, cette bête avait peut-être fini par s'éteindre, la simple pensée de devoir affronter un dragon cracheur de feu glaçait le sang de la jeune femme à un point inimaginable.
Mais malgré tout, le fait de savoir que la possibilité de rentrer dans son royaume existait à présent, la poussait à penser plus fortement que jamais à Arendelle, au fjord, au château... Elle se souvenait de ce soir où elle avait fui tout cela, du vent froid qui fouettait son visage et battait ses cheveux, des pentes escarpées des montagnes qu'elle avait gravi sans ressentir la moindre fatigue tant la terreur lui offrait des ailes, des forêts de sapin blancs dans lesquelles elle avait couru sous le ciel noir et étoilé... Elle se demandait à quoi pouvait bien ressembler le fjord à présent, après trois ans d'absence. Et elle espérait que son aide n'était pas désespérément attendue là-bas.
Soudain, un petit soupir grelotant vint la tirer de ses pensées. Elle tourna la tête et vit Bilbon non loin d'elle, tout frissonnant et soufflant de grands et froids nuages de vapeur à chaque respiration: le pauvre était encore mouillé et mort de froid. Elle prit pitié pour lui et eut envie de le couvrir d'un manteau ou d'une cape, mais elle n'avait rien de tout cela en sa possession. Alors elle s'approcha de lui et frotta vigoureusement son dos et ses épaules de ses mains. Après un moment, lorsqu'elle sentit ses muscles engourdis, elle cessa et M. Sacquet s'assit à côté d'elle.
"Je suis navrée, dit-elle d'un ton maladroit, je ne suis pas vraiment la personne la plus utile lorsqu'il faut réchauffer les gens.
-Non, non, c'était absolument parfait, assura Bilbon, je vous remercie. A vrai dire, il serait plutôt de ma responsabilité d'être navré, navré pour vous avoir oublié comme le dernier des idiots.
-Allons ne dites pas cela. Vous aviez une tâche à accomplir et vous l'avez accomplie: vous avez libéré nos amis. On ne peut tout exiger d'une même personne."
Le hobbit acquiesça doucement, et tous deux se turent un moment, Elsa replongeant dans ses pensées. Lorsque M. Sacquet remarqua son air perturbé, il fut inquiet et intrigué.
"Elsa, appela-t-il, êtes vous sûr qu'il n'y a réellement rien qui vous cause du trouble?
-Si, finit-elle par avouer après un silence. Mais hélas vous ne pouvez rien pour moi: je pense simplement à Arendelle, mon royaume.
-Votre foyer vous manque? Vous êtes alors tout comme moi, et je sais très bien ce que vous pouvez ressentir.
-Tout était si étrange, si précipité lorsque je l'ai quitté, confia-t-elle, toujours à moitié perdue dans ses pensées. La nuit d'été était fraiche et la mer calme, tandis que la ville était en fête dans la cour du château. Je me demande ce que tout cela est devenu à présent: comment les choses ont évolué, ce qui est advenu de chacun des habitants... Enfin, je suppose que ma sœur a repris les rennes du royaume et qu'elle se débrouille du mieux qu'elle peut."
Un silence régna pendant quelques instants, quand soudain:
"Attendez, quoi? S'exclama le hobbit en relevant brusquement la tête vers la jeune femme. Votre sœur... Les rennes du royaume...?"
Alors, soudain, Elsa réalisa qu'elle venait de se trahir: son cœur tomba dans sa poitrine.
"Vous... Vous voulez dire que... Que vous êtes... Balbutia le hobbit avec des yeux grands ouverts, semblant ne pas croire ce qu'il venait de découvrir.
-Je vous en prie, n'en parlez à personne, l'implora Elsa à voix basse pour ne pas être entendue des autres. Ici je ne le suis plus, et je ne souhaite pas que cela revienne influencer ma nouvelle vie. Me ferez-vous la faveur de garder ce secret pour vous?"
Bilbon ne répondit pas tout de suite: il semblait ne plus savoir où ni comment se tenir, semblant même vouloir reculer, comme s'il se sentait soudainement extrêmement mal à l'aise d'être en présence d'une personne royale. Il resta bouche-bée quelques instants, mais finalement, finit par acquiescer doucement.
Elsa tourna alors la tête vers les autres, et constata avec soulagement qu'ils n'avaient rien entendu. En réalité, Balin venait de terminer ses comptes avec les pièces, et il ne semblait pas satisfait:
"Nous avons un petit problème, dit-il. Il manque dix pièces"
Thorin s'avança, regarda les différentes piles de pièces sur le pont de bois, puis soudain il sembla comprendre.
"Gloïn, appela-t-il, allez, donne ce que tu as.
-Et pourquoi moi? Protesta le Nain à la longue barbe rousse. Je suis sur la paille à cause de cette aventure: que m'a rapporté l'argent que j'ai investi? Que de la souffrance, du chagrin et..."
Mais soudain il s'interrompit en voyant l'expression qui était apparue sur les visages de tous ses compagnons: ils avaient tous levé les yeux d'un même mouvement, comme si la plus belle et la plus radieuse des créatures venait d'apparaître sur le ciel. Leurs regards brûlaient à présent d'un émerveillement jamais ressenti depuis des temps bien lointain, et ils semblaient même avoir du mal à croire à ce miracle qui se présentait à eux. Intriguée, Elsa tourna la tête, et vit alors ce qui provoquait cette admiration absolument divine chez eux: là, au loin, se dressant dans le brouillard gris, se dessinait droite, fière et majestueuses la haute silhouette de la Montagne solitaire, son sommet surplombant avec prestance tout autre chose des environs et défiant, fier et inébranlable, les nuages les plus orageux.
"Oh, par ma barbe! Murmura Gloïn en s'extasiant lui aussi devant ce spectacle. Tiens, prends tout!"
Il tendit aussitôt sa bourse au vieux Balin. Tous restèrent ainsi un moment, muets et immobiles devant ce mont après lequel ils couraient depuis si longtemps, et pour lequel ils avaient affronté tant d'épreuves, qui était à présent à portée de main.
Mais leur rêverie fut bientôt interrompue par des pas résonnèrent sur le pont.
"L'argent, vite, donnez-le moi! Réclama Bard en s'avançant vers eux, un air grave sur le visage.
-Nous vous paieront lorsque nous aurons nos provisions, imposa Thorin. Pas avant.
-Si vous tenez à votre liberté, faites ce que je dis, leur dit le batelier en affichant un air on ne pouvait plus sérieux. Il y a des gardes."
Elsa se demanda un instant de quoi il parlait, mais lorsqu'elle tourna la tête, elle vit se dessiner plus loin sur le Lac comme de grandes plateformes de bois juste au dessus de l'eau, suspendues à de hauts poteaux taillés dans des troncs d'arbres: comme un genre de port aménagé sur l'eau, près duquel étaient amarrés nombre de barques et de bateaux et où reposaient de nombreux filets et cordages souvent envahis de mousses et d'algues. Et là-bas, sur ces pontons, de nombreuses silhouettes s'agitaient en tous sens: le cœur de la jeune femme se mit à battre.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
- Micky93Légende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 30 Nov 2015, 20:49
Bon j'ai rattrapé une partie de mon retard seulement. Mais t'inquiètes, je lirai la suite la prochaine fois.
Bon, tout a déjà été dit sur ce chapitre 12 qui est comme d'habitude très bien rédigé. Il ne se passe pas grand dans la première partie hormis l'évasion des nains. Mais bon. Un peu de calme de temps en temps ne fait pas mal.
Sinon, la deuxième partie est la meilleure. Normal tu me diras. Car de l'action était au rendez-vous. La bataille est très bien décrite d'ailleurs. Il y aussi une chose qui m'a fait rire. Mais ça c'est moi qui l'ai pensé comme ça. C'est quand Elsa utilise ses pouvoirs à la fin de l'entretien avec Thranduil. C'est du genre.
"Ton histoire est bien triste mais gros c'est vrai... Mais à vrai dire j'en ai rien à foutre" Malgré le fait qu'elle se montre désolée pour le roi. Genre il n'y a que les nains qui comptent pour elle et rien d'autre.
Bref, mise à part ça que dire de plus. Ce fut un excellent chapitre.
Bon, tout a déjà été dit sur ce chapitre 12 qui est comme d'habitude très bien rédigé. Il ne se passe pas grand dans la première partie hormis l'évasion des nains. Mais bon. Un peu de calme de temps en temps ne fait pas mal.
Sinon, la deuxième partie est la meilleure. Normal tu me diras. Car de l'action était au rendez-vous. La bataille est très bien décrite d'ailleurs. Il y aussi une chose qui m'a fait rire. Mais ça c'est moi qui l'ai pensé comme ça. C'est quand Elsa utilise ses pouvoirs à la fin de l'entretien avec Thranduil. C'est du genre.
"Ton histoire est bien triste mais gros c'est vrai... Mais à vrai dire j'en ai rien à foutre" Malgré le fait qu'elle se montre désolée pour le roi. Genre il n'y a que les nains qui comptent pour elle et rien d'autre.
Bref, mise à part ça que dire de plus. Ce fut un excellent chapitre.
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 30 Nov 2015, 22:10
OH Micky: tu n'as plus beaucoup d'intérêt pour ce forum mais tu prends quand-même la peine de continuer à lire ma fic...
Je t'aime toi! Tu le sais ça?
Enfin bref, c'est vraiment gentil.^^
Bon, je suis content que la bataille des tonneaux t'ait aussi plue.
Et pour ce qui est d'Elsa qui s'enfuit: ben oui, c'est vrai que les nains comptent plus pour elle qu'un roi qui l'a emprisonnée déjà X), et puis de toute façon, ce que lui demande Thranduil c'est d'aller retrouver les nains pour entrer avec eux dans la Montagne et lui ramener les pierres. Donc de toute façon, elle n'a pas beaucoup d'autre choix que d'aller les retrouver.
Et puis, comment sais-tu qu'elle n'en a rien à foutre?^^ Peut-être cette histoire va-t-elle encore lui occuper l'esprit pendant un bon bout de temps qui sait.... Haaaaaaaaaaan, suspEEEEENNNNNNNSE!
Enfin bref, vraiment merci d'avoir pris le temps de lire et de commenter et... Comment dire que la suite n'est pas encore vraiment prête à arriver paske... Moi aussi j'ai moins de temps désormais. ^^'
Je t'aime toi! Tu le sais ça?
Enfin bref, c'est vraiment gentil.^^
Bon, je suis content que la bataille des tonneaux t'ait aussi plue.
Et pour ce qui est d'Elsa qui s'enfuit: ben oui, c'est vrai que les nains comptent plus pour elle qu'un roi qui l'a emprisonnée déjà X), et puis de toute façon, ce que lui demande Thranduil c'est d'aller retrouver les nains pour entrer avec eux dans la Montagne et lui ramener les pierres. Donc de toute façon, elle n'a pas beaucoup d'autre choix que d'aller les retrouver.
Et puis, comment sais-tu qu'elle n'en a rien à foutre?^^ Peut-être cette histoire va-t-elle encore lui occuper l'esprit pendant un bon bout de temps qui sait.... Haaaaaaaaaaan, suspEEEEENNNNNNNSE!
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Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 30 Nov 2015, 22:23
Mais de rien mon cher. D'ailleurs, j'ai une fic à terminer moi aussi tu te souviens ? Sans compter le fait que j' ai encore d'autres histoires ou je dois rattraper mon retard. Et puis pour infos je n'ai lu que ton chapitre 12. J'ai encore le 13 à me mettre sous la dent.
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 30 Nov 2015, 22:53
Je n'ai pas du tout oublié Micky: j'attends la suite de ta fic de pied ferme!^^ Enfin, si tu as toujours du temps et de la motivation pour l'écrire.
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 30 Nov 2015, 23:04
Alors la suite est déjà là mon cher. Je l'avais posté il y a de cela deux mois en arrière. Tu ne l'as pas vu ? Pour preuve voilà le message que j'avais posté tout à la fin de mon dernier message.
"Sinon, j'ai reposté la suite de ma fic jeunes gens. J'espère que vous apprécierez mon chapitre 14 intitulé "Absolute zéro ! (deuxième partie)". Rendez-vous pour cela à la page 5 ! Sachez aussi que j'irai rattraper mon retard sur vos fics. Ne vous faites donc pas de soucis là-dessus. Mais pas ce soir en tout cas, car il est déjà trop tard pour moi. Oui, je bosse jeunes gens. Ce qui veut dire que je dois me lever très tôt".
"Sinon, j'ai reposté la suite de ma fic jeunes gens. J'espère que vous apprécierez mon chapitre 14 intitulé "Absolute zéro ! (deuxième partie)". Rendez-vous pour cela à la page 5 ! Sachez aussi que j'irai rattraper mon retard sur vos fics. Ne vous faites donc pas de soucis là-dessus. Mais pas ce soir en tout cas, car il est déjà trop tard pour moi. Oui, je bosse jeunes gens. Ce qui veut dire que je dois me lever très tôt".
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 30 Nov 2015, 23:21
...............................Oups.
Au temps pour moi, je ne l'avais pas vue. ^^' Putain, ça veut dire que je suis resté comme un con pendant 2 mois à attendre la suite alors qu'elle était là! XD
Bon, je me rattraperai au plus vite, mais ce soir il est trop tard.
Bonne nuit à toi Micky et rendez-vous sur ta fic alors.
Au temps pour moi, je ne l'avais pas vue. ^^' Putain, ça veut dire que je suis resté comme un con pendant 2 mois à attendre la suite alors qu'elle était là! XD
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Mar 01 Déc 2015, 21:28
J'ai enfin rattrapé tout mon retard.
Alors il ne se passe pratiquement rien de spécial c'est vrai. Mais ce n'est pas plus mal. De toute manière la prochaine baston arrivera bientôt n'est-ce pas ? Car ils sont enfin arrivé à Esgaroth en compagnie de ce cher Bard qui me fait un poil penser à Aragorn. Et oui !
Par contre, j'ai remarqué deux petites fautes plus ou moins frappantes. Une fois tu as marqué chapitre (14 partie 2) alors qu'il s'agit du chapitre 13. Et l'autre tu t'es complètement foiré en écrivant le nom de Tauriel. Mais ce n'est pas bien grave.
Mise à part ça ce fut un très bon chapitre comme d'hab. D'ailleurs, j'aimerais pouvoir écrire une fic comme tu toi. Tu le sais ça ?
Mais bon. On ne peut pas être fort partout.
Bref, excellent chapitre et vivement la suite !
Alors il ne se passe pratiquement rien de spécial c'est vrai. Mais ce n'est pas plus mal. De toute manière la prochaine baston arrivera bientôt n'est-ce pas ? Car ils sont enfin arrivé à Esgaroth en compagnie de ce cher Bard qui me fait un poil penser à Aragorn. Et oui !
Par contre, j'ai remarqué deux petites fautes plus ou moins frappantes. Une fois tu as marqué chapitre (14 partie 2) alors qu'il s'agit du chapitre 13. Et l'autre tu t'es complètement foiré en écrivant le nom de Tauriel. Mais ce n'est pas bien grave.
Mise à part ça ce fut un très bon chapitre comme d'hab. D'ailleurs, j'aimerais pouvoir écrire une fic comme tu toi. Tu le sais ça ?
Mais bon. On ne peut pas être fort partout.
Bref, excellent chapitre et vivement la suite !
- Lhysender
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 01 Jan 2016, 23:42
Retard rattrapé mon cher M.B ! (Oui j'aime faire des rimes ^^')
Je te passerai les habituels compliments sur ton style toujours aussi soigné et somptueux et tes descriptions absolument magnifique, tu as vraiment une plume en or (surtout au vu de l'auteur de l'oeuvre original, je me rends compte que ça doit vraiment pas être de la tarte !)
D'ailleurs figure que je me suis rematé les Hobbits il y a peu, et que pendant une seconde je m'étais demandé où étais Elsa...oui oui j'étais fatigué, il était quatres heure du matin
Ah, voilà Bard, ou notre Aragorn de service !
Bon, je ne sais plus trop quoi penser de Thranduil...bon je pense qu'il veut bien faire, mais j'ai connu de meilleur diplomate. Bon d'un côté l'autre c'était un orque.
Aie, la boulette d'Elsa ! Heureusement que c'était avec Bilbo...d'ailleurs je les trouve de plus en plus mignon tout les deux
Bon malgré tout il ne se passe pas non plus rien de trépidant niveau action, mais on se rapproche lentement mais sûrement d'une certaine confrontation que j'attends depuis le début de cette fic ! Autrement dit, vivement la suite !
Je te passerai les habituels compliments sur ton style toujours aussi soigné et somptueux et tes descriptions absolument magnifique, tu as vraiment une plume en or (surtout au vu de l'auteur de l'oeuvre original, je me rends compte que ça doit vraiment pas être de la tarte !)
D'ailleurs figure que je me suis rematé les Hobbits il y a peu, et que pendant une seconde je m'étais demandé où étais Elsa...oui oui j'étais fatigué, il était quatres heure du matin
Ah, voilà Bard, ou notre Aragorn de service !
Bon, je ne sais plus trop quoi penser de Thranduil...bon je pense qu'il veut bien faire, mais j'ai connu de meilleur diplomate. Bon d'un côté l'autre c'était un orque.
Aie, la boulette d'Elsa ! Heureusement que c'était avec Bilbo...d'ailleurs je les trouve de plus en plus mignon tout les deux
Bon malgré tout il ne se passe pas non plus rien de trépidant niveau action, mais on se rapproche lentement mais sûrement d'une certaine confrontation que j'attends depuis le début de cette fic ! Autrement dit, vivement la suite !
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 25 Mar 2016, 22:15
Bon ! Mon cher M.B. Tu sais que j'apprécie énormément ta fic. Hein tu le sais ? Hors, je me disais, quand est-ce que tu pourras enfin nous pondre le prochain chapitre ? Non parce que ce n'est pas comme si je désirais ardemment lire la suite l'ami...
NB: Je peux comprendre que tu sois en manque de temps. Que tu aies d'autres préoccupations nettement plus urgentes et importantes en ce moment. Ou je ne sais quoi d'autre. C'est juste que j'aimerais vraiment avoir une petite info de rien du tout...
Donc, j'attends une réponse de ta part.
NB: Je peux comprendre que tu sois en manque de temps. Que tu aies d'autres préoccupations nettement plus urgentes et importantes en ce moment. Ou je ne sais quoi d'autre. C'est juste que j'aimerais vraiment avoir une petite info de rien du tout...
Donc, j'attends une réponse de ta part.
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 28 Mar 2016, 21:03
Ah... Je suis donc repéré.
Oui, je suis désolé de ne pas vous avoir prévenu, et j'espérais ne pas avoir à le faire... :/
Cette fic va s'arrêter là: il n'y aura pas de suite. Désolé mes amis. Mais je suis certain que votre imagination est assez vaste pour vous laisser rêver à tout ce qui pourrait arriver à notre chère Elsa.
MAIS NON!!! Je rigole!
Avouez que vous avez eu peur!
Ah la la, je sens que vous allez me détester maintenant. X)
Non, plus sérieusement: je comprends tout à fait ta requête Micky, et j'en suis moi-même conscient. Je crois bien que la dernière fois que j'ai posté un nouveau chapitre remonte à... Octobre.
Et tous les jours à présent, je me dis et me répète 'allez! Il faut que tu postes ton nouveau chapitre. Cela fait bien trop longtemps'. Je suis bien conscient d'être très en retard...
Et je n'ai pas vraiment d'excuses. Juste que j'ai été très occupé depuis tout ce temps.
Mais rassure-toi: le prochain chapitre est déjà terminé pour tout te dire. Mais en fait, pour me faire pardonner de mon retard, j'ai décidé de poster deux chapitres en une seule fois, et cela car dans le prochain chapitre il n'y a presque aucune nouveauté par rapport à l'histoire du film, trop peu de surprises: je me dis donc que vous poster un chapitre relativement peu intéressant après tant de temps est vraiment indécent. Le suivant en revanche est déjà bien plus riche en scènes inédites et en surprises.
J'attends donc d'avoir terminé de l'écrire pour poster le tout en une seule fois.
Et rassure-toi, cela arrivera bientôt (en tout cas je l'espère vraiment).
Oui, je suis désolé de ne pas vous avoir prévenu, et j'espérais ne pas avoir à le faire... :/
Cette fic va s'arrêter là: il n'y aura pas de suite. Désolé mes amis. Mais je suis certain que votre imagination est assez vaste pour vous laisser rêver à tout ce qui pourrait arriver à notre chère Elsa.
MAIS NON!!! Je rigole!
Avouez que vous avez eu peur!
Ah la la, je sens que vous allez me détester maintenant. X)
Non, plus sérieusement: je comprends tout à fait ta requête Micky, et j'en suis moi-même conscient. Je crois bien que la dernière fois que j'ai posté un nouveau chapitre remonte à... Octobre.
Et tous les jours à présent, je me dis et me répète 'allez! Il faut que tu postes ton nouveau chapitre. Cela fait bien trop longtemps'. Je suis bien conscient d'être très en retard...
Et je n'ai pas vraiment d'excuses. Juste que j'ai été très occupé depuis tout ce temps.
Mais rassure-toi: le prochain chapitre est déjà terminé pour tout te dire. Mais en fait, pour me faire pardonner de mon retard, j'ai décidé de poster deux chapitres en une seule fois, et cela car dans le prochain chapitre il n'y a presque aucune nouveauté par rapport à l'histoire du film, trop peu de surprises: je me dis donc que vous poster un chapitre relativement peu intéressant après tant de temps est vraiment indécent. Le suivant en revanche est déjà bien plus riche en scènes inédites et en surprises.
J'attends donc d'avoir terminé de l'écrire pour poster le tout en une seule fois.
Et rassure-toi, cela arrivera bientôt (en tout cas je l'espère vraiment).
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 28 Mar 2016, 22:12
OK M.B. je comprends mieux maintenant.
En tout cas j'ai hâte de lire cette suite. En attendant, je me tourne les pouces...
En tout cas j'ai hâte de lire cette suite. En attendant, je me tourne les pouces...
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 29 Avr 2016, 23:07
BOOOOOOOON!!!
Ca y est les gens: après ce léger (très léger) retard , la fiction peut enfin reprendre.
Comme promis, voici deux chapitres d'un coup pour me faire pardonner mon absence.^^ Lisez les à votre rythme.
Le premier n'est malheureusement pas très riche en surprises et nouveautés, mais le deuxième l'est bien plus.
En espérant qu'il vous plairont, et m'excusant encore pour mon retard. Bonne lecture.
A travers la brume et les vaguelettes, l'embarcation de Bard avait finalement atteint le grand plancher surplombant les eaux et le batelier l'y avait amarré: il s'agissait d'un port de fortune ou les pêcheurs, les navigateurs et les éclaireurs du Lac entreposaient marchandises, provisions, engins de chargement, lanternes à huile, cordages, filets et harpons. Nombre de bateaux, aussi bien longs que frêles, y étaient amarrés, tandis que quelques moroses martins pêcheurs au plumage bleuâtre guettaient depuis le ponton les poissons argentés qui sillonnaient l'eau noire et que bien de curieuses gens s'y affairaient. Des hommes pauvrement vêtus enroulaient de vieux boutes ou en tressaient des neufs, des femmes en vieille robes sombres échangeaient paniers de marchandises et bourses de cuir rapiécées, d'autres encore entreposaient des outils dans le fond de leurs bateaux... Et tout cela sous la surveillance des gardes en uniforme armés de longues pertuisanes dont avait parlé Bard.
Le batelier avait averti les compagnons que l'entrée à Esgaroth de voyageurs étrangers ennemis du royaume de Vertbois, partenaire commercial de la ville du Lac, serait impossible, et qu'ils étaient assurés de finir leurs jours au fond des geôles humides du Maître s'ils se faisaient prendre par les gardes. Tenant chèrement à leur liberté et se trouvant bien démunis face à cette situation imprévue, les compagnons n'eurent d'autres choix que de se fier entièrement à leur passeur: alors, sous ses directives, chacun se dissimula, accroupi et recroquevillé, dans l'un des grands tonneaux qui avaient déjà assuré le salut des Nains quelques temps plus tôt. Les tonneaux étaient heureusement assez grands pour contenir une personne entière: les Nains et le Hobbit n'avaient aucun mal à se tenir dedans.
Mais Elsa, elle, se sentait tout de même un peu à l'étroit et espérait ne pas devoir tenir cette position trop longtemps. Cependant elle savait l'importance de cette manœuvre, et demeurait silencieuse et immobile, reposant son dos contre la paroi de châtaignier du baril, respirant lentement, et pourtant très anxieuse. Les autres observaient le même silence bien entendu, et ainsi chaque son du monde autour d'eux parvenait distinctement à leurs oreilles. Elsa percevait le léger ballottement da la barque amarrée au maigre port, embrassant la discrète danse des vagues dans un mouvement berçant, tandis qu'au vent froid et passager se mêlaient les rumeurs mornes et indistinctes des conversations des gens du port.
Pourtant les compagnons ne se laissaient bercer par aucun de ces airs, bien trop anxieux et méfiants pour relâcher leur attention. Bilbon avait retiré le bouchon de vieux liège d'un trou dans la paroi de son tonneau pour observer les mouvements de Bard qui s'était engagé sur le ponton. Le Hobbit maintenait son œil attentif près de l'orifice, suivant du regard le batelier qui s'éloignait dans les grands pans de la brume à laquelle se mêlaient les voiles grises des bateaux. Puis il le vit enfin arriver en face d'un homme dont il distinguait tout juste la silhouette: de taille moyenne, de longs cheveux bouclés, un large bonnet sur la tête.
Les autres compagnons retenaient leur souffle, attendant que M. Sacquet leur décrive les agissements de Bard, à qui ils n'accordaient encore guère de confiance.
"Que voyez-vous? Demanda Thorin à voix basse pour ne pas être entendu sur le ponton.
-Il parle à quelqu'un, répondit Bilbon d'une voix aussi éteinte."
Un silence suivit cette première information durant plusieurs secondes qui parurent interminables aux compagnons dont les battements de cœur commençaient à résonner dans les grands barils. Puis soudain:
"Il nous désigne du doigt! S'exclama Bilbon, toujours dans un souffle, la voix paniquée."
Elsa blêmit soudain: venaient-ils d'être dénoncés? Avaient-ils eu définitivement tort de faire confiance à ce batelier? Sa respiration devint haletante.
"Ils se serrent la main, ajouta le Hobbit quelques instants plus tard encore.
