- Le Royaume d'Arendelle -
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Frantzoze
Frantzoze
Légende du Royaume
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty Re: La Reine des Neiges 3

Ven 17 Fév 2023, 10:54
Dans les milieux aristocratiques, que des domestiques puissent être réprobateurs envers le puissant oui ça peut arriver si le/ la domestique a comme fonction d'être le precepteur.
Anna visiblement a du mal à s'affirmer encore comme monarque donc ils tentent toujours d'agir comme ils le faisaient avec la princesse enfant, ça peut encore s'entendre.
Bien que pour Kay qui est un majordome exemplaire, attaché à sa fonction, son rôle et défendant l'institution il est peu probable qu'il critique de front la souveraine, ça serait sans doute plus subtile du genre

"Votre Altesse, je me dois de vous rappeler que la couronne ne peut en aucun cas se permettre une erreur de ponctualité, il en va de la réputation de cette noble institution et j'ose croire que sa Majesté se refusera de compromettre un héritage vieux de plusieurs générations"

D'ailleurs dans le 1 c'est même ainsi qu'il le présente pour la reveiller il ne dit pas "Princesse vous êtes en retard reveillez vous! mais
"Les invités ne vont pas tarder il est temps de vous préparer"
Ce qui en somme vient à dire la même chose Wink

Pour la pudeur d'Anna. Le puritanisme et la pression sociale du XIXè siècle l'explique bien que là encore, étant donné qu'il s'agisse de la reine, la pression sociale n'est plus tout à fait paeil puisqu'elle est au sommet de la hierarchie. Mais c'est tout à fait entendable.
Cependant, en ce qui concerne la pudeur d'Anna, je pense que la meilleure spécialiste de la question sera @Ansa Razz

_________________
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 9)

Ven 17 Fév 2023, 16:29
Chapitre 9
Ryder
 
Depuis l’incident de la Mer Sombre la veille, je n’osais plus sortir de ma cabane. Je restais cloisonné entre mes murs, ne voulant plus affronter le monde extérieur. Je savais que je devrais faire face aux questions et aux remarques des plus curieux, aux chuchotements à mon passage qui se voulaient pourtant discrets mais qui ne l’étaient pas. J’étais celui que tous connaissaient de vue mais à qui on ne parlait quasiment jamais. C’était le moment idéal pour tous ceux attendant des réponses pour enfin venir me parler, recueillant ainsi mon témoignage en faisant semblant de s’intéresser à ma vie. Je me sentais vide de toute émotion, ne réalisant pas tout à fait que j’avais assisté à la mort d’un Northuldra. Je ne le connaissais pas véritablement, je n’avais fait que le croiser au campement. Mais le regard et les pleurs désespérés de ses fils m’avaient anéanti. Je connaissais cette sensation, cette douleur insupportable de perdre un être cher, créant à tout jamais une faille grande ouverte en nous, une blessure ne pouvant cicatriser. Je l’avais de nouveau vécu dans les yeux de ce petit garçon et de ce jeune homme.

Celui-ci m’avait tout d’abord semblé être un parfait inconnu dont la triste histoire m’avait profondément touché. Puis, en rentrant au camp Northuldra en fin d’après-midi, quelques bribes de conversations et de souvenirs m’étaient revenues. Mon cerveau semblait s’être brutalement arrêté de fonctionner, empêchant mes pensées de se former dans mon esprit. Mais, quand j’étais enfin revenu en lieu sûr dans ma cabane, pouvant me mettre au chaud et au sec, les connexions s’étaient finalement rétablies, me permettant de nouveau de retrouver des idées claires. Le visage déconfit d’Honeymaren en voyant cet homme m’était alors revenu en mémoire. Cela avait été mon premier indice. Le second était intervenu dans mon sommeil – que j’avais d’ailleurs eu du mal à trouver. Ces traits, ces cheveux bruns épais, ces yeux gris fatigués… Cet homme était un sosie un peu plus jeune d’Erik, le fiancé de ma sœur. J’avais alors compris. C’était son petit frère. Cela faisait donc d’Erik le fils aîné de l’homme noyé par Nokk. Cette révélation m’avait réveillé en pleine nuit, m’empêchant par la suite de retrouver le sommeil. J’étais ensuite resté éveillé et, comprenant qu’il serait impossible de me rendormir, j’étais resté dans le petit salon, avais allumé quelques bougies et m’étais servi une grande tasse de thé brûlant comme à mon habitude. Honeymaren avait-elle annoncé à son compagnon la triste nouvelle ? Si oui, comment l’avait-il pris ? J’avais avalé la boisson d’une traite, ne me souciant plus des éventuelles brûlures de palais et de langue que cela pouvait me causer.

 Je regardais mes mains que je peinais à réchauffer depuis ma baignade involontaire dans la Mer Sombre glacée. Elles continuaient à trembler de froid incontrôlablement, malgré tous mes efforts. Je ne quittais plus l’énorme couverture de mon lit que j’emportais partout avec moi, m’emmitouflant dedans. Je m’installai confortablement dans un fauteuil du salon, bien décidé à n’en plus bouger. Mes côtes, encore très douloureuses depuis ma chute, m’empêchaient de faire beaucoup de mouvements, me condamnant à rester assis ou allongé la plupart du temps. La porte d’entrée s’ouvrit soudainement, laissant un vent glacial s’engouffrer dans la cabane qui me fit éternuer.

« A tes souhaits », dit par réflexe ma sœur qui venait de me rejoindre.

Je levai la tête vers elle. Elle semblait abattue, certainement épuisée.

« Comment tu vas ? » lui demandai-je en reniflant.

Elle ne répondit pas, se dirigea vers la cuisine, ne me lançant même pas un regard. 

« Honeymaren ? »

Toujours rien. Ma jumelle semblait complètement ailleurs, n’entendant même pas ma voix. Je fronçai les sourcils, inquiet. Elle revint, une tasse fumante à la main et s’assit en face de moi en silence, le regard vide. Ses cheveux étaient à peine coiffés, son teint était pâle, laissant apparaître de gros cernes sous ses yeux.

« Hey, qu’est-ce que tu as ? » tentai-je une nouvelle fois d’une voix que je voulais la plus douce possible.

Je me penchai vers elle.

« Tu peux tout me dire. »

Je posai une main sur la sienne. La jeune femme faillit lâcher sa tasse de surprise au contact de ma peau glacée contre elle. Elle leva enfin les yeux vers moi. Ils n’étaient pas comme d’habitude. Ils semblaient éteints et ternes.

« Honeymaren, tu me fais peur. Qu’est-ce qui ne va… »

Je ne finis pas ma phrase, remarquant une marque bleutée s’étalant de dessous son œil gauche jusqu’à sa lèvre supérieure. Mon cœur s’emballa. Je m’avançai davantage, effleurant du bout des doigts sa joue. Elle recula brusquement et grimaça.

« Qu’est-ce que c’est ?
— Rien…
— Honeymaren ! Ne me mens pas et dis moi la vérité maintenant. »

Ses yeux se remplirent de larmes. Elle détourna le regard, ne supportant visiblement plus de devoir soutenir le mien. Je la regardais durement. Nous nous étions extrêmement rapprochés depuis l’accident. Mais elle avait toujours refusé de me dévoiler ce qu’elle ressentait réellement, malgré mes encouragements dans ce sens.

« S’il te plait… » murmurai-je.

Elle inspira profondément et avala difficilement sa salive.

« Je… Erik est au courant pour la mort de son père… finit-elle par me dire.
— Et alors ? Comment il l’a pris ?
— Assez mal… »

Il y eut un moment de silence. Je fus le premier à reprendre la parole, voyant que la jeune femme ne semblait pas décidée à le faire :

« Honeymaren, tu t’es enfermée dans le silence pendant trois ans après que papa et… » je me stoppai, sachant pertinemment que cela lui faisait du mal.

Je soupirai avant de poursuivre :

« Je ne veux pas que tu te mures de nouveau dans le silence. Pas avec moi. Je suis ton frère. Ton frère jumeau. »

Les larmes de ma sœur s’échappèrent de ses yeux et dégoulinèrent le long de sa joue. Elle n’avait pas pleuré devant moi depuis si longtemps…

« Erik m’a frappée.
— Comment ?
— Erik m’a frappée ! Je dois encore répéter ou c’est bon ? » s’énerva-t-elle.

Je restai bouche-bée.

« Qu’est-ce que tu as fait ?
— Je… enfin… Rien… J’étais comme figée sur place… Je n’ai pas réussi à dire ou faire quoi que ce soit… »

Je sentis la colère monter en moi.

« Quitte-le.
— Quoi ? Tu sais bien que je ne peux pas.
— Et pourquoi ? Ne me dis pas que tu l’aimes, tu ne l’as jamais aimé, je le sais !
— Parce que c’est ce que nos parents auraient voulu ! cria-t-elle.
— Nos parents sont morts Honeymaren ! MORTS ! » hurlai-je en me relevant brusquement.

Ma couverture tomba à mes pieds. Ma sœur me lança un regard horrifié. C’était si rare que nous évoquions leur décès. C’était un sujet tabou, que nous nous étions promis de ne pas aborder. Je savais quel effet cela produisait sur elle. Elle ne le supportait pas. La jeune femme se leva, me foudroya du regard et se dirigea vers la porte d’entrée.

« Où est-ce que tu vas ? »

Elle ne répondit pas. Elle marchait d’un pas décidé, les poings serrés. Elle ouvrit violemment la porte. Je la rattrapai par le bras avant qu’elle ne sorte.

« Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu t’obstines à vouloir rester avec lui. Honeymaren, il t’a frappée !
— Je me suis promis une chose et une seule quand nos parents sont décédés : celle de respecter ce qu’ils auraient voulu pour nous s’ils étaient encore là. Tu ferais bien d’en faire autant ! lâcha-t-elle en se dégageant de mon emprise.
— Je t’interdis de dire que je ne respecte pas les désirs qu’avaient nos parents ! Ils voulaient qu’on ait une vie stable et heureuse, ce qui n’est visiblement pas ton cas !
— Arrête de toujours vouloir te mêler de mes affaires !
— “Tes affaires” comme tu dis me concernent à partir du moment où on te porte atteinte, que ce soit physiquement ou psychologiquement ! »

Elle sortit de ma cabane et claqua la porte derrière elle, me laissant de nouveau seul. J’avais toujours su qu’elle faisait une erreur en se mettant en couple avec Erik. Il ne lui correspondait pas. A vrai dire, c’était même tout son contraire. Il était si sérieux, si autoritaire et solennel. Il m’avait volé la Honeymaren joyeuse et pétillante que je connaissais. Il m’avait volé les quelques moments que je pouvais passer seul avec elle. Il m’avait volé ma sœur.

Je me dirigeai vers la petite fenêtre du salon et regardai à travers. Ma jumelle était assise sur un rocher au milieu du camp Northuldra, à quelques mètres seulement de ma cabane. Elle semblait à la fois furieuse et triste, attrapant des poignées de neige qu’elle tassait pour former une petite boule, avant de la jeter furieusement devant elle. Je soupirai. Honeymaren était encore bien trop accrochée à ses souvenirs. Elle refusait de les laisser s’échapper et s’y attachait désespérément. J’avais réussi à faire le deuil de nos parents contrairement à elle. Leur disparition avait été l’épreuve la plus dure de ma vie mais j’avais finalement réussi à l’affronter.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 10)

