- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Sam 20 Juin 2015, 22:42
Non, non ne t'excuse pas.^^ Je comprends parfaitement, c'est juste que je n'étais pas sûr du coup. XD
_________________
Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 22 Juin 2015, 19:06
Woouuh ! J'ai adoré ce dernier chapitre ! Toute la partie avec Beorn était extra ! Le passage où tous sortent deux par deux m'avait éclatée dans le film, alors j'ai juste adoré lire cette scène x)
Bon après, je vais enore, et toujouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuurs radoter en disant que c'était super bien écrit, tout ça tout ça, mais tu le sais déjà vu que je te le rabache à chaque commentaire :p
Comme d'autre j'ai hâte de voir la suite, la rencontre avec les elfes, tout ça x) Surtout que leur Roi est..comment dire.. xD
Et d'ailleurs, tant que j'y pense...ça fait longtemps que tu la pas fait hyper souffrir notre Elsa !
Edit : Ah et j'avais oublié: en référence à ma dernière phrase d'ailleurs, les vilains -je préfère dire les vilain, je viens d'être attaquée par une perte de mémoire subite sur leur nom x) - ils vont bien réussir à nous chopper Elsa non ? Parce que là c'est trop facile -je suis pas sadique c'est faux, mais juste un brin de souffrance tu vois xD -
Bon après, je vais enore, et toujouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuurs radoter en disant que c'était super bien écrit, tout ça tout ça, mais tu le sais déjà vu que je te le rabache à chaque commentaire :p
Comme d'autre j'ai hâte de voir la suite, la rencontre avec les elfes, tout ça x) Surtout que leur Roi est..comment dire.. xD
Et d'ailleurs, tant que j'y pense...ça fait longtemps que tu la pas fait hyper souffrir notre Elsa !
Edit : Ah et j'avais oublié: en référence à ma dernière phrase d'ailleurs, les vilains -je préfère dire les vilain, je viens d'être attaquée par une perte de mémoire subite sur leur nom x) - ils vont bien réussir à nous chopper Elsa non ? Parce que là c'est trop facile -je suis pas sadique c'est faux, mais juste un brin de souffrance tu vois xD -
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 22 Juin 2015, 19:20
Cool que ça t'ait plu Gel.^^
Il me semble que ça faisait longtemps que tu n'avais pas posté non? Je suis content de te revoir.
Je ne suis juste pas sûr: tu en es au chapitre 3 ou 4?
Bref, je ne te dis rien sur la suite, mais elle arrivera le week-end prochain.^^
D'ailleurs, j'attends la suite de ta fic moi!
Il me semble que ça faisait longtemps que tu n'avais pas posté non? Je suis content de te revoir.
Je ne suis juste pas sûr: tu en es au chapitre 3 ou 4?
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 22 Juin 2015, 19:45
Je n'étais pas partie ni rien, mais des fois je met du temps à commenter pour la simple et bonne raison que je met du temps à trouver du temps pour lire -ouais c'est compliqué hein ? - Et comme tes chapitres sont les plus longs parmis toutes les fictions, tu fais parti de ceux que je met encore plus de temps, parce que quitte à lire j'aime pas être coupée en milieu de chapitre x) Bref
Ah et j'en suis au 4 ^^ Enfin, je viens de finir de le lire quoi x) Week end pro, week end pro...bon, je devrais pouvoir lire ça dimanche x) On verra ça Vivement que tu postes
Ahah ma fic, ben le prochain chapitre n'a que 10 lignes de faites xD Et comme là j'enchaine stage+paris+boulot saisonnier, ça va être chaud -ben oui, à part Paris rien n'était prévu à la base xD- mais je verrais. De toute façon ça viendra quand ça viendra ^^
Ah et j'en suis au 4 ^^ Enfin, je viens de finir de le lire quoi x) Week end pro, week end pro...bon, je devrais pouvoir lire ça dimanche x) On verra ça Vivement que tu postes
Ahah ma fic, ben le prochain chapitre n'a que 10 lignes de faites xD Et comme là j'enchaine stage+paris+boulot saisonnier, ça va être chaud -ben oui, à part Paris rien n'était prévu à la base xD- mais je verrais. De toute façon ça viendra quand ça viendra ^^
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Lun 22 Juin 2015, 21:50
Je comprends.
Bon ben bonne chance pour tout ça alors.^^
Mais j'attends quand-même la suite.
Bon ben bonne chance pour tout ça alors.^^
Mais j'attends quand-même la suite.
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But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 26 Juin 2015, 16:47
Voilà le chapitre 5 les gens.^^
Il va peut-être vous paraître un peu glauque, mais c'est voulu.
Bonne lecture.
Combien? Combien de temps Elsa et ses amis avaient-ils passé sous les sombres feuillages de Vertbois? Elle n'aurait su le dire, mais ses sens lui intimaient que cela relevait de semaines et de semaines.
D'après Gandalf et Beorn, les habitants du val avaient renommé cet endroit Forêt Noire: Elsa ne savait pas à quoi ces bois pouvaient bien ressembler auparavant, mais il était certain qu'ils portaient très bien leur nom à présent. Après avoir pénétré sous la voûte des feuilles, les compagnons furent éclairés par la lumière du jour encore un moment: ils entendaient le triste soupir de la pluie sur la plaine et son martellement sur les feuilles des arbres, tandis que de grosses gouttes s'étant faufilées entre les branches leur tombaient parfois lourdement sur le front et les épaules, provoquant un petit frisson à chaque fois.
Mais, immanquablement, la porte des elfes se réduisait de plus en plus, et bientôt ne fut plus qu'une toute petite tâche de lumière vacillante lorsque les compagnons regardaient désespérément en arrière, avant de disparaître totalement. Ce fut alors l'obscurité, la Forêt devenant dangereusement noire.
Seuls de minces fils pâles et blanchâtres de lumière perçaient ça et là à travers les feuillages tourmentés par la pluie qui grondait loin au dessus des têtes inquiètes des compagnons. Elsa commença à respirer plus bruyamment: elle aurait très vite cédé à la panique si elle ne s'était pas trouvée sur le sentier des elfes. Les rares et infimes raies de lumière qui perçaient la voûte obscure éclairaient les dalles de pierre claire qui couraient à travers les bois jusqu'à perte de vue (dans ce cas, c'est à dire à quelques mètres à peine devant vous). La jeune femme se dit que l'air était étrange dans cette forêt: lourd, chargé de quelque chose de plus sale que la poussière, de plus nocif que la putréfaction et de plus désagréable pour les oreilles que le pire des grondements. Et pourtant tout était silencieux. Cela était si étrange que c'en devenait inquiétant, presque alarmant.
Mais sentir la pierre lisse et taillée sous ses pieds arrivait encore à apporter quelque réconfort aux compagnons: au moins ils savaient ainsi où ils devaient aller et n'avaient qu'à se laisser guider pour atteindre l'autre côté de la Forêt Noire; autre côté qu'Elsa désirait voir de plus en plus ardemment à mesure que le temps passait. Elle n'osait imaginer l'horreur que cela serait si jamais ils perdaient la trace du sentier: car des deux côtés du frêle chemin qui parcourait les bois, seules les ténèbres demeuraient. Une obscurité plus effrayante que n'importe quelle nuit qu'Elsa avait passé jusqu'à présent, car elle n'avait aucune idée de ce que celle-ci pouvait bien dissimuler, et à vrai dire elle préférait ne pas le savoir.
Ainsi le temps passa pour les compagnons qui s'enfonçaient toujours plus profondément au cœur du grand Vertbois, ou Taur'e'Ndaedelos comme l'appelaient les elfes. La pluie finit finalement par s'arrêter, mais ils ne surent pas combien de temps cela lui avait pris. Car ils perdirent bien vite la notion du temps: ils ne voyaient plus le Soleil, et les minces rayons qui passaient parfois à travers les nuages ne leur permettaient aucunement de deviner l'heure, ni de distinguer le jour ou la nuit. Car lorsque l'obscurité devenait complète, cela pouvait très bien être uniquement à cause des feuillages devenus trop denses pour laisser passer la moindre lumière. Mais cependant, Elsa avait l'impression que les feuillages n'étaient pas seuls responsables de cette obscurité: il y avait quelque chose d'autre, de plus terrible, de plus inexplicable qui obstruait totalement le passage des rayons du Soleil.
Au bout d'un long moment, plusieurs heures, peut-être plusieurs jours, les compagnons n'auraient su le dire, leurs yeux finirent par s'habituer quelque peu à l'obscurité, et ils parvinrent à distinguer leur environnement. Mais cela ne les rassura en rien: le sentier gris serpentait, tortueux, entre les arbres malades. Elsa fut d'ailleurs parcourue d'un frisson lorsqu'elle les vit enfin: ils étaient noirâtres, leurs troncs étaient tordus, emmêlés, tourmentés, leur écorce s'écaillait en de nombreux endroits, laissant couler un liquide gluant et odorant qui gouttait lentement sur le sol de terre sombre et humide, tapissée de feuilles mortes et sombres et parcourue de plantes rampantes, semblables à des prédateurs à l'affut se tapissant pour saisir sournoisement leur proie inconsciente avant même qu'elle ait put sentir leur présence. Et lorsque les compagnons levaient les yeux, ils voyaient au dessus d'eux des branches épileptiques, balancées de côté et d'autre par le vent que l'on entendait au dessus des feuillages mais dont aucune trace, aucun souffle, aucun murmure ne se faisait ressentir dans les bois. Et les feuilles, perchées comme des rapaces sur ces branchages pareils à des mains crochues et griffues surplombant et menaçant les compagnons, leur semblaient d'un noir de ténèbres: elles semblaient être partout à la fois, couvrant chaque millimètre de la voûte du ciel et cachant sa lumière; comme si un quelconque maléfice avait transformé chaque feuille en une ombre qui étendait son voile au dessus du sol.
Tel fut l'environnement des camarades pendant ce qui leur sembla une éternité. Ils avançaient prudemment, guettant le moindre bruit suspect et se tenant prêt à saisir leurs armes au moindre danger. Leurs respirations semblaient résonner partout autour d'eux, produisant un genre de râle qui les accompagnait partout où ils allaient. Mais ils tentaient de rester courageux et de ne pas céder à la peur qui emplissait un peu plus leurs esprits à chaque minute: le sentier les guidait et ils tâchaient de se concentrer pour ne pas le perdre. Mais le sentier, lui, semblait vouloir les perdre: ils serpentait entre les troncs macabres, se tordait en des virages insensés, descendait dans des trouées et remontait le long de pentes de terre sale et humide, passait sous des troncs d'arbres écroulés, envahis de champignons aux formes étranges et de lierre sournois dont les feuilles répandaient une senteur assommante. Mais les camarades tenaient bon: Dwalin, Thorin et d'autres marchaient à l'avant, se concentrant sur les pierres du chemin, s'arrêtant lorsque celles ci semblaient disparaître, tapotant le sol devant eux de leurs haches ou avec des bâtons; et lorsqu'ils cognaient sur quelque chose de dur ou qu'ils déterraient sous le terreau sombre une dalle, ils déclaraient:
"C'est par là."
Et ainsi la route reprenait.
Ils ne faisaient de pause que lorsqu'ils sentaient la fatigue s'emparer trop fermement d'eux, ne pouvant se fier au jour et à la nuit pour décider des temps d'arrêt et souhaitant par ailleurs atteindre le plus rapidement possible la lisière Est de la Forêt Noire. Ainsi parfois s'arrêtèrent ils tout simplement au milieu du sentier, s'asseyant et se reposant jusqu'à ce qu'ils retrouvent en eux assez de force et de courage pour reprendre la route. Lorsqu'ils s'asseyaient ainsi et qu'ils ne disaient rien, ils pouvaient parfois distinguer au milieu du silence si pesant de ces bois, des bruits qui, bien qu'ils indiquaient que la vie existait encore dans cette Forêt, n'étaient guère plus rassurant. Elsa se tenait raide et droite, le poil hérissé, l'oreille tendue malgré elle. Alors elle s'allongeait pour essayer de trouver le sommeil et de ne plus entendre ces bruits, mais rien n'y faisait. Sa tête reposait sur les dalles fraiches et humides du sentier, l'odeur de la terre malade emplissant ses narines, mais ses oreilles entendaient encore tout, l'empêchant de s'endormir. Des craquements lointains se faisaient entendre entre les arbres, des souffles étranges semblaient voler dans les airs suspendus sous les feuillages, et Elsa entendait parfois au dessus d'elle des bruits semblables à des battements d'ailes; mais elle n'aurait su dire si cela était quelqu'oiseau les observant de ses yeux espions depuis les fourbes branchages, ou si ce n'était que les feuilles fantômes leur jouant un mauvais tour dans le but de les effrayer davantage.
Elsa respirait bruyamment, fermant les yeux, essayant de dormir... Mais lorsque ses paupières étaient closes, des images terrifiantes d'animaux fantômes aux yeux blancs et exorbités courant dans un ballet spectral entre les troncs accablés assaillaient son esprit, et elle rouvrait les yeux en sursaut, préférant encore l'obscurité angoissante à cette danse macabre. Et alors elle pleurait, pleurait de fatigue, d'épuisement et de peur, faisant tournoyer des flocons au dessus d'elle et laissant sur ses pas une couche de givre sur le sol.
Et les autres ne se portaient apparemment pas mieux: certains versaient également des larmes, Bofur était appuyé contre un tronc d'arbre, recroquevillé sur lui-même et se balançant légèrement d'avant en arrière et murmurant des choses, peut-être une chanson pour se rassurer. Bilbon lui, tremblait comme une feuille lors de ces arrêts, et Elsa tentait parfois de le rassurer alors qu'elle même était morte de peur. Thorin tenait fermement son épée à la main, respirant frénétiquement et prêt à défendre ses compagnons, regardant le sentier qui s'étendait encore bien loin entre les arbres. A chaque instant, les compagnons souhaitaient plus ardemment atteindre l'autre bout de la Forêt, mais à chaque instant les ténèbres semblaient s'épaissir davantage. Jamais Gandalf n'avait autant manqué à Elsa, même dans le brouillard des Monts Brumeux. La présence si rassurante du vieillard lui aurait sans aucun doute permis d'affronter cette Forêt avec bien moins de peur; mais il n'était plus là. Ils étaient seuls, abandonnés.
Pourtant ils continuaient leur route, ne se retournant jamais, suivant simplement le sentier, qui semblait pourtant devenir lentement de plus en plus étroit à mesure qu'ils avançaient. Peu de paroles étaient prononcées, et seuls les rares sons de la Forêt autour d'eux et le chuchotement du vent bien loin au dessus des feuillages résonnaient à leurs oreilles.
Un moment, tout en marchant, Kili, comme envoûté par le lointain murmure de la brise, entama une chanson à voix basse, presque dans un souffle:
Le vent soufflait sur la Lande séchée
Mais dans la Forêt nulle feuille ne remuait.
Sous les branches sombres, là gisent des ombres
Et d'inquiétantes choses rampent en secret.
Le vent descendit des montagnes froides
Et s'élança, hurlant comme une tornade:
Les branches gémirent, les bois mugirent,
Les feuilles tombèrent en maintes cascades.
De l'Ouest à l'Est le vent passa,
Dans la Forêt tout s'arrêta;
Aigre et acerbe sur les frêles herbes
Ses voix sifflantes il déchaîna.
Bruissaient les herbes et les branchages,
Pliaient les roseaux sur son passage,
Les marres se ridaient sous des cieux très frais
Où étaient scindés de prestes nuages.
Les paroles restèrent un moment en suspension dans l'air vicié qui commençaient réellement à donner des maux de tête aux compagnons. Mais bientôt, un autre problème arriva: la faim.
Malgré toutes leurs précautions et les efforts qu'ils avaient fait pour n'avaler que le strict nécessaire, les quelques provisions que leur avait fourni Beorn furent bien vite épuisées. Elsa et les autres avaient beau fouiller au plus profond de leurs sacs, plus la moindre miette de pain n'était présente. Et au fur et à mesure que le temps passait, la faim les tenaillait de plus en plus: leurs estomacs en vinrent à être endoloris, et à plusieurs reprises, Elsa ressentit des faiblesses dans ses bras et ses jambes. Elle avait besoin de se nourrir, ils en avaient tous besoin, mais ils n'avaient plus rien. Ils allaient devoir trouver leur nourriture ailleurs. Thorin, marchant en tête du groupe, avait emprunté son arc et ses flèches à Kili, et à présent, en plus de se concentrer sur le sentier, il était entré dans un état d'esprit propice à la chasse.
"Autrefois ces bois étaient verdoyants et abondants, expliqua-t-il à mi voix à ses compagnons. Les elfes étaient très fiers de cette Forêt où s'étendait leur royaume et qui regorgeait de toutes sortes de bêtes. Aujourd'hui une étrange ombre s'y étend, mais avec de la chance nous trouverons peut-être de quoi satisfaire notre faim pour au moins un temps."
Ils avançaient donc lentement, tendant l'oreille, guettant le moindre mouvement entre les arbres. Mais seuls les bruits fantômes semblaient habiter la Forêt Noire: aucune bête ne semblait appartenir aux craquements et aux souffles qui surgissaient autour d'eux, ni aux bruissements que l'on entendait dans les feuillages. Pourtant il devait bien encore y avoir des animaux ici, ils ne pouvaient tout de même pas avoir tous fui. Mais les compagnons commençaient doucement à désespérer.
Jusqu'à ce qu'un moment (matin, journée, soir? Ils n'auraient su le dire), ils entendent au loin un son qu'ils n'avaient plus entendu depuis longtemps et qui alluma une petite lueur dans leurs cœurs car il était rassurant d'entendre enfin autre chose que des crissements angoissants: c'était le bruit d'une rivière qui coulait. Tous s'arrêtèrent un instant pour écouter ce son: oui, le son d'eaux qui ruisselaient lentement dans un souffle enchanteur. Ce bruit leur parut si apaisant...
Ils reprirent alors le pas légèrement plus vite, poussé par un soudain et étrange de trouver la rivière responsable de ce bruit. Elsa avançait à la suite des ses amis, toutes ses pensées concentrées sur le timide chant des eaux. Mais soudain, elle remarqua que la végétation autour d'eux était devenue encore plus étrange et inquiétante: les arbres étaient à présent bien souvent enserrés par de grandes ronces aussi épaisses que de gros serpents et aux épines aussi féroces que des crocs monstrueux. De grosses lianes entremêlées et parfois collantes, garnies d'étranges feuilles rougeâtres pendaient au dessus du sentier, et se glissait parfois sur celui-ci, manquant de faire trébucher les compagnons qui durent les enjamber avec précautions. Et Elsa nota également qu'à certains endroits étaient tendues entre les branches des sortes de nappes blanchâtres tissées de fils irréguliers: des toiles d'araignées. De très grandes toiles d'araignées. Elsa se sentit peu rassurée: elle n'avait jamais eu très peur des araignées, mais si la taille de celles-ci était proportionnelle à leurs toiles, elle préférait tout de même éviter de les rencontrer. Mais pour l'instant, tout était calme.
Au bout d'un moment, ayant marché pendant un temps qui leur avait paru long en entendant le bruit de l'eau se rapprocher de plus en plus, ils finirent par atteindre la fameuse rivière. Le sol s'enfonçait soudain pour former un petit vallon à moitié rempli par l'eau de la rivière. Elsa sentit soudain quelque chose d'étrange dans l'air, encore plus étrange que tout ce qu'elle avait pu sentir jusqu'à présent. Et cela semblait provenir de l'eau: il s'agissait sans aucun doute de la rivière enchantée dont leur avait parlé Gandalf, avant qu'il ne s'en aille au loin. Il fallait donc trouver le pont de pierre pour la traverser. Ils le cherchèrent quelques instants, mais Bofur le trouva rapidement: en effet, les dalles du sentier encore visibles sous la terre noire qui les recouvrait menaient à une structure en pierre au bord de l'eau. Mais hélas, pour la plus mauvaise surprise et le plus grand désarroi des compagnons, il ne restait plus grand chose du pont. Ses deux extrémités de chaque côté de la rivière étaient toujours là, mais tout le reste s'était écroulé. Ou plus exactement, on aurait que cela avait été détruit et emmené ailleurs, car aucune pierre ne gisait sur le sol au bord de l'eau. Qui avait bien pu détruire ce pont? Les Orques? Pourquoi?
Mais après tout, cela n'avait pas grande importance en cet instant: ce qui préoccupait le plus les compagnons était de trouver le moyen de traverser. Elsa sentit son cœur se serrer: ce pont cassé ne présageait rien de bon, et la chance ne semblait pas être de leur côté. Bofur se tint sur les ruines de pierre au dessus de l'eau, semblant réfléchir.
"On pourrait peut-être tout simplement traverser à la nage... dit-il d'une voix hésitante.
-Ne te souviens-tu pas de ce qu'a dit Gandalf? répondit Thorin. Toute la Forêt est porteuse de maléfices: les eaux de la rivière sont enchantées. Il faut trouver un autre moyen de traverser."
Tous se mirent alors à réfléchir et à regarder autour d'eux. Elsa tenta de lutter contre la buée qui avait envahi son esprit depuis qu'elle était entrée dans cette forêt, et s'affaira à trouver une idée. Elle n'était pas rassurée du tout, et tremblait même légèrement: de petits flocons voletaient autour d'elle tandis que du givre s'étendait à ses pieds, comme souvent maintenant durant leur périple à travers la Forêt Noire. 'Attendez!' se dit-elle soudain. Elle regarda à ses pieds et vit la fine couche de glace aux reflets luisants sous les maigres rayons perçants à travers les feuilles, et soudain une idée lui vint.
"Je crois que je sais comment nous faire traverser, lança-t-elle soudain en s'avnçant vers le pont."
Tous se tournèrent vers elle.
"Que comptez-vous faire? demanda Dori, intrigué.
-Faites-moi confiance, répondit-elle simplement en arrivant au bord des eaux.
-Faites attention miss Elsa, mit en garde Thorin."
La jeune femme acquiesça. Puis elle baissa la tête pour regarder l'eau au dessous d'elle, et ne manqua pas d'être étonnée: si le bruit de la rivière était apaisant, les eaux elles en étaient loin. Elles étaient ternes, noires, et de nombreuses feuilles mortes flottaient à leur surface, emportées par le faible courant. Les racines tordues et noirâtres des arbres y plongeaient par endroits tandis que des branches et des lianes s'entremêlaient parfois au dessus du lit de la rivière. Mais surtout, juste à la surface de l'eau flottait une étrange brume grisâtre. Elsa fut quelque peu intriguée: elle se pencha un peu plus, comme si sa tête devenait plus lourde. Des vapeurs semblaient s'élever de la rivière et emplir ses narines et sa bouche, lui procurant d'étranges et peu agréables sensations: elle se sentait lentement partir, comme si son esprit quittait son corps. Ses paupières devenaient lourdes. Et surtout, un étrange murmure, faible mais bien audible, semblait également émaner de la rivière: la jeune femme aurait juré entendre un souffle, une voix lui siffler des choses incompréhensibles dans les oreilles, comme pour l'hypnotiser. Elle sentit ses yeux se fermer et aurait basculé en avant si ses compagnons n'avaient pas soudain crié:
"Elsa!"
Alors elle rouvrit soudain les yeux et se redressa, secouant la tête et reprenant ses esprits. Elle se frotta les yeux et tenta de se concentrer, mais elle n'y arriva pas aussi aisément. Son esprit était soudain troublé, presque anesthésié. Elle prit tout de même une grande inspiration et concentra toute ses pensées sur son pied, duquel elle frappa le sol. Lentement, de la glace commença alors à apparaître et à s'élever au dessus de l'eau pour former un pont qui irait rejoindre l'autre rive. Le phénomène se déroula normalement pendant quelques secondes, mais bien vite, la progression du pont de glace cessa, et commença même à régresser.
Prise au dépourvu, Elsa frappa de nouveau le sol de son pied, mais rien n'y fit. La glace fondait assez rapidement, s'élevant dans les airs en un nuage translucide qui disparut bien vite sur la voûte sombre des feuillages. C'était comme si les vapeurs de la rivière faisaient fondre la glace. La jeune femme sentit soudain sa tête lui faire mal. Dépitée et un peu alarmée, elle recula et se retourna vers ses compagnons.
"Je suis désolée, dit-elle, ça... Ca ne marche pas. Je ne comprends pas pourquoi."
Les nains baissèrent alors les yeux, déçus et attristés. Elsa, elle, regarda ses mains avec inquiétude: que se passait-il? L'enchantement était-il assez fort pour la priver de ces pouvoirs? Ou était-ce simplement cette rivière qui dégageait trop de mauvais sortilèges?
Mais elle ne devait pas paniquer, cela n'était pas le moment. Elle vit que les nains s'étaient remis en quête d'un moyen de passer la rivière, et elle décida de chercher avec eux. Puis elle remarqua soudain que Bilbon se tenait immobile au bord de la rivière, fixant l'eau avec un regard étrange: il semblait hypnotisé.
Soudain, Fili qui s'était un peu éloigné appela les autres:
"Ces branches ont l'air solides! lança-t-il."
Tous se tournèrent vers lui: il se tenait un peu plus loin au bord du lit de la rivière, à un endroit où de grosses branches et d'épaisses lianes s'entremêlaient au dessus de l'eau, permettant d'atteindre l'autre côté sans toucher le liquide enchanté. Le jeune nain blond s'apprêta à s'engager sur ce chemin tout de même incertain, mais son oncle le rappela soudain:
"Fili! Le plus léger en premier."
Tous entendirent ces paroles, et comprirent ce que cela signifiait. Elsa se sentit alors inquiète, mais Thorin avait raison: il était plus logique et prudent de procéder ainsi. Alors tous se tournèrent vers Bilbon qui n'avait pas bougé, fixant toujours les eaux de la rivière. Mais lorsqu'il sentit tous les regards tournés vers lui, il regarda à son tour les grosses branches près desquelles se tenait Fili et comprit rapidement ce qu'on attendait de lui. Il sembla soudain apeuré, mais prit tout de même son courage à deux mains et se lança dans cette tâche.
Quelques instants plus tard, il était engagé au dessus de l'eau, s'accrochant comme il pouvait aux branches et aux lianes. Les autres se tenaient au bord de l'eau, retenant leur souffle, regardant leur ami s'en sortir comme il pouvait dans cette situation délicate.
'Courage Bilbon, pensa Elsa, courage.'
Le hobbit avançait lentement, regardant bien où il mettait les pieds et s'assurant toujours de pouvoir trouver une nouvelle prise au prochain pas.
"C'est bon, lançait-il de temps en temps. Je ne vois aucun... Problème."
Mais soudain, son pied glissa et il tomba à cheval sur une grosse branche juste au dessus de l'eau, avant de commencer à basculer sur le côté.
"Aaah! cria-t-il. Il y a un problème! Il y a un problème!
-Bilbon! crièrent Elsa et quelques autres."
Mais finalement, M. Sacquet parvint à se rattraper à une liane et à se remettre sur ses pieds. Mais alors il se trouva debout sur un enchevêtrement de lianes grisâtres, et la prochaine branche était trop loin pour qu'il puisse la saisir. Il dut se lancer en avant et bascula, avant de parvenir à saisir sa prise du bout des doigts. Il se retrouva alors suspendu à l'horizontale juste au dessus de l'eau, ses pieds toujours fixés sur les lianes et ses mains agrippées à la branche. Il resta ainsi quelques instants, immobile. Elsa le regarda, intriguée, se demandant ce qu'il faisait. Les vapeurs s'élevaient toujours de la rivière et l'encerclait de toutes parts. Elle vit soudain sa tête commencer à tomber lourdement vers l'eau: non, il ne fallait pas qu'il s'endorme.
Mais finalement, il parvint à se ressaisir et poussa sur ses pieds pour passer sur la grosse branche. Il se hissa alors dessus, et n'eut plus qu'un saut à faire pour atteindre l'autre rive. Il poussa donc sur ses jambes et atterrit lourdement sur la terre de l'autre côté de l'eau.
Soulagés, les autres s'engagèrent alors à leur tour sur les branches. Elsa et Thorin étaient dans les premiers: ils tâchèrent de s'accrocher où ils le pouvaient, évitant de toucher l'eau. Mais bien vite, la jeune femme sentit les vapeurs lui emplir les narines et embuer son esprit. Sa vision se troubla et elle dut lutter pour ne pas s'endormir. Tout devenait confus autour d'elle, les sons eux mêmes étaient altérés. A un moment, elle crut entendre la voix lointaine de Bilbon qui disait quelque chose comme:
"Attendez! Restez où vous êtes, quelque chose ne va pas!"
Mais son esprit était bien trop obstrué pour qu'elle puisse réagir à ses paroles. Elle s'accrocha, tentant de conserver autant de force que possible dans ses bras et de toujours poser les pieds sur les branches. Tout tournait, le monde vacillait autour d'elle... Elle devait résister, elle devait tenir; elle sentait ses compagnons se débattre comme ils pouvaient derrière elle. Alors, dans un effort inimaginable, elle poussa de toutes ses forces sur ses jambes et fit un saut qui lui parut durer une éternité: elle sentit un air vicié et épais lui frotter le visage, des larmes rouges montèrent à ses yeux. Puis enfin, elle se sentit partir dans une chute, et atterrit lourdement sur le sol. Elle ressentit une douleur suite au choc, et eut du mal à se relever, demeurant juste au bord de l'eau maudite. Mais soudain, une main prit la sienne et la tira, l'aidant à se relever.
"Debout miss Elsa, dit la voix de Thorin. Courage."
Elsa parvint à se remettre sur ses pieds et se trouva face au roi des nains qui avait déjà rejoint Bilbon. Bilbon qui la regardait d'ailleurs également d'un air inquiet.
"Tout va... bien, assura Elsa bien que cela ne fut pas vrai."
Sa vision était redevenue nette mais la tête lui tournait toujours, ses jambes tremblaient encore et son cerveau était embué. Mais au moins, elle était hors de portée des maléfices de la rivière. Seulement, tous les autres ne l'étaient pas encore: le reste des compagnons était toujours en train de s'accrocher comme il pouvait dans les lianes, et de passer avec prudence de branche en branche. Elsa, Thorin et Bilbon les regardèrent en serrant les lèvres, priant pour qu'ils s'en sortent et ne pouvant rien faire pour eux.
Nori commençait à approcher du bord quand soudain, un bruit se fit entendre de l'autre côté de la rivière. La jeune femme, le roi nain et le hobbit sursautèrent et tendirent soudain l'oreille tout en fixant la rive opposée. Le bruit se répéta: c'était un craquement de brindilles et de feuilles mortes comme ils en avaient entendu tant depuis qu'ils étaient entrés dans cette Forêt. Mais cette fois ci, il semblait très proche, beaucoup plus réel,... Un animal était réellement à proximité cette fois-ci. Mais quel genre d'animaux ces bois pouvaient-ils abriter? Les trois compagnons retinrent leur souffle, et soudain la bête surgit.
Mais c'était loin d'être un monstre: de derrière un gros tronc d'arbre bondit un grand et magnifique cerf, aussi blanc que la plus pure des neiges et dégageant presque une lumière éclairant les ténèbres de la Forêt. Il avança doucement jusqu'au bord de l'eau, ses sabots tapotant tranquillement le sol, et ses bois fournis se dressant, fiers, au dessus de sa tête. Elsa resta subjuguée: la vision d'un animal aussi beau était à la fois merveilleuse et rassurante dans cet endroit si effrayant. Le cerf les fixait également de ses yeux impassibles.
Thorin lui aussi resta quelques instants à admirer l'animal. Mais soudain, un autre sentiment que la fascination s'insinua dans son esprit: la faim. La faim qui tenaillait les compagnons depuis si longtemps maintenant, et qui avait maintenant une chance d'être soulagée. Alors, lentement, délicatement, il prit une flèche dans le carquois que son neveu lui avait prêté et l'encocha sur la corde de l'arc.
En entendant le bruit de la corde, Elsa tourna son regard vers Thorin et le vit, arc en main.
"Qu'est-ce que vous faites? demanda-t-elle dans un souffle."
Le souverain ne répondit pas: il tira lentement la flèche pour tendre la corde au maximum et la pointa vers le cerf, qui ne bougea pas d'un pouce. Il tenta de se concentrer comme il le put, mais ses mains tremblaient et sa vision était également brouillée. Il lâcha soudain la flèche et celle-ci passa à moins de deux centimètres du dos de l'animal, qui aussitôt bondit et disparut de nouveau entre les arbres, emportant avec lui cette lumière si apaisante.
Dépité, Thorin abaissa son arc.
"Vous n'auriez pas du faire ça, dit alors Bilbon sans quitter l'autre rive des yeux. Un cerf blanc porte chance.
-Je ne crois pas à la chance, répondit le fils de Thraïn. La chance on la crée."
Elsa resta un instant immobile, se sentant de nouveau très triste à présent que le cerf était parti. Mais elle fut brusquement tirée de sa rêverie lorsqu'un fort bruit d'eau et d'éclaboussure retentit non loin d'elle. Elle porta son regard vers la provenance du son, et son cœur fit un bond lorsqu'elle découvrit Bombur flottant, inerte, à la surface de l'eau de la rivière. Les vapeurs l'avaient totalement empoisonné et il avait lâché prise, se retrouvant dans les eaux noires de la rivière. A présent il avait totalement perdu connaissance: ses yeux étaient lourdement fermés et il respirait lentement, comme s'il dormait déjà depuis très longtemps.
Elsa regarda alors furtivement l'endroit où le cerf se tenait quelques secondes plus tôt: Bilbon avait-il dit que ce genre d'animal portait chance?
Quoi qu'il en fut, lorsque tous les autres compagnons eurent traversé la rivière et qu'ils retrouvèrent quelque peu leurs esprits, Thorin les somma de se saisir de longs bâtons afin de repêcher Bombur. Bofur et Bifur furent les plus actifs dans cette tâche: ils ne souhaitaient pas perdre leur frère et leur cousin. Finalement, tous réussirent à le ramener sur la berge, toujours totalement inconscient.
Ils tentèrent bien de le réveiller, l'appelant et lui tapotant le visage, mais rien n'y fit. Il ne fit que pousser quelques vagues grognements, indiquant au moins qu'il était bien vivant.
Alors, à l'aide de lianes, ils attachèrent quatre grands bâtons pour former un genre de cadre rectangulaire sur lequel ils fixèrent solidement plusieurs des couvertures que leur avait confié Beorn. Ainsi ils fabriquèrent un brancard de fortune sur lequel ils hissèrent Bombur afin de le transporter plus facilement.
Mais Elsa sentait la peur croître en elle: elle ignorait ce qu'il adviendrait du pauvre Bombur, mais au vu de son propre état et de celui de ses compagnons, le regard brumeux, le pas vacillant et la respiration lente et bruyante, elle se demandait s'ils ne finiraient pas tous comme lui un moment ou un autre. Et elle n'osait imaginer ce qui leur arriverait s'ils demeuraient ainsi, inconscient et sans défense au milieu de ces bois hostiles.
Le sentier reprenait de l'autre côté de la rivière, toujours plus sale et dissimulé par la terre, et les compagnons reprirent leur route en portant le poids de l'angoisse qui avait saisi leurs cœurs. Ils se relayèrent régulièrement pour porter le brancard de Bombur: il fallait bien être six pour y arriver. Et lorsqu'Elsa prenait part à cette tâche, elle se sentait tirée vers le sol, chacun de se pas devant une épreuve, nécessitant de reprendre son souffle à chaque fois qu'un pied passait devant l'autre. Mais même lorsqu'elle ne portait pas le brancard, avançait était réellement pénible.
Elle ignorait quel mauvais sort la rivière pouvait bien leur avoir jeté, mais elle était certaine que depuis qu'ils l'avaient franchie, les choses étaient pires qu'avant. A présent elle sentait toujours un poids, une force ennemie sur son dos et ses épaules, comme si une immense main invisible tentait de la plaquer au sol.
A présent les arbres semblaient réellement vouloir entraver leur chemin: ils s'avançaient parfois très avant sur le sentier déjà étroit, leurs branches sèches et épineuses faisant parfois obstacles aux compagnons, et leurs raines noueuses sortant parfois de terre en soulevant les dalles du sentier, ce qui manqua à de nombreuses reprises de faire trébucher les voyageurs. Leurs troncs étaient maintenant très souvent couverts de grandes toiles d'araignée qui s'étendaient également de branche en branche, menaçante, comme si les mailles d'un fourbe piège était en train de se tendre au dessus d'eux.
Mais pourtant, même à travers ces toiles, les troncs arrivaient encore à effrayer Elsa: son esprit tourmenté et bouleversé ainsi que sa vision altérée commençait à lui procurer d'inquiétantes hallucinations. Elle avait l'impression de voir se dessiner dans les troncs des visages monstrueux, avec de grandes bouches béantes et noires, garnies de crocs, et des yeux assassins qui la fixaient et l'observait à chaque instant. Cela la terrorisait véritablement: des sueurs froides coulaient sur son front et son dos, tandis que des flocons toujours plus nombreux tournoyaient dans les airs. Mais elle essayait de se contrôler: lorsque cela devenait trop effrayant elle fermait les yeux et tentait d'oublier ces chimères qui l'entouraient.
'Vous n'êtes pas là, murmurait-elle en tremblant, vous n'êtes pas là.'
Mais même alors, des voix et des murmures s'insinuaient dans son esprit. Des appels fantomatiques venant des profondeurs des bois... Elle avait l'impression que ses voix lui demandaient de les suivre, de quitter le sentier. Ce n'étaient la plupart du temps que des souffles et des murmures indistincts, mais dans toute l'horreur qu'il pouvaient lui procurer, elle jurerait avoir quelque fois entendu son nom:
'Elsa, Elsa...'
Et les autres ne se portaient pas mieux: lorsque Thorin n'aidait pas à porter le brancard, il marchait en tête, tentant toujours de garder le sentier en vue malgré sa vision troublée. Lui aussi voyait partout des visages effrayants et entendait des murmures à glacer le sang. Il respirait difficilement et ressentait de fréquents maux de tête: comme un sifflement si aigu qu'on pouvait à peine l'entendre, mais qui pourtant demeure là à vous détruire les oreilles.
Et parfois, il était pris de soudaines crises d'angoisses: il avait l'impression d'être abandonné, seul, que plus personne ne se trouvait derrière lui. Il se retournait alors en sursaut mais parvenait à se calmer en découvrant le visage de ses compagnons.
Mais le temps passait, passait, sans que jamais l'ombre d'une sortie ne se fasse entrevoir: les compagnons étaient accablés. Ils voulaient revoir la lumière, sentir à nouveau l'air frais, et contempler enfin la belle Montagne solitaire, le long Lac qui ondulait sous le vent frais et le grand palais d'Erebor... Mais seuls des arbres, des feuilles, des lianes, des champignons nauséabonds et des toiles d'araignée s'offraient à eux.
Combien de temps encore devraient-ils passer dans cet enfer avant d'enfin atteindre la lisière du bois?
"De l'air, j'ai besoin d'air, entendait-on parfois. J'ai la tête qui tourne."
Un jour, ou une nuit, ils firent une pause et déposèrent au sol le lourd brancard où Bombur était toujours évanoui. Bilbon se laissa tomber assis sur une grosse racine, et Elsa tomba à genoux sur les dalles du sentier, tandis que Thorin vacilla et se rattrapa à une grosse branche basse. L'esprit d'Elsa était toujours accablé de sifflements et de murmures. Les autres nains s'appuyèrent contre des troncs ou s'assirent au sol, transpirant comme s'ils étaient malades: certains étaient d'ailleurs pris de nausées.
"Qu'est-ce que c'est, toutes ces voix? demanda Bilbon dans un souffle. Vous les entendez?"
Sa propre voix résonnait à ses oreilles et à celles de ses amis, comme si elle provenait de l'autre bout d'un tunnel. Ils avaient mal au crâne, leur vision se dédoublait parfois, et ils se cachaient alors les yeux, pris de vertiges.
"Non, je n'entends plus rien, répondit alors lentement Thorin. Ni vent, ni chant d'oiseau... Quelle heure est-il?
-Je n'en sais rien, répondit Dwalin en levant péniblement les yeux vers la voûte des feuillages. Je ne sais même pas quel jour nous sommes.
-Cela prend trop de temps, souffla alors le roi des nains d'un ton énervé. Cette maudite Forêt n'a-t-elle PAS DE FIN?!
-Je n'en vois pas, fit Gloïn en balançant la tête de droite à gauche. Que des arbres, toujours des arbres."
Elsa n'en pouvait plus: ses yeux étaient rouges et humectés de larmes. Et Thorin se trouvait dans le même état: ne reverrait-il donc jamais la Montagne? Aurait-il donc été incapable de mener son peuple jusqu'à se terre promise?
Mais soudain, son regard fut attiré par quelque chose. Là bas, entre les arbres, dans les ténèbres des bois, une lueur apparut. Un petit point de lumière vacillante, qui tremblotait plus loin hors du sentier. On aurait dit qu'une lanterne venait d'être allumée. Thorin fronça les sourcils et resta un instant à fixer cette lueur étrange. Et soudain une autre apparut non loin de la première, puis une autre, et encore une autre... Bientôt Le chef de la compagnie vit tout un ballet de petites lanternes scintiller au fond des bois. Et en tendant l'oreille, il eut l'impression d'entendre des voix: mais des voix claires, plus humaines, et même des rires...
Il y avait des gens là bas, oui des gens qui pourraient sûrement les aider; les aider à enfin trouver la sortie de ce cauchemar. Thorin descendit alors de la branche sur laquelle il était assis pour se diriger vers les lumières.
"Là, par là! dit-il à l'adresse de ses compagnons. Suivez-moi."
Elsa et les autres levèrent les yeux, et virent avec horreur Thorin sortir du sentier pour s'aventurer entre les sombres arbres. Elsa eut envie de crier, de l'appeler, mais aucun son ne sortit de sa gorge.
"Mais Gandalf a dit que... commença Oïn.
-Avancez! lança le roi. Faites ce que je dis: il y a des gens là bas. Ils pourront nous aider."
Elsa redressa soudain la tête en entendant cela: des gens? De vrais gens, vivants et bien réels? Non pas des fantômes terrifiants qui les harcelaient à chaque minute... Cette nouvelle fut si rassurante à son cœur qu'elle n'hésita alors plus et se leva pour aller à la suite de Thorin, comme le firent tous les autres.
Elsa arriva au bord du sentier et prit une inspiration avant d'enjamber la grande racine qui se trouver là pour poser le pied sur une terre dans laquelle il s'enfonça légèrement, bien qu'elle fut couverte de feuilles mortes.
Puis enfin elle s'avança entre les arbres pour s'enfoncer à la suite du roi nain dans l'obscurité de la Forêt Noire, ses compagnons à sa suite, oubliant totalement les mises en garde de Gandalf qui semblaient à présent bien lointaines.
Il va peut-être vous paraître un peu glauque, mais c'est voulu.
Bonne lecture.
Chapitre 5:
Combien? Combien de temps Elsa et ses amis avaient-ils passé sous les sombres feuillages de Vertbois? Elle n'aurait su le dire, mais ses sens lui intimaient que cela relevait de semaines et de semaines.
D'après Gandalf et Beorn, les habitants du val avaient renommé cet endroit Forêt Noire: Elsa ne savait pas à quoi ces bois pouvaient bien ressembler auparavant, mais il était certain qu'ils portaient très bien leur nom à présent. Après avoir pénétré sous la voûte des feuilles, les compagnons furent éclairés par la lumière du jour encore un moment: ils entendaient le triste soupir de la pluie sur la plaine et son martellement sur les feuilles des arbres, tandis que de grosses gouttes s'étant faufilées entre les branches leur tombaient parfois lourdement sur le front et les épaules, provoquant un petit frisson à chaque fois.
Mais, immanquablement, la porte des elfes se réduisait de plus en plus, et bientôt ne fut plus qu'une toute petite tâche de lumière vacillante lorsque les compagnons regardaient désespérément en arrière, avant de disparaître totalement. Ce fut alors l'obscurité, la Forêt devenant dangereusement noire.
Seuls de minces fils pâles et blanchâtres de lumière perçaient ça et là à travers les feuillages tourmentés par la pluie qui grondait loin au dessus des têtes inquiètes des compagnons. Elsa commença à respirer plus bruyamment: elle aurait très vite cédé à la panique si elle ne s'était pas trouvée sur le sentier des elfes. Les rares et infimes raies de lumière qui perçaient la voûte obscure éclairaient les dalles de pierre claire qui couraient à travers les bois jusqu'à perte de vue (dans ce cas, c'est à dire à quelques mètres à peine devant vous). La jeune femme se dit que l'air était étrange dans cette forêt: lourd, chargé de quelque chose de plus sale que la poussière, de plus nocif que la putréfaction et de plus désagréable pour les oreilles que le pire des grondements. Et pourtant tout était silencieux. Cela était si étrange que c'en devenait inquiétant, presque alarmant.
Mais sentir la pierre lisse et taillée sous ses pieds arrivait encore à apporter quelque réconfort aux compagnons: au moins ils savaient ainsi où ils devaient aller et n'avaient qu'à se laisser guider pour atteindre l'autre côté de la Forêt Noire; autre côté qu'Elsa désirait voir de plus en plus ardemment à mesure que le temps passait. Elle n'osait imaginer l'horreur que cela serait si jamais ils perdaient la trace du sentier: car des deux côtés du frêle chemin qui parcourait les bois, seules les ténèbres demeuraient. Une obscurité plus effrayante que n'importe quelle nuit qu'Elsa avait passé jusqu'à présent, car elle n'avait aucune idée de ce que celle-ci pouvait bien dissimuler, et à vrai dire elle préférait ne pas le savoir.
Ainsi le temps passa pour les compagnons qui s'enfonçaient toujours plus profondément au cœur du grand Vertbois, ou Taur'e'Ndaedelos comme l'appelaient les elfes. La pluie finit finalement par s'arrêter, mais ils ne surent pas combien de temps cela lui avait pris. Car ils perdirent bien vite la notion du temps: ils ne voyaient plus le Soleil, et les minces rayons qui passaient parfois à travers les nuages ne leur permettaient aucunement de deviner l'heure, ni de distinguer le jour ou la nuit. Car lorsque l'obscurité devenait complète, cela pouvait très bien être uniquement à cause des feuillages devenus trop denses pour laisser passer la moindre lumière. Mais cependant, Elsa avait l'impression que les feuillages n'étaient pas seuls responsables de cette obscurité: il y avait quelque chose d'autre, de plus terrible, de plus inexplicable qui obstruait totalement le passage des rayons du Soleil.
Au bout d'un long moment, plusieurs heures, peut-être plusieurs jours, les compagnons n'auraient su le dire, leurs yeux finirent par s'habituer quelque peu à l'obscurité, et ils parvinrent à distinguer leur environnement. Mais cela ne les rassura en rien: le sentier gris serpentait, tortueux, entre les arbres malades. Elsa fut d'ailleurs parcourue d'un frisson lorsqu'elle les vit enfin: ils étaient noirâtres, leurs troncs étaient tordus, emmêlés, tourmentés, leur écorce s'écaillait en de nombreux endroits, laissant couler un liquide gluant et odorant qui gouttait lentement sur le sol de terre sombre et humide, tapissée de feuilles mortes et sombres et parcourue de plantes rampantes, semblables à des prédateurs à l'affut se tapissant pour saisir sournoisement leur proie inconsciente avant même qu'elle ait put sentir leur présence. Et lorsque les compagnons levaient les yeux, ils voyaient au dessus d'eux des branches épileptiques, balancées de côté et d'autre par le vent que l'on entendait au dessus des feuillages mais dont aucune trace, aucun souffle, aucun murmure ne se faisait ressentir dans les bois. Et les feuilles, perchées comme des rapaces sur ces branchages pareils à des mains crochues et griffues surplombant et menaçant les compagnons, leur semblaient d'un noir de ténèbres: elles semblaient être partout à la fois, couvrant chaque millimètre de la voûte du ciel et cachant sa lumière; comme si un quelconque maléfice avait transformé chaque feuille en une ombre qui étendait son voile au dessus du sol.
Tel fut l'environnement des camarades pendant ce qui leur sembla une éternité. Ils avançaient prudemment, guettant le moindre bruit suspect et se tenant prêt à saisir leurs armes au moindre danger. Leurs respirations semblaient résonner partout autour d'eux, produisant un genre de râle qui les accompagnait partout où ils allaient. Mais ils tentaient de rester courageux et de ne pas céder à la peur qui emplissait un peu plus leurs esprits à chaque minute: le sentier les guidait et ils tâchaient de se concentrer pour ne pas le perdre. Mais le sentier, lui, semblait vouloir les perdre: ils serpentait entre les troncs macabres, se tordait en des virages insensés, descendait dans des trouées et remontait le long de pentes de terre sale et humide, passait sous des troncs d'arbres écroulés, envahis de champignons aux formes étranges et de lierre sournois dont les feuilles répandaient une senteur assommante. Mais les camarades tenaient bon: Dwalin, Thorin et d'autres marchaient à l'avant, se concentrant sur les pierres du chemin, s'arrêtant lorsque celles ci semblaient disparaître, tapotant le sol devant eux de leurs haches ou avec des bâtons; et lorsqu'ils cognaient sur quelque chose de dur ou qu'ils déterraient sous le terreau sombre une dalle, ils déclaraient:
"C'est par là."
Et ainsi la route reprenait.
Ils ne faisaient de pause que lorsqu'ils sentaient la fatigue s'emparer trop fermement d'eux, ne pouvant se fier au jour et à la nuit pour décider des temps d'arrêt et souhaitant par ailleurs atteindre le plus rapidement possible la lisière Est de la Forêt Noire. Ainsi parfois s'arrêtèrent ils tout simplement au milieu du sentier, s'asseyant et se reposant jusqu'à ce qu'ils retrouvent en eux assez de force et de courage pour reprendre la route. Lorsqu'ils s'asseyaient ainsi et qu'ils ne disaient rien, ils pouvaient parfois distinguer au milieu du silence si pesant de ces bois, des bruits qui, bien qu'ils indiquaient que la vie existait encore dans cette Forêt, n'étaient guère plus rassurant. Elsa se tenait raide et droite, le poil hérissé, l'oreille tendue malgré elle. Alors elle s'allongeait pour essayer de trouver le sommeil et de ne plus entendre ces bruits, mais rien n'y faisait. Sa tête reposait sur les dalles fraiches et humides du sentier, l'odeur de la terre malade emplissant ses narines, mais ses oreilles entendaient encore tout, l'empêchant de s'endormir. Des craquements lointains se faisaient entendre entre les arbres, des souffles étranges semblaient voler dans les airs suspendus sous les feuillages, et Elsa entendait parfois au dessus d'elle des bruits semblables à des battements d'ailes; mais elle n'aurait su dire si cela était quelqu'oiseau les observant de ses yeux espions depuis les fourbes branchages, ou si ce n'était que les feuilles fantômes leur jouant un mauvais tour dans le but de les effrayer davantage.