-Que dites-vous? Demanda Thorin en serrant les dents.
-Le scélérat, rugit Dwalin en tapant du poing contre le bois du tonneau, il nous a vendus!"
Des murmures effrayés s'élevèrent de chaque tonneau: que devaient-ils faire? Jaillir de leur cachette pour s'enfuir? Mais s'enfuir où? Il n'y avait que de l'eau autour d'eux: ils seraient immédiatement capturés par les gardes sur le pont. Elsa respirait bruyamment, ne sachant que faire. Puis bientôt, ils entendirent de lourds pas s'avancer sur le pont vers le bateau. La jeune femme sentit son cœur tambouriner contre sa poitrine: les gardes arrivaient, ils étaient faits comme des rats, coincés au fond de tonneaux, vulgaires paquets déjà prêts à être jetés en cage.
Soudain, les pas s'arrêtèrent, mais alors que tous s'attendaient à voir se pencher sur le cercle de l'ouverture des tonneaux des gardes armés et cuirassés, ils entendirent soudain un étrange bruit de rouages et de grincement de bois, comme si un gros engin était mis en marche.
Le cœur d'Elsa battit de plus belle, se demandant ce que cela pouvait bien signifier, mais avant qu'elle eut le temps de réfléchir, une ombre passa juste au dessus de sa tête: elle vit comme le goulot d'un grand déversoir de bois humide et de métal rouillé, et en un instant, contre toute attente, fut submergée sous une pluie de gros poissons: des saumons argentés aux reflets bleutés, des perches zébrées de noir aux nageoires écarlates et des truites dorées tachetées de brun cuivré. Elle resta totalement incrédule, ne comprenant pas ce qui lui arrivait, tandis que les animaux morts, fraîchement pêchés, continuaient de tomber par dizaines dans le tonneau, remplissant peu à peu celui-ci jusqu'à ce que la jeune femme fut totalement recouverte, ne laissant plus une seule partie de son anatomie dépasser de la pile de poissons. Elle demeura un moment immobile, encore sous le choc, tentant de réaliser qu'elle se trouvait bien engloutie sous un tas de poissons aux écailles visqueuses et dégageant une forte odeur d'huile grasse: le contact des corps sur sa peau, sa bouche et ses narines lui provoqua quelques frissons de dégoût, mais cela passa bien vite, après tout elle avait déjà connu bien pire lors de ce long voyage.
A l'entente du son étouffé du grand déversoir et des poissons mous tombant dans les tonneaux, elle comprit bien vite que tous ses compagnons avaient eu le droit au même sort qu'elle. Mais que signifiait tout cela? Tout resta silencieux et immobile quelques instants, Elsa n'osant bouger, au risque d'être découverte, puis soudain elle entendit au travers de la couche de poissons le bruit étouffé d'amarres que l'on délie de l'accroche et que l'on jette sur le pont. Et bientôt, elle entendit l'eau froide glisser de nouveau le long de la coque et sentit la barque avancer de nouveau contre les vaguelettes.
Elle ignora combien de temps elle et ses compagnons passèrent réellement à croupis dans ces tonneaux à respirer l'odeur du poisson tandis que le vent froid sifflait dehors contre la coque, mais ce temps leur parut extrêmement long. Elsa avait enfin compris que Bard était en train de les cacher sous cette masse de poissons afin de les faire entrer en secret dans la ville d'Esgaroth, aussi tentait-elle comme elle pouvait de calmer les affolements de son cœur et de se convaincre que tout irait pour le mieux. Mais il était difficile de rester serein dans un si singulier inconfort: elle tentait de se boucher le nez ou de respirer uniquement par la bouche, et fermait les yeux pour ne pad voir ceux globuleux et vitreux des bêtes de l'eau la fixer d'un air louche. Elle entendait dans les autres tonneaux les Nains pousser de temps à autres de petits jurons ou des protestations d'inconfort.
Mais bientôt, Bard donna un coup de pied dans le tonneau le plus proche afin de mettre fin à ces bruits:
"Silence! Somma-t-il d'un ton sec. Nous approchons de la douane."
Elsa sentit son cœur se serrer une nouvelle fois, et le silence le plus total se fit sur le bateau. Quelques longs instants plus tard, l'embarcation s'arrêta de nouveau, et on entendit soudain une voix lancer:
"Halte! Contrôle de marchandises: documents s'il vous plaît."
Elsa croisa les doigts, priant pour que l'homme ne fouille pas les tonneaux. Mais au son de sa voix, lunatique et un peu chevrotante, il ne devait pas s'agir de quelqu'un de très inquisitoire, mais plutôt avenant et prompt à aider.
"Oh, c'est toi Bard! s'exclama soudain l'homme, ayant apparemment reconnu le batelier.
-Bonjour Percy, répondit Bard en s'avançant sur le pont, chacun de ses pas résonnant aux oreilles des compagnons.
-Quelque chose à déclarer? Demanda Percy.
-Rien, sinon que je suis gelé, fatigué et pressé de rentrer."
Elsa entendit Bard sortir un papier de sa poche et le tendre au garde de douane.
"Ouais, tout comme moi, fit savoir ce dernier comme à un vieil ami qu'il aurait retrouvé dans une auberge."
Un bruit de tampon sur une table se fit entendre, puis il revint pour rendre le papier à Bard:
"Et voilà, tout est en ordre."
Elsa se sentit enfin plus légère: tout se passait bien. Mais soudain, d'autres pas arrivèrent et elle entendit quelqu'un se saisir du papier.
"Oh non, je ne crois pas! Dit une voix cette fois beaucoup plus sévère et fourbe. Voyons, voyons: 'chargement de tonneaux de vin en provenance du Royaume des Forêts', c'est ce qui est écrit. Seulement, ils ne sont pas remplis de vin, n'est-ce pas Bard?"
Le cœur d'Elsa se serra encore bien plus fort qu'avant. Qui était cet homme? Pourquoi fallait-il qu'il arrive maintenant? Et à entendre les nombreux autres pas qui résonnaient sur le sol de bois derrière lui, il devait être accompagné de nombreux gardes.
"Où est la boisson que nous envoie chaque semaine le roi Thranduil? Poursuivit la voix grinçante. Ce vin provient de pays lointains où il est fait par des mains de maîtres: c'est une marchandise très précieuse à laquelle les Elfes et nous-mêmes attachons beaucoup d'importance. Qu'en as-tu fait Bard? L'as-tu jeté par dessus bord? Sais-tu ce que tu risques pour un tel acte? As-tu conscience que le seigneur de Vertbois pourrait choisir de ne plus nous approvisionner en rien s'il découvrait ce que nous faisons de son précieux breuvage?
-J'ai trouvé ces tonneaux tels qu'ils étaient, Alfrid, répliqua Bard en s'efforçant de garder son calme pour ne pas trahir son secret. Lorsqu'ils sont arrivés au Lac par les eaux vives de la rivière, ils étaient vides et sans couvercle: sans doute le vin se sera-t-il vidé dans le Taurduin.
-Sornettes! Essaies-tu de me faire croire que les Elfes seraient assez imprudents pour laisser partir des tonneaux ouverts? Et de toute façon, en imaginant que tu aies bel et bien trouvé des tonneaux vides, ce sont des tonneaux remplis de poissons que tu nous apportes. Tu as donc jugé bon de souiller le précieux bois des tonneaux avec des saumons avariés trouvés chez je ne sais quel braconnier rôdant autour du Lac? Si je me souviens bien, tu es enregistré en tant que batelier, pas en tant que pêcheur.
-Ce ne sont pas vos affaires que cela.
-Faux! Ce sont les affaires du Maître, donc ce sont aussi mes affaires.
-Voyons Alfrid, un peu de cœur: il faut que les gens mangent!
-Ces poissons sont illégaux! Videz les tonneaux par dessus bord."
Le cœur d'Elsa sombra dans sa poitrine et son visage se figea dans l'horreur tandis que déjà les pas des gardes s'avançaient pour monter sur le pont du bateau:
"Vous avez entendu? Videz-moi tout ça dans le canal, lança la voix de l'un d'entre eux. Allez dépêchons!"
Avec horreur, la jeune femme sentit bientôt son tonneau être saisi et approché du bord du bateau: son cœur battait à tout rompre.
Bard regardait les gardes s'apprêter à vider les tonneaux, et il se dit qu'il devait faire quelque chose: non pas qu'il se soucia profondément du sort de ces étrangers dans les tonneaux, mais en échange de l'argent qu'ils lui avaient fourni, il leur avait promis de les faire entrer en ville. Et Bard tenait toujours ses promesses.
"La population est aux abois! Protesta-t-il. Les temps sont durs, la nourriture est rare...
-Ce n'est pas mon problème, répondit sèchement Alfrid."
Soudain, Elsa sentit que l'on faisait basculer son tonneau vers l'avant et elle fut pris d'affreux vertiges et de sueurs froides lorsqu'elle entendit les premiers poissons tomber dans l'eau et s'imagina découverte et arrêtée par la garde.
"Lorsque les gens apprendront que le Maître rejette des poissons par-dessus bord, lorsque les émeutes commenceront, reprit soudain Bard d'un ton sombre et presque menaçant, ce sera votre problème alors?"
Il y eut quelques instants de silence, puis soudain:
"Arrêtez! Lança Alfrid."
Alors sur le pont, les gardes cessèrent ce qu'ils avaient commencé et reposèrent les tonneaux là où ils se trouvaient. Elsa ravala quelque peu sa panique. Puis les pas des gardes s'éloignèrent et quittèrent le pont du bateau.
"Toujours à défendre le peuple, hein Bard? Siffla Alfrid d'un ton exaspéré. A protéger les petites gens... Ils ne jurent que par toi, batelier, mais cela ne durera pas."
Après un lourd silence, la voix de Percy lança:
"Levez la herse!"
Alors un tintamarre de lourdes chaînes s'enroulant autour d'une grande poulie se fit entendre, et l'eau clapota en bruyants remous lorsque la lourde grille de bois et de pointes en ferraille en sortit et s'éleva au-dessus d'elle pour laisser la voie libre au bateau transportant secrètement les voyageurs muets. Bard plongea une longue pagaie dans l'eau et le rafiot glissa de nouveau sur l'onde étroite du canal d'entrée du Bourg du Lac.
Alors, enfin Elsa poussa pour de bon un long soupir de soulagement. Toutefois, la voix pinçante d'Alfrid parla une dernière fois à l'adresse de Bard, d'un ton menaçant:
"Le Maître garde un œil sur toi! Tu ferais bien de t'en souvenir: nous savons où tu habites.
-C'est une petite ville, Alfrid, répliqua le batelier sans perdre son calme. Tout le monde sait où tout le monde habite."
Et sur ces dernières paroles, le bateau s'éloigna, laissant Alfrid et les gardes sur les quais ombrageux.
De la panique, Elsa était passée à l'attente: une étrange et anxieuse attente, n'ayant absolument aucune idée de ce qui pourrait bien se passer à présent pour ses compagnons et elle-même, consciente qu'ils seraient obligés de suivre à la lettre les instructions de Bard. A mesure, qu'ils glissaient sur les eaux, les rumeurs de la ville résonnaient de plus en plus distinctement: des voix conversant dans un long murmure cabalistique ou bien s'interpellant sans retenue, des pas en tous sens sur les quais de bois, des chiens aboyant si bien d'une manière agressive et menaçante qu'enjouée et joviale...
Elsa, cachée de toute lumière et toute vision par les poissons gras, devenait de plus en plus curieuse et désireuse de savoir à quoi ressembler cette fameuse Ville du Lac, dont les sons et les odeurs portaient des couleurs, des tons et des sensations si nuancés et contrastés qu'elle ne savait qu'en penser pour le moment. A vrai dire, elle commençait à s'indisposer de sa position à-croupis dans le tonneau étouffant, enfouie sous des poissons morts qui empestaient, lui semblait-il, de plus en plus à mesure que le temps passait.
Ses jambes étaient prêtes à la faire bondir malgré elle hors du baril, lorsqu'enfin elle sentit le bateau ralentir et heurter lestement le bord d'un quai. Pendant un bref instant, rien ne se passa, aucun bruit ne se fit entendre, puis soudain Elsa entendit Bard renverser du pied l'un des tonneaux: les poissons visqueux se déversèrent sur le pont de la barque et l'occupant du baril reprit son souffle avec peine. Bientôt, un autre tonneau fut ainsi renversé, puis un autre... Elsa comprit alors qu'il était enfin temps de quitter cette cachette peu accommodante. Elle jaillit alors au dehors et inspira une grande bouffée d'un air frais et non plus empesté jusqu'au dernier degré de l'odeur cinglante du poisson. Cependant, sa peau, ses vêtements et ses cheveux étaient encore couverts d'huile odorante, tout comme ceux de ses compagnons, qui semblaient eux aussi pour le moins agacés de cette situation.
"Ne me touchez pas! Grogna Dwalin lorsque Bard voulut le prendre par l'épaule pour l'aider à sortir de son tonneau."
Après Fili et Kili, Thorin et Bilbon émergèrent à leur tour de leur cachette et ainsi tous furent réunis sur le pont, mouillés et souillés sur chaque parcelle de leur corps. Mais tous rendaient au moins grâce au destin pour être ici ensemble, sains et saufs. Leur passeur rangea soigneusement la longue rame au fond de la cale, et hissa son carquois de flèches et son long arc sur le dos avant de quitter le bateau pour passer sur le quai.
La première chose qu'Elsa vit en portant enfin son regard sur la ville, fut un petit groupe de pêcheurs et de pêcheuses se tenant non loin sur le quai, les observant avec de grands yeux ronds: et la jeune femme ne put s'empêcher de se sentir un peu mal à l'aise en sentant ces regards fixés sur elle et ses amis. A l'image des sons et des odeurs de la ville, il était difficile de savoir que penser de ces gens et de deviner leur pensée: leurs yeux fébriles et fatigués reflétaient tout de même une sagacité et une ruse presque inquiétantes.
Mais heureusement, Bard s'approcha bientôt d'eux et tendit deux pièces de cuivre terne à l'homme le plus proche.
"Vous n'avez rien vu, ils n'ont jamais été là, murmura-t-il à leur adresse en désignant les Nains d'un signe de tête. Je vous fais cadeau des poissons."
Puis il se tourna vers les compagnons et, d'un air tendu indiquant clairement qu'il fallait agir rapidement et prudemment, leur fit signe de le suivre, tout en précisant:
"Restez groupés."
Alors, retenant leur souffle, tous se lancèrent sur ses pas. Il ne fut pas aisé de le suivre: il marchait vite et tournait brusquement lorsqu'il s'engageait dans un angle de rue; aussi les compagnons durent-ils marcher à vive allure pour ne pas le perdre de vue. A mesure qu'ils marchaient dans les ruelles sur les quais de bois, Elsa et les autres découvraient peu à peu cette ville pour le moins surprenante.
"Quel est cet endroit? Finit par demander Bilbon d'une voix aurait-on dit intimidée.
-Ca, Maître Sacquet, c'est le monde des Hommes, répondit Thorin d'une voix grave."
Et Elsa le découvrait enfin: de longs canaux où une eau sombre se ridait sous la brise, des quais et des pontons de bois, où de grands anneaux de fonte noire pendaient, attendant qu'un bateau soit amarré à eux, tandis qu'au dessus de tout cela s'élevaient d'innombrables maisons, masures et cabanes en bois, aux architectures parfois bancales, s'appuyant sur des colonnes élevées de travers et surmontées de toits de planches de bois usé dont la peinture des rares disposant du privilège d'avoir été peintes commençait à s'écailler, dont la proximité donnait naissance à de longues façades aux fenêtres d'où pendaient linges et filets et où étaient parfois affichées des enseignes et tendues de grande draperies pourpres, vertes ou ocres, le tout monté sur de larges pilotis envahis de mousses et d'algues. Toute la ville était presque entièrement faite de bois: l'orme qui était l'arbre le plus utilisé résistait aisément aux dégâts que peut causer l'eau avec le temps, mais toute construction était tout de même grandement imprégnée d'humidité et assombrie jusque dans la moindre rainure du bois, donnant une ville d'une couleur brun très sombre, uniquement égayé par les quelques maigres feux orangés que l'on voyait à travers des carreaux, faisant fumer pauvrement les frêles cheminées sur les toits, et les grandes tentures pendues sous les fenêtres.
Si les maisons étaient toutes d'allure modeste et de basse taille, un grand bâtiment plus lointain retint un moment l'attention d'Elsa: une grande bâtisse toute pareillement de bois faite, mais à la hauteur bien plus imposante, aux grands toits peints d'un bleu pâle, ornés ça et là de têtes de poissons et de cormorans sculptées dans un bois couleur d'ébène, et aux larges fenêtres de verre armurées de cadres en étain sombre. Deux grandes bannières bleu foncé, perchées sur le plus haut toit, flottaient au vent venu du Nord.
Il s'agissait là de la demeure principale: la maison du seigneur Galnor, le Maître d'Esgaroth. Là se trouvaient les plus grands appartements, avec le grand lit à baldaquins du Maître, les longues étagères où brûlaient des chandeliers d'or et de bronze, juste en dessous de grands tableaux et tapisseries des anciens temps s'étendant sur les murs, présentant d'anciens grands visages des Hommes du Nord ou mettant en scène les mythes antiques de ces régions, avec de grands cerfs d'argent bondissant au-dessus de hautes herbes fleuries et de cours d'eau vifs et roulant, survolés par de longs cortèges de corbeaux noirs sous un arc de Lune rayonnant.
Dans cette demeure se trouvaient la bibliothèque, les archives et le trésor du Bourg, dans les salles aux voûtes de bois semblables à des coques de navires renversées.
Pour l'heure, Maître Galnor était assis à sa table, vêtu de linges aux teintes dorées brunies parle temps et de cuir dont le sombre pourpre semblait lui-même être las. Son visage rondelet aux yeux gris et aux cheveux d'un roux terne tombant sur ses épaules semblait réfléchir tandis qu'il dégustait un repas de restes de boucs et de béliers; ce qui représentait malheureusement ce qu'on pouvait trouver de plus copieux dans cette ville.
Tandis qu'il mangeait, Alfrid, son second et conseiller, qui sortait régulièrement dans les rues pour prêter l'oreille aux rumeurs et à l'opinion générale, lui apportait les dernières nouvelles de l'extérieur. Dans sa grande tunique d'un noir de geai, son visage pâle et décharné délivrait ses paroles d'un ton monocorde:
"La colère gronde en ville, à ce que l'on dit. Quelqu'un jette de l'huile sur le feu, Messire: il y a de la révolte dans l'air, les gens sont aigris...
-C'est le bas peuple, Alfrid, répondit alors le seigneur Galnor d'une voix grelottante et enrouée. Il a toujours été aigri, quoi qu'il arrive. Mais ce n'est tout de même pas ma faute s'ils habitent un endroit qui empeste l'huile de poisson et le goudron. Que s'imaginent-ils donc? Moi aussi j'ai faim, moi aussi j'ai froid... Je ne suis pas au-dessus des misères que le monde nous jette en pleine figure. Un travail, un toit, à manger... Et ils ne savent que pleurnicher! Sers-moi donc un cognac."
Le conseiller versa l'alcool orangé dans le verre du Maître, avant de reprendre d'un air plus vif:
"Je suis persuadé qu'il y a des agitateurs dans le coup, Messire.
-Dans ce cas, trouvons ces agitateurs et arrêtons-les!
-Je pense la même chose.
-Il faut mettre un terme à ces velléités de changement: je ne peux pas laisser la populace se rassembler et protester, car après cela ils se mettront à poser des questions, former des comités, mener des enquêtes...
-'Adieu à l'ancien, place au nouveau', déclara Alfrid d'un ton morose.
-Comment?
-C'est ce que les gens disent, Messire. Il est même question d'une élection.
-Une élection? Ha! C'est grotesque: les Maîtres à Esgaroth descendent depuis toujours des plus anciens et des plus sages. Je ne le permettrai pas!
-Je ne crois pas qu'ils demanderont votre permission..."
A ces mots, le Maître releva les yeux, une étincelle de colère et d'indignation s'allumant en eux. Il frappa alors du poing sur la table et se leva, sortant sur le grand balcon le plus proche, à la balustrade de frêne clair, donnant sur le quartier Est de la ville.
"Ah vraiment? Fit-il d'un ton courroucé. Pour qui se prennent-ils? Des fainéants, des ingrats, des agitateurs... Croient-ils être capables de faire prospérer cette ville comme il se doit? Croient-ils avoir de meilleurs moyens que moi pour y parvenir? Je peux t'assurer que si le pouvoir tombe aux mains de ces roturiers, le Bourg sera bientôt effondré sous les eaux! Qui parmi eux oserait contester mon autorité? Qui aurait l'audace? Qui?"
Un silence s'installa un moment, puis soudain, l'expression de son visage devint grave, comme si une lumière venait d'éclairer son esprit.
"Bard! S'exclama-t-il. Il n'y a pas l'ombre d'un doute: ce fauteur de trouble de batelier est derrière tout ça!
-Il l'est, Messire, cela est certain.
-Diantre! Que ne nous sommes nous déjà débarrassés de lui? Il n'est que menace pour cette ville.
-Hélas, rien n'est aussi simple... Dans un monde idéal nous l'arrêterions, mais Bard a le soutien du peuple. Comment pourrions-nous justifier son arrestation devant eux? Comment pourrions-nous les empêcher de poser des questions? Ils voient un chef en lui, quelqu'un qu'ils peuvent admirer: modeste, intelligent, mystérieux, athlétique...
-Oui, il a certes pris modèle sur moi, mais... Cela n'est pas un crime."
Le Maître réfléchit un moment en caressant sa barbiche roussie. Soudain, une idée sembla lui traverser l'esprit.
"Je me demande... Marmonna-t-il tout en continuant de regarder droit devant lui. Je me demande s'il n'existerait pas un très vieux texte de loi interdisant aux bateliers de poser des questions."
A l'entente du ton mielleux et insidieux sur lequel il avait prononcé ces mots, Alfrid comprit exactement ce qu'il avait en tête et afficha un sourire mauvais.
"Crois-tu qu'il existe une loi vénérable de ce genre, mh?
-Cela est presque certain, répondit le conseiller en se détournant avant de disparaître entre les hautes et sombres étagères de la bibliothèque. Je vais la rédiger sur le champ."
Maître Galnor resta ainsi seul avec ses pensées bouillonnantes. Au bout d'un temps, il finit par se tourner de nouveau vers le balcon et contempla la ville caressée par les premiers rayons du Soleil d'après-midi perçant à travers la brume qui commençait de se lever, et ses habitants qui suivaient le cours de leurs vies. Puis, prenant un air extrêmement solennel, comme s'il s'apprêtait à livrer un duel, déclama:
"Tu es bien mal tombé en te frottant à moi, Maître Bard. J'espère que tu te tiendras à carreau parce que je te tiens à l'œil."
Bard le batelier marchait toujours d'un pas preste à travers les rues de la ville, et les quinze compagnons le suivaient toujours, Thorin marchant en tête, faisant de son mieux pour ne pas perdre leur guide de vue.
"Gardez la tête baissée et avancez, leur lançait Bard à demi-voix."
Mais Elsa avait du mal à se contenter de regarder le sol: cette ville attirait son regard et sa pensée, elle l'angoissait et la fascinait en même temps. Le bas vent qui serpentait sur le bois des quais projetait en maigres embruns les restes des flaques apportées par le temps et secouait les plumes sombres des cormorans déployant leurs ailes, perchés sur les poteaux et les poutres de bois, transportait les rumeurs et les voix des habitants.
A présent qu'ils approchaient du cœur de la ville, les villageois se faisaient plus nombreux et les regards se portaient parfois sur eux, étrangers passant tel des ombres ne devant plus jamais êtres revues. Elsa trouvait ces gens tout à fait à l'image de leur ville: outre leurs pauvres accoutrements, une aura incertaine et nuancée émanait des foules, assises sur les marches des perrons à tresser toutes sortes de cordes et de nœuds, occupées à monter des poissons fraichement pêchés sur de longs étalages entre lesquels des chiens amicaux ou affamés venaient fouiller en quête de quelques restes.
Les yeux exténués et tremblotant des ces gens, dont on pouvait presque entendre les lamentations émaner des noirs profondeurs de la pupille, reflétaient une détresse et une lassitude presque palpables, mais leur regard droit et déterminé malgré les tremblements montrait leur courage, leur résistance et leur volonté de vivre. Leurs pauvres vêtements de toile recousue et leurs mains ridées faisaient peine à voir, mais ils semblaient tout de mêmes autant de pauvres gens hagards mais robustes, comme un vieux chêne qui jamais ne se flétrit.
Ainsi la jeune femme sentait-elle une curieuse sensation monter en elle au contact de ces lieux, comme si chaque coin de rue pouvait dissimuler une surprise, allant du pire des complots au plus grand des actes de bonté.
Mais elle fut bientôt tirée brutalement de ses pensées, car alors qu'elle et ses amis passaient devant de grands étalages ornés de cordes, de paniers de linge et de petites plantes en pots, une voix forte et véhémente les interpela:
"Halte! Au nom du Maître d'Esgaroth!"
Tous sursautèrent, ce cri perturbant le silence empli de rumeurs sourdes qui régnait jusqu'à présent, tournèrent la tête et, frappés d'horreur, découvrirent un peu plus loin trois gardes émergeant de la brume, vêtus de tuniques bleu azur et de pantalons de cuir, portant des casques pointus et garnis d'épaisse fourrure à l'intérieur, et surtout armés de longues pertuisanes aux pointes d'acier. Ils s'avançaient vers eux d'un pas ferme et pesant.
Pris de panique, les compagnons commencèrent de courir et profitèrent de la foule pour se fondre dans la masse, avant de se dissimuler derrière les longs étalages du marché sous les indications de Thorin.
"J'ai dit halte! lança de nouveau le garde. Arrêtez-les!"
Mais aucun des villageois ne réagit, semblant manifester bien peu d'envie de coopérer avec les gardes et de dénoncer de pauvres vagabonds. Aussi les compagnons se cachèrent-ils sans mal derrière les longs étals, et parvinrent à assommer les trois gardes qui tentèrent de les dénicher avec des rames, des poêles ou des balais trouvés sur le sol. Tous les regards étaient à présent fixés sur la singulière scène, et une étincelle semblait curieusement émoustiller les passants, comme si un tel spectacle ne leur avait pas été offert depuis longtemps.