Sam 18 Fév 2023, 13:12
Chapitre 10
Elsa
 
Le mauvais temps de la veille ne s’était pas complètement estompé. Le ciel gris, couvert de nuages qui voilaient le soleil, donnait un air maussade à la forêt enchantée. La pluie s’était arrêtée de tomber mais les températures de plus en plus basses présageaient des chutes de neige importantes. Courant d’Air, l’esprit du vent, semblait parfaitement à l’aise en cette période de l’année. Se faisant de moins en moins farouche avec moi, il me suivait régulièrement et n’hésitait plus à se montrer.
Je sortis de ma cabane, après avoir passé une grande partie de la matinée prostrée au fond de mon lit. Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit, ressassant en boucle les mésaventures de la veille. J’avais su que la Mer Sombre était dangereuse – j’étais l’une des mieux placée pour le savoir, y ayant perdu mes parents – mais je n’avais jamais assisté directement à la noyade de quelqu’un. Ce n’était pourtant qu’un inconnu mais je m’en voulais terriblement de ne pas avoir pu le sauver, de ne pas avoir réussi à calmer Nokk. Le cheval se montrait d’ordinaire beaucoup plus docile avec moi. J’étais la seule à pouvoir le raisonner. Mais cette fois-ci, j’avais presque était inexistante à ses yeux, tant il avait été aveuglé par sa colère. Je n’avais pas su correctement jouer mon rôle de gardienne de la forêt enchantée, j’avais laissé mourir un Northuldra…
***    
Le village était vide, ce qui lui donnait presque un aspect fantomatique. Tout était parfaitement calme. Seul le sifflement du vent brisait le silence, faisant voltiger les peaux de rennes recouvrant les tentes. M’avançant de quelques pas,  je découvris bientôt une jeune femme brune assise sur un rocher qui jetait rageusement des boules de neige devant elle, sans véritable but. Je la reconnus presque aussitôt. La jeune femme de la plage, pensai-je. Elle ne semblait pas m’avoir remarquée, continuant inlassablement son petit manège. Je m’approchai silencieusement d’elle.
« Tout va bien ? » lui demandai-je en voyant son air préoccupé.
Elle sursauta au son de ma voix et me dévisagea. Elle se mit immédiatement debout, lâchant la boule de neige qu’elle tenait au creux de sa main et parut embarrassée.
« Euh oui, oui tout va bien », me répondit-elle en évitant tout de même mon regard.
Il y eut un silence gêné.
« Honeymaren ? C’est bien cela ? »
Un sourire illumina son visage
« Exact ! Je ne pensais pas que vous vous seriez souvenue de mon prénom », se réjouit-elle en osant enfin lever les yeux vers moi.
Je souris.
« Tu peux me tutoyer tu sais…
— Oh, vraiment ? Je ne savais pas si je devais… enfin…
— Je vis avec vous depuis quelques mois maintenant… Je n’ai aucune autorité particulière sur les Northuldra ! Il n’y a pas de raison que l’on me vouvoie », la rassurai-je.
La jeune femme se rassit sur son rocher, s’écarta légèrement et me proposa d’un geste de faire de même. Je l’imitais, me retrouvant auprès d’elle. C’était la première fois depuis mon arrivée dans la forêt enchantée que l’on montrait un réel intérêt à discuter avec moi.
« Comment va Ryder ? J’ai cru comprendre que vous étiez assez proches… repris-je, fixant la neige à mes pieds.
— C’est mon frère jumeau. Il va bien. Enfin, je crois. Il a plutôt l’air de bien se porter, répondit Honeymaren d’un ton sec.
— Et toi ? J’ai cru comprendre que tu connaissais ce jeune homme sur la plage ainsi que son père… »
Elle se tut et soupira. Je remarquai une larme couler le long de sa joue. Elle l’essuya rapidement du dos de la main, ne voulant visiblement pas montrer un instant de faiblesse de sa part.
« Je suis désolée, je ne voulais pas… » m’excusai-je.
La jeune femme posa une main sur la mienne et me regarda dans les yeux, un léger sourire aux lèvres. Je fus surprise de ne pas avoir le réflexe de la retirer brusquement comme à mon habitude. Elle ne parut pas spécialement étonnée de ma peau naturellement gelée.
« Ce n’est rien. C’est… Ça va passer. Enfin, je pense », m’assura-t-elle.
Nous nous regardâmes quelques instants, sans un mot. Je me souvenais de son accueil si chaleureux lors de mon arrivée dans la forêt enchantée. Elle m’avait tout de suite mise à l’aise et était l’une des rares personnes ne semblant pas du tout effrayée par mes pouvoirs. Quelque chose chez elle était réconfortant. Son visage même incarnait la gentillesse et une beauté à la fois douce et naturelle. Ses grands yeux bruns reflétaient l’âme d’une personne ayant tout vécu et à qui l’on pouvait tout confier sans la moindre crainte. Je le sentais. C’était une sorte d’évidence. Cependant, je remarquai également une blessure en eux, très profondément enfouie. Ce même regard blessé que je retrouvais chez moi en me regardant dans un miroir.
Honeymaren sembla soudainement intéressée par autre chose et leva doucement sa main vers mon visage. Je reculai légèrement, ne sachant pas ce qu’elle souhaitait.
« Je peux ? » me demanda-t-elle en désignant mes cheveux.
J’acquiesçai, bien que ne comprenant pas vraiment ce qu’elle voulait. La jeune femme saisit doucement ma longue tresse et l’observa attentivement. Au bout de quelques secondes elle releva son visage vers moi. Je lui lançai un regard interrogateur.
« Oh, excuse-moi ! C’est juste que je n’ai pas l’habitude de voir des cheveux aussi clairs ! Nous sommes tous bruns au village… Je n’avais jamais vu une personne avec des cheveux blonds naturels comme les tiens. Ils sont vraiment magnifiques, m’expliqua-t-elle en riant face à mon incompréhension.
— Ne t’inquiète pas, je comprends ! Je ne sais pas si on peut dire qu’ils sont naturellement ainsi. Je suis née avec, mais je ne pense pas qu’ils seraient aussi clairs si je n’avais pas mes pouvoirs. Mon père était blond certes, mais ma mère était très… »
Je n’achevai pas ma phrase, voyant le visage d’Honeymaren se décomposer à l’évocation de mes parents. Je baissai les yeux, soudainement déçue. La jeune femme conservait toujours mes cheveux tressés entre ses mains, continuant à les inspecter dans les moindres détails.
« Iduna n’est plus… très bien vue au village depuis qu’elle a quitté son peuple… Je n’ai jamais vraiment su les véritables raisons de son départ. On m’a toujours dit qu’elle avait suivi notre ennemi… Je… Je n’aime évidemment pas juger quelqu’un sans connaître l’entièreté de son histoire mais…
— Mais personne ne saura jamais ses motivations. Elle est morte en les emportant avec elle… 
— Seule Ahtohallan le sait », conclut Honeymaren.
Je la regardai, ne comprenant pas.
« C’est la source de toutes réponses, reprit-elle.
— Je ne vois pas en quoi cette île pourrait savoir quoi que ce soit à ce sujet.
— Tout comme on ne savait pas en quoi elle pouvait savoir que c’était toi le cinquième esprit. Et pourtant, tu l’as découvert en t’y rendant. »
Honeymaren se leva, me sourit et s’éloigna, me laissant assise seule au milieu du campement Northuldra. Je la regardai encore quelques instants, ses longs cheveux bruns nattés se balançant dans son dos à chacun de ses pas. La jeune femme disparut bientôt à l’intérieur d’une petite cabane, m’abandonnant définitivement. Je regardai mes mains, sentant encore la chaleur de celles d’Honeymaren contre elles.
« Maman, pourquoi tu ne m’as jamais rien dit ? » murmurai-je à moi-même, sachant que je n’aurais pas de réponse.
Je fermai les yeux, tentant de me rappeler le plus précisément possible le visage de ma mère.
*** 
On frappa à ma porte.
« Oui ? » lançai-je tristement.
J’entendis une clé tourner dans la serrure. J’enfilai rapidement mes gants et me postai à l’opposé de la porte de ma chambre, le plus loin possible. Je vis la poignée s’actionner. Ma mère entra, tenant un large plateau entre ses mains, un sourire triste aux lèvres. Elle s’avança jusqu’à mon lit et s’y assit, plaçant le plateau à ses côtés. Un bol de soupe fumante, une assiette recouverte d’une cloche et un verre d’eau y étaient déposés. Je me reculai un peu plus, me retrouvant coincée contre le mur. Ma mère me lança un regard rempli de tristesse et tapota doucement le matelas à côté d’elle, m’invitant à venir m’asseoir. Je fis un « non » de la tête et cachait mes mains dans mon dos.
« Elsa, s’il te plait…  me supplia-t-elle.
— Je ne veux pas te blesser… S’il te plait, va-t-en », murmurai-je en refoulant mes larmes que je sentais prêtes à couler.
Elle se leva et fit quelques pas dans ma direction. Mon cœur s’emballa. J’étais tétanisée par la peur.
« Non, non… »
Mes larmes coulèrent le long de mes joues. Ma mère s’avança encore et tendit une main vers moi.
« Je t’en prie Elsa… N’aie pas peur, il ne se passera rien, j’en suis certaine. Je te fais entièrement confiance », tenta-t-elle de me rassurer.
 Mon ventre émis un léger gargouillis. J’avais faim. L’odeur de la nourriture m’avait ouvert l’appétit. Le visage si doux et bienveillant de ma mère m’encouragea à faire un pas, puis un autre. J’inspirai profondément et, d’une main tremblante, saisis la sienne toujours tendue. Il ne se passa rien au contact de l’une et l’autre. Soulagée, je ne pus me retenir de me jeter sur elle et de la serrer le plus fort possible dans mes bras. Elle parut d’abord surprise et fut légèrement déséquilibrée mais se ressaisit presque aussitôt en s’abaissant à ma hauteur et en me prenant également contre elle. Je n’avais plus l’habitude des contacts physiques depuis que j’avais accidentellement blessé Anna. Tous s’étaient immédiatement éloignés de moi, effrayés par mes pouvoirs. Leur peur avait alors déteint sur moi, me faisant douter jusqu’à empêcher mes propres parents de m’approcher. Cela faisait des mois que je n’avais pas eu droit à un geste d’amour comme celui-ci, tant j’avais mis de barrières entre les autres et moi. Je pleurais dans la robe de ma mère. C’était des larmes de soulagement. Son odeur si agréable me rassurait et m’apaisait. Je sentis sa main caresser doucement mes cheveux dans un geste maternel.
« Je serai toujours là pour toi », me murmura-t-elle.
***   
Quinze ans après, assise sur ce rocher, au milieu de la forêt enchantée, je sentais encore ses doigts rassurants effleurer mes cheveux.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 11)