Elsa respirait bruyamment, fermant les yeux, essayant de dormir... Mais lorsque ses paupières étaient closes, des images terrifiantes d'animaux fantômes aux yeux blancs et exorbités courant dans un ballet spectral entre les troncs accablés assaillaient son esprit, et elle rouvrait les yeux en sursaut, préférant encore l'obscurité angoissante à cette danse macabre. Et alors elle pleurait, pleurait de fatigue, d'épuisement et de peur, faisant tournoyer des flocons au dessus d'elle et laissant sur ses pas une couche de givre sur le sol.
Et les autres ne se portaient apparemment pas mieux: certains versaient également des larmes, Bofur était appuyé contre un tronc d'arbre, recroquevillé sur lui-même et se balançant légèrement d'avant en arrière et murmurant des choses, peut-être une chanson pour se rassurer. Bilbon lui, tremblait comme une feuille lors de ces arrêts, et Elsa tentait parfois de le rassurer alors qu'elle même était morte de peur. Thorin tenait fermement son épée à la main, respirant frénétiquement et prêt à défendre ses compagnons, regardant le sentier qui s'étendait encore bien loin entre les arbres. A chaque instant, les compagnons souhaitaient plus ardemment atteindre l'autre bout de la Forêt, mais à chaque instant les ténèbres semblaient s'épaissir davantage. Jamais Gandalf n'avait autant manqué à Elsa, même dans le brouillard des Monts Brumeux. La présence si rassurante du vieillard lui aurait sans aucun doute permis d'affronter cette Forêt avec bien moins de peur; mais il n'était plus là. Ils étaient seuls, abandonnés.
Pourtant ils continuaient leur route, ne se retournant jamais, suivant simplement le sentier, qui semblait pourtant devenir lentement de plus en plus étroit à mesure qu'ils avançaient. Peu de paroles étaient prononcées, et seuls les rares sons de la Forêt autour d'eux et le chuchotement du vent bien loin au dessus des feuillages résonnaient à leurs oreilles.
Un moment, tout en marchant, Kili, comme envoûté par le lointain murmure de la brise, entama une chanson à voix basse, presque dans un souffle:
Le vent soufflait sur la Lande séchée
Mais dans la Forêt nulle feuille ne remuait.
Sous les branches sombres, là gisent des ombres
Et d'inquiétantes choses rampent en secret.
Le vent descendit des montagnes froides
Et s'élança, hurlant comme une tornade:
Les branches gémirent, les bois mugirent,
Les feuilles tombèrent en maintes cascades.
De l'Ouest à l'Est le vent passa,
Dans la Forêt tout s'arrêta;
Aigre et acerbe sur les frêles herbes
Ses voix sifflantes il déchaîna.
Bruissaient les herbes et les branchages,
Pliaient les roseaux sur son passage,
Les marres se ridaient sous des cieux très frais
Où étaient scindés de prestes nuages.
Les paroles restèrent un moment en suspension dans l'air vicié qui commençaient réellement à donner des maux de tête aux compagnons. Mais bientôt, un autre problème arriva: la faim.
Malgré toutes leurs précautions et les efforts qu'ils avaient fait pour n'avaler que le strict nécessaire, les quelques provisions que leur avait fourni Beorn furent bien vite épuisées. Elsa et les autres avaient beau fouiller au plus profond de leurs sacs, plus la moindre miette de pain n'était présente. Et au fur et à mesure que le temps passait, la faim les tenaillait de plus en plus: leurs estomacs en vinrent à être endoloris, et à plusieurs reprises, Elsa ressentit des faiblesses dans ses bras et ses jambes. Elle avait besoin de se nourrir, ils en avaient tous besoin, mais ils n'avaient plus rien. Ils allaient devoir trouver leur nourriture ailleurs. Thorin, marchant en tête du groupe, avait emprunté son arc et ses flèches à Kili, et à présent, en plus de se concentrer sur le sentier, il était entré dans un état d'esprit propice à la chasse.
"Autrefois ces bois étaient verdoyants et abondants, expliqua-t-il à mi voix à ses compagnons. Les elfes étaient très fiers de cette Forêt où s'étendait leur royaume et qui regorgeait de toutes sortes de bêtes. Aujourd'hui une étrange ombre s'y étend, mais avec de la chance nous trouverons peut-être de quoi satisfaire notre faim pour au moins un temps."
Ils avançaient donc lentement, tendant l'oreille, guettant le moindre mouvement entre les arbres. Mais seuls les bruits fantômes semblaient habiter la Forêt Noire: aucune bête ne semblait appartenir aux craquements et aux souffles qui surgissaient autour d'eux, ni aux bruissements que l'on entendait dans les feuillages. Pourtant il devait bien encore y avoir des animaux ici, ils ne pouvaient tout de même pas avoir tous fui. Mais les compagnons commençaient doucement à désespérer.
Jusqu'à ce qu'un moment (matin, journée, soir? Ils n'auraient su le dire), ils entendent au loin un son qu'ils n'avaient plus entendu depuis longtemps et qui alluma une petite lueur dans leurs cœurs car il était rassurant d'entendre enfin autre chose que des crissements angoissants: c'était le bruit d'une rivière qui coulait. Tous s'arrêtèrent un instant pour écouter ce son: oui, le son d'eaux qui ruisselaient lentement dans un souffle enchanteur. Ce bruit leur parut si apaisant...
Ils reprirent alors le pas légèrement plus vite, poussé par un soudain et étrange de trouver la rivière responsable de ce bruit. Elsa avançait à la suite des ses amis, toutes ses pensées concentrées sur le timide chant des eaux. Mais soudain, elle remarqua que la végétation autour d'eux était devenue encore plus étrange et inquiétante: les arbres étaient à présent bien souvent enserrés par de grandes ronces aussi épaisses que de gros serpents et aux épines aussi féroces que des crocs monstrueux. De grosses lianes entremêlées et parfois collantes, garnies d'étranges feuilles rougeâtres pendaient au dessus du sentier, et se glissait parfois sur celui-ci, manquant de faire trébucher les compagnons qui durent les enjamber avec précautions. Et Elsa nota également qu'à certains endroits étaient tendues entre les branches des sortes de nappes blanchâtres tissées de fils irréguliers: des toiles d'araignées. De très grandes toiles d'araignées. Elsa se sentit peu rassurée: elle n'avait jamais eu très peur des araignées, mais si la taille de celles-ci était proportionnelle à leurs toiles, elle préférait tout de même éviter de les rencontrer. Mais pour l'instant, tout était calme.
Au bout d'un moment, ayant marché pendant un temps qui leur avait paru long en entendant le bruit de l'eau se rapprocher de plus en plus, ils finirent par atteindre la fameuse rivière. Le sol s'enfonçait soudain pour former un petit vallon à moitié rempli par l'eau de la rivière. Elsa sentit soudain quelque chose d'étrange dans l'air, encore plus étrange que tout ce qu'elle avait pu sentir jusqu'à présent. Et cela semblait provenir de l'eau: il s'agissait sans aucun doute de la rivière enchantée dont leur avait parlé Gandalf, avant qu'il ne s'en aille au loin. Il fallait donc trouver le pont de pierre pour la traverser. Ils le cherchèrent quelques instants, mais Bofur le trouva rapidement: en effet, les dalles du sentier encore visibles sous la terre noire qui les recouvrait menaient à une structure en pierre au bord de l'eau. Mais hélas, pour la plus mauvaise surprise et le plus grand désarroi des compagnons, il ne restait plus grand chose du pont. Ses deux extrémités de chaque côté de la rivière étaient toujours là, mais tout le reste s'était écroulé. Ou plus exactement, on aurait que cela avait été détruit et emmené ailleurs, car aucune pierre ne gisait sur le sol au bord de l'eau. Qui avait bien pu détruire ce pont? Les Orques? Pourquoi?
Mais après tout, cela n'avait pas grande importance en cet instant: ce qui préoccupait le plus les compagnons était de trouver le moyen de traverser. Elsa sentit son cœur se serrer: ce pont cassé ne présageait rien de bon, et la chance ne semblait pas être de leur côté. Bofur se tint sur les ruines de pierre au dessus de l'eau, semblant réfléchir.
"On pourrait peut-être tout simplement traverser à la nage... dit-il d'une voix hésitante.
-Ne te souviens-tu pas de ce qu'a dit Gandalf? répondit Thorin. Toute la Forêt est porteuse de maléfices: les eaux de la rivière sont enchantées. Il faut trouver un autre moyen de traverser."
Tous se mirent alors à réfléchir et à regarder autour d'eux. Elsa tenta de lutter contre la buée qui avait envahi son esprit depuis qu'elle était entrée dans cette forêt, et s'affaira à trouver une idée. Elle n'était pas rassurée du tout, et tremblait même légèrement: de petits flocons voletaient autour d'elle tandis que du givre s'étendait à ses pieds, comme souvent maintenant durant leur périple à travers la Forêt Noire. 'Attendez!' se dit-elle soudain. Elle regarda à ses pieds et vit la fine couche de glace aux reflets luisants sous les maigres rayons perçants à travers les feuilles, et soudain une idée lui vint.
"Je crois que je sais comment nous faire traverser, lança-t-elle soudain en s'avnçant vers le pont."
Tous se tournèrent vers elle.
"Que comptez-vous faire? demanda Dori, intrigué.
-Faites-moi confiance, répondit-elle simplement en arrivant au bord des eaux.
-Faites attention miss Elsa, mit en garde Thorin."
La jeune femme acquiesça. Puis elle baissa la tête pour regarder l'eau au dessous d'elle, et ne manqua pas d'être étonnée: si le bruit de la rivière était apaisant, les eaux elles en étaient loin. Elles étaient ternes, noires, et de nombreuses feuilles mortes flottaient à leur surface, emportées par le faible courant. Les racines tordues et noirâtres des arbres y plongeaient par endroits tandis que des branches et des lianes s'entremêlaient parfois au dessus du lit de la rivière. Mais surtout, juste à la surface de l'eau flottait une étrange brume grisâtre. Elsa fut quelque peu intriguée: elle se pencha un peu plus, comme si sa tête devenait plus lourde. Des vapeurs semblaient s'élever de la rivière et emplir ses narines et sa bouche, lui procurant d'étranges et peu agréables sensations: elle se sentait lentement partir, comme si son esprit quittait son corps. Ses paupières devenaient lourdes. Et surtout, un étrange murmure, faible mais bien audible, semblait également émaner de la rivière: la jeune femme aurait juré entendre un souffle, une voix lui siffler des choses incompréhensibles dans les oreilles, comme pour l'hypnotiser. Elle sentit ses yeux se fermer et aurait basculé en avant si ses compagnons n'avaient pas soudain crié:
"Elsa!"
Alors elle rouvrit soudain les yeux et se redressa, secouant la tête et reprenant ses esprits. Elle se frotta les yeux et tenta de se concentrer, mais elle n'y arriva pas aussi aisément. Son esprit était soudain troublé, presque anesthésié. Elle prit tout de même une grande inspiration et concentra toute ses pensées sur son pied, duquel elle frappa le sol. Lentement, de la glace commença alors à apparaître et à s'élever au dessus de l'eau pour former un pont qui irait rejoindre l'autre rive. Le phénomène se déroula normalement pendant quelques secondes, mais bien vite, la progression du pont de glace cessa, et commença même à régresser.
Prise au dépourvu, Elsa frappa de nouveau le sol de son pied, mais rien n'y fit. La glace fondait assez rapidement, s'élevant dans les airs en un nuage translucide qui disparut bien vite sur la voûte sombre des feuillages. C'était comme si les vapeurs de la rivière faisaient fondre la glace. La jeune femme sentit soudain sa tête lui faire mal. Dépitée et un peu alarmée, elle recula et se retourna vers ses compagnons.
"Je suis désolée, dit-elle, ça... Ca ne marche pas. Je ne comprends pas pourquoi."
Les nains baissèrent alors les yeux, déçus et attristés. Elsa, elle, regarda ses mains avec inquiétude: que se passait-il? L'enchantement était-il assez fort pour la priver de ces pouvoirs? Ou était-ce simplement cette rivière qui dégageait trop de mauvais sortilèges?
Mais elle ne devait pas paniquer, cela n'était pas le moment. Elle vit que les nains s'étaient remis en quête d'un moyen de passer la rivière, et elle décida de chercher avec eux. Puis elle remarqua soudain que Bilbon se tenait immobile au bord de la rivière, fixant l'eau avec un regard étrange: il semblait hypnotisé.
Soudain, Fili qui s'était un peu éloigné appela les autres:
"Ces branches ont l'air solides! lança-t-il."
Tous se tournèrent vers lui: il se tenait un peu plus loin au bord du lit de la rivière, à un endroit où de grosses branches et d'épaisses lianes s'entremêlaient au dessus de l'eau, permettant d'atteindre l'autre côté sans toucher le liquide enchanté. Le jeune nain blond s'apprêta à s'engager sur ce chemin tout de même incertain, mais son oncle le rappela soudain:
"Fili! Le plus léger en premier."
Tous entendirent ces paroles, et comprirent ce que cela signifiait. Elsa se sentit alors inquiète, mais Thorin avait raison: il était plus logique et prudent de procéder ainsi. Alors tous se tournèrent vers Bilbon qui n'avait pas bougé, fixant toujours les eaux de la rivière. Mais lorsqu'il sentit tous les regards tournés vers lui, il regarda à son tour les grosses branches près desquelles se tenait Fili et comprit rapidement ce qu'on attendait de lui. Il sembla soudain apeuré, mais prit tout de même son courage à deux mains et se lança dans cette tâche.
Quelques instants plus tard, il était engagé au dessus de l'eau, s'accrochant comme il pouvait aux branches et aux lianes. Les autres se tenaient au bord de l'eau, retenant leur souffle, regardant leur ami s'en sortir comme il pouvait dans cette situation délicate.
'Courage Bilbon, pensa Elsa, courage.'
Le hobbit avançait lentement, regardant bien où il mettait les pieds et s'assurant toujours de pouvoir trouver une nouvelle prise au prochain pas.
"C'est bon, lançait-il de temps en temps. Je ne vois aucun... Problème."
Mais soudain, son pied glissa et il tomba à cheval sur une grosse branche juste au dessus de l'eau, avant de commencer à basculer sur le côté.
"Aaah! cria-t-il. Il y a un problème! Il y a un problème!
-Bilbon! crièrent Elsa et quelques autres."
Mais finalement, M. Sacquet parvint à se rattraper à une liane et à se remettre sur ses pieds. Mais alors il se trouva debout sur un enchevêtrement de lianes grisâtres, et la prochaine branche était trop loin pour qu'il puisse la saisir. Il dut se lancer en avant et bascula, avant de parvenir à saisir sa prise du bout des doigts. Il se retrouva alors suspendu à l'horizontale juste au dessus de l'eau, ses pieds toujours fixés sur les lianes et ses mains agrippées à la branche. Il resta ainsi quelques instants, immobile. Elsa le regarda, intriguée, se demandant ce qu'il faisait. Les vapeurs s'élevaient toujours de la rivière et l'encerclait de toutes parts. Elle vit soudain sa tête commencer à tomber lourdement vers l'eau: non, il ne fallait pas qu'il s'endorme.
Mais finalement, il parvint à se ressaisir et poussa sur ses pieds pour passer sur la grosse branche. Il se hissa alors dessus, et n'eut plus qu'un saut à faire pour atteindre l'autre rive. Il poussa donc sur ses jambes et atterrit lourdement sur la terre de l'autre côté de l'eau.
Soulagés, les autres s'engagèrent alors à leur tour sur les branches. Elsa et Thorin étaient dans les premiers: ils tâchèrent de s'accrocher où ils le pouvaient, évitant de toucher l'eau. Mais bien vite, la jeune femme sentit les vapeurs lui emplir les narines et embuer son esprit. Sa vision se troubla et elle dut lutter pour ne pas s'endormir. Tout devenait confus autour d'elle, les sons eux mêmes étaient altérés. A un moment, elle crut entendre la voix lointaine de Bilbon qui disait quelque chose comme:
"Attendez! Restez où vous êtes, quelque chose ne va pas!"
Mais son esprit était bien trop obstrué pour qu'elle puisse réagir à ses paroles. Elle s'accrocha, tentant de conserver autant de force que possible dans ses bras et de toujours poser les pieds sur les branches. Tout tournait, le monde vacillait autour d'elle... Elle devait résister, elle devait tenir; elle sentait ses compagnons se débattre comme ils pouvaient derrière elle. Alors, dans un effort inimaginable, elle poussa de toutes ses forces sur ses jambes et fit un saut qui lui parut durer une éternité: elle sentit un air vicié et épais lui frotter le visage, des larmes rouges montèrent à ses yeux. Puis enfin, elle se sentit partir dans une chute, et atterrit lourdement sur le sol. Elle ressentit une douleur suite au choc, et eut du mal à se relever, demeurant juste au bord de l'eau maudite. Mais soudain, une main prit la sienne et la tira, l'aidant à se relever.
"Debout miss Elsa, dit la voix de Thorin. Courage."
Elsa parvint à se remettre sur ses pieds et se trouva face au roi des nains qui avait déjà rejoint Bilbon. Bilbon qui la regardait d'ailleurs également d'un air inquiet.
"Tout va... bien, assura Elsa bien que cela ne fut pas vrai."
Sa vision était redevenue nette mais la tête lui tournait toujours, ses jambes tremblaient encore et son cerveau était embué. Mais au moins, elle était hors de portée des maléfices de la rivière. Seulement, tous les autres ne l'étaient pas encore: le reste des compagnons était toujours en train de s'accrocher comme il pouvait dans les lianes, et de passer avec prudence de branche en branche. Elsa, Thorin et Bilbon les regardèrent en serrant les lèvres, priant pour qu'ils s'en sortent et ne pouvant rien faire pour eux.
Nori commençait à approcher du bord quand soudain, un bruit se fit entendre de l'autre côté de la rivière. La jeune femme, le roi nain et le hobbit sursautèrent et tendirent soudain l'oreille tout en fixant la rive opposée. Le bruit se répéta: c'était un craquement de brindilles et de feuilles mortes comme ils en avaient entendu tant depuis qu'ils étaient entrés dans cette Forêt. Mais cette fois ci, il semblait très proche, beaucoup plus réel,... Un animal était réellement à proximité cette fois-ci. Mais quel genre d'animaux ces bois pouvaient-ils abriter? Les trois compagnons retinrent leur souffle, et soudain la bête surgit.
Mais c'était loin d'être un monstre: de derrière un gros tronc d'arbre bondit un grand et magnifique cerf, aussi blanc que la plus pure des neiges et dégageant presque une lumière éclairant les ténèbres de la Forêt. Il avança doucement jusqu'au bord de l'eau, ses sabots tapotant tranquillement le sol, et ses bois fournis se dressant, fiers, au dessus de sa tête. Elsa resta subjuguée: la vision d'un animal aussi beau était à la fois merveilleuse et rassurante dans cet endroit si effrayant. Le cerf les fixait également de ses yeux impassibles.
Thorin lui aussi resta quelques instants à admirer l'animal. Mais soudain, un autre sentiment que la fascination s'insinua dans son esprit: la faim. La faim qui tenaillait les compagnons depuis si longtemps maintenant, et qui avait maintenant une chance d'être soulagée. Alors, lentement, délicatement, il prit une flèche dans le carquois que son neveu lui avait prêté et l'encocha sur la corde de l'arc.
En entendant le bruit de la corde, Elsa tourna son regard vers Thorin et le vit, arc en main.
"Qu'est-ce que vous faites? demanda-t-elle dans un souffle."
Le souverain ne répondit pas: il tira lentement la flèche pour tendre la corde au maximum et la pointa vers le cerf, qui ne bougea pas d'un pouce. Il tenta de se concentrer comme il le put, mais ses mains tremblaient et sa vision était également brouillée. Il lâcha soudain la flèche et celle-ci passa à moins de deux centimètres du dos de l'animal, qui aussitôt bondit et disparut de nouveau entre les arbres, emportant avec lui cette lumière si apaisante.
Dépité, Thorin abaissa son arc.
"Vous n'auriez pas du faire ça, dit alors Bilbon sans quitter l'autre rive des yeux. Un cerf blanc porte chance.
-Je ne crois pas à la chance, répondit le fils de Thraïn. La chance on la crée."
Elsa resta un instant immobile, se sentant de nouveau très triste à présent que le cerf était parti. Mais elle fut brusquement tirée de sa rêverie lorsqu'un fort bruit d'eau et d'éclaboussure retentit non loin d'elle. Elle porta son regard vers la provenance du son, et son cœur fit un bond lorsqu'elle découvrit Bombur flottant, inerte, à la surface de l'eau de la rivière. Les vapeurs l'avaient totalement empoisonné et il avait lâché prise, se retrouvant dans les eaux noires de la rivière. A présent il avait totalement perdu connaissance: ses yeux étaient lourdement fermés et il respirait lentement, comme s'il dormait déjà depuis très longtemps.
Elsa regarda alors furtivement l'endroit où le cerf se tenait quelques secondes plus tôt: Bilbon avait-il dit que ce genre d'animal portait chance?
Quoi qu'il en fut, lorsque tous les autres compagnons eurent traversé la rivière et qu'ils retrouvèrent quelque peu leurs esprits, Thorin les somma de se saisir de longs bâtons afin de repêcher Bombur. Bofur et Bifur furent les plus actifs dans cette tâche: ils ne souhaitaient pas perdre leur frère et leur cousin. Finalement, tous réussirent à le ramener sur la berge, toujours totalement inconscient.
Ils tentèrent bien de le réveiller, l'appelant et lui tapotant le visage, mais rien n'y fit. Il ne fit que pousser quelques vagues grognements, indiquant au moins qu'il était bien vivant.
Alors, à l'aide de lianes, ils attachèrent quatre grands bâtons pour former un genre de cadre rectangulaire sur lequel ils fixèrent solidement plusieurs des couvertures que leur avait confié Beorn. Ainsi ils fabriquèrent un brancard de fortune sur lequel ils hissèrent Bombur afin de le transporter plus facilement.
Mais Elsa sentait la peur croître en elle: elle ignorait ce qu'il adviendrait du pauvre Bombur, mais au vu de son propre état et de celui de ses compagnons, le regard brumeux, le pas vacillant et la respiration lente et bruyante, elle se demandait s'ils ne finiraient pas tous comme lui un moment ou un autre. Et elle n'osait imaginer ce qui leur arriverait s'ils demeuraient ainsi, inconscient et sans défense au milieu de ces bois hostiles.
Le sentier reprenait de l'autre côté de la rivière, toujours plus sale et dissimulé par la terre, et les compagnons reprirent leur route en portant le poids de l'angoisse qui avait saisi leurs cœurs. Ils se relayèrent régulièrement pour porter le brancard de Bombur: il fallait bien être six pour y arriver. Et lorsqu'Elsa prenait part à cette tâche, elle se sentait tirée vers le sol, chacun de se pas devant une épreuve, nécessitant de reprendre son souffle à chaque fois qu'un pied passait devant l'autre. Mais même lorsqu'elle ne portait pas le brancard, avançait était réellement pénible.
Elle ignorait quel mauvais sort la rivière pouvait bien leur avoir jeté, mais elle était certaine que depuis qu'ils l'avaient franchie, les choses étaient pires qu'avant. A présent elle sentait toujours un poids, une force ennemie sur son dos et ses épaules, comme si une immense main invisible tentait de la plaquer au sol.
A présent les arbres semblaient réellement vouloir entraver leur chemin: ils s'avançaient parfois très avant sur le sentier déjà étroit, leurs branches sèches et épineuses faisant parfois obstacles aux compagnons, et leurs raines noueuses sortant parfois de terre en soulevant les dalles du sentier, ce qui manqua à de nombreuses reprises de faire trébucher les voyageurs. Leurs troncs étaient maintenant très souvent couverts de grandes toiles d'araignée qui s'étendaient également de branche en branche, menaçante, comme si les mailles d'un fourbe piège était en train de se tendre au dessus d'eux.
Mais pourtant, même à travers ces toiles, les troncs arrivaient encore à effrayer Elsa: son esprit tourmenté et bouleversé ainsi que sa vision altérée commençait à lui procurer d'inquiétantes hallucinations. Elle avait l'impression de voir se dessiner dans les troncs des visages monstrueux, avec de grandes bouches béantes et noires, garnies de crocs, et des yeux assassins qui la fixaient et l'observait à chaque instant. Cela la terrorisait véritablement: des sueurs froides coulaient sur son front et son dos, tandis que des flocons toujours plus nombreux tournoyaient dans les airs. Mais elle essayait de se contrôler: lorsque cela devenait trop effrayant elle fermait les yeux et tentait d'oublier ces chimères qui l'entouraient.
'Vous n'êtes pas là, murmurait-elle en tremblant, vous n'êtes pas là.'
Mais même alors, des voix et des murmures s'insinuaient dans son esprit. Des appels fantomatiques venant des profondeurs des bois... Elle avait l'impression que ses voix lui demandaient de les suivre, de quitter le sentier. Ce n'étaient la plupart du temps que des souffles et des murmures indistincts, mais dans toute l'horreur qu'il pouvaient lui procurer, elle jurerait avoir quelque fois entendu son nom:
'Elsa, Elsa...'
Et les autres ne se portaient pas mieux: lorsque Thorin n'aidait pas à porter le brancard, il marchait en tête, tentant toujours de garder le sentier en vue malgré sa vision troublée. Lui aussi voyait partout des visages effrayants et entendait des murmures à glacer le sang. Il respirait difficilement et ressentait de fréquents maux de tête: comme un sifflement si aigu qu'on pouvait à peine l'entendre, mais qui pourtant demeure là à vous détruire les oreilles.
Et parfois, il était pris de soudaines crises d'angoisses: il avait l'impression d'être abandonné, seul, que plus personne ne se trouvait derrière lui. Il se retournait alors en sursaut mais parvenait à se calmer en découvrant le visage de ses compagnons.
Mais le temps passait, passait, sans que jamais l'ombre d'une sortie ne se fasse entrevoir: les compagnons étaient accablés. Ils voulaient revoir la lumière, sentir à nouveau l'air frais, et contempler enfin la belle Montagne solitaire, le long Lac qui ondulait sous le vent frais et le grand palais d'Erebor... Mais seuls des arbres, des feuilles, des lianes, des champignons nauséabonds et des toiles d'araignée s'offraient à eux.
Combien de temps encore devraient-ils passer dans cet enfer avant d'enfin atteindre la lisière du bois?
"De l'air, j'ai besoin d'air, entendait-on parfois. J'ai la tête qui tourne."
Un jour, ou une nuit, ils firent une pause et déposèrent au sol le lourd brancard où Bombur était toujours évanoui. Bilbon se laissa tomber assis sur une grosse racine, et Elsa tomba à genoux sur les dalles du sentier, tandis que Thorin vacilla et se rattrapa à une grosse branche basse. L'esprit d'Elsa était toujours accablé de sifflements et de murmures. Les autres nains s'appuyèrent contre des troncs ou s'assirent au sol, transpirant comme s'ils étaient malades: certains étaient d'ailleurs pris de nausées.
"Qu'est-ce que c'est, toutes ces voix? demanda Bilbon dans un souffle. Vous les entendez?"
Sa propre voix résonnait à ses oreilles et à celles de ses amis, comme si elle provenait de l'autre bout d'un tunnel. Ils avaient mal au crâne, leur vision se dédoublait parfois, et ils se cachaient alors les yeux, pris de vertiges.
"Non, je n'entends plus rien, répondit alors lentement Thorin. Ni vent, ni chant d'oiseau... Quelle heure est-il?
-Je n'en sais rien, répondit Dwalin en levant péniblement les yeux vers la voûte des feuillages. Je ne sais même pas quel jour nous sommes.
-Cela prend trop de temps, souffla alors le roi des nains d'un ton énervé. Cette maudite Forêt n'a-t-elle PAS DE FIN?!
-Je n'en vois pas, fit Gloïn en balançant la tête de droite à gauche. Que des arbres, toujours des arbres."
Elsa n'en pouvait plus: ses yeux étaient rouges et humectés de larmes. Et Thorin se trouvait dans le même état: ne reverrait-il donc jamais la Montagne? Aurait-il donc été incapable de mener son peuple jusqu'à se terre promise?
Mais soudain, son regard fut attiré par quelque chose. Là bas, entre les arbres, dans les ténèbres des bois, une lueur apparut. Un petit point de lumière vacillante, qui tremblotait plus loin hors du sentier. On aurait dit qu'une lanterne venait d'être allumée. Thorin fronça les sourcils et resta un instant à fixer cette lueur étrange. Et soudain une autre apparut non loin de la première, puis une autre, et encore une autre... Bientôt Le chef de la compagnie vit tout un ballet de petites lanternes scintiller au fond des bois. Et en tendant l'oreille, il eut l'impression d'entendre des voix: mais des voix claires, plus humaines, et même des rires...
Il y avait des gens là bas, oui des gens qui pourraient sûrement les aider; les aider à enfin trouver la sortie de ce cauchemar. Thorin descendit alors de la branche sur laquelle il était assis pour se diriger vers les lumières.
"Là, par là! dit-il à l'adresse de ses compagnons. Suivez-moi."
Elsa et les autres levèrent les yeux, et virent avec horreur Thorin sortir du sentier pour s'aventurer entre les sombres arbres. Elsa eut envie de crier, de l'appeler, mais aucun son ne sortit de sa gorge.
"Mais Gandalf a dit que... commença Oïn.
-Avancez! lança le roi. Faites ce que je dis: il y a des gens là bas. Ils pourront nous aider."
Elsa redressa soudain la tête en entendant cela: des gens? De vrais gens, vivants et bien réels? Non pas des fantômes terrifiants qui les harcelaient à chaque minute... Cette nouvelle fut si rassurante à son cœur qu'elle n'hésita alors plus et se leva pour aller à la suite de Thorin, comme le firent tous les autres.
Elsa arriva au bord du sentier et prit une inspiration avant d'enjamber la grande racine qui se trouver là pour poser le pied sur une terre dans laquelle il s'enfonça légèrement, bien qu'elle fut couverte de feuilles mortes.
Puis enfin elle s'avança entre les arbres pour s'enfoncer à la suite du roi nain dans l'obscurité de la Forêt Noire, ses compagnons à sa suite, oubliant totalement les mises en garde de Gandalf qui semblaient à présent bien lointaines.
- Lhysender
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 26 Juin 2015, 22:15
*applaudissements*
Juste bravo. Si la discussion entre Elsa et Beorn du chapitre 3 deuxième partie est pour moi le passage le plus touchant de ta fic, ce chapitre tout entier est une pure merveille. Certes il est glauque...mais dans le bouquin aussi
Je sais pas si c'est le fait de le lire avec cette chaleur étouffante qui me donnait cette impression, mais en tout cas c'était tellement bien décrit que j'avais l'impression d'y être ! Et vu la suite, leur situation va pas s'arranger...
Par contre entre toi et Yokill, la pauvre Elsa n'a pas finit de perdre ses pouvoirs
Bref, un excellent chapitre, mon préféré au niveau de l'ambiance (oui j'ai des catégories de préférence ^^), qui est parfaitement retranscrite.
Je n'ai plus qu'une chose à dire: vivement la suite
Juste bravo. Si la discussion entre Elsa et Beorn du chapitre 3 deuxième partie est pour moi le passage le plus touchant de ta fic, ce chapitre tout entier est une pure merveille. Certes il est glauque...mais dans le bouquin aussi
Je sais pas si c'est le fait de le lire avec cette chaleur étouffante qui me donnait cette impression, mais en tout cas c'était tellement bien décrit que j'avais l'impression d'y être ! Et vu la suite, leur situation va pas s'arranger...
Par contre entre toi et Yokill, la pauvre Elsa n'a pas finit de perdre ses pouvoirs
Bref, un excellent chapitre, mon préféré au niveau de l'ambiance (oui j'ai des catégories de préférence ^^), qui est parfaitement retranscrite.
Je n'ai plus qu'une chose à dire: vivement la suite
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 26 Juin 2015, 22:45
Cool que ça t'ait plu.^^
J'avais peur qu'avec toutes ces lignes de description et ce peu de dialogues, ça devienne lassant. Mais si tu avais l'impression d'y être, ça va alors.
C'est sûr que ça ne va pas aller en s'arrangeant pour eux.
Bref, merci de ton comment' et je te souhaite un bon week-end!^^
J'avais peur qu'avec toutes ces lignes de description et ce peu de dialogues, ça devienne lassant. Mais si tu avais l'impression d'y être, ça va alors.
C'est sûr que ça ne va pas aller en s'arrangeant pour eux.
Bref, merci de ton comment' et je te souhaite un bon week-end!^^
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
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Live your life in peace like you're just a sheep
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- Micky93Légende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Sam 27 Juin 2015, 12:55
Bon bah... Que dire mise à part que c'est un excellent chapitre mon cher M.B.
Alors j'ai bien aimé le petit clin d’œil au film lorsque Elsa tente de créer le pont en tapant le sol à l'aide de son pied. Par contre, c'est quoi ce bordel ? Elsa qui est incapable d'utiliser ces pouvoirs ? WTF ? Est-ce à cause des sortilèges présents dans la forêt ?
Cela mérite des explications et vite M.B !
Ensuite, bah... Vivement la suite comme d'habitude !
Alors j'ai bien aimé le petit clin d’œil au film lorsque Elsa tente de créer le pont en tapant le sol à l'aide de son pied. Par contre, c'est quoi ce bordel ? Elsa qui est incapable d'utiliser ces pouvoirs ? WTF ? Est-ce à cause des sortilèges présents dans la forêt ?
Cela mérite des explications et vite M.B !
Ensuite, bah... Vivement la suite comme d'habitude !
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Sam 27 Juin 2015, 18:35
Merci Micky, content que tu aies aimé.^^
Par contre, euh... Comment dire que je ne comptais pas donner beaucoup plus d'explications. Enfin je sais pas, pour moi c'est pas compliqué: la Forêt est imprégnée de magie noire et Sauron la tient sous son emprise, donc Elsa a l'esprit brouillé et j'avais imaginé que la magie noire lui donnait du mal pour utiliser ses pouvoirs. Voilà c'est tout.^^'
Mais bon, rien que pour toi mon petit chou je vais faire un effort et essayer d'en reparler un peu dans le prochain chapitre.
Donc, la suite vendredi prochain.^^
Par contre, euh... Comment dire que je ne comptais pas donner beaucoup plus d'explications. Enfin je sais pas, pour moi c'est pas compliqué: la Forêt est imprégnée de magie noire et Sauron la tient sous son emprise, donc Elsa a l'esprit brouillé et j'avais imaginé que la magie noire lui donnait du mal pour utiliser ses pouvoirs. Voilà c'est tout.^^'
Mais bon, rien que pour toi mon petit chou je vais faire un effort et essayer d'en reparler un peu dans le prochain chapitre.
Donc, la suite vendredi prochain.^^
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 03 Juil 2015, 16:30
Salut les gens!^^
Voici le chapitre 6. Bon, je sais que ces déambulations dans la Forêt noire vont peut-être vous paraître un peu longue, mais c'est justement pour rendre ce sentiment que tout cela est interminable et que les compagnons n'en peuvent plus.
Mais ne vous inquiétez pas, il se passe tout de même de nouvelles choses dans ce chapitre. Et à partir du prochain, le rythme va reprendre, je vous le garantis. Bonne lecture.^^
Les lueurs qu'avaient aperçues Thorin avaient été comme une petite étincelle d'espoir dans le cœur des compagnons: un espoir fou qui avait jailli dans leurs esprits empoisonnés par la Forêt, et qui leur avait procuré la si douce sensation de pouvoir enfin atteindre la lisière Est de Vertbois. Mais tout cela n'avait été qu'une brève illusion, bien vite remplacée par un désespoir encore plus grand.
Suivi par tous ses compagnons, Thorin avait avancé sans s'arrêter entre les arbres, ne quittant pas une seconde son objectif des yeux, écartant d'un coup sec chaque feuille, chaque branche qui se mettait en travers de son chemin. Son regard était fixé sur les lueurs qui dansaient au loin entre les noirs feuillages: son esprit ne pensait plus à rien d'autre qu'à les atteindre. Il devait les atteindre, trouver ceux qui les émettait pour qu'ils les guident jusqu'à la sortie de cette Forêt... S'il n'atteignait pas les lueurs, il était sûr qu'il se mettrait à pleurer tant cela serait insupportable.
Et malheureusement, plus il avançait, plus les étranges lucioles semblaient s'éloigner, devenant même de moins en moins éclatantes. Oui, cela était certain maintenant, elle s'éloignaient visiblement de lui à mesure qu'il tentait de les atteindre.
"Non! cria-t-il en tendant une main désespérée devant lui. NON!!!"
Son cri semblable à une terrible agonie résonna de toute part entre les troncs inquiétants, mais rien n'y fit: les lueurs disparurent bientôt au loin, s'éteignant totalement et laissant les compagnons dans la plus totale obscurité.
Tout resta silencieux et en suspend pendant un moment. On entendait seulement la respiration haletante, presque paniquée, de Thorin, tandis que les jambes de chacun des compagnons tremblaient, ne sachant plus où se diriger. Ils auraient cédé au désespoir si plus loin sur la gauche ne s'étaient pas soudainement allumées de nouvelles lueurs orangées. Cette fois ci, tout le monde les vit: elles étaient vacillantes et floues, mais ils les voyaient bien danser là bas entre les arbres. Une nouvelle fois emplis par un soudain espoir insensé, ils se mirent à courir aussi vite qu'ils le purent pour atteindre ces lumières: ils manquèrent souvent de trébucher et s'égratignèrent à plusieurs reprises sur des branches ou des troncs. Et ces maux furent endurés en vain, car à nouveau les lumières s'éteignirent avant qu'ils n'aient pu s'en approcher, disparaissant dans un souffle à faire froid dans le dos.
Et ce fut à nouveau l'obscurité, qui ne fut plus jamais percée par aucune lueur. Cette fois, Thorin n'en put plus et s'effondra à genoux, laissant échapper de lourdes larmes qui coulèrent sur ses joues avant d'aller s'écraser sur la terre souillée. Et Elsa eut du mal à se retenir de faire de même. Tous restèrent là, silencieux, désespérés, et surtout perdus.
Car la jeune femme fut soudain parcourue d'un horrible frisson d'horreur lorsqu'elle réalisa qu'ils ne se trouvaient plus sur le sentier, et qu'elle n'avait aucune idée de la direction à prendre pour le retrouver. Tous se figèrent alors dans l'horreur, n'osant plus bouger à l'entente du son glaçant qui flottait dans l'air; comme si un énorme serpent glissait perfidement sur le sol, remuant la terre et broyant chaque feuille de son corps visqueux.
Elsa tremblait et pleurait, son esprit n'en pouvant plus: il fallait que cela cesse ou bien elle sombrerait dans la folie. Cette obscurité encore plus épaisse que lorsqu'ils étaient sur le sentier était bien pire que terrifiante. Et ici, l'air était encore plus lourd et tourmenté, comme si du poison flottait dans chaque centimètre carré d'air libre entre les arbres.
Ce cauchemar devait cesser, quelqu'un devait leur venir en aide. Les nains avaient bien dit que des elfes habitaient cette Forêt? Et bien où étaient-ils? Pouvaient-ils encore espérer leur secours? Elsa se rappela avec une terrible mélancolie la douce cité de Fondcombe, avec ses bruits de cascade si apaisants et son lit si parfait dans la chambre de la fille d'Elrond. A l'époque, elle n'avait pas mesuré à quel point la dernière Maison Simple était véritablement un havre de paix dans ce monde; et à présent elle se demandait si les elfes de la Forêt noire disposaient d'un royaume pareillement agréable.
Mais si cela était le cas, pour l'instant aucune trace de lui ne se présentait à eux. Seules les horribles ténèbres les enveloppaient. Ténèbres dans lesquelles se dressaient des troncs diaboliques qui tentaient de les éliminer à chaque instant.
Finalement, Thorin parvint à reprendre quelque peu ses esprits, et releva la tête pour regarder l'endroit où se trouvaient auparavant les lueurs fantômes.
"Pourquoi? murmura-t-il d'une voix tremblante. Pourquoi sont-elles parties?
-Thorin, il ne faut pas se fier à ce que nous voyons, dit soudain Balin en s'avançant aux côtés du roi. Tout n'est qu'illusion ici: ces lumières n'étaient qu'un piège sournois de cette Forêt ensorcelée. Nous avons cru qu'elle nous montreraient la route, mais elle nous l'ont en réalité fait perdre. Nous devons vite retrouver le sentier, ou tout sera perdu."
Balin tendit la main à Thorin, qui prit alors une grande inspiration et accepta cette aide afin de se relever. Il se tourna alors vers les autres et dit d'ne voix qui se voulait forte et sans tremblements:
"Tâchons de retrouver le sentier au plus vite, ou ces ténèbres auront vite fait de tous nous emporter. Ne pensez plus à rien d'autre, concentrez vous uniquement sur cet objectif: le sentier."
Tous acquiescèrent et s'empressèrent de repartir en quête du chemin des elfes. Ils reprirent en main le brancard où Bombur était toujours profondément endormi et se remirent en route. Mais jamais ils ne retrouvèrent le sentier.
Ils marchèrent durant ce qui leur sembla encore une éternité entre les arbres, sombrant un peu plus dans la démence à chaque minute qui passait. Le souffle nocif de ces bois pénétrant leurs cerveau et bouleversant leurs sens. Car à présent, ils ne disposaient même plus de la maigre protection de la route des elfes contre les maléfices de cette Forêt.
Ils déambulèrent sans fin, passant sur et sous de grandes racines tordues et épineuses, près de crevasses dans lesquelles ils manquèrent de tomber et où dormaient on ne savait quelles abominations. Parfois, de maigres filets de lumières parvenaient encore à percer les feuillages, les aidant quelque peu à s'habituer à l'obscurité. Mais cela ne fut que pour découvrir ce qu'ils s'attendaient bien à voir: des arbres aux formes sinistres s'étendant à perte de vue sur une terre noirâtre, et pas la moindre trace du sentier. Elsa ne savait vraiment pas comment elle faisait pour ne pas s'écrouler en larmes sur le sol, et se laisser dépérir là plutôt que de continuer à lutter en vain.
Elle et les autres continuaient de chercher, chercher la moindre pierre claire enfouie sous la terre, mais jamais rien. Dans leur délire, les compagnons se mettaient souvent à parler à haute voix.
"Je ne me rappelle pas avoir vu ça, disait Balin. Je ne reconnais absolument rien.
-Il est forcément là, lançait Dori d'une voix affolée, il ne peut pas avoir disparu."
Certains disaient même parfois des choses insensées.
"A moins que quelqu'un l'ait déplacé, faisait remarquer Dwalin avec un regard vide et fixe."
Mais le pire n'était pas la quête désespérée du sentier; le pire était les hallucinations flagrantes et régulières qui assaillaient les compagnons.
Tandis qu'ils avançaient à l'aveuglette dans les bois sombres, sans avoir la moindre idée de la direction dans laquelle ils se dirigeaient, leurs yeux et leurs oreilles devenaient presque leurs pires ennemis: leur faisant voir et entendre des choses terrifiantes et tentant de les tromper à chaque instant. Ils ne pouvaient presque plus se fier à leurs sens.
Elsa tremblait comme une feuille en regardant autour d'elle: à présent elle avait l'impression de voir des ombres, des silhouettes inquiétantes se déplacer entre les troncs. Elles semblaient l'observer et se dissimuler dès qu'elle essayait de les attraper du regard; et pourtant, même cachées, elles terrifiaient toujours la jeune femme qui entendait également des voix.
Des murmures et des souffles plus distincts que jamais, souvent dans une langue étrange qu'elle n'avait jamais entendu: une langue à faire se dresser les poils sur la peau et à faire transpirer d'angoisse même la plus froide des âmes. Mais parfois, au milieu de tous ces dialectes incompréhensibles pour la dame des neiges, d'autres choses se faisaient entendre; des choses qu'elle comprenait parfaitement et qui n'étaient pas pour la rassurer. Toutes ces voix semblaient l'accuser, la blâmer, la réprimander cruellement et lui reprocher chaque chose qu'elle avait fait dans sa vie. Et parfois même elle se raidissait d'horreur lorsqu'elle entendait une voix sifflante murmurer:
'Je voudrais un bonhomme de neige.'
Les autres ne se portaient pas mieux: Bilbon était constamment pris de terribles vertiges et voyait le monde basculer autour de lui, et alors il manquait lui même de s'effondrer au sol. Parfois, lorsqu'il regardait ses pieds, il avait l'impression de les voir marcher à l'envers, et sentait même le sol reculer sous sa plante. Ce qui ne l'aidait en rien à être rassuré ni à retrouver l'équilibre: cela lui donnait même d'affreuses nausées. Il lui arrivait même de voir, à son plus grand désarroi et son plus grand malaise, lui. Parfois, lorsqu'il se retournait, il ne se trouvait en face de nul autre que lui même: un Bilbon tout semblable à celui qu'il était, mais qui le fixait d'un air étrange. Et alors il fermait les yeux et priait pour ne plus jamais rien voir d'aussi angoissant.
Et tout cela n'était encore que de faibles hallucinations: les compagnons étaient parfois sujets à de véritables visions d'horreur.
Fili, un jour, alors qu'il marchait les bras et la mâchoire pendants, regardait droit devant lui, guettant désespérément le moindre petit point de lumière qui indiquerait la sortie de cette Forêt, vécut l'un des moments les plus terrifiants de sa vie. Son regard fixé au loin, il finit soudain par distinguer une lueur entre les arbres. Il s'arrêta alors net, ayant peine à y croire: était-ce vrai? Etait-ce enfin la fin de cet enfer? Il cria pour prévenir ses compagnons, mais aucun d'eux ne réagit: ils continuèrent d'avancer sans même se retourner.
"Hé! appela-t-il encore. Vous entendez? Je vois une lumière là bas! C'est sûrement le bout de ces bois. Qu'est-ce que vous faites? Vous ne m'entendez donc pas?"
Rien à faire: ses camarades continuaient leur route entre les sombres troncs. Perplexe, Fili resta un moment figé sur place. Son cœur se mit à battre un peu plus vite: que se passait-il avec les autres? Etaient-ils tous envoûtés par un autre maléfice de cette maudite Forêt? Il reporta son regard sur la lueur, et constata soudain que ce n'était pas une lumière blanche comme celle du jour, mais une lumière rouge. Sa respiration devint un peu plus saccadée: y avait-il un incendie là bas? Marchaient-ils droit vers un nouveau danger?
Mais soudain, il eut la certitude de voir la lumière se rapprocher. La lueur rougeâtre se rapprochait inexorablement de lui, répandant son panache flamboyant entre les arbres. Son cœur se mit à battre encore plus vite et il voulut reculer, mais ses pieds étaient figés dans le sol. Il baissa les yeux et vit que des racines noires et mousseuses s'étaient solidement enroulées autour de ses chevilles, le maintenant fermement sur place, l'empêchant de fuir. Il releva les yeux et vit la lumière se rapprocher toujours davantage, de plus en plus vite lui semblait-il.
Mais à présent, il pouvait voir la source de cette lumière: comme une énorme boule de feu aux crêtes flamboyantes qui dansaient, ardentes, entre les troncs et les branchages, et qui fonçait droit sur lui. Non... Ce n'était pas seulement une boule de feu: il y avait quelque chose en son centre. Quelque chose de noir, de fin... Comme une grande pupille de serpent. C'était un œil! Un gigantesque œil de feu tranché d'une pupille aussi verticale aussi noire et sournoise que les pires ténèbres.
A présent le cœur de Fili battait à tout rompre: il avait si peur qu'il craignait que sa poitrine explose. Et rien ne s'arrangea lorsqu'une terrible voix, rauque, caverneuse... Une voix d'outre tombe résonna dans sa tête, tandis que l'œil fonçait toujours droit sur lui.
"Tu es perdu, coincé ici pour toujours, héritier de Durin. Il fut facile de pénétrer en ces lieux, il sera impossible d'en ressortir. Mais après tout pourquoi en ressortir? Que peux-tu bien espérer de cette quête insensée? Pourquoi courir après le rêve fou d'un palais d'or, d'argent et de diamant qui n'est plus le vôtre depuis longtemps? Tu sais ce qui t'attend au bout de ce voyage: le chemin sur lequel tu t'es engagé ne te mènera qu'à la mort."
Fili se boucha les oreilles: cette voix était insoutenable, bien trop terrifiante pour lui, et il ne voulait plus entendre ses paroles.
"Thorin, mon oncle! hurla-t-il. Kili! Balin! Dwalin! Elsa! Au secours!"
Mais toujours aucun d'entre eux ne réagit: ils gardèrent le dos tourné, continuant leur marche tandis que les flammes de l'œil se rapprochaient. A présent ce dernier était tout proche: il avait transformé les noires ténèbres de la Forêt en une fournaise rougeoyante et guère plus rassurante. L'œil le fixait, semblant percer son âme et voir tout ce qui était enfoui au plus profond de lui.
"Inutile d'appeler à l'aide, reprit l'horrible voix. Ils ne peuvent rien, ils ne peuvent t'empêcher de faire face à ton sort, car ils subiront le même que toi!"
Et soudain, la pupille de l'œil disparut et la boule de feu éclata et se répandit partout autour de Fili. Horrifié et affolé, il vit les flammes ardentes et orangées engloutir en un instant tous ses compagnons qui poussèrent des cris affreux.
"Non! hurla Fili."
A présent la Forêt flambait autour de lui: chaque tronc était en feu et se consumait en laissant échapper un sifflement désagréable. Des cris d'animaux fantômes semblaient soudain résonner partout autour de lui, comme si les bêtes qui habitaient les ténèbres de ces bois cherchaient désespérément à fuir.
Fili pleurait abondamment à présent: il avait du mal à respirer car la fumée rouge s'élevait partout autour de lui, tandis qu'il sentait l'atroce chaleur des flammes sur sa peau. Il était véritablement paniqué: mais comment arrêter ce feu? Que fallait-il faire? D'où provenait-il? Comment avait-il été déclenché?
Mais soudain, un mugissement lointain et assourdissant se fit entendre. Terrorisé, le neveu de Thorin leva les yeux et vit une silhouette immense et massive se dessiner dans les flammes. Une bête surdimensionnée se trouvait là, et s'avançait vers lui comme la mort munie de sa grande faux.
Malgré sa vision embuée par les larmes, Fili parvint à distinguer une tête au bout d'un long cou, un corps massif qui serpentait entre les troncs et une longue queue qui fouettait l'air derrière lui. Alors son cœur tomba dans sa poitrine lorsqu'il comprit ce qu'était cette silhouette: un dragon. Un immense dragon... Smaug! C'était Smaug, cela était certain. La bête s'avançait vers lui à une vitesse terrifiante: à présent il n'y avait plus que quelque mètres entre elle et le jeune nain. Alors celui-ci, à bout de forces et d'espoir, ferma les yeux et hurla toute sa terreur, attendant la fin.
Mais soudain, il sentit comme des tapes sur sa joue. Il ouvrit les yeux, et toutes les flammes avaient disparu. Les ténèbres de la Forêt étaient revenues ainsi que le silence pesant. On lui donnait de petites tapes sur la joue et on lui tenait aussi la main droite, tandis que des voix l'appelaient:
"Fili! Fili!"