Mais bientôt, de lourds pas retentirent sur le sol et tous se dispersèrent, retournant à leurs occupations comme si de rien n'était. Et quelques uns prirent même la peine de dissimuler les corps des trois gardes évanouis derrière des étals ou de grands paniers. Alors que tous les compagnons faisaient silence, se baissant du plus bas possible et restant tout contre le bois des étalages, retenant leurs respirations, Elsa jeta un simple et bref coup d'œil par dessus sa cachette et aperçut six autres gardes en habits bleus, et un autre à leur tête, qui était clairement leur chef. Le casque qu'il portait sous le bras était orné au-dessus de longues et amples plumes pourpres et il portait une longue cape rouge, quelque peu dépenaillée, tandis qu'à sa ceinture, une épée reposait dans un vieux fourreau. Son visage était large, et sa moustache fournie accompagnait sa longue chevelure châtain clair.
"Que se passe-t-il ici? Demanda-t-il en inspectant l'endroit du regard. Restez où vous êtes, que personne ne bouge."
Il commença à s'avancer, suivi des ses hommes, et à s'approcher dangereusement des étalages. Elsa ferma les yeux et tenta de contenir le givre qui commençait à apparaître dans ses mains tremblantes. Heureusement, Bard arriva bientôt à leur secours.
"Bragga! s'exclama-t-il en s'avançant vers le chef de la garde, faisant mine d'être surpris de le voir.
-Vous? s'étonna ledit Bragga en jaugeant le batelier du regard. Qu'est-ce que vous manigancez?
-Moi? fit Bard en s'efforçant de paraître le plus décontenancé possible. Rien... Je ne manigance rien du tout."
Mais le chef de la garde reporta son regard sur les villageois, vaquant à leurs activités d'un air détaché... Un peu trop détaché pour être naturel.
"Mouais, grogna-t-il en poussant Bard hors de son chemin et en s'avançant jusque devant les étals."
Là, il se pencha quelque peu et scruta les environs: son angle de vue ne lui permit pas de voir les compagnons, non plus que les corps des gardes, mais s'il s'avançait de quelques pas il les découvrirait à coup sûr. Tous les compagnons tremblaient en priant pour qu'il ne fasse pas un pas de plus, quand soudain, Bard appela:
"Hé, Bragga! Votre femme serait jolie là dedans."
Le capitaine des gardes tourna la tête et découvrit le batelier tenant en mains un petit juste-au-corps de linge blanc. Soudain courroucé et irrité, il s'avança vers le batelier et demanda:
"Vous connaissez ma femme?
-Oh oui... Répondit le batelier d'un ton dégagé. Aussi bien que tous les hommes de cette ville."
Furieux et humilié, Bragga se saisit de la pièce de lingerie et la jeta par terre, avant de faire signe à ses hommes de le suivre et de s'éloigner en pestant. Elsa et les autres poussèrent de longs soupirs: le stratagème de Bard avait fonctionné.
Bientôt, l'activité reprit son lent cours, comme si rien n'était arrivé, et Bard fit signe aux compagnons de se lever et d le suivre de nouveau, une fois qu'il fut assuré que les gardes étaient bien partis. Lorsqu'ils quittèrent le marché, tous jetèrent un dernier regard aux habitants du Bourg qui s'étaient tous tus et dont le silence avait été leur salut: Elsa aurait voulu les remercier, mais devant le morose stoïcisme de leurs visages, les mots tremblèrent dans sa bouche et ne parvinrent pas à en sortir.
Ainsi, ils suivirent à nouveau le batelier en file Indienne pendant un moment à travers les dédales des rues, chacun se taisant, comme s'il craignait de briser le silence emplis de rumeurs. Pourtant, ce silence fut bientôt rompu par une voix; une jeune voix émergeant du lointain:
"Papa! héla cette voix à l'adresse du batelier. Papa!"
Bard s'arrêta et tourna soudain la tête, les compagnons en firent de même. Bientôt, ils virent arriver de l'autre bout de la rue un jeune garçon, de quatorze ans sans doute: son visage doux mais pâle était encadré de part et d'autre de cheveux brun clair et ponctué de deux beaux yeux bleu-vert. Il était vêtu d'un pauvre manteau de toile grisâtre et ses mains aux doigts fins étaient protégées du froid uniquement par de maigres mitaines de laine effilée. Son air, quant à lui, était anxieux et alarmé.
"Baïn, s'exclama Bard en voyant le garçon approcher, qu'y a-t-il?
-Notre maison, expliqua-t-il dans un murmure en approchant tout près du batelier, des gens la surveillent.
-Quoi? Que veux-tu dire? Comment le sais-tu?
-J'ai vu des visages, j'ai senti des regards: par les fenêtres, les yeux des pêcheurs me fixaient, dans la rue, j'ai remarqué des passants qui ne cessaient de passer et de repasser devant chez nous avec un regard perçant... Ils effectuaient des rondes pour surveiller notre maison, j'en suis certain papa."
Les compagnons, silencieux, virent le visage du batelier prendre à son tour un air alarmé, tandis qu'il tenait par les épaules de manière protectrice le jeune homme qui était apparemment son fils. Elsa et ses amis se regardèrent d'un air anxieux: quel était encore ce nouveau danger? Cette ville n'était-elle donc qu'espionnage et cachotteries?
"Ce doivent être des espions du Maître, marmonna finalement Bard après avoir réfléchi moment. Mais pourquoi fait-il cela? Quel idée a-t-il derrière la tête?"
Finalement, une idée sembla lui venir, mais elle n'ôta en rien l'expression tendue de son visage. Il prit la main de son fils et lui assura:
"Ne t'inquiète pas mon garçon, nous ne laisserons pas avoir."
Puis il se tourna vers les compagnons:
"Il semble qu'aujourd'hui soit un mauvais jour pour les étrangers venus de loin: si le Maître surveille notre maison et qu'il vous voit y entrer, vous ne pourrez échapper à ses gardes. Vous ne pourrez entrer par la porte, il vous faudra prendre une autre voie.
-Papa? demanda le jeune Baïn d'un air déconcerté. Qui sont-ils? Pourquoi veulent-ils entrer chez nous?
-Baïn, je vais te demander de me faire confiance. Je n'ai pas le temps de t'expliquer maintenant alors je t'en prie, fais-moi confiance."
Le jeune garçon resta silencieux un moment, regardant successivement son père et la compagnie avec de grands yeux déroutés, mais finit par acquiescer doucement.
Ca y est les gens: après ce léger (très léger) retard , la fiction peut enfin reprendre.
Comme promis, voici deux chapitres d'un coup pour me faire pardonner mon absence.^^ Lisez les à votre rythme.
Le premier n'est malheureusement pas très riche en surprises et nouveautés, mais le deuxième l'est bien plus.
En espérant qu'il vous plairont, et m'excusant encore pour mon retard. Bonne lecture.
Chapitre 14 (partie 1):
A travers la brume et les vaguelettes, l'embarcation de Bard avait finalement atteint le grand plancher surplombant les eaux et le batelier l'y avait amarré: il s'agissait d'un port de fortune ou les pêcheurs, les navigateurs et les éclaireurs du Lac entreposaient marchandises, provisions, engins de chargement, lanternes à huile, cordages, filets et harpons. Nombre de bateaux, aussi bien longs que frêles, y étaient amarrés, tandis que quelques moroses martins pêcheurs au plumage bleuâtre guettaient depuis le ponton les poissons argentés qui sillonnaient l'eau noire et que bien de curieuses gens s'y affairaient. Des hommes pauvrement vêtus enroulaient de vieux boutes ou en tressaient des neufs, des femmes en vieille robes sombres échangeaient paniers de marchandises et bourses de cuir rapiécées, d'autres encore entreposaient des outils dans le fond de leurs bateaux... Et tout cela sous la surveillance des gardes en uniforme armés de longues pertuisanes dont avait parlé Bard.
Le batelier avait averti les compagnons que l'entrée à Esgaroth de voyageurs étrangers ennemis du royaume de Vertbois, partenaire commercial de la ville du Lac, serait impossible, et qu'ils étaient assurés de finir leurs jours au fond des geôles humides du Maître s'ils se faisaient prendre par les gardes. Tenant chèrement à leur liberté et se trouvant bien démunis face à cette situation imprévue, les compagnons n'eurent d'autres choix que de se fier entièrement à leur passeur: alors, sous ses directives, chacun se dissimula, accroupi et recroquevillé, dans l'un des grands tonneaux qui avaient déjà assuré le salut des Nains quelques temps plus tôt. Les tonneaux étaient heureusement assez grands pour contenir une personne entière: les Nains et le Hobbit n'avaient aucun mal à se tenir dedans.
Mais Elsa, elle, se sentait tout de même un peu à l'étroit et espérait ne pas devoir tenir cette position trop longtemps. Cependant elle savait l'importance de cette manœuvre, et demeurait silencieuse et immobile, reposant son dos contre la paroi de châtaignier du baril, respirant lentement, et pourtant très anxieuse. Les autres observaient le même silence bien entendu, et ainsi chaque son du monde autour d'eux parvenait distinctement à leurs oreilles. Elsa percevait le léger ballottement da la barque amarrée au maigre port, embrassant la discrète danse des vagues dans un mouvement berçant, tandis qu'au vent froid et passager se mêlaient les rumeurs mornes et indistinctes des conversations des gens du port.
Pourtant les compagnons ne se laissaient bercer par aucun de ces airs, bien trop anxieux et méfiants pour relâcher leur attention. Bilbon avait retiré le bouchon de vieux liège d'un trou dans la paroi de son tonneau pour observer les mouvements de Bard qui s'était engagé sur le ponton. Le Hobbit maintenait son œil attentif près de l'orifice, suivant du regard le batelier qui s'éloignait dans les grands pans de la brume à laquelle se mêlaient les voiles grises des bateaux. Puis il le vit enfin arriver en face d'un homme dont il distinguait tout juste la silhouette: de taille moyenne, de longs cheveux bouclés, un large bonnet sur la tête.
Les autres compagnons retenaient leur souffle, attendant que M. Sacquet leur décrive les agissements de Bard, à qui ils n'accordaient encore guère de confiance.
"Que voyez-vous? Demanda Thorin à voix basse pour ne pas être entendu sur le ponton.
-Il parle à quelqu'un, répondit Bilbon d'une voix aussi éteinte."
Un silence suivit cette première information durant plusieurs secondes qui parurent interminables aux compagnons dont les battements de cœur commençaient à résonner dans les grands barils. Puis soudain:
"Il nous désigne du doigt! S'exclama Bilbon, toujours dans un souffle, la voix paniquée."
Elsa blêmit soudain: venaient-ils d'être dénoncés? Avaient-ils eu définitivement tort de faire confiance à ce batelier? Sa respiration devint haletante.
"Ils se serrent la main, ajouta le Hobbit quelques instants plus tard encore.
-Que dites-vous? Demanda Thorin en serrant les dents.
-Le scélérat, rugit Dwalin en tapant du poing contre le bois du tonneau, il nous a vendus!"
Des murmures effrayés s'élevèrent de chaque tonneau: que devaient-ils faire? Jaillir de leur cachette pour s'enfuir? Mais s'enfuir où? Il n'y avait que de l'eau autour d'eux: ils seraient immédiatement capturés par les gardes sur le pont. Elsa respirait bruyamment, ne sachant que faire. Puis bientôt, ils entendirent de lourds pas s'avancer sur le pont vers le bateau. La jeune femme sentit son cœur tambouriner contre sa poitrine: les gardes arrivaient, ils étaient faits comme des rats, coincés au fond de tonneaux, vulgaires paquets déjà prêts à être jetés en cage.
Soudain, les pas s'arrêtèrent, mais alors que tous s'attendaient à voir se pencher sur le cercle de l'ouverture des tonneaux des gardes armés et cuirassés, ils entendirent soudain un étrange bruit de rouages et de grincement de bois, comme si un gros engin était mis en marche.
Le cœur d'Elsa battit de plus belle, se demandant ce que cela pouvait bien signifier, mais avant qu'elle eut le temps de réfléchir, une ombre passa juste au dessus de sa tête: elle vit comme le goulot d'un grand déversoir de bois humide et de métal rouillé, et en un instant, contre toute attente, fut submergée sous une pluie de gros poissons: des saumons argentés aux reflets bleutés, des perches zébrées de noir aux nageoires écarlates et des truites dorées tachetées de brun cuivré. Elle resta totalement incrédule, ne comprenant pas ce qui lui arrivait, tandis que les animaux morts, fraîchement pêchés, continuaient de tomber par dizaines dans le tonneau, remplissant peu à peu celui-ci jusqu'à ce que la jeune femme fut totalement recouverte, ne laissant plus une seule partie de son anatomie dépasser de la pile de poissons. Elle demeura un moment immobile, encore sous le choc, tentant de réaliser qu'elle se trouvait bien engloutie sous un tas de poissons aux écailles visqueuses et dégageant une forte odeur d'huile grasse: le contact des corps sur sa peau, sa bouche et ses narines lui provoqua quelques frissons de dégoût, mais cela passa bien vite, après tout elle avait déjà connu bien pire lors de ce long voyage.
A l'entente du son étouffé du grand déversoir et des poissons mous tombant dans les tonneaux, elle comprit bien vite que tous ses compagnons avaient eu le droit au même sort qu'elle. Mais que signifiait tout cela? Tout resta silencieux et immobile quelques instants, Elsa n'osant bouger, au risque d'être découverte, puis soudain elle entendit au travers de la couche de poissons le bruit étouffé d'amarres que l'on délie de l'accroche et que l'on jette sur le pont. Et bientôt, elle entendit l'eau froide glisser de nouveau le long de la coque et sentit la barque avancer de nouveau contre les vaguelettes.
Elle ignora combien de temps elle et ses compagnons passèrent réellement à croupis dans ces tonneaux à respirer l'odeur du poisson tandis que le vent froid sifflait dehors contre la coque, mais ce temps leur parut extrêmement long. Elsa avait enfin compris que Bard était en train de les cacher sous cette masse de poissons afin de les faire entrer en secret dans la ville d'Esgaroth, aussi tentait-elle comme elle pouvait de calmer les affolements de son cœur et de se convaincre que tout irait pour le mieux. Mais il était difficile de rester serein dans un si singulier inconfort: elle tentait de se boucher le nez ou de respirer uniquement par la bouche, et fermait les yeux pour ne pad voir ceux globuleux et vitreux des bêtes de l'eau la fixer d'un air louche. Elle entendait dans les autres tonneaux les Nains pousser de temps à autres de petits jurons ou des protestations d'inconfort.
Mais bientôt, Bard donna un coup de pied dans le tonneau le plus proche afin de mettre fin à ces bruits:
"Silence! Somma-t-il d'un ton sec. Nous approchons de la douane."
Elsa sentit son cœur se serrer une nouvelle fois, et le silence le plus total se fit sur le bateau. Quelques longs instants plus tard, l'embarcation s'arrêta de nouveau, et on entendit soudain une voix lancer:
"Halte! Contrôle de marchandises: documents s'il vous plaît."
Elsa croisa les doigts, priant pour que l'homme ne fouille pas les tonneaux. Mais au son de sa voix, lunatique et un peu chevrotante, il ne devait pas s'agir de quelqu'un de très inquisitoire, mais plutôt avenant et prompt à aider.
"Oh, c'est toi Bard! s'exclama soudain l'homme, ayant apparemment reconnu le batelier.
-Bonjour Percy, répondit Bard en s'avançant sur le pont, chacun de ses pas résonnant aux oreilles des compagnons.
-Quelque chose à déclarer? Demanda Percy.
-Rien, sinon que je suis gelé, fatigué et pressé de rentrer."
Elsa entendit Bard sortir un papier de sa poche et le tendre au garde de douane.
"Ouais, tout comme moi, fit savoir ce dernier comme à un vieil ami qu'il aurait retrouvé dans une auberge."
Un bruit de tampon sur une table se fit entendre, puis il revint pour rendre le papier à Bard:
"Et voilà, tout est en ordre."
Elsa se sentit enfin plus légère: tout se passait bien. Mais soudain, d'autres pas arrivèrent et elle entendit quelqu'un se saisir du papier.
"Oh non, je ne crois pas! Dit une voix cette fois beaucoup plus sévère et fourbe. Voyons, voyons: 'chargement de tonneaux de vin en provenance du Royaume des Forêts', c'est ce qui est écrit. Seulement, ils ne sont pas remplis de vin, n'est-ce pas Bard?"
Le cœur d'Elsa se serra encore bien plus fort qu'avant. Qui était cet homme? Pourquoi fallait-il qu'il arrive maintenant? Et à entendre les nombreux autres pas qui résonnaient sur le sol de bois derrière lui, il devait être accompagné de nombreux gardes.
"Où est la boisson que nous envoie chaque semaine le roi Thranduil? Poursuivit la voix grinçante. Ce vin provient de pays lointains où il est fait par des mains de maîtres: c'est une marchandise très précieuse à laquelle les Elfes et nous-mêmes attachons beaucoup d'importance. Qu'en as-tu fait Bard? L'as-tu jeté par dessus bord? Sais-tu ce que tu risques pour un tel acte? As-tu conscience que le seigneur de Vertbois pourrait choisir de ne plus nous approvisionner en rien s'il découvrait ce que nous faisons de son précieux breuvage?
-J'ai trouvé ces tonneaux tels qu'ils étaient, Alfrid, répliqua Bard en s'efforçant de garder son calme pour ne pas trahir son secret. Lorsqu'ils sont arrivés au Lac par les eaux vives de la rivière, ils étaient vides et sans couvercle: sans doute le vin se sera-t-il vidé dans le Taurduin.
-Sornettes! Essaies-tu de me faire croire que les Elfes seraient assez imprudents pour laisser partir des tonneaux ouverts? Et de toute façon, en imaginant que tu aies bel et bien trouvé des tonneaux vides, ce sont des tonneaux remplis de poissons que tu nous apportes. Tu as donc jugé bon de souiller le précieux bois des tonneaux avec des saumons avariés trouvés chez je ne sais quel braconnier rôdant autour du Lac? Si je me souviens bien, tu es enregistré en tant que batelier, pas en tant que pêcheur.
-Ce ne sont pas vos affaires que cela.
-Faux! Ce sont les affaires du Maître, donc ce sont aussi mes affaires.
-Voyons Alfrid, un peu de cœur: il faut que les gens mangent!
-Ces poissons sont illégaux! Videz les tonneaux par dessus bord."
Le cœur d'Elsa sombra dans sa poitrine et son visage se figea dans l'horreur tandis que déjà les pas des gardes s'avançaient pour monter sur le pont du bateau:
"Vous avez entendu? Videz-moi tout ça dans le canal, lança la voix de l'un d'entre eux. Allez dépêchons!"
Avec horreur, la jeune femme sentit bientôt son tonneau être saisi et approché du bord du bateau: son cœur battait à tout rompre.
Bard regardait les gardes s'apprêter à vider les tonneaux, et il se dit qu'il devait faire quelque chose: non pas qu'il se soucia profondément du sort de ces étrangers dans les tonneaux, mais en échange de l'argent qu'ils lui avaient fourni, il leur avait promis de les faire entrer en ville. Et Bard tenait toujours ses promesses.
"La population est aux abois! Protesta-t-il. Les temps sont durs, la nourriture est rare...
-Ce n'est pas mon problème, répondit sèchement Alfrid."
Soudain, Elsa sentit que l'on faisait basculer son tonneau vers l'avant et elle fut pris d'affreux vertiges et de sueurs froides lorsqu'elle entendit les premiers poissons tomber dans l'eau et s'imagina découverte et arrêtée par la garde.
"Lorsque les gens apprendront que le Maître rejette des poissons par-dessus bord, lorsque les émeutes commenceront, reprit soudain Bard d'un ton sombre et presque menaçant, ce sera votre problème alors?"
Il y eut quelques instants de silence, puis soudain:
"Arrêtez! Lança Alfrid."
Alors sur le pont, les gardes cessèrent ce qu'ils avaient commencé et reposèrent les tonneaux là où ils se trouvaient. Elsa ravala quelque peu sa panique. Puis les pas des gardes s'éloignèrent et quittèrent le pont du bateau.
"Toujours à défendre le peuple, hein Bard? Siffla Alfrid d'un ton exaspéré. A protéger les petites gens... Ils ne jurent que par toi, batelier, mais cela ne durera pas."
Après un lourd silence, la voix de Percy lança:
"Levez la herse!"
Alors un tintamarre de lourdes chaînes s'enroulant autour d'une grande poulie se fit entendre, et l'eau clapota en bruyants remous lorsque la lourde grille de bois et de pointes en ferraille en sortit et s'éleva au-dessus d'elle pour laisser la voie libre au bateau transportant secrètement les voyageurs muets. Bard plongea une longue pagaie dans l'eau et le rafiot glissa de nouveau sur l'onde étroite du canal d'entrée du Bourg du Lac.
Alors, enfin Elsa poussa pour de bon un long soupir de soulagement. Toutefois, la voix pinçante d'Alfrid parla une dernière fois à l'adresse de Bard, d'un ton menaçant:
"Le Maître garde un œil sur toi! Tu ferais bien de t'en souvenir: nous savons où tu habites.
-C'est une petite ville, Alfrid, répliqua le batelier sans perdre son calme. Tout le monde sait où tout le monde habite."
Et sur ces dernières paroles, le bateau s'éloigna, laissant Alfrid et les gardes sur les quais ombrageux.
De la panique, Elsa était passée à l'attente: une étrange et anxieuse attente, n'ayant absolument aucune idée de ce qui pourrait bien se passer à présent pour ses compagnons et elle-même, consciente qu'ils seraient obligés de suivre à la lettre les instructions de Bard. A mesure, qu'ils glissaient sur les eaux, les rumeurs de la ville résonnaient de plus en plus distinctement: des voix conversant dans un long murmure cabalistique ou bien s'interpellant sans retenue, des pas en tous sens sur les quais de bois, des chiens aboyant si bien d'une manière agressive et menaçante qu'enjouée et joviale...
Elsa, cachée de toute lumière et toute vision par les poissons gras, devenait de plus en plus curieuse et désireuse de savoir à quoi ressembler cette fameuse Ville du Lac, dont les sons et les odeurs portaient des couleurs, des tons et des sensations si nuancés et contrastés qu'elle ne savait qu'en penser pour le moment. A vrai dire, elle commençait à s'indisposer de sa position à-croupis dans le tonneau étouffant, enfouie sous des poissons morts qui empestaient, lui semblait-il, de plus en plus à mesure que le temps passait.
Ses jambes étaient prêtes à la faire bondir malgré elle hors du baril, lorsqu'enfin elle sentit le bateau ralentir et heurter lestement le bord d'un quai. Pendant un bref instant, rien ne se passa, aucun bruit ne se fit entendre, puis soudain Elsa entendit Bard renverser du pied l'un des tonneaux: les poissons visqueux se déversèrent sur le pont de la barque et l'occupant du baril reprit son souffle avec peine. Bientôt, un autre tonneau fut ainsi renversé, puis un autre... Elsa comprit alors qu'il était enfin temps de quitter cette cachette peu accommodante. Elle jaillit alors au dehors et inspira une grande bouffée d'un air frais et non plus empesté jusqu'au dernier degré de l'odeur cinglante du poisson. Cependant, sa peau, ses vêtements et ses cheveux étaient encore couverts d'huile odorante, tout comme ceux de ses compagnons, qui semblaient eux aussi pour le moins agacés de cette situation.
"Ne me touchez pas! Grogna Dwalin lorsque Bard voulut le prendre par l'épaule pour l'aider à sortir de son tonneau."
Après Fili et Kili, Thorin et Bilbon émergèrent à leur tour de leur cachette et ainsi tous furent réunis sur le pont, mouillés et souillés sur chaque parcelle de leur corps. Mais tous rendaient au moins grâce au destin pour être ici ensemble, sains et saufs. Leur passeur rangea soigneusement la longue rame au fond de la cale, et hissa son carquois de flèches et son long arc sur le dos avant de quitter le bateau pour passer sur le quai.
La première chose qu'Elsa vit en portant enfin son regard sur la ville, fut un petit groupe de pêcheurs et de pêcheuses se tenant non loin sur le quai, les observant avec de grands yeux ronds: et la jeune femme ne put s'empêcher de se sentir un peu mal à l'aise en sentant ces regards fixés sur elle et ses amis. A l'image des sons et des odeurs de la ville, il était difficile de savoir que penser de ces gens et de deviner leur pensée: leurs yeux fébriles et fatigués reflétaient tout de même une sagacité et une ruse presque inquiétantes.
Mais heureusement, Bard s'approcha bientôt d'eux et tendit deux pièces de cuivre terne à l'homme le plus proche.
"Vous n'avez rien vu, ils n'ont jamais été là, murmura-t-il à leur adresse en désignant les Nains d'un signe de tête. Je vous fais cadeau des poissons."
Puis il se tourna vers les compagnons et, d'un air tendu indiquant clairement qu'il fallait agir rapidement et prudemment, leur fit signe de le suivre, tout en précisant:
"Restez groupés."
Alors, retenant leur souffle, tous se lancèrent sur ses pas. Il ne fut pas aisé de le suivre: il marchait vite et tournait brusquement lorsqu'il s'engageait dans un angle de rue; aussi les compagnons durent-ils marcher à vive allure pour ne pas le perdre de vue. A mesure qu'ils marchaient dans les ruelles sur les quais de bois, Elsa et les autres découvraient peu à peu cette ville pour le moins surprenante.
"Quel est cet endroit? Finit par demander Bilbon d'une voix aurait-on dit intimidée.
-Ca, Maître Sacquet, c'est le monde des Hommes, répondit Thorin d'une voix grave."
Et Elsa le découvrait enfin: de longs canaux où une eau sombre se ridait sous la brise, des quais et des pontons de bois, où de grands anneaux de fonte noire pendaient, attendant qu'un bateau soit amarré à eux, tandis qu'au dessus de tout cela s'élevaient d'innombrables maisons, masures et cabanes en bois, aux architectures parfois bancales, s'appuyant sur des colonnes élevées de travers et surmontées de toits de planches de bois usé dont la peinture des rares disposant du privilège d'avoir été peintes commençait à s'écailler, dont la proximité donnait naissance à de longues façades aux fenêtres d'où pendaient linges et filets et où étaient parfois affichées des enseignes et tendues de grande draperies pourpres, vertes ou ocres, le tout monté sur de larges pilotis envahis de mousses et d'algues. Toute la ville était presque entièrement faite de bois: l'orme qui était l'arbre le plus utilisé résistait aisément aux dégâts que peut causer l'eau avec le temps, mais toute construction était tout de même grandement imprégnée d'humidité et assombrie jusque dans la moindre rainure du bois, donnant une ville d'une couleur brun très sombre, uniquement égayé par les quelques maigres feux orangés que l'on voyait à travers des carreaux, faisant fumer pauvrement les frêles cheminées sur les toits, et les grandes tentures pendues sous les fenêtres.