Dim 19 Fév 2023, 23:07
Chapitre 11
Yéléna
 
La première chose que j’avais entendue en me réveillant à l’aube était des murmures incessants autour de ma tente. Je m’étais levée en poussant un grognement de mécontentement et avais ouvert furieusement les pans de peaux d’animaux recouvrant et protégeant du froid ma petite habitation, m’attendant à tomber nez-à-nez sur des enfants jouant trop près des adultes encore endormis. J’avais été surprise en découvrant un groupe de Northuldra regroupés là. Ils s’étaient tous tu en me voyant mais le silence n’avait pas duré bien longtemps. A peine avais-je ouvert la bouche pour leur demander la raison de ce rassemblement si matinal, que les cris avaient fusé en tous sens :
« Yéléna ! Nous avons encore perdu l’un des nôtres !
— L’esprit de l’eau a tué l’un des Myhre !
— Non, ce n’est pas l’esprit de l’eau qui l’a tué ! C’est Elsa qui n’a rien fait pour l’en empêcher !
— Ceux d’Arendelle sont tous les mêmes ! Ils ne nous apportent que des malheurs ! »
J’avais rapidement mis un terme à ce brouhaha, n’ayant pas encore les idées en place suite à un réveil aussi brutal. Quand j’avais enfin réussi à calmer la petite foule et recueilli les témoignages de chacun, j’avais compris ce qu’il s’était passé. Un nouveau Northuldra avait été victime de la Mer Sombre et de ses dangers. Beaucoup avaient été étonnés de mon manque de réaction face à l’évènement. Mais j’étais habituée depuis bien longtemps à ces tristes nouvelles. Il m’en parvenait chaque année à la même période. Les vociférations de chacun s’étaient faites de plus en plus violentes, prenant Elsa comme cible.  Elle était l’intrus, celle dont le moindre faux pas pouvait conduire à sa perte. La plus petite étincelle pouvait déclencher un brasier sans précédent. Et c’était ce qu’il s’était produit. Tous fulminaient, alors même que certains n’avaient pas assisté à la scène. Ceux qui avaient été présents sur les lieux n’avaient pu entendre que quelques bribes de conversation comportant des éléments de deuxième ou de troisième main, et n’avaient pu distinguer vaguement que le contour de quelques silhouettes à l’horizon, tant la brume avait été importante. Je ne pouvais réellement m’y fier, je le savais. Même si l’idée d’accuser Elsa semblait être la plus facile.
***   
Les géants de la terre me ramenèrent à quelques mètres du campement Northuldra après avoir fait ma promenade matinale dans la forêt. L’air frais me permettait de me changer les esprits, de rester quelques instants seule, sans la moindre préoccupation. Je marchais à présent difficilement dans la neige, mes pas s’y enfonçant un à un. Arrivant enfin à hauteur des premières cabanes et tentes, je vis Elsa, assise au centre du petit village. La jeune femme semblait perdue dans ses pensées. Nous étions seules, aucun Northuldra ne s’était aventuré en dehors de chez lui par ce temps glacial. Je devais m’approcher et lui parler, je n’avais pas le choix. Je me raclai la gorge quand je fus assez proche d’elle. L’ancienne reine se retourna vivement et se mit immédiatement debout.
« Yéléna ! Je ne vous avez pas remarquée…  s’excusa-t-elle.
— J’ai cru le comprendre en effet. »
Nous nous regardâmes un instant en silence. Je m’appuyai sur mon bâton me servant de canne, l’observant attentivement.
« Il n’est pas dans mes habitudes d’accuser quelqu’un sans preuve bien évidemment », commençai-je.
Elsa ne parut pas comprendre, me lançant un regard rempli d’incompréhension.
« Sachez que je ne vous tiens pas responsable de la mort de Monsieur Myhre. Il connaissait les risques en se rendant sur la Mer Sombre, bien qu’elle soit gelée. Simplement, j’aimerais que vous ne vous rendiez plus à Ahtohallan. Cela constitue une tentation bien trop importante pour certains Northuldra qui n’hésiteront pas à vouloir faire de même. Votre capacité à dompter Nokk les a impressionnés. Ils vous considèrent pour beaucoup comme un modèle à suivre, comme un exemple de réussite qui leur coûte la vie quand ils souhaitent vous imiter. Alors, s’il vous plait, arrêtez cela au plus vite. 
— Je ne peux pas, soupira-t-elle.  
— Et pourquoi cela ?
— Parce qu’une grande partie des souvenirs de mes parents se trouvent sur cette île magique. Je ne peux pas y renoncer. Ce serait abandonner une partie de moi-même. Je sais que vous aussi Yéléna vous connaissez cette sensation d’avoir perdu un être cher. Essayez au moins de me comp…
— Je ne considère pas qu’Iduna et Agnarr puissent être des êtres chers aux yeux de qui que ce soit. Je n’autorise personne à comparer vos parents aux miens. Cela vaut donc également et surtout pour vous », l’interrompis-je sèchement.
La jeune femme sembla blessée. Son regard avait subitement changé, trahissant une colère froide face à mon insensibilité.
« Je vous prie de m’excuser », dit-elle en refoulant difficilement des larmes naissantes aux coins de ses yeux avant de s’éloigner en direction des bois.
Je restai plantée au milieu du campement, les mains dans le dos, réfléchissant à ce qu’il venait de se passer. J’étais dure avec Elsa, j’en étais consciente. Mais je ne pouvais faire autrement. C’était impossible. Elle n’était pas des nôtres. Je soupirai et me dirigeai vers ma tente, quelques mètres plus loin.
***   
Rien n’avait été déplacé en mon absence. Rien n’était plus déplacé depuis bien longtemps. Trente-quatre ans exactement. Je ne m’étais jamais véritablement habituée à cette solitude pesante que je retrouvais à chaque fois que je franchissais l’entrée de ma petite habitation. Cependant, je n’avais jamais cherché à la combler d’une manière ou d’une autre non plus. L’idée de trouver une personne avec qui vivre m’avait toujours rebutée. J’étais une femme, mais une femme chef. Je n’avais besoin de personne. Je ne voulais pas avoir besoin de qui que ce soit. J’étais seule, certes, mais cela me convenait. Cela devait me convenir. Je n’avais pas le choix. M’imposer en tant que femme avait été suffisamment difficile. Je ne pouvais pas et n’avais jamais pu abandonner mon statut en m’effaçant aux yeux de tous en choisissant un compagnon qui aurait pris ma place. C’était pourtant ce que faisaient toutes les femmes. Mais pas moi. J’en avais décidé autrement. En cela, j’avais un point commun avec Elsa. Nous étions libres et n’avions besoin de personne pour nous dicter notre conduite. Certainement pas d’un homme. C’était tout ce que je lui reconnaissais.
« Parce que tu reconnais des valeurs aux personnes d’Arendelle maintenant ? »
Ignorer. Continuer à faire comme si de rien n’était.
« Je te pensais plus forte que cela Yéléna. »
Ne pas me faire dicter ma conduite par un homme.
« Mais bon, tu es une femme après tout. Cela doit être dans votre nature de céder rapidement, même face à un adversaire. »
M’allonger. Oui, m’allonger. Ou tout du moins m’asseoir. Maintenant. Le plus vite possible. Avant que je ne rechute, encore une fois, comme bien des années auparavant.
« Elle est comme tous les autres avant elle, tu le sais parfaitement. Elle n’a rien de différent de sa mère ou de son grand-père. »
Je renversai un vase, pourtant vide, qui se brisa sur le sol. Ma vision était de moins en moins nette.
« Ils nous ont trahis. Ils nous ont tous trahis ! »
Je heurtai un tabouret de bois que je n’avais pas remarqué. Tout tournait autour de moi. Je fermai les yeux, ne supportant plus de les garder ouverts. Je tâtonnai dans le vide, cherchant désespérément une surface familière sur laquelle m’appuyer. Je trouvai enfin la petite structure de bois, recouverte d’un amas de peaux de bêtes me servant de lit, et me laissai tomber à genoux.
« Songe Yéléna, songe à ton père ! »
Ne pas écouter.
« Tu es mort il y a trente-quatre ans… TU ES MORT ! » hurlai-je.
Cela devait cesser. Ce n’était plus possible. Il hantait mon esprit, encore et toujours. Je me redressai difficilement en m’appuyant sur mon lit et rouvris les yeux. Je savais que c’était fini. Au moins pour le restant de la journée. J’y avais mis un terme. J’avais perdu la notion du temps et de l’espace, ne sachant ni l’heure ni où j’étais. Je regardai autour de moi. Tout avait été saccagé. Des morceaux de céramique étaient éparpillés au sol. Les quelques meubles de ma tente avaient tous étaient renversés. J’avais laissé tomber mon bâton sans m’en être rendu compte. Je m’abaissai pour le ramasser. Au même moment, les pans d’entrée de ma tente s’écartèrent, laissant apparaître une ombre au sol. Une ombre que je connaissais bien.
« Ton père s’est encore introduit dans ton esprit, n’est-ce pas Yéléna ? »
Je ne relevai pas la tête, sachant pertinemment à qui j’avais affaire.
« Comment le sais-tu ? demandai-je calmement.
— Ce n’est pas bien difficile à en voir l’état de ta tente. »
Je me remis debout, tenant fermement ma canne d’une main et époussetant mon long manteau de l’autre.  
« Mais tu n’es pas simplement venue ici pour m’aider à ranger n’est-ce pas ? insinuai-je tout en remettant en place quelques objets.
— Non, en effet. C’est d’elle dont je suis venue te parler.
— Elle ?
— Celle qui a causé ton trouble à l’instant, Yéléna. Celle qui cause ton trouble depuis des mois.
— Comment peux-tu…
— Je le sais c’est tout. »
Je me retournai. Pour la première fois depuis son arrivée, je regardais la vieille femme se tenant toujours dans l’entrée de ma tente. Je savais qu’elle ne me rendrait pas mon regard.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 12)

Mar 21 Fév 2023, 11:26
Chapitre 12
Honeymaren
 
J’étais assise à côté de la fenêtre, regardant la lumière du jour s’amoindrir petit à petit. Erik mangeait seul sur la large table de bois. Je n’avais pas faim. J’avais perdu l’appétit depuis la veille. Tout me répugnait dans cette cabane. Je ne prêtai plus attention à rien, seulement aux flocons de neige qui commençaient à tomber lentement au-dehors. Etait-ce l’œuvre d’Elsa ? Ou bien la nature jouait-elle simplement son rôle en cette saison hivernale ? Je ne savais pas vraiment. La conversation avec la jeune femme me restait en mémoire. Je n’arrivais pas à me la sortir de la tête. Cela avait été la première fois depuis des mois qu’elle était venue me parler. Mais ce n’était pas tellement la conversation qui m’avait le plus marquée. C’était elle. Elsa avait quelque chose de captivant, nous empêchant de détourner notre attention d’elle en sa présence.
Je frottai doucement le bout de mes doigts entre eux. Je sentais encore ses cheveux doux entre mes mains. Ils étaient si beaux et uniques. Tout comme ses grands yeux bleus. Son regard était intense, bien qu’il puisse paraître froid pour beaucoup. Mais pas pour moi. Je n’avais pas pu m’en détacher. Sa peau pâle et gelée m’avait surprise mais j’avais tout fait pour ne pas le lui montrer. Je savais que l’on l’avait bien souvent blessée en pointant sa différence. Je ne souhaitais pas faire de même. Je savais que cela pouvait être terriblement blessant. Cependant, tout en elle m’intriguait. Elle était… spéciale. Mais je l’admirais tellement. Elsa avait une force de caractère que je trouvais exceptionnelle. Elle ne s’était jamais laissée abattre, même dans les moments les plus difficiles de sa vie. En cela, je me reconnaissais en elle.
Un bruit d’assiettes s’entrechoquant me tira soudainement de mes pensées. Je sursautai et lançai un regard froid à Erik. Je savais qu’il l’avait fait exprès, voulant attirer mon attention sur lui. Ne lui donnant pas davantage satisfaction, mes yeux se baissèrent au niveau des pieds de la table. Là, à quelques centimètres seulement, se trouvaient encore les taches de sang qui semblaient s’être imprimées sur le parquet. J’avais pourtant frotté de toutes mes forces à l’aide d’une petite brosse pour les faire disparaître. En vain. Elles étaient destinées à laisser leur marque.
Erik et moi ne nous étions plus adressés la parole depuis la veille. Nous étions comme deux étrangers forcés à cohabiter l’un avec l’autre. Je repensai à ce que m’avait dit Ryder à son propos. Il avait raison. Je n’avais jamais vraiment aimé Erik. Mais avais-je le choix ? Si je le quittais cela déchirerait un peu plus nos deux familles, dont les relations étaient déjà tendues depuis le décès de son père.
« Nos parents sont morts Honeymaren ! MORTS ! »
Les paroles de mon frère résonnaient encore dans ma tête. Ces quelques mots avaient déclenché une vague de culpabilité chez moi. Ce rappel, pourtant inutile, m’avait blessée, encore une fois…
Je sentis une main se poser sur mon épaule. Je ne l’avais pas entendu approcher.
« A quoi tu penses ? »
Je ne répondis pas. Je n’avais pas envie de lui parler, pas après ce qu’il s’était passé.
« Honeymaren ? »
Je l’ignorais. Il ne gagnerait pas. Pas cette fois. Il agissait comme si de rien n’était, prenant un ton bien trop mielleux à mon goût. Erik retourna sans la moindre difficulté la chaise sur laquelle j’étais assise, me plaçant face à lui.
« Qu’est-ce que tu as ? me demanda-t-il en prenant un air innocent.
— Qu’est-ce que j’ai ? Tu oses me demander ce que j’ai alors que tu le sais parfaitement ? »
Le regard du jeune homme changea immédiatement. La petite lueur inquiète – mais hypocrite – que j’y avais décelée quelques secondes plus tôt venait de disparaître, laissant place à un regard froid auquel j’étais bien plus habituée.
« J’ai cru que tu étais passée à autre chose. Je me suis trompé visiblement », dit-il en levant les yeux au ciel.
Mes doigts agrippèrent fermement mon siège. Je luttais pour ne pas perdre mon calme. Je devais faire preuve de sang froid et ne surtout pas lui montrer qu’il pouvait facilement agir sur mon comportement. Je ne pouvais pas lui donner ce plaisir.  
« Tu es aussi bornée que ton frère ! » siffla-t-il entre ses dents.
Je me levai et me dirigeai vers la porte d’entrée, bien décidée à ne pas rester dans cette cabane une minute de plus. Erik m’attrapa rapidement par le bras alors que je n’avais fait qu’un pas.
« Où est-ce que tu vas ?
— Loin de toi ! »
Il me tira violemment vers lui et me força à le regarder dans les yeux avant de s’écrier :
« Quand mes parents m’ont annoncé que je devrais passer ma vie entière avec toi, j’étais loin d’être ravi, crois moi ! Je t’ai toujours trouvée incroyablement têtue et n’ai jamais supporté ta famille, que ce soit tes parents ou ton frère ! Mais je suis condamné à rester avec toi donc tu me feras le plaisir de faire un minimum d’efforts pour rendre ce calvaire un peu moins insupportable ! Tu sais de toute manière que tu n’as pas le choix si tu ne veux pas perdre ton honneur et conserver le peu de dignité qu’il te reste ! »
Je tentai de me dégager de son emprise, de l’éloigner de moi. Je me débattais comme je pouvais mais sa force était bien largement supérieure à la mienne. Il ne semblait même pas dérangé par mes coups, conservant sa main fermement resserrée autour de mon bras.
« Lâche-moi ! criai-je.
— Heureusement que tes parents sont morts ! Ils auraient honte de ton comportement », m’asséna-t-il, ignorant mes protestations.
Ses paroles furent comme un coup de poing en plein ventre. Je me sentis soudainement vide, sans la moindre force pour lutter. Mes pensées s’embrouillèrent dans mon esprit. Il me relâcha subitement, sentant que je n’étais plus en capacité de faire le moindre geste. Je dus me raccrocher à la chaise restée près de la fenêtre pour ne pas tomber. Mes jambes ne voulaient plus me porter. Tout mon corps semblait vouloir s’effondrer. Honeymaren reprends-toi, je t’en prie, m’intimai-je. Trop tard. Des larmes coulèrent sur mes joues, montrant une fois de plus la faiblesse que je voulais pourtant tenir cachée.
***   
La nuit était tombée depuis plusieurs heures. Je n’avais pas fermé les volets de la chambre, laissant les rayons de la lune s’immiscer dans la pièce. J’étais allongée dans un lit que je détestais à présent, aux côtés d’une personne qui me répugnait. Je tournais le dos à Erik. Je ne voulais plus le voir, je ne voulais plus croiser son regard vide d’émotion, vide d’humanité. Je fixais le mur en bois quelques mètres devant moi, sans parvenir à trouver le sommeil. Je fermai pour la énième fois les yeux. La première image à se former dans mon esprit fut celle d’Elsa. Que ferait-elle dans ma situation ? me demandai-je. Son ancien statut de reine avait dû l’amener à ce genre d’impasse, la coinçant entre son devoir et ses sentiments personnels. Elle a forcément dû se sentir opp… Je ne pus achever ma pensée. Le bras d’Erik s’enroula autour de ma taille. Pensant qu’il était en train de rêver, je tentai de le repousser. Son bras ne se dégagea pas, au contraire, je sentis son corps entier se presser contre le mien. Mon pouls s’accéléra. L’angoisse montait petit à petit. Calme-toi Honeymaren, il doit être en train de dormir. Je regardai par-dessus mon épaule et découvris avec horreur que le jeune homme était parfaitement éveillé. La faible luminosité des rayons de la lune reflétait dans ses yeux. Je pus alors y distinguer une lueur mauvaise qui me fit perdre complètement mon calme. Je fus comme tétanisée, incapable de faire le moindre mouvement. Je sentis sa main s’introduire sous le fin débardeur blanc que je portais. Je fermais les yeux, me mordillant la lèvre inférieure jusqu’au sang. Sentir son goût métallique dans ma bouche me permit de penser à autre chose. Erik me força à me mettre sur le dos. Mon corps ne m’appartenait plus. Mon esprit semblait vouloir s’en détacher à tout prix mais n’y parvenait pas. Que ferait Elsa dans ma situation ? Je ne savais pas. Je ne pouvais pas savoir. Une violente douleur me transperça le bas du ventre. Mes doigts agrippèrent fermement les draps. Je conservais mes paupières closes, je ne voulais pas le voir. Je ne voulais plus jamais le voir. Des paroles paraissant très lointaines me parvinrent comme des murmures, des chuchotements inaudibles. Il me parlait. Mais je ne comprenais pas. Je ne pouvais pas. Depuis combien de temps cela durait-il ? Cinq minutes ? Quinze ? Une heure ? Je ne savais pas. Tout ce que je savais, c’était que cela faisait bien trop longtemps. J’avais mal. Très mal. Bien plus mal qu’après la gifle. Mais la douleur physique était bien moins importante que celle psychologique en cet instant. Que ferait Elsa ? Elle ne resterait certainement pas allongée, immobile, attendant que cela se passe. Je tentai de faire un mouvement, quelque chose, n’importe quoi. J’étais comme clouée au matelas, incapable de faire un geste. Mon corps ne me répondait plus. Je n’étais pas Elsa. J’étais faible.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 13)