Il mit quelques instants pour revenir à lui et recouvrer la netteté de sa vision et de tous ses sens. Alors il réalisa qu'il était allongé par terre, sur le sol de la Forêt noire, et qu'il transpirait abondamment. Il vit que tous les autres s'étaient rassemblés autour de lui avec des airs préoccupés. Elsa, Bilbon et Dwalin étaient penchés sur lui en le regardant avec des expressions inquiètes tandis que Kili et Thorin étaient carrément agenouillés à ses côtés, l'air paniqué. Fili parvint finalement à se calmer et à reprendre son souffle.
C'était Thorin qui lui tenait la main et qui lui avait tapoté le visage.
"Fili, tout va bien? demanda-t-il en posant sa main sur le front de son neveu pour déceler une éventuelle fièvre. Te sens-tu malade?
-N... Non, balbutia ce dernier avec des lèvres encore tremblantes et des yeux encore embués de larmes. Je... Je vais bien.
-Que t'est-il arrivé? demanda alors Kili en posant sa main sur l'épaule de son frère. Tu nous as appelé plusieurs fois, en finissant par crier nos noms, puis tu t'es écroulé au sol et tu as hurlé à la mort. Nous avons cru que tu avais été attaqué par on ne sait quelle bête invisible.
-C'était... répondit Fili en hésitant. C'était une hallucination; un genre de cauchemar.
-Qu'as-tu vu? s'enquit Thorin. Cela devait être terrible."
Fili regarda quelques instants son oncle dans les yeux: il hésitait à répondre à sa question. Il ne savait que penser de cette vision qu'il avait eu. N'était-ce qu'un cauchemar de plus dans ces bois ou cela avait-il quelque rapport avec la réalité? Non, il refusait de croire que tous finiraient ainsi; et il n'avait pas envie de reparler de cette horreur qu'il avait vu. Il préféra ne rien dire.
"Non, ce n'était rien, finit-il par répondre. C'était juste un mauvais rêve, c'est fini à présent."
Puis il tenta soudain de se redresser, mais Thorin le repoussa doucement vers le sol.
"Fili, tu devrais peut-être resté allongé un moment, suggéra-t-il avec ce même air inquiet. Tu as sûrement besoin de te reposer.
-Non, je te remercie mon oncle, répondit le jeune nain. Je vais aller bien.
-Mais Fili... protesta Thorin.
-Allons mon oncle, laissez-le donc se relever, s'interposa soudain Kili en donnant une tape d'encouragement sur l'épaule de son frère. Fili connait ses capacités, et il n'est pas du genre à rester en arrière. Pas vrai frérot?"
Le cadet se remit alors sur pied et aida son aîné à faire de même, sous le regard préoccupé de Thorin. En voyant que tous les autres lui portaient ce même regard, Fili leur assura que tout allait bien et qu'ils pouvaient reprendre leur route. Alors l'errance reprit pour les compagnons.
Thorin repartit en tête du groupe, tandis que Fili et Kili marchaient à présent côte à côte. A un moment, Dwalin s'approcha d'eux.
"Soyez prudent les p'tits gars, dit-il en jetant des regards méfiants autour de lui. Je crois que cette Forêt est bien plus dangereuse que tout ce que nous craignions; voyez ce qu'elle a pu faire à l'aîné de Dís. Promettez-moi de faire attention."
Les deux frères acquiescèrent silencieusement. Elsa avait observé la scène et pensa qu'elle n'avait jamais vu Dwalin agir de manière aussi parentale avec d'autres membres de la compagnie. Curieuse, et également pour essayer d'enfin penser à autre chose que tous ces maléfices qui la tourmentaient, elle s'approcha du guerrier et lui demanda:
"Vous tenez à eux n'est-ce pas?
-Mh? grogna l'intéressé. Qui, moi? Qu'est-ce qui vous fait dire ça voyons?
-Oh, voyons Dwalin, fit-elle sur un ton légèrement amusé, cela vous arrive-t-il si souvent de veiller sur les autres comme vous venez de le faire?"
Le nain resta silencieux quelques instants, puis, démasqué, finit par répondre.
"Oui c'est vrai. Ils ont pratiquement grandi avec moi; car Thorin les emmenait souvent me voir. 'Oncle Dwalin' qu'ils m'ont toujours appelé. Ha ha... Ils aimaient se bagarrer avec moi: on pouvait dire que je les formais au combat. Kili était le plus intrépide: il n'était pas toujours très rigoureux dans ce qu'il faisait mais il ne manquait pas d'ingéniosité. Fili, lui, il était appliqué, sérieux,... Je pense qu'il aimait que l'on soit fier de lui et qu'on lui fasse confiance. Mais malgré leurs différences, ils finissaient souvent par se rouler tous les deux dans la poussière et le sable. Sacrés p'tits gars, va!"
Et pour la première fois depuis bien longtemps maintenant, Elsa afficha un petit sourire en entendant cette confession.
Mais il fut bien vite chassé. Les ténèbres enserraient toujours plus les compagnons, et rien ne semblait pouvoir y mettre fin. Leurs esprits étaient de plus en plus souillés: Elsa sentait à présent qu'elle ne tiendrait plus longtemps.
Un jour, ils se trouvèrent au pied d'une petite colline sur qui montait sur une bonne dizaine de mètres, aussi couvertes d'arbres que le reste de la Forêt. Toujours poussés par le même espoir qu'un obstacle cachait peut-être enfin la sortie des bois, ils la gravirent avidement, souhaitant de tout leur cœur, de toute la force de leurs entrailles que de l'autre côté de ce monticule se trouve enfin la lisière du bois. Elsa grimpait, grimpait, la respiration haletante, le long de la colline. Elle se faufilait entre les troncs souvent couverts de toiles d'araignée particulièrement épaisses et collantes.
Elle luttait contre les voix qui cinglaient ses oreilles à chaque instant et qui insinuaient de déplaisantes choses dans son esprit. Mais elle ignorait combien de temps elle pourrait tenir ainsi.
Finalement, ils atteignirent le sommet de la colline, et sentirent comme des poignards leur transpercer le cœur lorsqu'ils découvrirent qu'aucune trace de la fin du bois ne se faisait voir. Elsa manqua de s'écrouler à genoux: c'était fini, elle n'en pouvait plus. Elle ne pourrait plus continuer. Elle sentit ses dernières forces l'abandonner, et elle ne trouva plus le courage de résister aux maléfices de la Forêt. Les voix s'amplifièrent dans sa tête, et elle se sentit comme paralysée: ses jambes ne parvenaient plus à bouger. Elle trembla, le regard fixé sur un point au loin. Elle avait perdu tout contact avec le monde qui l'entourait, enfermée dans ce monde d'ombres de voix qui l'assaillaient de toutes parts. Avec horreur, elle vit les silhouettes sombres que formaient les arbres commencer à se tordre et à s'animer pour se diriger lentement vers elle.
Les autres compagnons, eux, étaient tout aussi désespérés que soudain interloqués: car l'endroit qui se trouvait devant leurs yeux leur disait quelque chose. La colline redescendait quelque peu et à leurs pieds s'étendait une sorte de grande cuvette, couverte de feuilles mortes et de brindilles séchées. Cependant, ici les arbres étaient légèrement moins nombreux que dans le reste de la Forêt, si bien que les rayons du Soleil perçaient plus abondamment entre les feuillages, éclairant l'endroit un peu plus intensément qu'à l'accoutumée. Mais les compagnons ne voyaient pas cela pour la première fois: cela leur rappelait quelque chose. Oui, ils étaient persuadés d'avoir déjà vu cet endroit.
Ils descendirent lentement dans la trouée, apeurés et intrigués. Les troncs étaient tout aussi noirs et couverts de grandes toiles. Un moment, Dori se baissa pour ramasser quelque chose au sol. Un genre de petit sac en cuir, rempli de feuilles séchées et odorantes.
"Une blague à tabac... remarqua-t-il en fronçant les sourcils. Il y a des nains dans cette Forêt alors?
-Et qui plus est des nains des Montagnes Bleues, ajouta Bofur en prenant l'objet dans ses mains. C'est exactement la même que la mienne.
-Parce que c'est la vôtre, lança soudain Bilbon d'un ton irrité. Vous ne comprenez pas? Nous sommes déjà passés par ici, on ne fait que tourner en rond!"
Les autres tournèrent lentement leurs regards vers lui, les yeux grands ouverts et injectés de sang, ravagés par la fatigue et la démence.
"Nous sommes perdus, affirma le hobbit.
-Non, protesta Thorin en regardant de tous côtés, nous continuons vers l'Est.
-Mais c'est où l'Est? demanda soudain Oïn d'une voix forte et brisée par la désespoir. On ne voit plus le Soleil! On ne l'a plus vu depuis bien trop longtemps!"
En entendant cela, Bilbon se sentit soudain comme piqué au vif: il devait bien admettre que depuis qu'ils avaient quitté le sentier, ils n'avaient aucun moyen de connaître la direction dans laquelle ils avançaient. Puis il fut soudain ébloui par un petit scintillement dans son œil: un des rares filets de lumières qui pénétrait ces bois venait tout juste de heurter sa cornée. Il leva alors les yeux et vit au dessus de lui les sombres feuillages ondulant lentement, et qui laissaient par endroit passer les rayons du jour. Alors une idée se forma dans son esprit pourtant grandement troublé.
"Le Soleil... Murmura-t-il. Il faut trouver... Le Soleil."
Et enfin il comprit: bien sûr, il devait grimper tout en haut d'un arbre pour voir enfin où était le Soleil, repérer au loin la lisière du bois et connaître la direction à prendre. Soudain rempli d'un nouvel espoir et d'un élan d'enthousiasme, il regarda autour de lui pour trouver le meilleur arbre auquel grimper. Et malgré ses vertiges et sa vision brouillée, il eut vite fait de repérer un large tronc aux branches nombreuses et solides, dont certaines étaient assez basses pour entamer l'ascension.
Mais les nains, eux, à bout de forces, laissèrent soudain exploser la frustration, la fatigue et la colère qui sommeillaient en eux depuis tout ce temps.
"Comment ça où est l'Est? s'énerva Dwalin. Je croyais que c'était toi l'expert.
-Tu insinues que c'est ma faute si l'on est perdu?
-Peut-être bien."
En quelques instants, les railleries et les insultes se mirent à fuser de toutes parts. Certains en vinrent même aux mains: saisissant le plus proche d'eux par le col et le poussant contre le tronc d'un arbre.
Seul Thorin ne prenait pas part à la dispute: il était immobile, tendant l'oreille. Il s'était soudain redressé lorsqu'il lui avait semblé entendre un bruit proche, trop proche. Il regarda autour de lui mais l'obscurité était encore trop important pour lui permettre de voir bien loin. A nouveau, cet espèce de craquement étrange se fit entendre.
Thorin scrutait les ténèbres avec appréhension: il sentait une présence désagréable non loin de là. Mais ce n'était pas comme toutes ces hallucinations qu'il avait eu jusqu'ici; cette fois cela était bien réel. Il sentait vraiment que quelque chose bougeait plus loin entre les troncs. Et il doutait que cela soit une bonne nouvelle.
"Qu'est-ce que c'était? murmura-t-il pour lui-même."
Lorsqu'il se rendit soudain compte que ses compagnons se disputaient violemment, il se retourna vers eux et lança d'une voix forte:
"Silence!"
Tous cessèrent alors et le regardèrent, intrigués. Il leur lança alors un regard appuyé et ajouta dans un souffle:
"On nous observe."
En haut de la colline, Elsa se tenait toujours debout. Elle n'avait pas bougé de cet endroit, prisonnière des affreuses illusions et incapable de bouger le moindre petit doigt. Et pourtant, dieu sait qu'elle aurait voulu courir pour aller rejoindre ses compagnons. A présent les ombres évoquaient pleinement des formes humaines, des silhouettes malveillantes qui se rassemblaient en cercle et se resserraient autour d'elle.
Elsa tremblait et pleurait: elle n'avait plus d'issue, elle était piégée par ces fantômes ombrageux. Et à présent elle entendait leurs voix de toutes parts.
'Sorcière! Monstre! Ne l'approchez pas, ne la touchez pas! Elle va vous blesser, vous faire souffrir... Elle ne sait faire que cela!'
Et il la pointaient du doigt, certains hurlaient après elle, l'insultaient, faisaient mine de lui jeter des pierres, pierres qu'Elsa pouvait presque sentir lui écorcher la peau. Elle tentait de se protéger avec ses bras, mais rien n'y faisait. Les voix, les paroles de haine, de peur et les insultes envahissaient totalement son esprit à présent, elle n'entendait plus rien d'autre.
"Arrêtez, s'il vous plaît! Implorait-elle en pleurant. Arrêtez, je ne suis pas un monstre."
Et soudain, parmi les voix une autre s'éleva. une des ombres se détacha des autres et s'avança de quelques pas pour faire face à la jeune femme, menaçante.
'Tu as raison Elsa, dit-elle d'une voix dure et cruelle. Tu n'es pas un monstre; tu es plutôt une LACHE.
-Non! cria Elsa en laissant échapper un flot de larmes. S'il vous plaît..."
Elle cacha son visage à l'aide de ses mains pour dissimuler ses pleurs. Mais soudain, alors que les voix des ombres devenaient une clameur lointaine, étouffée et indistincte, une voix caverneuse résonna dans sa tête.
'Elsa, appelait-elle. Regarde moi.'
Surprise, la jeune femme se risqua à rouvrir les yeux et à sortir son visage de ses mains. Alors, elle vit en face d'elle une grande ombre à forme humaine, entourée de quelques flammes lumineuses qui semblaient éclairer les bois obscures. On aurait vaguement dit que la silhouette ombrageuse portait une armure, car sa tête semblait porter un lourd casque, tandis que deux yeux rouges se dessinaient sur le visage d'un noir de geai aux traits indistincts. Els aurait pu avoir peur, mais ces flammes lui redonnaient presque du courage au milieu de toutes ces ombres menaçantes.
"Q... Qui êtes-vous? demanda-t-elle en tremblant.
-Celui qui règne à présent en ces lieux, répondit la voix rauque et caverneuse de la grande silhouette. Tu es ici dans mon domaine, et tu auras bien du mal à en sortir seule. Ne compte pas sur ces nains qui t'accompagnent pour t'aider: ils sont tout aussi égarés que toi. Et peut-être n'ont-ils pas envie de t'aider après tout.
-Que voulez-vous dire? demanda le jeune femme avec des lèvres tremblantes.
-Les gens sont incapables de comprendre: pour eux tu ne seras jamais rien d'autre que ce monstre. Regarde, regarde le monde autour de toi: a-t-il l'air de t'apprécier?'
La silhouette tendit la main pour désigner toutes les ombres qui étaient toujours là à jurer, pester et s'acharner sur Elsa, brandissant leurs poings en signe de menace. De nouvelles larmes montèrent aux yeux de la dame des neiges.
'Mais ils agissent ainsi uniquement parce qu'ils sont faibles, reprit le 'maître de ces lieux'. Ils ont peur depuis toujours, ils ne vivent que dans la peur: la peur de quelque chose qui les dépasse, la peur de quelque chose qui leur est supérieur et qui pourrait les écraser comme un rien. Et tu es quelqu'un qui répond à cette description Elsa. Tu es bien supérieure à eux, tu n'as rien à faire avec eux, car jamais ils ne pourront t'accepter.
-Où voulez-vous en venir? s'enquit la jeune femme en regardant celui qui lui parlait en tremblant de tous ses membres, blessée au plus profond de son être par ses paroles.
-Tu dois rejoindre tes semblables: ceux qui sont comme toi supérieurs à ces gens. Tu dois rejoindre le côté des Forts, le côté du Pouvoir, afin d'accomplir des choses bien plus grandes que tu ne peux l'imaginer.'
Alors la grand ombre lui tendit la main: une main noire, vaporeuse et ombrageuse. Elsa resta immobile, accablée et désorientée: que devait-elle faire? Que signifiait tout cela? Qu'allait-il arriver si elle saisissait cette main? Et si elle ne la saisissait pas? Autour d'elle, les ombres déchaînées se rapprochaient toujours, leurs cris et leurs paroles cruelles résonnant de plus en plus fort aux oreilles de la jeune femme.
Elle reporta son regard sur la grand silhouette qui restait là, immobile, lui tendant la main. Les flammes qui l'entouraient rougeoyaient dans le noir et lui donnaient une incroyable aura de puissance, et elle crut voir dans ses yeux rouges deux petites pupilles verticales et aussi noires que son corps. Mais qui était-ce donc?
Elle regarda autour d'elle tentant de voir par dessus les ombres enragées pour voir où se trouvaient ses compagnons, mais ne les vit pas.
'Ne les cherche plus, ils ne peuvent rien. Et tu ne peux rien non plus pour eux.'
Désemparée, isolée et accablée, Elsa commença alors à tendre la main pour saisir celle qui se présentait à elle.
'Oui, abandonne les faibles et rejoins la Puissance...'
La jeune femme ne savait plus ce qu'elle faisait: elle ne comprenait plus rien. Mais tout ce qui importait pour elle, c'était d'échapper à ses ombres qui la menaçaient un peu plus à chaque instant. Sa main se rapprochait de celle de la grande silhouette... Elle pleurait, pleurait toutes les larmes de son corps: elle voulait quitter cet endroit, retrouver ses amis, réentendre leurs voix, leurs chants, leurs instruments, elle voulait retrouver tous ceux qui lui étaient chers.
Sa paume n'était plus qu'à quelque centimètres de l'autre, quand soudain, au milieu de tout ce vacarme insoutenable et assourdissant, une petite voix se fit entendre au fond de sa tête. une voix lointaine, faible, mais tout de même audible: la voix d'une personne qu'elle adorait, qu'elle avait toujours chérie plus que tout, pour qui elle avait toujours fait tous ses efforts afin d'éviter de lui faire du mal,... La voix d'une personne aux beaux cheveux roux.
"Tiens bon Elsa, disait-elle tendrement. Nous avons confiance en toi, nous comptons tous sur toi."
'Anna', pensa la jeune femme en pleurant. L'image de sa petite sœur lui revint alors en tête: ses beaux yeux verts pétillants, son sourire si radieux, ses cheveux qui étaient comme un grand feu de joie. Elle s'était toujours battue pour le bien d'Anna, elle avait fait tous ces efforts, enduré toutes ses souffrances au cours de ces longues années afin que tout le monde se porte pour le mieux... Et maintenant elle s'apprêtait à tout laisser tomber? Non, c'était impensable, elle devait tenir bon... Ne serait-ce que pour Anna.
Alors, fournissant un effort surhumain, elle ramena sa main vers elle et se redressa, faisant face à la grande silhouette noire.
"Non! Jamais je ne vous rejoindrai. J'ai compris qui vous êtes: c'est vous qui avez empoisonné cette Forêt, c'est vous qui tentez de nous perdre depuis tout ce temps, c'est vous qui avez jeté ce maléfice dans la rivière qui entrave mes pouvoirs,... Pourquoi vous ferais-je confiance? Vous êtes pire que tout, et jamais vous ne m'aurez à vos côtés!"
Pendant un instant, la grand ombre resta silencieuse, puis soudain poussa un grognement de colère, avant de reprendre d'une voix encore plus terrifiante:
'Très bien, comme tu voudras. Si tu choisis de demeurer auprès de ces misérables, subis-en les conséquences: tu ne seras toujours qu'un fardeau et un danger pour eux, crois-moi. Reste donc piégée ici pour toujours, et que tes compagnons subissent la fureur de ces pouvoirs que tu es incapable de contrôler!'
Puis en un instant, la silhouette disparut. Les flammes s'évanouirent également, replongeant les bois dans l'obscurité. Et soudain, toutes les ombres déchaînées se jetèrent sur Elsa en hurlant et en vociférant de cruelles paroles.
La jeune femme, totalement terrifiée, tomba à genoux sur le sol et tenta de se protéger en vain.
"Nooon!! hurla-t-elle."
Mais en quelques instants, elle fut assaillie de ces démons qui l'insultaient, la mordaient, la frappaient,... L'emprisonnant pour toujours dans une cage de désespoir. Elsa sentit soudain une peur incontrôlable monter en elle, et elle sut soudain que ses pouvoirs jailliraient, déchaînés et incontrôlables, d'un instant à l'autre.
Le long d'un grand arbre, s'agrippant aux branches comme il le pouvait, un hobbit grimpait courageusement vers les hauts feuillages. Bilbon avait tenu son idée et s'était empressé d'escalader le tronc d'un grand arbre pour pouvoir enfin repérer le Soleil et l'Est. Il s'était agrippé aux branches basses pour commencer et s'était ensuite hissé à la force de ses bras pour atteindre les plus hautes. Malgré son esprit très perturbé, il passait avec prudence d'un branche à l'autre, s'agrippant parfois même à l'écorce du tronc. Il respirait bruyamment: la tête lui tournait, l'air était lourd, pesant et son esprit souffrant.
Mais il tenait bon: les petits trous de lumière dans les feuillages se rapprochaient, comme le bout d'un long et affreux tunnel dans lequel on a passé bien trop de temps et dont la sortie nous paraît le plus beaux des cadeaux. Cela était presque devenu un instinct pour lui: il devait atteindre cette lumière. Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait que s'il n'y arrivait pas il mourrait.
Il attrapa une branche, ce qui lui coûta un gros effort car tous ses membres étaient endoloris. Il reprit son souffle et se hissa pour passer sur la suivante; la tête lui tournait, il avait d'horribles vertiges, et il avait l'impression que l'air pesait sur ses épaules. Mais il devait y arriver, il le fallait! Il approchait des feuillages: oui! Encore un effort, il y était presque. Il poussa sur ses pieds et pénétra au cœur des feuilles mortes et sèches, qui lui caressèrent la peau d'une manière peu agréable. Il avait presque peur de se couper sur l'une d'entre elles, mais il ne pouvait pas renoncer, pas si près du but. Ilse hissa encore, les feuilles l'encerclaient de toutes parts. Il attrapa la dernière branche et tira sur son bras... Et enfin sa tête émergea des feuillages.
Et alors, jamais il ne fut plus soulagé dans sa vie. L'air cessa soudain d'être nauséabond, lourd, oppressant pour redevenir frais, doux, pur et si agréable. Tous les murmures sournois dans sa tête s'évanouirent en un instant pour laisser place au doux et calme chant du vent qui sifflotait doucement à ses oreilles. Et surtout, les ténèbres terrifiantes furent enfin remplacée par l'éclatante et magnifique lumière du Soleil, qui l'éblouit pendant un bon moment d'ailleurs. Mais cela n'était pas désagréable: c'était même la chose la plus merveilleuse qui pouvait lui arriver. Lorsqu'il eut empli ses poumons d'une si délicieuse bouffée d'air pur et frais et qu'enfin il rouvrit les yeux pour les baigner dans les tendres rayons de l'astre du jour, il se sentit renaître. Le ciel était assez nuageux, mais on voyait tout de même nettement le disque blanc se dessiner sur la grande voûte.
Et ses rayons baignaient les arbres de la Forêt d'une lumière qui leur donnait un tout autre aspect: ici les feuilles n'étaient pas monstrueuses ou noirâtres, mais brunes et oranges, couleurs resplendissantes sous les rayons du jour. L'automne était donc extrêmement avancé à présent. Il ne devait rester guère plus d'une semaine avant le premier jour de l'hiver. Bilbon se sentait enfin bien, enfin libéré: cet endroit était presque un monde à part, loin des horreurs de celui qui se trouvait en dessous.
Et soudain, sans qu'il s'y soit attendu le moins du monde, des milliers de petits battements d'ailes se firent entendre tout autour de lui. Il regarda la grande mer orangée des feuillages et vit bientôt des milliers et des milliers de petits papillons aux ailes mauves et bleues surgir de sous les feuillages pour s'envoler tous ensemble dans un splendide ballet de couleurs irisées. Ils s'envolaient, montant toujours de plus en plus haut vers le ciel, leurs ailes délicates produisant une douce musique qui berça M. Sacquet pendant quelques instants. Il ne put d'ailleurs, en voyant cela, retenir un grand sourire qui s'étendit d'une oreille à l'autre.
Mais bientôt, tous les beaux insectes s'éloignèrent et disparurent plus loin en emportant leur musique avec eux.
Le hobbit se demanda un instant ce qui avait bien pu les faire fuir de la sorte, mais n'y prêta plus guère attention, trop heureux d'avoir enfin quitter les ténèbres de Vertbois. Puis il se rappela soudain la raison pour laquelle il était monté jusqu'ici.
Il leva alors les yeux et regarda le Soleil dans le ciel: celui-ci était apparemment levé depuis assez longtemps déjà et devait donc se trouver vers le Sud. Etant à sa droite, il conclut qu'il devait être en train de regarder vers l'Est, et que derrière lui devait se trouver l'Ouest.
L'Ouest... Là où était sa maison.
Il essaya alors de se rappeler la direction que lui et ses compagnons étaient en train de suivre, et conclut qu'ils avaient plutôt tendance à marcher vers le Nord. Il leur suffirait donc de tourner vers la droite et ils se dirigeraient dans la bonne direction.
Mais où pouvaient-ils bien être par rapport à la lisière du bois? Il scruta alors l'océan des feuillages, et découvrit bientôt que ce dernier s'arrêtait au loin, laissant place à une plaine parsemée de collines. Et au milieu de cette plaine s'étendait quelque chose d'immense qui scintillait sous les rayons du Soleil. De l'eau? Oui, c'était un lac; un immense lac. Et dans ce lac se jetait une rivière qui semblait provenir de la Forêt elle-même. Bilbon sentit alors son cœur faire un bond de joie: la fin de ces bois n'était plus si loin que cela. Il pouvait la voir, là au loin certes, mais elle était enfin visible. Submergé de soulagement, il décidé d'informer ses camarades de ce qu'il avait découvert:
"Je vois un lac, lança-t-il d'une voix forte en regardant vers le bas dans l'espoir que les autres l'entendent, et une rivière."
Il releva les yeux pour contempler à nouveau ce spectacle. Et il vit soudain de petits flocons tournoyer, scintillants, dans les airs autour de lui. Faisait-il donc déjà assez froid pour que le neige tombe? Mais ce n'était pas ce qui lui importait: il reporta son regard sur l'horizon et en regardant légèrement plus au nord, il vit se dresser une grande masse sombre et imposante au milieu de cette plaine. Il eut du mal à y croire: était-ce... Oui, il devait se rendre à l'évidence. Cela ne pouvait être que ça.
"Et je vois la Montagne solitaire! lança-t-il à nouveau à l'adresse des autres en dessous. Vous m'entendez? Nous y sommes presque!"
Débordé par la joie, il eut un petit rire, et regarda à nouveau cette fière Montagne qui se dressait là bas, plus proche que jamais. Mais bien vite, il remarqua que les flocons étaient devenus plus nombreux et tournoyaient plus rapidement. Il perdit son sourire tandis qu'un vent froid se levait sur la Forêt. Qu'est-ce cela signifiait? Ce n'était pas encore l'hiver, le temps des tempêtes de neige n'était pas venu... Pourtant les flocons s'accumulaient encore dans les airs, tournoyant encore plus rapidement tandis que le vent soufflait de plus en plus fort.
Bilbon resta un instant perplexe, mais soudain il comprit: Elsa. Quelque chose n'allait pas avec Elsa.
Paniqué, il s'empressa brusquement de redescendre sous les feuillages. Son cœur venait de tomber dans sa poitrine, et toute la joie et le soulagement qu'il avait ressentis s'étaient évanoui de nouveau. Il devait venir en aide à son amie, sa chère amie. Dès qu'il fut repassé sous la voûte des feuillages, tout redevint plus obscur et l'air plus lourd: mais cela était bien compensé par le froid mordant du vent qui soufflait très fort à présent. Et les flocons, quant à eux, tournoyaient avec violence entre les arbres et les branchages; fouettant les feuilles, mordant le bois, et déchaînant l'air vicié de la Forêt.
Bilbon ignorait comment il pourrait redescendre dans un pareil blizzard. Il chercha à tâtons les différentes branches de l'arbre, passant aussi prudemment qu'il le pouvait de l'une à l'autre. Mais il était difficile d'être prudent lorsqu'on devait également agir rapidement et se protéger de flocons froids et coupants qui assaillaient chaque millimètre de votre peau. Plusieurs fois il glissa et tomba, se rattrapent de justesse à une branche qui se trouvait là. Ce ne fut donc pas sans grande peine qu'il finit par atteindre le sol; mais même alors il ne sut trop que faire.
Le vent était à présent véritablement déchaîné: le silence de la Forêt noire venait d'être balayé et remplacé par un long hurlement qui agressait chaque tronc d'arbre et sifflait à vos oreilles. Celles de Bilbon étaient d'ailleurs devenues rouges et irritées à cause du froid. Il s'entoura de ses propres bras pour essayer de se maintenir un tant soit peu au chaud: il ignorait combien de temps il pourrait tenir dans cette tempête. A présent, les flocons étaient accompagnés de plus gros morceaux de glaces, pointues comme des lances et effilés comme des lames. Aussi rapides que l'éclair, ils étaient projetés en tous sens par le vent, tremblants et vacillants avant de s'écraser contre les troncs d'arbres en passant à ras des oreilles du hobbit dans un sifflement tremblotant et à faire sursauter.
Paniqué, Bilbon chercha à retrouver les autres, mais il ne vit personne aux alentours.
"Thorin! hurla-t-il. Balin! Bofur! Dori! Nori!"
Mais même en s'égosillant, sa voix ne parvenait à couvrir le hurlement de la tempête. Il ne comprenait pas, il ignorait comment cela était possible, mais les nains n'étaient plus là: c'était une évidence. Avaient-ils été balayés par ce blizzard?
Bilbon n'avait jamais vu pareille tempête: Elsa n'avait jamais créé une telle chose. Que pouvait-il bien lui arriver pour qu'elle perde à ce point le contrôle? Cela devait être très grave, ou très effrayant. Mais quoi qu'il en fut, il ne pouvait rester là à attendre: il devait retrouver la maîtresse de cette tempête pour l'aider à y mettre fin. Alors, avec grande difficulté, bravant le vent déchaîné, il se mit à marcher en quête de son amie.
Le vent le poussait, parvenait presque à le soulever de terre, et plusieurs fois il dut se coucher au sol pour ne pas s'envoler. Les glaçons tranchants abimèrent ses vêtements et lui coupèrent parfois la peau des mains et des jambes. Son visage fut épargné car il se protégeait de ses bras. Mais il n'en était pas moins pénible de se déplacer au milieu de ces jets de pics convulsifs élancés en spirale, et qui n'auraient de cesse que lorsque leur maîtresse en aurait décidé.
Il ignorait où était Elsa, mais il devait la retrouver.
"Elsa! appelait-il. Où êtes-vous? Si vous m'entendez répondez-moi!"
Pendant ce qui lui sembla un temps très long, il chercha ainsi à l'aveuglette, perdant peu à peu espoir. Jusqu'à ce qu'il finisse par sentir le sol remonter sous ses pieds: il se trouvait au bas de la colline. Et il se rappela alors que c'était au haut de cette dernière qu'il avait vu la jeune femme pour la dernière fois. Prenant son courage à deux mains, il grimpa alors jusqu'en haut, et après plusieurs minutes de recherche, il finit par apercevoir un peu plus loin une silhouette. Ce quelqu'un était agenouillé au sol, presque effondré, et avait de longs cheveux ballotés par le puissant vent. C'était elle, oui.
Bilbon entreprit alors de marcher vers elle, luttant comme il pouvait contre le souffle de l'hiver.
"Elsa! cria-t-il, tentant de couvrir la tempête. Ecoutez-moi: vous devez mettre fin à tout cela!"
L'avait-elle entendu? Apparemment non, car aucune réaction ne se fit voir chez elle. Bilbon redoubla alors d'efforts et continua d'avancer, tentant d'atteindre la jeune femme qu'il devinait plus nettement à présent. Son visage était enfoui dans sa main gauche et des larmes coulaient sur ses joues. Elle devait être soumise à il ne savait quelle illusion perfide, tout comme Fili l'avait été.
"Elsa, reprit-il, je ne sais pas ce que vous êtes en train de voir, mais quoi ce cela puisse être ce n'est pas réel! Vous entendez? C'est cette Forêt qui est maléfique, mais tout cela n'est qu'une illusion. Vous pouvez la combattre!"
Toujours rien; Elsa ne semblait rien entendre. Tentant d'ignorer la morsure de la glace et du vent sur ses jambes et ses mains, il s'approcha encore davantage, ne se trouvant plus qu'à quelques mètres de la jeune femme. A présent, il avait l'impression de l'entendre murmurer des choses entre deux sanglots. Des choses comme 'monstre' ou 'lâche'.
"Elsa, vous pouvez vaincre tout cela. Je sais que vous êtes plus forte que ce mal: je vous ai vu faire de grandes... Non, de fantastiques choses tant de fois! Vous n'êtes pas un monstre, et vous n'êtes CERTAINEMENT pas une lâche."
Mais toujours rien. Le pauvre hobbit était à présent à court d'idées, il ne savait plus que faire ni que dire. Qu'est-ce qui pourrait bien réveiller Elsa? Qu'est-ce qui pourrait bien la rassurer en cet instant? Il ne savait pas. Il avait beau chercher, il ne trouvait rien à dire de convaincant ou de suffisamment fort pour la tirer de cet ensorcèlement.
Alors il pensa à dire la première chose qui lui passait par l'esprit: quelque chose qu'il ressentait au plus profond de lui et qu'il avait réellement envie de dire. Il hésita quelques instants, car jamais encore il n'avait imaginé qu'il pourrait le dire un jour. Mais en cet instant, étrangement, il ne voyait plus rien d'autre à dire.
Alors il tendit les bras et posa ses mains sur les épaules de la jeune femme. Il se pencha pour approcher son visage tout près de celui d'Elsa, et, après une grande hésitation, la phrase commença à franchir ses lèvres:
"Elsa, je vous aim..."
Mais soudain, un fort coup de vent souffla et lui fit lâcher prise. Ses pieds furent arrachés du sol et il fut soulevé violemment dans les airs. Paniqué, il fut balloté en tous sens pendant de longues secondes, avant de heurter des branches qui se brisèrent sur son passage, lui causant de fortes douleurs dans le dos et les membres. Il se cogna ainsi de toutes parts jusqu'à ce qu'il trouve enfin une branche assez épaisse à laquelle se raccrocher.
Il resta alors ainsi, luttant contre le vent qui cherchait à l'emporter, serrant le bois de toutes ses forces. Au loin, il parvenait encore à apercevoir la silhouette d'Elsa sur le sol. Les larmes lui montèrent aux yeux: serait-ce donc ainsi que tout finirait? Laisserait-il son amie seule dans le désespoir et la peur? Mais soudain, son cœur tomba dans sa poitrine lorsqu'il vit une silhouette s'approcher d'Elsa. Mais ce n'était pas une silhouette humaine: c'était une grosse masse sombre qui semblait se déplacer à ras du sol sur de grandes et nombreuses pattes.
La créature avançait péniblement, luttant contre le vent, mais ses fameuses pattes semblaient s'encrer solidement dans le sol à chaque pas qu'elle faisait. Bilbon fut saisi d'horreur, et voulut crier pour appeler la jeune femme, mais il comprit bien vite que cela était inutile. Impuissant, il regarda la silhouette se jeter soudain sur son amie pour lui infliger il ne savait quel horrible traitement, avant de commencer à la trainer au loin.
Alors, assez rapidement, le vent cessa de souffler et les flocons disparurent. Bientôt, tout était redevenu silencieux et sombre. Une couche de neige couvrait le sol et certaines branches, mais la tempête avait complètement cessé. Bilbon se sentit pire qu'affolé: il était à présent complètement seul. Et qu'était-il arrivé à Elsa pour que la tempête cesse d'un seul coup? Etait-elle...?
Mais il fut brutalement tiré de ses pensées lorsqu'il sentit quelque chose de collant sur la branche qu'il tenait toujours fermement entre ses doigts. Il leva les yeux et vit que celle-ci était couverte de ces horribles toiles d'araignée. Et il constata bien vite que partout autour de lui, de grandes nappes de soie blanchâtres étaient tendues entre les branches: il était encerclé par les répugnantes toiles.
Et bientôt, il entendit des bruits inquiétants autour de lui: non seulement au loin entre les arbres mais aussi tout près de l'endroit où il se trouvait. On aurait que des choses rampaient et crissaient sur le sol et dans les branches. Inquiet, il saisit la poignée de sa petite épée et li tira vivement de son fourreau. La lame ne brillait aucunement: il ne s'agissait donc pas d'Orques. Mais cela ne le rassurait pas pour autant: qu'est-ce qui pouvait bien se cacher dans cette Forêt? Il respirait bruyamment à présent: c'était sans aucun doute l'une de ces créatures qui s'en était pris à Elsa.
Il serrait de plus en plus fort son épée dans sa main, quand soudain il eut l'impression de sentir la branche à laquelle il s'accrochait remuer. Apeuré, il leva la tête et regarda plus attentivement la branche en question: était-ce vraiment une branche? Maintenant qu'il y prêtait attention, il lui semblait que ce bois avait une consistance bien étrange. Mais ce n'était pas du bois: la 'branche' était couverte de poils et dotée de plusieurs articulations sur toute sa longueur. C'était en réalité... Une immense patte. Et bientôt un étrange gargouillement se fit entendre non loin de l'oreille du hobbit.
Livide, il tourna lentement la tête vers la provenance du son, les lèvres tremblantes. Là, derrière le rideau de toile, il vit quelque chose bouger. Et avec horreur, il vit une autre patte écarter la nappe de soie, pour le laisser voir enfin la tête de la créature. Et il manqua de s'évanouir: d'innombrables yeux noirs et luisants le fixaient avidement, tandis que de grandes pinces aux crochets pointus et venimeux entouraient un trou garni de pointes faisant office de bouche, et derrière tout cela, un gros abdomen velu et boursoufflé vibrait d'avidité gourmande dans le tunnel de soie qui servait d'abri à l'énorme araignée qui faisait à présent face à M. Sacquet.
Lorsque celui-ci réalisa qu'il s'accrochait fermement à la patte de cette créature et que celle-ci commença à approcher sa tête de lui en écartant ses terribles crochets, il poussa un véritable cri d'horreur et lâcha prise, se laissant tomber entre les branches. Mais il s'emmêla vite dans de nombreux fils de soie, avant d'atterrir sur une grande nappe tendue entre les branches, qui l'arrêta net dans sa chute. A peine eut-il le temps de réaliser ce qui lui arrivait qu'il vit la silhouette de l'énorme araignée descendre rapidement vers lui, ses longues pattes noires bougeant à une vitesse effrayante.
Il tenta de se débattre, de couper les fils avec son épée qu'il tenait toujours fermement dans son poing, mais il n'y avait rien à faire: il était solidement englué dans la soie collante. Il poussa des cris, appela à l'aide, mais personne ne pouvait l'entendre. Alors l'araignée arriva sur lui et, à l'aide de ses pattes arrières, entreprit de l'enrouler dans la toile pour l'immobiliser et le mettre au frais.
Bilbon se sentit tourner, tourner sur lui même à en avoir la nausée, et en un éclair, il se retrouva replié sur lui-même, emprisonné dans le cocon de soie. Alors, voyant qu'il n'y avait plus rien à faire, la terreur, la fatigue et la lassitude gagnèrent son esprit, et il s'évanouit, laissant tout devenir noir autour de lui.
Voici le chapitre 6. Bon, je sais que ces déambulations dans la Forêt noire vont peut-être vous paraître un peu longue, mais c'est justement pour rendre ce sentiment que tout cela est interminable et que les compagnons n'en peuvent plus.
Mais ne vous inquiétez pas, il se passe tout de même de nouvelles choses dans ce chapitre. Et à partir du prochain, le rythme va reprendre, je vous le garantis. Bonne lecture.^^
Chapitre 6:
Les lueurs qu'avaient aperçues Thorin avaient été comme une petite étincelle d'espoir dans le cœur des compagnons: un espoir fou qui avait jailli dans leurs esprits empoisonnés par la Forêt, et qui leur avait procuré la si douce sensation de pouvoir enfin atteindre la lisière Est de Vertbois. Mais tout cela n'avait été qu'une brève illusion, bien vite remplacée par un désespoir encore plus grand.
Suivi par tous ses compagnons, Thorin avait avancé sans s'arrêter entre les arbres, ne quittant pas une seconde son objectif des yeux, écartant d'un coup sec chaque feuille, chaque branche qui se mettait en travers de son chemin. Son regard était fixé sur les lueurs qui dansaient au loin entre les noirs feuillages: son esprit ne pensait plus à rien d'autre qu'à les atteindre. Il devait les atteindre, trouver ceux qui les émettait pour qu'ils les guident jusqu'à la sortie de cette Forêt... S'il n'atteignait pas les lueurs, il était sûr qu'il se mettrait à pleurer tant cela serait insupportable.
Et malheureusement, plus il avançait, plus les étranges lucioles semblaient s'éloigner, devenant même de moins en moins éclatantes. Oui, cela était certain maintenant, elle s'éloignaient visiblement de lui à mesure qu'il tentait de les atteindre.
"Non! cria-t-il en tendant une main désespérée devant lui. NON!!!"
Son cri semblable à une terrible agonie résonna de toute part entre les troncs inquiétants, mais rien n'y fit: les lueurs disparurent bientôt au loin, s'éteignant totalement et laissant les compagnons dans la plus totale obscurité.
Tout resta silencieux et en suspend pendant un moment. On entendait seulement la respiration haletante, presque paniquée, de Thorin, tandis que les jambes de chacun des compagnons tremblaient, ne sachant plus où se diriger. Ils auraient cédé au désespoir si plus loin sur la gauche ne s'étaient pas soudainement allumées de nouvelles lueurs orangées. Cette fois ci, tout le monde les vit: elles étaient vacillantes et floues, mais ils les voyaient bien danser là bas entre les arbres. Une nouvelle fois emplis par un soudain espoir insensé, ils se mirent à courir aussi vite qu'ils le purent pour atteindre ces lumières: ils manquèrent souvent de trébucher et s'égratignèrent à plusieurs reprises sur des branches ou des troncs. Et ces maux furent endurés en vain, car à nouveau les lumières s'éteignirent avant qu'ils n'aient pu s'en approcher, disparaissant dans un souffle à faire froid dans le dos.
Et ce fut à nouveau l'obscurité, qui ne fut plus jamais percée par aucune lueur. Cette fois, Thorin n'en put plus et s'effondra à genoux, laissant échapper de lourdes larmes qui coulèrent sur ses joues avant d'aller s'écraser sur la terre souillée. Et Elsa eut du mal à se retenir de faire de même. Tous restèrent là, silencieux, désespérés, et surtout perdus.
Car la jeune femme fut soudain parcourue d'un horrible frisson d'horreur lorsqu'elle réalisa qu'ils ne se trouvaient plus sur le sentier, et qu'elle n'avait aucune idée de la direction à prendre pour le retrouver. Tous se figèrent alors dans l'horreur, n'osant plus bouger à l'entente du son glaçant qui flottait dans l'air; comme si un énorme serpent glissait perfidement sur le sol, remuant la terre et broyant chaque feuille de son corps visqueux.
Elsa tremblait et pleurait, son esprit n'en pouvant plus: il fallait que cela cesse ou bien elle sombrerait dans la folie. Cette obscurité encore plus épaisse que lorsqu'ils étaient sur le sentier était bien pire que terrifiante. Et ici, l'air était encore plus lourd et tourmenté, comme si du poison flottait dans chaque centimètre carré d'air libre entre les arbres.
Ce cauchemar devait cesser, quelqu'un devait leur venir en aide. Les nains avaient bien dit que des elfes habitaient cette Forêt? Et bien où étaient-ils? Pouvaient-ils encore espérer leur secours? Elsa se rappela avec une terrible mélancolie la douce cité de Fondcombe, avec ses bruits de cascade si apaisants et son lit si parfait dans la chambre de la fille d'Elrond. A l'époque, elle n'avait pas mesuré à quel point la dernière Maison Simple était véritablement un havre de paix dans ce monde; et à présent elle se demandait si les elfes de la Forêt noire disposaient d'un royaume pareillement agréable.
Mais si cela était le cas, pour l'instant aucune trace de lui ne se présentait à eux. Seules les horribles ténèbres les enveloppaient. Ténèbres dans lesquelles se dressaient des troncs diaboliques qui tentaient de les éliminer à chaque instant.
Finalement, Thorin parvint à reprendre quelque peu ses esprits, et releva la tête pour regarder l'endroit où se trouvaient auparavant les lueurs fantômes.
"Pourquoi? murmura-t-il d'une voix tremblante. Pourquoi sont-elles parties?
-Thorin, il ne faut pas se fier à ce que nous voyons, dit soudain Balin en s'avançant aux côtés du roi. Tout n'est qu'illusion ici: ces lumières n'étaient qu'un piège sournois de cette Forêt ensorcelée. Nous avons cru qu'elle nous montreraient la route, mais elle nous l'ont en réalité fait perdre. Nous devons vite retrouver le sentier, ou tout sera perdu."
Balin tendit la main à Thorin, qui prit alors une grande inspiration et accepta cette aide afin de se relever. Il se tourna alors vers les autres et dit d'ne voix qui se voulait forte et sans tremblements:
"Tâchons de retrouver le sentier au plus vite, ou ces ténèbres auront vite fait de tous nous emporter. Ne pensez plus à rien d'autre, concentrez vous uniquement sur cet objectif: le sentier."
Tous acquiescèrent et s'empressèrent de repartir en quête du chemin des elfes. Ils reprirent en main le brancard où Bombur était toujours profondément endormi et se remirent en route. Mais jamais ils ne retrouvèrent le sentier.
Ils marchèrent durant ce qui leur sembla encore une éternité entre les arbres, sombrant un peu plus dans la démence à chaque minute qui passait. Le souffle nocif de ces bois pénétrant leurs cerveau et bouleversant leurs sens. Car à présent, ils ne disposaient même plus de la maigre protection de la route des elfes contre les maléfices de cette Forêt.
Ils déambulèrent sans fin, passant sur et sous de grandes racines tordues et épineuses, près de crevasses dans lesquelles ils manquèrent de tomber et où dormaient on ne savait quelles abominations. Parfois, de maigres filets de lumières parvenaient encore à percer les feuillages, les aidant quelque peu à s'habituer à l'obscurité. Mais cela ne fut que pour découvrir ce qu'ils s'attendaient bien à voir: des arbres aux formes sinistres s'étendant à perte de vue sur une terre noirâtre, et pas la moindre trace du sentier. Elsa ne savait vraiment pas comment elle faisait pour ne pas s'écrouler en larmes sur le sol, et se laisser dépérir là plutôt que de continuer à lutter en vain.
Elle et les autres continuaient de chercher, chercher la moindre pierre claire enfouie sous la terre, mais jamais rien. Dans leur délire, les compagnons se mettaient souvent à parler à haute voix.
"Je ne me rappelle pas avoir vu ça, disait Balin. Je ne reconnais absolument rien.
-Il est forcément là, lançait Dori d'une voix affolée, il ne peut pas avoir disparu."
Certains disaient même parfois des choses insensées.
"A moins que quelqu'un l'ait déplacé, faisait remarquer Dwalin avec un regard vide et fixe."
Mais le pire n'était pas la quête désespérée du sentier; le pire était les hallucinations flagrantes et régulières qui assaillaient les compagnons.
Tandis qu'ils avançaient à l'aveuglette dans les bois sombres, sans avoir la moindre idée de la direction dans laquelle ils se dirigeaient, leurs yeux et leurs oreilles devenaient presque leurs pires ennemis: leur faisant voir et entendre des choses terrifiantes et tentant de les tromper à chaque instant. Ils ne pouvaient presque plus se fier à leurs sens.
Elsa tremblait comme une feuille en regardant autour d'elle: à présent elle avait l'impression de voir des ombres, des silhouettes inquiétantes se déplacer entre les troncs. Elles semblaient l'observer et se dissimuler dès qu'elle essayait de les attraper du regard; et pourtant, même cachées, elles terrifiaient toujours la jeune femme qui entendait également des voix.
Des murmures et des souffles plus distincts que jamais, souvent dans une langue étrange qu'elle n'avait jamais entendu: une langue à faire se dresser les poils sur la peau et à faire transpirer d'angoisse même la plus froide des âmes. Mais parfois, au milieu de tous ces dialectes incompréhensibles pour la dame des neiges, d'autres choses se faisaient entendre; des choses qu'elle comprenait parfaitement et qui n'étaient pas pour la rassurer. Toutes ces voix semblaient l'accuser, la blâmer, la réprimander cruellement et lui reprocher chaque chose qu'elle avait fait dans sa vie. Et parfois même elle se raidissait d'horreur lorsqu'elle entendait une voix sifflante murmurer:
'Je voudrais un bonhomme de neige.'
Les autres ne se portaient pas mieux: Bilbon était constamment pris de terribles vertiges et voyait le monde basculer autour de lui, et alors il manquait lui même de s'effondrer au sol. Parfois, lorsqu'il regardait ses pieds, il avait l'impression de les voir marcher à l'envers, et sentait même le sol reculer sous sa plante. Ce qui ne l'aidait en rien à être rassuré ni à retrouver l'équilibre: cela lui donnait même d'affreuses nausées. Il lui arrivait même de voir, à son plus grand désarroi et son plus grand malaise, lui. Parfois, lorsqu'il se retournait, il ne se trouvait en face de nul autre que lui même: un Bilbon tout semblable à celui qu'il était, mais qui le fixait d'un air étrange. Et alors il fermait les yeux et priait pour ne plus jamais rien voir d'aussi angoissant.
Et tout cela n'était encore que de faibles hallucinations: les compagnons étaient parfois sujets à de véritables visions d'horreur.
Fili, un jour, alors qu'il marchait les bras et la mâchoire pendants, regardait droit devant lui, guettant désespérément le moindre petit point de lumière qui indiquerait la sortie de cette Forêt, vécut l'un des moments les plus terrifiants de sa vie. Son regard fixé au loin, il finit soudain par distinguer une lueur entre les arbres. Il s'arrêta alors net, ayant peine à y croire: était-ce vrai? Etait-ce enfin la fin de cet enfer? Il cria pour prévenir ses compagnons, mais aucun d'eux ne réagit: ils continuèrent d'avancer sans même se retourner.
"Hé! appela-t-il encore. Vous entendez? Je vois une lumière là bas! C'est sûrement le bout de ces bois. Qu'est-ce que vous faites? Vous ne m'entendez donc pas?"
Rien à faire: ses camarades continuaient leur route entre les sombres troncs. Perplexe, Fili resta un moment figé sur place. Son cœur se mit à battre un peu plus vite: que se passait-il avec les autres? Etaient-ils tous envoûtés par un autre maléfice de cette maudite Forêt? Il reporta son regard sur la lueur, et constata soudain que ce n'était pas une lumière blanche comme celle du jour, mais une lumière rouge. Sa respiration devint un peu plus saccadée: y avait-il un incendie là bas? Marchaient-ils droit vers un nouveau danger?