Si les maisons étaient toutes d'allure modeste et de basse taille, un grand bâtiment plus lointain retint un moment l'attention d'Elsa: une grande bâtisse toute pareillement de bois faite, mais à la hauteur bien plus imposante, aux grands toits peints d'un bleu pâle, ornés ça et là de têtes de poissons et de cormorans sculptées dans un bois couleur d'ébène, et aux larges fenêtres de verre armurées de cadres en étain sombre. Deux grandes bannières bleu foncé, perchées sur le plus haut toit, flottaient au vent venu du Nord.
Il s'agissait là de la demeure principale: la maison du seigneur Galnor, le Maître d'Esgaroth. Là se trouvaient les plus grands appartements, avec le grand lit à baldaquins du Maître, les longues étagères où brûlaient des chandeliers d'or et de bronze, juste en dessous de grands tableaux et tapisseries des anciens temps s'étendant sur les murs, présentant d'anciens grands visages des Hommes du Nord ou mettant en scène les mythes antiques de ces régions, avec de grands cerfs d'argent bondissant au-dessus de hautes herbes fleuries et de cours d'eau vifs et roulant, survolés par de longs cortèges de corbeaux noirs sous un arc de Lune rayonnant.
Dans cette demeure se trouvaient la bibliothèque, les archives et le trésor du Bourg, dans les salles aux voûtes de bois semblables à des coques de navires renversées.
Pour l'heure, Maître Galnor était assis à sa table, vêtu de linges aux teintes dorées brunies parle temps et de cuir dont le sombre pourpre semblait lui-même être las. Son visage rondelet aux yeux gris et aux cheveux d'un roux terne tombant sur ses épaules semblait réfléchir tandis qu'il dégustait un repas de restes de boucs et de béliers; ce qui représentait malheureusement ce qu'on pouvait trouver de plus copieux dans cette ville.
Tandis qu'il mangeait, Alfrid, son second et conseiller, qui sortait régulièrement dans les rues pour prêter l'oreille aux rumeurs et à l'opinion générale, lui apportait les dernières nouvelles de l'extérieur. Dans sa grande tunique d'un noir de geai, son visage pâle et décharné délivrait ses paroles d'un ton monocorde:
"La colère gronde en ville, à ce que l'on dit. Quelqu'un jette de l'huile sur le feu, Messire: il y a de la révolte dans l'air, les gens sont aigris...
-C'est le bas peuple, Alfrid, répondit alors le seigneur Galnor d'une voix grelottante et enrouée. Il a toujours été aigri, quoi qu'il arrive. Mais ce n'est tout de même pas ma faute s'ils habitent un endroit qui empeste l'huile de poisson et le goudron. Que s'imaginent-ils donc? Moi aussi j'ai faim, moi aussi j'ai froid... Je ne suis pas au-dessus des misères que le monde nous jette en pleine figure. Un travail, un toit, à manger... Et ils ne savent que pleurnicher! Sers-moi donc un cognac."
Le conseiller versa l'alcool orangé dans le verre du Maître, avant de reprendre d'un air plus vif:
"Je suis persuadé qu'il y a des agitateurs dans le coup, Messire.
-Dans ce cas, trouvons ces agitateurs et arrêtons-les!
-Je pense la même chose.
-Il faut mettre un terme à ces velléités de changement: je ne peux pas laisser la populace se rassembler et protester, car après cela ils se mettront à poser des questions, former des comités, mener des enquêtes...
-'Adieu à l'ancien, place au nouveau', déclara Alfrid d'un ton morose.
-Comment?
-C'est ce que les gens disent, Messire. Il est même question d'une élection.
-Une élection? Ha! C'est grotesque: les Maîtres à Esgaroth descendent depuis toujours des plus anciens et des plus sages. Je ne le permettrai pas!
-Je ne crois pas qu'ils demanderont votre permission..."
A ces mots, le Maître releva les yeux, une étincelle de colère et d'indignation s'allumant en eux. Il frappa alors du poing sur la table et se leva, sortant sur le grand balcon le plus proche, à la balustrade de frêne clair, donnant sur le quartier Est de la ville.
"Ah vraiment? Fit-il d'un ton courroucé. Pour qui se prennent-ils? Des fainéants, des ingrats, des agitateurs... Croient-ils être capables de faire prospérer cette ville comme il se doit? Croient-ils avoir de meilleurs moyens que moi pour y parvenir? Je peux t'assurer que si le pouvoir tombe aux mains de ces roturiers, le Bourg sera bientôt effondré sous les eaux! Qui parmi eux oserait contester mon autorité? Qui aurait l'audace? Qui?"
Un silence s'installa un moment, puis soudain, l'expression de son visage devint grave, comme si une lumière venait d'éclairer son esprit.
"Bard! S'exclama-t-il. Il n'y a pas l'ombre d'un doute: ce fauteur de trouble de batelier est derrière tout ça!
-Il l'est, Messire, cela est certain.
-Diantre! Que ne nous sommes nous déjà débarrassés de lui? Il n'est que menace pour cette ville.
-Hélas, rien n'est aussi simple... Dans un monde idéal nous l'arrêterions, mais Bard a le soutien du peuple. Comment pourrions-nous justifier son arrestation devant eux? Comment pourrions-nous les empêcher de poser des questions? Ils voient un chef en lui, quelqu'un qu'ils peuvent admirer: modeste, intelligent, mystérieux, athlétique...
-Oui, il a certes pris modèle sur moi, mais... Cela n'est pas un crime."
Le Maître réfléchit un moment en caressant sa barbiche roussie. Soudain, une idée sembla lui traverser l'esprit.
"Je me demande... Marmonna-t-il tout en continuant de regarder droit devant lui. Je me demande s'il n'existerait pas un très vieux texte de loi interdisant aux bateliers de poser des questions."
A l'entente du ton mielleux et insidieux sur lequel il avait prononcé ces mots, Alfrid comprit exactement ce qu'il avait en tête et afficha un sourire mauvais.
"Crois-tu qu'il existe une loi vénérable de ce genre, mh?
-Cela est presque certain, répondit le conseiller en se détournant avant de disparaître entre les hautes et sombres étagères de la bibliothèque. Je vais la rédiger sur le champ."
Maître Galnor resta ainsi seul avec ses pensées bouillonnantes. Au bout d'un temps, il finit par se tourner de nouveau vers le balcon et contempla la ville caressée par les premiers rayons du Soleil d'après-midi perçant à travers la brume qui commençait de se lever, et ses habitants qui suivaient le cours de leurs vies. Puis, prenant un air extrêmement solennel, comme s'il s'apprêtait à livrer un duel, déclama:
"Tu es bien mal tombé en te frottant à moi, Maître Bard. J'espère que tu te tiendras à carreau parce que je te tiens à l'œil."
Bard le batelier marchait toujours d'un pas preste à travers les rues de la ville, et les quinze compagnons le suivaient toujours, Thorin marchant en tête, faisant de son mieux pour ne pas perdre leur guide de vue.
"Gardez la tête baissée et avancez, leur lançait Bard à demi-voix."
Mais Elsa avait du mal à se contenter de regarder le sol: cette ville attirait son regard et sa pensée, elle l'angoissait et la fascinait en même temps. Le bas vent qui serpentait sur le bois des quais projetait en maigres embruns les restes des flaques apportées par le temps et secouait les plumes sombres des cormorans déployant leurs ailes, perchés sur les poteaux et les poutres de bois, transportait les rumeurs et les voix des habitants.
A présent qu'ils approchaient du cœur de la ville, les villageois se faisaient plus nombreux et les regards se portaient parfois sur eux, étrangers passant tel des ombres ne devant plus jamais êtres revues. Elsa trouvait ces gens tout à fait à l'image de leur ville: outre leurs pauvres accoutrements, une aura incertaine et nuancée émanait des foules, assises sur les marches des perrons à tresser toutes sortes de cordes et de nœuds, occupées à monter des poissons fraichement pêchés sur de longs étalages entre lesquels des chiens amicaux ou affamés venaient fouiller en quête de quelques restes.
Les yeux exténués et tremblotant des ces gens, dont on pouvait presque entendre les lamentations émaner des noirs profondeurs de la pupille, reflétaient une détresse et une lassitude presque palpables, mais leur regard droit et déterminé malgré les tremblements montrait leur courage, leur résistance et leur volonté de vivre. Leurs pauvres vêtements de toile recousue et leurs mains ridées faisaient peine à voir, mais ils semblaient tout de mêmes autant de pauvres gens hagards mais robustes, comme un vieux chêne qui jamais ne se flétrit.
Ainsi la jeune femme sentait-elle une curieuse sensation monter en elle au contact de ces lieux, comme si chaque coin de rue pouvait dissimuler une surprise, allant du pire des complots au plus grand des actes de bonté.
Mais elle fut bientôt tirée brutalement de ses pensées, car alors qu'elle et ses amis passaient devant de grands étalages ornés de cordes, de paniers de linge et de petites plantes en pots, une voix forte et véhémente les interpela:
"Halte! Au nom du Maître d'Esgaroth!"
Tous sursautèrent, ce cri perturbant le silence empli de rumeurs sourdes qui régnait jusqu'à présent, tournèrent la tête et, frappés d'horreur, découvrirent un peu plus loin trois gardes émergeant de la brume, vêtus de tuniques bleu azur et de pantalons de cuir, portant des casques pointus et garnis d'épaisse fourrure à l'intérieur, et surtout armés de longues pertuisanes aux pointes d'acier. Ils s'avançaient vers eux d'un pas ferme et pesant.
Pris de panique, les compagnons commencèrent de courir et profitèrent de la foule pour se fondre dans la masse, avant de se dissimuler derrière les longs étalages du marché sous les indications de Thorin.
"J'ai dit halte! lança de nouveau le garde. Arrêtez-les!"
Mais aucun des villageois ne réagit, semblant manifester bien peu d'envie de coopérer avec les gardes et de dénoncer de pauvres vagabonds. Aussi les compagnons se cachèrent-ils sans mal derrière les longs étals, et parvinrent à assommer les trois gardes qui tentèrent de les dénicher avec des rames, des poêles ou des balais trouvés sur le sol. Tous les regards étaient à présent fixés sur la singulière scène, et une étincelle semblait curieusement émoustiller les passants, comme si un tel spectacle ne leur avait pas été offert depuis longtemps.
Mais bientôt, de lourds pas retentirent sur le sol et tous se dispersèrent, retournant à leurs occupations comme si de rien n'était. Et quelques uns prirent même la peine de dissimuler les corps des trois gardes évanouis derrière des étals ou de grands paniers. Alors que tous les compagnons faisaient silence, se baissant du plus bas possible et restant tout contre le bois des étalages, retenant leurs respirations, Elsa jeta un simple et bref coup d'œil par dessus sa cachette et aperçut six autres gardes en habits bleus, et un autre à leur tête, qui était clairement leur chef. Le casque qu'il portait sous le bras était orné au-dessus de longues et amples plumes pourpres et il portait une longue cape rouge, quelque peu dépenaillée, tandis qu'à sa ceinture, une épée reposait dans un vieux fourreau. Son visage était large, et sa moustache fournie accompagnait sa longue chevelure châtain clair.
"Que se passe-t-il ici? Demanda-t-il en inspectant l'endroit du regard. Restez où vous êtes, que personne ne bouge."
Il commença à s'avancer, suivi des ses hommes, et à s'approcher dangereusement des étalages. Elsa ferma les yeux et tenta de contenir le givre qui commençait à apparaître dans ses mains tremblantes. Heureusement, Bard arriva bientôt à leur secours.
"Bragga! s'exclama-t-il en s'avançant vers le chef de la garde, faisant mine d'être surpris de le voir.
-Vous? s'étonna ledit Bragga en jaugeant le batelier du regard. Qu'est-ce que vous manigancez?
-Moi? fit Bard en s'efforçant de paraître le plus décontenancé possible. Rien... Je ne manigance rien du tout."
Mais le chef de la garde reporta son regard sur les villageois, vaquant à leurs activités d'un air détaché... Un peu trop détaché pour être naturel.
"Mouais, grogna-t-il en poussant Bard hors de son chemin et en s'avançant jusque devant les étals."
Là, il se pencha quelque peu et scruta les environs: son angle de vue ne lui permit pas de voir les compagnons, non plus que les corps des gardes, mais s'il s'avançait de quelques pas il les découvrirait à coup sûr. Tous les compagnons tremblaient en priant pour qu'il ne fasse pas un pas de plus, quand soudain, Bard appela:
"Hé, Bragga! Votre femme serait jolie là dedans."
Le capitaine des gardes tourna la tête et découvrit le batelier tenant en mains un petit juste-au-corps de linge blanc. Soudain courroucé et irrité, il s'avança vers le batelier et demanda:
"Vous connaissez ma femme?
-Oh oui... Répondit le batelier d'un ton dégagé. Aussi bien que tous les hommes de cette ville."
Furieux et humilié, Bragga se saisit de la pièce de lingerie et la jeta par terre, avant de faire signe à ses hommes de le suivre et de s'éloigner en pestant. Elsa et les autres poussèrent de longs soupirs: le stratagème de Bard avait fonctionné.
Bientôt, l'activité reprit son lent cours, comme si rien n'était arrivé, et Bard fit signe aux compagnons de se lever et d le suivre de nouveau, une fois qu'il fut assuré que les gardes étaient bien partis. Lorsqu'ils quittèrent le marché, tous jetèrent un dernier regard aux habitants du Bourg qui s'étaient tous tus et dont le silence avait été leur salut: Elsa aurait voulu les remercier, mais devant le morose stoïcisme de leurs visages, les mots tremblèrent dans sa bouche et ne parvinrent pas à en sortir.
Ainsi, ils suivirent à nouveau le batelier en file Indienne pendant un moment à travers les dédales des rues, chacun se taisant, comme s'il craignait de briser le silence emplis de rumeurs. Pourtant, ce silence fut bientôt rompu par une voix; une jeune voix émergeant du lointain:
"Papa! héla cette voix à l'adresse du batelier. Papa!"
Bard s'arrêta et tourna soudain la tête, les compagnons en firent de même. Bientôt, ils virent arriver de l'autre bout de la rue un jeune garçon, de quatorze ans sans doute: son visage doux mais pâle était encadré de part et d'autre de cheveux brun clair et ponctué de deux beaux yeux bleu-vert. Il était vêtu d'un pauvre manteau de toile grisâtre et ses mains aux doigts fins étaient protégées du froid uniquement par de maigres mitaines de laine effilée. Son air, quant à lui, était anxieux et alarmé.
"Baïn, s'exclama Bard en voyant le garçon approcher, qu'y a-t-il?
-Notre maison, expliqua-t-il dans un murmure en approchant tout près du batelier, des gens la surveillent.
-Quoi? Que veux-tu dire? Comment le sais-tu?
-J'ai vu des visages, j'ai senti des regards: par les fenêtres, les yeux des pêcheurs me fixaient, dans la rue, j'ai remarqué des passants qui ne cessaient de passer et de repasser devant chez nous avec un regard perçant... Ils effectuaient des rondes pour surveiller notre maison, j'en suis certain papa."
Les compagnons, silencieux, virent le visage du batelier prendre à son tour un air alarmé, tandis qu'il tenait par les épaules de manière protectrice le jeune homme qui était apparemment son fils. Elsa et ses amis se regardèrent d'un air anxieux: quel était encore ce nouveau danger? Cette ville n'était-elle donc qu'espionnage et cachotteries?
"Ce doivent être des espions du Maître, marmonna finalement Bard après avoir réfléchi moment. Mais pourquoi fait-il cela? Quel idée a-t-il derrière la tête?"
Finalement, une idée sembla lui venir, mais elle n'ôta en rien l'expression tendue de son visage. Il prit la main de son fils et lui assura:
"Ne t'inquiète pas mon garçon, nous ne laisserons pas avoir."
Puis il se tourna vers les compagnons:
"Il semble qu'aujourd'hui soit un mauvais jour pour les étrangers venus de loin: si le Maître surveille notre maison et qu'il vous voit y entrer, vous ne pourrez échapper à ses gardes. Vous ne pourrez entrer par la porte, il vous faudra prendre une autre voie.
-Papa? demanda le jeune Baïn d'un air déconcerté. Qui sont-ils? Pourquoi veulent-ils entrer chez nous?
-Baïn, je vais te demander de me faire confiance. Je n'ai pas le temps de t'expliquer maintenant alors je t'en prie, fais-moi confiance."
Le jeune garçon resta silencieux un moment, regardant successivement son père et la compagnie avec de grands yeux déroutés, mais finit par acquiescer doucement.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
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Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 29 Avr 2016, 23:13
Chapitre 14 (partie 2):
Quelques instants plus tard, les compagnons marchaient en rasant les murs de la ville: ils suivaient exactement les instructions que Bard leur avait données. Ils avaient emprunté quelques ruelles étroites en se faisant le plus discrets possible, ce en quoi Bilbon était sans conteste le meilleur. Ils finirent par arriver au bord d'un quai plongeant dans l'eau ombre du Lac. A quelques mètres de rebord se dressait une maison ordinaire, ressemblant banalement à toutes les autres: bois imprégné d'humidité, toits de planches à la peinture s'écaillant, petites fenêtres sombres, quelques vieilles lingeries pendues ça et là, une étroite porte d'entrée à laquelle on accédait par un escalier de bois montant depuis le quai. La maison était comme les autre montées sur d'épais et forts pilotis de chêne, et le léger courant des eaux traçait son chemin vagabond au-dessous d'elle.
Là, bien que sceptiques face aux instructions du batelier, les compagnons n'eurent d'autre choix que d'agir comme il lait dit; aussi, sortant de la petite ruelle sombre, vérifiant qu'aucun regard indiscret ne les observait, ils plongèrent un à un dans l'eau froide. Elsa fut d'ailleurs la seule à ne pas trembler de froid jusqu'aux os. Toujours avec la plus grande discrétion, ils nagèrent jusque sous le plancher de la demeure de Bard, entre les pilotis, et s'arrêtèrent lorsqu'ils trouvèrent un tuyaux de bois creux qui s'enfonçait de quelques pouces seulement dans les eaux: grâce aux indications du batelier, ils savaient fort bien ce qu'était cette bouche, et l'idée de remonter dedans ne leur plaisait guère, mais ils n'avaient d'autre choix. Ils restèrent alors là à attendre le signal qui, ils l'espéraient, viendrait rapidement, car l'eau glacée ne tarderait pas à avoir raison d'eux.
De leur côté, Bard et son fils Baïn arrivèrent ensemble au pied de leur escalier qu'ils montèrent tranquillement, faisant comme si de rien n'était. Lorsqu'ils atteignirent leur porte d'entrée, Baïn l'ouvrit en jetant un dernier regard alentours, sentant toujours des regards lointains fixés sur lui. Puis il entra finalement dans la demeure familiale, suivi de son père qui marqua toutefois un bref arrêt. Il siffla pour appeler deux pêcheurs qui se trouvaient assis dans une barque sur l'eau, tout près du pied de sa maison. Chacun plongeait sa canne-à-pêche d'un côté de l'embarcation dans le frêle espoir de trouver quelque nourriture. Lorsqu'ils entendirent l'appel, ils levèrent la tête vers Bard qui sortit une pomme un peu fripée d'une poche de son manteau et la leur lança. Le plus proche l'attrapa et la regarda avec une petite étincelle chaleureuse dans les yeux.
"Dis au maître que j'ai fini ma journée, dicta le batelier avant de se détourner et de refermer la porte derrière lui."
Il se retrouva alors chez lui, dans une pièce sombre aux raies de lumière pâle entrant uniquement par les petites fenêtres: c'était la grande pièce de la maison, la pièce commune, où était la longue table des repas, toujours encombrée cependant de pots, de vieilles tasses en ferrailles, de fleurs fanées et d'herbes autrefois parfumées à présent desséchées, de coupe pleines de graines et de noix et de quelques vieux sacs en toile jaunie. Plusieurs sièges, réparés par endroits, était disposés autour de cette table, tandis que de vieilles étagères reposaient aux murs, remplies d'assiettes, de couverts poussiéreux, de louches tordues et de vieux chiffons tout tâchés, et qu'au plafond, soutenu par de grosses poutres de peuplier, était pendus encore d'autres ustensiles, tissus, bouquets de plantes et d'herbes et, au fond de la pièce, quelques morceaux de poisson séché et salé.
Bard déposa son arc et son carquois dans un coin près de la porte, et soudain une vois l'appela:
"Papa! Où étais-tu?"
D'une petite pièce contiguë sortit en joie une toute jeune fille, d'à peine huit ans. C'était Tilda, la jeune sœur de Baïn et fille benjamine de Bard: son visage était bien pâle, mais le sourire radieux qui le parcourait à la vue de son père l'illuminait de la plus belle des façons, tandis que ses yeux gris clair rayonnaient de la tendre chaleur de l'enfance. Ses cheveux clairs, comme ceux de son frère, étaient grossièrement attachés par un ficelle derrière sa tête, et sa robe de tissus blanc et gris semblait bien usée par le temps. Mais malgré tout, ce fut avec joie qu'elle se jeta dans les bras de son père qui l'étreignit avec amour.
Et bientôt, une autre voix encore se fit entendre:
"Père! Te voilà enfin, j'étais inquiète."
Accourant de l'autre bout de la pièce, une grande fille, bien plus âgée que Tilda, s'approcha de son père. Elle venait certainement d'avoir ses dix-huit ans; son visage était aussi pâle que celui de ses jeunes frère et sœur, mais ses traits fins et maigres était tendus dans une force de caractère évidente et une grande sagesse pour son âge, bien que celles-ci semblaient en permanent combat avec l'inquiétude, la mélancolie et la lassitude frappantes qui émanaient de ses beaux yeux bruns. Ses cheveux foncés étaient également attachés derrière sa tête, tandis qu'elle portait un corset bleu pâle et une longue jupe de la même couleur.
Elle vint à son tour embrasser son père qui la baisa sur le front.
"Je suis là Sigrid, ne t'en fais plus, dit-il en regardant son aînée rassurant.
-Mais comment cela a-t-il pu te prendre tant de temps? demanda Sigrid, toujours inquiète. Tu n'as jamais été absent toute une journée pour aller chercher des tonneaux à l'embouchure de la Rivière.
-Sigrid, Tilda... Il y a quelque chose... Commença-t-il à avouer d'un air un peu embarrassé. Je vais tout vous expliquer. Baïn, fais-les entrer."
Le jeune garçon acquiesça en silence et descendit un escalier jusqu'à l'étage inférieur, juste au-dessus de l'eau, sous les regards déconcertés de ses sœurs. Là, il ouvrit une porte donnant une petite pièce une cuvette donnant sur un trou était creusée dans le bois au-dessus des eaux du Lac: les latrines de la maison. Baïn se pencha au-dessus du trou et frappa trois grands coups contre le bois.
Dans les eaux, les compagnons attendaient toujours le signal en grelottant. Lorsqu'enfin ils entendirent les heurts contre le bois, ils sentirent un certain soulagement à l'idée de quitter enfin ces eaux glacées; bien que l'idée de remonter dans le tuyau n'était guère plaisante. Dwalin était le plus proche de la bouche, aussi plongea-t-il le premier avant de remonter dans le tube, puis de s'accrocher aux rebords des toilettes afin de se hisser hors de celles-ci. Lorsqu'il émergea, totalement trempé, et vit le jeune garçon qui se tenait là, le regardant, il sentit un désagréable sentiment d'humiliation l'envahir.
"Si jamais tu racontes ça à qui que ce soit, je t'arrache les bras, grogna-t-il entre ses dents."
Baïn ne dit rien, et se contenta de tendre sa main pour aider le Nain à sortir de la cuvette; mais celui-ci le repoussa, vexé et furieux.
"Laisse-moi!"
Lorsqu'enfin il fut sorti, le deuxième membre de la compagnie émergea de la cuvette: ce fut le petit Bilbon, qui grelottait comme jamais et qui accepta bien volontiers l'aide du garçon. Un bonheur momentané l'envahit lorsqu'il posa enfin les pieds sur le plancher de la maison. Pui ce fut au tour de Dori, puis Ori, et tous les autres, jusqu'à ce que Thorin sorte le dernier. Suivant les indications de Baïn, les compagnons montèrent un à un les escaliers afin de rejoindre la pièce commune. Elsa se trouvait en milieu de file: si le froid ne l'atteignait pas, elle n'aimait guère ces vêtements trempés qui lui collaient à la peau. Elle préférait rapidement oublier l'épisode de la remontée dans les latrines, comme tous ses amis d'ailleurs, bien qu'elle reconnut que cette plongée dans l'eau l'avait au moins lavée de toute l'huile de poisson dont elle était couverte à la sortie du tonneau.
Mais tout en montant les escaliers, elle remarqua soudain les deux jeunes filles qui les regardaient avec des yeux ronds, l'air totalement perdu et incrédule.
"Papa, appela la plus âgée, pourquoi y a-t-il tous ces Nains qui sortent de nos toilettes?
-Ils vont nous porter chance? demanda soudain la petite Tilda, avec un grand sourire si enfantin se dessinant sur ses lèvres."
Mais Sigrid, elle, n'était pas si enthousiaste. Lorsqu'elle vit les quinze compagnons se tenir groupés devant eux, de l'autre côté de la grande table, elle sembla aussi peu rassurée que confiante et attrapa sa petite sœur par les épaules, comme pour la protéger. Mais les compagnons s'empressèrent de montrer qu'ils n'avaient aucune mauvaise intention, saluant leurs ôtes pour le remercier de les accueillir chez eux. L'aînée se sentit déjà quelque peu rassurée mais continuait d'observer avec curiosité cet étrange compagnie; son regard intrigué finissant notamment par se poser sur Elsa, qui se détachait évidemment bien plus du reste du groupe de part sa taille et son sexe. Et la jeune femme la regarda également: ainsi, pendant quelques instants, leurs yeux plongèrent les uns dans les autres, sans qu'aucune mot ne soit prononcé, et aucune ne semblait plus pouvoir quitter cette étrange contemplation.