Ven 24 Fév 2023, 19:27
Chapitre 13

Anna

 
De la neige. De plus en plus de neige. Depuis mon réveil, de gros flocons n’arrêtaient pas de tomber, s’écrasant mollement sur les pavés de la cour du palais. Je regardais cet apaisant spectacle depuis la fenêtre du Grand Salon. Elsa devait venir le lendemain. Cela faisait presque un mois que je ne l’avais pas vue. Elle me manquait tant. Je n’avais pas passé autant de temps séparée de ma sœur depuis plusieurs années. Cela me paraissait plus difficile que dans le passé, peut-être parce que les contraintes de ma vie de reine me faisaient davantage ressentir le besoin de m’accorder quelques instants de repos avec mes proches. Mais nos obligations respectives nous avaient séparés les uns des autres, nous privant de plus en plus de ces moments de retrouvailles. Les premières semaines avaient été les plus faciles. Nous nous retrouvions régulièrement. Elsa n’avait pas hésité a quitté la forêt enchantée pour rentrer de temps en temps à Arendelle. Mais, au fil des mois, nos situations s’étaient complexifiées pour l’une et l’autre. J’avais eu de moins en moins de temps libre, me faisant rapidement submerger par toutes les tâches administratives, sociales et politiques. Beaucoup des anciens ministres d’Elsa avaient démissionné, soit ne supportant pas l’idée d’un passage de pouvoir aussi brutal, soit jugeant nécessaire de se retirer pour me laisser faire mon propre choix concernant ceux qui m’accompagneraient durant mon règne. Cette période m’avait semblé terriblement longue et éprouvante et m’avait obligée à m’éloigner de ceux que j’aimais.

Ma sœur m’avait promis de m’assister lors de la venue des ambassadeurs étrangers à Arendelle. Son aide et ses conseils ne pouvaient que m’être utiles. Je ne savais pas comment m’y prendre. Je n’avais jamais fait cela auparavant. Je ne voulais pas tout gâcher.
J’entendis la porte s’ouvrir et se refermer derrière moi. Mon regard ne se détacha pas de la fenêtre, bien trop absorbé par le ballet silencieux de la neige, formant des petits tourbillons de flocons sous le vent.

« Comment allez-vous Votre Majesté ? »

Je me retournai, reconnaissant le ton moqueur de Kristoff. Je lui souris.

« Mieux maintenant que vous êtes là, lui lançai-je joyeusement, rentrant dans son jeu.
— Devons-nous nous vouvoyer Votre Altesse ou bien n’est-ce pas nécessaire ?
— Eh bien… Je pense que nous sommes suffisamment proches pour tenter le tutoiement. »

Nous nous regardâmes quelques secondes avant d’éclater de rire. Kristoff alla s’asseoir dans le grand canapé face à la cheminée et me proposa de le rejoindre. Je m’installai à côté de lui et vins me blottir au creux de son épaule.

« Je ne pensais pas que tu pouvais te permettre un tel écart, même en pleine journée ! me taquina-t-il.
— Je suis la reine ! Je fais ce que je veux ! Ou presque… »

Nous nous tûmes un instant, profitant de ce moment de bonheur partagé. Le jeune homme passa doucement une main dans mes cheveux, prenant tout de même garde à ne pas défaire mon chignon. J’appuyai un peu plus ma tête contre lui. Son odeur que j’aimais tant me rassurait et m’apaisait, me faisant oublier le monde extérieur et ses problèmes. Lorsque j’étais dans ses bras, je ne pensais plus à rien, seulement à l’instant présent, et laissais de côté mon statut de reine pour quelques minutes de bonheur. Je fermai les yeux, me laissant porter par les caresses de Kristoff dans mes cheveux. Je voulais que le temps s’arrête, nous laissant seuls pour l’éternité. La poitrine du jeune homme se soulevait à chacune de ses respirations. Son rythme lent et régulier me berçait.

« Anna, est-ce que tu as déjà repensé à notre mariage ? Je veux dire à la date, l’organisation, tout ça… »

Je levai la tête et le regardai.

« J’y pense toutes les nuits ou presque ! Mais je n’ai jamais vraiment prévu quelque chose de concret…
— Je pense qu’il vaudrait mieux attendre le retour du printemps pour nous marier. L’hiver s’annonce très rude cette année. Cela risque d’être compliqué si nous voulons organiser quelque chose dans les semaines qui arrivent… »

J’eus tout juste le temps d’ouvrir la bouche pour lui répondre avant d’être interrompue par une personne frappant à la porte. Sans en attendre l’autorisation, Kai entra précipitamment.

« Je suis désolé de vous déranger dans un moment de… tendresse, fit le majordome en lançant un regard dédaigneux à Kristoff, mais des lettres des ambassadeurs viennent d’arriver Votre Majesté. »

Je me redressai et attrapai ce qu’il me tendait ainsi qu’un coupe-enveloppe, évitant de prêter attention à son mépris vis-à-vis de celui que j’aimais. Il ne l’avait jamais vraiment apprécié, ne supportant pas l’idée qu’une femme de sang royal puisse vouloir épouser un homme du peuple. Le domestique n’avait jamais osé émettre la moindre réflexion le concernant – sachant pertinemment que je ne l’aurais pas accepté – mais montrait son mécontentement à travers des regards ou un comportement hostile à la présence du jeune homme dans ce château. Je considérais Kai comme quelqu’un d’assez vieux jeu, bien décidé à conserver les codes traditionnels de la monarchie. Mais il m’avait tout de même était d’une grande aide et d’un grand soutien lors du décès de nos parents, s’occupant avec Gerda de mon éducation et de celle de ma sœur, ce pour quoi je lui étais reconnaissante.

« A en croire leurs dates, elles ont été envoyées il y a plus d’une semaine Madame. Nous venons seulement de les recevoir, reprit le majordome, se tenant droit comme un piquet depuis son arrivée.
— Je vous remercie Kai. Vous pouvez disposer. »

Il fit une légère révérence et repartit aussitôt.

« Qu’est-ce qu’elles disent ? me demanda Kristoff en se penchant au-dessus de mon épaule.
— Je ne sais pas. »

Je les ouvris à l’aide du coupe-enveloppe et les parcourus rapidement.
 
Reine Anna,
 
Au vue des importantes chutes de neige prévues dans les jours à venir…
 
 Mes yeux traversaient chacune des lettres de part en part, retrouvant les mêmes mots sur chacune d’entre elles.
 
J’ai le regret de vous annoncer que…
 
Les mains de Kristoff se pressèrent sur mes épaules. Le jeune homme lisait en même temps que moi.
 
Je ne peux prendre la mer dans ces conditions et ne pourrai donc me rendre à Arendelle comme convenu.
 
Toutes les lettres étaient soigneusement signées par un ambassadeur différent, allant de celui d’Espagne à celui d’Angleterre en passant par celui de la France, et portaient toutes leur cachet royal.

« Bon et bien… Je crois que nous serons seuls demain finalement », dit Kristoff en affichant un léger sourire.

Je lui donnai un petit coup de coude, comprenant parfaitement à quoi il faisait référence.

« Je te rappelle qu’Elsa devrait être là normalement – sans vouloir contredire tes plans bien évidemment, le taquinai-je.
— Mais elle ne devait venir que parce que tu recevais la visite des ambassadeurs n’est-ce pas ?
— Oui, mais je ne vais pas lui dire que tout a été annulé. Cela fait si longtemps que je ne l’ai pas vue… Elle me manque vraiment… »

Le jeune homme me sourit.

« Je comprends, ne t’en fais pas, je plaisantais. Enfin à moitié… fit-il en riant. Et puis, cela me fera plaisir de la revoir également. »

Je m’allongeai complètement sur le canapé et déposai ma tête sur ses genoux.

« Kai dirait que…
— Ma tenue n’est pas convenable ? Je sais mais je m’en fiche », le coupai-je.

Kristoff sourit et pencha son visage au-dessus du mien avant de dire :

« J’aime tellement ton tempérament ! Tu es incroyable ! Mais je plains tes domestiques parfois.
— Hey !
— C’est vrai ! Tu as dû leur donner du fil à retordre quand tu étais petite… Et s’ils pensaient en avoir enfin fini, et bien non, c’est encore pire une fois adulte ! »

Nous nous mîmes à rire en même temps. Je me redressai légèrement et embrassai le jeune homme.

« Tu sais que mes domestiques seront bientôt les tiens également ? Tu devras les supporter et inventer des stratagèmes quelconques pour les éloigner quand tu auras besoin d’un moment de tranquillité ! lui fis-je remarquer en riant.
— Je savais déjà tout cela avant de te faire ma demande en mariage, tu sais. Je prends un risque mais je l’accepte ! » dit-il en me faisant un clin d’œil.

 Nous reprîmes notre baiser interrompu et échangèrent des regards remplis d’amour. Je me rallongeai, reprenant ma place sur ses genoux. Je tournai la tête vers la fenêtre. Les flocons tombaient toujours. Les toits du palais étaient maintenant recouverts d’une couche de neige de plus en plus importante. Je savais que ce temps n’était pas prêt de s’arrêter. Je regardai alors de nouveau Kristoff, plongeant mon regard dans le sien que je trouvais si beau.

« Kristoff ?
— Hmmm ?
— Je sais que je ne te le dis pas assez souvent, que je suis beaucoup trop préoccupée par mes devoirs et que je t’ai mis de côté ces derniers mois, mais… Je t’aime. »

Le jeune homme me sourit et écarta doucement une mèche de cheveux rebelle qui me recouvrait le visage. Il caressa délicatement ma joue avant d’ajouter :

« Moi aussi je t’aime Anna. »
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Ven 03 Mar 2023, 17:12
Chapitre 14
Elsa
 