Mais soudain, il eut la certitude de voir la lumière se rapprocher. La lueur rougeâtre se rapprochait inexorablement de lui, répandant son panache flamboyant entre les arbres. Son cœur se mit à battre encore plus vite et il voulut reculer, mais ses pieds étaient figés dans le sol. Il baissa les yeux et vit que des racines noires et mousseuses s'étaient solidement enroulées autour de ses chevilles, le maintenant fermement sur place, l'empêchant de fuir. Il releva les yeux et vit la lumière se rapprocher toujours davantage, de plus en plus vite lui semblait-il.
Mais à présent, il pouvait voir la source de cette lumière: comme une énorme boule de feu aux crêtes flamboyantes qui dansaient, ardentes, entre les troncs et les branchages, et qui fonçait droit sur lui. Non... Ce n'était pas seulement une boule de feu: il y avait quelque chose en son centre. Quelque chose de noir, de fin... Comme une grande pupille de serpent. C'était un œil! Un gigantesque œil de feu tranché d'une pupille aussi verticale aussi noire et sournoise que les pires ténèbres.
A présent le cœur de Fili battait à tout rompre: il avait si peur qu'il craignait que sa poitrine explose. Et rien ne s'arrangea lorsqu'une terrible voix, rauque, caverneuse... Une voix d'outre tombe résonna dans sa tête, tandis que l'œil fonçait toujours droit sur lui.
"Tu es perdu, coincé ici pour toujours, héritier de Durin. Il fut facile de pénétrer en ces lieux, il sera impossible d'en ressortir. Mais après tout pourquoi en ressortir? Que peux-tu bien espérer de cette quête insensée? Pourquoi courir après le rêve fou d'un palais d'or, d'argent et de diamant qui n'est plus le vôtre depuis longtemps? Tu sais ce qui t'attend au bout de ce voyage: le chemin sur lequel tu t'es engagé ne te mènera qu'à la mort."
Fili se boucha les oreilles: cette voix était insoutenable, bien trop terrifiante pour lui, et il ne voulait plus entendre ses paroles.
"Thorin, mon oncle! hurla-t-il. Kili! Balin! Dwalin! Elsa! Au secours!"
Mais toujours aucun d'entre eux ne réagit: ils gardèrent le dos tourné, continuant leur marche tandis que les flammes de l'œil se rapprochaient. A présent ce dernier était tout proche: il avait transformé les noires ténèbres de la Forêt en une fournaise rougeoyante et guère plus rassurante. L'œil le fixait, semblant percer son âme et voir tout ce qui était enfoui au plus profond de lui.
"Inutile d'appeler à l'aide, reprit l'horrible voix. Ils ne peuvent rien, ils ne peuvent t'empêcher de faire face à ton sort, car ils subiront le même que toi!"
Et soudain, la pupille de l'œil disparut et la boule de feu éclata et se répandit partout autour de Fili. Horrifié et affolé, il vit les flammes ardentes et orangées engloutir en un instant tous ses compagnons qui poussèrent des cris affreux.
"Non! hurla Fili."
A présent la Forêt flambait autour de lui: chaque tronc était en feu et se consumait en laissant échapper un sifflement désagréable. Des cris d'animaux fantômes semblaient soudain résonner partout autour de lui, comme si les bêtes qui habitaient les ténèbres de ces bois cherchaient désespérément à fuir.
Fili pleurait abondamment à présent: il avait du mal à respirer car la fumée rouge s'élevait partout autour de lui, tandis qu'il sentait l'atroce chaleur des flammes sur sa peau. Il était véritablement paniqué: mais comment arrêter ce feu? Que fallait-il faire? D'où provenait-il? Comment avait-il été déclenché?
Mais soudain, un mugissement lointain et assourdissant se fit entendre. Terrorisé, le neveu de Thorin leva les yeux et vit une silhouette immense et massive se dessiner dans les flammes. Une bête surdimensionnée se trouvait là, et s'avançait vers lui comme la mort munie de sa grande faux.
Malgré sa vision embuée par les larmes, Fili parvint à distinguer une tête au bout d'un long cou, un corps massif qui serpentait entre les troncs et une longue queue qui fouettait l'air derrière lui. Alors son cœur tomba dans sa poitrine lorsqu'il comprit ce qu'était cette silhouette: un dragon. Un immense dragon... Smaug! C'était Smaug, cela était certain. La bête s'avançait vers lui à une vitesse terrifiante: à présent il n'y avait plus que quelque mètres entre elle et le jeune nain. Alors celui-ci, à bout de forces et d'espoir, ferma les yeux et hurla toute sa terreur, attendant la fin.
Mais soudain, il sentit comme des tapes sur sa joue. Il ouvrit les yeux, et toutes les flammes avaient disparu. Les ténèbres de la Forêt étaient revenues ainsi que le silence pesant. On lui donnait de petites tapes sur la joue et on lui tenait aussi la main droite, tandis que des voix l'appelaient:
"Fili! Fili!"
Il mit quelques instants pour revenir à lui et recouvrer la netteté de sa vision et de tous ses sens. Alors il réalisa qu'il était allongé par terre, sur le sol de la Forêt noire, et qu'il transpirait abondamment. Il vit que tous les autres s'étaient rassemblés autour de lui avec des airs préoccupés. Elsa, Bilbon et Dwalin étaient penchés sur lui en le regardant avec des expressions inquiètes tandis que Kili et Thorin étaient carrément agenouillés à ses côtés, l'air paniqué. Fili parvint finalement à se calmer et à reprendre son souffle.
C'était Thorin qui lui tenait la main et qui lui avait tapoté le visage.
"Fili, tout va bien? demanda-t-il en posant sa main sur le front de son neveu pour déceler une éventuelle fièvre. Te sens-tu malade?
-N... Non, balbutia ce dernier avec des lèvres encore tremblantes et des yeux encore embués de larmes. Je... Je vais bien.
-Que t'est-il arrivé? demanda alors Kili en posant sa main sur l'épaule de son frère. Tu nous as appelé plusieurs fois, en finissant par crier nos noms, puis tu t'es écroulé au sol et tu as hurlé à la mort. Nous avons cru que tu avais été attaqué par on ne sait quelle bête invisible.
-C'était... répondit Fili en hésitant. C'était une hallucination; un genre de cauchemar.
-Qu'as-tu vu? s'enquit Thorin. Cela devait être terrible."
Fili regarda quelques instants son oncle dans les yeux: il hésitait à répondre à sa question. Il ne savait que penser de cette vision qu'il avait eu. N'était-ce qu'un cauchemar de plus dans ces bois ou cela avait-il quelque rapport avec la réalité? Non, il refusait de croire que tous finiraient ainsi; et il n'avait pas envie de reparler de cette horreur qu'il avait vu. Il préféra ne rien dire.
"Non, ce n'était rien, finit-il par répondre. C'était juste un mauvais rêve, c'est fini à présent."
Puis il tenta soudain de se redresser, mais Thorin le repoussa doucement vers le sol.
"Fili, tu devrais peut-être resté allongé un moment, suggéra-t-il avec ce même air inquiet. Tu as sûrement besoin de te reposer.
-Non, je te remercie mon oncle, répondit le jeune nain. Je vais aller bien.
-Mais Fili... protesta Thorin.
-Allons mon oncle, laissez-le donc se relever, s'interposa soudain Kili en donnant une tape d'encouragement sur l'épaule de son frère. Fili connait ses capacités, et il n'est pas du genre à rester en arrière. Pas vrai frérot?"
Le cadet se remit alors sur pied et aida son aîné à faire de même, sous le regard préoccupé de Thorin. En voyant que tous les autres lui portaient ce même regard, Fili leur assura que tout allait bien et qu'ils pouvaient reprendre leur route. Alors l'errance reprit pour les compagnons.
Thorin repartit en tête du groupe, tandis que Fili et Kili marchaient à présent côte à côte. A un moment, Dwalin s'approcha d'eux.
"Soyez prudent les p'tits gars, dit-il en jetant des regards méfiants autour de lui. Je crois que cette Forêt est bien plus dangereuse que tout ce que nous craignions; voyez ce qu'elle a pu faire à l'aîné de Dís. Promettez-moi de faire attention."
Les deux frères acquiescèrent silencieusement. Elsa avait observé la scène et pensa qu'elle n'avait jamais vu Dwalin agir de manière aussi parentale avec d'autres membres de la compagnie. Curieuse, et également pour essayer d'enfin penser à autre chose que tous ces maléfices qui la tourmentaient, elle s'approcha du guerrier et lui demanda:
"Vous tenez à eux n'est-ce pas?
-Mh? grogna l'intéressé. Qui, moi? Qu'est-ce qui vous fait dire ça voyons?
-Oh, voyons Dwalin, fit-elle sur un ton légèrement amusé, cela vous arrive-t-il si souvent de veiller sur les autres comme vous venez de le faire?"
Le nain resta silencieux quelques instants, puis, démasqué, finit par répondre.
"Oui c'est vrai. Ils ont pratiquement grandi avec moi; car Thorin les emmenait souvent me voir. 'Oncle Dwalin' qu'ils m'ont toujours appelé. Ha ha... Ils aimaient se bagarrer avec moi: on pouvait dire que je les formais au combat. Kili était le plus intrépide: il n'était pas toujours très rigoureux dans ce qu'il faisait mais il ne manquait pas d'ingéniosité. Fili, lui, il était appliqué, sérieux,... Je pense qu'il aimait que l'on soit fier de lui et qu'on lui fasse confiance. Mais malgré leurs différences, ils finissaient souvent par se rouler tous les deux dans la poussière et le sable. Sacrés p'tits gars, va!"
Et pour la première fois depuis bien longtemps maintenant, Elsa afficha un petit sourire en entendant cette confession.
Mais il fut bien vite chassé. Les ténèbres enserraient toujours plus les compagnons, et rien ne semblait pouvoir y mettre fin. Leurs esprits étaient de plus en plus souillés: Elsa sentait à présent qu'elle ne tiendrait plus longtemps.
Un jour, ils se trouvèrent au pied d'une petite colline sur qui montait sur une bonne dizaine de mètres, aussi couvertes d'arbres que le reste de la Forêt. Toujours poussés par le même espoir qu'un obstacle cachait peut-être enfin la sortie des bois, ils la gravirent avidement, souhaitant de tout leur cœur, de toute la force de leurs entrailles que de l'autre côté de ce monticule se trouve enfin la lisière du bois. Elsa grimpait, grimpait, la respiration haletante, le long de la colline. Elle se faufilait entre les troncs souvent couverts de toiles d'araignée particulièrement épaisses et collantes.
Elle luttait contre les voix qui cinglaient ses oreilles à chaque instant et qui insinuaient de déplaisantes choses dans son esprit. Mais elle ignorait combien de temps elle pourrait tenir ainsi.
Finalement, ils atteignirent le sommet de la colline, et sentirent comme des poignards leur transpercer le cœur lorsqu'ils découvrirent qu'aucune trace de la fin du bois ne se faisait voir. Elsa manqua de s'écrouler à genoux: c'était fini, elle n'en pouvait plus. Elle ne pourrait plus continuer. Elle sentit ses dernières forces l'abandonner, et elle ne trouva plus le courage de résister aux maléfices de la Forêt. Les voix s'amplifièrent dans sa tête, et elle se sentit comme paralysée: ses jambes ne parvenaient plus à bouger. Elle trembla, le regard fixé sur un point au loin. Elle avait perdu tout contact avec le monde qui l'entourait, enfermée dans ce monde d'ombres de voix qui l'assaillaient de toutes parts. Avec horreur, elle vit les silhouettes sombres que formaient les arbres commencer à se tordre et à s'animer pour se diriger lentement vers elle.
Les autres compagnons, eux, étaient tout aussi désespérés que soudain interloqués: car l'endroit qui se trouvait devant leurs yeux leur disait quelque chose. La colline redescendait quelque peu et à leurs pieds s'étendait une sorte de grande cuvette, couverte de feuilles mortes et de brindilles séchées. Cependant, ici les arbres étaient légèrement moins nombreux que dans le reste de la Forêt, si bien que les rayons du Soleil perçaient plus abondamment entre les feuillages, éclairant l'endroit un peu plus intensément qu'à l'accoutumée. Mais les compagnons ne voyaient pas cela pour la première fois: cela leur rappelait quelque chose. Oui, ils étaient persuadés d'avoir déjà vu cet endroit.
Ils descendirent lentement dans la trouée, apeurés et intrigués. Les troncs étaient tout aussi noirs et couverts de grandes toiles. Un moment, Dori se baissa pour ramasser quelque chose au sol. Un genre de petit sac en cuir, rempli de feuilles séchées et odorantes.
"Une blague à tabac... remarqua-t-il en fronçant les sourcils. Il y a des nains dans cette Forêt alors?
-Et qui plus est des nains des Montagnes Bleues, ajouta Bofur en prenant l'objet dans ses mains. C'est exactement la même que la mienne.
-Parce que c'est la vôtre, lança soudain Bilbon d'un ton irrité. Vous ne comprenez pas? Nous sommes déjà passés par ici, on ne fait que tourner en rond!"
Les autres tournèrent lentement leurs regards vers lui, les yeux grands ouverts et injectés de sang, ravagés par la fatigue et la démence.
"Nous sommes perdus, affirma le hobbit.
-Non, protesta Thorin en regardant de tous côtés, nous continuons vers l'Est.
-Mais c'est où l'Est? demanda soudain Oïn d'une voix forte et brisée par la désespoir. On ne voit plus le Soleil! On ne l'a plus vu depuis bien trop longtemps!"
En entendant cela, Bilbon se sentit soudain comme piqué au vif: il devait bien admettre que depuis qu'ils avaient quitté le sentier, ils n'avaient aucun moyen de connaître la direction dans laquelle ils avançaient. Puis il fut soudain ébloui par un petit scintillement dans son œil: un des rares filets de lumières qui pénétrait ces bois venait tout juste de heurter sa cornée. Il leva alors les yeux et vit au dessus de lui les sombres feuillages ondulant lentement, et qui laissaient par endroit passer les rayons du jour. Alors une idée se forma dans son esprit pourtant grandement troublé.
"Le Soleil... Murmura-t-il. Il faut trouver... Le Soleil."
Et enfin il comprit: bien sûr, il devait grimper tout en haut d'un arbre pour voir enfin où était le Soleil, repérer au loin la lisière du bois et connaître la direction à prendre. Soudain rempli d'un nouvel espoir et d'un élan d'enthousiasme, il regarda autour de lui pour trouver le meilleur arbre auquel grimper. Et malgré ses vertiges et sa vision brouillée, il eut vite fait de repérer un large tronc aux branches nombreuses et solides, dont certaines étaient assez basses pour entamer l'ascension.
Mais les nains, eux, à bout de forces, laissèrent soudain exploser la frustration, la fatigue et la colère qui sommeillaient en eux depuis tout ce temps.
"Comment ça où est l'Est? s'énerva Dwalin. Je croyais que c'était toi l'expert.
-Tu insinues que c'est ma faute si l'on est perdu?
-Peut-être bien."
En quelques instants, les railleries et les insultes se mirent à fuser de toutes parts. Certains en vinrent même aux mains: saisissant le plus proche d'eux par le col et le poussant contre le tronc d'un arbre.
Seul Thorin ne prenait pas part à la dispute: il était immobile, tendant l'oreille. Il s'était soudain redressé lorsqu'il lui avait semblé entendre un bruit proche, trop proche. Il regarda autour de lui mais l'obscurité était encore trop important pour lui permettre de voir bien loin. A nouveau, cet espèce de craquement étrange se fit entendre.
Thorin scrutait les ténèbres avec appréhension: il sentait une présence désagréable non loin de là. Mais ce n'était pas comme toutes ces hallucinations qu'il avait eu jusqu'ici; cette fois cela était bien réel. Il sentait vraiment que quelque chose bougeait plus loin entre les troncs. Et il doutait que cela soit une bonne nouvelle.
"Qu'est-ce que c'était? murmura-t-il pour lui-même."
Lorsqu'il se rendit soudain compte que ses compagnons se disputaient violemment, il se retourna vers eux et lança d'une voix forte:
"Silence!"
Tous cessèrent alors et le regardèrent, intrigués. Il leur lança alors un regard appuyé et ajouta dans un souffle:
"On nous observe."
En haut de la colline, Elsa se tenait toujours debout. Elle n'avait pas bougé de cet endroit, prisonnière des affreuses illusions et incapable de bouger le moindre petit doigt. Et pourtant, dieu sait qu'elle aurait voulu courir pour aller rejoindre ses compagnons. A présent les ombres évoquaient pleinement des formes humaines, des silhouettes malveillantes qui se rassemblaient en cercle et se resserraient autour d'elle.
Elsa tremblait et pleurait: elle n'avait plus d'issue, elle était piégée par ces fantômes ombrageux. Et à présent elle entendait leurs voix de toutes parts.
'Sorcière! Monstre! Ne l'approchez pas, ne la touchez pas! Elle va vous blesser, vous faire souffrir... Elle ne sait faire que cela!'
Et il la pointaient du doigt, certains hurlaient après elle, l'insultaient, faisaient mine de lui jeter des pierres, pierres qu'Elsa pouvait presque sentir lui écorcher la peau. Elle tentait de se protéger avec ses bras, mais rien n'y faisait. Les voix, les paroles de haine, de peur et les insultes envahissaient totalement son esprit à présent, elle n'entendait plus rien d'autre.
"Arrêtez, s'il vous plaît! Implorait-elle en pleurant. Arrêtez, je ne suis pas un monstre."
Et soudain, parmi les voix une autre s'éleva. une des ombres se détacha des autres et s'avança de quelques pas pour faire face à la jeune femme, menaçante.
'Tu as raison Elsa, dit-elle d'une voix dure et cruelle. Tu n'es pas un monstre; tu es plutôt une LACHE.
-Non! cria Elsa en laissant échapper un flot de larmes. S'il vous plaît..."
Elle cacha son visage à l'aide de ses mains pour dissimuler ses pleurs. Mais soudain, alors que les voix des ombres devenaient une clameur lointaine, étouffée et indistincte, une voix caverneuse résonna dans sa tête.
'Elsa, appelait-elle. Regarde moi.'
Surprise, la jeune femme se risqua à rouvrir les yeux et à sortir son visage de ses mains. Alors, elle vit en face d'elle une grande ombre à forme humaine, entourée de quelques flammes lumineuses qui semblaient éclairer les bois obscures. On aurait vaguement dit que la silhouette ombrageuse portait une armure, car sa tête semblait porter un lourd casque, tandis que deux yeux rouges se dessinaient sur le visage d'un noir de geai aux traits indistincts. Els aurait pu avoir peur, mais ces flammes lui redonnaient presque du courage au milieu de toutes ces ombres menaçantes.
"Q... Qui êtes-vous? demanda-t-elle en tremblant.
-Celui qui règne à présent en ces lieux, répondit la voix rauque et caverneuse de la grande silhouette. Tu es ici dans mon domaine, et tu auras bien du mal à en sortir seule. Ne compte pas sur ces nains qui t'accompagnent pour t'aider: ils sont tout aussi égarés que toi. Et peut-être n'ont-ils pas envie de t'aider après tout.
-Que voulez-vous dire? demanda le jeune femme avec des lèvres tremblantes.
-Les gens sont incapables de comprendre: pour eux tu ne seras jamais rien d'autre que ce monstre. Regarde, regarde le monde autour de toi: a-t-il l'air de t'apprécier?'
La silhouette tendit la main pour désigner toutes les ombres qui étaient toujours là à jurer, pester et s'acharner sur Elsa, brandissant leurs poings en signe de menace. De nouvelles larmes montèrent aux yeux de la dame des neiges.
'Mais ils agissent ainsi uniquement parce qu'ils sont faibles, reprit le 'maître de ces lieux'. Ils ont peur depuis toujours, ils ne vivent que dans la peur: la peur de quelque chose qui les dépasse, la peur de quelque chose qui leur est supérieur et qui pourrait les écraser comme un rien. Et tu es quelqu'un qui répond à cette description Elsa. Tu es bien supérieure à eux, tu n'as rien à faire avec eux, car jamais ils ne pourront t'accepter.
-Où voulez-vous en venir? s'enquit la jeune femme en regardant celui qui lui parlait en tremblant de tous ses membres, blessée au plus profond de son être par ses paroles.
-Tu dois rejoindre tes semblables: ceux qui sont comme toi supérieurs à ces gens. Tu dois rejoindre le côté des Forts, le côté du Pouvoir, afin d'accomplir des choses bien plus grandes que tu ne peux l'imaginer.'
Alors la grand ombre lui tendit la main: une main noire, vaporeuse et ombrageuse. Elsa resta immobile, accablée et désorientée: que devait-elle faire? Que signifiait tout cela? Qu'allait-il arriver si elle saisissait cette main? Et si elle ne la saisissait pas? Autour d'elle, les ombres déchaînées se rapprochaient toujours, leurs cris et leurs paroles cruelles résonnant de plus en plus fort aux oreilles de la jeune femme.
Elle reporta son regard sur la grand silhouette qui restait là, immobile, lui tendant la main. Les flammes qui l'entouraient rougeoyaient dans le noir et lui donnaient une incroyable aura de puissance, et elle crut voir dans ses yeux rouges deux petites pupilles verticales et aussi noires que son corps. Mais qui était-ce donc?
Elle regarda autour d'elle tentant de voir par dessus les ombres enragées pour voir où se trouvaient ses compagnons, mais ne les vit pas.
'Ne les cherche plus, ils ne peuvent rien. Et tu ne peux rien non plus pour eux.'
Désemparée, isolée et accablée, Elsa commença alors à tendre la main pour saisir celle qui se présentait à elle.
'Oui, abandonne les faibles et rejoins la Puissance...'
La jeune femme ne savait plus ce qu'elle faisait: elle ne comprenait plus rien. Mais tout ce qui importait pour elle, c'était d'échapper à ses ombres qui la menaçaient un peu plus à chaque instant. Sa main se rapprochait de celle de la grande silhouette... Elle pleurait, pleurait toutes les larmes de son corps: elle voulait quitter cet endroit, retrouver ses amis, réentendre leurs voix, leurs chants, leurs instruments, elle voulait retrouver tous ceux qui lui étaient chers.
Sa paume n'était plus qu'à quelque centimètres de l'autre, quand soudain, au milieu de tout ce vacarme insoutenable et assourdissant, une petite voix se fit entendre au fond de sa tête. une voix lointaine, faible, mais tout de même audible: la voix d'une personne qu'elle adorait, qu'elle avait toujours chérie plus que tout, pour qui elle avait toujours fait tous ses efforts afin d'éviter de lui faire du mal,... La voix d'une personne aux beaux cheveux roux.
"Tiens bon Elsa, disait-elle tendrement. Nous avons confiance en toi, nous comptons tous sur toi."
'Anna', pensa la jeune femme en pleurant. L'image de sa petite sœur lui revint alors en tête: ses beaux yeux verts pétillants, son sourire si radieux, ses cheveux qui étaient comme un grand feu de joie. Elle s'était toujours battue pour le bien d'Anna, elle avait fait tous ces efforts, enduré toutes ses souffrances au cours de ces longues années afin que tout le monde se porte pour le mieux... Et maintenant elle s'apprêtait à tout laisser tomber? Non, c'était impensable, elle devait tenir bon... Ne serait-ce que pour Anna.
Alors, fournissant un effort surhumain, elle ramena sa main vers elle et se redressa, faisant face à la grande silhouette noire.
"Non! Jamais je ne vous rejoindrai. J'ai compris qui vous êtes: c'est vous qui avez empoisonné cette Forêt, c'est vous qui tentez de nous perdre depuis tout ce temps, c'est vous qui avez jeté ce maléfice dans la rivière qui entrave mes pouvoirs,... Pourquoi vous ferais-je confiance? Vous êtes pire que tout, et jamais vous ne m'aurez à vos côtés!"
Pendant un instant, la grand ombre resta silencieuse, puis soudain poussa un grognement de colère, avant de reprendre d'une voix encore plus terrifiante:
'Très bien, comme tu voudras. Si tu choisis de demeurer auprès de ces misérables, subis-en les conséquences: tu ne seras toujours qu'un fardeau et un danger pour eux, crois-moi. Reste donc piégée ici pour toujours, et que tes compagnons subissent la fureur de ces pouvoirs que tu es incapable de contrôler!'
Puis en un instant, la silhouette disparut. Les flammes s'évanouirent également, replongeant les bois dans l'obscurité. Et soudain, toutes les ombres déchaînées se jetèrent sur Elsa en hurlant et en vociférant de cruelles paroles.
La jeune femme, totalement terrifiée, tomba à genoux sur le sol et tenta de se protéger en vain.
"Nooon!! hurla-t-elle."
Mais en quelques instants, elle fut assaillie de ces démons qui l'insultaient, la mordaient, la frappaient,... L'emprisonnant pour toujours dans une cage de désespoir. Elsa sentit soudain une peur incontrôlable monter en elle, et elle sut soudain que ses pouvoirs jailliraient, déchaînés et incontrôlables, d'un instant à l'autre.
Le long d'un grand arbre, s'agrippant aux branches comme il le pouvait, un hobbit grimpait courageusement vers les hauts feuillages. Bilbon avait tenu son idée et s'était empressé d'escalader le tronc d'un grand arbre pour pouvoir enfin repérer le Soleil et l'Est. Il s'était agrippé aux branches basses pour commencer et s'était ensuite hissé à la force de ses bras pour atteindre les plus hautes. Malgré son esprit très perturbé, il passait avec prudence d'un branche à l'autre, s'agrippant parfois même à l'écorce du tronc. Il respirait bruyamment: la tête lui tournait, l'air était lourd, pesant et son esprit souffrant.
Mais il tenait bon: les petits trous de lumière dans les feuillages se rapprochaient, comme le bout d'un long et affreux tunnel dans lequel on a passé bien trop de temps et dont la sortie nous paraît le plus beaux des cadeaux. Cela était presque devenu un instinct pour lui: il devait atteindre cette lumière. Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait que s'il n'y arrivait pas il mourrait.
Il attrapa une branche, ce qui lui coûta un gros effort car tous ses membres étaient endoloris. Il reprit son souffle et se hissa pour passer sur la suivante; la tête lui tournait, il avait d'horribles vertiges, et il avait l'impression que l'air pesait sur ses épaules. Mais il devait y arriver, il le fallait! Il approchait des feuillages: oui! Encore un effort, il y était presque. Il poussa sur ses pieds et pénétra au cœur des feuilles mortes et sèches, qui lui caressèrent la peau d'une manière peu agréable. Il avait presque peur de se couper sur l'une d'entre elles, mais il ne pouvait pas renoncer, pas si près du but. Ilse hissa encore, les feuilles l'encerclaient de toutes parts. Il attrapa la dernière branche et tira sur son bras... Et enfin sa tête émergea des feuillages.
Et alors, jamais il ne fut plus soulagé dans sa vie. L'air cessa soudain d'être nauséabond, lourd, oppressant pour redevenir frais, doux, pur et si agréable. Tous les murmures sournois dans sa tête s'évanouirent en un instant pour laisser place au doux et calme chant du vent qui sifflotait doucement à ses oreilles. Et surtout, les ténèbres terrifiantes furent enfin remplacée par l'éclatante et magnifique lumière du Soleil, qui l'éblouit pendant un bon moment d'ailleurs. Mais cela n'était pas désagréable: c'était même la chose la plus merveilleuse qui pouvait lui arriver. Lorsqu'il eut empli ses poumons d'une si délicieuse bouffée d'air pur et frais et qu'enfin il rouvrit les yeux pour les baigner dans les tendres rayons de l'astre du jour, il se sentit renaître. Le ciel était assez nuageux, mais on voyait tout de même nettement le disque blanc se dessiner sur la grande voûte.
Et ses rayons baignaient les arbres de la Forêt d'une lumière qui leur donnait un tout autre aspect: ici les feuilles n'étaient pas monstrueuses ou noirâtres, mais brunes et oranges, couleurs resplendissantes sous les rayons du jour. L'automne était donc extrêmement avancé à présent. Il ne devait rester guère plus d'une semaine avant le premier jour de l'hiver. Bilbon se sentait enfin bien, enfin libéré: cet endroit était presque un monde à part, loin des horreurs de celui qui se trouvait en dessous.
Et soudain, sans qu'il s'y soit attendu le moins du monde, des milliers de petits battements d'ailes se firent entendre tout autour de lui. Il regarda la grande mer orangée des feuillages et vit bientôt des milliers et des milliers de petits papillons aux ailes mauves et bleues surgir de sous les feuillages pour s'envoler tous ensemble dans un splendide ballet de couleurs irisées. Ils s'envolaient, montant toujours de plus en plus haut vers le ciel, leurs ailes délicates produisant une douce musique qui berça M. Sacquet pendant quelques instants. Il ne put d'ailleurs, en voyant cela, retenir un grand sourire qui s'étendit d'une oreille à l'autre.
Mais bientôt, tous les beaux insectes s'éloignèrent et disparurent plus loin en emportant leur musique avec eux.
Le hobbit se demanda un instant ce qui avait bien pu les faire fuir de la sorte, mais n'y prêta plus guère attention, trop heureux d'avoir enfin quitter les ténèbres de Vertbois. Puis il se rappela soudain la raison pour laquelle il était monté jusqu'ici.
Il leva alors les yeux et regarda le Soleil dans le ciel: celui-ci était apparemment levé depuis assez longtemps déjà et devait donc se trouver vers le Sud. Etant à sa droite, il conclut qu'il devait être en train de regarder vers l'Est, et que derrière lui devait se trouver l'Ouest.
L'Ouest... Là où était sa maison.
Il essaya alors de se rappeler la direction que lui et ses compagnons étaient en train de suivre, et conclut qu'ils avaient plutôt tendance à marcher vers le Nord. Il leur suffirait donc de tourner vers la droite et ils se dirigeraient dans la bonne direction.
Mais où pouvaient-ils bien être par rapport à la lisière du bois? Il scruta alors l'océan des feuillages, et découvrit bientôt que ce dernier s'arrêtait au loin, laissant place à une plaine parsemée de collines. Et au milieu de cette plaine s'étendait quelque chose d'immense qui scintillait sous les rayons du Soleil. De l'eau? Oui, c'était un lac; un immense lac. Et dans ce lac se jetait une rivière qui semblait provenir de la Forêt elle-même. Bilbon sentit alors son cœur faire un bond de joie: la fin de ces bois n'était plus si loin que cela. Il pouvait la voir, là au loin certes, mais elle était enfin visible. Submergé de soulagement, il décidé d'informer ses camarades de ce qu'il avait découvert:
"Je vois un lac, lança-t-il d'une voix forte en regardant vers le bas dans l'espoir que les autres l'entendent, et une rivière."
Il releva les yeux pour contempler à nouveau ce spectacle. Et il vit soudain de petits flocons tournoyer, scintillants, dans les airs autour de lui. Faisait-il donc déjà assez froid pour que le neige tombe? Mais ce n'était pas ce qui lui importait: il reporta son regard sur l'horizon et en regardant légèrement plus au nord, il vit se dresser une grande masse sombre et imposante au milieu de cette plaine. Il eut du mal à y croire: était-ce... Oui, il devait se rendre à l'évidence. Cela ne pouvait être que ça.
"Et je vois la Montagne solitaire! lança-t-il à nouveau à l'adresse des autres en dessous. Vous m'entendez? Nous y sommes presque!"
Débordé par la joie, il eut un petit rire, et regarda à nouveau cette fière Montagne qui se dressait là bas, plus proche que jamais. Mais bien vite, il remarqua que les flocons étaient devenus plus nombreux et tournoyaient plus rapidement. Il perdit son sourire tandis qu'un vent froid se levait sur la Forêt. Qu'est-ce cela signifiait? Ce n'était pas encore l'hiver, le temps des tempêtes de neige n'était pas venu... Pourtant les flocons s'accumulaient encore dans les airs, tournoyant encore plus rapidement tandis que le vent soufflait de plus en plus fort.
Bilbon resta un instant perplexe, mais soudain il comprit: Elsa. Quelque chose n'allait pas avec Elsa.
Paniqué, il s'empressa brusquement de redescendre sous les feuillages. Son cœur venait de tomber dans sa poitrine, et toute la joie et le soulagement qu'il avait ressentis s'étaient évanoui de nouveau. Il devait venir en aide à son amie, sa chère amie. Dès qu'il fut repassé sous la voûte des feuillages, tout redevint plus obscur et l'air plus lourd: mais cela était bien compensé par le froid mordant du vent qui soufflait très fort à présent. Et les flocons, quant à eux, tournoyaient avec violence entre les arbres et les branchages; fouettant les feuilles, mordant le bois, et déchaînant l'air vicié de la Forêt.
Bilbon ignorait comment il pourrait redescendre dans un pareil blizzard. Il chercha à tâtons les différentes branches de l'arbre, passant aussi prudemment qu'il le pouvait de l'une à l'autre. Mais il était difficile d'être prudent lorsqu'on devait également agir rapidement et se protéger de flocons froids et coupants qui assaillaient chaque millimètre de votre peau. Plusieurs fois il glissa et tomba, se rattrapent de justesse à une branche qui se trouvait là. Ce ne fut donc pas sans grande peine qu'il finit par atteindre le sol; mais même alors il ne sut trop que faire.
Le vent était à présent véritablement déchaîné: le silence de la Forêt noire venait d'être balayé et remplacé par un long hurlement qui agressait chaque tronc d'arbre et sifflait à vos oreilles. Celles de Bilbon étaient d'ailleurs devenues rouges et irritées à cause du froid. Il s'entoura de ses propres bras pour essayer de se maintenir un tant soit peu au chaud: il ignorait combien de temps il pourrait tenir dans cette tempête. A présent, les flocons étaient accompagnés de plus gros morceaux de glaces, pointues comme des lances et effilés comme des lames. Aussi rapides que l'éclair, ils étaient projetés en tous sens par le vent, tremblants et vacillants avant de s'écraser contre les troncs d'arbres en passant à ras des oreilles du hobbit dans un sifflement tremblotant et à faire sursauter.
Paniqué, Bilbon chercha à retrouver les autres, mais il ne vit personne aux alentours.
"Thorin! hurla-t-il. Balin! Bofur! Dori! Nori!"
Mais même en s'égosillant, sa voix ne parvenait à couvrir le hurlement de la tempête. Il ne comprenait pas, il ignorait comment cela était possible, mais les nains n'étaient plus là: c'était une évidence. Avaient-ils été balayés par ce blizzard?
Bilbon n'avait jamais vu pareille tempête: Elsa n'avait jamais créé une telle chose. Que pouvait-il bien lui arriver pour qu'elle perde à ce point le contrôle? Cela devait être très grave, ou très effrayant. Mais quoi qu'il en fut, il ne pouvait rester là à attendre: il devait retrouver la maîtresse de cette tempête pour l'aider à y mettre fin. Alors, avec grande difficulté, bravant le vent déchaîné, il se mit à marcher en quête de son amie.
Le vent le poussait, parvenait presque à le soulever de terre, et plusieurs fois il dut se coucher au sol pour ne pas s'envoler. Les glaçons tranchants abimèrent ses vêtements et lui coupèrent parfois la peau des mains et des jambes. Son visage fut épargné car il se protégeait de ses bras. Mais il n'en était pas moins pénible de se déplacer au milieu de ces jets de pics convulsifs élancés en spirale, et qui n'auraient de cesse que lorsque leur maîtresse en aurait décidé.
Il ignorait où était Elsa, mais il devait la retrouver.
"Elsa! appelait-il. Où êtes-vous? Si vous m'entendez répondez-moi!"
Pendant ce qui lui sembla un temps très long, il chercha ainsi à l'aveuglette, perdant peu à peu espoir. Jusqu'à ce qu'il finisse par sentir le sol remonter sous ses pieds: il se trouvait au bas de la colline. Et il se rappela alors que c'était au haut de cette dernière qu'il avait vu la jeune femme pour la dernière fois. Prenant son courage à deux mains, il grimpa alors jusqu'en haut, et après plusieurs minutes de recherche, il finit par apercevoir un peu plus loin une silhouette. Ce quelqu'un était agenouillé au sol, presque effondré, et avait de longs cheveux ballotés par le puissant vent. C'était elle, oui.
Bilbon entreprit alors de marcher vers elle, luttant comme il pouvait contre le souffle de l'hiver.
"Elsa! cria-t-il, tentant de couvrir la tempête. Ecoutez-moi: vous devez mettre fin à tout cela!"
L'avait-elle entendu? Apparemment non, car aucune réaction ne se fit voir chez elle. Bilbon redoubla alors d'efforts et continua d'avancer, tentant d'atteindre la jeune femme qu'il devinait plus nettement à présent. Son visage était enfoui dans sa main gauche et des larmes coulaient sur ses joues. Elle devait être soumise à il ne savait quelle illusion perfide, tout comme Fili l'avait été.
"Elsa, reprit-il, je ne sais pas ce que vous êtes en train de voir, mais quoi ce cela puisse être ce n'est pas réel! Vous entendez? C'est cette Forêt qui est maléfique, mais tout cela n'est qu'une illusion. Vous pouvez la combattre!"
Toujours rien; Elsa ne semblait rien entendre. Tentant d'ignorer la morsure de la glace et du vent sur ses jambes et ses mains, il s'approcha encore davantage, ne se trouvant plus qu'à quelques mètres de la jeune femme. A présent, il avait l'impression de l'entendre murmurer des choses entre deux sanglots. Des choses comme 'monstre' ou 'lâche'.
"Elsa, vous pouvez vaincre tout cela. Je sais que vous êtes plus forte que ce mal: je vous ai vu faire de grandes... Non, de fantastiques choses tant de fois! Vous n'êtes pas un monstre, et vous n'êtes CERTAINEMENT pas une lâche."
Mais toujours rien. Le pauvre hobbit était à présent à court d'idées, il ne savait plus que faire ni que dire. Qu'est-ce qui pourrait bien réveiller Elsa? Qu'est-ce qui pourrait bien la rassurer en cet instant? Il ne savait pas. Il avait beau chercher, il ne trouvait rien à dire de convaincant ou de suffisamment fort pour la tirer de cet ensorcèlement.
Alors il pensa à dire la première chose qui lui passait par l'esprit: quelque chose qu'il ressentait au plus profond de lui et qu'il avait réellement envie de dire. Il hésita quelques instants, car jamais encore il n'avait imaginé qu'il pourrait le dire un jour. Mais en cet instant, étrangement, il ne voyait plus rien d'autre à dire.
Alors il tendit les bras et posa ses mains sur les épaules de la jeune femme. Il se pencha pour approcher son visage tout près de celui d'Elsa, et, après une grande hésitation, la phrase commença à franchir ses lèvres:
"Elsa, je vous aim..."
Mais soudain, un fort coup de vent souffla et lui fit lâcher prise. Ses pieds furent arrachés du sol et il fut soulevé violemment dans les airs. Paniqué, il fut balloté en tous sens pendant de longues secondes, avant de heurter des branches qui se brisèrent sur son passage, lui causant de fortes douleurs dans le dos et les membres. Il se cogna ainsi de toutes parts jusqu'à ce qu'il trouve enfin une branche assez épaisse à laquelle se raccrocher.
Il resta alors ainsi, luttant contre le vent qui cherchait à l'emporter, serrant le bois de toutes ses forces. Au loin, il parvenait encore à apercevoir la silhouette d'Elsa sur le sol. Les larmes lui montèrent aux yeux: serait-ce donc ainsi que tout finirait? Laisserait-il son amie seule dans le désespoir et la peur? Mais soudain, son cœur tomba dans sa poitrine lorsqu'il vit une silhouette s'approcher d'Elsa. Mais ce n'était pas une silhouette humaine: c'était une grosse masse sombre qui semblait se déplacer à ras du sol sur de grandes et nombreuses pattes.
La créature avançait péniblement, luttant contre le vent, mais ses fameuses pattes semblaient s'encrer solidement dans le sol à chaque pas qu'elle faisait. Bilbon fut saisi d'horreur, et voulut crier pour appeler la jeune femme, mais il comprit bien vite que cela était inutile. Impuissant, il regarda la silhouette se jeter soudain sur son amie pour lui infliger il ne savait quel horrible traitement, avant de commencer à la trainer au loin.
Alors, assez rapidement, le vent cessa de souffler et les flocons disparurent. Bientôt, tout était redevenu silencieux et sombre. Une couche de neige couvrait le sol et certaines branches, mais la tempête avait complètement cessé. Bilbon se sentit pire qu'affolé: il était à présent complètement seul. Et qu'était-il arrivé à Elsa pour que la tempête cesse d'un seul coup? Etait-elle...?
Mais il fut brutalement tiré de ses pensées lorsqu'il sentit quelque chose de collant sur la branche qu'il tenait toujours fermement entre ses doigts. Il leva les yeux et vit que celle-ci était couverte de ces horribles toiles d'araignée. Et il constata bien vite que partout autour de lui, de grandes nappes de soie blanchâtres étaient tendues entre les branches: il était encerclé par les répugnantes toiles.
Et bientôt, il entendit des bruits inquiétants autour de lui: non seulement au loin entre les arbres mais aussi tout près de l'endroit où il se trouvait. On aurait que des choses rampaient et crissaient sur le sol et dans les branches. Inquiet, il saisit la poignée de sa petite épée et li tira vivement de son fourreau. La lame ne brillait aucunement: il ne s'agissait donc pas d'Orques. Mais cela ne le rassurait pas pour autant: qu'est-ce qui pouvait bien se cacher dans cette Forêt? Il respirait bruyamment à présent: c'était sans aucun doute l'une de ces créatures qui s'en était pris à Elsa.
Il serrait de plus en plus fort son épée dans sa main, quand soudain il eut l'impression de sentir la branche à laquelle il s'accrochait remuer. Apeuré, il leva la tête et regarda plus attentivement la branche en question: était-ce vraiment une branche? Maintenant qu'il y prêtait attention, il lui semblait que ce bois avait une consistance bien étrange. Mais ce n'était pas du bois: la 'branche' était couverte de poils et dotée de plusieurs articulations sur toute sa longueur. C'était en réalité... Une immense patte. Et bientôt un étrange gargouillement se fit entendre non loin de l'oreille du hobbit.
Livide, il tourna lentement la tête vers la provenance du son, les lèvres tremblantes. Là, derrière le rideau de toile, il vit quelque chose bouger. Et avec horreur, il vit une autre patte écarter la nappe de soie, pour le laisser voir enfin la tête de la créature. Et il manqua de s'évanouir: d'innombrables yeux noirs et luisants le fixaient avidement, tandis que de grandes pinces aux crochets pointus et venimeux entouraient un trou garni de pointes faisant office de bouche, et derrière tout cela, un gros abdomen velu et boursoufflé vibrait d'avidité gourmande dans le tunnel de soie qui servait d'abri à l'énorme araignée qui faisait à présent face à M. Sacquet.
Lorsque celui-ci réalisa qu'il s'accrochait fermement à la patte de cette créature et que celle-ci commença à approcher sa tête de lui en écartant ses terribles crochets, il poussa un véritable cri d'horreur et lâcha prise, se laissant tomber entre les branches. Mais il s'emmêla vite dans de nombreux fils de soie, avant d'atterrir sur une grande nappe tendue entre les branches, qui l'arrêta net dans sa chute. A peine eut-il le temps de réaliser ce qui lui arrivait qu'il vit la silhouette de l'énorme araignée descendre rapidement vers lui, ses longues pattes noires bougeant à une vitesse effrayante.
Il tenta de se débattre, de couper les fils avec son épée qu'il tenait toujours fermement dans son poing, mais il n'y avait rien à faire: il était solidement englué dans la soie collante. Il poussa des cris, appela à l'aide, mais personne ne pouvait l'entendre. Alors l'araignée arriva sur lui et, à l'aide de ses pattes arrières, entreprit de l'enrouler dans la toile pour l'immobiliser et le mettre au frais.
Bilbon se sentit tourner, tourner sur lui même à en avoir la nausée, et en un éclair, il se retrouva replié sur lui-même, emprisonné dans le cocon de soie. Alors, voyant qu'il n'y avait plus rien à faire, la terreur, la fatigue et la lassitude gagnèrent son esprit, et il s'évanouit, laissant tout devenir noir autour de lui.
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 03 Juil 2015, 23:06
Quel chapitre nom de dieu ! Déjà que le précédent était oppressant, mais là on monte en crescendo dans l'horreur, la tristesse et le désespoir !
Bref, un chapitre certes long, mais un excellent chapitre
Et au fait : Bilbo l'a avoué ! Bon il a pas finit sa phrase, mais j'en étais sûr !
Bref, vivement la suite
Bref, un chapitre certes long, mais un excellent chapitre
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 03 Juil 2015, 23:10
Oui, ce n'est pas vraiment la joie.
Bon, je suis rassuré, j'avais peur que ce chapitre vous gonfle totalement... :/
Et oui, Bilbon l'a avoué, mais il faut croire que ce n'est pas encore pour cette fois. XD
Merci de ton commentaire, et la suite peut-être la semaine prochaine. Mais ce n'est pas sûr car je serai parti et je ne sais pas exactement combien de temps j'aurai pour écrire et tout et tout donc... Voilà.^^
Bon, je suis rassuré, j'avais peur que ce chapitre vous gonfle totalement... :/
Et oui, Bilbon l'a avoué, mais il faut croire que ce n'est pas encore pour cette fois. XD
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
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- Micky93Légende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 05 Juil 2015, 11:06
Nom d'un chien quel chapitre ! Il était juste excellent !
Tout est nickel comme d'habitude, mais à vrai dire je n'imaginais pas la rencontre entre Sauron et Elsa de cette manière. Je ne saurais le dire, mais je m'attendais à quelque chose de différent. Quelque chose d'un peu plus poignant. Mais ne t'inquiètes pas c'était tout de même très bien.
Ensuite... WFT ? Bilbon qui aime Elsa ? Alors, je ne te cacherais pas que je ne suis pas pour cette relation l'ami. Mais bon tu fais ce que tu veux, hein. C'est ta fic après tout.
Bref, très bon chapitre comme d’habitude. Vivement la suite même si elle risque de tarder à venir.
Tout est nickel comme d'habitude, mais à vrai dire je n'imaginais pas la rencontre entre Sauron et Elsa de cette manière. Je ne saurais le dire, mais je m'attendais à quelque chose de différent. Quelque chose d'un peu plus poignant. Mais ne t'inquiètes pas c'était tout de même très bien.
Ensuite... WFT ? Bilbon qui aime Elsa ? Alors, je ne te cacherais pas que je ne suis pas pour cette relation l'ami. Mais bon tu fais ce que tu veux, hein. C'est ta fic après tout.
Bref, très bon chapitre comme d’habitude. Vivement la suite même si elle risque de tarder à venir.
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 05 Juil 2015, 12:21
Content que tu aies aimé Micky.^^
Je suis désolé si je t'ai déçu avec la rencontre Elsa/Sauron.
Et puis: tu n'es pas pour cette relation? Pourtant tu a été le premier à la suggérer dans les commentaires.
M'enfin bref, merci de ton comm'. Je tâcherai de faire au mieux pour la suite.^^ Suite dont je ne peux effectivement pas prévoir la date d'arrivée.
Je suis désolé si je t'ai déçu avec la rencontre Elsa/Sauron.
Et puis: tu n'es pas pour cette relation? Pourtant tu a été le premier à la suggérer dans les commentaires.
M'enfin bref, merci de ton comm'. Je tâcherai de faire au mieux pour la suite.^^ Suite dont je ne peux effectivement pas prévoir la date d'arrivée.
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Dim 05 Juil 2015, 12:29
Ne t'inquiètes pas, cette rencontre jouait tout aussi. C'est juste que je m'attendais à quelque chose de... Plus épique on va dire cela comme ça.
Sinon, j'avais suggéré la relation Elsa- Bilbon, mais c'était uniquement pour rire. Mais bon, tu fais ce que tu veux. C'est ta fic après tout.
Sinon, j'avais suggéré la relation Elsa- Bilbon, mais c'était uniquement pour rire. Mais bon, tu fais ce que tu veux. C'est ta fic après tout.
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 17 Juil 2015, 17:34
Salut!^^
Voici le chapitre 7 mes amis. J'ai réussi à le finir, et j'espère qu'il vous plaira.^^ Je le poste en deux parties car je crains qu'il soit trop long.
Par contre, je ne peux de nouveau pas prédire quand le prochain arrivera. Bonne lecture en tout cas!
Sa tête était douloureuse. Thorin ignorait depuis combien de temps il flottait ainsi, suspendu entre deux mondes, ni tout à fait endormi, ni tout à fait réveillé, fermement immobilisé, incapable de bouger, mais il était sûr que cela lui devenait insupportable.
Finalement, il finit par retrouver lentement ses esprits, mais seulement pour mieux réaliser dans quelle situation il se trouvait: suspendu la tête vers le bas, tout le sang descendu dans son cerveau l'engourdissait et lui donnait des maux de crâne tandis que des nausées le saisissaient parfois. Mais comment s'était-il retrouvé ainsi? Qu'avait-il bien pu se passer? Sa mémoire était troublée par le long comma duquel il venait à peine d'émerger.
Il ignorait s'il était capable d'ouvrir les yeux, car même lorsque ses paupières lui semblaient écartées il ne voyait absolument rien, mis à part des tâches de couleurs fades se distordre dans une danse morbide devant ses yeux. Un sifflement léger parvenait tout de même à lui vriller les oreilles, tandis qu'un goût affreusement désagréable emplissait sa bouche sèche et tapissait sa langue engourdie. Qu'avait-il bien pu lui arriver?
Ne pouvant rien faire d'autre, il se concentra, cherchant à recouvrer ses souvenirs. Puis soudain, tout lui revint: il avait entendu des bruissements inquiétants dans les bois alentours et en avait immédiatement averti ses compagnons. Tous avaient alors tendu l'oreille, scrutant les bois obscurs autour d'eux. Mais soudain, sans que rien ne l'ait laissé présager, des flocons étaient apparus et s'étaient multipliés, tournoyant de plus en plus vite, accompagné par un vent déchaîné. Ils comprirent rapidement que quelque chose n'allait pas avec Elsa, mais ils n'arrivaient déjà plus à la voir. Ils avaient lutté, lutté contre l'ouragan, mais en vain: le vent les avait poussé, et ils avaient du s'accrocher aux troncs et aux branches pour ne pas être emportés au loin. Puis soudain, au milieu de cette tempête, Thorin avait vu des silhouettes sombres s'avancer vers eux, parvenant à avancer malgré le blizzard.
Ces silhouettes étaient sombres, certainement pas celles d'humains, et garnies de longues pattes articulées qui se cramponnaient fermement au sol pour avancer vers eux. Aucun d'eux n'eut le temps de réagir ni de lutter assez vaillamment contre le vent pour se saisir d'une arme: très vite les silhouettes s'étaient jetées sur eux, et alors tout était devenu noir. Thorin se rappelait seulement avoir ressenti une douleur avant de sombrer dans les ténèbres.