"Les enfants, dit soudain Bard, rompant enfin le silence qui s'était installé, voici l'histoire qui m'a retenu loin de vous aujourd'hui: attendant les tonneaux près de la bouche du Taurduin, quelle ne fut pas ma surprise et mon anxiété lorsque je vis arriver tout un convoi de tonneaux sans vin aucun à l'intérieur, mais en lieu de cela ces quinze braves compagnons. Ne pouvant laisser les barils dériver sans fin à la surface des eaux, je décidai de les ramener malgré tout à la ville. Mais ces voyageurs m'exposèrent leur situation de marchands égarés venant des régions de Bree, très loin à l'Ouest, réchappant tout juste de quelque altercation avec les Elfes des Bois, et cherchant à rejoindre les Monts de Fer dans l'Est. Tout démunis qu'ils étaient, ils implorèrent mon aide, me demandant de les amener en ville afin qu'ils puissent y trouver provisions, outils et armes de voyage. Je finis donc par accepter de les dissimuler à la surveillance des gardes et de leur fournir ce qu'ils demandaient en échange de ceci."
Et il posa sur la table la grande bourse de cuir contenant toutes les pièces données par les camarades.
"Vous savez à présent tout les enfants, alors rassurez-vous: vous ne courez aucun danger."
Les trois enfants acquiescèrent en silence, et les compagnons se sentirent soulagés, bien qu'ils tremblassent toujours de froid. Sigrid, qui semblait enfin exempte de peur et de doute, fit alors quelques pas vers eux en regardant leur triste accoutrement.
"Ils sont trempés et gelés jusqu'aux os, remarqua-t-elle d'un air accablé. Tant qu'à les accueillir chez nous, autant leur permettre de se revigorer un peu. Allons, venez donc près du feu, séchez vos vêtements, qu'ils soient en bon état pour le reste de votre voyage. La route est encore longue jusqu'aux Monts de Fer."
Ce fut alors avec une infinie gratitude que les compagnons remercièrent la jeune fille et se dirigèrent vers la cheminée où brûlait un feu terni par l'humidité, mais dont la douce chaleur diffuse suffisait à réchauffer l'air et les cœurs.
Les Nains, tout grelottant de froid, tendirent leurs mains vers les flammes, se frottèrent vigoureusement les bras, ôtèrent vestes et bottes mouillées pour les mettre à sécher près de l'âtre. Elsa, elle, ne tremblait pas, mais elle s'assit tout de même près du feu afin de sécher ses habits et ses cheveux, qu'elle essora avec ses mains afin d'ôter le plus gros de l'eau.
Ils étaient déjà dans un petit paradis tandis que la chaleur du feu commençait enfin à chasser le terrible froid mordant qui saisissait leurs chairs, lorsque soudain Bard et ses trois enfants arrivèrent avec quelques draps pour les couvrir et également des tasses d'eau chaude où avaient infusé quelques herbes légèrement parfumées. Les compagnons n'en crurent pas leurs yeux, et hésitèrent à prendre ce que la petite famille leur offrait, gênés de tant de soins et de dérangement.
"Je vous remercie, mais nous n'en demandions pas tant, dit Thorin d'un air un peu embarrassé au batelier.
-Quel sorte d'Homme serais-je si je laissais de pauvres voyageurs seuls dans le froid de l'hiver imminent? répondit Bard. Allons prenez-les, l'argent sorti de vos bourses vaut bien quelque aide supplémentaire."
Finalement, les compagnons finirent par accepter, et remercièrent mille fois le batelier et ses enfants avant de se couvrir des draps et de boire les premières gorgées de la maigre tisane qui leur procurèrent tout de même un bien fou, comme si de douces vapeurs chaudes remontaient jusqu'à leurs têtes pour réchauffer et réveiller leurs esprits engourdis.
La petite Tilda tendit une tasse à M. Sacquet, le fixant avec des eux pétillants d'étoiles et un air fasciné.
"Merci, merci beaucoup, fit le Hobbit en prenant la tasse qui réchauffa ses mains. Vraiment, c'est trop.
-Non, ce n'est rien, répondit-elle avec une petite voix pourtant pleine de rêves et de passions cachées. Cela me fait plaisir d'aider un... Euh, qu'êtes-vous au juste?
-Tilda! s'exclama sa grande sœur. Cela est très impoli!
-Non, pas du tout, assura Bilbon avec un sourire amusé, j'en ai l'habitude: cette question est plus que naturelle pour tout dire. Je suis un Hobbit, de la Comté, et peu de gens ont vu des Hobbits dans leur vie. Certains ne soupçonnent même pas leur existence...
-Un Hobbit, répéta Bard en regardant à son tour M. Sacquet. Un Semi-Homme... Oui, j'en ai entendu parler: les vieilles légendes de nos régions disent que vos premiers ancêtres vivaient jadis aux alentours de l'Anduin, dans le grand Val de l'autre côté de Vertbois.
-Nos vieilles archives content bien la même histoire, acquiesça Bilbon après une gorgée de tisane. Toutes les familles dans la Comté, ou presque, connaissent le récit de la grande Marche vers l'Ouest des Semi-Hommes.
-Un Hobbit marchand... Remarqua Sigrid, curieuse. Comment avez-vous rencontré vos compagnons de voyage? Pourquoi êtes-vous le seul Hobbit au milieu de cette compagnie de Nains?
-Oh, tout cela est une longue histoire, intervint soudain Kili avec un petit rire embarrassé, nous ne voudrions pas vous ennuyer. Et puis, assez parlé de nous.
-Oui, nous dirons simplement que la fortune a été bien clémente de faire se croiser nos routes, ajouta Balin en jetant un regard amical au Hobbit. Tout comme pour cette jeune femme."
Il se tourna vers Elsa, et Bard et ses enfants en firent de même. La jeune femme se sentit soudain un peu gênée. Sigrid, elle, remarqua qu'elle n'était enveloppée d'aucun drap.
"N'avez-vous pas froid? Lui demanda-t-elle, étonnée.
-Oh, non... Non je vous remercie, assura Elsa avec un sourire nerveux. Je... Je n'ai jamais trop craint le froid."
Elle souhaita que plus aucune question ne soit posée à ce sujet: elle avait été infiniment reconnaissante à Bard de n'avoir rien dit sur ce qu'il avait pu voir de ses pouvoirs, et elle ne souhaitait pas que ces trois adorables jeunes gens ne les découvrent, et portent de nouveau ce regard effrayé sur elle. Elle tentait de profiter autant que possible de ce court moment de détente qui s'offrait à elle avant de repartir pour la dernière étape de leur voyage: elle tentait de vider son esprit, de calmer toutes les pensées bouillonnantes, de détendre son corps et ses muscles fatigués... Le calme de la maison l'aidait grandement dans cette tâche: quoique les couleurs fussent froides et ternes, le désordre évident qui régnait dans la pièce avait quelque chose de convivial, comme si votre passage dans cette maison ne laissait qu'une aimable emprunt au milieu de toutes celles de ces objets divers, de leurs sons, leurs odeurs, leurs couleurs... A vrai dire, elle n'aurait pas souhaité que l'endroit fût aménagé autrement, car cela aurait sans doute nui à l'apaisement de son esprit.
Et les quatre habitants de cette demeure se montraient également des plus accueillants: Elsa eut de la peine lorsqu'elle se rappela que la femme de Bard était décédée. Voir les visages encore si jeunes de ces trois enfants se dresser dans la lumière avec résolution et volonté alors qu'ils portaient le poids d'une perte aussi lourde que celle de leur mère lui déchirait à la fois le cœur et la rendait admirative. La benjamine devait avoir perdu sa mère très jeune, et pourtant elle était là, la regardant avec ces yeux scintillants: Elsa ne put s'empêcher d'être attendrie. Puis elle remarqua soudain que les trois enfants la regardaient avec des regards profonds et rêveurs.
"Qu'y a-t-il? Demanda-t-elle, un peu déroutée.
-Oh, rien, rien... Bafouilla le jeune Baïn, semblant soudain se réveiller de sa contemplation. C'est simplement... Pardonnez-moi mais, je ne peux m'empêcher de vous trouver très intrigante: vos vêtements semblent avoir été tissés par les Elfes, et pourtant vous n'en êtes pas une... Mais vous avez leur beauté..."
Il sembla de nouveau comme envoûté, et les deux sœurs gloussèrent en voyant son air hébété. A nouveau, il se réveilla brusquement.
"Pardon... Euh... Désolé, je... Je voulais dire que... Vous êtes fascinante, belle dame.
-Oh, appelez-moi Elsa, dit-elle avec un petit sourire."
Au bout d'un moment, les convives se dispersèrent quelque peu: Sigrid et son père retournèrent à leurs activités de nettoyage et d'affûtage de couverts et de couteaux, tandis que les compagnons commençaient à somnoler sur leurs chaises.
Thorin, lui, s'était approché de la fenêtre et regardait la vie mener son train dans la ville du Lac. Les gens allaient et venaient dans les rues, serpentant entre les habitations. Un peu plus loin, près d'un long bâtiment à la toiture basse, il vit quelques chevaux attachés dans de petites écuries au sol couvert de quelques fétus de paille: c'étaient certainement tout ce que a ville avait les moyens d'entretenir comme bêtes; avec les quelques cochons qui étaient élevés dans des enclos non loin des écuries, mâchonnant sans cesse les feuilles de quelques plantes trouvées parfois à la belle saison sur les rives Sud du Lac ou importées des récoltes du Royaume de Vertbois. La ville, quant à elle, se trouvait au beau milieu du Lac et était entièrement entourée d'eau: elle n'était rattachée à la rive Ouest que par une longue, très longue passerelle de bois au ras des eaux, surmontée à intervalles réguliers de petites arches où reposaient des torches que l'on allumait la nuit venue pour permettre aux gardes de surveiller convenablement ladite passerelle.
Il n'y avait en tout et pour tout que deux bâtisses qui s'élevaient notablement au-dessus des autres: la grande Maison du Maître, surmontée d'une tourelle de garde où était accrochée une lourde cloche d'airain que l'on faisait sonner en cas d'alerte majeure, et la tour de grand hôtel de ville, lieu où s'effectuaient toutes les dépositions importantes.
Et l'attention de Thorin fut soudain happée, car au sommet de cette tour était juché un étrange appareil. Le roi Nain le fixa avec de grands yeux songeurs, silencieux pendant un moment, jusqu'à murmurer:
"Une arquelance de Nains..."
Bilbon et Elsa entendirent tous deux ce murmure et tournèrent leurs regards vers leur compagnon. Lorsqu'ils virent son air à la fois fasciné et intimidé, comme devant une soudaine vision faisant ressurgir en lui toutes les bouillonnantes émotions d'un jour marqué du sceau de l'effroi, ils se penchèrent pour voir également ce qu'il pouvait bien regarder. Elsa vit alors de quoi il s'agissait: en haut de la tour était ce qui ressemblait à une immense arbalète, plus grande qu'un Homme à vrai dire, munie de quatre longues branches courbes auxquelles s'accrochaient une solide corde tressée et renforcée d'une lanière de cuir en son sein. Le corps de l'engin était d'un métal sombre et luisant au Soleil tandis que ses quatre branches était d'un bois aussi noir que l'ébène, robuste mais souple.
Elsa ne sut que penser: l'outil était certes impressionnant mais elle ne comprenait pas pourquoi il suscitait cette réaction chez Thorin. Bilbon non plus apparemment:
"On croirait que vous avez vu un fantôme, fit-il remarquer au chef de la compagnie, qui ne quitta cependant pas l'arbalète géante de son regard profond.
-C'est le cas, répondit soudain Balin en se joignant à eux, l'air également grave. La dernière fois que nous avons vu une arme comme celle-ci, une ville était en flammes: c'était le jour où le dragon est venu, le jour où Smaug a détruit Däle."
Elsa et Bilbon sentirent soudain une angoisse glaciale se saisir d'eux rien qu'à l'évocation de la créature. Balin lui, tout comme Thorin, avait soudain le regard dans le vague, comme s'il se remémorait les images de ce terrible jour.
"Girion, le seigneur de la Ville, rassembla ses archers pour tirer sur la bête, reprit le vieux Nain. Mais la peau d'un dragon est résistante, plus résistante que n'importe quelle armure. Seule une Flèche Noire, tirée par une arquelance de Nains, avait une chance d'abattre la bête. Mais le solide métal dont étaient faites ces flèches était très rare, et très peu furent fabriquées. Le seigneur de Däle tira, tira sans relâche sur la bête avec toute la force de son esprit et la volonté de son cœur... Mais il n'y avait rien à faire contre l'armure du dragon, et la réserve de Flèches s'épuisait. Girion fit une dernière tentative, mais..."
Balin ne finit pas sa phrase, mais à la vue de son air accablé qu'il baissa vers le sol, le Hobbit et la jeune femme devinèrent bien l'issue de cette histoire. Alors eux non plus ne dirent rien, se fondant dans le lourd silence qui pesait dans l'air et que chacun avait adopté dans la pièce. Les compagnons gardait tous les yeux plongés dans le vague, comme pour éviter à tout prix le regard de quiconque, tandis que la petite famille, notamment Bard, les fixaient avec des yeux brumeux, comme troublés par de lointains questionnements surgis de vagues souvenirs.
"Si les Hommes avaient atteint leur cible ce jour là, dit soudain Thorin en brisant finalement le silence, cela aurait changé bien des choses."
Il tourna alors un étrange regard vers ses compagnons: tout chargé de douleur et de peine, contemplant quelle misère présente était la leur et quelle elle avait été durant tant de décennies à cause de ce jour funeste où Smaug le Terrible, l'Immortel, avait surgi des ombres du Nord. Et pourtant, lorsqu'Elsa, qui tenait suffisamment à ses amis pour ressentir leur malheur, croisa son regard, elle perçut, à la fois en elle et en lui, une petite lueur chaleureuse comme rallumée des cendres d'un brasier au prix de longs et durs efforts: et, comme si un très fort sentiment la reliait tout d'un coup à travers cette contemplation des yeux de l'autre au roi des Nains, elle sut que la même pensée, si discrète soit elle, s'était éveillée au fond d'eux. Si les Hommes avaient atteint leur cible, jamais elle et ces compagnons qui étaient aujourd'hui ses plus chers amis ne se seraient rencontrés... Jamais elle n'aurait quitté sa solitude.
Mais la voix de Bard les fit soudain sortir de leurs songes et leurs regards se séparèrent.
"Vous parlez comme si vous y étiez, remarqua le batelier en scrutant Thorin d'un air intrigué.
-Tous les Nains connaissent cette histoire, répondit le chef de la compagnie, réalisant qu'il en avait trop dit.
-Vous savez donc que Girion a touché le dragon et délogé une écaille sous son épaule, objecta Baïn avec une fragile lueur d'espoir et de fierté qu'il semblait vouloir protéger. Un dernier tir, et il aurait tué la bête...
-Bah! Ca, c'est un conte pour enfants, rien de plus, maugréa Dwalin d'un air sombre."
Elsa et Bilbon restèrent silencieux, ne sachant que dire, que faire ni que croire. Mais finalement, jugeant que le temps de repos avait assez duré et mettant fin à cette conversation, Thorin s'avança vers Bard et dit:
"Merci encore pour votre accueil, nous allons vous laisser à présent. Mais une dernière chose: vous avez pris l'argent, nous attendons les armes que vous nous aviez promises.
-Attendez ici, finit par répondre le batelier après un instant d'hésitation, regardant toujours le Nain d'un air intrigué."
Le batelier se dirigea alors vers les escaliers qui descendaient à l'étage inférieur et sortit par une petite porte qui donnait sur l'extérieur.
Durant le temps de son absence, les compagnons rassemblèrent leurs affaires et se tinrent prêts à partir: l'après-midi était avancé et le Soleil commençait à décliner. Ils devraient trouver le moyen de quitter la ville sans être remarqués, et il leur faudrait encore être furtifs, vifs et prestes. Elsa espérait que la fatigue qui les enserrait encore ne les gênerait pas dans cette tâche, mais en regardant ses compagnons, elle vit que tous semblaient décidés et prompts, tout comme elle.
Sauf un. La jeune femme eut d'ailleurs un haut le cœur en constatant soudain l'état dans lequel il était: Kili n'avait pas quitté sa chaise, il était pâle, très pâle, et semblait fâcheusement mal en point. Il appuyait son coude gauche contre le rebord de la fenêtre et sa tête reposait dans sa main, comme si elle lui était un lourd fardeau, tandis que des sueurs froides coulaient parfois sur son front et qu'il frissonnait légèrement. Comment avait-elle pu ne rien remarquer jusqu'à présent? Elle espérait de tout cœur que cela n'était dû qu'à la fatigue actuelle, et que sa blessure irait mieux lorsque tout serait terminé... Si tout se terminait bien.
Mais à vrai dire, le jeune Nain ne semblait pas vouloir que l'on remarque son état: lorsqu'il entendit son oncle, son frère et le vieux Balin se rassembler et commencer à murmurer, il se tourna vers eux et entra dans leur cercle, tentant de cacher son mal être.
"Le Soleil se couche, remarqua Thorin à voix basse en regardant par la fenêtre, et il emporte avec lui le dernier jour de l'automne.
-Demain... Demain se lèvera le jour de Durin, murmura Balin d'un air des plus grave. Nous devons atteindre la Montagne avant qu'il ne se termine.
-Et si nous n'y arrivons pas? demanda alors Kili d'un air terrifié. Si nous ne réussissons pas à trouver la porte secrète à temps?
-Alors cette quête aura été inutile... répondit Fili en regardant son oncle d'un air à la fois sombre et grave."
Elsa sentit presque son cœur s'arrêter rien qu'à cette idée. Elle aurait voulu dire quelque chose pour rassurer ses amis, se convaincre elle-même que tout se passerait comme prévu, à ce moment, Bard revint à l'intérieur et remonta les escaliers. Tous se tournèrent vers lui et le virent arriver avec un long paquetage tout de vieille toile emballé sous le bras. Il le posa sur la table et le paquet produisit un bruit lourd accompagné de quelques cliquetis.
Les compagnons se penchèrent au-dessus de la table pour mieux voir: l'idée d'être raisonnablement armés pour affronter ces Orques qui rôdaient toujours non loin une fois qu'ils se trouveraient au dehors leur apporta déjà un petit élan de courage. Bard défit les nœuds des ficelles qui maintenaient le paquet fermé et déroula bientôt la toile. Les camarades découvrirent alors un amas d'outils assez grossiers: de vieux manches de bois fendu par endroits, au bout desquels étaient grossièrement fixés à l'aide de cordes des crochets, des faucilles émoussées et des morceaux de lames presque rouillées, il y avait même un simple manche dans lequel était plantés des clous dont la moitié étaient tordus et une pelle, rien de plus qu'une pelle.
Abasourdis, les compagnons prirent certains des outils en main pour les sous-peser et estimer leur valeur au combat, mais ils ne semblèrent absolument pas convaincus.
"Qu'est-ce que c'est que ça? demanda Thorin d'un air incrédule en montrant le manche aux crochets qu'il avait saisi.
-Une fourche-croche, répondit simplement Bard, faite avec un vieux harpon.
-Et ça? demanda Kili en prenant un marteau dont la tête consistait en un simple et grossier pavé de métal aux bordures rouillées.
-Un brisoir: c'était une tête de marteau de forgeron. Il faudra simplement affûter un peu toutes les lames. Il est certain que c'est un peu lourd, mais si vous devez vous défendre, ce sera toujours mieux que rien."
Les compagnons se jetèrent des regards dubitatifs et rebutés, et Elsa ne pouvait que partager leur avis. Elle connaissait assez la férocité des Orques pour savoir que ces frêles outils ne leur accorderaient aucune protection contre eux. Ils ne pouvaient partir dans les terres en direction d'Erebor avec ce simple équipement.
"Nous avons payé pour des armes! protesta Gloïn. Des armes forgées: des épées, des haches... C'est une blague!"
Tous rejetèrent les outils sur la table. Seul Balin, qui regardait toujours le Soleil décliner par la fenêtre, ne protestait pas et semblait prêt à accepter cet outillage.
"Vous ne trouverez pas mieux, si ce n'est dans l'armurerie de la Ville, expliqua le batelier. Mais toutes les armes forgées y sont gardées sous clef."
Elsa et ses amis se jetèrent des regards appuyés et hésitants: devaient-ils se risquer à...? Non, ils ne se comporteraient pas comme des voleurs. Et pourtant, quelle autre solution avaient-ils? La jeune femme regarda discrètement ses mains: elle sentait que même ses pouvoirs ne pourraient protéger ses quatorze amis contre toute une bande d'Orques.
"Thorin, appela finalement Balin, prenons ce que l'on nous offre et partons! Je me suis déjà débrouillé avec moins que cela, tout comme toi, tout comme nous tous ici d'ailleurs."
Un silence suivit ces paroles: Thorin, Elsa, Dwalin... Tous réfléchissaient. Quel était le meilleur choix? Et en avaient-ils tant que cela? La jeune femme remarqua soudain que Bard regardait successivement Balin puis Thorin avec des yeux ronds, comme s'il venait d'entendre proférée une énormité. Elle se demanda ce qui pouvait bien provoquer cette réaction chez lui.
Mais il revint finalement à lui et, alors que Thorin semblait sur le point d'accepter finalement de partir en prenant les outils, il objecta:
"Vous n'irez nulle part."
Tous se raidirent alors en entendant son ton catégorique.
"Qu'avez-vous dit? Demanda Dwalin en serrant les poings.
-Des espions surveillent la maison, et probablement tous les quais de la Ville, expliqua le batelier. Vous devrez attendre la nuit."
Un silence s'installa: les camarades sentaient le découragement monter de plus en plus en eux. La chance semblait leur avoir tourner le dos; cela présageait-il quelque chose de funeste pour l'achèvement de leur quête? Elsa souhaitait de tout son cœur que non, que cela ne fût qu'une illusion. Quel choix avaient-ils à présent? Ils étaient bien obligés d'attendre que l'obscurité puisse les cacher: s'ils sortaient maintenant en toute hâte de chez le batelier, les efforts qu'ils avaient faits pour y entrer sans être vus seraient réduits à néant. Ils se laissèrent donc de nouveau tomber sur leurs chaises, démunis et déconfits.
Elsa jeta un rapide coup d'œil autour d'elle et sentit encore une fois un pincement au cœur en apercevant Kili s'asseoir avec difficulté puis toucher avec une moue le bandage tâché de sang qui enveloppait son genou.
Bard, lui était sorti sur le perron de sa maison et faisait les cent pas. Il était tracassé par une chose, une simple chose: le nom par lequel le vieux Nain avait appelé le chef de la compagnie. Thorin... Depuis qu'il l'avait entendu, cela lui martelait sans cesse un coin de la tête, et avec de plus en plus de force à mesure qu'il cherchait dans ses souvenirs. Car ce nom lui disait quelque chose...
"Thorin... Thorin... murmurait-il en fixant le sol."
Bon sang, où l'avait-il entendu? D'ailleurs l'avait-il réellement entendu? Peut-être l'avait-il simplement lu... Mais où? Cela était bien un nom de Nain, et pas n'importe quel Nain: la base lexicale T-H-R de ce nom ne pouvait appartenir qu'à un Nain important, très important même... Mais qu'est-ce qu'un Nain si important pouvait bien faire ici, dans sa maison? Pourquoi serait-il venu jusqu'à la petite ville d'Esgaroth?
Mais soudain, Bard s'arrêta, comme piqué au vif. Une pensée venait de transpercer son esprit. Lentement, il se tourna, et regarda loin sur l'horizon: là-bas, au Nord, au-dessus des collines, au-dessus du Lac, se dressait la grande et sombre silhouette de la Montagne solitaire, le mont Erebor, jadis le royaume Nain le plus important. Mais à présent, une créature d'une toute autre nature l'habitait.
Bard sentit son cœur battre de plus en plus lourdement: serait-ce possible? 'Thorin', était-ce le nom de...? Il sentit ses jambes trembler à cette pensée: il devait être sûr. Il se détourna à nouveau et s'apprêta à descendre l'escalier vers les quais, mais il entendit soudain la porte s'ouvrir derrière lui:
"Papa? appela la voix de Baïn qui passa la tête par l'entrebâillement. Que fais-tu?
-Empêche-les de s'en aller! répondit simplement le père du jeune-homme."
Alors il se détourna et descendit les marches à toute allure avant de disparaître en courant dans les rues de la ville, avec désormais une seule idée en tête.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
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Bloody the bow and arrow in crimson,
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 29 Avr 2016, 23:26
Chapitre 15 (partie 1):
Le brouillard avait retiré les grands pans de ses voiles sur les eaux, les blancs rayons du Soleil étaient revenus et avec eux un grand calme sur les rives du Taurduin qui, il y a peu, étaient le théâtre des terribles combats et tueries entre Elfes, Nains et Orques. Mais à présent, plus une goutte de sang versé, plus un cri poussé, plus une lame abattue: seul le vent soufflait doucement dans les branches sèches et nues des arbres et les eaux de la rivière murmurait en suivant leur paisible courant jusqu'au grandes étendues du Long Lac.
Pourtant, si la mort et la violence s'en étaient allées, nombreuses étaient les marques qu'elles avaient laissé derrière elles: sous la pâle lumière du Soleil déclinant, des marres entières de sang pourpre ou noir emplissaient les creux et les sillons de la roche et coulaient jusque dans les eaux, les teintant d'une couleur de sinistre présage, tandis que des corps inanimés ou des têtes tranchées d'Orques et d'Elfes gisaient çà et là, témoignages encore bien trop vifs de ce qui avait eu lieu ici, plus tôt dans la même journée.
Et dans ce tableau de mort et de ravage jurant avec la nature qui l'encadrait, une seule silhouette était encore en mouvement. Une figure preste, agile et gracieuse, semblant bondir avec grande légèreté à chaque pas qu'elle faisait, ignorant les pics, les creux, les pentes et les trous de la roche, marchant avec autant d'aisance et d'élégance que sur un sol parfaitement plat. Cette silhouette était vêtue d'une longue cape d'un vert aussi intense et foncé que celui des feuilles du cœur des bis en été, tandis que sa tête était dissimulée sous une large capuche de la même couleur. A sa ceinture de cuir était un fourreau de tilleul où reposait une scintillante épée, tandis que dans sa main était un arc aux courbes élégantes et dans son dos un carquois empli de nombreuses flèches aux plumes de geai.