Un éclair zébra le ciel. L’orage venait d’éclater. J’étais allongée dans mon lit. Le bruit du tonnerre semblait lointain mais se  rapprochait petit à petit. Les murs de ma cabane tremblaient légèrement sous les secousses du vent et de la pluie. Mais j’étais protégée. Cependant, je n’arrivais pas à trouver le sommeil. Le vacarme de l’extérieur m’en empêchait. Cela faisait plusieurs minutes que je me retournais sans cesse dans mon lit, ne parvenant pas à me positionner correctement. Après une dernière tentative d’endormissement qui échoua à nouveau, je poussai un soupir, repoussai ma couverture et m’assis sur le rebord de mon matelas. Je m’étirai avant de me relever et d’enfiler un long manteau couleur crème. Je sortis de ma chambre. Je ne savais pas quelle heure il était. Tard sans doute, à en croire l’obscurité qui régnait dans la cabane. Un petit courant d’air frais parcourait de part en part le couloir dans lequel je me trouvais. Je frissonnai. En arrivant dans la salle à manger, je sursautai brusquement, surprise par un nouvel éclair qui illumina subitement la pièce, reflétant l’ombre de branches d’arbres sur le sol. Pourtant, quelque chose me parut étrange. Ces branches n’étaient pas celles arrondies des arbres de la forêt enchantée. Non, celles-ci avaient une forme beaucoup plus complexe et se tordaient davantage. Je me dirigeai vers la porte d’entrée, curieuse. Au moment où je l’ouvris, l’orage sembla s’éloigner presque instantanément. Le ciel noir se dissipa également, passant en quelques secondes de la nuit au jour. Ce fut à ce moment là que je réalisai où j’étais. Ce n’était pas la forêt enchantée. J’en étais bien loin. Je me trouvais à Arendelle. Mais pourquoi ? Je jetai un coup d’œil à l’intérieur de ma cabane. C’était la même que celle se trouvant aux abords du camp Northuldra. Cela ne collait pas. Comment était-ce possible ? Je regardai l’arbre qui m’avait donné tant de doutes quelques instants plus tôt. A peine mes yeux furent posés sur lui que son tronc et ses branches noircirent instantanément et il disparut presque aussitôt, s’émiettant dans le vent. Je fis un pas en arrière, effrayée. Cela ne pouvait être vrai. A mes pieds et sur toute la rue s’étendant devant moi, des ronces surgirent du sol et grimpèrent rapidement le long des murs des maisons présentes. Elles se faufilaient entre les pavés et recouvrirent bientôt toute la rue, empêchant quiconque de se frayer un chemin entre elles. Cependant, il n’y avait personne. J’étais seule. Le royaume d’Arendelle tout entier semblait vide, dépourvu de toute vie humaine. Mon cœur s’emballa. Je refermai ma porte, refusant de voir davantage ce terrible spectacle. Je fermai les yeux et pris ma tête entre mes mains. Je devais perdre la raison et devenir complètement folle, il n’y avait pas d’autre explication. Je devais retrouver mes esprits au plus vite et me convaincre que tout ce que je voyais était faux. Pourtant, quand je rouvris la porte quelques secondes plus tard, sûre d’avoir été prise d’un excès de folie mais d’avoir enfin réussi à  le contrôler, je revis exactement la même scène. Les ronces étaient toujours là, se faisant de plus en plus nombreuses et infranchissables. Les maisons se faisaient entièrement recouvrir puis, à l’image de l’arbre, noircissaient avant de disparaître tel un tas de cendres dans le vent. Les arbres, les fleurs, les pierres, tout s’évanouissaient petit à petit jusqu’à ne laisser que ces horribles ronces comme seule végétation. Tout était en train de mourir. Ma main se crispa sur la poignée de la porte que je n’avais toujours pas lâchée, si bien qu’une importante couche de givre la recouvrit. J’assistai à ce spectacle, impuissante et complètement désemparée. Je ne pouvais rien faire, simplement subir ce qui était en train de se passer. Soudain, une voix retentit au loin. C’était un cri de désespoir. Un cri déchirant que j’avais immédiatement reconnu. Celui d’Anna. Ma sœur était là, elle aussi. Elle apparut bientôt dans mon champ de vision, de l’autre côté de la barrière de ronces qui nous séparait. Elle hurlait de terreur. Des larmes coulaient le long de ses joues. Mon cœur se serra. Je quittai immédiatement le seuil de ma cabane dont  je n’avais pas osé m’éloigner jusqu’ici. Je courus le plus loin possible, essayant de me rapprocher d’Anna par tous les moyens. Les ronces me stoppèrent rapidement dans ma progression. J’usai aussitôt de mes pouvoirs pour tenter de m’en débarrasser. Celles qui furent gelées semblèrent s’arrêter de pousser. Mais, à peine quelques secondes plus tard, elles reprenaient leur ascension en se dégageant de la glace que je venais de créer. Elles paraissaient invincibles. Pourtant je devais encore essayer, par le sol cette fois-ci, en espérant qu’elles ne survivraient pas si le froid les attaquait dès leurs racines. Ce fut ce que je fis. Je tapai mon pied sur les pavés ce qui eut pour effet de produire une immense couche de glace qui les recouvrit. En vain. Les ronces continuaient à prendre de plus en plus d’ampleur. De nouvelles réussissaient à transpercer ma glace, pourtant épaisse. Anna me remarqua alors, ayant manqué de tomber suite à la création de ce sol glissant.
« Elsa ! » cria-t-elle en courant tant bien que mal dans ma direction.
Comme moi, elle fut rapidement bloquée. Moins d’un mètre nous séparait. Moins d’un mètre seulement. Mais moins d’un mètre de ronces impitoyables. Je tendis une main dans sa direction, la frayant à travers les nombreuses épines. L’une d’entre elles s’accrocha à ma peau et la déchira sur deux centimètres. Du sang apparut sur le dos de ma main. Je l’ignorai et réussis tout de même à atteindre le visage inondé de larmes de ma sœur. Je les essuyai du bout des doigts et lui souris, tentant de la rassurer. Elle saisit ma main, la serrant un peu plus contre elle. Elle renifla bruyamment. Je ne lui en voulais pas. C’était si mignon quand elle le faisait.
« Hey… Tout va bien, je suis là, lui murmurai-je.
— Je t’aime Elsa, dit-elle, les yeux rougis.
— Moi aussi je... »
Soudain, des ronces surgirent entre les pieds de ma sœur et les emprisonnèrent en s’enroulant lentement autour d’eux.
« Anna ! » hurlai-je, paniquée.
Je voulus faire un pas de plus dans sa direction mais impossible. La même chose se produisait de mon côté. J’étais également prisonnière de ces maudites ronces. Celles de me cadette avaient déjà atteint le haut de ses jambes. Elle ne pouvait plus bouger. Je tentai de les geler de nouveau pour nous libérer. Impossible. J’étais une nouvelle fois impuissante face à ce qu’il nous arrivait. Les ronces grimpaient de plus en plus rapidement le long de nos corps. Elles étaient nombreuses. De nouvelles apparaissaient au fur et à mesure. Elles se resserraient autour de nous, nous empêchant de respirer normalement. Anna était déjà presque entièrement recouverte. Seuls le haut de sa poitrine et sa tête étaient encore libres. Je voyais qu’elle parvenait de moins en moins à trouver de l’air. Elle faiblissait à vue d’œil. Mes mains furent bientôt immobilisées également. Je ne pouvais plus essayer de contrer ces ronces grâce à mes pouvoirs. C’était fini. Je sentais leurs épines s’enfoncer dans ma chair au fil de leur avancée. Je mordillai ma lèvre inférieure, tentant de supporter la douleur. J’entendis soudain un faible murmure, un chuchotement presque inaudible. Je levai la tête vers ma sœur. Sa tête s’était à présent faite enlacée par les ronces qui se resserraient toujours autour d’elle. J’aperçus ses lèvres bouger. Elle essayait de me dire quelque chose. Je me concentrai alors le plus possible et compris enfin :
« L’esprit de la terre. C’est à cause de lui. »
Elle répétait cela en boucle. Son corps fut entièrement recouvert, si bien que je ne pouvais plus distinguer la moindre parcelle de sa peau. Les ronces se mirent alors à noircir. Ma sœur poussa un cri.
« Anna ! NON ! » hurlai-je de toutes mes forces malgré le manque d’oxygène.
Comme tout ce que j’avais vu jusqu’ici, l’enchevêtrement de ronces sembla se transformer en cendres avant d’être balayé d’un coup de vent. Une violente douleur me déchira la poitrine. Je venais de perdre ma sœur. Mon cœur semblait se fendre de toute part, tant cela était insupportable.  Les ronces recouvrirent mon visage. Je ne voyais plus rien. Il n’y avait plus le moindre interstice de lumière. Elles se resserrèrent un peu plus contre moi, compressant totalement ma poitrine. Je ne parvenais plus à respirer. Je sentis mon corps tout entier faiblir sous leur pression infernale. Les paroles d’Anna me revinrent alors en mémoire : « L’esprit de la terre. C’est à cause de lui. » Je me retins de pousser un dernier cri de douleur avant de subitement perdre tous mes sens. Je ne ressentais plus rien.
***   
Je me réveillai soudainement et me redressai sur mon lit. Jamais je n’avais fait un tel rêve. Mon rythme cardiaque était rapide. Trop rapide. Je devais me calmer. Je regardai alors autour de moi. Ma chambre était telle que je l’avais laissée avant de m’endormir. Je me levai et ouvris la fenêtre pour regarder à l’extérieur. Je reconnus immédiatement les bouleaux recouverts de neige de la forêt enchantée. Je soupirai de soulagement, même si d’ordinaire je n’aurais jamais douté d’une telle évidence. Cependant, j’avais un mauvais pressentiment. Quelque chose au fond de moi me disait que ce n’était pas comme d’habitude. Je refermai la fenêtre, m’habillai et me coiffai convenablement avant de me diriger vers la porte d’entrée. Au moment de poser ma main sur sa poignée, je me rendis compte que celle-ci était recouverte de givre. J’hésitai quelques secondes puis finis par l’ouvrir pour enfin sortir de ma cabane, évitant de tenir compte de ce détail. Je marchai alors d’un pas décidé vers la rivière – à présent gelée – où les géants de la terre avaient l’habitude de se reposer. En arrivant à ses abords, d’immenses trous dans la paroi rocheuse longeant la berge en face de la mienne confirmèrent mes doutes. Je n’eus pas besoin de la moindre information supplémentaire pour comprendre ce qu’il se passait. L’esprit de la terre avait disparu.
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Sam 04 Mar 2023, 15:07
Wow!
Tu vas trop vite j'ai laissé pendant une semaine et je dois en avoir 7 ou 8 d'un coup à reprendre... Sad
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Sam 04 Mar 2023, 15:25
On lui a dit de mettre à notre rythme (1 ou 2 chapitres par semaine) mais elle n'écoute pas Razz

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Sam 04 Mar 2023, 15:30
Floconnette a écrit:Wow!
Tu vas trop vite j'ai laissé pendant une semaine et je dois en avoir 7 ou 8 d'un coup à reprendre... Sad

Oui désolée je m'en suis rendu compte ! A partir de cette semaine je ne posterai plus qu'un chapitre le vendredi soir (ce que j'ai commencé à faire hier donc)
J'espère que ça ira mieux !
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Sam 04 Mar 2023, 15:31
x.a.l.a.n.d.a a écrit:
Floconnette a écrit:Wow!
Tu vas trop vite j'ai laissé pendant une semaine et je dois en avoir 7 ou 8 d'un coup à reprendre... Sad

Oui désolée je m'en suis rendu compte ! A partir de cette semaine je ne posterai plus qu'un chapitre le vendredi soir (ce que j'ai commencé à faire hier donc)
J'espère que ça ira mieux !
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Moi j'ai pas encore commenté mais je le lis quand je te fais la pagination Wink
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Sam 04 Mar 2023, 15:41
Pareil j'ai vu le début et j'ai perdu le fil (je galère déjà à tenir mon rythme d'écriture alors...)
Il faudra que je prenne le temps de m'y mettre Wink

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Ven 10 Mar 2023, 17:10
Chapitre 15
Ryder
 