Mais à présent il revenait à lui et commençait à comprendre: cette douleur qu'il avait ressentie et cette sensation de malaise qui le tenait montraient que la bête avait du l'empoisonner d'une manière ou d'une autre. Et cette chose qui le retenait prisonnier, l'empêchant de bouger; il devinait au contact de ses doigts qui retrouvaient peu à peu leur sens du toucher qu'il s'agissait de soie, d'un grand cocon de soie. Oui, il devinait bien la nature des créatures qui l'avaient attaqué, lui et ses compagnons. Mais cela ne l'aida en rien à être rassuré: où étaient les autres à présent, que leur était-il arrivé? Etaient-ils toujours en vie? Et surtout, comment pourrait-il sortir de là? Ses bras étaient totalement immobilisés, et il ne pouvait pas atteindre son arme. Il commença à paniquer et à respirer plus fort, inspirant autant d'air qu'il le pouvait à travers la paroi de soie qui lui collait au nez et à la bouche.
Il chercha, chercha dans son esprit tous les moyens qui pourrait le sortir de là, tenta de se balancer afin de faire céder ces fils qui le suspendaient à une branche d'arbre, mais rien n'y fit; il ne parvenait pas à donner assez d'élan pour faire céder quoi que ce soit. Rapidement, il perdit tout espoir. Il était prisonnier d'un cocon de soie certainement surveillé de près par des arachnides géants, au cœur d'une Forêt sombre et maudite, séparé de ses compagnons, et où personne ne viendrait à son aide.
A présent que ses sens lui revenaient peu à peu, le sifflement à ses oreilles s'estompait. Alors, retrouvant l'usage de l'ouïe, il tendit l'oreille pour tenter de déceler le moindre son autour de lui. Et il lui sembla bien entendre des crissements et des craquements. On aurait dit que d'innombrables pattes se déplaçaient rapidement et sournoisement sur le sol et le long des troncs autour de lui, tandis que de gros corps volumineux rampaient, tirés par ces membres rachitiques. Et de temps à autre, il se sentait tripoté, manipulé par ces membres articulés, comme si les araignées le tâtaient pour voir l'était dans lequel il se trouvait. Thorin osait à peine imaginer ces créatures: cela lui donnait plus de cauchemars qu'autre chose. Et l'idée de finir comme leur repas, vidé de ses entrailles et aspiré lentement par ces monstres ne l'aidait en rien.
Jamais, jamais ils n'auraient du s'aventurer dans cette Forêt: tout était perdu à présent. Jamais ils ne reverraient Erebor, et les terres de l'Est vivraient encore longtemps sous la terreur du dragon. Si seulement Gandalf était resté avec eux... Mais cela n'était pas le cas: il était inutile de se lamenter sur ce qui aurait pu les sauver. Désemparé, totalement démuni, Thorin ferma alors les yeux, n'attendant plus que la fin, n'entendant plus que les bruissements sournois des monstres autour de lui.
Mais n'y avait-il vraiment que cela? Il eut soudain l'impression d'entendre quelque chose d'autre, quelque chose de plus frappant, de moins horriblement calme et vicieux. Comme si quelqu'un ou quelque chose venait de donner un coup contre un tronc d'arbre au loin. Et les araignées semblèrent l'entendre également, car Thorin eut la certitude que toutes s'éloignèrent soudain en même temps, leurs pattes s'agitant plus vite que jamais, partant en chasse de la source du bruit. Le roi des nains frissonna: était-ce quelque pauvre bête qui deviendrait elle aussi la proie de ces créatures? Ou pire: un de ses compagnons qui avait réussi à s'échapper mais qui venait à présent de se trahir? Il n'en savait rien, mais quoi que cela fut, cela n'avait plus aucun chance désormais: tous les arachnides avaient chargé sur lui en même temps.
Sauf un. Bientôt, Thorin entendit à nouveau des bruits de pattes qui s'approchaient de lui: il malgré les sons étouffés par l'étoffe qui l'emprisonnait, il pouvait deviner qu'il s'agissait d'une araignée seule. Elle s'approcha lentement de lui et commença à le saisir entre deux de ses deux pédipalpes avides; il pouvait presque sentir les émanations du trou qui lui servait de bouche. Son heure était donc venue: cette créature l'avait choisi comme proie. Il ferma les yeux et attendit, le cœur battant, que tout s'arrête. Mais soudain, il entendit tout près un sifflement de lame qui fend l'air, puis un bruit de chair tranchée. Alors l'araignée le lâcha brusquement et il l'entendit émettre un genre de souffle affolé. Il était certain que si elle avait eu des cordes vocales, elle aurait poussé des cris de douleur, car quelqu'un venait de lui asséner un coup de hache ou d'épée.
'L'un de mes amis peut-être?' pensa le roi avec espoir.
Il sentit le monstre se retourner furieusement, faisant sans doute face au responsable de cette blessure. Et bientôt, un autre bruit semblable se fit entendre; mais cette fois, on aurait dit que l'arme s'était plantée tout droit dans le corps de la bête, qui poussa un nouveau souffle plaintif, avant de basculer sur le côté et qu'un bruit sourd n'indique bientôt que son corps venait d'atterrir lourdement sur le sol.
Thorin sentit alors un nouvel élan d'espoir monter en lui: la personne était donc venue à bout du monstre. Mais qui cela pouvait-il bien être? Avait-il l'intention de les libérer?
Et bientôt, comme pour répondre à sa question, il entendit à nouveau le bruit de la lame fendant l'air, et sentit toute la soie qui le reliait à la branche être tranchée d'un seul coup. Alors il se sentit tomber, ce qui provoqua un petit instant de panique chez lui, mais sa chute fut bientôt ralentie par de grandes nappes de soie tendues entre les branches. Ainsi atterrit-il moins lourdement que prévu sur le sol, bien qu'il se fit tout de même un peu mal au dos et à la tête. C'était un miracle, un véritable miracle: il avait finalement réussi à échapper au monstre. Mais qu'en était-il de ses compagnons?
Il s'empressa alors de sortir de sa prison: le sac de soie étant à présent ouvert à une extrémité, il parvint à tirer sur les fils et à déchirer l'enveloppe qui le retenait prisonnier depuis tout ce temps. En tirant ainsi il s'emmêla quelque peu dans les fils, qui restèrent collés à ses vêtements et dans ses cheveux, mais le principal était qu'il se soit enfin libéré de son enveloppe. Il se redressa alors rapidement et inspira un grand coup, retrouvant enfin une pleine respiration. Il resta assis sur le sol, reprenant ses esprits et recouvrant ses sens: les minces filets de lumière perçant à travers les feuillages lui permirent de distinguer à nouveau son environnement. Il se trouvait sur un sol inégal, avec des bosses et des creux, couvert de feuilles mortes, entre des arbres semblables à tous ceux de cette Forêt, mais tous recouverts d'épaisses toiles et reliés entre eux par de grandes nappes et de nombreux fils blanchâtres. Et dans ces filets pendaient par endroits des cadavres d'oiseaux, d'animaux plus gros tels que des cerfs, et même certains squelettes à forme humaine.
Thorin frissonna de tous ses membres devant cette vision: l'idée que ses camarades puissent se trouver à présent dans cet état lui perçait soudain le cœur. Il remarqua également que les branches et le sol étaient encore recouverts d'une couche de neige en certains endroits: Elsa... Que lui était-il arrivé? Où était-elle? Et où étaient tous les autres?
Mais soudain, il entendit quelque chose tomber entre les branches au dessus de lui, et s'emmêler dans les toiles comme il l'avait lui même fait durant sa chute. Et bientôt, un sac de soie tout semblable au sien atterrit sur le sol près de lui. Lorsque l'enveloppe se fut déchirée par celui qu'elle emprisonnait, le cœur du chef de la compagnie fut libéré d'un grand poids.
Il s'agissait de Gloïn: il se libéra, non sans peine, des fils qui l'enserrait, laissant enfin sa tête sortir à l'air libre, lui permettant de prendre une grande inspiration qui fit couler un flot de soulagement dans tout son corps. Il semblait exténué et éreinté, de grands cernes soulignant ses yeux et sa peau ayant pris un teint anormalement pâle. Mais Thorin s'empressa de venir à son aide, et il parvint tout de même à se remettre sur pieds. Puis soudain, un autre sac tomba sur le sol à côté d'eux, révélant cette fois Bofur, tout aussi sonné et mal en point que ses camarades, mais qui parvint tout de même à retrouver l'usage de ses jambes. Puis un autre sac tomba, puis un autre, et encore un autre... Bientôt, Thorin fut entouré de ses douze compagnons nains. Il fut particulièrement soulagé de retrouver ses deux neveux. Bombur avait même fini par se réveiller: peut-être le choc de la chute ou la morsure des créatures l'avaient ils aidé à sortir de sa torpeur? Il se releva avec pénibilité, peinant à retrouver ses esprits et ses sens, se demandant où il se trouvait, essayant d'imaginer tout le chemin qui avait été fait depuis l'épisode à la Rivière enchantée.
A vrai dire, tous semblaient plus ou moins mal en point: ils étaient pâles, la plupart affublés de grands cernes noirs sous les yeux, semblant parfois pris de nausées, sales et couverts de restes de toiles d'araignées qui s'étaient emmêlés dans leurs vêtements et leurs cheveux. Mais malgré cela, ils étaient tous en vie et tenaient tous debout: cela était pour l'instant le principal pour Thorin.
Mais une autre chose principale s'empressa de germer dans leurs esprits:
"Où est Bilbon? Demanda soudain Bofur d'une voix paniquée."
En entendant cela, Thorin sentit son cœur plonger de nouveau dans sa poitrine: lui et tous les autres regardèrent frénétiquement autour d'eux, cherchant le moindre signe du hobbit. Ils commençaient à craindre le pire, quand soudain:
"Ici! cria la voix de Bilbon dans la branches au dessus d'eux. Je suis là!"
Tous levèrent alors la tête, leurs cœurs devenus plus légers. Le sombre labyrinthe des branches et des feuillages recouvrait toujours le ciel, et ils ne parvinrent pas à discerner leur compagnon perché là haut. Mais ils avaient entendu sa voix: ils savaient qu'il était là et comprirent bien rapidement que c'était lui qui les avait sauvé des monstrueuses araignées. Ce petit hobbit était réellement bien plus plein de ressources qu'il n'y paraissait. Bientôt, sa voix se fit encore entendre:
"Ne bougez pas, j'arr... Aaaaarh!"
Mais soudain, il poussa un cri de détresse et les nains entendirent les branches craquer comme si quelque chose venait de tomber de très haut. A nouveau, les compagnons furent plus que paniqués: que venait-il d'arriver à leur ami? L'une de ces horribles créatures lui avait-elle sauté à la gorge?
"Bilbon! cria Thorin en tirant son épée du fourreau."
Il se mit à courir pour se rapprocher de l'endroit où il estimait que le hobbit devait être tombé, bientôt suivi par tous les autres. Leurs armes en mains, retenant leur respiration, prêts à affronter les monstres de ces ténèbres, ils avançaient cependant en combattant leur peur, déterminés à secourir leur camarade de la Comté.
Le chef de la compagnie courait entre les arbres, écartant frénétiquement les branches et les toiles sur son passage, espérant de tout son cœur que rien ne soit arrivé au hobbit. Mais il fut soudain interrompu dans sa course: entre les troncs, de derrière une grande toile, surgit une de ces énormes araignées qui se jeta sur Thorin tous crochets sortis. Ce dernier sursauta en se faisant ainsi assaillir: les longues pattes de la bête lui bloquèrent la route et il vit les chélicères luisantes se rapprocher de son visage. Mais il se ressaisit, empoigna fermement son épée et en asséna un grand coup sur la tête du monstre qui poussa un souffle plaintif avant de reculer douloureusement. Mais Thorin ne lui laissa aucun répit et frappa de nouveau, enfonçant profondément sa lame entre les multiples yeux noirs. L'hideuse bête convulsa pendant quelques instants avant de s'écrouler sur le sol, ses longues pattes anguleuses se repliant sur elles-mêmes en se vidant de toute vie.
Les autres rejoignirent bientôt Thorin qui retira son épée de la tête de l'araignée, mais ce combat était loin d'être fini. A peine les nains furent-ils réunis que cinq autres créatures surgirent devant eux: trois sortant d'entre les troncs et deux descendant des branches, suspendues à de longs fils blanchâtres. Leurs horribles membres s'agitaient à une vitesse folle, les précipitant sur les compagnons. Ceux-ci retinrent leur peur et saisirent leurs armes: Dwalin fut le premier à charger. Il poussa un puissant cri et s'élança sur la première créature à laquelle il asséna un coup de hache en pleine tête. Celle-ci recula de quelques pas mais aussitôt, une autre se jeta sur le guerrier, le projetant au sol. Heureusement, son frère Balin se précipita à son secours et planta sa courte épée en plein dans le crâne du monstre, qui s'écroula à son tour au sol.
Mais, tout en même temps que la première araignée revenait à la charge, les autres s'élancèrent également sur les compagnons. Et bientôt d'autres encore arrivèrent, aussi bien d'en bas que d'en haut. Les nains se défendirent vaillamment: les épées tranchaient, les haches fendaient, les marteaux frappaient... Plusieurs arachnides furent ainsi vaincus, mais ils étaient trop nombreux et d'autres encore arrivaient. Thorin comprit vite qu'ils ne pourraient pas lutter longtemps.
"Venez vite! cria-t-il à l'adresse de ses camarades. Suivez-moi!"
Tous s'élancèrent alors à sa suite, courant de toute la force de leurs jambes, serpentant entre les sombres arbres. Ils pensaient toujours avec peine à Bilbon, dont ils ignoraient toujours le sort, mais ils ne pouvaient rester dans cet endroit. Les araignées s'étaient d'ailleurs lancées à leur poursuite, et ils durent redoubler d'efforts. Mais même alors ils ne purent échapper aux bêtes, car d'autres surgirent encore de derrière les troncs, leur coupant net la route. Ils tentèrent bien de virer brusquement, mais les premières les avaient déjà rattrapés: la Forêt était à présent infestée de ces monstres. Bientôt, ils se retrouvèrent encerclés par d'innombrables paires de pattes noires et velues qui se tordaient pour porter les créatures jusqu'à leurs proies, tandis que les yeux d'un noir luisant les fixaient avidement: ils étaient pris au piège. Les créatures se rapprochaient, faisant claquer toutes ensembles leurs terribles crochets, ce qui produisait une clameur semblable aux applaudissements d'une foule. Mais normalement, les applaudissements ne rendaient pas les nains malades de terreur.
Certains en effet fermaient les yeux, ne supportant pas de voir arriver une fin aussi atroce et terrifiante que celle-ci. Mais Thorin n'était pas de ceux-là: il hurla une phrase d'encouragement en khuzdûl et s'élança à l'assaut des monstres, bientôt suivi par Dwalin, puis finalement tous les autres, qui poussèrent de puissants cris pour combattre leur peur. L'épée Orcrist scintilla comme une lueur d'espoir dans les ténèbres avant de s'abattre sur les têtes des créatures qui émirent leurs souffles furieux et plaintifs. La lame transperça les abdomens, trancha les pattes, écorcha les têtes,...
Et les autres étaient tout aussi farouches: des coups de marteau, de hache, de poignards, d'épée volaient en tous sens. Dwalin se battait si férocement qu'il laissait parfois de côté son arme pour asséner de terribles coups de poings et de genoux sur les monstres, qui furent parfois vaincus de cette manière. Après de longues minutes de lutte intense, ils réussirent à percer la foule des arachnides et profitèrent de cette brèche pour s'échapper. Tous s'élancèrent, courant aussi vite qu'ils le pouvaient; mais bien vite les créatures se lancèrent de nouveau à leurs trousses, laissant derrière elles les corps de leurs congénères vaincues.
Voyant qu'ils étaient de nouveau pris en chasse, Kili comprit qu'il était inutile de courir et il voulut faire quelque chose pour résoudre cette situation. Il lança alors à l'adresse des autres:
"Continuez de courir, surtout ne vous arrêtez pas!
-Kili, que fais-tu? s'affola Fili en voyant sn frère changer brusquement de direction."
Le plus jeune neveu de Thorin s'élança en effet sur la gauche et, ravalant sa terreur, cria à l'adresse des monstres:
"Eh! Par ici! Je suis là, regardez!"
Son stratagème fonctionna en partie: plusieurs des créatures le virent et se lancèrent aussitôt à sa poursuite. Mais les autres continuèrent malheureusement de courir après le reste de la compagnie. Kili courut un moment entre les troncs, ses pieds s'enfonçant parfois dans la neige qui recouvrait encore le sol par endroits, lui rappelant amèrement la perte de leur amie Elsa, puis s'arrêta net et se retourna pour faire face aux bêtes qui le pourchassaient. Ayant perdu son et ses flèches suite à la tempête de neige, il n'avait plus que son épée pour se défendre. Il tira alors en un éclair l'arme de son fourreau, inspira fortement, puis s'élança contre les monstres. Il se débrouilla très bien au début: il trancha les pattes avant de la première créatures, puis se dépêcha ensuite de lui transpercer la tête. Puis il enchaîna toute une série de moulinets, d'attaques et de roulades pour pourfendre habilement ses terrifiants adversaires. L'un d'eux se jeta un moment sur lui, le plaquant au sol, mais il glissa alors sous son corps et enfonça sa lame dans l'abdomen boursoufflé, provoquant rapidement le décès de la créature. Mais il comprit rapidement qu'il ne pourrait pas tenir ainsi longtemps, car d'autres araignées arrivaient à présent d'entre les arbres.
De leur côté, les autres membres de la compagnie couraient toujours pour échapper aux monstres. Le vacarme de leurs immondes pattes sur le sol poursuivait les compagnons comme le rugissement d'une bête enragée, un rugissement à faire pâlir le plus brave des guerriers. Eux aussi se défendaient aussi vaillamment qu'ils le pouvaient, assénant des coups de leurs armes tout en continuant de courir. Ils étaient essoufflés, étourdis, les endroits où ils avaient été mordus endoloris, mais ils tenaient bon.
Thorin se battait toujours aussi vaillamment, plus déterminé que jamais, tandis que Fili volait au secours de ceux qui en avaient le plus besoin. Il tua ainsi de ses sabres une créature qui s'en était pris au jeune Ori, ou encore une autre qui avait attaqué le vieux Oïn. Dwalin semblait déchaîné, toute sa colère et sa peur se faisant ressentir dans sa puissance de frappe. Et tous ainsi se battaient, se battaient, toujours guidés par le triste espoir de voir un jour la sortie de cette ignoble Forêt. Mais les sombres monstres qui les encerclaient étaient comme une barrière infranchissable sur le sentier qui menait à ce but, et le désespoir montait de plus en plus au sein de la compagnie.
Tout semblait perdu, les ténèbres sur le point de les envahir, quand soudain quelque chose bougea dans les branches au-dessus d'eux. Intrigué, Thorin plissa les yeux, et vit en effet une forme se mouvoir très rapidement là haut: une forme humaine, derrière laquelle semblaient voler au vent de longs cheveux blonds. La silhouette prit soudain son élan et sauta de la branche sur laquelle elle se trouvait, avant d'attraper d'une main le fil d'une araignée qui pendait un peu plus loin, et de se laisser descendre rapidement le long de ce dernier. A une vitesse impressionnante, l'être tira une dague scintillante de sa ceinture et la planta violemment dans l'abdomen de l'arachnide suspendu au bout du fameux fil. Il sauta alors de nouveau pour arriver sur le sol et occire un nouveau monstre avec tout autant d'agilité.
Thorin commença à peine à comprendre de quel genre de personne il pouvait bien s'agir, quand soudain toutes les créatures qui les encerclaient poussèrent leurs gémissements de douleur. Des flèches semblant sortir de nulle part vinrent se planter dans leurs corps et leurs têtes, rapides comme le vent, et bientôt tous les monstres s'écroulèrent au sol, leurs yeux luisants continuant cependant de fixer les nains d'une manière à donner des frissons.
Les compagnons n'eurent guère le temps de se demander d'où pouvaient bien provenir ces flèches, car la réponse leur arriva presque aussitôt: des ténèbres surgirent de nombreuses personnes armées d'arcs et vêtues de brun et de vert foncé, qui se rassemblèrent autour d'eux et pointèrent sur eux leurs flèches déjà encochées sur les cordes des arcs. En quelque secondes ils se retrouvèrent ainsi encerclés et pris au piège, non plus par des araignées géantes, mais par des elfes. Car en effet, leurs oreilles étaient pointues, et il s'agissait indéniablement des gens du peuple de cette Forêt.
Cependant, leurs visages étaient un peu plus dur que ceux des elfes de Fondombe: leurs yeux semblaient moins calmes et plus féroces. Mais à vrai dire, cela n'avait rien d'étonnant car leurs intentions à l'égard de la compagnie n'étaient clairement pas pacifiques. Voyant qui les encerclait à présent, les nains affichèrent soudain des airs colériques et hostiles, tout particulièrement Thorin. Mais ils n'eut rien le temps de dire car en quelques secondes, la silhouette qu'il avait vu courir dans les branches et sauter pour abattre les araignées acheva de tuer la dernière qui restait en vie, et se précipita vers le groupe des nains pour encocher une flèche sur son arc et la pointer à son tour sur eux, et plus précisément droit sur Thorin.
Il s'agissait également d'un elfe bien sûr: il avait des yeux bleu azur et de longs cheveux blond clair parfaitement lisses. Il était également vêtu de brun et de vert foncé, couleurs qui servait à ces elfes à se dissimuler dans les bois, mais son accoutrement semblait plus élaboré que celui des autres: sans doute occupait-il un poste plus important. Son torse et ses épaules étaient protégés par une curieuse cotte semblant être tissée de feuilles sombres et d'écorce. Mais surtout, son visage était froid et affichait une expression dure et sévère en regardant Thorin.
"Je pourrais te tuer nain, n'en doute pas, dit-il sèchement d'une voix pourtant calme. Et avec grand plaisir."
Thorin afficha alors une terrible expression de colère à l'encontre de l'elfe en question. Il tenait toujours son épée en main, et à vrai dire il n'avait qu'une envie en cet instant: la planter violemment dans le torse de ce blondinet qui se tenait en face de lui. Mais il savait que cela ne servirait à rien, et qu'il ne provoquerait que la mise à mort de ses compagnons et de lui-même. Il serra alors les lèvres, contenant sa colère.
Tous les autres nains semblaient aussi hostiles: que leur voulaient donc ces elfes? Pourquoi pointaient-ils ainsi leurs arcs sur eux? Mais soudain, un cri se fit entendre plus loin. Tous les nains reconnurent aussitôt cette voix:
"Kili! hurla Fili en regardant l'endroit d'où provenait le son d'un air terrifié."
En effet Kili, s'il s'était battu vaillamment, ne voyait à présent plus comment il pourrait sortir vivant de ce combat. Il était éreinté, et sentait la fatigue monter en lui à une vitesse angoissante, chacun de ses membres engourdi et tenaillé par de douloureuses crampes. Sans compter que les nombreuses araignées qui l'attaquaient se montraient particulièrement vindicatives: elles tentaient de le mordre, le projetaient au sol, le saisissaient entre leurs pattes,... Kili résistait comme il le pouvait, maniant désespérément son épée, mais il ne tiendrait plus longtemps.
"A l'aide! hurlait-il en espérant que quelqu'un l'entende. Au secours!"
L'une des créatures arriva droit sur lui: il saisit son arme à deux mains et l'abattit sur la tête de son assaillante. Mais celle-ci avait vu venir l'attaque, et saisit fermement la lame entre ses féroces crochets. Kili tenta de tirer pour récupérer son épée, mais elle était fermement retenue, la salive nauséabonde du monstre coulant sur la lame brillante. Finalement, l'arachnide tira d'un coup sec sur l'arme, projetant le jeune nain au sol.
Celui-ci ressentit le choc dans son dos, et le soupir plaintif qui sortit de sa bouche fut comme le cri sans fin du désespoir en personne. A peine eut-il le temps de reprendre ses esprits qu'il sentit son pied être saisi entre une hideuse paire de crochets, puis le monstre le tirer pour l'emmener dans son repaire de toile, tandis que ses congénères faisaient cliqueter leurs chélicères dans une clameur de cauchemar. Les larmes montèrent aux yeux du jeune nain, il n'avait même plus la force de crier, encore moins de se débattre. Il se contente de lever le regard, fixant les sombres branchages au dessus de lui, les yeux embués, attendant que tout soit enfin fini.
Mais soudain, il crut voir quelque chose bouger dans ces branchages: une silhouette qui courait et sautait de branches en branches. Mais c'était une silhouette à forme humaine, qui se déplaçait avec une incroyable agilité. Kili redressa quelque peu la tête, à la fois intrigué et subjugué par ce spectacle.
Très vite, la silhouette descendit vers lui en sautant de branche en branche. Et avec une adresse déroutante, la silhouette sauta directement sur la tête d'une des araignées, la plaquant au sol. Puis en un instant, elle saisit un arc et une flèche, et envoya le projectile directement dans l'abdomen de la créature qui tenait Kili par le pied. Aussitôt, celle-ci lâcha prise et se retourna, furieuse. Mais en un instant, la personne si agile sortit une gracieuse dague de son fourreau et la planta entre les yeux du monstre, qui s'écroula au sol.
Les autres créatures, furieuses, se précipitèrent sur le mystérieux sauveur du jeune nain. Mais celui-ci tira de nouvelles flèches de son carquois et les décocha habilement, terrassant rapidement plusieurs des monstres.
Dérouté et fasciné, Kili se redressa pour regarder enfin son sauveur. Mais en réalité il s'agissait d'une sauveuse: une elfe, avec deux oreilles bien pointues. Elle était toute vêtue de vert foncé, d'un corset et de bottes de cuir brun. Il put également apercevoir son visage: aux traits si gracieux, et aux yeux d'un brun clair envoûtant. Mais ce qui hypnotisa le plus le jeune nain furent les cheveux de cette elfe des bois: longs et légèrement ondulés, pendant jusqu'au bas du dos de la belle. Et ils étaient roux comme le feu, d'un rouge flamboyant et fascinant, comme des flammes ardentes redonnant force et courage à cette Forêt obscure. Bien qu'il s'agisse d'une elfe, Kili ne put s'empêcher d'être subjugué par sa beauté.
Mais il n'eut guère le temps de se laisser aller à ce genre de pensées: car d'entre les troncs une nouvelle araignée fonça droit sur lui, tous crochets pointés, ses yeux luisants fixés sur sa proie. Le jeune nain sentit la panique le gagner: il était désarmé, son épée perdue.
"Lancez-moi une dague! quémanda-t-il à l'adresse de l'elfe toujours aux prises avec les autres monstres. Vite!
-Si vous croyez que je vais vous confier une arme, vous vous trompez, répondit alors celle-ci d'une voix à la fois gracieuse et puissante."
Elle luttait aussi habilement qu'elle le pouvait contre les deux créatures qui l'assaillaient: la première tenta de la mordre directement à la taille, mais elle se saisit d'une de ses dagues et poignarda la créature. Aussitôt la deuxième se jeta à son tour sur l'elfe, mais celle-ci leva son arc en défense, l'utilisant pour immobiliser les crochets de la bête, avant de lui trancher la tête en deux, l'achevant pour de bon.
Mais Kili, lui, voyait l'araignée géante continuer de lui foncer droit dessus. Il fut sur le point e hurler de terreur, lorsque soudain sa sauveuse se saisit d'une de ses dagues et la lança de toutes ses forces se planter entre les yeux de l'arachnide, qui à son tour s'effondra sur la terre noire, inerte. Cette fois il n'en restait plus aucune, le combat était terminé.
Kili contempla un instant le cadavre du monstre qui ne se trouvait qu'à quelque centimètres de lui. Puis il se retourna vers l'elfe et la regarda d'un air ébahi: jamais il n'avait vu quelqu'un combattre avec une telle habileté. Et la belle rousse le regarda également. Ils restèrent ainsi quelques instants, à se fixer silencieusement, Kili toujours aussi subjugué par cette elfe qui venait de lui sauver la vie.
Puis finalement, elle sembla se raviser et s'avança vers le corps de l'araignée duquel elle retira sa dague, souillée de sang noirâtre. Elle la rangea dans son fourreau, puis prit le jeune nain par l'épaule avant de le tirer, le forçant à la suivre. Désarmé et épuisé, Kili ne trouva pas la force de lutter; mais il l'aurait bien voulu.
Bientôt, le reste du groupe, toujours encerclé par les elfes des bois, vit leur camarade revenir entre les mains d'une elfe aux cheveux rouge flamboyant. Deux des combattants qui avaient capturé la compagnie l'attrapèrent à leur tour et l'envoyèrent très peu délicatement rejoindre ses camarades. Fili fut soulagé de retrouver son frère sain et sauf.
Les gardiens de la Forêt restèrent quelques instants à dévisager les nains, essayant de les jauger pour mieux les cerner. Puis finalement, l'un d'eux, avec des cheveux bruns couleur noisette, s'adressa à l'elfe aux cheveux blonds et lisses dans la langue de son peuple:
"Votre altesse, pensez-vous qu'ils aient un quelconque rapport avec cette tempête de neige et de glace qui a dévasté les bois?
-Possible, répondit ce dernier après un instant d'hésitation, fixant toujours les compagnons d'un regard accusateur. Ne prenons pas de risque: fouillez-les!"
Alors les elfes rangèrent leurs arcs et leurs flèches et commencèrent à déposséder les nains de tous leurs objets. Ceux-ci étaient révoltés, mais ils ne pouvaient pas lutter, les rôdeurs de ces bois étant bien plus nombreux qu'eux. Les elfes leur prirent notamment leurs armes, mais fouillèrent également chaque poche, chaque pli de vêtement, se saisissant du moindre objet qu'ils trouvaient.
De son côté, l'elfe rousse s'avança vers son 'altesse' aux cheveux blonds, qui lui demanda toujours dans sa langue:
"Toutes les araignées sont-elles mortes?
-Oui, répondit l'intéressée. Mais d'autres viendront."
L'elfe blond afficha alors une expression angoissée, tandis que la belle aux cheveux de feu ajouta d'un air grave:
"Elles deviennent de plus en plus féroces."
Ils restèrent quelques instants silencieux, puis décidèrent finalement de fouiller eux aussi les nains. Celui aux cheveux blonds s'occupa notamment de fouiller Gloïn. A un moment, il tira d'une poche intérieure de son manteau un petit étui de métal.
"Rendez-moi ça! protesta Gloïn. C'est personnel."
L'elfe ignora les protestations et ouvrit l'étui en deux: à l'intérieur se trouvaient deux petits portraits dessinés à la main, représentant tous deux des nains.
"C'est quoi ça? demanda l'elfe d'une voix méprisante en regardant le portrait de gauche. Ton frère?
-C'est mon épouse! répondit le nain d'un ton scandalisé.
-Et quelle est cette immonde créature? demanda à nouveau le blond en fixant le portrait de droite. Un Gobelin mutant?
-C'est mon jeune garçon: Gimli, protesta encore une fois Gloïn."
L'elfe leva alors un sourcil, l'air toujours aussi méprisant.
Puis à un moment, l'un des gardes lui apporta l'épée Orcrist, qu'il avait trouvé sur Thorin. Son 'altesse' ouvrit de grands yeux en voyant l'arme, qu'il prit délicatement dans ses mains, avant de la tirer de son fourreau et d'admirer la lame brillante, bien qu'entachée du sang des araignées.
"Il s'agit d'une très ancienne lame elfique, commenta le blond dans sa propre langue, forgée par certains de mes ancêtres."
Puis soudain, il porta un regard courroucé sur le chef de la compagnie des nains, avant de lui demander:
"Où l'as-tu eue?
-On me l'a offerte, répondit alors Thorin entre ses dents, l'air toujours aussi plein de colère."
L'elfe le fixa quelques instants, ne semblant pas croire à sa réponse. Puis il pointa le bout de l'arme sur le nain, menaçant, avant de souffler:
"Pas seulement voleur, mais aussi menteur... Emmenez-les!"
Les nains n'eurent rien le temps de dire: les elfes les attrapèrent par les épaules et les forcèrent à les suivre. Mais la panique commença de nouveau à grimper dans les esprits des compagnons: que signifiait tout cela? Pourquoi étaient-ils arrêtés? Que comptaient leur faire ces maudits elfes? Ils devaient atteindre la Montagne, cela devenait de plus urgent. Mais surtout, quelque chose d'autre les inquiétait davantage.
"Thorin, appela Bofur à voix basse, où sont Bilbon et Elsa?"
Le roi des nains jeta alors un regard paniqué autour de lui, fixant les ténèbres des bois comme s'il espérait en voir soudain jaillir ses deux camarades. Mais rien ni personne ne vint, et il fut bientôt emmené avec les autres, prisonnier de ceux à qui il vouait tant de colère et de rancune, avançant désormais vers un sort incertain, qui n'était peut-être finalement pas bien meilleur que les pires créatures de cette Forêt.
Voici le chapitre 7 mes amis. J'ai réussi à le finir, et j'espère qu'il vous plaira.^^ Je le poste en deux parties car je crains qu'il soit trop long.
Par contre, je ne peux de nouveau pas prédire quand le prochain arrivera. Bonne lecture en tout cas!
Chapitre 7 (partie 1):
Sa tête était douloureuse. Thorin ignorait depuis combien de temps il flottait ainsi, suspendu entre deux mondes, ni tout à fait endormi, ni tout à fait réveillé, fermement immobilisé, incapable de bouger, mais il était sûr que cela lui devenait insupportable.
Finalement, il finit par retrouver lentement ses esprits, mais seulement pour mieux réaliser dans quelle situation il se trouvait: suspendu la tête vers le bas, tout le sang descendu dans son cerveau l'engourdissait et lui donnait des maux de crâne tandis que des nausées le saisissaient parfois. Mais comment s'était-il retrouvé ainsi? Qu'avait-il bien pu se passer? Sa mémoire était troublée par le long comma duquel il venait à peine d'émerger.
Il ignorait s'il était capable d'ouvrir les yeux, car même lorsque ses paupières lui semblaient écartées il ne voyait absolument rien, mis à part des tâches de couleurs fades se distordre dans une danse morbide devant ses yeux. Un sifflement léger parvenait tout de même à lui vriller les oreilles, tandis qu'un goût affreusement désagréable emplissait sa bouche sèche et tapissait sa langue engourdie. Qu'avait-il bien pu lui arriver?
Ne pouvant rien faire d'autre, il se concentra, cherchant à recouvrer ses souvenirs. Puis soudain, tout lui revint: il avait entendu des bruissements inquiétants dans les bois alentours et en avait immédiatement averti ses compagnons. Tous avaient alors tendu l'oreille, scrutant les bois obscurs autour d'eux. Mais soudain, sans que rien ne l'ait laissé présager, des flocons étaient apparus et s'étaient multipliés, tournoyant de plus en plus vite, accompagné par un vent déchaîné. Ils comprirent rapidement que quelque chose n'allait pas avec Elsa, mais ils n'arrivaient déjà plus à la voir. Ils avaient lutté, lutté contre l'ouragan, mais en vain: le vent les avait poussé, et ils avaient du s'accrocher aux troncs et aux branches pour ne pas être emportés au loin. Puis soudain, au milieu de cette tempête, Thorin avait vu des silhouettes sombres s'avancer vers eux, parvenant à avancer malgré le blizzard.
Ces silhouettes étaient sombres, certainement pas celles d'humains, et garnies de longues pattes articulées qui se cramponnaient fermement au sol pour avancer vers eux. Aucun d'eux n'eut le temps de réagir ni de lutter assez vaillamment contre le vent pour se saisir d'une arme: très vite les silhouettes s'étaient jetées sur eux, et alors tout était devenu noir. Thorin se rappelait seulement avoir ressenti une douleur avant de sombrer dans les ténèbres.
Mais à présent il revenait à lui et commençait à comprendre: cette douleur qu'il avait ressentie et cette sensation de malaise qui le tenait montraient que la bête avait du l'empoisonner d'une manière ou d'une autre. Et cette chose qui le retenait prisonnier, l'empêchant de bouger; il devinait au contact de ses doigts qui retrouvaient peu à peu leur sens du toucher qu'il s'agissait de soie, d'un grand cocon de soie. Oui, il devinait bien la nature des créatures qui l'avaient attaqué, lui et ses compagnons. Mais cela ne l'aida en rien à être rassuré: où étaient les autres à présent, que leur était-il arrivé? Etaient-ils toujours en vie? Et surtout, comment pourrait-il sortir de là? Ses bras étaient totalement immobilisés, et il ne pouvait pas atteindre son arme. Il commença à paniquer et à respirer plus fort, inspirant autant d'air qu'il le pouvait à travers la paroi de soie qui lui collait au nez et à la bouche.
Il chercha, chercha dans son esprit tous les moyens qui pourrait le sortir de là, tenta de se balancer afin de faire céder ces fils qui le suspendaient à une branche d'arbre, mais rien n'y fit; il ne parvenait pas à donner assez d'élan pour faire céder quoi que ce soit. Rapidement, il perdit tout espoir. Il était prisonnier d'un cocon de soie certainement surveillé de près par des arachnides géants, au cœur d'une Forêt sombre et maudite, séparé de ses compagnons, et où personne ne viendrait à son aide.
A présent que ses sens lui revenaient peu à peu, le sifflement à ses oreilles s'estompait. Alors, retrouvant l'usage de l'ouïe, il tendit l'oreille pour tenter de déceler le moindre son autour de lui. Et il lui sembla bien entendre des crissements et des craquements. On aurait dit que d'innombrables pattes se déplaçaient rapidement et sournoisement sur le sol et le long des troncs autour de lui, tandis que de gros corps volumineux rampaient, tirés par ces membres rachitiques. Et de temps à autre, il se sentait tripoté, manipulé par ces membres articulés, comme si les araignées le tâtaient pour voir l'était dans lequel il se trouvait. Thorin osait à peine imaginer ces créatures: cela lui donnait plus de cauchemars qu'autre chose. Et l'idée de finir comme leur repas, vidé de ses entrailles et aspiré lentement par ces monstres ne l'aidait en rien.
Jamais, jamais ils n'auraient du s'aventurer dans cette Forêt: tout était perdu à présent. Jamais ils ne reverraient Erebor, et les terres de l'Est vivraient encore longtemps sous la terreur du dragon. Si seulement Gandalf était resté avec eux... Mais cela n'était pas le cas: il était inutile de se lamenter sur ce qui aurait pu les sauver. Désemparé, totalement démuni, Thorin ferma alors les yeux, n'attendant plus que la fin, n'entendant plus que les bruissements sournois des monstres autour de lui.
Mais n'y avait-il vraiment que cela? Il eut soudain l'impression d'entendre quelque chose d'autre, quelque chose de plus frappant, de moins horriblement calme et vicieux. Comme si quelqu'un ou quelque chose venait de donner un coup contre un tronc d'arbre au loin. Et les araignées semblèrent l'entendre également, car Thorin eut la certitude que toutes s'éloignèrent soudain en même temps, leurs pattes s'agitant plus vite que jamais, partant en chasse de la source du bruit. Le roi des nains frissonna: était-ce quelque pauvre bête qui deviendrait elle aussi la proie de ces créatures? Ou pire: un de ses compagnons qui avait réussi à s'échapper mais qui venait à présent de se trahir? Il n'en savait rien, mais quoi que cela fut, cela n'avait plus aucun chance désormais: tous les arachnides avaient chargé sur lui en même temps.
Sauf un. Bientôt, Thorin entendit à nouveau des bruits de pattes qui s'approchaient de lui: il malgré les sons étouffés par l'étoffe qui l'emprisonnait, il pouvait deviner qu'il s'agissait d'une araignée seule. Elle s'approcha lentement de lui et commença à le saisir entre deux de ses deux pédipalpes avides; il pouvait presque sentir les émanations du trou qui lui servait de bouche. Son heure était donc venue: cette créature l'avait choisi comme proie. Il ferma les yeux et attendit, le cœur battant, que tout s'arrête. Mais soudain, il entendit tout près un sifflement de lame qui fend l'air, puis un bruit de chair tranchée. Alors l'araignée le lâcha brusquement et il l'entendit émettre un genre de souffle affolé. Il était certain que si elle avait eu des cordes vocales, elle aurait poussé des cris de douleur, car quelqu'un venait de lui asséner un coup de hache ou d'épée.
'L'un de mes amis peut-être?' pensa le roi avec espoir.
Il sentit le monstre se retourner furieusement, faisant sans doute face au responsable de cette blessure. Et bientôt, un autre bruit semblable se fit entendre; mais cette fois, on aurait dit que l'arme s'était plantée tout droit dans le corps de la bête, qui poussa un nouveau souffle plaintif, avant de basculer sur le côté et qu'un bruit sourd n'indique bientôt que son corps venait d'atterrir lourdement sur le sol.
Thorin sentit alors un nouvel élan d'espoir monter en lui: la personne était donc venue à bout du monstre. Mais qui cela pouvait-il bien être? Avait-il l'intention de les libérer?
Et bientôt, comme pour répondre à sa question, il entendit à nouveau le bruit de la lame fendant l'air, et sentit toute la soie qui le reliait à la branche être tranchée d'un seul coup. Alors il se sentit tomber, ce qui provoqua un petit instant de panique chez lui, mais sa chute fut bientôt ralentie par de grandes nappes de soie tendues entre les branches. Ainsi atterrit-il moins lourdement que prévu sur le sol, bien qu'il se fit tout de même un peu mal au dos et à la tête. C'était un miracle, un véritable miracle: il avait finalement réussi à échapper au monstre. Mais qu'en était-il de ses compagnons?
Il s'empressa alors de sortir de sa prison: le sac de soie étant à présent ouvert à une extrémité, il parvint à tirer sur les fils et à déchirer l'enveloppe qui le retenait prisonnier depuis tout ce temps. En tirant ainsi il s'emmêla quelque peu dans les fils, qui restèrent collés à ses vêtements et dans ses cheveux, mais le principal était qu'il se soit enfin libéré de son enveloppe. Il se redressa alors rapidement et inspira un grand coup, retrouvant enfin une pleine respiration. Il resta assis sur le sol, reprenant ses esprits et recouvrant ses sens: les minces filets de lumière perçant à travers les feuillages lui permirent de distinguer à nouveau son environnement. Il se trouvait sur un sol inégal, avec des bosses et des creux, couvert de feuilles mortes, entre des arbres semblables à tous ceux de cette Forêt, mais tous recouverts d'épaisses toiles et reliés entre eux par de grandes nappes et de nombreux fils blanchâtres. Et dans ces filets pendaient par endroits des cadavres d'oiseaux, d'animaux plus gros tels que des cerfs, et même certains squelettes à forme humaine.
Thorin frissonna de tous ses membres devant cette vision: l'idée que ses camarades puissent se trouver à présent dans cet état lui perçait soudain le cœur. Il remarqua également que les branches et le sol étaient encore recouverts d'une couche de neige en certains endroits: Elsa... Que lui était-il arrivé? Où était-elle? Et où étaient tous les autres?
Mais soudain, il entendit quelque chose tomber entre les branches au dessus de lui, et s'emmêler dans les toiles comme il l'avait lui même fait durant sa chute. Et bientôt, un sac de soie tout semblable au sien atterrit sur le sol près de lui. Lorsque l'enveloppe se fut déchirée par celui qu'elle emprisonnait, le cœur du chef de la compagnie fut libéré d'un grand poids.
Il s'agissait de Gloïn: il se libéra, non sans peine, des fils qui l'enserrait, laissant enfin sa tête sortir à l'air libre, lui permettant de prendre une grande inspiration qui fit couler un flot de soulagement dans tout son corps. Il semblait exténué et éreinté, de grands cernes soulignant ses yeux et sa peau ayant pris un teint anormalement pâle. Mais Thorin s'empressa de venir à son aide, et il parvint tout de même à se remettre sur pieds. Puis soudain, un autre sac tomba sur le sol à côté d'eux, révélant cette fois Bofur, tout aussi sonné et mal en point que ses camarades, mais qui parvint tout de même à retrouver l'usage de ses jambes. Puis un autre sac tomba, puis un autre, et encore un autre... Bientôt, Thorin fut entouré de ses douze compagnons nains. Il fut particulièrement soulagé de retrouver ses deux neveux. Bombur avait même fini par se réveiller: peut-être le choc de la chute ou la morsure des créatures l'avaient ils aidé à sortir de sa torpeur? Il se releva avec pénibilité, peinant à retrouver ses esprits et ses sens, se demandant où il se trouvait, essayant d'imaginer tout le chemin qui avait été fait depuis l'épisode à la Rivière enchantée.
A vrai dire, tous semblaient plus ou moins mal en point: ils étaient pâles, la plupart affublés de grands cernes noirs sous les yeux, semblant parfois pris de nausées, sales et couverts de restes de toiles d'araignées qui s'étaient emmêlés dans leurs vêtements et leurs cheveux. Mais malgré cela, ils étaient tous en vie et tenaient tous debout: cela était pour l'instant le principal pour Thorin.
Mais une autre chose principale s'empressa de germer dans leurs esprits:
"Où est Bilbon? Demanda soudain Bofur d'une voix paniquée."
En entendant cela, Thorin sentit son cœur plonger de nouveau dans sa poitrine: lui et tous les autres regardèrent frénétiquement autour d'eux, cherchant le moindre signe du hobbit. Ils commençaient à craindre le pire, quand soudain:
"Ici! cria la voix de Bilbon dans la branches au dessus d'eux. Je suis là!"
Tous levèrent alors la tête, leurs cœurs devenus plus légers. Le sombre labyrinthe des branches et des feuillages recouvrait toujours le ciel, et ils ne parvinrent pas à discerner leur compagnon perché là haut. Mais ils avaient entendu sa voix: ils savaient qu'il était là et comprirent bien rapidement que c'était lui qui les avait sauvé des monstrueuses araignées. Ce petit hobbit était réellement bien plus plein de ressources qu'il n'y paraissait. Bientôt, sa voix se fit encore entendre:
"Ne bougez pas, j'arr... Aaaaarh!"
Mais soudain, il poussa un cri de détresse et les nains entendirent les branches craquer comme si quelque chose venait de tomber de très haut. A nouveau, les compagnons furent plus que paniqués: que venait-il d'arriver à leur ami? L'une de ces horribles créatures lui avait-elle sauté à la gorge?
"Bilbon! cria Thorin en tirant son épée du fourreau."
Il se mit à courir pour se rapprocher de l'endroit où il estimait que le hobbit devait être tombé, bientôt suivi par tous les autres. Leurs armes en mains, retenant leur respiration, prêts à affronter les monstres de ces ténèbres, ils avançaient cependant en combattant leur peur, déterminés à secourir leur camarade de la Comté.
Le chef de la compagnie courait entre les arbres, écartant frénétiquement les branches et les toiles sur son passage, espérant de tout son cœur que rien ne soit arrivé au hobbit. Mais il fut soudain interrompu dans sa course: entre les troncs, de derrière une grande toile, surgit une de ces énormes araignées qui se jeta sur Thorin tous crochets sortis. Ce dernier sursauta en se faisant ainsi assaillir: les longues pattes de la bête lui bloquèrent la route et il vit les chélicères luisantes se rapprocher de son visage. Mais il se ressaisit, empoigna fermement son épée et en asséna un grand coup sur la tête du monstre qui poussa un souffle plaintif avant de reculer douloureusement. Mais Thorin ne lui laissa aucun répit et frappa de nouveau, enfonçant profondément sa lame entre les multiples yeux noirs. L'hideuse bête convulsa pendant quelques instants avant de s'écrouler sur le sol, ses longues pattes anguleuses se repliant sur elles-mêmes en se vidant de toute vie.
Les autres rejoignirent bientôt Thorin qui retira son épée de la tête de l'araignée, mais ce combat était loin d'être fini. A peine les nains furent-ils réunis que cinq autres créatures surgirent devant eux: trois sortant d'entre les troncs et deux descendant des branches, suspendues à de longs fils blanchâtres. Leurs horribles membres s'agitaient à une vitesse folle, les précipitant sur les compagnons. Ceux-ci retinrent leur peur et saisirent leurs armes: Dwalin fut le premier à charger. Il poussa un puissant cri et s'élança sur la première créature à laquelle il asséna un coup de hache en pleine tête. Celle-ci recula de quelques pas mais aussitôt, une autre se jeta sur le guerrier, le projetant au sol. Heureusement, son frère Balin se précipita à son secours et planta sa courte épée en plein dans le crâne du monstre, qui s'écroula à son tour au sol.
Mais, tout en même temps que la première araignée revenait à la charge, les autres s'élancèrent également sur les compagnons. Et bientôt d'autres encore arrivèrent, aussi bien d'en bas que d'en haut. Les nains se défendirent vaillamment: les épées tranchaient, les haches fendaient, les marteaux frappaient... Plusieurs arachnides furent ainsi vaincus, mais ils étaient trop nombreux et d'autres encore arrivaient. Thorin comprit vite qu'ils ne pourraient pas lutter longtemps.
"Venez vite! cria-t-il à l'adresse de ses camarades. Suivez-moi!"
Tous s'élancèrent alors à sa suite, courant de toute la force de leurs jambes, serpentant entre les sombres arbres. Ils pensaient toujours avec peine à Bilbon, dont ils ignoraient toujours le sort, mais ils ne pouvaient rester dans cet endroit. Les araignées s'étaient d'ailleurs lancées à leur poursuite, et ils durent redoubler d'efforts. Mais même alors ils ne purent échapper aux bêtes, car d'autres surgirent encore de derrière les troncs, leur coupant net la route. Ils tentèrent bien de virer brusquement, mais les premières les avaient déjà rattrapés: la Forêt était à présent infestée de ces monstres. Bientôt, ils se retrouvèrent encerclés par d'innombrables paires de pattes noires et velues qui se tordaient pour porter les créatures jusqu'à leurs proies, tandis que les yeux d'un noir luisant les fixaient avidement: ils étaient pris au piège. Les créatures se rapprochaient, faisant claquer toutes ensembles leurs terribles crochets, ce qui produisait une clameur semblable aux applaudissements d'une foule. Mais normalement, les applaudissements ne rendaient pas les nains malades de terreur.
Certains en effet fermaient les yeux, ne supportant pas de voir arriver une fin aussi atroce et terrifiante que celle-ci. Mais Thorin n'était pas de ceux-là: il hurla une phrase d'encouragement en khuzdûl et s'élança à l'assaut des monstres, bientôt suivi par Dwalin, puis finalement tous les autres, qui poussèrent de puissants cris pour combattre leur peur. L'épée Orcrist scintilla comme une lueur d'espoir dans les ténèbres avant de s'abattre sur les têtes des créatures qui émirent leurs souffles furieux et plaintifs. La lame transperça les abdomens, trancha les pattes, écorcha les têtes,...