Son visage dissimulé dans l'ombre semblait regarder avec un douloureux chagrin et des remords aigus tous les corps Elfiques gisant sur la pierre souillée, et pourtant toujours elle avançait, sans s'arrêter ni se reposer, longeant le cours de la rivière vers un but encore invisible aux yeux extérieurs. Lorsqu'elle arriva enfin tout près de l'embouchure du Taurduin, la silhouette se percha sur un petit rocher et resta là, droite, observant l'horizon avec attention. Ses yeux étaient perçants et discernaient toute l'étendue des eaux du Lac, les rives Est avec leurs collines et leurs prés, ainsi que loin au milieu des eaux, les toits gris de la Ville du Lac. Après un moment, son regard se porta sur des lieux beaucoup plus proches d'elle: elle regarda le sol à ses pieds et aux alentours, cherchant apparemment quelque chose de précis. Bientôt, elle vit un petit objet perdu dans le creux d'un rocher: une pipe en bois finement sculptée avec un long tuyau gravé de symboles. Une pipe de Nains assurément: ceux qu'elle cherchait étaient donc passés par ici.
Elle ne manqua pas non plus de remarquer le pont de glace scintillante qui passait au-dessus des eaux juste à sa hauteur: l'enchanteresse des glaces était donc venue ici et avait retrouvé ses amis. Mais où étaient-ils à présent? Où étaient leurs poursuivants qu'elle traquait également? Et qu'était-il advenu des tonneaux dans lesquels ils s'étaient enfuis?
Elle avait beau scruter les eaux du Lac, aucun baril ne flottait à sa surface: ils ne les avaient tout de même pas emportés sur leurs dos? Non, son regard se porta soudain sur le petit quai de pierre juste en contrebas où accostaient régulièrement les barques des Hommes venus chercher les marchandises en provenance de Vertbois. Il était presque certains que les tonneaux avaient été emportés par l'un des bateliers, et les Nains étaient très certainement partis également avec lui.
Mais alors, ils devaient à présent se trouver à Esgaroth sur le Lac. Mais qu'en était-il de leurs féroces poursuivants? Où étaient-ils passés? S'ils s'étaient donné pour but de les traquer jusqu'au bout, cela signifiait que les habitants du Bourg du Lac étaient également en danger désormais. La figure prit une lourde inspiration en comprenant quelle était sa tâche à présent: elle ne pouvait laisser les Nains et ces pauvres gens être assassinés par les immondes créatures, comme l'avaient été tous les siens qui gisaient encore sur le sol juste à ses pieds, et qu'elle n'avait su défendre.
Elle s'apprêta à reprendre sa route, mais un léger bruit parvint soudain à ses oreilles: comme des pas furtifs sur la pierre, non loin derrière elle. Bien que son cœur fit un bond dans sa poitrine, elle resta extérieurement impassible, ne voulant à aucun prix montrer à celui qui se trouvait là qu'il était découvert. Etait-ce un piège? Etait-elle tombée dans une embuscade de ces Orques? Très précautionneusement, elle leva la main et, changeant soudain d'allure, en un éclair se saisit d'une flèche, l'encocha sur son arc et se retourna, prête à décocher sa pointe droit sur son attaquant. Mais au lieu d'un Orque hideux, elle trouva un jeune Elfe aux longs cheveux blonds, également armé d'un arc, mais levant les mains pour montrer qu'aucune de ses intentions n'était hostile.
Après un instant, on vit un sourire se dessiner sur le visage de la silhouette en vert, puis elle finit par abaisser son arc. Elle avait reconnu le prince Legolas.
"Je pensais que vous étiez un Orque, expliqua-t-elle dans la douce langue de son peuple.
-Si j'en étais un, vous seriez déjà morte, répondit Legolas d'un air grave."
La silhouette encapuchonnée rangea sa flèche dans son carquois, puis, voyant que son ami l'avait rejoint, finit par retirer sa capuche: une longue et éclatante chevelure d'un roux flamboyant fut alors révélée. C'était Tauriel, partie du palais de Ndaedelos malgré les ordres du roi.
"Tauriel, reprit Legolas en s'avançant vers elle, vous ne pouvez traquer une trentaine d'Orques à vous seule.
-Mais je ne suis pas seule, répondit elle en le regardant avec un sourire.
-Vous saviez que je viendrai... Comprit le prince après un instant de silence."
Alors, pendant quelques instants, tous deux se regardèrent avec cet air si complice qu'ils avaient partagé tant de fois depuis toutes ces années. Legolas se sentait toujours remué par le doux regard de Tauriel lorsqu'elle lui rappelait clairement le lien si unique qui existait entre eux. Mais, malgré tout, la raison et le devoir finirent par reprendre le dessus dans l'esprit du prince.
"Tauriel, le roi est furieux, affirma-t-il d'un ton toujours aussi grave. Depuis plus de trois-cent ans, mon père vous offre protection et privilèges: vous avez désobéi à ses ordres et trahi sa confiance. Mais revenez avec moi, et il vous pardonnera.
-Mais moi, je ne me le pardonnerai pas, répliqua aussitôt la capitaine des gardes avec un soudain air ardent et semblant pourtant affaiblie, comme si une grande menace l'avait prise au piège. Le roi n'a jamais laissé d'Orques parcourir nos terres, et à présent il laisserait ces vermines franchir nos frontières et tuer nos prisonniers?
-Ce n'est pas notre combat, lança le prince d'un ton catégorique, bien que dans ses yeux on pouvait lire un accord avec les paroles de la capitaine.
-C'est notre combat! Répliqua celle-ci avec assurance et sans doute aucun. Cela ne s'arrêtera pas là: à chaque victoire, le mal ne fera que croître, car ces victoires ne sont qu'une illusion visant à nous tenir à l'écart tandis que le véritable danger grandit ailleurs. Si votre père agit à sa guise, nous ne ferons rien, nous nous terrerons dans nos murs et vivrons loin de la lumière. Ne faisons-nous pas partie de ce monde? Dites-moi mon ami, quand avons-nous laissé le Mal devenir plus fort que nous?"
Tauriel avait parlé avec tant d'assurance, sans aucune hésitation dans ses mots, semblant si convaincue de sa pensée, que Legolas mourait d'envie de la croire: avait-elle raison? Il était vrai que les choix de son père dernièrement ne lui avaient semblé que peu justes, et il avait senti plusieurs fois en lui un notable désaccord avec son parent. Mais comment pouvait-ce se produire? Son père lui avait tout appris, il s'en était toujours remis avec grande confiance à lui et à son jugement, jamais il n'aurait pensé douter de lui, et jamais il ne l'oserait. Et pourtant, aujourd'hui...
Que devait-il faire? Etait-il plus sage de suivre Tauriel? Il restait silencieux, tiraillé entre ses affections et ses allégeances. Troublé et indécis, il tourna son regard vers le Lac, et observa la ville de bois au loin sur la sombre surface des eaux.
Et dans cette ville-même, les rues n'étaient pas aussi mortes et silencieuses qu'elles le paraissaient vues de loin. Alors que le Soleil rasait maintenant l'horizon, un homme courait dans le dédale des rues, semblant vouloir atteindre un but ignoré des autres. Bard le batelier ne s'était pas arrêté depuis qu'il avait quitté sa maison, l'idée qu'il avait en tête était à présent trop brûlante et il devait trouver la réponse qu'il cherchait.
Ce nom... Thorin... Lorsque le souvenir lointain de la provenance de ce nom avait germé dans sa tête, son cœur était comme tombé dans les sombres profondeurs de ses entrailles. Etait-ce réellement possible? Pour le savoir, il ne devait pas s'arrêter, surtout pas, personne ne devait lui poser de questions à ce sujet. Pourtant, tout en courant, il avait déjà l'impression d'entendre des rumeurs s'élever, mais des rumeurs bien différentes des petits racontars et complots qui hantaient ces rues depuis des lustres: aujourd'hui, cela était comme le souffle grave et profond d'une puissante créature forte comme le plus fou des espoirs qui s'éveille après un interminable sommeil. Apparemment, bien que les marchands et autres passants n'aient rien rapporté aux gardes de la ville, ils n'avaient pas manqué de rapporter ce qu'ils avaient vu aujourd'hui à leurs voisins et amis, et comme le vent dans le moindre interstice des portes et des fenêtres, l'histoire s'était répandu partout en ville, suscitant cette vois nouvelle qui s'éveillait.
"C'étaient des Nains, je vous dis, rapportait une marchande à des pêcheurs en portant ses paniers. De longues barbes, des yeux féroces... Je n'en avais jamais vu de pareils.
-Qu'est-ce que des Nains viennent faire par ici? était naturellement la question que tous s'étaient immédiatement posée, avant que la réponse ne viennent enflammer toutes les bouches.
-C'est la prophétie! disait-on. La prophétie des gens de Durin.
-Les récits disaient donc vrai?
-De grandes salles remplies de trésor: de l'argent, de l'or et des pierres à profusion... Vous imaginez?
-Vous croyez que c'est vrai? Le seigneur des fontaines d'argent est de retour?"
Entendant cela, Bard sentit son cœur battre encore plus fort, comme un tambour roulant sous un ciel nuageux. Il accéléra, de plus en plus avide d'atteindre la réponse.
Ce que personne ne remarquait, était la silhouette encapuchonnée et enveloppée d'une longue cape noire qui marchait silencieusement, tête baissée, rasant les murs, écoutant et retenant tout ce qui se disait...
Enfin, Bard arriva à son but. Il arrêta sa course devant une vieille bicoque dont le bois grisâtre semblait s'émietter toujours un peu plus chaque jour, et qui portait une enseigne tâchée de guano: "Chez Dómaron, lingeries, tissus et rideaux".
Le batelier entra, reprenant son souffle, et se trouva dans une petite boutique éclairée par la lueur orangée de quelques lanternes, où sur les nombreuses étagères étaient posées, pliées ou accrochés de grands pans de tissu colorés, quelques dentelles plus ou moins réussies, des étoffes plus épaisses et plus chaudes et de nombreux rouleaux de fils de toutes les couleurs souhaitées.
"Bonjour Bard, dit la voix de Dómaron, propriétaire de la boutique, assis derrière un petit comptoir en enroulant nonchalamment un long fil bleu autour de son doigt. Qu'est-ce qu'il te faut?
-Tu avais une tapisserie très ancienne... répondit précipitamment le batelier en contrariant le calme admirable dans lequel se trouvait le marchand. Où est-elle?
-De quelle tapisserie parles-tu?"
Mais Bard ne répondit pas et se précipita vers les étagères, soulevant chaque drap, regardant dans chaque tiroir, dépliant chaque rideau sous le regard déconcerté et non peu désapprobateur du marchand, jusqu'à ce qu'enfin il trouve ce pour quoi il était venu. Tout en dessous d'une pile de vieilles tapisseries poussiéreuses, il en trouva une, tissée de fils d'un bleu azur encore éclatant malgré l'âge et mêlés de fils dorés et cuivrés qui n'avait que peu perdu de leur éclat. Il s'en saisit et la déplia sur le rebord de l'étagère: elle était grande et aurait pu recouvrir un mur tout entier, de longues et élégantes tresses de fils dorés, argentés et pourpres ornaient ses côtés. Mai ce qui intéressait Bard était ce qu'elle représentait.
Dans les coins étaient plusieurs animaux symboliques des légendes de ces régions: un corbeau dépliant une aile, un sanglier, un bélier et un ours rugissant. Au milieu de la partie supérieure était une enclume sur laquelle venait frapper un lourd marteau: le symbole unique de toutes les maisons de Durin à travers le monde. Et enfin, recouvrant la majorité de la tapisserie, tressé d'or et de noir de geai, était un immense arbre de filiation s'embranchant sur le fond d'azur en rameaux de plus en plus fleuris par les noms légendaires des nombreux et prospères descendants de Durin, premier du nom.
Avec un souffle lent, presque coupé, et des mains fébriles, Bard suivit les lignes de descendance jusqu'à ce qu'il tombe sur le mythique nom de Thror, Roi bien célèbre sous la Montagne avant que Smaug ne s'en empare. Hélas, il devait être mort depuis toutes ces années. Mais l'arbre ne s'arrêtait pas là: en poursuivant la ligne du doigt, tremblant toujours plus, Bard trouva Thraïn, le fils de Thror, et enfin, dernier membre de la lignée... Thorin.
Le batelier sentit comme un énorme coup sourd de tambour résonner dans ses oreilles: ainsi c'était bien lui. Le portrait tressé sur la tapisserie montrait un visage encadré d'une barbe et de longs cheveux noirs comme le merle: le même visage que le Nain qu'il avait accueilli chez lui. Il n'arrivait pas à y croire... Il chancela et se rattrapa de justesse à l'étagère. Il respirait bruyamment, son cœur battait tant que l'on pouvait l'entendre à l'extérieur. Tout semblait vaciller autour de lui: ainsi cela était arrivé... Etait-ce bien possible? Tout cela n'était-il qu'un rêve, le fantôme d'un lointain mythe qui avait toujours donné un peu d'espoir aux cœurs sombres des gens du Lac? Non, tout cela était bien vrai, les rumeurs de plus en plus fortes qui émanaient à présent de chaque coin de rue n'étaient pas une illusion: Bard les entendait bel et bien, pleines d'une exaltation nouvelle et d'un feu qui se rallumait peu à peu.
Mais Bard, lui, n'était pas réjoui par cette nouvelle: car il comprenait à présent quel était le but réel de ces Nains, leur véritable intention, et il sentait avec horreur ce que cela risquait de déclencher.
Alors, sans dire un mot au marchand, il repartit en courant dans l'autre sens: il cherchait cette fois à retourner chez lui le plus rapidement possible, il devait raisonner ces Nains, les dissuader d'entreprendre ce qu'ils voulaient faire, bien qu'il comprenait bien sûr leur désir de regagner ce qu'ils avaient perdu.
Et alors qu'il courait, dans les derniers rayons du Soleil s'élevait à présent des chants et des refrains, anciennes paroles de la fameuse prophétie... La prophétie des gens de Durin.
"Le seigneur des fontaines d'argent,
Le roi de la pierre taillée,
Le Roi sous la Montagne,
Son bien va récupérer.
Sa noble couronne sera brandie,
Ses harpes de nouveau chanteront,
Ses salles dorées au clair écho
Des chants de jadis résonneront,
L'herbe ondoiera sous le Soleil
Et les forêts sur les monts,
Sa richesse coulera en fontaines
Et les rivières d'or s'empliront,
Les cours couleront dans l'allégresse,
Le Lac scintillera et brûlera,
Disparaîtront peine et tristesse
Lorsque le Roi s'en reviendra."
Le cœur de Bard battait à tout rompre: il courait sans jamais ralentir vers sa demeure. Bientôt, alors que le Soleil était à présent couché et que les premières étoiles apparaissaient dans le ciel telles de pâle gouttes de rosée survivant encore au gel de l'hiver, il arriva au pied de son vieil escalier de bois, monta les marches quatre à quatre, ouvrit précipitamment la porte et se rua à l'intérieur de sa maison. Mais il s'arrêta brusquement en trouvant la salle presque vide de toute vie, avec seuls quelques draps prêtés aux compagnons pliés et reposés sur la table ou les chaises, et ses trois enfants réunis dans un coin obscur, semblant tenir conseil avec des airs anxieux. Dès que leur père fut entré en trombes, ils se tournèrent tous vers lui, et tous quatre se regardèrent alors quelques instants, l'un demandant des réponses, les autres hésitant à les donner.
Finalement, après un moment d'hésitation, Baïn s'avança vers son père et avoua d'un demi ton:
"Papa, j'ai essayé de les retenir, mais...
-Sont-ils partis depuis longtemps? le coupa brusquement son père, qui n'avait même pas pris la peine de récupérer son souffle.
-Eh bien, balbutia Baïn qui semblait totalement déconcerté par l'empressement de son père, cela doit bien faire une trentaine de minutes."
Les yeux de Bard affichèrent alors un air découragé, et il se laissa tomber de dépit sur un vieux tabouret qui grinça sous son poids. Puis il se prit le front dans les mains:
"Trente minutes... Murmura-t-il. En trente minutes ils ont certainement eu le temps d'aller loin, même en rampant et en se cachant pour ne pas être vus. Comment pourrais-je les retrouver?
-Mais que se passe-t-il à la fin? Demanda Sigrid en s'avançant à son tour. Qui étaient ces gens? Que faisaient-ils dans ces régions? Et pourquoi te soucies-tu tant d'eux?"
Bard ne répondit pas tout de suite. Il était terrassé par le flot roulant et grondant de pensées qui se bousculaient dans son esprit: il ne pouvait rester assis sans rien faire. Il devait retrouver ces Nains et les convaincre de ne point aller vers la Montagne, car les conséquences pourraient être désastreuses. Alors il se releva lentement, retrouvant un peu de sa détermination, et regarda droit devant lui.
"Tu sauras cela plus tard Sigrid, dit-il. L'heure n'est pas aux longues paroles: le temps est contre nous. Surtout restez bien ici, attendez-moi: je vais tenter de retrouver ces voyageurs, coûte que coûte."
Sans un mot de plus, il sortit de nouveau de la maison à vive allure. Mais ses enfants, eux, étaient emplis de mille mots de questionnements qui brûlaient de franchir leurs lèvres.
Dans les rues obscures, au-dessus desquelles s'étendait le ciel noir et étoilé de la dernière nuit d'automne, le silence avait fini par se faire. Les gens étaient presque tous rentrés chez eux, avaient remballé leurs marchandises et plié leurs étalages. Par certaines fenêtres, on voyait encore vaciller les lueurs orangées des chandelles, mais celles-ci ne tarderaient plus à s'éteindre pour la nuit. Seules quelques silhouettes vêtues de lourdes capes sombres vagabondaient encore ça et là, accompagnées parfois de quelques chiens errants. En revanche, le lourd pas des sentinelles de garde se faisait régulièrement entendre.
Ceux-ci avançaient presque toujours par deux, pertuisanes à la main, sillonnant les rues pour dénicher quelques malfrats ou quelque brigandage de quartier.
Et c'était de ces gardes que se cachaient avec prudence les compagnons de Thorin. Depuis une bonne trentaine de minutes à présent, ceux-ci avançaient à quatre pattes, rasant les murs, se dissimulant derrière le moindre caisson de bois ou derrière la moindre barque retournée sur les quais. Leur route était d'autant plus risquée qu'ils ne savaient exactement où ils allaient: ils cherchaient l'armurerie, mais ignoraient où elle se trouvait précisément. Ils avançaient simplement vers le centre de la ville, car celle-ci devait être proche des bâtiments importants.
Et, par chance, après presque une heure de déambulation hasardeuse et d'avancée à croupis sans faire le moindre bruit, ils finirent en effet par apercevoir plus loin une enseigne qui indiquait l'armurerie. Dissimulés derrière une vieille barque, ils restèrent quelques instants à regarder la sombre bâtisse se dresser sous les rayons de la Lune qui entamait le dévoilage de sa deuxième moitié.
Puis Thorin se tourna vers ses compagnons, et tous se rassemblèrent en cercle afin d'élaborer le plan qui leur permettrait d'obtenir les armes dont ils avaient besoin.
Lorsque tout fut enfin mis au point, le chef de la compagnie se tourna de nouveau vers l'armurerie et, après une profonde inspiration, déclara:
"Très bien, tâchons de ne pas nous faire repérer. Dès que nous avons les armes, nous filons vers la Montagne."
Elsa retint alors son souffle: elle était quelque peu réticente à l'idée de voler les biens de cette ville, mais ils avaient besoin de ces armes pour terminer leur voyage, et s'ils menaient leur mission à bien, ces terres seraient enfin libérées de l'ombre du dragon, et les gens du Bourg pourraient de nouveau vivre en paix dans la grande et prospère ville de Däle. Cela était donc un mal pour un grand bien.
Mais même en se rassurant de la sorte, la jeune femme ne pouvait s'empêcher de sentir quelque chose remuer au plus profond d'elle-même: ainsi, après tous ces longs mois de voyage et d'épreuves, à marcher sans relâche droit vers l'horizon, ils arrivaient à la dernière étape avant le terme de leur voyage. Elle repensait au jour où elle avait couru dans les bois pour aller secourir les Nains des griffes des trois Trolls, et avait accepté de les aider dans leur quête. En ce jour, la fin du voyage lui paraissait encore si lointaine que jamais elle n'aurait pensé l'atteindre... Et pourtant elle y était presque aujourd'hui. Presque à la Montagne Solitaire... Presque devant les flammes de Smaug... Son visage devint livide à cette pensée, et un frisson lui parcourut tout le corps. Mais elle devait se ressaisir: elle savait depuis le début ce qu'elle aurait à affronter au bout de ce long périple, elle n'avait pas le droit de reculer maintenant.
Surmontant leur appréhension, tous se glissèrent donc jusque sous l'ombre des murs du grand bâtiment. Ils ne tardèrent pas à trouver une fenêtre qui ne devrait opposer que peu de résistance. Le problème était sa hauteur trop importante. Elsa aurait bien sûr pu en quelques instants faire surgir un escalier de glace, mais ce qui primait à présent était la discrétion: mieux valait donc utiliser aussi peu que possible sa magie.
Suivant le plan convenu plus tôt, plusieurs des membres de la compagnie allèrent donc se placer sous la fenêtre, mains et genoux en terre, dos solide, l'un montant sur le deuxième, puis deux autres sur le troisième, formant ainsi un genre d'escalier humain. Elsa faisait office de 'première marche', jugeant qu'il valait mieux laisser le soin de se glisser par la fenêtre à plus petit qu'elle.
L'ouverture discrète de la fenêtre était une tâche qui revenait au cambrioleur de la compagnie: Bilbon grimpa donc le premier sur ses compagnons, et à ce moment, il ne put s'empêcher de penser:
'Une corde aurait été bien utile et plus adaptée. Plusieurs fois déjà depuis le début de ce voyage j'ai regretté de ne pas en avoir emporté avec moi. Rhâ! Quel imbécile je suis! S'il y a une chose que ma mère m'a apprise dans mon éducation de Sacquet, c'est pourtant bien de ne jamais s'engager dans quelqu'aventure que ce soit sans corde.'
Mais il ravala ses pensées: il n'avait pas le temps de se lamenter. Lorsqu'il se trouva devant le carreau, la jeune femme fit apparaître dans sa main un pied de biche tout en glace que ses compagnons firent parvenir jusqu'au Hobbit. Celui-ci plaça l'embout recourbé dans le maigre interstice entre le cadre du vitrail et le bois du mur. Puis, avec toute l'aisance et l'habileté qu'il avait en lui, appliqua la juste bonne pression sur la barre pour que la fenêtre finisse par céder et s'ouvrir sans presque aucun bruit, mis à part un léger grincement, inaudible à plus de dix mètres.
Il se glissa donc tout en silence dans l'armurerie par l'entrée dérobée, et bientôt les sept compagnons restant le suivirent un par un. Une fois que tous furent entrés, Elsa, Fili, Dori et tous ceux ayant servi d'escalier attendirent avec appréhension dans un silence pesant.
A l'intérieur, Thorin, Bilbon et les autres prirent quelques secondes pour s'habituer à l'obscurité. Lorsqu'enfin ils parvinrent à discerner les lieux, ils virent qu'ils se trouvaient à l'étage, un large escalier descendant un peu plus loin jusque dans la grande entrée de la bâtisse. Du plafond pendaient quelques lanternes à huile, toutes éteintes cependant. Mais avec les quelques rayons de Lune pénétrant par la fenêtre ouverte, les camarades distinguèrent un peu partout dans la pièce, rangés dans des étagères, accrochés aux murs ou entreposés sur de longs buffets, des armes et des outils forgés de main experte, dont une partie devait provenir du royaume de Vertbois: des épées à la poignée de cuir brun ou pourpre aux reflets luisants et à la lame longue, brillante, immaculée et aiguë, des haches aux formes complexes et élégantes mais robustes, aussi bien que des marteaux de combat, de javelots et des dagues. Après avoir contemplé durant quelques instants les nombreux outils de bataille, ils décidèrent d'en prendre autant que possible, car tout ce qu'il possédaient d'armures ou de quelconque protection leur avait été enlevé durant leur séjour dans les geôles du roi Thranduil, ils devaient donc pouvoir se défendre au mieux, sans compter le fait qu'ils devaient aussi trouver des armes à leurs compagnons restés dehors. Et surtout, contre l'adversaire qui les attendaient là où ils allaient, tout était bon à prendre.
S'avançant donc sur la pointe des pieds, les Nains faisant de leur mieux pour être aussi silencieux que le Hobbit, bien que leurs pas fussent naturellement lourds, ils inspectèrent rapidement chaque arme avant de choisir celles qui leur convenaient le mieux. Ils se saisirent d'épées, de haches et de marteaux autant qu'ils purent, toujours priant pour que personne ne les entende, dressant l'oreille au moindre craquement, au moindre souffle de vent qui se faisait entendre. Bientôt, lorsqu'ils ne purent plus rien emporter, ils décidèrent qu'il était temps de partir.
Thorin se saisit tout de même d'un dernier javelot, mais ayant les bras déjà bien trop chargés, il le confia à la première personne qui passa près de lui. C'était son neveu Kili, qui avait également les bras lourdement lestés, et lorsque Thorin remarqua son teint affreusement pâle, sa respiration difficile et son pas boitillant, il fut pris d'une soudaine angoisse et hésita à lui ajouter ce poids.
"Kili, tout va bien? Demanda-t-il, inquiet.
-Oui, répondit le jeune Nain qui ne voulait toujours pas croire en sa faiblesse ni en sa blessure, oui, je vais aller."
Hésitant toujours, Thorin finit tout de même par déposer l'arme dans les bras de son neveu, car le temps pressait. Après lui avoir jeté un dernier regard concerné, il lança dans un murmure:
"Allons-y, ne trainons pas!"
Tous se dirigèrent alors vers les escaliers afin de sortir par la porte principale, qui devait être aisément déverrouillable de l'intérieur: ils ne pouvait redescendre par la fenêtre avec tous ces outils en main, et ils avaient bien vu avant d'entrer que la porte n'étai pas gardée.
Tout se déroulait comme prévu, ils avaient presque atteint leur but, mais hélas... Lorsque Kili posa le pied de sa jambe malade sur l'une des dernières marches, sous le poids de tous les outils qu'il portait, son genou blessé vacilla et une douleur aiguë et mordant lui traversa tout le corps. Il poussa un cri de douleur incontrôlable et s'écroula sus le poids de la souffrance: toutes ses armes tombèrent et rebondirent sur les marches en sonnant et cliquetant dans un vacarme épouvantable, et le jeune Nain eut de la chance de ne pas se blesser en dévalant les dernières marches.