Le soleil avait disparu depuis plusieurs heures, laissant place à un ciel gris, couvert de nuages. La fenêtre de ma chambre ne laissait plus passer qu’une faible lumière blanchâtre n’éclairant que très peu la petite pièce. La neige ne cessait de tomber au-dehors, augmentant petit à petit la couche déjà importante qui recouvrait le sol depuis des semaines. Je ne sortais plus de mon lit, restant enfermé dans la pénombre de ma chambre. Mes côtes me faisaient affreusement souffrir. Mais elles n’étaient pas la raison de mon inactivité. Honeymaren n’était pas revenue me voir. Je savais qu’elle m’en voulait d’avoir évoqué la mort de nos parents. Quelque chose d’autre m’inquiétait cependant. La savoir seule avec Erik ne me rassurait pas. Je n’avais jamais eu confiance en lui. Il m’avait toujours paru extrêmement froid, ne laissant jamais paraître la moindre expression sur son visage. J’avais su dès le premier jour qu’il ne conviendrait pas à ma sœur, mais je m’étais tu. Je savais pourquoi elle le faisait, mais ne comprenais pas son obstination à vouloir rester avec quelqu’un qu’elle n’aimait pas et qui ne l’aimait sûrement pas non plus.
Je repoussai ma couverture, prenant mon courage à deux mains pour enfin me lever. Quand je sentis l’air froid circulant dans la pièce venir m’envelopper alors que je n’étais que torse nu, je grommelai et me laissai retomber lourdement dans mon lit, oubliant mes bonnes résolutions tenues à peine une dizaine de secondes. La chaleur de mon lit était bien plus agréable. Je regardai les poutres de bois au plafond. Malgré le peu de luminosité, je distinguais parfaitement leurs rainures. Quelques années plus tôt, Honeymaren m’aurait sorti sans ménagement de mon lit, m’aurait forcé à m’habiller correctement, et m’aurait tiré par l’oreille jusqu’à l’extérieur, me sermonnant qu’elle devait s’occuper de tout et jouer le rôle de mère pour moi. Mais cette époque semblait révolue. Ma jumelle s’était éloignée de moi. Nous vivions séparément, faisant chacun notre vie de notre côté, se souciant à peine de ce que faisait l’autre. Elle me manquait. Elle et ses sautes d’humeur fréquentes. J’avais presque oublié tous les reproches qu’elle me faisait dès huit heures du matin. Je pensais pourtant ne jamais les regretter.
Je souris tristement en pensant à tous les moments en compagnie d’Honeymaren que j’avais pu manquer depuis quelques mois. Je baillai. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était. Depuis l’épisode de la Mer Sombre, j’avais perdu toute notion du temps, passant mes journées enfermé dans ma cabane. Je n’avais pas daigné sortir une seule fois, bien trop inquiet de l’accueil que l’on me réservait à l’extérieur.
Soudain, on frappa à la porte. Je soupirai avant de m’extirper une nouvelle fois de dessous ma couverture. Je ne pris pas le temps de m’habiller et traversai le couloir jusqu’à la porte d’entrée pieds nus, n’ayant sur moi que mes sous-vêtements.
« Tu t’es enfin décidée à revenir ? » lançai-je tout en actionnant la poignée.
Lorsque la porte fut complètement ouverte, je faillis m’étouffer en découvrant Elsa. La jeune femme parut également surprise en me découvrant ainsi et détourna presque aussitôt le regard. Elle avala difficilement sa salive, visiblement gênée. Ses joues se mirent à rosir légèrement, trahissant une forme de honte à me voir dans cette tenue. Je me grattai l’arrière de la tête, également mal à l’aise.
« Euh… Je suis désolé… Je ne pensais pas que… Enfin… Je croyais qu’il s’agissait d’Honeymaren… », me justifiai-je.
Elsa leva de nouveau les yeux vers moi, ne quittant plus mon visage du regard, certainement de peur d’être davantage embarrassée.
« Justement… Je la cherchais. Je pensais qu’elle serait avec toi, dit-elle.
— Elle doit être avec Erik, son compagnon.
— Elle n’est pas avec lui non plus. Je suis allée le voir à l’instant. Il m’a dit qu’il ne l’avait pas vue de la journée. »
Je fronçai les sourcils, soudainement inquiet.
« Tu es sûre ? Tu l’as cherchée partout ? demandai-je, oubliant soudainement de la vouvoyer comme je le faisais pourtant d’ordinaire.
— Oui, dans tout le campement. »
Une boule d’angoisse se forma dans ma gorge. Il était rare qu’Honeymaren quitte le camp Northuldra sans prévenir qui que ce soit. Je ne devais pas montrer mon inquiétude à Elsa. Elle me prendrait certainement pour un frère bien trop protecteur envers sa sœur, alors que cette dernière pouvait simplement être partie se promener.
« Qu’est-ce que tu lui voulais ? repris-je le plus calmement possible.
— Eh bien… Je suis censée retourner demain à Arendelle pour rejoindre ma sœur… Je me demandais s’il était possible que vous me prêtiez un ou deux rennes pour le voyage en traineau. Bien sûr, j’aurais pu venir te le demander directement mais je ne voulais pas te déranger. Je sais que tu as besoin de te reposer en ce moment après ce qu’il s’est passé…
— Ne t’inquiète pas, tu ne me déranges pas. Au contraire, ça me fait du bien de me lever. Ça ne me gêne pas du tout mais… pourquoi ne demandes-tu pas plutôt aux géants de la terre de t’y amener ? Ce serait beaucoup plus rapide qu’en traineau, remarquai-je.
— Je sais bien, j’y ai pensé. Mais ils ont disparu également. Ils sont introuvables. »
Je restai muet. Il y avait quelque chose d’étrange dans ces deux disparitions. Des géants ne pouvaient s’évaporer ainsi dans la nature. C’était impossible. L’air glacial de l’extérieur me fit frissonner, moi qui étais à moitié nu dans l’encadrement de la porte depuis plusieurs minutes. Elsa, elle, ne semblait absolument pas dérangée par le froid. Malgré les températures polaires, elle ne portait qu’une fine robe mauve pâle légèrement décolletée aux manches de dentelle. Ses longs cheveux blond platine avaient été joliment tressés comme lors de son arrivée dans la forêt enchantée. Je regardai ses grands yeux bleus qui me fixaient toujours. Ils avaient quelque chose de captivant. Nul ne pouvait se détacher d’eux une fois que notre regard était plongé dans le sien. La jeune femme avait un visage angélique avec une peau si pâle qu’on pouvait presque la croire en porcelaine. Je baissai alors les yeux vers ses lèvres, perdu dans mes pensées. Je ne remarquai pas qu’elles bougeaient, je n’entendais rien. Je ne faisais même plus attention au silence qui semblait régner depuis une éternité. Non, j’étais concentrée sur la bouche de la jeune femme, ne me rendant même pas compte de la gêne que je pouvais occasionner.
« Ryder ? »
Je commençais à comprendre ce que voulait dire Honeymaren lorsqu’elle parlait d’Elsa comme étant une femme captivante, de par sa beauté et son caractère. Plus rien ne comptait en sa présence. Le temps était comme suspendu.
« RYDER ! »
Je sursautai, tiré brutalement de mes songes par la voix de l’ancienne reine. Elle me lançait un regard plein d’incompréhension. Elle attendait quelque chose. Mais quoi ?
« Tu m’écoutes quand je te parle ? me demanda-t-elle en levant un sourcil dubitatif.
— Euh… je… euh… oui, oui. Tu disais quoi ? » bégayai-je.
Elsa soupira.
« Je te demandais quand est-ce que je pouvais venir pour récupérer les rennes pour mon voyage de demain.
— Oh ! Euh, oui bien sûr. Ce soir. Ce soir ce serait parfait. Attends-moi à côté de l’enclos et je te rejoindrai.
— D’accord, merci. A ce soir alors ! » me lança-t-elle en me faisant un grand sourire avant de repartir, me laissant en caleçon sur le seuil de ma porte d’entrée, toujours grande ouverte.
Je la regardai s’éloigner sous la neige et rejeter en arrière sa longue tresse qui était restée sur le devant de son épaule jusqu’ici.
***   
J’enfilai le plus rapidement possible un pantalon, un pull et un manteau. Il faisait déjà nuit, je devais rejoindre Elsa comme convenu. Je sortis de ma cabane et me dirigeai d’un pas sûr vers l’enclos des rennes. De gros flocons continuaient de tomber, se mêlant à un vent glacial qui m’empêchait de distinguer clairement où j’allais. Je finis par apercevoir Elsa, m’attendant déjà sur notre lieu de rendez-vous.
« Tu en as mis du temps ! Mais au moins tu es habillé cette fois ! » me taquina-t-elle en me voyant arriver.
Je souris, ne me permettant pas de rétorquer quoi que ce soit. Je respectais énormément la jeune femme, je ne voulais pas la froisser. C’était la première fois que quelqu’un se montrait relativement proche de moi. Mais comme toujours, il ne s’agissait ici que d’un service à rendre, non pas d’un véritable intérêt pour ma personne. Cette pensée me fit réaliser qu’une fois encore, j’étais seul.  
« Tu es vraiment sûre de vouloir partir demain ? Je veux dire… Les conditions ne sont pas les meilleures… Tu pourrais te perdre avec une neige et un vent pareils. On ne voit rien au-delà de dix mètres, lui signifiai-je en essayant de masquer ma tristesse.
— J’ai promis à Anna que je viendrai… Nous ne nous sommes pas vues depuis un moment… Elle me manque… »
Elle au moins elle pense à sa sœur, pensai-je. J’ouvris l’enclos, laissant la jeune femme y entrer, puis m’assis sur la barrière.
« Tu peux choisir ceux que tu veux il n’y a pas de… »
Je m’interrompis au milieu de ma phrase. Là, à mes pieds, se trouvait une trace de pas que je connaissais bien. Malgré l’obscurité de la nuit, je reconnus sans difficulté le petit triangle si caractéristique que laissaient les semelles des chaussures de ma sœur. Je m’accroupis, l’observant de plus près. L’empreinte n’était pas fraîche mais n’avait pas été recouverte par la neige grâce aux immenses arbres nous entourant qui avaient certainement dû la protéger.  
« Qu’est-ce que c’est ? me demanda Elsa en revenant vers moi.
— Honeymaren », soufflai-je.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (chapitre 16)

Ven 17 Mar 2023, 21:03
Chapitre 16
Kristoff
 
Cette cabane, isolée au fond des bois. Elle sentait l’aiguille de pin en permanence. Je connaissais parfaitement cette odeur. Cela faisait sept ans qu’elle venait chatouiller mes narines. Je n’aimais pas ce lieu. Je ne l’avais jamais aimé. Il y faisait toujours sombre, même en plein été. Mais c’était l’hiver la pire des saisons. Il me paraissait durer huit mois dans l’année. Je devais alors rester enfermé, seul dans cette vieille habitation que je détestais. Je n’avais rien à y faire à part errer de pièce en pièce à la recherche d’une éventuelle occupation que je ne trouvais jamais. Parfois, je me mettais à genoux sur mon lit, posais mes mains sur le rebord de la fenêtre se trouvant juste au-dessus et regardai les flocons de neige tomber gracieusement au dehors. Je pouvais passer des heures dans cette position, me laissant émerveiller par la beauté de la nature. Je n’avais pas le droit de sortir seul. On me l’avait interdit. Les loups, affamés en cette saison, n’hésitaient pas à s’approcher des hommes. Mais était-ce la seule raison de cette interdiction ? Sûrement pas. Cela suffisait-il pour m’empêcher de la braver ? Non, évidemment. Alors, ne supportant plus d’être enfermé et de devoir observer derrière une vitre ce qui m’enthousiasmait tant, je sortais. La porte, pourtant verrouillée, n’avait jamais été un obstacle pour moi. Je savais depuis bien longtemps où était caché le double des clés. Il suffisait de soulever quelques bûches attendant près de la cheminée pour le trouver.
Je m’asseyais dans la neige, à quelques mètres seulement devant la cabane. J’étais alors entouré d’immenses pins m’ayant toujours impressionné de par leur taille et leur majestuosité. Moi, je n’étais qu’un être minuscule, sans importance, qui ne laisserait jamais de trace dans ce monde comme pouvaient le faire ces grands arbres, debout depuis des dizaines d’années. J’enfonçais mes petites mains dans l’épaisse couche de neige sous moi. Le contact glacé de l’eau cristallisée contre ma peau ne me dérangeait pas. C’était comme si je ne sentais plus rien. Pourtant, au bout d’à peine quelques minutes, mes doigts rougissaient et se raidissaient à cause du froid. J’avais de plus en plus de mal à les bouger. Mais cela m’importait peu. Je m’allongeais sur le sol, me servant de la neige fraîche comme un gigantesque matelas. Et puis j’observais. J’observais un écureuil sauter d’un pin à l’autre, contrôlant parfaitement son délicat atterrissage. J’observais les flocons tourbillonner dans le ciel grisâtre avant de venir se coller sur ma peau. Ils ne résistaient pas longtemps et fondaient aussitôt, formant une petite gouttelette d’eau qui dégoulinait ensuite le long de ma joue ou de mon front. Je fermais les yeux et écoutais le silence de la forêt.
***   
Ce silence je le retrouvais dans cette même pièce. J’étais pourtant bien loin de la forêt, bien loin de ces odeurs, de ces sensations. Je ne sentais pas le froid de la neige sous ma peau. Non, je sentais seulement la douceur de mes draps. Cependant, je savais que le calme régnant ne durerait pas. Il en avait été de même, dix-sept ans auparavant…
***  

Un coup de feu résonna soudain au loin. Je me redressai, paniqué. Je levai la tête vers le ciel. Des corbeaux passèrent au-dessus de moi, poussant des croassements affolés. Je savais ce que cela signifiait. Il arrivait. Je me mis difficilement debout, mes pieds s’enfonçant dans la poudreuse. Je tentai de courir jusqu’à la cabane. Il ne fallait pas qu’il me voit. Pas dehors. J’essayai de pousser la lourde porte de bois. Elle ne s’ouvrit pas. J’avais pourtant pris garde à ne pas la laisser se refermer. Le vent avait dû la rabattre, bloquant ainsi le verrou. Je fouillai dans la poche de mon manteau. La clé n’y était pas. Je me retournai, regardant l’étendue de neige sur laquelle j’étais encore allongé quelques secondes plus tôt. Elle devait forcément être là, quelque part. Il fallait que je la retrouve, et vite. Je me jetai à plat ventre sur le sol, creusant désespérément dans la neige. Il se rapprochait, j’en étais certain. J’entendais presque ses pas. Pourtant, je devais continuer, poursuivre mes efforts pour retrouver cette clé. C’était ma seule chance. Mais il était trop tard. Un homme barbu, grand et de carrure imposante, sortit des bois. Il portait un fusil en bandoulière. Je détournai le regard en apercevant un jeune chevreuil – fruit de sa chasse – sur ses épaules. Du haut de mes neuf ans, je n’avais jamais compris l’intérêt que l’on pouvait trouver à tuer un animal sans défense.
Lorsqu’il me vit allongé au sol, il fondit sur moi, m’attrapa par le bras et me souleva sans aucun effort.
« Kristian ! Qu’est-ce que tu fais ?! Je t’avais pourtant interdit de sortir de la cabane ! Tu sais que c’est dangereux ! Il pourrait t’arriver n’importe quoi ! » rugit-il.
Je ne répondis rien, me laissant tirer par cet homme jusqu’à la porte de la cabane. Il l’ouvrit sans difficulté, sortant l’autre clé qu’il possédait. Je ne me justifiais pas. Je savais que c’était inutile.
« Des fois je ne comprends vraiment pas ce qu’il te passe par la tête ! Je me tue à m’occuper de toi chaque jour. Et qu’est-ce que j’ai en retour ? Un gamin borné qui n’écoute rien de ce qu’on lui dit ! Je commence à comprendre pourquoi tes parents t’ont abandonné ! C’était la meilleure décision de leur vie, même s’ils l’ignorent », continua-t-il en me poussant à l’intérieur.
Il referma la porte derrière lui, nous enfermant de nouveau dans la pénombre de la cabane. Il s’avança jusqu’à la grande table de ce qui nous servait de salle à manger. Il y déposa le chevreuil mort. Une odeur rance régnait dans la pièce. Je fus pris d’un haut le cœur. Cela me répugnait.
« Parfois je me demande pourquoi j’ai accepté de te recueillir ! J’aurais dû te laisser à un autre mais bien sûr je n’ai pas eu le choix ! On m’a refilé un gosse d’à peine deux ans dans les bras sans que je puisse donner mon avis ! Et crois-moi, je regrette de ne pas l’avoir donné ! »
Il prit un grand couteau et commença à dépecer l’animal. Je faisais tout pour l’ignorer, tentant de faire abstraction du cadavre du chevreuil. Mais il n’y avait rien dans cette vieille cabane pouvant capter mon attention suffisamment longtemps. L’homme continua son monologue. Il était habitué à ce que je ne lui réponde pas. Je n’avais pas dit un seul mot depuis des années. Je n’avais pas envie de parler. Pas avec lui. C’était un étranger à mes yeux, bien que nous vivions ensemble depuis que je savais marcher. Sa voix ne parvenait plus à mes oreilles. C’était un bruit lointain dont je ne distinguais pas les paroles. Je n’entendais plus que la lame du couteau frottant contre la table de bois…
***   
Une bourrasque de vent venant bruyamment ébranler ma fenêtre me réveilla. Le visage toujours enfouit dans mon oreiller, les yeux légèrement entrouverts, une image me restait de ce rêve. Un visage, mais pas celui de l’homme barbu dont je n’arrivais à me souvenir que très vaguement. Non, un visage qui se dessinait nettement dans mon esprit. Celui d’un garçon blond d’une dizaine d’années. Je me souvins alors de son air constamment triste et de ses grands yeux marron vides. Il était tout l’opposé de ce que j’étais actuellement, et pourtant, je sentais comme une connexion entre nous. C’était normal après tout. Ce petit garçon était mon double. Kristian était une partie de moi que j’avais enfouie depuis bien longtemps.
Encore abasourdi, je levai les yeux vers la petite horloge de ma chambre. Il n’était que six heures du matin. Il était rare que je dorme aussi longtemps. J’étais d’ordinaire réveillé dès quatre heures. Pourtant, je me sentais bien plus fatigué que d’habitude. Ma nuit avait été horriblement mouvementée. Des souvenirs avaient parfois violemment ressurgis dans mon esprit, volant la place de la quasi-totalité de mes rêves. Ils s’étaient introduits dans ma mémoire pendant que je dormais, le seul moment où je n’étais pas capable de les contrôler, de mettre un frein à leurs incessantes demandes de prendre le contrôle sur moi. Ils avaient fondu sur moi comme un lion aurait bondi sur sa proie. Je pensais pourtant avoir enterré cette période de ma vie. Je m’étais trompé. A la moindre occasion, elle tentait de s’insinuer dans mes pensées de façon presque lancinante. C’était ce qu’il s’était produit et je n’avais pas réussi à l’en empêcher. Je n’avais pas songé ni même rêvé de mes parents depuis des années. Je ne savais que très peu de choses d’eux. Dont mon nom : Bjorgman. C’était mon seul héritage avec les cheveux blonds de ma mère. Ses cheveux avaient été mon dernier souvenir d’elle. Des longs cheveux blonds sous lesquels je m’amusais à me cacher lorsqu’elle me portait dans ses bras. Lorsqu’elle m’avait porté pour la dernière fois. Je m’en souvenais encore, même si j’étais très jeune à l’époque. Mes parents m’avaient amené à bord de leur traineau dans un endroit que je ne connaissais pas de la forêt. Il faisait froid. Ma mère m’avait couvert d’un épais manteau et d’un petit bonnet de laine. Lorsque nous étions arrivés, elle m’avait pris dans ses bras, m’avait serré contre elle avant de me déposer entre les mains d’un homme que je ne connaissais pas. Elle pleurait. Je ne comprenais pas pourquoi. En cet instant, mon père n’avait pas compté. Je ne me souvenais même plus de son visage. C’était un inconnu. J’avais été obnubilé par les larmes de ma mère, elle que je n’avais jamais vue triste jusqu’ici. Par effet de mimétisme, je m’étais mis à hurler et à pleurer également. Elle s’était simplement penchée pour m’embrasser sur le front et me chuchoter ces quelques mots :
« Je veux que tu sois fort, Kristian. Quoi que tu fasses, où que tu sois, je veux que tu sois fort. »
Puis, elle était partie, ne se retournant plus jamais.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 17)