Et les autres étaient tout aussi farouches: des coups de marteau, de hache, de poignards, d'épée volaient en tous sens. Dwalin se battait si férocement qu'il laissait parfois de côté son arme pour asséner de terribles coups de poings et de genoux sur les monstres, qui furent parfois vaincus de cette manière. Après de longues minutes de lutte intense, ils réussirent à percer la foule des arachnides et profitèrent de cette brèche pour s'échapper. Tous s'élancèrent, courant aussi vite qu'ils le pouvaient; mais bien vite les créatures se lancèrent de nouveau à leurs trousses, laissant derrière elles les corps de leurs congénères vaincues.
Voyant qu'ils étaient de nouveau pris en chasse, Kili comprit qu'il était inutile de courir et il voulut faire quelque chose pour résoudre cette situation. Il lança alors à l'adresse des autres:
"Continuez de courir, surtout ne vous arrêtez pas!
-Kili, que fais-tu? s'affola Fili en voyant sn frère changer brusquement de direction."
Le plus jeune neveu de Thorin s'élança en effet sur la gauche et, ravalant sa terreur, cria à l'adresse des monstres:
"Eh! Par ici! Je suis là, regardez!"
Son stratagème fonctionna en partie: plusieurs des créatures le virent et se lancèrent aussitôt à sa poursuite. Mais les autres continuèrent malheureusement de courir après le reste de la compagnie. Kili courut un moment entre les troncs, ses pieds s'enfonçant parfois dans la neige qui recouvrait encore le sol par endroits, lui rappelant amèrement la perte de leur amie Elsa, puis s'arrêta net et se retourna pour faire face aux bêtes qui le pourchassaient. Ayant perdu son et ses flèches suite à la tempête de neige, il n'avait plus que son épée pour se défendre. Il tira alors en un éclair l'arme de son fourreau, inspira fortement, puis s'élança contre les monstres. Il se débrouilla très bien au début: il trancha les pattes avant de la première créatures, puis se dépêcha ensuite de lui transpercer la tête. Puis il enchaîna toute une série de moulinets, d'attaques et de roulades pour pourfendre habilement ses terrifiants adversaires. L'un d'eux se jeta un moment sur lui, le plaquant au sol, mais il glissa alors sous son corps et enfonça sa lame dans l'abdomen boursoufflé, provoquant rapidement le décès de la créature. Mais il comprit rapidement qu'il ne pourrait pas tenir ainsi longtemps, car d'autres araignées arrivaient à présent d'entre les arbres.
De leur côté, les autres membres de la compagnie couraient toujours pour échapper aux monstres. Le vacarme de leurs immondes pattes sur le sol poursuivait les compagnons comme le rugissement d'une bête enragée, un rugissement à faire pâlir le plus brave des guerriers. Eux aussi se défendaient aussi vaillamment qu'ils le pouvaient, assénant des coups de leurs armes tout en continuant de courir. Ils étaient essoufflés, étourdis, les endroits où ils avaient été mordus endoloris, mais ils tenaient bon.
Thorin se battait toujours aussi vaillamment, plus déterminé que jamais, tandis que Fili volait au secours de ceux qui en avaient le plus besoin. Il tua ainsi de ses sabres une créature qui s'en était pris au jeune Ori, ou encore une autre qui avait attaqué le vieux Oïn. Dwalin semblait déchaîné, toute sa colère et sa peur se faisant ressentir dans sa puissance de frappe. Et tous ainsi se battaient, se battaient, toujours guidés par le triste espoir de voir un jour la sortie de cette ignoble Forêt. Mais les sombres monstres qui les encerclaient étaient comme une barrière infranchissable sur le sentier qui menait à ce but, et le désespoir montait de plus en plus au sein de la compagnie.
Tout semblait perdu, les ténèbres sur le point de les envahir, quand soudain quelque chose bougea dans les branches au-dessus d'eux. Intrigué, Thorin plissa les yeux, et vit en effet une forme se mouvoir très rapidement là haut: une forme humaine, derrière laquelle semblaient voler au vent de longs cheveux blonds. La silhouette prit soudain son élan et sauta de la branche sur laquelle elle se trouvait, avant d'attraper d'une main le fil d'une araignée qui pendait un peu plus loin, et de se laisser descendre rapidement le long de ce dernier. A une vitesse impressionnante, l'être tira une dague scintillante de sa ceinture et la planta violemment dans l'abdomen de l'arachnide suspendu au bout du fameux fil. Il sauta alors de nouveau pour arriver sur le sol et occire un nouveau monstre avec tout autant d'agilité.
Thorin commença à peine à comprendre de quel genre de personne il pouvait bien s'agir, quand soudain toutes les créatures qui les encerclaient poussèrent leurs gémissements de douleur. Des flèches semblant sortir de nulle part vinrent se planter dans leurs corps et leurs têtes, rapides comme le vent, et bientôt tous les monstres s'écroulèrent au sol, leurs yeux luisants continuant cependant de fixer les nains d'une manière à donner des frissons.
Les compagnons n'eurent guère le temps de se demander d'où pouvaient bien provenir ces flèches, car la réponse leur arriva presque aussitôt: des ténèbres surgirent de nombreuses personnes armées d'arcs et vêtues de brun et de vert foncé, qui se rassemblèrent autour d'eux et pointèrent sur eux leurs flèches déjà encochées sur les cordes des arcs. En quelque secondes ils se retrouvèrent ainsi encerclés et pris au piège, non plus par des araignées géantes, mais par des elfes. Car en effet, leurs oreilles étaient pointues, et il s'agissait indéniablement des gens du peuple de cette Forêt.
Cependant, leurs visages étaient un peu plus dur que ceux des elfes de Fondombe: leurs yeux semblaient moins calmes et plus féroces. Mais à vrai dire, cela n'avait rien d'étonnant car leurs intentions à l'égard de la compagnie n'étaient clairement pas pacifiques. Voyant qui les encerclait à présent, les nains affichèrent soudain des airs colériques et hostiles, tout particulièrement Thorin. Mais ils n'eut rien le temps de dire car en quelques secondes, la silhouette qu'il avait vu courir dans les branches et sauter pour abattre les araignées acheva de tuer la dernière qui restait en vie, et se précipita vers le groupe des nains pour encocher une flèche sur son arc et la pointer à son tour sur eux, et plus précisément droit sur Thorin.
Il s'agissait également d'un elfe bien sûr: il avait des yeux bleu azur et de longs cheveux blond clair parfaitement lisses. Il était également vêtu de brun et de vert foncé, couleurs qui servait à ces elfes à se dissimuler dans les bois, mais son accoutrement semblait plus élaboré que celui des autres: sans doute occupait-il un poste plus important. Son torse et ses épaules étaient protégés par une curieuse cotte semblant être tissée de feuilles sombres et d'écorce. Mais surtout, son visage était froid et affichait une expression dure et sévère en regardant Thorin.
"Je pourrais te tuer nain, n'en doute pas, dit-il sèchement d'une voix pourtant calme. Et avec grand plaisir."
Thorin afficha alors une terrible expression de colère à l'encontre de l'elfe en question. Il tenait toujours son épée en main, et à vrai dire il n'avait qu'une envie en cet instant: la planter violemment dans le torse de ce blondinet qui se tenait en face de lui. Mais il savait que cela ne servirait à rien, et qu'il ne provoquerait que la mise à mort de ses compagnons et de lui-même. Il serra alors les lèvres, contenant sa colère.
Tous les autres nains semblaient aussi hostiles: que leur voulaient donc ces elfes? Pourquoi pointaient-ils ainsi leurs arcs sur eux? Mais soudain, un cri se fit entendre plus loin. Tous les nains reconnurent aussitôt cette voix:
"Kili! hurla Fili en regardant l'endroit d'où provenait le son d'un air terrifié."
En effet Kili, s'il s'était battu vaillamment, ne voyait à présent plus comment il pourrait sortir vivant de ce combat. Il était éreinté, et sentait la fatigue monter en lui à une vitesse angoissante, chacun de ses membres engourdi et tenaillé par de douloureuses crampes. Sans compter que les nombreuses araignées qui l'attaquaient se montraient particulièrement vindicatives: elles tentaient de le mordre, le projetaient au sol, le saisissaient entre leurs pattes,... Kili résistait comme il le pouvait, maniant désespérément son épée, mais il ne tiendrait plus longtemps.
"A l'aide! hurlait-il en espérant que quelqu'un l'entende. Au secours!"
L'une des créatures arriva droit sur lui: il saisit son arme à deux mains et l'abattit sur la tête de son assaillante. Mais celle-ci avait vu venir l'attaque, et saisit fermement la lame entre ses féroces crochets. Kili tenta de tirer pour récupérer son épée, mais elle était fermement retenue, la salive nauséabonde du monstre coulant sur la lame brillante. Finalement, l'arachnide tira d'un coup sec sur l'arme, projetant le jeune nain au sol.
Celui-ci ressentit le choc dans son dos, et le soupir plaintif qui sortit de sa bouche fut comme le cri sans fin du désespoir en personne. A peine eut-il le temps de reprendre ses esprits qu'il sentit son pied être saisi entre une hideuse paire de crochets, puis le monstre le tirer pour l'emmener dans son repaire de toile, tandis que ses congénères faisaient cliqueter leurs chélicères dans une clameur de cauchemar. Les larmes montèrent aux yeux du jeune nain, il n'avait même plus la force de crier, encore moins de se débattre. Il se contente de lever le regard, fixant les sombres branchages au dessus de lui, les yeux embués, attendant que tout soit enfin fini.
Mais soudain, il crut voir quelque chose bouger dans ces branchages: une silhouette qui courait et sautait de branches en branches. Mais c'était une silhouette à forme humaine, qui se déplaçait avec une incroyable agilité. Kili redressa quelque peu la tête, à la fois intrigué et subjugué par ce spectacle.
Très vite, la silhouette descendit vers lui en sautant de branche en branche. Et avec une adresse déroutante, la silhouette sauta directement sur la tête d'une des araignées, la plaquant au sol. Puis en un instant, elle saisit un arc et une flèche, et envoya le projectile directement dans l'abdomen de la créature qui tenait Kili par le pied. Aussitôt, celle-ci lâcha prise et se retourna, furieuse. Mais en un instant, la personne si agile sortit une gracieuse dague de son fourreau et la planta entre les yeux du monstre, qui s'écroula au sol.
Les autres créatures, furieuses, se précipitèrent sur le mystérieux sauveur du jeune nain. Mais celui-ci tira de nouvelles flèches de son carquois et les décocha habilement, terrassant rapidement plusieurs des monstres.
Dérouté et fasciné, Kili se redressa pour regarder enfin son sauveur. Mais en réalité il s'agissait d'une sauveuse: une elfe, avec deux oreilles bien pointues. Elle était toute vêtue de vert foncé, d'un corset et de bottes de cuir brun. Il put également apercevoir son visage: aux traits si gracieux, et aux yeux d'un brun clair envoûtant. Mais ce qui hypnotisa le plus le jeune nain furent les cheveux de cette elfe des bois: longs et légèrement ondulés, pendant jusqu'au bas du dos de la belle. Et ils étaient roux comme le feu, d'un rouge flamboyant et fascinant, comme des flammes ardentes redonnant force et courage à cette Forêt obscure. Bien qu'il s'agisse d'une elfe, Kili ne put s'empêcher d'être subjugué par sa beauté.
Mais il n'eut guère le temps de se laisser aller à ce genre de pensées: car d'entre les troncs une nouvelle araignée fonça droit sur lui, tous crochets pointés, ses yeux luisants fixés sur sa proie. Le jeune nain sentit la panique le gagner: il était désarmé, son épée perdue.
"Lancez-moi une dague! quémanda-t-il à l'adresse de l'elfe toujours aux prises avec les autres monstres. Vite!
-Si vous croyez que je vais vous confier une arme, vous vous trompez, répondit alors celle-ci d'une voix à la fois gracieuse et puissante."
Elle luttait aussi habilement qu'elle le pouvait contre les deux créatures qui l'assaillaient: la première tenta de la mordre directement à la taille, mais elle se saisit d'une de ses dagues et poignarda la créature. Aussitôt la deuxième se jeta à son tour sur l'elfe, mais celle-ci leva son arc en défense, l'utilisant pour immobiliser les crochets de la bête, avant de lui trancher la tête en deux, l'achevant pour de bon.
Mais Kili, lui, voyait l'araignée géante continuer de lui foncer droit dessus. Il fut sur le point e hurler de terreur, lorsque soudain sa sauveuse se saisit d'une de ses dagues et la lança de toutes ses forces se planter entre les yeux de l'arachnide, qui à son tour s'effondra sur la terre noire, inerte. Cette fois il n'en restait plus aucune, le combat était terminé.
Kili contempla un instant le cadavre du monstre qui ne se trouvait qu'à quelque centimètres de lui. Puis il se retourna vers l'elfe et la regarda d'un air ébahi: jamais il n'avait vu quelqu'un combattre avec une telle habileté. Et la belle rousse le regarda également. Ils restèrent ainsi quelques instants, à se fixer silencieusement, Kili toujours aussi subjugué par cette elfe qui venait de lui sauver la vie.
Puis finalement, elle sembla se raviser et s'avança vers le corps de l'araignée duquel elle retira sa dague, souillée de sang noirâtre. Elle la rangea dans son fourreau, puis prit le jeune nain par l'épaule avant de le tirer, le forçant à la suivre. Désarmé et épuisé, Kili ne trouva pas la force de lutter; mais il l'aurait bien voulu.
Bientôt, le reste du groupe, toujours encerclé par les elfes des bois, vit leur camarade revenir entre les mains d'une elfe aux cheveux rouge flamboyant. Deux des combattants qui avaient capturé la compagnie l'attrapèrent à leur tour et l'envoyèrent très peu délicatement rejoindre ses camarades. Fili fut soulagé de retrouver son frère sain et sauf.
Les gardiens de la Forêt restèrent quelques instants à dévisager les nains, essayant de les jauger pour mieux les cerner. Puis finalement, l'un d'eux, avec des cheveux bruns couleur noisette, s'adressa à l'elfe aux cheveux blonds et lisses dans la langue de son peuple:
"Votre altesse, pensez-vous qu'ils aient un quelconque rapport avec cette tempête de neige et de glace qui a dévasté les bois?
-Possible, répondit ce dernier après un instant d'hésitation, fixant toujours les compagnons d'un regard accusateur. Ne prenons pas de risque: fouillez-les!"
Alors les elfes rangèrent leurs arcs et leurs flèches et commencèrent à déposséder les nains de tous leurs objets. Ceux-ci étaient révoltés, mais ils ne pouvaient pas lutter, les rôdeurs de ces bois étant bien plus nombreux qu'eux. Les elfes leur prirent notamment leurs armes, mais fouillèrent également chaque poche, chaque pli de vêtement, se saisissant du moindre objet qu'ils trouvaient.
De son côté, l'elfe rousse s'avança vers son 'altesse' aux cheveux blonds, qui lui demanda toujours dans sa langue:
"Toutes les araignées sont-elles mortes?
-Oui, répondit l'intéressée. Mais d'autres viendront."
L'elfe blond afficha alors une expression angoissée, tandis que la belle aux cheveux de feu ajouta d'un air grave:
"Elles deviennent de plus en plus féroces."
Ils restèrent quelques instants silencieux, puis décidèrent finalement de fouiller eux aussi les nains. Celui aux cheveux blonds s'occupa notamment de fouiller Gloïn. A un moment, il tira d'une poche intérieure de son manteau un petit étui de métal.
"Rendez-moi ça! protesta Gloïn. C'est personnel."
L'elfe ignora les protestations et ouvrit l'étui en deux: à l'intérieur se trouvaient deux petits portraits dessinés à la main, représentant tous deux des nains.
"C'est quoi ça? demanda l'elfe d'une voix méprisante en regardant le portrait de gauche. Ton frère?
-C'est mon épouse! répondit le nain d'un ton scandalisé.
-Et quelle est cette immonde créature? demanda à nouveau le blond en fixant le portrait de droite. Un Gobelin mutant?
-C'est mon jeune garçon: Gimli, protesta encore une fois Gloïn."
L'elfe leva alors un sourcil, l'air toujours aussi méprisant.
Puis à un moment, l'un des gardes lui apporta l'épée Orcrist, qu'il avait trouvé sur Thorin. Son 'altesse' ouvrit de grands yeux en voyant l'arme, qu'il prit délicatement dans ses mains, avant de la tirer de son fourreau et d'admirer la lame brillante, bien qu'entachée du sang des araignées.
"Il s'agit d'une très ancienne lame elfique, commenta le blond dans sa propre langue, forgée par certains de mes ancêtres."
Puis soudain, il porta un regard courroucé sur le chef de la compagnie des nains, avant de lui demander:
"Où l'as-tu eue?
-On me l'a offerte, répondit alors Thorin entre ses dents, l'air toujours aussi plein de colère."
L'elfe le fixa quelques instants, ne semblant pas croire à sa réponse. Puis il pointa le bout de l'arme sur le nain, menaçant, avant de souffler:
"Pas seulement voleur, mais aussi menteur... Emmenez-les!"
Les nains n'eurent rien le temps de dire: les elfes les attrapèrent par les épaules et les forcèrent à les suivre. Mais la panique commença de nouveau à grimper dans les esprits des compagnons: que signifiait tout cela? Pourquoi étaient-ils arrêtés? Que comptaient leur faire ces maudits elfes? Ils devaient atteindre la Montagne, cela devenait de plus urgent. Mais surtout, quelque chose d'autre les inquiétait davantage.
"Thorin, appela Bofur à voix basse, où sont Bilbon et Elsa?"
Le roi des nains jeta alors un regard paniqué autour de lui, fixant les ténèbres des bois comme s'il espérait en voir soudain jaillir ses deux camarades. Mais rien ni personne ne vint, et il fut bientôt emmené avec les autres, prisonnier de ceux à qui il vouait tant de colère et de rancune, avançant désormais vers un sort incertain, qui n'était peut-être finalement pas bien meilleur que les pires créatures de cette Forêt.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 17 Juil 2015, 17:43
Chapitre 7 (partie 2):
Quelque part, plus loin dans la sombre Forêt, une jeune femme commençait à émerger d'un long comma. Pour Elsa, tout n'avait été que ténèbres depuis un temps qui lui semblait terriblement long. Elle avait flotté interminablement dans un immense gouffre noir, dont elle ne voyait ni le fond ni les parois, comme ballotée par les ténèbres, ne pouvant bouger pour résister, étant la proie totale de ses propres démons.
Elle ne comprenait plus rien à ce qui se passait, d'ailleurs elle n'arrivait plus à réfléchir. Les ombres s'étiraient en des voiles qui émoussaient ses sens, obstruaient sa vue et endormaient son ouïe.
Mais enfin, après ce qui lui sembla une éternité, elle commença à revenir à elle. Son esprit retrouva sa droiture, et tout lui revint en mémoire; enfin presque tout. Elle se rappela soudain de la Forêt noire, du grand œil de flammes, des ombres qui se jetaient sur elle comme des vautours sur une carcasse puis de ses pouvoirs lui échappant totalement, mais ensuite plus rien. Tout s'était arrêté, tout était devenu noir, sans qu'elle puisse rien se rappeler d'autre. Ou plutôt si, elle se rappelait d'une chose: une douleur qu'elle avait ressenti près de son épaule, comme si d'affreuses pointes s'étaient plantées dans sa chair à cet endroit, avant que tout ne sombre dans les ténèbres.
Tout cela était encore bien confus pour elle, mais elle commençait réellement à retrouver tous ses sens. Et plus elle arrivait à ressentir le monde autour d'elle, plus elle avait l'étrange impression d'être traînée sur le sol. Oui, à présent elle sentait la terre et les feuilles sous son dos, se frottant tout contre elle en laissant leur odeur et leur humidité. Que se passait-il? Qui la tirait donc ainsi? Cela n'était pas très rassurant à son goût. Elle essaya de bouger les jambes, mais elle n'y parvint pas. Elle se rendit alors compte que les deux étaient fixées l'une contre l'autre, et retenues par quelque chose... Une matière étrange, à la fois douce, mais qui n'avait pourtant rien d'agréable ou de confortant.
Et surtout, elle finit par sentir quelque chose qui tenait fermement ses pieds joints: comme si une paire de pinces s'étaient refermée sur eux. Elle comprit bien vite que c'était cette chose qui la tirait, mais que pouvait-ce bien être? Elsa commença à être réellement apeurée: s'il s'agissait de quelque créature de la Forêt, elle n'osait imaginer ce à quoi elle pouvait bien ressembler.
Puis soudain, elle cessa d'être traînée, les pinces lâchèrent ses pieds qui retombèrent lourdement sur le sol, ce qui lui donna mal au crâne pendant un instant. La douleur dans bras, à l'endroit où elle avait senti les pointes se planter, se raviva également quelque peu. Puis elle commença à entendre la bête se déplacer tout près d'elle: elle entendait de nombreux petits martellements sur le sol, comme si de nombreuses pattes s'activaient en même temps. Puis bientôt, elle eut l'impression d'entendre une autre bête arriver. Elle eut bien du mal à contenir sa peur. Puis elle sentit soudain deux membres, comme deux sortes de gros doigts couverts de petits poils commencer à la tâter de toute part, semblant évaluer l'état de son corps et de sa peau. Mais que pouvaient donc bien être ses créatures? Finalement, elle trouva la force d'entrouvrir les yeux, et parvint à découvrir ce qui se tenait juste au dessus d'elle.
Deux immondes têtes aux mille yeux noirs la regardant avec un appétit tel qu'ils semblaient déjà la dévorer, et en dessous de grands crochets noirs et recourbés qui frémissaient d'avidité, prêts à se planter dans de la bonne chair, tandis que le tout était porté par de longues pattes sombres et velues. Deux énormes araignées se trouvaient bel et bien au dessus du corps inanimé de la dame des neiges, la tâtant de toutes parts pour évaluer son état et s'échangeant des paroles sous forme de crissements et de sifflements incompréhensibles pour l'oreille humaine.
'C'est elle, c'est elle! disait l'une. C'est l'esprit de l'hiver: elle à fait souffler une terrible tempête de neige sur la Forêt.
-Comment cela est-il possible? s'étonnait l'autre.
-Ca n'a pas d'importance. La vraie question est: peut-on la manger?
-Sûrement pas! Vois: sa chair est froide comme la glace, elle doit être dure et indigeste. Finissons-en avec elle et jetons là dans une fosse assez profonde pour que jamais on ne la revoit.
-Es-tu devenu fou? Gâcher ainsi un si beau morceau?! Je dis que nous devrions en profiter.
-La bonne viande n'est pas censée commander la neige et la glace. Celle-ci doit être maudite ou quelque chose de ce genre... Débarrassons-nous en!
-Mais comment peux-tu vouloir passer à côté d'une viande en si bon état?'
Pendant que les deux monstres se disputaient, Elsa avait pris conscience de la situation, et voulut pousser un cri aussi déchirant que pleine de terreur et de désespoir. Mais elle n'y parvint même pas: sa bouche se contenta de s'ouvrir en grand, et ses yeux sortirent presque de leurs orbites. Jamais une vision aussi affreuse ne lui avait été offerte.
Mais avec la peur, monta en elle une énergie incroyablement puissante. Dans un pur réflexe de survie, elle ferma le poing et frappa de toutes ses forces la tête de l'un des deux monstres qui recula, un peu sonné. L'autre, voyant que la proie était vivante, ouvrit en grand ses crochets et s'apprêta à mordre la jeune femme. Mais celle-ci parvint à plier les genoux et à frapper de ses deux pieds joints les yeux du monstre. Alors qu'il titubait à son tour, la jeune femme ne perdit pas une seconde et se redressa, avant de se mettre debout sur ses deux pieds. Le bas des jambes était prisonniers de grands fils de soie étroitement serrés, mais elle fit tout ce qu'elle put pour se maintenir en équilibre.
Les deux créatures, ayant repris leurs esprits, levèrent leurs pattes avant en signe de menace, avant de s'élancer sur leur proie, touts crochets exhibés. Mais Elsa inspira un grand coup et se concentra pour faire jaillir du sol de grands pics de glace, qui transpercèrent net les corps des deux monstres, leur ôtant la vie en quelques secondes, les laissant expirer dans un dernier souffle plaintif. Mais cette victoire fut de bien courte durée: bientôt, Elsa entendit tout autour d'elle des bruits de nombreuses pattes qui se précipitaient vers elle. Elle leva les yeux et prit quelques instants pour découvrir l'endroit où elle se trouvait: ici, les troncs des arbres étaient beaucoup plus droits qu'à l'accoutumée, et presque intégralement recouverts de toiles, dont les grandes nappes et les longs fils les reliaient également entre eux, tandis qu'un grand dôme de soie s'étendait au dessus d'elle. Il s'agissait certainement d'un des nids de ces horribles créatures.
Horribles créatures qui d'entre les troncs et de derrière les toiles arrivaient sur elle en grand nombre et à grande vitesse. Elsa n'avait jamais eu aussi peur de sa vie: elle déglutit avec grande difficulté, et se mit à sauter à pieds joints pour s'enfuir aussi vite que possible. Mais cela n'était pas assez rapide pour échapper aux arachides. De plus, le sol était lui aussi recouvert de soie collante, qui la ralentissait encore davantage.
Toujours sous l'emprise de l'énergie du désespoir, elle fit apparaître dans sa main un poignard de glace, et trancha aussi net que possible les fils qui entravaient ses mouvements. Les bruits toujours plus proches des araignées lui donnèrent des ailes, et elle se mit à courir à toutes jambes.
Mais bientôt elle trébucha sur une racine et bascula en avant de tout son poids, s'écroulant dans les grands rideaux de toiles qui s'étendaient entre les troncs, avant de heurter le sol. Elle se retrouva emmêlés dans les fils immondes des créatures qui hantaient ces bois: la soie se colla à sa peau, à ses vêtements, à ses cheveux... Plus elle se débattait, plus elle s'empêtrait: ses bras finirent couverts d'une épaisse couche de fils blancs qui la révulsaient au plus haut point. Mais le pire, fut lorsqu'elle toucha quelque chose de dur également emmêlé dans ces fils. Et elle découvrit avec horreur de quoi il s'agissait: un crâne. Un crâne humain, celui d'une proie passée de ces horribles monstres, qui était là, toujours accroché dans les fils. Et lorsqu'elle leva la tête, elle vit que ces grandes nappes étaient infestées de cadavres en tous genres, semblant tendre leur mains squelettiques pour se saisir d'elle. Un moment, elle se retrouva nez à nez avec le squelette entier d'un grand cerf, suspendu les pieds en l'air, dont le crâne la fixait avec ses terrifiantes orbites vides et noires, tandis que ses dents semblaient s'étirer en un sourire macabre qui annonçait à la jeune femme sa mort prochaine. Jamais Elsa n'avait eu droit à une telle vision de cauchemar: elle ne put plus se contenir, des larmes montèrent à ses yeux et elle se mit à hurler de terreur, pensant avec horreur qu'elle rejoindrait bientôt toutes ces pauvres bêtes dans leurs sort funeste.
Mais en entendant les araignées arriver derrière elle, elle serra les dents et se saisit fermement de son couteau de glace, avant de secouer son bras en tous sens, parvenant finalement à trancher les fils qui la retenaient, et à s'enfuir juste à temps, entendant les chélicères des créatures se refermer juste derrière elle dans un claquement affolant.
Elle courut, courut de toutes ses forces, la respiration haletante, les yeux embués de larmes, la vision du grand squelette juste devant elle toujours présente à ses yeux, tandis que le bruit des prédateurs la poursuivait toujours et que des flocons tournoyaient autour d'elle. Elle se retourna à plusieurs reprises, fusillant ses poursuivants de cristaux de glace dangereusement coupants et en terrassant plusieurs de la sorte. Peut-être avait-elle encore une chance? Peut-être réussirait-elle à se débarrasser de toutes les araignées à temps?
Elle courut, courut sans jamais s'arrêter, zigzagant entre les troncs, et finissant par quitter le domaine des arachnides, retrouvant une Forêt où les arbres n'étaient autant envahis de toiles en tous sens. Elle courut dans les ténèbres, regardant droit devant elle... Mais alors elle perdit plus espoir qu'autre chose, car même si elle parvenait à semer les monstres, où irait-elle ensuite? Elle était perdue, seule, abandonnée dans ces bois maudits. Rien ne semblait plus pouvoir lui éviter la mort à présent.
Elle tendit l'oreille et se rendit compte qu'il n'y avait plus qu'une seule araignée qui la poursuivait: elle avait donc réussi à se débarrasser de toutes les autres? Cela lui redonna un peu de courage, et elle courut de plus belle, prenant de la distance avec son poursuivant.
A un moment, elle vit un tronc d'arbre écroulé sur le sol s'étendre en plein sur sa route. Elle prit alors son élan et sauta par dessus, avant de raterrir sur le sol de l'autre côté. Elle se retourna pour voir où était l'araignée, mais vit alors que le sol se creusait sous le tronc. De ce côté, la terre s'enfonçait sous le bois, formant un genre de petit abri bien dissimulé. Entendant l'arachnide arriver à grande vitesse, elle n'hésita pas une seconde et se jeta dans le trou, disparaissant sous le large tronc de bois sombre. Elle se retrouva dans une petite cuvette de terre humide, parsemée de champignons et de racines tordues. Elle se colla le plus possible à la paroi du fond, se dissimulant dans l'ombre pour échapper au monstre.
Bientôt, celui-ci passa à son tour au dessus du tronc, et se retrouva alors bien bête car sa proie avait disparu. L'araignée s'arrêta, et regarda autour d'elle, perplexe. Elsa retint sa respiration, tout en regardant la créature qu'elle voyait à présent de dos: son abdomen massif était d'un brun sombre mais étrangement tacheté d'un rouge pourpre. La créature sembla réfléchir, commença à marcher dans une direction, puis dans une autre, totalement indécise. Elsa priait, priait pour qu'elle s'en aille et disparaisse enfin de sa vue.
Et effectivement, l'araignée finit par se tourner vers la droite et partit dans cette direction, disparaissant bientôt dans les ténèbres des bois. Lorsqu'elle fut sûre que le monstre était bien parti, Elsa poussa alors un long soupir de soulagement, puis prit enfin le temps de reprendre son souffle et d'essuyer ses larmes.
Mais le soulagement fut de courte durée: car elle se retrouva alors seule au milieu des ombres et du silence de la Forêt. Et cela n'avait rien de rassurant non plus: elle se mit même à frissonner. Ne voyant aucun espoir de retrouver les autres, elle songea un moment à rester ici, recroquevillée sur elle même, et à attendre la fin, abandonnant à jamais l'espoir d'atteindre un jour Erebor. Mais une petite voix parvint tout de même à lui souffler de ne pas renoncer, de se battre jusqu'au bout pour essayer de mener à bien cette quête.
Alors, avec le peu d'énergie qui lui restait, elle rampa sur la terre fraîche et humide et se hissa jusqu'à la sortie de son 'terrier'. Souhaitant tout de même vérifier que la voie était libre, elle sortit d'abord prudemment la tête, puis avança un peu pour laisser dépasser les épaules. Elle jeta des regards de chaque côté: aucun danger n'était à portée de vue, tout était calme. Trop calme... un calme à donner des frissons, un calme qui rappelait à la jeune femme qu'elle était seule dans cette Forêt à présent. Elle soupira, doutant de l'utilité de son action, mais réussit tout de même à se convaincre qu'elle devait au moins essayer.
Elle s'apprêta alors à sortir de son refuge, quand soudain:
"Elsa!"
Une voix l'appela un peu plus loin entre les arbres. La jeune femme sursauta, et regarda frénétiquement autour d'elle, mais ne vit personne. Avait-elle rêvé? Mais non, car:
"Elsa, je suis là!"
Cette voix, elle la connaissait bien: c'était celle de... Bilbon! Elle fixa la pénombre et vit soudain le hobbit se tenir juste un peu plus loin entre les troncs. Il semblait être apparu d'un seul coup, comme sortant de nulle part. Mais cela n'avait aucune importance aux yeux d'Elsa, bien trop heureuse de revoir enfin un visage ami. Une vague de joie indescriptible la submergea, et ses lèvres s'étirèrent en un immense sourire.
"Bilbon! s'exclama-t-elle."
Le hobbit se précipita vers elle, une expression tout aussi réjouie et soulagée sur le visage, et tous deux s'étreignirent à la fois fortement et tendrement. Lui reposa sa tête fatiguée sur les épaules de la jeune femme, et elle sentit la douceur de ses cheveux sur sa joue, ce qui la berça et la réconforta au milieu de ces bois du désespoir. Après deux longues minutes, ils finirent par desserrer leur étreinte et se regardèrent en face.
"Qu'il est bon de vous revoir, dit Bilbon avec toujours ce grand sourire. J'ai cru que nous vous avions perdu pour toujours, et que je resterais à jamais prisonnier des ténèbres de ces bois et des terribles bêtes qu'elles cachent.
-Les araignées? demanda Elsa. Vous les avez rencontré aussi? Oh, je crois qu'il n'y a pas pire cauchemar. J'ai également cru que tout était fini, que jamais je ne vous reverrai ni vous ni les autres. Mais, où sont-ils d'ailleurs?"
Bilbon perdit soudain son sourire pour afficher un air grave.
"J'ai peur que malgré ces retrouvailles, tout soit encore bien loin d'être arrangé, répondit-il tristement. Après que le blizzard a dévasté les bois, nous avons tous été attrapés comme de vulgaires mouches par ces abominations à huit pattes. Mais fort heureusement, j'ai pu m'extirper de mon cocon de soie et éliminer les créatures qui m'attaquaient grâce à Dard.
-Dard? s'étonna Elsa.
-Oui, c'est ainsi que j'ai décidé de nommer mon épée, répondit le hobbit en tapotant son arme rangée au fourreau. Enfin qu'importe... Je trouvai donc les nains tous prisonniers de grands sacs de soie. Je les libérai donc sans attendre, mais avant que je ne pus les rejoindre, l'une des créatures se jeta sur moi. Je crus bien que c'était la fin, mais je parvins finalement à la poignarder à temps. Cependant, en mourant, elle m'entraîna dans sa chute et je me retrouvai au sol, aux prises avec un cadavre d'araignée géante. Après m'en être débarrassé et... M'être assuré que je n'avais rien perdu, je repartis à travers les bois pour retrouver tous les autres. Mais lorsque je les aperçus au loin, ils..."
Mais soudain, un bruit se fit entendre plus loin entre les arbres, et Bilbon sursauta et s'arrêta net. Elsa ne fut pas non plus rassurée.
"Vite, rentrons là-dedans, cachons-nous! murmura le hobbit en faisant signe à Elsa de retourner au fond du trou de terre, avant de s'y glisser lui même."
Tous deux se tapirent alors dans l'ombre et regardèrent au dehors avec angoisse. Etait-ce une araignée qui revenait à la charge? Mais au lieu d'un atroce arachnide géant, surgirent bientôt d'entre les branches deux personnes: deux elfes pour être précis. Un de sexe masculin, aux beaux cheveux blonds et lisses, et une elfe femme à la longue chevelure écarlate. En voyant qu'il s'agissait d'elfes, Elsa afficha soudain une expression soulagée et voulut sortir du trou pour aller les saluer et demander leur aide. Mais Bilbonla retint fermement par le bras.
"Non Elsa, murmura-t-il. Ne sortez pas!
-Mais ce sont des elfes, protesta-t-elle également à vois très basse. Ils pourrai..."
Le hobbit plaqua soudain sa main sur la bouche de la jeune femme.
"Chut! fit-il doucement."
Elsa décida alors de l'écouter, car il semblait réellement paniqué. Elle se tut alors et tourna son regard vers les deux elfes pour voir ce qu'ils faisaient. Ils tenaient tous deux leur arc à la main, et celui aux longs cheveux blonds scrutait les bois autour de lui, cherchant quelque chose du regard. Ils commencèrent alors à dialoguer dans leur langue.
"Cela venait de par-là, dit le blond en continuant de fixer les environs de ses yeux perçants.
-Legolas, vous avez sûrement été abusé par le Mal qui ronge cette Forêt, répondit celle aux éclatants cheveux de feu. Vous voyez bien qu'il n'y a rien ici.
-Je vous assure Tauriel, insista ce Legolas. Je jurerai avoir entendu quelque chose..."
Il se tint là un moment, posant son regard sur chaque recoin de la pénombre. Bilbon et Elsa frissonnèrent lorsqu'il posa ses yeux sur le tronc juste au dessus d'eux, retenant leur respiration. Mais finalement, l'elfe rousse fit signe à son compagnon de la suivre.
"Legolas, nous devons rejoindre les autres. Il n'y a rien ni personne ici, et il n'est plus prudent de se promener seul dans ces bois. En route!"
Le blond jeta alors un dernier regard au tronc d'arbre, puis tourna les talons pour rejoindre son équipière, avant de disparaître dans les ténèbres des bois.
Le hobbit poussa un soupir de soulagement, puis retira enfin sa main de la bouche d'Elsa. Il sortit alors du terrier la jeune femme le suivit de près. Cependant, elle était plus troublée que rassurée.
"Pourquoi n'avez-vous pas voulu demander leur aide? s'étonna-t-elle. Ce sont des elfes, nous pouvons donc considérer qu'ils sont de notre côté non?
-Non, c'est ce que je m'apprêtai à vous dire miss Elsa, répondit Bilbon en la regardant avec une expression grave. Lorsqu'enfin j'aperçus les nains au loin, ils étaient encerclés par les elfes de ces bois. Ceux-ci se sont empressés de leur prendre leurs armes, et les ont tous emmenés comme prisonniers."
Elsa ouvrit alors de grands yeux, et resta silencieuse quelques instants.
"Vous... Vous plaisantez? Demanda-t-elle, incrédule.
-Malheureusement non, répondit M. Sacquet d'un air désolé."
Elsa se sentit désemparée: si même les elfes ne pouvaient être comptés parmi leur alliés, qui leur restait-il? Et surtout, qu'allait-il arriver maintenant? Comment les nains pourraient-ils jamais atteindre la Montagne à temps? La jeune femme se prit la tête entre les mains.
"Oh, tout cela est ma faute, soupira-t-elle contre elle-même. Si je n'avais pas déclenché cette tempête, si je n'avais pas perdu le contrôle...
-Non Elsa, ne dites pas cela, répliqua aussitôt Bilbon en lui prenant la main. Je pense que ces araignées nous auraient attaqué de toute façon, tempête de neige ou pas."
Elsa regarda un instant son ami, et lui adressa un petit sourire en coin. Puis elle releva la tête et regarda les bois autour d'elle.
"Mais cela n'a plus d'importance de toute façon, ce qui est fait est fait, déclara-t-elle d'un ton résigné. C'est à nous de réparer cela: nous devons absolument essayer de porter secours aux autres."
D'un pas décidé, elle se mit alors à marcher entre les arbres, suivie par Bilbon. Ils marchèrent quelques minutes, sans réellement savoir où ils allaient. Le hobbit semblait réfléchir, tout en regardant autour de lui. Puis soudain, un moment, il fit signe à la jeune femme de s'arrêter et de faire silence. Celle-ci cessa alors de marcher et tendit l'oreille: au loin, entre les troncs, il lui sembla entendre de nombreux pas et des voix s'échanger des paroles en une langue inconnue. Elle et le hobbit se regardèrent alors: oui, c'étaient sans aucun doute le groupe d'elfes qui emmenaient leurs camarades. Ils les avaient retrouvés! Cependant les bruits s'éloignaient, et ils devaient faire vite avant de perdre leur trace. Mais un problème se posait: comment les rattraper et libérer leurs compagnons sans se faire remarquer et capturer à leur tour?
Elsa se mit à réfléchir, mais Bilbon proposa le premier une solution.
"Elsa, je... J'aurais peut-être une idée pour les rattraper sans me faire voir, déclara-t-il d'un air curieusement un peu gêné. Mais pour cela il va falloir que vous me fassiez confiance.
-Bien sûr que je vous fais confiance Bilbon, répondit la jeune femme avec un sourire."
Le hobbit releva les yeux, et un petit sourire vint également étirer ses lèvres.
"Bon, hum... Très bien, fit-il. Alors voici brièvement mon plan: je... Je n'ai pas le temps de vous expliquer maintenant, mais je connais un moyen de me rendre invisible aux yeux des autres."
Elsa haussa les sourcils, mais ne l'interrompit pas.
"Je vais donc employer ce moyen, reprit le hobbit, et les suivre sans faire de bruit. Vous devrez marcher à une certaine distance derrière moi pour ne pas être vue, mais rassurez-vous je m'assurerai régulièrement que vous êtes toujours là. Je suppose que les elfes emmènent nos camarades dans ce qui leur tient lieu de château: je m'introduirai donc là-bas, et vous devrez m'attendre au dehors, toujours bien cachée. J'aviserai une fois sur place d'un moyen de les faire sortir. Nous nous rejoindrons alors tous et devrons nous dépêcher de prendre la fuite."
Bilbon et Elsa se regardèrent un instant, et le hobbit finit par soupirer, bien conscient que son plan était très risqué. Mais Elsa ne trouva rien à redire: c'était bien la seule chose chose qu'ils pouvaient faire.
"Ecoutez, je ne sais pas comment tout cela va se dérouler, reprit M. Sacquet en baissant les yeux, mais je suis sûr d'une chose: personne ne me verra, et cela est un grand avantage. Nous devons essayer Elsa.
-Je sais Bilbon, répondit celle-ci en hochant la tête. Je sais..."
Tous deux acquiescèrent alors, l'air grave, puis finalement le hobbit tourna les talons et commença à s'avancer en direction des bruits de pas de plus en plus lointains. Elsa le regarda s'avancer, le cœur battant. Puis il sembla soudain prendre quelque chose en main (elle ne vit pas de quoi il s'agissait car il lui tournait le dos), et quelques secondes plus tard, il disparut purement et simplement. La jeune femme ne put empêcher son cœur de faire un bond.
Tout fut silencieux pendant un temps qui lui sembla bien trop long, mais enfin, elle entendit la voix du hobbit qui avait déjà bien avancé l'appeler:
"Miss Elsa, vous pouvez commencer à me suivre. Mais soyez discrète."
Elsa serra alors les lèvres, puis se décida enfin à se lancer à la suite de son ami. Bien vite, l'angoisse commença à lui tordre les entrailles: dans quoi s'étaient-ils encore embarqués? Quels dangers les attendaient à présent? Cette Forêt était certainement l'un des pires épisodes de leur voyage. Et ce fut ainsi, la peur au ventre, que les deux compagnons se lancèrent à la suite des elfes de la Forêt, espérant de tout cœur que leur plan fonctionne et qu'enfin ils puissent un jour atteindre le mont Erebor.
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 17 Juil 2015, 23:33
Ah, depuis le temps que je me disais que ce moment de cauchemar pour tout arachnophobe qui se respecte allait arriver
Et cauchemar est bien le mot, car nom de dieu c'était terriblement glauque et terrifiant ! Ah le combo araignée géantes plus description des cadavres...quelle horreur ! Enfin dans ce cadre, c'est un compliment
Et puis les retrouvailles d'Elsa et Bilbo étaient juste adorables
Bref, encore un excellent chapitre, et vivement la suite
Et cauchemar est bien le mot, car nom de dieu c'était terriblement glauque et terrifiant ! Ah le combo araignée géantes plus description des cadavres...quelle horreur ! Enfin dans ce cadre, c'est un compliment
Et puis les retrouvailles d'Elsa et Bilbo étaient juste adorables
Bref, encore un excellent chapitre, et vivement la suite
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 17 Juil 2015, 23:40
Te considères-tu comme un arachnophobe qui se respecte Lhys?
Je suis très content de t'avoir fait cauchemarder!
Bref, content que tu aies aimé et la suite arrivera... Ben... Quand elle arrivera. LOOOOOOOOOOOOOOOOOL!!!!!!!!!!^^
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Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
- Lhysender
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 17 Juil 2015, 23:46
Je n'ai pas non plus la phobie morbide de nos chères amies arachnides, mais disons que ce ne sont pas non plus des bestioles dont j'affectionne particulièrement la compagnie
Mais il n'y a pas à dire, l'ambiance est juste génialement retranscrite !
Mais il n'y a pas à dire, l'ambiance est juste génialement retranscrite !
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 17 Juil 2015, 23:58
Je dois t'avouer que moi je me considère comme un ami des araignées.^^ Je trouve qu'on se fait vraiment une fausse idée d'elles.
Mais bon, je reconnais que de par leur apparence et leur méthode de chasse peu commune, elles sont parfaites pour jouer le rôle d'horribles monstres dans les histoires.
Pourtant quand on les regarde de près, elles peuvent sembler bien moins repoussantes. Regarde ça et viens me dire que tu ne trouves un petit quelque chose de mignon dans leurs beaux yeux.
Mais bon, je reconnais que de par leur apparence et leur méthode de chasse peu commune, elles sont parfaites pour jouer le rôle d'horribles monstres dans les histoires.
Pourtant quand on les regarde de près, elles peuvent sembler bien moins repoussantes. Regarde ça et viens me dire que tu ne trouves un petit quelque chose de mignon dans leurs beaux yeux.
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Mar 21 Juil 2015, 11:19
J'ai enfin rattrapé mon retard !
Alors, ce chapitre était excellent ! Le combat contre les araignées était juste, mais super bien rendu. Très épique en réalité. Les descriptions sont géniales comme tous les précédents chapitres. Non vraiment M.B. tu es très doué pour faire des descriptions. Bravo !
Sinon, je dois t'avouer que je ne m'attendais pas du tout à ce que Elsa aille avec Bilbon pour retrouver les autres membres de la compagnie, mais bon. Cela passe tout aussi bien, à vrai dire !
Bref, c'est un très bon chapitre. Vivement la suite !
Ah et j'oubliais, elles sont mignonnes les araignées !
Alors, ce chapitre était excellent ! Le combat contre les araignées était juste, mais super bien rendu. Très épique en réalité. Les descriptions sont géniales comme tous les précédents chapitres. Non vraiment M.B. tu es très doué pour faire des descriptions. Bravo !
Sinon, je dois t'avouer que je ne m'attendais pas du tout à ce que Elsa aille avec Bilbon pour retrouver les autres membres de la compagnie, mais bon. Cela passe tout aussi bien, à vrai dire !
Bref, c'est un très bon chapitre. Vivement la suite !
Ah et j'oubliais, elles sont mignonnes les araignées !
- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Mar 21 Juil 2015, 11:23
Ah! Je ne suis donc pas le seul à trouver qu'elles ont de beaux yeux! XD
Bref, merci Micky, content que ça te plaise.^^
Comme je l'ai dit, je ne peux pas prédire la date d'arrivée de la suite, mais elle arrivera ça c'est certain.
Merci encore et à la pro bro'!^^
Bref, merci Micky, content que ça te plaise.^^
Comme je l'ai dit, je ne peux pas prédire la date d'arrivée de la suite, mais elle arrivera ça c'est certain.
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- M.BagginsLégende du Royaume
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Re: Au-delà des montagnes enneigées... (Tome 2)
Ven 24 Juil 2015, 18:15
Bon, en fait le chapitre 8 arrive encore à temps. X) Oui j'ai pu le finir en temps et en heure, donc le voici . Bon par contre, pour le prochain je ne suis VRAIMENT pas sûr qu'il arrivera dans les temps, car je pars ce week-end.
Bref, en espérant qu'il vous plaira et à la prochaine.
Si marcher seul dans les méandres de Vertbois était absolument terrifiant, y marcher en poursuivant le fantôme de quelqu'un que l'on ne pouvait voir était une entreprise bien plus étrange.
Elsa ignorait combien de temps elle avait ainsi avancé en suivant les pas invisibles de son ami hobbit, car dans ces ténèbres la notion de temps lui échappait toujours totalement, mais chaque seconde lui avait demandé de maintenir tous ses sens en alerte. Elle devait sans cesse tendre l'oreille pour essayer d'entendre le moindre craquement de brindille, le moindre caillou déplacé; ce qui n'était pas chose aisée car M. Sacquet avait l'art de se déplacer dans le silence le plus total, tel le meilleur des cambrioleurs.
Cependant, comme il l'avait promis, il se retournait régulièrement pour s'assurer que son amie était toujours là.
"Me suivez-vous encore Elsa? appelait-il.
-Oui, répondait la jeune femme, je suis là."
Et ainsi ils repartaient à travers les troncs et la terre. De grandes toiles se faisaient encore voir par endroit, mais plus aucun signe de leurs tisserandes: ils avaient réussi à leur échapper.
Comme Elsa tendait l'oreille, elle entendait certaines choses tout autour d'elle: un souffle étrange et toujours présent, qui flottait dans les airs et venait susurrer à ses oreilles, vagabond porteur de tristes nouvelles. Le sang se glaçait alors dans les veines des voyageurs, et jamais ils ne souhaitaient autant échapper à ce fantôme qui les narguait. La jeune femme devenait réellement inquiète pour ses compagnons, car elle n'entendait plus les voix des elfes au loin, et elle espérait que Bilbon savait toujours où il allait.
Bien qu'elle n'eût plus aucune idée du temps qui passait, elle savait qu'il leur manquait à présent. Elle ignorait ce qui adviendrait des nains une fois dans le royaume des elfes, et cela ne faisait qu'à l'encourager à voler à leur secours. Mais il fallait faire vite.
"Elsa, appela encore une fois la voix du hobbit, êtes-vous toujours là."
La jeune femme se rendit soudain compte que cette opération régulière leur faisait certainement perdre un temps précieux. Bien qu'elle fut grandement rassurée à l'idée de garder contact avec son ami, il était tout de même préférable de gagner le plus rapidement possible la demeure des elfes de ces bois.
"Oui Bilbon, je suis là, répondit-elle. Ne vous inquiétez pas, je vous suis: vous ne devriez peut-être pas vous retourner aussi souvent. Concentrez-vous sur ce que vous cherchez. Les autres comptent sur nous et nous ne pouvons pas perdre de temps."
Le hobbit ne répondit rien mais elle sentit qu'il avait acquiescé. Alors la traque reprit dans le silence le plus total, et Elsa serra les poings en concentrant son esprit sur le sillage discret de son ami.
Même si elle ne le voyait pas, le savoir présent lui était d'un grand réconfort. La terreur et le désespoir qui s'étaient emparés d'elle lorsqu'elle s'était réveillé seule au milieu des araignées avaient été si intenses qu'elle avait cru en mourir. Mais malgré tout, cette terreur qui l'avait poussé à courir à toutes jambes avait réussi à dissiper la malfaisance des sortilèges de la Forêt. Mais à présent que le calme était revenu, l'esprit de la dame des neiges commençait de nouveau à être assailli par de sombres choses.
Un sifflement encombrait ses oreilles, et un mal de crâne faisait battre sourdement les veines de ses tempes. Elle espérait que les autres n'avaient pas succombé à ces perfides maléfices, et que la demeure des elfes aurait au moins l'avantage de les en protéger.
Elle commença à perdre le sens de l'équilibre: elle vit le sol et les arbre vaciller autour d'elle. Cela recommençait; aucun repos, aucune paix n'était donc permis dans cette Forêt maudite. Elle décida de s'arrêter quelques instants, s'appuyant contre le tronc d'un arbre, et se massant le front avec sa main. Elle prit le temps de récupérer un souffle normal, et de fermer les yeux pour ne plus rien voir basculer autour d'elle. Cela lui fit un grand bien, et pendant un moment elle n'eut plus envie de rouvrir les yeux, préférant les paisibles ténèbres de ses paupières à celles des bois.