Affolés, son oncle et les autres se précipitèrent vers lui. Ils furent soulagés de voir qu'il ne s'était pas blessé une nouvelle fois, mais ce maigre soulagement ne fut rien par rapport à l'horreur qui les saisit lorsqu'ils entendirent les voix de gardes passant dans une rue toute proche s'écrier:
"Hey! Qu'est-ce que ceci? Qui va là?
-Ca venait de l'armurerie! Quelqu'un s'y est introduit! Vite!"
Des pas résonnèrent alors, se rapprochant inexorablement. Parvenant à échapper à leur horreur, les compagnons se saisirent aussitôt des armes qu'ils emportaient et se relevèrent, tentant d'être aussi vigoureux sur leurs jambes que possible. Mais il était trop tard: à peine furent-ils debout qu'ils se trouvèrent face aux gardes qui venaient d'entrer en trombes par la grande porte, pointant droit sur leurs gorges leur longues lances pointues et tranchantes.
Les camarades comprirent bien vite qu'ils avaient perdu: chacun avait le tranchant d'un fer de lance posé sur la peau de sa gorge, prêt à donner son coup fatal, tandis qu'ils ne pointaient que des épées bien trop courtes pour atteindre les gardes.
Et les compagnons restés dehors furent également pris: une autre patrouille de garde, alertée par les cris, était accourue. Ils avaient tenté de s'enfuir mais s'étaient bien vite retrouvés piégés. Ils ne pouvaient rien faire: au moindre geste, leur gorge serait tranchée. Ils avaient échoué, et étaient pris au piège.
Dans la maison du Maître, l'heure n'était pas au sommeil: les esprits étaient perturbés et alertes.
Le seigneur Galnor était derrière son large bureau, pesant et sous-pesant sur une balance nombre de piles et de sacs de pièces, prenant note sur de longs parchemins de l'état des comptes de la Ville. Mais c'était tout autre chose qui le perturbait: des nouvelles apportées par Alfrid, qui jouait également le rôle de son espion, et avait erré tout le soir dans les rues, encapuchonné, à l'affût des moindres paroles suspectes qui dissimuleraient quelque chose sur les pensées cachées des villageois. Le conseiller venait de raconter à son maître tout ce qu'il avait entendu ce soir là, et jamais encore de telles choses n'étaient parvenues jusqu'aux oreilles du Maître.
"Prophétie? s'étonna ce dernier avec un air déconcerté et légèrement méfiant. Qui a déterré ces vieilles sornettes?
-Le peuple Messire, répondit Alfrid qui regardait depuis le balcon les toits endormis de la Ville sous le ciel parsemé de nuages dissimulant les étoiles. Les gens étaient dans les rues il y a peu et les voix s'élevaient: elles disaient qu'un roi serait de retour dans la Montagne Solitaire et que les rivières charrieraient à nouveau de l'or.
-Des rivières d'or? répéta le Maître, de plus en plus dérouté. Fadaises! Foutaises! Rien ne sera plus jamais de la sorte: autrefois, peut-être, le monde était-il merveilleux dans tous ses recoins. Aujourd'hui tout cela est loin, nos ancêtres de Däle en soient témoins. Désormais tout n'est que froideur de pensées et d'actes pour déterminer qui survivra, et qui dépérira.
-Comme vous dites Messire, approuva le conseiller en se retournant vers le seigneur Galnor, cela fait bien longtemps que la richesse et la prospérité ont quitté ces terres. Mais les gens croient ce qu'ils ont envie de croire, la lumière que l'on croit voir briller au loin et que l'on espère pouvoir approcher est souvent plus radieuse que celle de la chandelle froide que l'on tient dans sa main. Plus que de les assurer que de tels contes pour enfants deviendront réalité, je crois que ces vieilles histoires leur donnent de l'espoir."
Le Maître s'arrêta alors d'écrire ou de manipuler quelque pièce que ce fût. Il leva des yeux embrumés et contempla les sombres recoins de ses quartiers, au bois terne tristement éclairé par la blafarde lueur des chandeliers. C'était là que les gens du Nord vivaient depuis d'innombrables décennies, et il se demanda ce que l'on pouvait bien espérer devant cela.
"C'est là un bien triste espoir qui les anime... Murmura-t-il entre ses lèvre."
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 29 Avr 2016, 23:38
Chapitre 15 (partie 2):
Tous deux étaient bien loin de se douter qu'en cet instant marchait droit vers eux l'image tant souhaitée, l'incarnation véritable de cette vieille prophétie. Mais dans quel état...
Elsa et ses compagnons étaient poussés, bousculés, traînés par les gardes qui les encerclaient, les tenant par les manches, les serrant aux bras ou les empoignant au col.
"Lâchez-moi! protestaient régulièrement les compagnons. Vous me faites mal! Vous ne comprenez pas..."
Mais les gardes ne voulaient rien entendre: ils continuaient de mener leurs prisonniers droit vers la maison du Maître, gardant leur regard froid, stoïque et inébranlable fixé droit devant eux.
"Avancez! lançaient-ils."
Réveillés par le raffut des pas lourds, pressés ou se débattant et des voix protestant ou grondant, les villageois rallumèrent peu à peu leurs lumières et passèrent leurs têtes par les fenêtres, vinrent aux balcons ou sortirent sur le pas de leur porte en robe de nuit pour voir quelle était la cause de vacarme.
Voyant les gardes traîner un si étrange groupe de Nains et d'une jeune femme pauvrement vêtus, tous furent interloqués et devinrent immédiatement méfiants, lançant des regards louches aux compagnons.
Sentant tous ces regards réprobateurs fixés sur elle, ne pouvant les éviter tant ils l'encerclaient, Elsa sentit un grand malaise monter en elle. Qu'allait-il leur arriver à présent? Ils finiraient donc bel et bien leur voyage dans les geôles croupies d'Esgaroth? Tout échouerait misérablement si près du but? La férocité des gardes était angoissante et ne laissait rien présager de bon. Il était inutile pour les Nains ou le Hobbit de lutter: ils ne pouvaient rien contre les costauds Hommes en armures, armés de lances. Elsa savait au fond d'elle qu'elle pourrait se défendre, mais en l'instant elle s'en entait incapable, et elle n'allait tout de même pas ravager la ville qui était le seul refuge de toutes ces pauvres gens.
Elle ne pouvait rien faire que se laisser tirer, impuissante, vers les sombres tribunaux du Maître, qui n'auraient certainement aucune pitié de Nains étrangers, et encore moins d'une "sorcière" comme elle. Elle voyait déjà les froids barreaux de sa cellule rayer sauvagement sa vision et les menottes de fer enserrer douloureusement ses poignets, les enchaîner aux murs. Elle vit que Thorin, et tous les autres, affichaient des airs paniqués, semblant tout aussi désespérés qu'elle. Que pouvaient-ils faire? Mais que pouvaient-ils faire?
Bientôt, alors que tout le monde ou presque était sorti dans la rue et suivait à présent la troupe des gardes, bien trop curieux, ils arrivèrent enfin devant la grande demeure du Maître de la Ville. Les gardes cessèrent leur marche pesante et cadencée, mais ne lâchèrent pas les compagnons pour autant, les maintenant en place en les serrant plus fort que jamais. Tous les villageois s'attroupèrent autour d'eux: ainsi la grand' place devant la maison du seigneur Galnor débordait elle d'âmes terrifiées, intriguées, méfiantes, démunies, fascinées et non moins coléreuses.
La lumière rougeâtre et agitée des torches projetaient sur chaque visage son impression d'ardeur, de colère et d'autant de sentiments bouillonnants, tandis que les murmures et les voix grondaient dan la foule: personne ne quittait des yeux les étranges compagnons.
Elsa respirait difficilement: depuis un moment déjà, des flocons tombaient du ciel, mais heureusement personne n'y prêtait attention, pensant qu'il s'agissait simplement des premières neiges de l'hiver.
Après que Bragga, le chef des gardes, eût appelé plusieurs fois le Maître de sa voix grave et intimidante, Les grandes portes e bois s'ouvrirent enfin, et messire Galnor sortit dans un grand manteau de fourrure claire, suivi de près par son conseiller Alfrid, toujours vêtu de noir. Tous deux s'arrêtèrent sur le grand perron, en haut des marches qui menaient aux portes, et regardaient la foule avec des yeux ronds.
"Mais quelle est donc la raison de ce raffut? Demanda le Maître d'une voix forte, cherchant à couvrir le vacarme qui cessa alors soudain.
-Nous avons trouvés ces Nains et cette femme dans l'armurerie, messire, expliqua Bragga et pointant du doigt les sujets. Ils s'étaient introduits par une fenêtres et étaient en train de voler nombre d'armes, comptant s'enfuir on ne sait où avec.
-Ah! Ennemis de l'Etat... Maugréa Galnor en regardant les compagnons d'un air mauvais et accusateur. Que comptiez-vous faire avec ces armes? Et qui êtes-vous donc?
-Sans doute comptait-ils les revendre à quelques bandits qui fomentent on ne sait quelle immondice dans les sombres coins de ces régions, subodora Alfrid de sa voix sournoise et insidieuse. Une bande mercenaires prêts à tout, voilà ce qu'ils sont messire."
Les jambes d'Elsa tremblaient: si le Maître était déjà persuadé de leur culpabilité, ils étaient fichus. Mais soudain, Dwalin qui bouillonnait depuis le début, et à qui la fatalité d'un enfermement à vie était insupportable, fut pris d'un élan de rage et, se libérant de l'emprise du garde, s'avança d'un pas.
"Taisez-vous donc! lança-t-il d'une voix féroce. Vous ne savez pas à qui vous parlez... Ce n'est pas un vulgaire criminel."
Le Maître haussa les sourcils, dérouté par l'audace de ce brigand de Nain, et également intrigué par ses paroles.
Dwalin se retourna alors vers Thorin, et tous ses amis comprirent qu'il s'apprêtait à révéler la vérité. Ils surent alors que toute chance de passer inaperçus serait perdue, mais cela était la dernière chose à faire s'ils voulaient éviter de finir leurs jours dans le noir. Le guerrier tatoué désigna donc le chef de la compagnie et, d'une voix forte et fière, déclara:
"Il s'agit de Thorin, fils de Thraïn, fils de Thror!"
A ces mots, un silence véritablement lourd et très étrange s'abattit durant quelques secondes, mais immédiatement après des murmures s'élevèrent de tous côtés, tandis que tout le monde, y compris les gardes et le Maître, fixait Thorin avec de grands yeux ébahis.
Alors, l'héritier du trône s'avança sous les regards fiers de ses amis, et leva la tête dans un air extrêmement solennel, ses yeux brillant de leur teint bleu acier et ses cheveux flottant quelque peu dans la légère brise.
"Nous sommes les Nains d'Erebor, déclara-t-il à l'adresse du seigneur Galnor. Nous sommes venus pour reprendre notre terre."
Alors tous restèrent bouches-bées, comme si chacun venait de voir son rêve le plus fou, le plus inimaginable devenir réalité devant ses yeux: grands et petits, vieux et jeunes, gras et maigres, chauves et touffus... Tous fixaient les compagnons et surtout Thorin avec plu de passions sur leurs visages en un soir que dans toute leur vie jusqu'à présent.
Se retournant vers les villageois, Thorin reprit de sa voix chaude et entraînante:
"Je me souviens de la ville des Hommes à sa grande époque: des flottes de navires arrivaient au port près des bouches de la Rivière Courante, chargées de soieries et de pierres précieuses... Ce n'était pas une ville en déserrance: c'était Däle, le centre de tout le commerce du Nord, lieu de rencontre de tous les peuples où la lignée des rois prospérait. Je veux voir cette époque revenir, je veux rallumer les grandes forges des Nains ainsi que la flamme de la vie dans le cœur de chacun d'entre vous, et voir les richesses couler de nouveau à flots des grandes salles d'Erebor!"
A l'entente de ces paroles pleines d'espoir pour l'avenir et de sa voix puissante qui, déjà, animait une chaleur depuis longtemps endormie dans leurs cœurs, tous, gardes e villageois, lancèrent des acclamations sans fin, applaudirent allègrement et leurs yeux brillaient d'une joie plus intenses que tout ce qu'on avait pu y voir depuis des années.
Elsa remarqua les regards fiers et admiratifs que posaient Fili et Kili sur leur oncle, ainsi que Balin et Dwalin, et elle ne put s'empêcher de ressentir la même chose et de faire de même. Le Maître semblait suivre l'enthousiasme de la foule, et Elsa en fut soulagée: ils avaient donc finalement une chance de mener leur quête à bien.
Mais soudain, un cri retentit, comme une flèche de désolation perçant les grands voiles du bonheur, mettant fin à toute acclamation et ramenant un silence glacial dans la foule.
"La mort! C'est tout ce que vous nous apporterez."
Tous les regards se tournèrent alors vers l'homme qui s'avançait à travers la foule, d'un pas empressé. Elsa et tous ses amis le reconnurent aussitôt: c'était Bard, le batelier qui les avait accueillis et permis d'entrer dans la ville. Mais si, au bout d'un certain temps, il avait fini par se montrer un tant soit peu confiant et chaleureux envers eux, à présent une expression extrêmement grave et presque affolée crispait son visage. Thorin le dévisagea, interloqué, et le batelier ne lâcha pas non lus des yeux. Il s'avança d'ailleurs jusque devant le roi Nain, au pied des marches, sous les regards méprisants et désapprobateurs d'Alfrid et de Galnor.
"Le feu du dragon et ses ravages, reprit-il, toujours aussi grave. Voilà ce qui découlera des grandes salles si vous pénétrez dans Erebor. Si vous réveillez cette bête, elle nous détruira tous.
-Vous pouvez écouter ce dénigreur, répondit alors Thorin qui semblait extrêmement offensé de la véhémence du batelier, mais je vous promets une chose: si nous réussissons, chacun aura sa part des richesses, vous aurez assez d'or pour rebâtir Däle au moins dix fois!"
Aces mots, une nouvelle vague d'acclamations s'éleva, plus intense encore que la précédente. Le Maître regardait les villageois crier leur bonheur, et voir tant d'enthousiasme et de passion briller tout autour de lui lui faisait presque chaud au cœur: il ne pouvait d'ailleurs s'empêcher de ressentir un peu de jalousie envers Thorin, car jamais lui-même n'avait suscité un tel amour parmi les foules. Mais soudain, ramenant de nouveau le silence:
"Pourquoi devrions-nous vous croire, mh? Demanda le froid et pernicieux Alfrid qui, lui, n'avait jamais abandonné son air réticent face à l'étrange compagnie des voyageurs. Nous ne savons rien de vous... Qui peut répondre de vous ici?"
Les villageois demeurèrent alors dans un silence de mort. Thorin sembla alors dans une grande détresse, cherchant désespérément du regard le moindre soutien, qui jamais ne venait. Elsa s'apprêta alors s'avancer pour témoigner en faveur de son ami, mais elle fut devancée par...
"Moi! Lança Bilbon en s'avançant de trois pas."
Tous les regards se posèrent alors sur lui, et nombre de murmures étonnés se firent entendre. Personne ne l'avait remarqué jusqu'à présent. C'était certainement la première fois que les gens d'Esgaroth voyaient un Semi-Homme, et cette vision ne manquait pas de les effarer. Mais Bilbon ignora tous ces murmures, et continua de parler d'une voix forte pour se faire entendre.
"Je réponds de lui. J'ai fait un très long voyage, un voyage périlleux en compagnie de ces Nains pour arriver jusqu'ici: j'ai appris à les connaître, à savoir qui ils sont, de quoi ils sont capables, jusqu'où va leur sens de l'honneur... Et je puis vous dire que si Thorin Ecu de chêne fait une promesse, il la tiendra."
Thorin regarda alors le Hobbit avec un sourire discret mais si reconnaissant et une infinie tendresse pour son ami dans le regard. Regard que M. Sacquet lui rendit, et tous deux restèrent ainsi à se regarder quelques instants. Elsa regardait également Bilbon d'un air attendri et presque fier, se sentant si soulagée pour Thorin, tandis que les villageois s'exprimaient de nouveau:
"C'est un descendant des lignées des Longues Barbes, disaient-ils, digne de respect et de confiance. C'est le roi qui revient pour tuer le grand Serpent, chasser l'ombre de ses ailes de mort et ramener la paix et l'abondance: saluons-le et acclamons-le! Oui, aidons-le, lui et tous ses amis, à accomplir la prophétie!
-Vous tous, écoutez-moi! Lança de nouveau Bard, interrompant les ovations qui commençaient à monter. Il faut m'écouter! Avez-vous oublié ce qui a frappé nos ancêtres à Däle? Avez-vous oublié ceux qui ont péri dans la tempête de feu? Et à cause de quoi? De l'ambition aveugle d'un roi de la Montagne, tellement cupide qu'il ne voyait pas plus loin que son tas d'or."
Un silence pesant se fit. Thorin lança un regard glacial à Bard, mais ne dit rien et resta discret, car cette peur enfouie en lui qui le rongeait depuis toujours, cette peur de la folie qui menaçait sa lignée, de la Maladie du Dragon qui avait frappé son grand-père, et qui pourrait le prendre lui aussi, li intimait que le batelier n'avait pas tort. Mais le seigneur Galnor intervint alors:
"Allons, allons! Evitons, nous tous ici, les jugements un peu trop hâtifs."
Alors, d'un air accusateur, presque menaçant, il pointa Bard du doigt, et déclara:
"N'oublions pas que c'est Girion, seigneur de Däle, votre propre ancêtre, qui n'a pas réussi à tuer la bête!"
En entendant ces mots, tous les compagnons, y compris Thorin, se figèrent sur place et regardèrent Bard avec des yeux exorbités: le seigneur Girion... Son ancêtre? Mais alors... Cet humble batelier qui les avait accueilli dans sa pauvre demeure était un descendant de la lignée des rois? Elsa n'arrivait pas y croire... Mais d'un côté, cela lui rappela que ses propres amis, mis à part Bilbon, ignoraient aussi quel était son statut au royaume d'Arendelle.
"C'est vrai messire, reprit alors Alfrid en fixant Bard de son regard perçant, tout le monde connaît cette histoire. Il a tiré flèche après flèche, et à chaque fois il a raté son coup."
Elsa vit certains villageois hocher cyniquement la tête, approuvant les dires du Maître et de son second. Bard, lui, gardait les yeux baissés: à son air tout bonnement résigné, la jeune femme comprit qu'il devait être habitué à ce qu'on le renvoie à cette faille dans la lignée de ses ancêtres. Mais, serrant les poings et reprenant un peu d'assurance, le batelier redressa la tête et s'avança juste en face de Thorin. S'il ne pouvait convaincre les villageois, il convaincrait le roi des Nains, seul à seul.
"Vous n'avez pas le droit... Murmura-t-il en se faisant le plus persuasif possible. Pas le droit d'entrer dans cette Montagne.
-J'en ai le droit exclusif, répondit le Nain d'un air et d'un ton plus déterminés encore."
Alors il se tourna, et monta quelques marches.
"Je m'adresse au Maître des Hommes d'Esgaroth, dit-il, extrêmement solennel. Voulez-vous voir la prophétie s'accomplir? Voulez-vous partager les immenses richesses de notre peuple?"
L'intéressé fixa un moment le roi des Nains, puis porta son regard sur les foules, pendues à ses lèvres, et, prenant enfin sa décision, déclara:
"Je vous dis solennellement..."
Elsa serra les lèvres.
"... Bienvenue! Cria-t-il en ouvrant grand les bras. Bienvenue et encore bienvenue, Roi sous la Montagne!"
Alors tous les villageois levèrent haut des les bras en criant, chantant, acclamant et scandant le nom du petit-fils de Thror. Plus aucune voix ne pouvait couvrir ce torrent d'exaltation, d'ovations et de joie débordant en chaudes larmes, contenues depuis trop longtemps.
Alors, Bard comprit qu'il avait perdu: il avait essayé par tous les moyens de dissuader les Nains de pénétrer dans la Montagne, mais il n'y avait rien à faire. Ils avaient voyagé depuis trop longtemps pour renoncer maintenant, et ils avaient tout le monde de leur côté dans le Bourg. Il baissa les yeux et se détourna, morose.
Les villageois, eux, emportés par leur bonheur, attrapèrent les compagnons et les soulevèrent en héros au-dessus d'eux. Ceux-ci n'étaient cependant pas très à l'aise, car ils n'oubliaient pas que leur plan était au départ de passer inaperçus. Mais personne ne semblait décider à les laisser aller ce soir là:
"Ce soir, la Maison du Maître accueillera les héros de la prophétie des Gens de Durin! Déclara Galnor en ouvrant grand les portes de sa demeure et invitant tout le monde à l'y suivre."
Malgré les protestations un peu gênées des compagnons, les villageois les entraînèrent jusque dans la grande salle de réception et s'y engouffrèrent à leur suite.
Elsa et les autres furent totalement dépassés ce soir là: tout allait trop vite pour eux. On les assit à a grande table du Maître, qui avait pris place au centre de la grande tablée, Alfrid debout à côté de lui, et on leur apporta des assiettes, des couverts, des serviettes, de grandes coupes d'étain que l'on remplit à ras-bords de vin, de cognac ou de cidre aussi pétillant que les yeux des villageois ce soir là. Certains d'entre eux firent même des allers-retours jusque chez eux pour apporter aux compagnons un peu de leurs vins personnels qu'ils tenaient absolument à leur faire goûter. A force de boisson, les compagnons se retrouvèrent presque contre leur volonté à tourner un peu de la tête alors que le repas venait à peine de commencer. Puis arrivèrent les plats: le Maître avait ordonné à ses cuisiniers de rallumer leurs fourneaux et de préparer tout ce qui leur restait.
Ce que l'on servit aux compagnons aurait paru un banal repas aux yeux de quiconque observerait cette scène, car il n'y avait que du poisson pas de la première fraîcheur et de pauvres légumes survivant encore à l'hiver imminent, mais à Esgaroth, cela était un festin et l'on s'était donné beaucoup de mal pour réaliser cela. Les assiettes furent donc remplies et les villageois apportaient toujours plus de pain, de sauces et de parfums pour contenter leurs héros.
Ceux-ci n'en revenaient toujours pas: même s'ils avaient été contraints de trahir leur secret et leur anonymat, ils se retrouvaient traités comme de véritables dieux alors qu'on avait commencé par les attraper comme des voleurs et les menacer de prison pour le restant de leurs jours. Et bien, qu'ils fussent contents de savourer un vrai repas ce qui ne leur était pas arrivé depuis leur court séjour dans la maison de Beorn, ils se jetaient des regards dubitatifs et se sentaient extrêmement gênés de tant de sollicitude: tout le monde voulait être aux petits soins pour eux, le Maître levait sans cesse sa coupe en leur honneur, provoquant immanquablement des vagues d'acclamations, on leur tapait amicalement dans le dos, on baisait même leurs mains... Cela était ridicule, et les mettait mal à l'aise plus qu'autre chose.
Elsa pensa que la vie de ces gens ici devait être vraiment terrible pour qu'on les considère à ce point comme de fantastiques héros.
Le Maître était content ce soir, car en accueillant chez lui tous les villageois et les héros de leur prophétie, il s'était plus que jamais attiré la sympathie des foules. Il avait évidemment prévu tout cela, et il était content que son coup ait réussi. Tout le monde criait régulièrement:
"Vive le Roi Thorin et ses amis! Et vive leur hôte, le Maître d'Esgaroth!"
Même lorsque les dernières bouchées furent avalées, les villageois avaient apparemment encore grande envie de profiter de la compagnie des Nains, du Hobbit et de la jeune femme. Mais eux n'avaient que peu envie de parler, et ne prenaient la parole que pour répondre aux questions qu'on leur posait.
"C'est Bard qui vous a fait entrer dans la ville, n'est-ce pas? demanda une femme d'une cinquantaine d'années, au visage ridé et aux cheveux noirs et frisés, du nom d'Aldena, qui s'était déjà présenté de nombreuses fois auprès de Thorin et de ses deux neveux. Je vous ai vus avec lui lorsque vous vous êtes cachés dans le marché pour échapper aux gardes. C'est lui qui vous a fait entrer dans la ville, n'est-ce pas?"
Tout le monde, notamment Alfrid et le Maître, regardèrent avec attention les compagnons, qui acquiescèrent en silence.
"Il est curieux qu'il se soit ainsi mis en travers de leur chemin, alors, remarqua un autre villageois, si c'est lui qui les a guidé en premier.
-Je doute qu'il ait guidé tout leur chemin, répliqua aussitôt Galnor. Ce dernier a du être affreusement long jusqu'ici... Dites-nous un peu, heureux peuple d'Erebor, où viviez vous avant de venir éclairer nos vies? D'où êtes-vous venus?
-Après la venue de Smaug, beaucoup d'entre nous finirent par retourner à Khazad-dûm, répondit Thorin d'un ton un peu pressé, comme s'il souhaitait que cet entretien finisse rapidement, mais d'autres s'établirent loin dans l'Ouest, menés par mon père et moi-même dans les Montagnes Bleues. De là nous sommes partis, et depuis avons passés sur les plaines des Terres Sauvages, sous les falaises grondantes des Monts Brumeux et par le vaste et terne Vertbois où la forêt plonge dans l'ombre grise et sinistre."
Nombre de questions furent ainsi posées, les villageois semblant tous absolument passionnés par les compagnons et leur histoire, leur voyage, leur aventure...
L'on posa également des questions à M. Sacquet, qui parla succinctement de son pays, de ses concitoyens Hobbits et de son entrée dans la compagnie.
Puis, fatalement, l'attention finit par se porter sur Elsa, qui avait longtemps redouté ce moment. L'on demanda comment une 'si belle jeune femme' s'était retrouvée mêlée à cette histoire, si elle comptait réellement affronter le dragon aux côtés de ses camarades...
"Miss Elsa fut une précieuse amie et compagne de voyage depuis le début, clama Bofur que la boisson avait enivré de manière non négligeable, et c'est bien contre le damné Smaug que pourrions avoir le plus besoin d'elle.
-Bofur, s'il vous plaît... Protesta Elsa en tentant de le rasseoir sur sa chaise, sentant arriver la suite, et elle ne lui était guère rassurante.
-Que voulez-vous dire? Demanda Aldena en fixant le Nain et la jeune femme avec attention.
-Regardez! Répondit Bofur en désignant Elsa de la main, chancelant. Regardez et admirez le don digne des Valar eux-mêmes que possède notre amie."
Tous les regards se fixèrent sur la jeune femme, tandis qu'un silence presque total s'abattit soudainement. Elsa sentit son cœur se mettre à battre: c'était la pire situation qui puisse être, elle s'était rarement sentie aussi mal à l'aise depuis le début de ce voyage. Ses mains se crispèrent sur ses genoux et elle respirait avec difficulté.