Ven 24 Mar 2023, 20:26
Chapitre 17
Elsa
 
Je retirai ma robe de nuit et enfilai ma tenue de voyage bleue. Cela faisait une éternité que je ne l’avais pas mise. Tout du moins à mes yeux. La dernière fois remontait à mon arrivée dans la forêt enchantée, trois mois auparavant. Je souris en repensant à la rencontre quelque peu spéciale avec les Northuldra. J’avais été impressionnée de voir que ces gens étaient restés enfermés dans cette forêt plus de trente quatre ans sans sourciller, sans se laisser tomber petit à petit dans la folie.
Il était tôt. Le soleil ne s’était pas encore levé. Pourtant, je devais partir maintenant si je voulais arriver à Arendelle avant que la nuit ne soit déjà trop avancée. Je m’installai sur une petite chaise de bois dans ma chambre et coiffai mes longs cheveux. Je grimaçai à chaque fois que la brosse rencontrait un nœud me donnant du fil à retordre. Quand j’eus terminé, je les attachai en queue de cheval, prenant tout de même soin de laisser quelques mèches libres sur les côtés de mon visage. Je repensai au regard de Ryder la veille qui m’avait dévisagée de haut en bas sans la moindre retenue. Il m’avait mise terriblement mal à l’aise, même si j’avais tout fait pour ne pas trop le montrer. Je n’avais pas l’habitude qu’on me regarde ainsi. Autrefois, c’était des regards effrayés auxquels j’avais droit. Celui du jeune homme avait été complètement différent. Il y avait quelque chose de troublant dedans.
Je me levai, enfin prête, et me dirigeai vers la porte d’entrée. Je la poussai. Elle ne s’ouvrit pas. Je tentai une nouvelle fois, m’appuyant un peu plus contre elle. Le résultat fut le même. Elle semblait bloquée. La poignée était inutile et s’actionnait dans le vide. Je calai alors mon épaule contre la porte et accentuai brutalement ma pression. Elle finit tout de même par s’ouvrir difficilement. Je découvris enfin ce qui empêchait une ouverture normale : la neige qui avait continué inlassablement de tomber toute la nuit durant avait bloqué une partie de mon entrée, formant une bosse importante contre celle-ci. Jamais je n’avais vu autant de neige tomber de façon naturelle en aussi peu de temps, bien que ce soit pourtant mon élément, ce qui me définissait. Ce n’était pas normal.
Au dehors, le vent soufflait jusqu’à faire plier les arbres de la forêt enchantée. De nombreuses branches avaient été brisées et gisaient au sol, se faisant rapidement recouvrir par les flocons. La tempête semblait prendre de plus en plus d’importance, minute après minute. Je fis quelques pas dans la neige, m’aventurant enfin à l’extérieur. Les violentes bourrasques manquaient de me faire tomber à chaque nouvelle avancée. Je positionnai mes mains devant mon visage, tentant de distinguer où j’allais au milieu de ce chao. Je reconnus au loin le contour des premières cabanes Northuldra.
***   
Certaines tentes avaient été détruites. Les dégâts avaient été plus importants au sein même du campement qu’en contrebas où j’habitais. Des arbres entiers étaient couchés au sol, cassés en deux par le vent comme s’il ne s’agissait que de simples brindilles. Tout avait été laissé comme tel, laissant l’impression d’un champ de bataille dévasté. Il n’y avait personne. J’étais la seule à oser sortir par cette tempête qui faisait rage.
L’enclos des rennes était vide. Je n’avais pas le choix. Je devais retourner chez Ryder, bien que l’idée de revoir le jeune homme et de potentiellement revivre la même scène que la veille ne m’enchantait pas. Je frappai à la porte de sa cabane. Pas de réponse. Aucun bruit ne provenait de l’intérieur de la petite habitation. Elle semblait elle aussi déserte. Je voulus retenter ma chance. Avant même que mes doigts ne se posent sur la lourde porte en bois, une voix cria derrière moi, tentant de couvrir le vacarme incessant du vent :
« Vous ne trouverez pas Ryder ici. Il est parti cette nuit emmener ses rennes dans les plaines plus au nord pour les y mettre en sécurité. »
Je me retournai, me retrouvant face à Yéléna. La chef Northuldra semblait solidement ancrée dans la neige, ne se laissant nullement déstabiliser par les bourrasques de vent. Elle avait planté son bâton à côté d’elle et s’y tenait fermement d’une main.  
« Comment puis-je le retrouver ? » demandai-je en haussant également la voix.
Elle leva un sourcil interrogateur tout en me lançant un regard glacial.
« Que comptez-vous faire par ce temps ?
— Je dois retrouver ma sœur à Arendelle avant la nuit. »
Le soleil commençait à se lever. Quelques faibles rayons passaient au travers des immenses nuages gris recouvrant le ciel. Je distinguais davantage les traits de Yéléna. Elle semblait épuisée mais conservait son éternelle impassibilité.
« Je vous déconseille très fortement d’y aller, reprit-elle, ne me lâchant pas du regard.
— Mais…
— Sauf si bien sûr vous souhaitez vous perdre ou avoir un accident quel qu’il soit. »
Je soupirai. J’avais fait une promesse à Anna. Yéléna sembla lire dans mes pensées et dit :
« Elle s’en remettra. Vous êtes sa sœur. Elle comprendra votre choix si vous n’y allez pas. Vous aurez d’autres occasions pour vous retrouver.
— Vous devez avoir raison…
— Evidemment. Cependant, si vous y tenez tant que cela, pourquoi ne pas avoir tout d’abord demandé aux géants de vous y emmener ? »
Elle ne semblait pas au courant. Elle ne devait sûrement pas savoir.
« Ils ont… disparu », avouai-je.
La chef Northuldra sembla accuser le coup difficilement. Son esprit semblait s’être envolé au moment où j’avais prononcé ces quelques mots. Son regard était vide. Après quelques secondes d’absence, elle finit par reprendre contenance mais quelque chose semblait tout de même la perturber.
« Vous restez ici, vous ne partez pas », finit-elle par me dire sur un ton sec.
Je crus un instant qu’il pouvait s’agir d’une question mais compris bien vite que ce n’était pas le cas. C’était un ordre. Yéléna me fusilla une dernière fois du regard avant de tourner des talons et de s’éloigner sous la neige qui continuait à tomber. Elle disparut rapidement à ma vue, comme happée par le vent tourbillonnant. Je restai immobile sur le seuil de la cabane de Ryder que je n’avais pas quitté. Que dois-je faire ? me demandai-je intérieurement.
***   
Je retrouvai ma petite habitation. La neige continuait de l’ensevelir petit à petit. Je n’y prêtais plus attention. Mes cheveux étaient recouverts de givre, tout comme mes vêtements. La chaleur environnante de ma cabane commençait à le faire fondre, créant de minuscules gouttelettes d’eau à la place. Je retirai mes vêtements maintenant trempés et les déposai sur le dossier d’une chaise pour les faire sécher. J’entrai dans la petite pièce en face de ma chambre qui me servait de salle de bain et fis couler de l’eau dans la baignoire. Au bout de quelques instants, je m’y plongeai et profitai enfin d’un moment de bonheur et de détente. L’eau chaude me faisait du bien, moi qui avais pourtant toujours été habituée à aimer le froid. Cependant, je n’avais pas vraiment eu le choix…
J’appuyai un peu plus mon dos contre le rebord de la baignoire et défis mes cheveux qui tombèrent également dans l’eau. Je fermai les yeux, pensant à Anna, Kristoff et Sven qui resteraient seuls aujourd’hui. Ils m’attendraient sûrement mais ne me verraient jamais arriver. Je songeai alors à ma sœur et à sa déception quand elle réaliserait que je ne viendrais pas. Cette pensée me fendit le cœur. Elle me manquait terriblement. J’avais parfois l’impression de revivre la séparation que nous avions subie pendant des années. Mais cette fois, c’était différent. C’était nous qui l’avions choisie. Il s’agissait donc d’une autre douleur dont je me sentais quelque peu la cause puisqu’il s’agissait en partie de mon choix. C’était à présent la vie que nous devions mener, chacune de notre côté. Cependant, cela resterait douloureux, comme une blessure cicatrisée qui laissait pourtant une marque indélébile sur notre peau à tout jamais.
J’enfonçai ma tête sous l’eau, ne voulant plus entendre le sifflement incessant du vent contre les parois de ma cabane. J’étais seule, avec mes pensées. Je t’en prie Anna, pardonne-moi, suppliai-je intérieurement.
***   
Je sortis de la salle de bain, une serviette enroulée autour de mon corps nu. Je n’avais pas pris le temps de me rhabiller. Il y avait plus urgent. Je pris une feuille de papier et un stylo plume que je trempai dans un petit récipient d’encre qui était resté sur la table de la salle à manger. Je n’avais pas fait cela depuis longtemps. Cela me déchirait de devoir écrire ces quelques mots d’excuse annonçant que je ne viendrais pas. Je retins des larmes que je sentais prêtes à couler. Ma main tremblait. Je m’appliquais malgré tout à écrire le plus soigneusement possible. Quand j’eus achevé ma lettre de ma signature, je me dirigeai vers la fenêtre la plus proche, priant pour qu’elle ne soit pas totalement recouverte par la neige. Heureusement, elle ne l’était que partiellement. Je pus l’ouvrir sans trop de difficulté. Je positionnai mon majeur et mon pouce au bord de mes lèvres et poussai un léger sifflement. Presque instantanément, une petite brise – bien différente des violentes bourrasques qui continuaient à malmener les arbres – vint m’entourer. Je reconnus aussitôt Courant d’Air, l’esprit du vent, se matérialisant par un minuscule tourbillon de flocons. Avant même que je ne puisse l’en empêcher, il se glissa sous ma serviette, me faisant manquant de la lâcher.
« Hey ! J’ai le droit à un minimum d’intimité tout de même ! dis-je en riant, tout en chassant gentiment l’esprit. Peux-tu apporter cela à Anna s’il te plait ? »
Je lui tendis la lettre que j’avais repliée. Courant d’Air s’en empara, l’emmenant avec lui dans le ciel grisâtre. Je regardai le morceau de papier s’élever dans les airs avant de disparaître derrière les nuages. Je soupirai et refermai la fenêtre.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 18)