Mais il le fallait, elle ne pouvait pas abandonner ses amis. Elle se redressa alors et rouvrit lentement les yeux, avant de pousser un soupir et de se remettre en route. Mais où devait-elle aller exactement? Elle tendit l'oreille, mais n'entendit plus rien: plus aucun craquement, plus aucune feuille sur laquelle on marche... Oh non, Bilbon était parti! Combien de temps s'était-elle arrêté? Combien d'avance avait-il pris sur elle à présent?
En quelques secondes, la panique envahit à nouveau la jeune femme. Quelle idiote elle faisait! Elle venait de perdre la seule chance qui lui restait de retrouver un jour son chemin: car à présent le silence était total. Même le souffle inquiétant avait disparu, comme si la sournoise Forêt avait décidé de la laisser totalement seule, perdue.
Son cœur se mit à battre, et son battement était comme les sourds tambours de la mort qui l'encerclaient dans cet affreux silence. Ses jambes tremblaient: que devait-elle faire? Elle se mit alors à courir, courir entre les arbres, sans savoir où elle allait. Et soudain, elle entendit un bruit derrière elle. Qui donc était là?
"Bilbon? appela-t-elle."
Mais bientôt, d'entre deux gros troncs d'arbre, apparut une créature aux innombrables yeux noirs et aux huit pattes arquées qui crissaient sur le sol. Le visage de la jeune femme se figea dans l'horreur, tandis que la bête s'avança vers elle en faisant claquer ses pinces. Mais surtout, Elsa vit que son abdomen était tacheté de rouge en plusieurs endroits: il s'agissait donc du monstre auquel elle avait échappé auparavant. Il avait fini par la retrouver.
Alors qu'elle venait tout juste de réaliser cela, l'araignée ouvrit en grand ses chélicères et se précipita sur Elsa. Mais celle-ci sortit soudain de son état statique et asséna un violent coup de pied sur la tête de son attaquant, qui poussa un gémissement plaintif, laissant quelques secondes à la jeune femme pour s'enfuir à toutes jambes. Mais aussitôt la douleur passée, la créature se lança à sa poursuite. Elsa entendit ses pattes arriver vers elle à grande vitesse.
Alors elle vit une branche basse juste au-dessus d'elle. Elle prit son élan sauta et l'attrapa de ses deux mains, avant de se hisser les deux pieds dessus et d'entendre les pinces du monstre se refermer à l'endroit où elle se tenait quelques secondes plus tôt. Elle regarda alors en bas, persuadée d'être hors d'atteinte.
Mais aussitôt, l'araignée se précipita sur le tronc et commença à grimper de son long avec la même aisance que lorsqu'elle marchait sur le sol. Le sang d'Elsa se glaça alors: mais comment avait-elle pu être aussi stupide? Elle savait pourtant parfaitement que les araignées pouvaient sans problème escalader les parois les plus verticales. Alors elle posa sa main sur le tronc et en quelques instants, celui-ci fut totalement couvert de fine glace.
L'arachnide glissa alors et tomba lourdement sur le sol. Il se remit sur pieds et essaya bien de grimper de nouveau à l'arbre, mais il n'y arrivait pas. Cependant, Elsa savait que le monstre l'attraperait dès qu'elle descendrait de son perchoir. Alors elle prit une grande inspiration: elle devait arrêter de le fuir et l'affronter dignement.
Elle sauta de la branche et atterrit sur le sol avec grâce, puis se redressa, droite, faisant face à la créature de cauchemar. Ni une, ni deux, celle-ci s'élança sur sa proie. Mais la jeune femme leva le bras et de longs pics gelés jaillirent du sol. Malheureusement ils manquèrent leur cible, mais l'un d'entre eux parvint à trancher net une patte du monstre, qui se tordit alors de douleur en laissant échapper sa salive empoisonnée qui se répandit sur le sol.
Mais bien vite, la créature se ressaisit et, furieuse, se jeta sur Elsa, qui se retrouva plaquée contre le tronc d'un gros arbre. Elle tenta de repousser son assaillant avec ses pieds, mais n'y parvint pas: le monstre poussait de toutes ses forces, ses pinces venimeuses claquant furieusement, tentant de transpercer le moindre lambeau de chair. Ses yeux luisants et avides fixaient férocement la jeune femme tandis que ses longues pattes hérissées de poils qui pointaient comme des dards encerclaient sa proie. Elsa se sentait démunie, terrifiée par une telle férocité et une telle monstruosité. Pourtant il fallait qu'elle en finisse: alors elle fit apparaître dans sa main un poignard de glace, poussa sur ses jambes et, dans un élan de volonté, sauta par dessus le corps noir et velu de l'arachnide.
Elle roula sur le sol, ses membres soudain endoloris, mais revint immédiatement à la charge et planta de toutes ses forces le couteau dans l'abdomen du monstre, qui souffla et cracha de douleur et de furie. Elsa tint cependant bon, serrant les dents et contenant les larmes qui montaient à ses yeux, commençant même à remonter la lame le long de l'abdomen pour trancher davantage la chair. Et bientôt, l'araignée s'effondra au sol, enfin vaincue.
La jeune femme resta un moment agenouillée par terre, reprenant son souffle, et essuyant les larmes brûlantes qui avaient coulé sur ses joues. Puis enfin, lentement, péniblement, elle se remit sur pieds et redressa la tête. Les ténèbres l'entouraient et le silence l'étouffait dans son voile funeste. Elle était seule, perdue, et ne voyait désormais plus aucun espoir de retrouver ses compagnons.
Et l'espoir commençait pareillement à s'évaporer dans les esprits de ces derniers.
Emmenés par la troupe des gardes de la Forêt, désarmés, ils ne pouvaient opposer aucune résistance et se laissaient entraîner à travers les bois, vers un sort qu'ils préféraient ne pas envisager et qui était pourtant trop prévisible.
Ils étaient épuisés, éreintés, exténués par leurs interminables déambulations dans les bois: leurs jambes étaient emplies de crampes, de douleurs, leurs bras étaient fatigués, leurs têtes tournaient et leur faisaient mal. Mais surtout, ils avaient du mal à se remettre de l'affrontement qu'ils venaient de mener avec ces monstrueuses araignées, que les cieux seuls savaient quelle ombre terrifiante avait amené dans cette Forêt. Ils étaient sales, les vêtements et les cheveux toujours couverts de grands lambeaux de toiles, leur peau blessée à certains endroits et noire de terre et de feuilles mortes. Ils étaient vraiment dans un piteux état.
Ainsi les elfes les conduirent ils dans les labyrinthes de la Forêt noire durant un long moment. Leurs vêtements couleur des troncs et des feuilles parfois surmontés de sombres manteaux à capuchon les dissimulaient dans ces bois avec une incroyable efficacité: les nains eurent même à plusieurs reprises l'impression de les perdre de vue, ne distinguant plus que de vagues silhouettes se déplaçant entre les troncs.
Chacun des nains étai anxieux, respirant avec difficulté, craignant l'avenir qui s'apprêtait à les recevoir. Malgré le fait de voir que tous ses camarades nains étaient bien présents et sains et saufs, Thorin ne pouvait s'empêcher d'être rongé d'inquiétude et de questionnements quant au sort d'Elsa et de M. Sacquet: le hobbit avait bien donné signe de vie avant que les monstres à huit pattes ne se jettent sur eux, mais que lui était-il arrivé ensuite? S'en était-il sorti grâce à son adresse à présent bien connue au sein de la compagnie? Thorin ignorait tout cela.
Au bout d'un moment, les nains commencèrent à entendre des voix et bruits au dessus d'eux: mais ce n'étaient pas du tout des bruits hostiles, fantomatiques et terrifiants comme tous ceux qui hantaient cette Forêt, c'étaient bien des voix d'elfes et des bruits de leur vie dans ces arbres. En effet, lorsqu'ils levaient les yeux, les compagnons voyaient dans les arbres au dessus d'eux toutes sortes d'habitations: des escaliers finement taillés dans un beau bois montaient en colimaçon le long des troncs, où des tourelles, des cabanes, des maisons étaient accrochées, tandis que certaines demeuraient dans les branchages, les feuilles se mêlant à leurs façades en de belles décorations tout comme les plus fines branches qui s'entremêlaient gracieusement au dessus des portes, des fenêtres et des balcons en de jolis motifs floraux.
Et les arbres étaient à présent souvent reliés entre eux en un complexe et dense réseau de ponts suspendus sur de vertes lianes feuillues ou sculptés dans un clair bois décorés des fleurs de ces bois, tandis que de pâles lanternes éclairaient par endroits toutes ces habitations.
C'était là le royaume de Vertbois, le village sylvestre où vivaient la plupart des elfes qui habitaient cette Forêt depuis la nuit des temps. L'on pouvait voir leurs douces silhouettes se déplacer d'arbre en arbre sur les ponts tandis que leurs voix envoûtantes chantaient de belles paroles qui furent une rivière de douceur aux oreilles des nains. Pourtant ceux-ci, en ce moment, n'éprouvaient que colère et aversion envers les habitants elfiques de ces bois; mais après toutes las mauvaises hallucinations et les voix terrifiantes qui avaient hanté leurs esprits durant leur voyage à travers la Forêt, ces voix ci leur semblaient magnifiques et apaisantes. Pourtant elles semblaient troublées, altérées, comme si les elfes dans leur grâce souffraient d'un mal depuis longtemps enraciné ici, et qui était devenu de plus en plus virulent. Mais si tout ceci n'était que le village des elfes, il restait encore à découvrir le château.
Enfin, après avoir marché longtemps, ils finirent par atteindre cet endroit où les gardes les conduisaient si brutalement. Ils arrivèrent au bord d'une petite gorge peu profonde au fond de laquelle coulait une rivière aux eaux fougueuses et tumultueuses en cet endroit. Il s'agissait du Taurduin, la grande rivière de la Forêt, qui prenait sa source à l'Ouest des Montagnes Grises et poursuivait sa course vers l'Est, légèrement incliné vers le Sud, pour aller se jeter hors de la Forêt dans le Long Lac. Par dessus ce courant passait un pont taillé dans la pierre, qui arrivait sur l'autre rive où se dressait une haute colline de pierre recouverte d'arbres, de buissons et de verdure.
Au dessus de la rivière ne s'étendait aucune branche, laissant pleinement passer les rayons du Soleil qui éclairaient les eaux turquoises du Taurduin, se reflétant en mille petits éclats furtifs. Et les compagnons se sentirent alors comme touchés par la plus fabuleuse de grâces lorsqu'enfin, pour la première fois depuis bien trop longtemps, ils redécouvrirent la douce lumière et le toucher si tendre des bras lumineux qu'étendait l'astre du jour sur cette bonne terre. Et à vrai dire, ici, bien que les arbres fussent également sombre et que le mal se faisait encore sentir, la Forêt semblait plus paisible, un peu moins tourmentée. Comme si quelque chose, une force radieuse, résistait du mieux qu'elle pouvait aux terribles ensorcèlements qui rongeait ces bois. Les feuillages étaient un peu plus verts et semblaient moins pourris de toutes parts, tandis qu'une tendre mousse fraichement humide et d'un beau vert émeraude couvrait ça et là les rochers de la grande colline sur la rive opposée.
Mais en réalité ce n'était pas une simple colline: en de nombreux endroits sur ses versants apparaissaient des fenêtres finement taillées dans la pierre, et également de beaux balcons sculptés avec d'élégants motifs à l'image du monde sylvestre. C'était là la fameux château du royaume de Vertbois. De l'autre côté du pont se trouvait l'entrée de ce domaine: cinq grandes portes de bois, peintes dans un beau bleu turquoise, se dressaient là, fières et solides, tandis que quatre colonnes sculptées dans du bois soutenaient une voûte de pierre au dessus d'elles. La porte du centre était la plus haute et la plus large, et au-dessus d'elle était sculpté dans la pierre l'étendard de ce royaume: une feuille de hêtre volant au dessus d'un champ d'herbe. La porte était surveillée par deux gardes en tunique et cotte de mailles, tenant de grands boucliers rutilant sous les rayons du Soleil. Leurs casques couvraient presque entièrement leurs têtes, tandis qu'ils tenaient en main de longues lances aux grands fers couleur d'or parcourus de motifs comme de fins branchages coulés dans le métal.
Tous les nains les regardèrent avec des visages renfrognés, voire colériques, ce que leur rendirent bien ces gardes. Lorsque les elfes traversèrent le pont avec les nains, les deux gardiens de la porte se saisirent chacun d'une des lourdes poignées et tirèrent pour ouvrir en grand les deux battants. Les nains tentèrent une dernière fois de résister, mais ce fut en vain: les elfes les poussèrent à l'intérieur de la forteresse, sous la colline.
L'elfe aux cheveux blonds, Legolas, fut le dernier à entrer. Son arc était à présent rangé dans son dos et il tenait dans sa main l'épée Orcrist dans son fourreau. Il semblait pensif: à vrai dire la sensation d'une présence derrière eux l'avait toujours titillé durant tout le trajet, ne laissant jamais son esprit en paix. Il s'arrêta d'ailleurs avant de franchir la porte et se retourna une dernière fois, obsédé par cette sensation d'être suivi. Mais il dut se rendre à l'évidence: il n'y avait rien ni personne derrière eux, il était bel et bien le dernier à entrer dans le château. Pensant qu'il devait sûrement s'agir d'une de ces illusions dont la Forêt était chargée, il tourna les talons et pénétra enfin dans la forteresse, les lourds battants de la porte se refermant derrière lui quelques instants plus tard.
Ce fut donc prisonniers et impuissants que les nains posèrent leurs regards sur le cœur du royaume de la Forêt: certains, Thorin notamment, connaissaient cet endroit pour y être déjà venu. Mais ce n'était pas le cas de tous: Fili et Kili par exemple regardaient autour d'eux en ouvrant de grands yeux.
Sous la colline, et s'enfonçant même un peu au dessous du niveau de la terre, était creusé la forteresse des elfes: sur les parois de pierre, des fenêtres laissaient entrer la lumière du jour dont les pâles rayons miroitaient dans les salles et les couloirs du domaine. De nombreux escalier de tous genres et en tous sens, taillés dans la pierre avec de subtiles formes courbes, grimpaient, tournoyaient et se glissaient le long des parois, traversaient d'un étage à l'autre et descendaient dans les fonds de la forteresse, donnant sur des belles portes ou sur de grands balcons. Des lanternes et des lampes formées de feuilles de verre aux formes évoquant fleurs et feuillages diffusaient leur douce lumière dans les endroits les plus sombres.
Pour soutenir la haute voûte, des colonnes étaient directement taillées dans la pierre sur les parois. Mais d'autres sculptées dans de grands et forts troncs d'arbres se dressaient partout ailleurs, la force des âges de ces bois soutenant fièrement cette forteresse érigée au temps jadis.
Des couloirs se promenaient le longs des murs, abritant des portes donnant sur des chambres, des bureaux, des salons et des appartements parfois très luxueux.
Mais les nains n'eurent guère le loisir de contempler tout cela, car les gardes les poussèrent sévèrement et brutalement vers un grand escalier de bois qui montait vers un genre de place centrale. Et lorsque Thorin comprit où ils étaient conduits, une terrible explosion se produit en lui, mélange de colère et d'aversion. Mais il resta digne, son visage impassible, ne voulant montrer aucun signe de faiblesse ou donner l'impression d'être dépassé par la situation. Ils montèrent donc de longs escaliers aux marches taillées dans un bois sombre et millénaire, avant d'arriver à la place qu'ils atteignaient.
Comme un grande terrasse de pierre circulaire, soutenue au dessus du sol par de grandes colonnes de bois, où se tenaient quatre gardes en cottes étincelantes et pareillement armés de ces grandes lances. Mais surtout, au centre de cette estrade, se dressait un trône: un grand trône de bois callé dans un beau socle de pierre en haut de quatre marches supplémentaires. A vrai dire, ce trône était directement taillé dans une énorme racine qui descendait du plafond jusque sur cette terrasse: les bras et le dos du grand fauteuil étaient sillonnés de motifs plus fins les uns que les autres, tandis que son dossier arborait de chaque côté de grandes sculptures de bois à la forme d'immenses bois de cerf, conférant à l'ensemble un aspect incroyablement majestueux.
Et sur ce trône, était assis le maître de ces lieux, de ce royaume tout entier: Thranduil, roi de Vertbois le Grand. Elfe plus droit et majestueux on ne faisait pas: son visage parfaitement lisse, aux traits droits et sévères n'avait d'égal que ses yeux argentés brillant d'une grande puissance et d'une grande détermination. Ses longs cheveux blonds et lisses coulaient comme une trainée de neige brillante sur ses oreilles pointues, tandis que sa tête arborait une couronne sculptée et tressée dans les branches des arbres de la Forêt, et arborant présentement nombre de feuilles rouges et orangées car l'automne étendait encore son voile sur le monde. Mais en été, cette couronne était décorée de feuillages verdoyants et de fleurs éclatantes. Il était vêtu d'un long manteau d'argent, parsemé de cristaux scintillants comme des étoiles, tandis que ses hautes bottes était d'un cuir d'un noir profond.
Lorsque les gardes amenèrent les nains sur la terrasse, au pied du trône, il resta un moment à les regarder de son visage impassible, une lueur de mécontentement et de mépris brûlant pourtant dans ses yeux. Les nains lui rendirent bien ce regard, en particulier Thorin, qui afficha la plus noire des expressions, mais resta tout de même silencieux et digne.
Finalement, Thranduil parla:
"Je ne vous souhaite pas la bienvenue nains, dit-il d'une voix claire mais puissante et sans aucune altération, car la paix a quitté ces bois depuis longtemps et vous êtes bien loin de la ramener avec vous.
-Qu'entendez-vous donc par là? répliqua aussitôt Nori d'un air courroucé.
-Je pense que vous savez aussi bien que moi ce dont je parle, répondit le roi de la Forêt sur un ton toujours aussi calme.
-En tout cas vous n'allez pas tarder à savoir aussi bien que nous pourquoi il ne faut pas s'en prendre ainsi à des nains, espèce de... Commença Dwalin en serrant les poings, mais Balin s'empressa de l'arrêter et fit comprendre à ses compagnons qu'ils devaient le laisser parler.
-Grand roi des Forêts, commença-t-il en s'inclinant bien que son visage affichât tout autant de colère et de réticence que ceux des autres, nous nous trouvons désolés et bien dépourvus, car nous ignorons ce que vous nous reprochez. Et nous demandons précisément à savoir pourquoi vos gardes nous ont aussi brutalement traité et arrêté."
Thranduil baissa les yeux sur ce nain couverts de saleté et de toiles d'araignée qui se tenait devant lui.
"Vous avez de bonnes manières nain, dit-il de ce ton toujours aussi détestablement calme. Curieux pour un criminel de votre genre.
-Excusez-moi? s'offusqua alors Balin en fronçant les sourcils. Un criminel? Depuis quand est-ce un crime que de se perdre en forêt au cours d'un périple?
-C'est un crime depuis que je l'ai décidé, répondit sèchement le roi en haussant enfin le ton. Ces bois sont rongés par un mal étrange et inconnu: les attaques d'immondes créatures contre notre royaume se multiplient. Nous devons nous méfier de tout, et les étrangers ne sont plus les bienvenus dans cette Forêt.
-Si cela peut vous rassurer, reprit alors Balin qui semblait peiner de plus en plus à contenir sa colère et son aversion pour le roi des elfes, je vous demanderais de nous accorder votre confiance et de bien croire que nous n'avions aucune intention hostile ou belliqueuse à l'encontre de vos terres."
Thranduil le fixa alors d'un regard perçant. Puis, lentement, il se leva et descendit les marches de pierre, les mains jointes dans son dos, foudroyant les compagnons de son regard.
"Prêts à mentir même devant l'évidence... Murmura-t-il entre ses dents. Croyez-vous donc pouvoir dissimuler le mal qui a été fait?"
Les nains restèrent silencieux, le regardant avec des yeux pleins de reproches et de questionnements.
"J'ignore comment et pourquoi vous avez lancé pareil ouragan de neige et de glace sur notre grande Forêt, mais je suis prêt à renier tout ce que je sais s'il n'y avait aucune intention hostile ou belliqueuse derrière cela, déclara-t-il d'un ton froid. Les dommages ont été effrayants: des arbres ont été déracinés, des créatures tuées et mes gens ont encouru un grand danger en faisant face à cette tempête. Qui vous a envoyés? Comment avez-vous accompli pareil prodige? Sans doute est-ce un sort ou un parchemin confié à des rivaux de notre peuple par un quelconque sorcier qui se plaît à faire dépérir notre Forêt jour après jour."
Il fixa les nains avec à présent une véritable colère dans son regard.
"Vous trouvez-vous toujours si innocents? demanda-t-il entre ses dents."
Les nains se jetèrent des regards soudain gênés et anxieux: les elfes croyaient donc qu'ils avaient eux-mêmes déclenché le terrible blizzard qui avait ravagé les bois. Ils étaient bien sûr accusés à tort, mais ils ne dirent rien au sujet d'Elsa, ni même de Bilbon, ne voulant pas compromettre la liberté de leurs compagnons, et gardèrent le silence, résolus à affronter le sort qui venait de les saisir.
"Quelles étaient donc vos intentions en agissant ainsi? demanda à nouveau Thranduil avec un visage dur. Par qui ou par quoi avez-vous été amenés dans ces bois? Que veniez-vous y faire? Pourquoi donc..."
Mais soudain, il s'arrêta net lorsque son regard se posa sur Thorin, qu'il sembla reconnaître immédiatement. La colère disparut alors de son visage pour laisser un moment place à la déconcertation la plus totale. Puis soudain, un éclair sembla illuminer son esprit, comme s'il venait enfin de comprendre quelque chose. Un étrange sourire satisfait s'étira alors sur ses lèvres fines mais fermes.
"Je vois... murmura-t-il. Emmenez tous les autres je vous prie, je souhaite m'entretenir seul avec celui-ci."
Aussitôt, les elfes qui avaient arrêté les nains dans la Forêt se saisirent à nouveau de tous les compagnons à l'exception de Thorin. Celui-ci tenta alors de faire quelque chose, de venir en aide à ses compagnons, mais l'un des gardes en armure pointa alors sa lance sur lui, l'empêchant d'avancer. Désarmé, Thorin ne put rien faire à part regarder ses camarades se faire emmener, tentant de se débattre et de résister mais ne pouvant rien faire face à tant d'elfes armés.
"Non Thorin! Que lui voulez-vous? s'écriaient Fili et Kili à l'encontre du roi des elfes.
-Vous le regretterez si vous lui faites le moindre mal! hurlait Dwalin en brandissant un poing menaçant."
Thranduil restait impassible, ignorant les protestations des nains.
Ceux-ci furent donc emmenés par les gardes, qui les conduirent dans les bas étages où se trouvaient les geôles. Ici, les murs étaient bien moins finement sculptés, laissant parfois apparaître de grands pans de pierre brute, et de longues racines couraient sur les parois, tandis qu'une cascade sortait du mur en un endroit et faisait chanter ses eaux tombantes dont le murmure résonnait doucement contre les parois, produisant un son assez apaisant, avant de disparaître au fon de la grande cavité pour aller rejoindre maints autres flux souterrains.
Et dans les parois étaient creusées de nombreuses cellules ou de maigres rebords pour s'asseoir étaient taillés dans la pierre. Elles étaient toutes closes par de grandes et solides grilles de métal sombre et forgé.
Les gardes s'empressèrent d'ouvrir ces grilles et de jeter les nains dans les cellules encore libres, avant de refermer les grilles et de les verrouiller à l'aide de clefs forgées dans le bronze et l'argent.
Les nains, à présent furieux, déchaînèrent leur colère contre les elfes.
"On n'en restera pas là! criait Dwalin. Vous entendez?
-On sortira d'ici! reprenait Oïn."
Mais malgré cette terrible fureur, c'était la perte d'espoir qui s'installait au plus profond d'eux: ils avaient peur. Peur pour eux, peur pour leurs deux compagnons restés au dehors et peur pour l'avenir de leur quête. Kili s'accrochait au barreau de sa cellule, regardant avec des yeux tristes les elfes terminer d'enfermer ses amis.
Il serra alors ses doigts autour des barreaux: pour qui se prenaient donc ces elfes? De quel droit les traitaient-ils de la sorte? Il eut envie de crier, de les insulter... Mais il savait pertinemment que cela ne servirait à rien. Et soudain, il vit passer un peu plus loin la belle elfe aux cheveux de feu, et il se remémora le moment où il était totalement impuissant face aux monstres et qu'elle avait surgi de nulle part, sa belle chevelure écarlate flamboyant dans les airs, avant de lui sauver la vie juste à temps. S'il ne lui en voulait pas moins qu'aux autres, il ne put s'empêcher d'admettre que sans elle il ne resterait sans doute plus grand chose de lui à l'heure actuelle. Et encore une fois il ne put lutter et fut comme envoûté par la grande beauté de l'elfe en question.
Celle-ci finit d'ailleurs par remarquer qu'il la fixait, mais détourna rapidement le regard. Et soudain, l'elfe blond remarqua également le regard que portait le nain à sa congénère.
"Pourquoi le nain vous regarde-t-il Tauriel? demanda-t-il dans sa langue d'un ton méfiant.
-Qui sait? répondit simplement celle-ci. Il est plutôt grand pour un nain, ne trouvez-vous pas?
-Plus grand que certains, mais pas moins laid, répondit Legolas avec dédain."
Il jeta un regard noir à Kili, que celui-ci lui rendit bien volontiers, avant de tourner les talons et de s'éloigner avec son amie Tauriel.
D'autres nains, eux, continuaient de laisser sortir leur colère et de tenter par tous les moyens de sortir de leurs cellules. Dwalin et d'autres se jetaient de toutes leurs forces contre les barreaux, espérant finir par les briser, mais ils ne réussirent qu'à se causer du mal.
"Arrêtez, ça ne sert à rien! lança alors Balin pour mettre fin au vacarme inutile. Ce n'est pas un cachot d'Orques, ce sont les salles du royaume des Forêts. Personne n'en sort sans le consentement du roi."
Et au dessus, dans les étages principaux, sur la place du trône, Thranduil et Thorin restaient seuls, entourés seulement des quatre gardes aux longues lances.
Thorin restait droit, digne et immobile, les mains jointes devant lui, mais foudroyant cependant le roi des elfes d'un terrible regard. Thranduil quant à lui, décrivait lentement des cercles autour du roi nain, son manteau argenté traînant derrière lui comme le voile de la nuit traîne ses étoiles au dessus du monde.
Il avait longuement observé Thorin, et semblait avoir lu dans ses yeux. En effet, il avait finalement compris ce que ces nains faisaient dans ses bois: il avait deviné que Thorin menait une marche vers la Montagne solitaire.
"D'aucuns estimeraient qu'il s'agit d'une noble quête, dit-il en parlant de nouveau sur son ton calme et pénétrant. Une quête pour reconquérir un royaume et tuer un dragon."
Il s'arrêta soudain de marcher pour faire face au roi des nains.
"Quant à moi, je soupçonne une raison plus prosaïque, poursuivit-il. Une tentative de cambriolage ou quelque chose de ce genre..."
Alors, lentement, il se pencha sur Thorin, ses yeux argentés le fixant d'un regard perçant.
"Mais quoi que cela soit, il reste dans tous les cas étrange de vous voir soudain ressurgir d'entre les ombres, marchant ainsi droit vers le repaire du dragon. Jamais auparavant vous n'aviez entrepris telle action, ni tenté telle folie... Mais je ne suis pas dupe, ce n'est pas par hasard que vous revenez aujourd'hui Thorin Ecu de chêne: vous avez trouvé le moyen d'entrer."
Thorin trembla soudain intérieurement d'être ainsi démasqué: il se sentait comme nu devant mille lance pointées sur lui. Il leva les yeux pour regarder en face le roi de la Forêt, parvenant cependant toujours à masquer ses émotions.
"Vous cherchez ce qui vous donnerait le droit de gouverner, reprit Thranduil en se redressant et en reculant de quelques pas. Le joyau du Roi: l'Arkenstone. Il vous est précieux au-delà de tout."
Un sourire déplaisant s'afficha sur son visage.
"Je comprends cela, affirma-t-il avant de soudain retrouver une expression sérieuse et froide. Il y a des pierres dans la Montagne que je convoite moi aussi: des gemmes blanches, brillantes comme les étoiles. C'est pourquoi je vous offre mon aide."
En entendant cela, Thorin releva soudain la tête, mais plus par déconcertation que par intérêt. Avait-il bien entendu? Thranduil, le roi des elfes, lui offrait son aide?
Cela était inespéré, bien trop inespéré. Non, il ne se laisserait pas avoir: jamais cet elfe ne lui offrirait ainsi librement son aide. Quelque chose de bien plus sombre se cachait derrière toutes ces belles paroles, Thorin le savait au plus profond de lui. Il en avait fait l'expérience, il connaissait bien les mœurs de ce 'grand roi', et il savait que tout cela n'était qu'une ruse pour obtenir ce qu'il voulait.
Mais il décida de ne pas céder à la colère: un petit sourire douloureux vint étirer ses lèvres, montrant qu'il ne croyait pas aux paroles de l'elfe.
"Je vous écoute, dit-il alors.
-Je vous relâcherai, promit Thranduil, si vous me rendez ce qui m'appartient."
Thorin eut alors un petit rire de dédain, et sortit enfin de son immobilité en tournant le dos au roi, portant son regard sur les murs du château qui se dressait tout autour de lui.
"Une faveur contre une faveur... Marmonna-t-il.
-Je vous donne ma parole, assura Thranduil d'un ton doucereux."
Et à ces mots, Thorin ne put plus se contenir. Son visage se tordit soudain en une rage intense et si ses yeux avaient pu lancer des éclairs, ils auraient foudroyé le royaume tout entier.
"Je ne crois pas que Thranduil, grand roi de la Forêt, honorerait sa parole même si la fin des temps était proche! lança-t-il à voix forte avant de se retourner brusquement vers l'elfe et de hurler en déversant sa fureur. Vous! Vous n'avez pas d'honneur! J'ai vu comment vous traitez vos amis: nous sommes venus à vous par le passé, affamés, sans logis, implorant votre aide... Mais vous n'avez eu aucune pitié, vous avez tourné le dos à la souffrance de mon peuple et au mal qui nous détruisait, vous vous êtes recroquevillé de terreur devant les flammes de Smaug!"
En entendant cela, Thranduil, qui avait affiché un air démuni devant les paroles de Thorin, comme si elles l'avaient touché, prit soudain une expression de rage immense et se jeta presque sur le nain, son visage déformé par la colère n'étant plus qu'à quelques centimètres de celui de l'héritier du trône d'Erebor.
"Ne me parlez pas du feu du dragon! cria-t-il alors d'un ton extrêmement ferme. Je connais sa colère et ses ravages!"
Alors son visage se tordit en une terrible expression de douleur, comme si un grand mal venait de ressurgir en lui. Et bientôt, la peau du côté gauche de sa tête commença à se creuser, à se friper, à laisser apparaître une chair écarlate et calcinée, son sourcil disparut, comme soudainement consumé par des flammes, et son œil argenté devint d'un blanc laiteux. Cela était véritablement terrifiant, et ne manqua pas de faire frissonner Thorin.
"J'ai affronté les grands Serpents des contrées du Nord, siffla-t-il alors, son visage affreusement contracté par la douleur."
Puis finalement, il se redressa et son visage redevint presque instantanément lisse et si admirable. Il avait jadis été gravement brûlé à cet endroit et défiguré à vie, mais il dissimulait cela à l'aide d'un enchantement.
Lui et le roi nain restèrent quelques instants silencieux, à se lancer des regards meurtriers, Thorin révolté par la vile tentative de l'elfe de l'acheter lui et ses compagnons, et Thranduil furieux de voir sa proposition refusée.
"J'ai prévenu votre grand-père de ce que sa soif d'or engendrerait, finit par dire le roi de la Forêt en jetant au nain comme un regard de dégoût, mais il ne m'a pas écouté."
Puis il remonta les marches de pierres afin de regagner son trône. Il lança un dernier regard de mépris à Thorin avant de déclarer:
"Vous êtes comme lui."
Puis il fit un geste de la main, et aussitôt deux des gardes qui se trouvaient là saisirent le roi nain par les bras et commencèrent à l'emmener vers les sous-sols, aux geôles. Thorin se débattit, tenta de résister, mais en vain. Il se contenta de foudroyer une dernière fois l'elfe du regard, pendant que celui-ci lançait de sa voix calme:
"Restez pourrir ici si cela vous chante, une centaine d'années représentent un battement de cils dans la vie d'un elfe. Je suis patient: j'attendrai."
Thorin, tout espoir et toutes force de lutter l'abandonnant, fut conduit dans les étages inférieurs et alla rejoindre ses compagnons dans une des cellules exigües du royaume de Vertbois. Alors tout sembla vaciller autour de lui: le son de la porte de métal qui claqua résonna au loin jusque dans l'infini le plus torturé de son esprit implorant, et les cliquetis des clefs dans la serrure fut comme la morsure d'un terrible serpent. Il se sentait vidé, vidé de toute force, de tout bonheur, de tout espoir... Il était perdu, perdu dans les ténèbres dans les sous-sols de la grande Forêt noire, et plus rien ne pouvait le sortir d'ici. Il ignorait comment il fit pour ne pas succomber au désespoir.
Mais en réalité, celui-ci fut bientôt remplacé par la colère: une colère ardente, entièrement dirigée contre les elfes de cette Forêt et leur roi si prétentieux. Comment? Comment osait-il solliciter leur aide alors même qu'il était prompt à les enfermer comme de vulgaires bêtes dans des cages? Malgré toute leur grâce et leur prétendu raffinement, les elfes n'abritaient qu'un cœur de pierre dans leur poitrine, pensa-t-il amèrement.
Puis soudain, il entendit la voix de Balin qui l'appelait depuis une cellule voisine.
"Thorin, que t'a-t-il dit? demandait-il. Il propose un marché.
-Oui, grogna le roi entre ses dents. Je lui ai dit qu'il pouvait Ishkaqfehr dugnùr. Lui et tous les siens!"
La dernière phrase de Thorin, une infâme insulte chez les nains, jeta un silence pendant quelques instants.
"Eh bien, comme ça c'est réglé, soupira alors Balin.
-Balin, j'espère que tu ne crois pas une seule seconde à ce que propose cet elfe, lança Thorin devant le ton un peu déçu de son ami. Jamais, depuis plus d'un siècle, il ne nous a apporté l'ombre d'une aide. Il reste là, tranquillement assis sur son trône, à nous regarder souffrir dans le monde désolé, un sourire narquois étirant ses lèvres... Et aujourd'hui il voudrait nous proposer un marché? Tout ce qu'il veut c'est se servir de nous pour arriver à ses fins: il est sûrement prêt à clamer que lui et les siens se portent bien mieux depuis que nous ne sommes plus là; pourquoi nous aiderait-il à récupérer la Montagne? Il ne veut que nous utiliser pour trouver un moyen d'entrer dans la Montagne, et une fois que cela sera fait il nous fera tous égorgés par des gardes qu'il aura envoyés à notre suite, et ainsi il pourra s'emparer librement de tout ce que contient la Montagne. Et s'il trouve le carcasse sans vie de Smaug, il enverra certainement ses armées pour s'emparer de ce territoire et l'ajouter aux frontières de son royaume déjà bien trop grand pour lui et qui a gonflé en lui cet ego démesuré! Non Balin, pas une seconde il ne pense à nous aider, il ne veut qu'obtenir ce qu'il souhaite avant de se débarrasser de nous.
-Si je comprends bien, nous avons le choix entre mourir ici de soif et des flétrissures de l'âge ou finir égorgés juste après avoir enfin atteint notre but, observa Nori d'une voix languissante.
-Les horribles maléfices de cette Forêt semblent avoir décidé que tel serait notre sort, approuva le roi dans un souffle de chagrin et de peine.
-Vous avez sans doute raison, soupira Balin en se laissant tomber sur son banc de fortune. Mais un marché était notre seul espoir de sortir d'ici."
Tous se turent alors, n'entendant plus que le silence de mort qui s'emparait de leurs âmes. Mais soudain, la volonté d'acier que Thorin s'était forgé depuis toutes ces années, celle d'enfin un jour retrouver ses terres bien aimées, parvint à faire renaître en lui une infime lueur d'espoir. Il s'approcha alors des barreaux de sa cellule et regarda en haut vers la grande porte du château.
"Non, pas notre seul espoir, murmura-t-il en pensant à deux personnes encore en liberté dans les bois et dont les elfes ignoraient totalement la présence."
Mais hélas, la situation n'était guère plus favorable à Elsa, si tant est qu'elle ne fut pas pire. Elle était seule, perdue dans la noirceur de la Forêt, sans plus aucune trace de son ami Bilbon. Comment avait-elle pu en arriver là?
Elle ne pouvait dire avec précision combien de temps elle avait erré, avançant à l'aveuglette, tremblant jusqu'au bout de ses doigts, mais cela devait bien faire environ un jour à présent.
Elle ignorait comment elle pouvait bien trouver encore le courage d'avancer, comment l'épuisement qui terrassait chacun de ses membres, la terreur qui emplissait son esprit et les ombres qui s'étendaient menaçantes sur sa route n'avaient pas encore réussi à la faire s'écrouler au sol et rester là, à attendre de mourir. Non, par elle ne savait quelle force surhumaine, quelle volonté inconnue de ce monde, elle continuait, continuait de marcher, de chercher, d'espérer retrouver ses amis.
Mais même cette volonté d'acier ne pouvait plus rien pour elle à présent: sa tête tournait plus que jamais, les sifflements et les cris tourbillonnaient dans son esprit, ses jambes contractaient d'affreuses douleurs à chaque pas qu'elle faisait, et elle ne voyait plus rien. Elle avait l'impression d'être devenue aveugle, et d'avoir même perdu l'usage de la parole. De grosses et lourdes larmes qui lui brûlaient les yeux coulaient continuellement sur ses joues à présent: le cadavre du monstre se trouvait loin derrière elle, mais mille de plus semblaient rôder autour d'elle, dans le silence et les ombres. Elle marchait ainsi depuis une éternité, et jamais ne découvrait ne serait-ce que l'ombre d'une piste pour la sortir de ces limbes obscures.
Alors ses dernières forces l'abandonnèrent tandis que l'effroi la gagnait et la paralysait. Des flocons tournaient dans les airs autour d'elle, rasoirs glacés et tranchants qui ne lui étaient d'aucun secours. Elle ne voulait pas mourir ici: non pas qu'elle espérait encore rester en vie, car elle savait qu'à présent la Mort l'attendait à bras ouverts et qu'elle ne pouvait plus reculer. Elle s'était résignée: elle savait qu'elle allait mourir, mais elle ne voulait pas que cela se fasse dans cette monstrueuse obscurité. Elle voulait revoir une dernière fois la lumière du jour, afin de passer de l'autre côté avec un dernier petit sourire apaisé sur les lèvres.
Mais hélas le jour était bien loin, et jamais elle ne pourrait le retrouver. Ni plus que ses amis: où étaient-ils? Que leur était-il arrivé? Elle espérait que Bilbon parviendrait à les retrouver, et qu'enfin ils accompliraient leur vœu le plus cher en retrouvant leur royaume. Au moins les aurait-elle aidé du mieux qu'elle pouvait, avant de les quitter pour toujours.
Mais cette pensée lui était bien pire que douloureuse: elle voulut les retrouver, repartir avec eux à travers le monde. Elle voulut encore lutter contre les hurlements de mort qui assaillaient son esprit. Mais cela ne fit qu'empirer la mal qu'ils causaient, et alors elle sentit la fin venir.
Son esprit sembla s'éteindre, et la vie quitter ses membres. Tout se passa en une seconde, mais lui sembla durer une vie entière. Ses jambes perdirent toute force, et elle bascula en avant, sombrant à jamais dans les profondeurs du désespoir, laissant derrière elle la dernière lueur, la dernière branche à laquelle se raccrocher, le dernier appel qui pouvait l'aider à retrouver ce qu'elle aimait, le plus déchirant des cris d'appel au secours.
"BILBOOOOOOOON!!!!! hurla-t-elle inconsciente, sa voix résonnant stridente dans la Forêt tout entière."
Puis finalement, son front heurta brutalement le sol, et tout s'éteignit en elle. A présent elle gisait là, inerte, sur le tapis de ténèbres, des flocons tournant toujours au dessus d'elle.
Et soudain, un peu plus loin dans les bois, des oreilles pointues se dressèrent. Des elfes vêtus de brun et de vert se tenaient là: ils étaient de nouveau partis patrouiller dans les bois, et venaient de surprendre trois immenses araignées en marche vers le village des bois. Ils avaient réussi à en venir à bout, mais l'inquiétude elle ne devenait que plus forte dans leurs esprits. Jusqu'à quand ces monstres s'acharneraient-ils sur eux?
A la tête de ce groupe de rôdeurs des bois étaient à nouveau Tauriel accompagnée de Legolas. L'elfe blond regardait les corps des monstres d'un air anxieux, tandis que le belle chevelure de feu donnait quelques ordres à ses gardes.
Quand soudain, un cri strident, désespéré résonna un peu plus loin, heurtant leurs oreilles. Tous se dressèrent alors, et tournèrent leurs regards perçants vers l'obscurité d'où avait jailli le son. Qu'était-ce donc que cela? Etait-ce l'un des leurs qui venait d'être attaqué? Ils ne pouvaient pas rester là, ils devaient aller vérifier ça.
Alors ils se lancèrent à travers bois et buissons, fendant l'air obscur avec une grâce et une habileté fascinantes. L'angoisse les gagnait de plus en plus, quand enfin ils atteignirent leur but. Là, par terre, dans un creux de terre, sur un tapis de feuilles mortes, ils virent un corps étendu face contre terre. Le corps d'une jeune femme, aux cheveux d'un blond pâle et frais comme la neige, vêtue d'un haut d'une douce étoffe bleue et d'un pantalon tressé de fils d'argent, surmonté de grandes bottes de cuir souple. Mais ce n'était pas une elfe: ses oreilles étaient tout ce qu'il y avait de plus arrondies, et jamais ils ne l'avaient vue ici auparavant.
Ils restèrent quelques instants perplexe, avant de remarquer dans un sursaut les flocons qui tournoyaient au-dessus d'elle. Ils ouvrirent de grands yeux: que signifiait donc cela? Comment ces perles de l'hiver pouvaient-elle ne se trouver qu'au dessus de cette jeune femme? Et bien vite, ils remarquèrent également que les feuilles et le sol se couvraient de givre sous ses mains, comme si leur contact glacé plongeait le monde autour d'elle dans l'hiver.
Et soudain ils comprirent, même si cela était difficile à croire: cette jeune femme était capable de répandre neige, glace et vent hurlant autour d'elle. C'était donc elle qui avait déclenché la terrible tempête de neige qui avait dévasté les bois environ un jour plus tôt. Mais c'était tout bonnement incroyable: un tel pouvoir n'avait jamais été vu en ce monde, et il semblait pourtant être naturellement implanté en elle. C'était impensable, et assez merveilleux pour tout dire.
Mais, passé la surprise et l'ébahissement, la crainte s'empara de nouveau de leurs esprits: et si cette magicienne était dangereuse? Quelles étaient donc ses intentions? Elle avait déjà déchaîné sa colère une fois, peut-être serait-ce encore pire si elle recommençait... Que devaient-ils faire? Peut-être devaient-ils profiter du fait qu'elle soit inconsciente pour l'emmener en un lieu sûr et tenter d'en savoir plus sur elle à son réveil. Oui, c'était certainement la meilleure solution; mais il fallait être prudent.
Quatre gardes la saisirent alors aux bras et aux jambes, et la hissèrent afin de la porter à hauteur d'épaules.
"Nous rentrons, dit alors Legolas. Et soyez sur vos gardes, elle est peut-être très dangereuse."
Et ainsi, les gardes de la Forêt emmenèrent vers leur royaume une Elsa inconsciente, plongée dans les rêves les plus sombres et plus sinistres.
Un seul membre de la compagnie ignorait pour l'instant tout de la situation dans laquelle se trouvaient ses compagnons.
Après qu'il ait quitté la troupe à l'orée de Vertbois, Gandalf avait chevauché sans répit à travers plaines, champs et collines, sous la pluie, les nuages, le vent et le Soleil. Son cheval robuste et brave l'avait ainsi porté à travers tout le val d'Anduin, sentant chez son cavalier un empressement indiquant l'urgence de la situation.
En effet, le magicien avait été préoccupé durant toute la traversée: ce qu'il avait vu à l'entrée des bois l'avait conforté dans ses craintes et n'avait plus quitté son esprit. Il avait chevauché, les collines et les rochers défilant autour de lui sans qu'il les remarque, et les villages des Hommes coulant leur vie quotidienne sans qu'il y prête attention, car il était bien trop concentré sur son objectif.
Les monts du Rhudaur étaient la dernière chaîne de montagnes constituant l'extrémité Nord des Monts Brumeux. Mais au Nord, les Monts Brumeux bifurquaient preque à angle droit, et ces monts du Rhudaur étaient bien plus orientés dans un axe Est-Ouest que Nord-Sud.
Ainsi le magicien gris avait il chevauché vers le Nord-Ouest, et avait fini par atteindre le lit de l'Anduin. Le fleuve étant peu profond à cet endroit, il avait réussi à traverser à gué, bien que les pattes de son cheval se soient entièrement enfoncées dans l'eau et que ses propres jambes eussent été mouillées. Puis il était reparti de plus belle au galop, son regard anxieux fixé sur l'horizon.
Mais malgré tous ces questionnements et ces inquiétudes, il pensait chaque jour à ses camarades, traversant courageusement la grande forêt de Vertbois qui serait tout sauf tendre avec eux. Il espérait que ce qui l'avait éloigné d'eux ne nécessiterait pas de le retenir longtemps, car il devait aller les retrouver au plus vite sur le promontoire de la Montagne.
Puis enfin, après une semaine de traversée au galop, il finit par atteindre les Monts Brumeux, le sol devenant progressivement plus raide, et l'herbe disparaissant peu à peu pour laisser place aux cailloux et aux rochers. Il arrêta alors sa brave monture épuisée par cette traversée, et en descendit enfin. Car ce cheval ne pouvait plus lui servir pour escalader les pentes escarpées des montagnes, et il avait promis à Beorn de lui renvoyer chacune de ses bêtes. Alors il détacha les rennes du cheval, retira le mors de sa bouche et rangea le tout dans une sacoche à son côté, avant de caresser une dernière fois le museau du bel animal et de lui faire signe de s'en aller.
"Va, retourne chez ton maître, dit-il en pointant l'horizon de son bâton."
Le cheval se détourna alors et repartit au trot, s'éloignant peu à peu sur l'étendue verte. Et alors que Gandalf le regardait avancer vers l'horizon, il murmura:
"Et dis lui d'être sur ses gardes..."
Puis enfin il se tourna vers les montagnes, et dans un soupir d'angoisse en commença l'ascension. Mais il ne pouvait nier qu'il craignait quelque peu ce qu'il pourrait trouver dans ces montagnes, et il pensa qu'il aurait certainement besoin d'aide. Après tout il n'avait été ni le seul ni le premier à remarquer ces choses étranges qui se produisaient ces derniers temps, et d'autres cherchaient également des réponses à ses questions en ce moment même. Il pensa à une personne en particulier: une personne qui lui avait apporté une preuve plus que tangible et inquiétante, et qui devait également trouver des explications à tout cela.
Alors, a un moment lorsqu'il entendit un petit chant fluet au dessus de lui, il leva les yeux et vit un moineau virevolter dans les airs sous les fins nuages grisâtres. Il tendit alors son bâton, et l'oiseau vint presque aussitôt se poser à son extrémité. Gandalf amena alors le moineau près de sa bouche, et commença à murmurer et à siffler. Bien que parler aux animaux ne fut pas sa spécialité, il en était tout de même capable.
"Va trouver Radagast le brun, disait-il dans une succession de sifflements et de gazouillements. Dis lui que Gandalf le gris l'attend dans les caveaux des monts du Rhudaur, et de venir me retrouver là bas le plus vite possible."
Lorsqu'il eut fini, le moineau déploya ses petites ailes et s'envola rapidement, fendant l'air en direction du Sud; Le magicien le regarda s'éloigner quelques instants, puis se retourna de nouveau et commença pour de bon l'ascension de ces montagnes, où il espérait de tout cœur ne pas trouver ce à quoi il s'attendait.
Bref, en espérant qu'il vous plaira et à la prochaine.
Chapitre 8:
Si marcher seul dans les méandres de Vertbois était absolument terrifiant, y marcher en poursuivant le fantôme de quelqu'un que l'on ne pouvait voir était une entreprise bien plus étrange.
Elsa ignorait combien de temps elle avait ainsi avancé en suivant les pas invisibles de son ami hobbit, car dans ces ténèbres la notion de temps lui échappait toujours totalement, mais chaque seconde lui avait demandé de maintenir tous ses sens en alerte. Elle devait sans cesse tendre l'oreille pour essayer d'entendre le moindre craquement de brindille, le moindre caillou déplacé; ce qui n'était pas chose aisée car M. Sacquet avait l'art de se déplacer dans le silence le plus total, tel le meilleur des cambrioleurs.
Cependant, comme il l'avait promis, il se retournait régulièrement pour s'assurer que son amie était toujours là.
"Me suivez-vous encore Elsa? appelait-il.
-Oui, répondait la jeune femme, je suis là."
Et ainsi ils repartaient à travers les troncs et la terre. De grandes toiles se faisaient encore voir par endroit, mais plus aucun signe de leurs tisserandes: ils avaient réussi à leur échapper.
Comme Elsa tendait l'oreille, elle entendait certaines choses tout autour d'elle: un souffle étrange et toujours présent, qui flottait dans les airs et venait susurrer à ses oreilles, vagabond porteur de tristes nouvelles. Le sang se glaçait alors dans les veines des voyageurs, et jamais ils ne souhaitaient autant échapper à ce fantôme qui les narguait. La jeune femme devenait réellement inquiète pour ses compagnons, car elle n'entendait plus les voix des elfes au loin, et elle espérait que Bilbon savait toujours où il allait.
Bien qu'elle n'eût plus aucune idée du temps qui passait, elle savait qu'il leur manquait à présent. Elle ignorait ce qui adviendrait des nains une fois dans le royaume des elfes, et cela ne faisait qu'à l'encourager à voler à leur secours. Mais il fallait faire vite.
"Elsa, appela encore une fois la voix du hobbit, êtes-vous toujours là."
La jeune femme se rendit soudain compte que cette opération régulière leur faisait certainement perdre un temps précieux. Bien qu'elle fut grandement rassurée à l'idée de garder contact avec son ami, il était tout de même préférable de gagner le plus rapidement possible la demeure des elfes de ces bois.