Pourtant, elle ne décelait aucune peur, aucune méfiance, aucune intention douteuse dans les yeux de tous ces gens: simplement la lueur si touchante, presque trop belle pour être vraie, d'un espoir trop longtemps éteint et enfoui sous les cendres qui venait de se raviver. Tous ces villageois croyaient en elle et ses compagnons, ils voyaient en eux des sauveurs, hérauts du destin qui avait enfin choisi de se ranger de leur côté... Et elle n'eut pas le cœur de laisser cette douce flamme s'éteindre.
S'apaisant peu à peu à la vue de cette confiance et cette admiration qui se lisaient sur leurs visages, elle respira une grande bouffée d'air et leva sa main droite au-dessus de la table. Alors, bientôt, de petits flocons apparurent dans les airs et vinrent tournoyer autour de sa main comme mille étoiles filantes pour enfin exploser en un lilliputien feu d'artifice bleuté, tandis qu'un givre scintillant apparaissait sur la table autour des assiettes.
Lorsque le spectacle fut achevé, un silence pesa tandis que tous regardait la jeune femme avec des yeux ronds et des bouches béantes. Elsa sentit le malaise commencer à s'emparer de nouveau d'elle, mais finalement, mille applaudissements éclatèrent en même temps, alors que tous acclamaient et saluaient ce don du destin qui aurait 'à coup sûr raison du dragon'.
Après tant de réjouissances, de ripailles et de célébrations pleines d'espérance, la fatigue commença d'envelopper les corps et les esprits, et chacun finit peu à peu par quitter les lieux pour rejoindre son foyer, emportant avec lui les restes de ce qu'il avait amené et qui avait nourri ce si ardent brasier de folle joie qui avait réchauffer la ville ce soir là et dont le souvenir resterait impérissable dans les mémoires.
Tandis que la salle se vidait, les deux ôtes de la Maison, eux, restait assis, silencieux, songeurs, tournant et retournant machinalement des pensées nées de tout ce qu'ils avaient entendu ce soir là.
"Quelle étrange et saugrenue bande est-ce donc là? marmonnait le Maître en tripotant le bout de sa moustache. Les héritiers de Thror? Les Sauveurs, vraiment? Des Nains vagabonds en haillons accompagnés d'un gnome de je ne sais quelle Comté et d'une sorcière à la magie douteuse... Sont-ce vraiment ceux qu'annonçait cette prophétie? Qu'en dis-tu, Alfrid?
-Etranges, certes, approuva le second d'un ton voilé, suspicieux, même. Cependant, je pense que nous avons trouvé là de quoi distraire les esprits de nos citoyens pour endormir les révoltes durant un temps. Il serait sot de notre part de laisser passer cette occasion.
-Tu dis vrai... Mais Bard, lui, ne semble pas se laisser bercer par ces vieilles histoires. Ce gredin ne lâchera rien, il tentera de raviver la rancœur et les mauvais sentiments. C'est pourtant lui qui a amené ces gens dans notre Ville... Quelle mouche l'a donc piqué, à ce propos? Faire pénétrer ainsi des inconnus dans notre belle Esgaroth, mettre en danger l'ordre de notre vie... Que serait-il arrivé s'ils avaient été des bandits assoiffés de rapines, de meurtres et de marchandage sordide? Notre batelier a franchi une marche de trop cette fois: il a intérêt à se tenir tranquille et à rester cloîtré chez lui désormais. Dès demain, je ferai poster des gardes non loin de sa maison, et à la moindre sortie louche, au moindre mouvement suspect, TAC! Je l'arrêterai et mettrai enfin un terme à ses agissements sournois."
Les compagnons, eux, se souhaitèrent le bonsoir et montèrent trouver leurs lits dans les chambres que leur prêtait le Maître pour la nuit. Il était temps pour eux de plonger dans une longue nuit de sommeil réparateur, car demain les attendait l'ultime étape de leur voyage, et pas la moindre.
Thorin restait un peu à l'écart, près d'une fenêtre dans un coin de la pièce, regardant au dehors avec un air plus anxieux et pensif que jamais. Au Nord, sur l'horizon, au-dessus des eaux sombres du Lac, au-dessus des toits endormis de la ville, sous la lueur de la Lune se dressait la haute silhouette du Mont Solitaire. Une étrange étreinte lui enserrait le cœur, faite à la fois d'un bonheur plus grand qu'il n'en avait jamais ressenti et d'une douleur profonde et indescriptible: depuis plus d'un siècle, plus de cent-soixante-dix longues années maintenant, cette vision ne s'était plus offerte à lui, il n'avait plus posé les yeux sur ses pentes de pierre qui étaient celle de son royaume, de son foyer où ils vivaient parmi sa familles, ses amis... Parmi les siens. Depuis tout ce temps que son cœur saignait continuellement, croyant être condamné à errer pour toujours dans le monde, à voir les siens endurer les malheurs de la vie, depuis tout ce temps qu'il croyait ne jamais revoir un jour ces terres où il était né et avait grandi, où il avait tout appris de ses parents et reçu tant d'amour de leur part et l'avait tant partagé avec tous les siens...
Et à présent, il y était: il était revenu chez lui avec l'aide de ses amis au terme de ce périple qui leur semblait à tous si insurmontable au départ. Il allait rendre à ses neveux et ses compagnons cette vie heureuse qui avait jadis été la sienne, et cela le comblait de joie.
Mais pourtant, une amère tristesse s'emparait également de lui, car il y avait encore tant d'autres personnes à qui il aurait voulu pouvoir offrir ce bonheur, et qui n'étaient pas là en ce jour: sa petite sœur, Dís, sur laquelle il avait tan veillé durant tout ces années de perdition. Mais ce chagrin n'était pas le plus vif, car il savait que si leur quête réussissait, Dís viendrait tôt ou tard les rejoindre pour vivre longtemps aux côtés de ses deux fils. Ce n'était pas le cas pour d'autres, qui plus jamais ne pourraient être à ses côtés: son grand-père, tué sauvagement à la bataille devant les portes de la Moria, et son frère, Frerïn, qui avait subi le même sort... Et surtout, son père, Thraïn. Lui qui avait tant fait pour lutter contre le chagrin si sombre et les affreuses pensées noires qui ruinaient l'esprit de Thror après la venue de Smaug, lui qui avait toujours mené et guidé les siens en ces jours difficiles, qui avait été le pilier sur lequel Thorin s'était appuyé pour trouver sa force et sa volonté d'aider les siens et de ne jamais renoncer malgré le désespoir qui évide les cœurs... C'était auprès de son père, qui rêvait tant de revoir un jour Erebor, pour qui cette seule pensée était le souffle qui le maintenait en vie, qui lui permettait de garder espoir et conviction, que Thorin Ecu de chêne avait trouvé la force d'un jour entreprendre ce voyage fou vers la Montagne pour enfin réaliser ce rêve. Alors, plus que tout au monde, il aurait souhaité que son père soit avec lui ce soir là, our voir ce qui avait hanté tous ces rêves devenir réalité et écouler ses jours étant heureux, sachant que son but avait été accompli.
Mais Thraïn lui avait été arraché et, malgré toute l'ardeur qu'il avait mis à essayer de le retrouver, toute la conviction qu'il avait gardé pour croire que son père vivait encore, qu'un jour il le retrouverait, Thorin doutait aujourd'hui profondément qu'il le reverrait jamais.
C'était alors avec un ouragan d'émotions bien trop contradictoires que le futur roi sous la Montagne sentit des larmes lourdes de sens lui monter aux yeux. Mais bientôt, une main se posa doucement sur son épaule.
Surpris, il se retourna et son regard se posa sur l'aîné de ses neveux: Fili le regardait avec une inquiétude dans les yeux qu'il tentait de dissimuler avec un faible sourire.
"Tout va bien, mon oncle?"
Thorin resta silencieux quelques instants, regardant le jeune visage du fils de sa sœur. Cette chevelure blonde qui semblait illuminer ses traits et ses yeux si brûlants de l'ardeur de vivre propre à son jeune âge parvinrent à chasser quelque peu les sombres pensées du chef de la compagnie. Il pensa avec réconfort que malgré le douloureux passé qui pesait et pèserait toujours sur ses épaules, son futur s'annonçait, lui, rayonnant, et qu'il ne pouvait pas laisser passer cela. Alors il sourit à son neveu:
"Oui Fili, tout va bien."
Et il le serra dans ses bras, tout contre lui, fier de pouvoir offrir à ses descendants ce qu'il ne pourrait jamais offrir à ses aïeux.
Lorsque l'étreinte prit fin, Fili l'invita à monter se coucher avec les autres. Ils rejoignirent Kili au bas des escaliers, neveu cadet que Thorin était également si fier d'avoir à ses côtés.
Mais lorsqu'ils montèrent les premières marches, Kili poussa soudain un cri de douleur et s'écroula en arrière. Son oncle et son frère se précipitèrent pour le rattraper et le sauvèrent de justesse de la chute qu'il aurait pu endurer.
"Kili! Est-ce que ça va? demandait son aîné, affolé."
Le plus jeune des neveux crispait sa main sur son genou droit, et Thorin remarqua de nouveau avec un sursaut d'angoisse l'horrible moue de douleur qu'il affichait et surtout son teint affreusement pâle. Cette blessure à la jambe ne semblait pas prête à passer.
Finalement, Kili sembla se remettre du choc et adressa un regard qui se voulait rassurant à son frère et son oncle, malgré les sueurs froides qui abondaient sur son front.
"Oui, ce n'est rien, cela va passer, affirma-t-il en se redressant et se remettant sur pied."
Fili passa alors le bras de son frère sur ses épaules et Thorin lui indiqua de le mener jusqu'à son lit. Ainsi, tous deux s'éloignèrent, Kili boitillant en s'appuyant sur son aîné.
Thorin resta un moment à les regarder avancer, le cœur battant sourdement: il n'avait rien dit, mais il voyait bien que cette blessure ne serait pas guérie de sitôt, et en voyant l'état de son neveu tout en pensant à ce qui les attendait demain, il ne put s'empêcher de se mordre la lèvre avec grande inquiétude.
Lorsque tous les compagnons furent couchés, le silence tomba enfin sur le Bourg du Lac. Mais en vérité, un, ou plutôt une d'entre eux restait éveillée.
Sur les quais non loin de la grande Maison du Maître, Elsa s'appuyait sur un large poteau de bois en regardant pensivement la Montagne se dresser sur l'horizon. elle savait que le sommeil lui était indispensable, mais elle sentait qu'elle ne parviendrait pas à le trouver: son esprit était bien trop chargé de pensées et de troubles bouillonnants.
Cette Montagne au loin était le but final de cette quête dans laquelle elle s'était engagée il y avait si longtemps, à l'époque où elle n'était encore qu'une étrangère solitaire redoutant tant de quitter sa caverne et de rencontrer qui que ce soit. Avec tout ce qu'elle avait traversé, elle sentait à présent qu'elle avait bien changé.
Mais, maintenant qu'elle y était, se sentait-elle prête pour ce qui attendait elle et ses compagnons demain? La menace de Smaug avait rarement été la plus présente à leurs esprits jusqu'à présent car il y avait tant d'épreuves qu'ils devaient traverser avant d'être confrontés à ce démon.
Mais désormais, il ne restait plus rien: demain le jour se lèverait et il marcherait droit vers ce dragon redoutable, cet ange de la mort si terrible que chacune des paroles des récits que l'on contait sur lui à travers le monde était déjà comme l'une des monstrueuses flammes jaillie de sa gueule mortelle. Elle, Elsa, qui venait à peine d'acquérir une assurance et une confiance encore si frêles en ses pouvoirs, était-elle prête à affronter ce monstre des plus sombres légendes?
Le doute et la peur la rongeaient, pourtant il faudrait bien qu'elle et ses amis se tiennent prêts, car ils ne pouvait échouer. En effet, ce qui troublait le plus la jeune femme ce soir là étaient les paroles de Bard le batelier, ou plutôt, descendant du seigneur Girion comme elle venait de l'apprendre. Ses mises en gardes si véhémentes n'avaient cessé de tourner dans son esprit depuis le début de cette longue soirée, et l'avaient empêché de profiter des festivités. Jamais elle n'avait pensé à ce qu'avait prédit le batelier, mais si après tout il avait raison? Que se passerait-il s'ils réveillaient la bête et ne parvenaient pas à en venir à bout? Et si elle décidait de tourner sa colère contre les pauvres gens d'Esgaroth? Comment pourrait-elle supporter, avant d'être elle-même achevée, de regarder mourir et brûler tous ces gens qui l'avait accueillie et avaient placé tant de foi et d'espérance en elle?
Cela serait certainement la plus atroce manière de mourir au terme de ce long voyage. Bard avait-il raison? Etait-il inconscient de s'aventurer au cœur d'Erebor? Devaient-ils renoncer en fin de compte?
Renoncer? Non... Ce mot lui était tout aussi insupportable: pas après tout ce qu'ils avaient vécu, pas après toute la force, la volonté et la passion qu'ils avaient mis à parvenir au bout de ce périple. Alors elle serra les poings, et se dit que peu importait les doutes et la peur, ils devraient donner le meilleur d'eux-mêmes pour détruire une bonne fois pour toute cette créature du Mal qui n'avait brisé que trop de vies en ce monde.
Et, comme une nouvelle idée réconfortante venant renforcer la conviction de la jeune femme, elle repensa soudain que là-bas, au Nord, sur le flanc de la Montagne, leur avait donné rendez-vous Gandalf. Gandalf... Le visage du magicien revint aux yeux d'Elsa, et rien que cette vision suffit à lui redonner courage et volonté. Oui, demain enfin ils retrouveraient le magicien, et alors tout semblerait bien plus faisable et moins désespéré.
Soudain, une voix derrière elle la tira de ses pensées:
"Vous ne dormez donc pas?"
La jeune femme sursauta et se retourna vivement. Ses yeux mirent quelques secondes à repérer une silhouette dans le noir, et elle vit bientôt qu'il s'agissait de nul autre que Bard. Il se tenait un peu plus loin au bord du quai et enroulait avec lassitude un boute qu'il avait prêté il y a quelques temps à une connaissance et qu'il venait récupérer ce soir.
Elsa fut frappée par son visage morne, dépité, grisâtre, comme si toute volonté, et presque toute envie de vivre l'avait abandonné. Elsa, après un moment d'hésitation, répondit avec une certaine gêne:
"Je... Je ne pense pas pouvoir trouver le sommeil: je n'ai pas la conscience tranquille.
-Eh bien, vous avez au moins un peu de lucidité, répondit le batelier d'un ton inamical."
La jeune femme vit alors clairement qu'il leur en voulait, à elle et ses amis, et cela lui causa un pincement au cœur, car au fond elle se sentit coupable.
Après avoir fini d'enrouler son boute, il poussa un lourd soupir et déclara:
"Félicitations: votre voyage s'achève. Je vous souhaite bonne chance pour faire à face à ce qui vous attend au bout, et croyez-moi, vous en aurez grand besoin."
Puis il s'éloigna sans se retourner. Mais Elsa, trop peinée par la dévastation de l'homme et se sentant un peu honteuse, s'empressa de le suivre en l'appelant d'un ton presque suppliant.
"Bard! Attendez! Attendez, je vous en prie. Je... Je dois vous expliquer, au nom de tous mes amis.
-Il n'y a plus rien à expliquer, répliqua-t-il d'un ton toujours aussi éteint sans cesser d'avancer.
-Bard, s'il vous plaît, insista Elsa en se plaçant devant lui, lui barrant le chemin, essayez de comprendre...
-Comprendre quoi? Que l'inconscience et la folie d'une compagnie de Nains s'apprête à réduire en cendres tout ce que nous avons pu sauver de nos vies? N'avez donc pas idée de ce qui dort dans les ténèbres du monde? N'avez-vous pas idée de ce que vous risquez de causer? Les cœurs des gens d'Esgaroth sont aussi en ruines que la ville elle-même: la vie est dure ici, chaque jour autant que le précédent. Pourtant nous faisons tous face, nous trouvons tous la force de continuer à nous en sortir, à nous soutenir comme nous le pouvons, à nous aider les uns les autres au quotidien en espérant toujours faire de demain un jour moins pénible qu'aujourd'hui. Mais cela ne tient qu'à un fil: si le Feu vient à s'abattre sur nous, même si certains survivent, je ne peux imaginer une quelconque volonté qui les pousserait à tout recommencer... Ce serait la fin définitive de notre peuple, et de tout ce qu'il fut jadis."
La jeune femme baissa les yeux, restant un moment silencieuse. Puis, après un soupir, elle reprit lentement la parole:
"Je comprends parfaitement la frayeur qui est la vôtre, et sachez que je la ressens moi-même. Depuis le début de cette histoire je sais parfaitement vers quoi je me dirige. Si cela ne tenait qu'à moi, je serais prête à tout arrêter, à vous écouter et vous donner raison... Mais le fait est que tout cela est bien plus grand que moi, et que je suis loin d'être la seule concernée. Ces Nains sont tous mes amis, et tous ont mené une vie au moins aussi dire que la vôtre, ici à Esgaroth: s'ils viennent aujourd'hui, c'est pour mettre un terme à cette existence de peine et de malheur, aussi bien la vôtre que la leur. C'est avec un espoir trop grand et une force de volonté bien trop ardente que nous sommes venus jusqu'ici, à travers tant d'épreuves, pour tout laisser s'éteindre maintenant qu'ils sont sur le point de porter leurs fruits. Ecoutez, je... Je sais que vous vous êtes méfié de ma magie dès le premier instant et que vous n'avez pas de réelle raison de me faire confiance, mais je crois grâce à mes dons pouvoirs faire face au Monstre: je me battrai de toutes mes forces, car mes amis sont bien trop chers à mes yeux pour que je les abandonne. Et figurez-vous aussi que demain, nous retrouverons au pied de la Montagne un magicien et ami aux grands pouvoirs et à la sagesse sans limite: il porte conseil et aide comme personne ne le peut. Croyez-moi, avec lui à nos côtés, je suis certaine que nous vaincrons."
Elsa reprit un peu sa respiration après avoir fini de parler: son discours était sans doute mal assuré et maladroit, mais elle avait rarement parlé aussi sincèrement et toutes ces paroles venaient tout droit du plus profond de son cœur. Un moment de silence passa.
Bard regardait la jeune femme avec un air toujours aussi sombre, mais quelque chose avait tout de même changé dans son regard: il portait un peu moins de reproches et on y voyait un certain intérêt, une certaine curiosité pour la dame des neiges.
"Qui êtes-vous, Elsa? Finit-il par demander d'une voix rauque. Vous êtes humaine: une jeune femme d'une beauté rare et semblant posséder un cœur bon. Vous auriez presque votre place parmi nous au Bourg... Qu'est-ce qui vous lie tant à l'histoire des Nains? Pourquoi vous engagez-vous autant dans leur quête?"
Elsa garda le silence un moment, repensant à ce jour où elle avait finalement décidé de se joindre à la compagnie. Qu'avait-elle pensé ce jour là? Qu'est-ce qui l'avait poussée à prendre cette décision? Elle n'oubliait pas, bien sûr, que la vision de sa sœur n'y était pas pour rien...
"Vous savez, vous n'êtes pas le seul à avoir craint mes pouvoirs, bien loin de là, répondit-elle en laissant à nouveau parler ses plus profonds sentiments. Toute ma vie j'ai du me cacher car les gens autour de moi ne pouvaient comprendre: à leurs yeux j'étais aussi la sorcière, le monstre... C'est là tout ce que j'étais pour les autres: un danger. J'ai déjà blessé par accident des personnes m'étant chères, et j'ai toujours la sensation de n'être qu'un poids pour elles. Mais ces Nains... Ils ont été les premiers à me faire confiance, à m'accepter, à vivre avec moi comme ils vivraient avec un de leurs amis: personne ne m'avait offert cela avant, ni ne m'avait permis d'avancer de la sorte. Aujourd'hui, ils comptent parmi ce que j'ai de plus cher dans cette vie, et en cette quête qui est la leur, j'ai vu l'occasion de leur rendre la pareille, de les aider lorsqu'ils en avaient grand besoin, de les soutenir, d'être un secours véritable pour eux, et pour toutes les personnes que je rencontrerai, et finalement, à leurs yeux...
-Devenir un héros... Termina Bard, toujours aussi maussade."
Elsa le regarda quelques instants: il avait deviné avec exactitude la fin de sa phrase. C'étaient ces exactes mots qu'avaient prononcés Anna à l'époque, ces mots qui l'avaient convaincue de rejoindre Thorin et ses compagnons. Mais ils ne semblaient pas atteindre le batelier, qui, lançant un dernier regard terne à la jeune femme, déclara:
"Il n'est pas besoin d'être un héros pour aider ceux que l'on aime."
Puis, lentement, il contourna la jeune femme et s'éloigna, regagnant tel une ombre sa demeure. Elsa resta immobile, fixant l'obscurité dans laquelle sa silhouette avait fini par se fondre. Le désespoir évident qui avait frappé Bard lui causait beaucoup de peine, et elle ferma les yeux un instant, accordant une pensée à cet homme qui l'avait accueillie, elle et les autres, chez lui.
"Que la nuit apaise ton cœur, Bard, descendant de Girion."
Puis, après un moment, elle se tourna pour regagner sa chambre dans la maison du Maître. Mais soudain, elle se trouva nez à nez avec un visage blafard, se détachant sur le manteau noir que portait l'homme: Alfrid, le conseiller du Maître.
Elle sursauta, et ne fut guère rassuré en voyant le regard mauvais, suspicieux que lui lançait l'homme, sans compter qu'il était accompagné de quatre gardes armés de longues lances.
"Bonsoir, très chère, minauda-t-il sur un ton malhonnête. Je vous trouve à rôder dans la nuit? Cela est étrange, ne croyez-vous pas?
-Je... Je prenais l'air avant d'aller me coucher, répondit la jeune femme, mal à l'aise. Que voulez-vous?
-Je ne pense pas qu'il vous revienne de poser les questions, charmeuse, siffla-t-il en devant soudain plus agressif. Qu'aviez-vous donc à voir avec ce batelier de Bard? Quels complots était-il encore en train de monter avec vous?
-Vous... Vous nous espionniez? S'indigna Elsa.
-Cette ville est celle du Maître: il la surveille comme il l'entend. Et l'on se dit qu'il fait bien, lorsqu'on voit ce qu'on peut y découvrir. Une sorcière aux pouvoirs diaboliques murmurant dans les ombres avec ce fouineur, ce brigand de Bard. Quel marché avez-vous passé avec lui? Projetterait-il de vous demander de jeter un sort sur la Ville pour en devenir le Maître? Etes-vous une ensorceleuse à sa solde? Ou pire... Une sorcière surgie d'on ne sait quelles ténèbres pour se faire l'alliée du dragon Smaug dormant au cœur de la Montagne? Qui peut le dire? Qui peut nous dire vos réelles intentions? Un pouvoir comme le vôtre n'est pas naturel et ne peut être qu'œuvre de magie noire.
-Arrêtez! Pria Elsa dont les yeux commençaient à s'embuer de larmes sous l'effet de la panique, voyant les gardes s'avançant lentement vers elle. Je vous en prie arrêtez... Vous ne comprenez pas.
-Qu'y a-t-il à comprendre, souffla Alfrid, sinon que vous et vos amis êtes des gens bien trop étranges pour être honnêtes. Le Maître a choisi de vous accorder sa confiance, mais je ne suis pas dupe! Une jeteuse de sortilèges complotant avec Bard, ennemi du Maître et de l'Etat, et cherchant à murmurer à l'oreille des dragons ne peut être une personne de confiance. Je ne vous laisserai pas jeter le trouble dans les plans du Maître: la compagnie quittera la ville demain matin comme il fut convenu et ni vous ni votre Bard ne viendrez l'empêcher."
Tout en parlant, il s'avançait vers elle. Alors la jeune femme reculait, se sentant comme une biche encerclée par les loups. Et soudain, elle sentit son talon se poser dans le vide: elle était arrivée sur le bord d'un quai. Elle vacilla, prise d'un élan de panique; mais à peine eût-elle le temps de retrouver son équilibre qu'Alfrid lui asséna un coup de pied dans le ventre qui la fit basculer en arrière.
Elle ne tomba pas dans l'eau, mais dans le fond d'une barque qui tangua sous le choc de la chute. Heureusement, celle-ci avait été amortie par des cordages et des étoffes entassés au fond de l'embarcation. Mais lorsqu'Elsa, reprenant ses esprits, releva les yeux, elle vit le conseiller tout de noir vêtu et les quatre gardes penchés au-dessus d'elle. Alfrid lui lança un dernier regard accusateur, avant de se détourner et de s'éloigner en lançant aux gardes:
"Qu'on ne la revoie pas de sitôt."
Alors, avant qu'elle put faire quoi que ce soit, l'un des gardes se saisit de sa lance et, avec le long manche de bois, asséna un violent coup sur la tête de la jeune femme, qui ressentit une vive douleur, vit tout devenir noir autour d'elle et en un éclair, s'évanouit dans le fond de la barque.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
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- Micky93Légende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 01 Mai 2016, 23:08
IL A REPOSTE LA SUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIITE !!!
Alors tu vas peut-être m'en vouloir à mort, mais je n'ai pas encore lu tes chapitres l'ami. Sorry... Mais je voulais que tu saches que je suis extrêmement content de voir que la suite est enfin là. Bordel de merde quoi, depuis le temps...
D'ailleurs entre nous, tu sais très bien que je suis un lecteur fidèle et que je ne tarderai pas un laisser un petit commentaire. Je te dis donc à la prochaine Mister Baggins !
Alors tu vas peut-être m'en vouloir à mort, mais je n'ai pas encore lu tes chapitres l'ami. Sorry... Mais je voulais que tu saches que je suis extrêmement content de voir que la suite est enfin là. Bordel de merde quoi, depuis le temps...
D'ailleurs entre nous, tu sais très bien que je suis un lecteur fidèle et que je ne tarderai pas un laisser un petit commentaire. Je te dis donc à la prochaine Mister Baggins !
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 02 Mai 2016, 09:51
Ne t'inquiète pas Micky: pourquoi je t'en voudrais?
C'est plutôt moi qui m'excuse de tout ce retard.
Prends tout le temps qu'il te faut.
C'est plutôt moi qui m'excuse de tout ce retard.
Prends tout le temps qu'il te faut.
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But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
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