"Oui Bilbon, je suis là, répondit-elle. Ne vous inquiétez pas, je vous suis: vous ne devriez peut-être pas vous retourner aussi souvent. Concentrez-vous sur ce que vous cherchez. Les autres comptent sur nous et nous ne pouvons pas perdre de temps."
Le hobbit ne répondit rien mais elle sentit qu'il avait acquiescé. Alors la traque reprit dans le silence le plus total, et Elsa serra les poings en concentrant son esprit sur le sillage discret de son ami.
Même si elle ne le voyait pas, le savoir présent lui était d'un grand réconfort. La terreur et le désespoir qui s'étaient emparés d'elle lorsqu'elle s'était réveillé seule au milieu des araignées avaient été si intenses qu'elle avait cru en mourir. Mais malgré tout, cette terreur qui l'avait poussé à courir à toutes jambes avait réussi à dissiper la malfaisance des sortilèges de la Forêt. Mais à présent que le calme était revenu, l'esprit de la dame des neiges commençait de nouveau à être assailli par de sombres choses.
Un sifflement encombrait ses oreilles, et un mal de crâne faisait battre sourdement les veines de ses tempes. Elle espérait que les autres n'avaient pas succombé à ces perfides maléfices, et que la demeure des elfes aurait au moins l'avantage de les en protéger.
Elle commença à perdre le sens de l'équilibre: elle vit le sol et les arbre vaciller autour d'elle. Cela recommençait; aucun repos, aucune paix n'était donc permis dans cette Forêt maudite. Elle décida de s'arrêter quelques instants, s'appuyant contre le tronc d'un arbre, et se massant le front avec sa main. Elle prit le temps de récupérer un souffle normal, et de fermer les yeux pour ne plus rien voir basculer autour d'elle. Cela lui fit un grand bien, et pendant un moment elle n'eut plus envie de rouvrir les yeux, préférant les paisibles ténèbres de ses paupières à celles des bois.
Mais il le fallait, elle ne pouvait pas abandonner ses amis. Elle se redressa alors et rouvrit lentement les yeux, avant de pousser un soupir et de se remettre en route. Mais où devait-elle aller exactement? Elle tendit l'oreille, mais n'entendit plus rien: plus aucun craquement, plus aucune feuille sur laquelle on marche... Oh non, Bilbon était parti! Combien de temps s'était-elle arrêté? Combien d'avance avait-il pris sur elle à présent?
En quelques secondes, la panique envahit à nouveau la jeune femme. Quelle idiote elle faisait! Elle venait de perdre la seule chance qui lui restait de retrouver un jour son chemin: car à présent le silence était total. Même le souffle inquiétant avait disparu, comme si la sournoise Forêt avait décidé de la laisser totalement seule, perdue.
Son cœur se mit à battre, et son battement était comme les sourds tambours de la mort qui l'encerclaient dans cet affreux silence. Ses jambes tremblaient: que devait-elle faire? Elle se mit alors à courir, courir entre les arbres, sans savoir où elle allait. Et soudain, elle entendit un bruit derrière elle. Qui donc était là?
"Bilbon? appela-t-elle."
Mais bientôt, d'entre deux gros troncs d'arbre, apparut une créature aux innombrables yeux noirs et aux huit pattes arquées qui crissaient sur le sol. Le visage de la jeune femme se figea dans l'horreur, tandis que la bête s'avança vers elle en faisant claquer ses pinces. Mais surtout, Elsa vit que son abdomen était tacheté de rouge en plusieurs endroits: il s'agissait donc du monstre auquel elle avait échappé auparavant. Il avait fini par la retrouver.
Alors qu'elle venait tout juste de réaliser cela, l'araignée ouvrit en grand ses chélicères et se précipita sur Elsa. Mais celle-ci sortit soudain de son état statique et asséna un violent coup de pied sur la tête de son attaquant, qui poussa un gémissement plaintif, laissant quelques secondes à la jeune femme pour s'enfuir à toutes jambes. Mais aussitôt la douleur passée, la créature se lança à sa poursuite. Elsa entendit ses pattes arriver vers elle à grande vitesse.
Alors elle vit une branche basse juste au-dessus d'elle. Elle prit son élan sauta et l'attrapa de ses deux mains, avant de se hisser les deux pieds dessus et d'entendre les pinces du monstre se refermer à l'endroit où elle se tenait quelques secondes plus tôt. Elle regarda alors en bas, persuadée d'être hors d'atteinte.
Mais aussitôt, l'araignée se précipita sur le tronc et commença à grimper de son long avec la même aisance que lorsqu'elle marchait sur le sol. Le sang d'Elsa se glaça alors: mais comment avait-elle pu être aussi stupide? Elle savait pourtant parfaitement que les araignées pouvaient sans problème escalader les parois les plus verticales. Alors elle posa sa main sur le tronc et en quelques instants, celui-ci fut totalement couvert de fine glace.
L'arachnide glissa alors et tomba lourdement sur le sol. Il se remit sur pieds et essaya bien de grimper de nouveau à l'arbre, mais il n'y arrivait pas. Cependant, Elsa savait que le monstre l'attraperait dès qu'elle descendrait de son perchoir. Alors elle prit une grande inspiration: elle devait arrêter de le fuir et l'affronter dignement.
Elle sauta de la branche et atterrit sur le sol avec grâce, puis se redressa, droite, faisant face à la créature de cauchemar. Ni une, ni deux, celle-ci s'élança sur sa proie. Mais la jeune femme leva le bras et de longs pics gelés jaillirent du sol. Malheureusement ils manquèrent leur cible, mais l'un d'entre eux parvint à trancher net une patte du monstre, qui se tordit alors de douleur en laissant échapper sa salive empoisonnée qui se répandit sur le sol.
Mais bien vite, la créature se ressaisit et, furieuse, se jeta sur Elsa, qui se retrouva plaquée contre le tronc d'un gros arbre. Elle tenta de repousser son assaillant avec ses pieds, mais n'y parvint pas: le monstre poussait de toutes ses forces, ses pinces venimeuses claquant furieusement, tentant de transpercer le moindre lambeau de chair. Ses yeux luisants et avides fixaient férocement la jeune femme tandis que ses longues pattes hérissées de poils qui pointaient comme des dards encerclaient sa proie. Elsa se sentait démunie, terrifiée par une telle férocité et une telle monstruosité. Pourtant il fallait qu'elle en finisse: alors elle fit apparaître dans sa main un poignard de glace, poussa sur ses jambes et, dans un élan de volonté, sauta par dessus le corps noir et velu de l'arachnide.
Elle roula sur le sol, ses membres soudain endoloris, mais revint immédiatement à la charge et planta de toutes ses forces le couteau dans l'abdomen du monstre, qui souffla et cracha de douleur et de furie. Elsa tint cependant bon, serrant les dents et contenant les larmes qui montaient à ses yeux, commençant même à remonter la lame le long de l'abdomen pour trancher davantage la chair. Et bientôt, l'araignée s'effondra au sol, enfin vaincue.
La jeune femme resta un moment agenouillée par terre, reprenant son souffle, et essuyant les larmes brûlantes qui avaient coulé sur ses joues. Puis enfin, lentement, péniblement, elle se remit sur pieds et redressa la tête. Les ténèbres l'entouraient et le silence l'étouffait dans son voile funeste. Elle était seule, perdue, et ne voyait désormais plus aucun espoir de retrouver ses compagnons.
Et l'espoir commençait pareillement à s'évaporer dans les esprits de ces derniers.
Emmenés par la troupe des gardes de la Forêt, désarmés, ils ne pouvaient opposer aucune résistance et se laissaient entraîner à travers les bois, vers un sort qu'ils préféraient ne pas envisager et qui était pourtant trop prévisible.
Ils étaient épuisés, éreintés, exténués par leurs interminables déambulations dans les bois: leurs jambes étaient emplies de crampes, de douleurs, leurs bras étaient fatigués, leurs têtes tournaient et leur faisaient mal. Mais surtout, ils avaient du mal à se remettre de l'affrontement qu'ils venaient de mener avec ces monstrueuses araignées, que les cieux seuls savaient quelle ombre terrifiante avait amené dans cette Forêt. Ils étaient sales, les vêtements et les cheveux toujours couverts de grands lambeaux de toiles, leur peau blessée à certains endroits et noire de terre et de feuilles mortes. Ils étaient vraiment dans un piteux état.
Ainsi les elfes les conduirent ils dans les labyrinthes de la Forêt noire durant un long moment. Leurs vêtements couleur des troncs et des feuilles parfois surmontés de sombres manteaux à capuchon les dissimulaient dans ces bois avec une incroyable efficacité: les nains eurent même à plusieurs reprises l'impression de les perdre de vue, ne distinguant plus que de vagues silhouettes se déplaçant entre les troncs.
Chacun des nains étai anxieux, respirant avec difficulté, craignant l'avenir qui s'apprêtait à les recevoir. Malgré le fait de voir que tous ses camarades nains étaient bien présents et sains et saufs, Thorin ne pouvait s'empêcher d'être rongé d'inquiétude et de questionnements quant au sort d'Elsa et de M. Sacquet: le hobbit avait bien donné signe de vie avant que les monstres à huit pattes ne se jettent sur eux, mais que lui était-il arrivé ensuite? S'en était-il sorti grâce à son adresse à présent bien connue au sein de la compagnie? Thorin ignorait tout cela.
Au bout d'un moment, les nains commencèrent à entendre des voix et bruits au dessus d'eux: mais ce n'étaient pas du tout des bruits hostiles, fantomatiques et terrifiants comme tous ceux qui hantaient cette Forêt, c'étaient bien des voix d'elfes et des bruits de leur vie dans ces arbres. En effet, lorsqu'ils levaient les yeux, les compagnons voyaient dans les arbres au dessus d'eux toutes sortes d'habitations: des escaliers finement taillés dans un beau bois montaient en colimaçon le long des troncs, où des tourelles, des cabanes, des maisons étaient accrochées, tandis que certaines demeuraient dans les branchages, les feuilles se mêlant à leurs façades en de belles décorations tout comme les plus fines branches qui s'entremêlaient gracieusement au dessus des portes, des fenêtres et des balcons en de jolis motifs floraux.
Et les arbres étaient à présent souvent reliés entre eux en un complexe et dense réseau de ponts suspendus sur de vertes lianes feuillues ou sculptés dans un clair bois décorés des fleurs de ces bois, tandis que de pâles lanternes éclairaient par endroits toutes ces habitations.
C'était là le royaume de Vertbois, le village sylvestre où vivaient la plupart des elfes qui habitaient cette Forêt depuis la nuit des temps. L'on pouvait voir leurs douces silhouettes se déplacer d'arbre en arbre sur les ponts tandis que leurs voix envoûtantes chantaient de belles paroles qui furent une rivière de douceur aux oreilles des nains. Pourtant ceux-ci, en ce moment, n'éprouvaient que colère et aversion envers les habitants elfiques de ces bois; mais après toutes las mauvaises hallucinations et les voix terrifiantes qui avaient hanté leurs esprits durant leur voyage à travers la Forêt, ces voix ci leur semblaient magnifiques et apaisantes. Pourtant elles semblaient troublées, altérées, comme si les elfes dans leur grâce souffraient d'un mal depuis longtemps enraciné ici, et qui était devenu de plus en plus virulent. Mais si tout ceci n'était que le village des elfes, il restait encore à découvrir le château.
Enfin, après avoir marché longtemps, ils finirent par atteindre cet endroit où les gardes les conduisaient si brutalement. Ils arrivèrent au bord d'une petite gorge peu profonde au fond de laquelle coulait une rivière aux eaux fougueuses et tumultueuses en cet endroit. Il s'agissait du Taurduin, la grande rivière de la Forêt, qui prenait sa source à l'Ouest des Montagnes Grises et poursuivait sa course vers l'Est, légèrement incliné vers le Sud, pour aller se jeter hors de la Forêt dans le Long Lac. Par dessus ce courant passait un pont taillé dans la pierre, qui arrivait sur l'autre rive où se dressait une haute colline de pierre recouverte d'arbres, de buissons et de verdure.
Au dessus de la rivière ne s'étendait aucune branche, laissant pleinement passer les rayons du Soleil qui éclairaient les eaux turquoises du Taurduin, se reflétant en mille petits éclats furtifs. Et les compagnons se sentirent alors comme touchés par la plus fabuleuse de grâces lorsqu'enfin, pour la première fois depuis bien trop longtemps, ils redécouvrirent la douce lumière et le toucher si tendre des bras lumineux qu'étendait l'astre du jour sur cette bonne terre. Et à vrai dire, ici, bien que les arbres fussent également sombre et que le mal se faisait encore sentir, la Forêt semblait plus paisible, un peu moins tourmentée. Comme si quelque chose, une force radieuse, résistait du mieux qu'elle pouvait aux terribles ensorcèlements qui rongeait ces bois. Les feuillages étaient un peu plus verts et semblaient moins pourris de toutes parts, tandis qu'une tendre mousse fraichement humide et d'un beau vert émeraude couvrait ça et là les rochers de la grande colline sur la rive opposée.
Mais en réalité ce n'était pas une simple colline: en de nombreux endroits sur ses versants apparaissaient des fenêtres finement taillées dans la pierre, et également de beaux balcons sculptés avec d'élégants motifs à l'image du monde sylvestre. C'était là la fameux château du royaume de Vertbois. De l'autre côté du pont se trouvait l'entrée de ce domaine: cinq grandes portes de bois, peintes dans un beau bleu turquoise, se dressaient là, fières et solides, tandis que quatre colonnes sculptées dans du bois soutenaient une voûte de pierre au dessus d'elles. La porte du centre était la plus haute et la plus large, et au-dessus d'elle était sculpté dans la pierre l'étendard de ce royaume: une feuille de hêtre volant au dessus d'un champ d'herbe. La porte était surveillée par deux gardes en tunique et cotte de mailles, tenant de grands boucliers rutilant sous les rayons du Soleil. Leurs casques couvraient presque entièrement leurs têtes, tandis qu'ils tenaient en main de longues lances aux grands fers couleur d'or parcourus de motifs comme de fins branchages coulés dans le métal.
Tous les nains les regardèrent avec des visages renfrognés, voire colériques, ce que leur rendirent bien ces gardes. Lorsque les elfes traversèrent le pont avec les nains, les deux gardiens de la porte se saisirent chacun d'une des lourdes poignées et tirèrent pour ouvrir en grand les deux battants. Les nains tentèrent une dernière fois de résister, mais ce fut en vain: les elfes les poussèrent à l'intérieur de la forteresse, sous la colline.
L'elfe aux cheveux blonds, Legolas, fut le dernier à entrer. Son arc était à présent rangé dans son dos et il tenait dans sa main l'épée Orcrist dans son fourreau. Il semblait pensif: à vrai dire la sensation d'une présence derrière eux l'avait toujours titillé durant tout le trajet, ne laissant jamais son esprit en paix. Il s'arrêta d'ailleurs avant de franchir la porte et se retourna une dernière fois, obsédé par cette sensation d'être suivi. Mais il dut se rendre à l'évidence: il n'y avait rien ni personne derrière eux, il était bel et bien le dernier à entrer dans le château. Pensant qu'il devait sûrement s'agir d'une de ces illusions dont la Forêt était chargée, il tourna les talons et pénétra enfin dans la forteresse, les lourds battants de la porte se refermant derrière lui quelques instants plus tard.
Ce fut donc prisonniers et impuissants que les nains posèrent leurs regards sur le cœur du royaume de la Forêt: certains, Thorin notamment, connaissaient cet endroit pour y être déjà venu. Mais ce n'était pas le cas de tous: Fili et Kili par exemple regardaient autour d'eux en ouvrant de grands yeux.
Sous la colline, et s'enfonçant même un peu au dessous du niveau de la terre, était creusé la forteresse des elfes: sur les parois de pierre, des fenêtres laissaient entrer la lumière du jour dont les pâles rayons miroitaient dans les salles et les couloirs du domaine. De nombreux escalier de tous genres et en tous sens, taillés dans la pierre avec de subtiles formes courbes, grimpaient, tournoyaient et se glissaient le long des parois, traversaient d'un étage à l'autre et descendaient dans les fonds de la forteresse, donnant sur des belles portes ou sur de grands balcons. Des lanternes et des lampes formées de feuilles de verre aux formes évoquant fleurs et feuillages diffusaient leur douce lumière dans les endroits les plus sombres.
Pour soutenir la haute voûte, des colonnes étaient directement taillées dans la pierre sur les parois. Mais d'autres sculptées dans de grands et forts troncs d'arbres se dressaient partout ailleurs, la force des âges de ces bois soutenant fièrement cette forteresse érigée au temps jadis.
Des couloirs se promenaient le longs des murs, abritant des portes donnant sur des chambres, des bureaux, des salons et des appartements parfois très luxueux.
Mais les nains n'eurent guère le loisir de contempler tout cela, car les gardes les poussèrent sévèrement et brutalement vers un grand escalier de bois qui montait vers un genre de place centrale. Et lorsque Thorin comprit où ils étaient conduits, une terrible explosion se produit en lui, mélange de colère et d'aversion. Mais il resta digne, son visage impassible, ne voulant montrer aucun signe de faiblesse ou donner l'impression d'être dépassé par la situation. Ils montèrent donc de longs escaliers aux marches taillées dans un bois sombre et millénaire, avant d'arriver à la place qu'ils atteignaient.
Comme un grande terrasse de pierre circulaire, soutenue au dessus du sol par de grandes colonnes de bois, où se tenaient quatre gardes en cottes étincelantes et pareillement armés de ces grandes lances. Mais surtout, au centre de cette estrade, se dressait un trône: un grand trône de bois callé dans un beau socle de pierre en haut de quatre marches supplémentaires. A vrai dire, ce trône était directement taillé dans une énorme racine qui descendait du plafond jusque sur cette terrasse: les bras et le dos du grand fauteuil étaient sillonnés de motifs plus fins les uns que les autres, tandis que son dossier arborait de chaque côté de grandes sculptures de bois à la forme d'immenses bois de cerf, conférant à l'ensemble un aspect incroyablement majestueux.
Et sur ce trône, était assis le maître de ces lieux, de ce royaume tout entier: Thranduil, roi de Vertbois le Grand. Elfe plus droit et majestueux on ne faisait pas: son visage parfaitement lisse, aux traits droits et sévères n'avait d'égal que ses yeux argentés brillant d'une grande puissance et d'une grande détermination. Ses longs cheveux blonds et lisses coulaient comme une trainée de neige brillante sur ses oreilles pointues, tandis que sa tête arborait une couronne sculptée et tressée dans les branches des arbres de la Forêt, et arborant présentement nombre de feuilles rouges et orangées car l'automne étendait encore son voile sur le monde. Mais en été, cette couronne était décorée de feuillages verdoyants et de fleurs éclatantes. Il était vêtu d'un long manteau d'argent, parsemé de cristaux scintillants comme des étoiles, tandis que ses hautes bottes était d'un cuir d'un noir profond.
Lorsque les gardes amenèrent les nains sur la terrasse, au pied du trône, il resta un moment à les regarder de son visage impassible, une lueur de mécontentement et de mépris brûlant pourtant dans ses yeux. Les nains lui rendirent bien ce regard, en particulier Thorin, qui afficha la plus noire des expressions, mais resta tout de même silencieux et digne.
Finalement, Thranduil parla:
"Je ne vous souhaite pas la bienvenue nains, dit-il d'une voix claire mais puissante et sans aucune altération, car la paix a quitté ces bois depuis longtemps et vous êtes bien loin de la ramener avec vous.
-Qu'entendez-vous donc par là? répliqua aussitôt Nori d'un air courroucé.
-Je pense que vous savez aussi bien que moi ce dont je parle, répondit le roi de la Forêt sur un ton toujours aussi calme.
-En tout cas vous n'allez pas tarder à savoir aussi bien que nous pourquoi il ne faut pas s'en prendre ainsi à des nains, espèce de... Commença Dwalin en serrant les poings, mais Balin s'empressa de l'arrêter et fit comprendre à ses compagnons qu'ils devaient le laisser parler.
-Grand roi des Forêts, commença-t-il en s'inclinant bien que son visage affichât tout autant de colère et de réticence que ceux des autres, nous nous trouvons désolés et bien dépourvus, car nous ignorons ce que vous nous reprochez. Et nous demandons précisément à savoir pourquoi vos gardes nous ont aussi brutalement traité et arrêté."
Thranduil baissa les yeux sur ce nain couverts de saleté et de toiles d'araignée qui se tenait devant lui.
"Vous avez de bonnes manières nain, dit-il de ce ton toujours aussi détestablement calme. Curieux pour un criminel de votre genre.
-Excusez-moi? s'offusqua alors Balin en fronçant les sourcils. Un criminel? Depuis quand est-ce un crime que de se perdre en forêt au cours d'un périple?
-C'est un crime depuis que je l'ai décidé, répondit sèchement le roi en haussant enfin le ton. Ces bois sont rongés par un mal étrange et inconnu: les attaques d'immondes créatures contre notre royaume se multiplient. Nous devons nous méfier de tout, et les étrangers ne sont plus les bienvenus dans cette Forêt.
-Si cela peut vous rassurer, reprit alors Balin qui semblait peiner de plus en plus à contenir sa colère et son aversion pour le roi des elfes, je vous demanderais de nous accorder votre confiance et de bien croire que nous n'avions aucune intention hostile ou belliqueuse à l'encontre de vos terres."
Thranduil le fixa alors d'un regard perçant. Puis, lentement, il se leva et descendit les marches de pierre, les mains jointes dans son dos, foudroyant les compagnons de son regard.
"Prêts à mentir même devant l'évidence... Murmura-t-il entre ses dents. Croyez-vous donc pouvoir dissimuler le mal qui a été fait?"
Les nains restèrent silencieux, le regardant avec des yeux pleins de reproches et de questionnements.
"J'ignore comment et pourquoi vous avez lancé pareil ouragan de neige et de glace sur notre grande Forêt, mais je suis prêt à renier tout ce que je sais s'il n'y avait aucune intention hostile ou belliqueuse derrière cela, déclara-t-il d'un ton froid. Les dommages ont été effrayants: des arbres ont été déracinés, des créatures tuées et mes gens ont encouru un grand danger en faisant face à cette tempête. Qui vous a envoyés? Comment avez-vous accompli pareil prodige? Sans doute est-ce un sort ou un parchemin confié à des rivaux de notre peuple par un quelconque sorcier qui se plaît à faire dépérir notre Forêt jour après jour."
Il fixa les nains avec à présent une véritable colère dans son regard.
"Vous trouvez-vous toujours si innocents? demanda-t-il entre ses dents."
Les nains se jetèrent des regards soudain gênés et anxieux: les elfes croyaient donc qu'ils avaient eux-mêmes déclenché le terrible blizzard qui avait ravagé les bois. Ils étaient bien sûr accusés à tort, mais ils ne dirent rien au sujet d'Elsa, ni même de Bilbon, ne voulant pas compromettre la liberté de leurs compagnons, et gardèrent le silence, résolus à affronter le sort qui venait de les saisir.
"Quelles étaient donc vos intentions en agissant ainsi? demanda à nouveau Thranduil avec un visage dur. Par qui ou par quoi avez-vous été amenés dans ces bois? Que veniez-vous y faire? Pourquoi donc..."
Mais soudain, il s'arrêta net lorsque son regard se posa sur Thorin, qu'il sembla reconnaître immédiatement. La colère disparut alors de son visage pour laisser un moment place à la déconcertation la plus totale. Puis soudain, un éclair sembla illuminer son esprit, comme s'il venait enfin de comprendre quelque chose. Un étrange sourire satisfait s'étira alors sur ses lèvres fines mais fermes.
"Je vois... murmura-t-il. Emmenez tous les autres je vous prie, je souhaite m'entretenir seul avec celui-ci."
Aussitôt, les elfes qui avaient arrêté les nains dans la Forêt se saisirent à nouveau de tous les compagnons à l'exception de Thorin. Celui-ci tenta alors de faire quelque chose, de venir en aide à ses compagnons, mais l'un des gardes en armure pointa alors sa lance sur lui, l'empêchant d'avancer. Désarmé, Thorin ne put rien faire à part regarder ses camarades se faire emmener, tentant de se débattre et de résister mais ne pouvant rien faire face à tant d'elfes armés.
"Non Thorin! Que lui voulez-vous? s'écriaient Fili et Kili à l'encontre du roi des elfes.
-Vous le regretterez si vous lui faites le moindre mal! hurlait Dwalin en brandissant un poing menaçant."
Thranduil restait impassible, ignorant les protestations des nains.
Ceux-ci furent donc emmenés par les gardes, qui les conduirent dans les bas étages où se trouvaient les geôles. Ici, les murs étaient bien moins finement sculptés, laissant parfois apparaître de grands pans de pierre brute, et de longues racines couraient sur les parois, tandis qu'une cascade sortait du mur en un endroit et faisait chanter ses eaux tombantes dont le murmure résonnait doucement contre les parois, produisant un son assez apaisant, avant de disparaître au fon de la grande cavité pour aller rejoindre maints autres flux souterrains.
Et dans les parois étaient creusées de nombreuses cellules ou de maigres rebords pour s'asseoir étaient taillés dans la pierre. Elles étaient toutes closes par de grandes et solides grilles de métal sombre et forgé.
Les gardes s'empressèrent d'ouvrir ces grilles et de jeter les nains dans les cellules encore libres, avant de refermer les grilles et de les verrouiller à l'aide de clefs forgées dans le bronze et l'argent.
Les nains, à présent furieux, déchaînèrent leur colère contre les elfes.
"On n'en restera pas là! criait Dwalin. Vous entendez?
-On sortira d'ici! reprenait Oïn."
Mais malgré cette terrible fureur, c'était la perte d'espoir qui s'installait au plus profond d'eux: ils avaient peur. Peur pour eux, peur pour leurs deux compagnons restés au dehors et peur pour l'avenir de leur quête. Kili s'accrochait au barreau de sa cellule, regardant avec des yeux tristes les elfes terminer d'enfermer ses amis.
Il serra alors ses doigts autour des barreaux: pour qui se prenaient donc ces elfes? De quel droit les traitaient-ils de la sorte? Il eut envie de crier, de les insulter... Mais il savait pertinemment que cela ne servirait à rien. Et soudain, il vit passer un peu plus loin la belle elfe aux cheveux de feu, et il se remémora le moment où il était totalement impuissant face aux monstres et qu'elle avait surgi de nulle part, sa belle chevelure écarlate flamboyant dans les airs, avant de lui sauver la vie juste à temps. S'il ne lui en voulait pas moins qu'aux autres, il ne put s'empêcher d'admettre que sans elle il ne resterait sans doute plus grand chose de lui à l'heure actuelle. Et encore une fois il ne put lutter et fut comme envoûté par la grande beauté de l'elfe en question.
Celle-ci finit d'ailleurs par remarquer qu'il la fixait, mais détourna rapidement le regard. Et soudain, l'elfe blond remarqua également le regard que portait le nain à sa congénère.
"Pourquoi le nain vous regarde-t-il Tauriel? demanda-t-il dans sa langue d'un ton méfiant.
-Qui sait? répondit simplement celle-ci. Il est plutôt grand pour un nain, ne trouvez-vous pas?
-Plus grand que certains, mais pas moins laid, répondit Legolas avec dédain."
Il jeta un regard noir à Kili, que celui-ci lui rendit bien volontiers, avant de tourner les talons et de s'éloigner avec son amie Tauriel.
D'autres nains, eux, continuaient de laisser sortir leur colère et de tenter par tous les moyens de sortir de leurs cellules. Dwalin et d'autres se jetaient de toutes leurs forces contre les barreaux, espérant finir par les briser, mais ils ne réussirent qu'à se causer du mal.
"Arrêtez, ça ne sert à rien! lança alors Balin pour mettre fin au vacarme inutile. Ce n'est pas un cachot d'Orques, ce sont les salles du royaume des Forêts. Personne n'en sort sans le consentement du roi."
Et au dessus, dans les étages principaux, sur la place du trône, Thranduil et Thorin restaient seuls, entourés seulement des quatre gardes aux longues lances.
Thorin restait droit, digne et immobile, les mains jointes devant lui, mais foudroyant cependant le roi des elfes d'un terrible regard. Thranduil quant à lui, décrivait lentement des cercles autour du roi nain, son manteau argenté traînant derrière lui comme le voile de la nuit traîne ses étoiles au dessus du monde.
Il avait longuement observé Thorin, et semblait avoir lu dans ses yeux. En effet, il avait finalement compris ce que ces nains faisaient dans ses bois: il avait deviné que Thorin menait une marche vers la Montagne solitaire.
"D'aucuns estimeraient qu'il s'agit d'une noble quête, dit-il en parlant de nouveau sur son ton calme et pénétrant. Une quête pour reconquérir un royaume et tuer un dragon."
Il s'arrêta soudain de marcher pour faire face au roi des nains.
"Quant à moi, je soupçonne une raison plus prosaïque, poursuivit-il. Une tentative de cambriolage ou quelque chose de ce genre..."
Alors, lentement, il se pencha sur Thorin, ses yeux argentés le fixant d'un regard perçant.
"Mais quoi que cela soit, il reste dans tous les cas étrange de vous voir soudain ressurgir d'entre les ombres, marchant ainsi droit vers le repaire du dragon. Jamais auparavant vous n'aviez entrepris telle action, ni tenté telle folie... Mais je ne suis pas dupe, ce n'est pas par hasard que vous revenez aujourd'hui Thorin Ecu de chêne: vous avez trouvé le moyen d'entrer."
Thorin trembla soudain intérieurement d'être ainsi démasqué: il se sentait comme nu devant mille lance pointées sur lui. Il leva les yeux pour regarder en face le roi de la Forêt, parvenant cependant toujours à masquer ses émotions.
"Vous cherchez ce qui vous donnerait le droit de gouverner, reprit Thranduil en se redressant et en reculant de quelques pas. Le joyau du Roi: l'Arkenstone. Il vous est précieux au-delà de tout."
Un sourire déplaisant s'afficha sur son visage.
"Je comprends cela, affirma-t-il avant de soudain retrouver une expression sérieuse et froide. Il y a des pierres dans la Montagne que je convoite moi aussi: des gemmes blanches, brillantes comme les étoiles. C'est pourquoi je vous offre mon aide."
En entendant cela, Thorin releva soudain la tête, mais plus par déconcertation que par intérêt. Avait-il bien entendu? Thranduil, le roi des elfes, lui offrait son aide?
Cela était inespéré, bien trop inespéré. Non, il ne se laisserait pas avoir: jamais cet elfe ne lui offrirait ainsi librement son aide. Quelque chose de bien plus sombre se cachait derrière toutes ces belles paroles, Thorin le savait au plus profond de lui. Il en avait fait l'expérience, il connaissait bien les mœurs de ce 'grand roi', et il savait que tout cela n'était qu'une ruse pour obtenir ce qu'il voulait.
Mais il décida de ne pas céder à la colère: un petit sourire douloureux vint étirer ses lèvres, montrant qu'il ne croyait pas aux paroles de l'elfe.
"Je vous écoute, dit-il alors.
-Je vous relâcherai, promit Thranduil, si vous me rendez ce qui m'appartient."
Thorin eut alors un petit rire de dédain, et sortit enfin de son immobilité en tournant le dos au roi, portant son regard sur les murs du château qui se dressait tout autour de lui.
"Une faveur contre une faveur... Marmonna-t-il.
-Je vous donne ma parole, assura Thranduil d'un ton doucereux."
Et à ces mots, Thorin ne put plus se contenir. Son visage se tordit soudain en une rage intense et si ses yeux avaient pu lancer des éclairs, ils auraient foudroyé le royaume tout entier.
"Je ne crois pas que Thranduil, grand roi de la Forêt, honorerait sa parole même si la fin des temps était proche! lança-t-il à voix forte avant de se retourner brusquement vers l'elfe et de hurler en déversant sa fureur. Vous! Vous n'avez pas d'honneur! J'ai vu comment vous traitez vos amis: nous sommes venus à vous par le passé, affamés, sans logis, implorant votre aide... Mais vous n'avez eu aucune pitié, vous avez tourné le dos à la souffrance de mon peuple et au mal qui nous détruisait, vous vous êtes recroquevillé de terreur devant les flammes de Smaug!"
En entendant cela, Thranduil, qui avait affiché un air démuni devant les paroles de Thorin, comme si elles l'avaient touché, prit soudain une expression de rage immense et se jeta presque sur le nain, son visage déformé par la colère n'étant plus qu'à quelques centimètres de celui de l'héritier du trône d'Erebor.
"Ne me parlez pas du feu du dragon! cria-t-il alors d'un ton extrêmement ferme. Je connais sa colère et ses ravages!"
Alors son visage se tordit en une terrible expression de douleur, comme si un grand mal venait de ressurgir en lui. Et bientôt, la peau du côté gauche de sa tête commença à se creuser, à se friper, à laisser apparaître une chair écarlate et calcinée, son sourcil disparut, comme soudainement consumé par des flammes, et son œil argenté devint d'un blanc laiteux. Cela était véritablement terrifiant, et ne manqua pas de faire frissonner Thorin.
"J'ai affronté les grands Serpents des contrées du Nord, siffla-t-il alors, son visage affreusement contracté par la douleur."
Puis finalement, il se redressa et son visage redevint presque instantanément lisse et si admirable. Il avait jadis été gravement brûlé à cet endroit et défiguré à vie, mais il dissimulait cela à l'aide d'un enchantement.
Lui et le roi nain restèrent quelques instants silencieux, à se lancer des regards meurtriers, Thorin révolté par la vile tentative de l'elfe de l'acheter lui et ses compagnons, et Thranduil furieux de voir sa proposition refusée.
"J'ai prévenu votre grand-père de ce que sa soif d'or engendrerait, finit par dire le roi de la Forêt en jetant au nain comme un regard de dégoût, mais il ne m'a pas écouté."
Puis il remonta les marches de pierres afin de regagner son trône. Il lança un dernier regard de mépris à Thorin avant de déclarer:
"Vous êtes comme lui."
Puis il fit un geste de la main, et aussitôt deux des gardes qui se trouvaient là saisirent le roi nain par les bras et commencèrent à l'emmener vers les sous-sols, aux geôles. Thorin se débattit, tenta de résister, mais en vain. Il se contenta de foudroyer une dernière fois l'elfe du regard, pendant que celui-ci lançait de sa voix calme:
"Restez pourrir ici si cela vous chante, une centaine d'années représentent un battement de cils dans la vie d'un elfe. Je suis patient: j'attendrai."
Thorin, tout espoir et toutes force de lutter l'abandonnant, fut conduit dans les étages inférieurs et alla rejoindre ses compagnons dans une des cellules exigües du royaume de Vertbois. Alors tout sembla vaciller autour de lui: le son de la porte de métal qui claqua résonna au loin jusque dans l'infini le plus torturé de son esprit implorant, et les cliquetis des clefs dans la serrure fut comme la morsure d'un terrible serpent. Il se sentait vidé, vidé de toute force, de tout bonheur, de tout espoir... Il était perdu, perdu dans les ténèbres dans les sous-sols de la grande Forêt noire, et plus rien ne pouvait le sortir d'ici. Il ignorait comment il fit pour ne pas succomber au désespoir.
Mais en réalité, celui-ci fut bientôt remplacé par la colère: une colère ardente, entièrement dirigée contre les elfes de cette Forêt et leur roi si prétentieux. Comment? Comment osait-il solliciter leur aide alors même qu'il était prompt à les enfermer comme de vulgaires bêtes dans des cages? Malgré toute leur grâce et leur prétendu raffinement, les elfes n'abritaient qu'un cœur de pierre dans leur poitrine, pensa-t-il amèrement.
Puis soudain, il entendit la voix de Balin qui l'appelait depuis une cellule voisine.
"Thorin, que t'a-t-il dit? demandait-il. Il propose un marché.
-Oui, grogna le roi entre ses dents. Je lui ai dit qu'il pouvait Ishkaqfehr dugnùr. Lui et tous les siens!"
La dernière phrase de Thorin, une infâme insulte chez les nains, jeta un silence pendant quelques instants.
"Eh bien, comme ça c'est réglé, soupira alors Balin.
-Balin, j'espère que tu ne crois pas une seule seconde à ce que propose cet elfe, lança Thorin devant le ton un peu déçu de son ami. Jamais, depuis plus d'un siècle, il ne nous a apporté l'ombre d'une aide. Il reste là, tranquillement assis sur son trône, à nous regarder souffrir dans le monde désolé, un sourire narquois étirant ses lèvres... Et aujourd'hui il voudrait nous proposer un marché? Tout ce qu'il veut c'est se servir de nous pour arriver à ses fins: il est sûrement prêt à clamer que lui et les siens se portent bien mieux depuis que nous ne sommes plus là; pourquoi nous aiderait-il à récupérer la Montagne? Il ne veut que nous utiliser pour trouver un moyen d'entrer dans la Montagne, et une fois que cela sera fait il nous fera tous égorgés par des gardes qu'il aura envoyés à notre suite, et ainsi il pourra s'emparer librement de tout ce que contient la Montagne. Et s'il trouve le carcasse sans vie de Smaug, il enverra certainement ses armées pour s'emparer de ce territoire et l'ajouter aux frontières de son royaume déjà bien trop grand pour lui et qui a gonflé en lui cet ego démesuré! Non Balin, pas une seconde il ne pense à nous aider, il ne veut qu'obtenir ce qu'il souhaite avant de se débarrasser de nous.
-Si je comprends bien, nous avons le choix entre mourir ici de soif et des flétrissures de l'âge ou finir égorgés juste après avoir enfin atteint notre but, observa Nori d'une voix languissante.
-Les horribles maléfices de cette Forêt semblent avoir décidé que tel serait notre sort, approuva le roi dans un souffle de chagrin et de peine.
-Vous avez sans doute raison, soupira Balin en se laissant tomber sur son banc de fortune. Mais un marché était notre seul espoir de sortir d'ici."
Tous se turent alors, n'entendant plus que le silence de mort qui s'emparait de leurs âmes. Mais soudain, la volonté d'acier que Thorin s'était forgé depuis toutes ces années, celle d'enfin un jour retrouver ses terres bien aimées, parvint à faire renaître en lui une infime lueur d'espoir. Il s'approcha alors des barreaux de sa cellule et regarda en haut vers la grande porte du château.
"Non, pas notre seul espoir, murmura-t-il en pensant à deux personnes encore en liberté dans les bois et dont les elfes ignoraient totalement la présence."
Mais hélas, la situation n'était guère plus favorable à Elsa, si tant est qu'elle ne fut pas pire. Elle était seule, perdue dans la noirceur de la Forêt, sans plus aucune trace de son ami Bilbon. Comment avait-elle pu en arriver là?
Elle ne pouvait dire avec précision combien de temps elle avait erré, avançant à l'aveuglette, tremblant jusqu'au bout de ses doigts, mais cela devait bien faire environ un jour à présent.
Elle ignorait comment elle pouvait bien trouver encore le courage d'avancer, comment l'épuisement qui terrassait chacun de ses membres, la terreur qui emplissait son esprit et les ombres qui s'étendaient menaçantes sur sa route n'avaient pas encore réussi à la faire s'écrouler au sol et rester là, à attendre de mourir. Non, par elle ne savait quelle force surhumaine, quelle volonté inconnue de ce monde, elle continuait, continuait de marcher, de chercher, d'espérer retrouver ses amis.
Mais même cette volonté d'acier ne pouvait plus rien pour elle à présent: sa tête tournait plus que jamais, les sifflements et les cris tourbillonnaient dans son esprit, ses jambes contractaient d'affreuses douleurs à chaque pas qu'elle faisait, et elle ne voyait plus rien. Elle avait l'impression d'être devenue aveugle, et d'avoir même perdu l'usage de la parole. De grosses et lourdes larmes qui lui brûlaient les yeux coulaient continuellement sur ses joues à présent: le cadavre du monstre se trouvait loin derrière elle, mais mille de plus semblaient rôder autour d'elle, dans le silence et les ombres. Elle marchait ainsi depuis une éternité, et jamais ne découvrait ne serait-ce que l'ombre d'une piste pour la sortir de ces limbes obscures.
Alors ses dernières forces l'abandonnèrent tandis que l'effroi la gagnait et la paralysait. Des flocons tournaient dans les airs autour d'elle, rasoirs glacés et tranchants qui ne lui étaient d'aucun secours. Elle ne voulait pas mourir ici: non pas qu'elle espérait encore rester en vie, car elle savait qu'à présent la Mort l'attendait à bras ouverts et qu'elle ne pouvait plus reculer. Elle s'était résignée: elle savait qu'elle allait mourir, mais elle ne voulait pas que cela se fasse dans cette monstrueuse obscurité. Elle voulait revoir une dernière fois la lumière du jour, afin de passer de l'autre côté avec un dernier petit sourire apaisé sur les lèvres.
Mais hélas le jour était bien loin, et jamais elle ne pourrait le retrouver. Ni plus que ses amis: où étaient-ils? Que leur était-il arrivé? Elle espérait que Bilbon parviendrait à les retrouver, et qu'enfin ils accompliraient leur vœu le plus cher en retrouvant leur royaume. Au moins les aurait-elle aidé du mieux qu'elle pouvait, avant de les quitter pour toujours.
Mais cette pensée lui était bien pire que douloureuse: elle voulut les retrouver, repartir avec eux à travers le monde. Elle voulut encore lutter contre les hurlements de mort qui assaillaient son esprit. Mais cela ne fit qu'empirer la mal qu'ils causaient, et alors elle sentit la fin venir.
Son esprit sembla s'éteindre, et la vie quitter ses membres. Tout se passa en une seconde, mais lui sembla durer une vie entière. Ses jambes perdirent toute force, et elle bascula en avant, sombrant à jamais dans les profondeurs du désespoir, laissant derrière elle la dernière lueur, la dernière branche à laquelle se raccrocher, le dernier appel qui pouvait l'aider à retrouver ce qu'elle aimait, le plus déchirant des cris d'appel au secours.
"BILBOOOOOOOON!!!!! hurla-t-elle inconsciente, sa voix résonnant stridente dans la Forêt tout entière."
Puis finalement, son front heurta brutalement le sol, et tout s'éteignit en elle. A présent elle gisait là, inerte, sur le tapis de ténèbres, des flocons tournant toujours au dessus d'elle.
Et soudain, un peu plus loin dans les bois, des oreilles pointues se dressèrent. Des elfes vêtus de brun et de vert se tenaient là: ils étaient de nouveau partis patrouiller dans les bois, et venaient de surprendre trois immenses araignées en marche vers le village des bois. Ils avaient réussi à en venir à bout, mais l'inquiétude elle ne devenait que plus forte dans leurs esprits. Jusqu'à quand ces monstres s'acharneraient-ils sur eux?
A la tête de ce groupe de rôdeurs des bois étaient à nouveau Tauriel accompagnée de Legolas. L'elfe blond regardait les corps des monstres d'un air anxieux, tandis que le belle chevelure de feu donnait quelques ordres à ses gardes.
Quand soudain, un cri strident, désespéré résonna un peu plus loin, heurtant leurs oreilles. Tous se dressèrent alors, et tournèrent leurs regards perçants vers l'obscurité d'où avait jailli le son. Qu'était-ce donc que cela? Etait-ce l'un des leurs qui venait d'être attaqué? Ils ne pouvaient pas rester là, ils devaient aller vérifier ça.
Alors ils se lancèrent à travers bois et buissons, fendant l'air obscur avec une grâce et une habileté fascinantes. L'angoisse les gagnait de plus en plus, quand enfin ils atteignirent leur but. Là, par terre, dans un creux de terre, sur un tapis de feuilles mortes, ils virent un corps étendu face contre terre. Le corps d'une jeune femme, aux cheveux d'un blond pâle et frais comme la neige, vêtue d'un haut d'une douce étoffe bleue et d'un pantalon tressé de fils d'argent, surmonté de grandes bottes de cuir souple. Mais ce n'était pas une elfe: ses oreilles étaient tout ce qu'il y avait de plus arrondies, et jamais ils ne l'avaient vue ici auparavant.
Ils restèrent quelques instants perplexe, avant de remarquer dans un sursaut les flocons qui tournoyaient au-dessus d'elle. Ils ouvrirent de grands yeux: que signifiait donc cela? Comment ces perles de l'hiver pouvaient-elle ne se trouver qu'au dessus de cette jeune femme? Et bien vite, ils remarquèrent également que les feuilles et le sol se couvraient de givre sous ses mains, comme si leur contact glacé plongeait le monde autour d'elle dans l'hiver.
Et soudain ils comprirent, même si cela était difficile à croire: cette jeune femme était capable de répandre neige, glace et vent hurlant autour d'elle. C'était donc elle qui avait déclenché la terrible tempête de neige qui avait dévasté les bois environ un jour plus tôt. Mais c'était tout bonnement incroyable: un tel pouvoir n'avait jamais été vu en ce monde, et il semblait pourtant être naturellement implanté en elle. C'était impensable, et assez merveilleux pour tout dire.
Mais, passé la surprise et l'ébahissement, la crainte s'empara de nouveau de leurs esprits: et si cette magicienne était dangereuse? Quelles étaient donc ses intentions? Elle avait déjà déchaîné sa colère une fois, peut-être serait-ce encore pire si elle recommençait... Que devaient-ils faire? Peut-être devaient-ils profiter du fait qu'elle soit inconsciente pour l'emmener en un lieu sûr et tenter d'en savoir plus sur elle à son réveil. Oui, c'était certainement la meilleure solution; mais il fallait être prudent.
Quatre gardes la saisirent alors aux bras et aux jambes, et la hissèrent afin de la porter à hauteur d'épaules.
"Nous rentrons, dit alors Legolas. Et soyez sur vos gardes, elle est peut-être très dangereuse."
Et ainsi, les gardes de la Forêt emmenèrent vers leur royaume une Elsa inconsciente, plongée dans les rêves les plus sombres et plus sinistres.
Un seul membre de la compagnie ignorait pour l'instant tout de la situation dans laquelle se trouvaient ses compagnons.
Après qu'il ait quitté la troupe à l'orée de Vertbois, Gandalf avait chevauché sans répit à travers plaines, champs et collines, sous la pluie, les nuages, le vent et le Soleil. Son cheval robuste et brave l'avait ainsi porté à travers tout le val d'Anduin, sentant chez son cavalier un empressement indiquant l'urgence de la situation.
En effet, le magicien avait été préoccupé durant toute la traversée: ce qu'il avait vu à l'entrée des bois l'avait conforté dans ses craintes et n'avait plus quitté son esprit. Il avait chevauché, les collines et les rochers défilant autour de lui sans qu'il les remarque, et les villages des Hommes coulant leur vie quotidienne sans qu'il y prête attention, car il était bien trop concentré sur son objectif.
Les monts du Rhudaur étaient la dernière chaîne de montagnes constituant l'extrémité Nord des Monts Brumeux. Mais au Nord, les Monts Brumeux bifurquaient preque à angle droit, et ces monts du Rhudaur étaient bien plus orientés dans un axe Est-Ouest que Nord-Sud.
Ainsi le magicien gris avait il chevauché vers le Nord-Ouest, et avait fini par atteindre le lit de l'Anduin. Le fleuve étant peu profond à cet endroit, il avait réussi à traverser à gué, bien que les pattes de son cheval se soient entièrement enfoncées dans l'eau et que ses propres jambes eussent été mouillées. Puis il était reparti de plus belle au galop, son regard anxieux fixé sur l'horizon.
Mais malgré tous ces questionnements et ces inquiétudes, il pensait chaque jour à ses camarades, traversant courageusement la grande forêt de Vertbois qui serait tout sauf tendre avec eux. Il espérait que ce qui l'avait éloigné d'eux ne nécessiterait pas de le retenir longtemps, car il devait aller les retrouver au plus vite sur le promontoire de la Montagne.
Puis enfin, après une semaine de traversée au galop, il finit par atteindre les Monts Brumeux, le sol devenant progressivement plus raide, et l'herbe disparaissant peu à peu pour laisser place aux cailloux et aux rochers. Il arrêta alors sa brave monture épuisée par cette traversée, et en descendit enfin. Car ce cheval ne pouvait plus lui servir pour escalader les pentes escarpées des montagnes, et il avait promis à Beorn de lui renvoyer chacune de ses bêtes. Alors il détacha les rennes du cheval, retira le mors de sa bouche et rangea le tout dans une sacoche à son côté, avant de caresser une dernière fois le museau du bel animal et de lui faire signe de s'en aller.
"Va, retourne chez ton maître, dit-il en pointant l'horizon de son bâton."
Le cheval se détourna alors et repartit au trot, s'éloignant peu à peu sur l'étendue verte. Et alors que Gandalf le regardait avancer vers l'horizon, il murmura:
"Et dis lui d'être sur ses gardes..."
Puis enfin il se tourna vers les montagnes, et dans un soupir d'angoisse en commença l'ascension. Mais il ne pouvait nier qu'il craignait quelque peu ce qu'il pourrait trouver dans ces montagnes, et il pensa qu'il aurait certainement besoin d'aide. Après tout il n'avait été ni le seul ni le premier à remarquer ces choses étranges qui se produisaient ces derniers temps, et d'autres cherchaient également des réponses à ses questions en ce moment même. Il pensa à une personne en particulier: une personne qui lui avait apporté une preuve plus que tangible et inquiétante, et qui devait également trouver des explications à tout cela.
Alors, a un moment lorsqu'il entendit un petit chant fluet au dessus de lui, il leva les yeux et vit un moineau virevolter dans les airs sous les fins nuages grisâtres. Il tendit alors son bâton, et l'oiseau vint presque aussitôt se poser à son extrémité. Gandalf amena alors le moineau près de sa bouche, et commença à murmurer et à siffler. Bien que parler aux animaux ne fut pas sa spécialité, il en était tout de même capable.
"Va trouver Radagast le brun, disait-il dans une succession de sifflements et de gazouillements. Dis lui que Gandalf le gris l'attend dans les caveaux des monts du Rhudaur, et de venir me retrouver là bas le plus vite possible."
Lorsqu'il eut fini, le moineau déploya ses petites ailes et s'envola rapidement, fendant l'air en direction du Sud; Le magicien le regarda s'éloigner quelques instants, puis se retourna de nouveau et commença pour de bon l'ascension de ces montagnes, où il espérait de tout cœur ne pas trouver ce à quoi il s'attendait.
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Flowers with their names forgotten
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
Trampled into dust they're fallen,
Birds with broken wings are crying:
Wind can never take them flying.
Scream and cry but none will hear you,
Plead and beg but none will help you.
You no longer live as cattle:
Will you rise and join the battle?
Pigs will sneer at the steadfast
As we climb o'er the dead, keep advancing ahead!
Live your life in peace like you're just a sheep
But wolves will never lose their freedom.
Channel the anger swelling inside you,
Fighting the boundary 'till you break through.
Deep in your soul there's no hesitation
So make yourself the one - the Hunter!
Hungry to kill, you'll never forget this.
Piercing the sky with scarlet vengeance,
Bloody the bow and arrow in crimson,
Rally the hunters to war.
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