Ven 31 Mar 2023, 21:40
Chapitre 18
Yéléna
 
« Silja ! » hurlai-je en entrant brusquement dans la tente de cette dernière.
La vieille femme ne bougea pas d’un centimètre, restant allongée sur son petit lit. Elle ne semblait pas surprise de ma si soudaine visite. Sa tente était l’une des rares à être encore debout, malgré la tempête. Il y avait quelque chose de magique, de surnaturel lorsqu’on y entrait. La nature elle-même semblait ne pas vouloir la détruire, comme s’il s’agissait d’un lieu vénérable qu’on ne pouvait balayer d’un simple coup de vent. La mienne n’avait tenu que quelques minutes avant de s’effondrer sous la violence des rafales. Je ne m’étais pas spécialement battue pour la maintenir droite, coûte que coûte. Cela n’aurait servi à rien. Elle aurait été de nouveau détruite quelques secondes plus tard. Je prévoyais de la remettre en place lorsque le vent se serait calmé.
J’avançai de quelques pas dans la pénombre. Des objets jonchaient le sol. Silja les avait sans doute renversés sans s’en rendre compte. J’étais habituée depuis bien longtemps à cette pagaille. Pourtant, comme à chaque fois, ma maniaquerie prenait le dessus et m’obligeait à tout remettre en place. Et ce fus ce que je fis, une fois de plus.
« Les géants de la terre ont disparu, annonçai-je tout en redressant une jarre en terre cuite.
— Oh, mais je le sais trésor », me rétorqua Silja.
Les surnoms qu’elle me donnait n’avaient jamais rien eu d’affectueux. Elle agissait ainsi avec tout le monde, ne me différenciant aucunement du reste des Northuldra. Elle les prononçait toujours avec une once de moquerie dans la voix, nous rappelant que nous étions inférieurs à elle en tout point. Le petit sourire au coin de sa bouche qui les accompagnait était tout aussi caractéristique de son caractère taquin.
« Dans ce cas, sais-tu également où ils se trouvent ? » lançai-je d’un ton presque de défi.
Silja se redressa et passa en position assise, ne quittant toujours pas son lit.
« Hmmm… Passe-moi le bol sur le meuble à côté de l’entrée Yéléna. »
Je m’exécutais et saisis le récipient contenant un liquide sombre. Je le tendis à la vieille femme qui l’attrapa aussitôt.
« Que comptes-tu faire ? demandai-je, intriguée.
— Boire.
— Boire ?! Mais…
— Ce n’est que du thé chérie… Ne pense pas que tout ce qui se trouve dans cette tente joue nécessairement un rôle important dans le chamanisme… » dit-elle en portant le bol à ses lèvres.
Je la regardai faire, ne sachant que dire. C’était peut-être la première fois que je voyais cette femme faire quelque chose d’ordinaire, elle qui m’avait si souvent habituée à des évènements exceptionnels en sa présence.
« Tu n’as rien remarqué… d’étrange en ce moment ? » reprit-elle.
Je ne comprenais pas où elle venait en venir.
« Non, rien de particulier.
— Eh bien pourtant tu devrais ! Je vois beaucoup de changements Yéléna. Tout ce qui nous entoure change. Que ce soit ton peuple ou la nature. Mais tu sembles bien trop préoccupée par cette jeune femme pour t’en rendre compte.
— Que veux-tu dire ? »
Silja ne répondit pas. Elle se contenta de soupirer et de me tendre le bol à présent vide.
« Remplis-le moi.
— Avec quoi ?
— Avec du thé voyons !
— Mais il n’y a plus de…
— Yéléna… Pourquoi faut-il toujours que tu sois si lente d’esprit ? » m’interrompit-elle.
La vieille femme se leva, se dirigea vers le fond de sa tente où se trouvait le restant d’un feu de bois entouré de pierres. Il n’y avait plus que des cendres et quelques morceaux de bûches carbonisées. Elle saisit une casserole d’eau qu’elle suspendu juste au-dessus. Silja revint s’asseoir sur son lit en face de moi.
« Je ne voudrais pas de nouveau paraître trop terre à terre Silja mais… l’eau ne risque pas de bouillir si tu laisses le feu éteint, remarquai-je.
— Chérie, je le sais voyons… »
Elle claqua simplement des doigts et des flammes orangées jaillirent sous la casserole.
« Voilà qui devrait faire l’affaire… » dit-elle, visiblement satisfaite.
Je restai bouche-bée. Je n’avais jamais douté des capacités de la vieille femme mais elle continuait de me surprendre jour après jour.
« Maintenant que mon thé se prépare… Dis-moi pourquoi ne l’as-tu pas laissée rejoindre sa sœur ?
— Cela aurait été de la folie par ce temps ! Personne ne doit s’aventurer au dehors par une telle tempête de neige ! m’offusquai-je en entendant le ton de reproche qu’employait Silja.
— Hmmm… N’as-tu pas plutôt décidé cela pour la garder à l’œil ?
— Non pourquoi est-ce que…
— Yéléna… Depuis le premier jour tu remets en cause sa présence parmi nous. Depuis le premier jour tu lui reproches indirectement de faire partie du peuple qui nous a trahis. Tu n’acceptes pas l’idée qu’elle puisse retrouver les siens parce que tu crains ces retrouvailles. Ai-je tord ? »
***   
« Yéléna, ne la laisse pas retourner à Arendelle. Elle a décidé de rester parmi nous. Pourquoi faudrait-il qu’elle se rende de nouveau là-bas ? Ce sont nos ennemis. Ne l’oublie pas. Ne m’oublie pas. »
Cette voix dans ma tête. Cette voix qui me hantait depuis trente-quatre ans. Cette voix dont je ne pouvais me débarrasser, même après de nombreuses tentatives. Je la connaissais mieux que quiconque. Elle m’avait bercé à ma naissance et durant toute mon enfance. Aujourd’hui, elle me déchirait l’esprit, m’assénait régulièrement des coups de poignard invisibles sans que je puisse me défendre. C’était trop. Plus que je ne pouvais en supporter. J’avais donc cessé de me battre depuis longtemps. Cela ne servait plus à rien. Quoi que je fasse, elle s’introduisait dans mon esprit sans crier gare, sans que je puisse la contrôler ou l’arrêter. Alors j’avais baissé les bras, pensant qu’elle me laisserait peut-être tranquille si je ne résistais plus, si je me faisais passer pour morte – comme un enfant mettant de côté son jouet, une fois cassé. Mon corps, lui, était bien vivant, mais mon esprit ne l’était pas. Il ne voulait plus l’être pour ne plus donner la moindre occasion à cette voix de se glisser en lui. Mais c’était inutile, je le savais. Cette voix le savait également. C’est pourquoi elle revenait inlassablement avec ce même désir de prendre le contrôle sur moi, sans que je puisse réagir. C’est pourquoi je me laissais faire, ne voulant plus lutter vainement contre plus fort que moi.
« Mais si je n’étais pas là, que ferais-tu ? Tu n’as personne pour te guider Yéléna. Tu n’as que moi. Sans cela, tu es seule. »
Oui, j’étais seule. Mais je l’avais choisi. Je devais en être fière et ne pas me sentir honteuse d’avoir fait ce choix. Je regardai mon bâton et le soleil que j’avais gravé dessus. Le premier symbole sculpté de la main d’une femme. C’était là ma fierté. J’avais fait de nombreux sacrifices pour en arriver là où j’en étais. Je m’étais forgé une solide carapace, prête à faire face à toutes les épreuves que me réservait la vie. J’avais dû me mettre à la hauteur des hommes, montrer que j’étais capable, moi aussi, de diriger un peuple comme ceux avant moi. Cela n’avait pas été facile et m’avait valu la réputation d’une femme froide au cœur de pierre. Peu m’importait. Ce n’était pas là le plus important.
« Si tu en es là, c’est grâce à moi et uniquement grâce à moi, tu le sais. Si je n’avais pas été lâchement assassiné, je serais toujours à ta place. Ton statut ne repose que sur le prix à payer d’une trahison envers notre peuple. »
C’était inutile. Je n’avais plus l’impression d’avoir la place de l’imposteur depuis des années. Il ne me ferait pas culpabiliser. Jamais. Je n’avais eu besoin de personne. J’avais été seule pour maintenir mon peuple et pour le faire aller de l’avant. Et j’étais décidé à ce que cela continue ainsi, quoi qu’il m’en coûte.
« Le faire aller de l’avant ? Tu l’as attiré au plus profond du gouffre en acceptant que cette fille vive parmi nous ! »
Je n’avais pas eu le choix. J’avais eu une dette envers elle. Elsa avait libéré la forêt enchantée, chose que personne d’autre n’aurait pu réaliser. Tous avaient insisté pour qu’elle reste, certains sentant qu’il s’agissait d’un élément essentiel pour protéger notre peuple d’un éventuel futur danger. Je les avais écoutés, mettant pour une fois mes craintes de côté.  Mais c’était surtout moi que j’avais écouté. Cette voix n’avait pas eu le moindre poids dans ma décision. Je ne lui en avais pas donné l’opportunité. J’en avais décidé seule. Etait-ce un regret ? Je ne le savais pas vraiment. Avais-je des scrupules à ne pas avoir suivi ses conseils, ses interventions incessantes dans mon esprit ? Non, certainement pas. Cette voix était une entrave à ma liberté, à ma libre conscience, mon libre-arbitre. Moi qui m’étais toujours battue afin de ne dépendre de personne, je ne pouvais accepter de me faire dicter ma conduite par une simple voix intérieure, différente de la mienne. Une voix appartenant en plus à une personne ayant disparu de la vie réelle depuis des années. Je ne devais pas l’écouter. Je devais tracer mon propre chemin sans dépendre de lui. Sans dépendre de mon père.
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Mer 05 Avr 2023, 08:49
Oh là là j'ai tellement perdu le fil de la lecture, ça défile tellement vite!!! Sad
Les vacances de Printemps arrivent et les jours fériés aussi je vais essayer à ce moment de me rattrapper entre deux révisions promis!!! Very Happy
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Mer 05 Avr 2023, 18:54
Floconnette a écrit:Oh là là j'ai tellement perdu le fil de la lecture, ça défile tellement vite!!! Sad
Les vacances de Printemps arrivent et les jours fériés aussi je vais essayer à ce moment de me rattrapper entre deux révisions promis!!! Very Happy
Je compatis ! Je suis également en période d'examens...
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Mer 05 Avr 2023, 18:55
Ah c'est vrai que c'est des petits jeunes qu'on a ici ! Tu t'en souviens @Frantzoze quand on était en période d'examens et qu'on en avait rien à péter parce qu'on écrivait nos fanfictions ?! XD ce qui est également le cas avec mon inspection de demain Razz

Mais force et courage à vous les pépètes ! Very Happy après c'est tout benef pour vous, vous êtes en vacances ! Razz
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Jeu 06 Avr 2023, 17:42
Nous on est en période réunions de fin d'année
Bulletins à remplir
Examens à préparer!...
Mais voir la peur dans leurs yeux... ca motive!!! Razz

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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (chapitre 19)

Sam 08 Avr 2023, 12:47
Chapitre 19
Kristoff
 
Dix-huit heures. Toujours rien à l’horizon. Le soleil s’était pourtant couché depuis longtemps. Il neigeait toujours. Un air glacial venant du nord annonçait l’approche d’une tempête. J’avais appris à reconnaître les signes de la nature. Elle ne pouvait plus me tromper. Je la connaissais par cœur.
Nous avions laissé toutes les lumières du palais allumées, dans l’espoir de guider jusqu’à nous celle que nous attendions avec impatience. Anna n’en pouvait plus. Cela faisait trois heures qu’elle faisait les cent pas dans le Grand Salon, s’arrêtant régulièrement devant la fenêtre pour observer l’extérieur. Dès qu’elle s’apercevait qu’il n’y avait toujours personne en vue, elle repartait aussitôt, semblant folle d’inquiétude.
« Hey… Je suis sûr que tout va bien, ne t’en fais pas », lui dis-je en la prenant dans mes bras.
Ma tentative pour l’apaiser ne parut pas la calmer. Je sentais son cœur tambouriner dans sa poitrine contre moi. Elle était paniquée.
« Et s’il lui était arrivé quelque chose Kristoff ? Si elle était perdue, seule dans le blizzard ? »
La voix de la jeune femme trahissait son angoisse. Elle leva des yeux rougis vers moi. Elle était au bord des larmes. Je posai doucement une main contre sa joue chaude et embrassai son front. J’affichai un sourire rassurant que je voulais le plus naturel possible. Au fond de moi, je n’étais pas plus rassuré qu’elle. J’espérais qu’il n’était rien arrivé à Elsa, mais son retard commençait sérieusement à devenir inquiétant.
« Elle va arriver d’une minute à l’autre, j’en suis persuadé », tentai-je une nouvelle fois.
Anna se dégagea doucement de mon étreinte, poussa un soupir et se laissa tomber dans le canapé en face de la grande cheminée. Je la regardai faire. Elle était affalée de façon à ce que seuls sa tête et le haut de son dos touchent le dossier, et croisait les bras comme une petite fille attendant impatiemment le retour de ses parents. Je connaissais l’importance qu’avaient ces retrouvailles pour Anna. Sa sœur était tout ce qu’il lui restait comme famille. Elles avaient tout vécu ensemble, que ce soient les moments difficiles ou joyeux. C’était la première fois depuis plusieurs années qu’elles se retrouvaient de nouveau séparées. Anna avait beaucoup de mal à le supporter, malgré ce qu’elle laissait paraître face aux autres. Elle ne pouvait me tromper. Je la connaissais comme peu de personnes pouvaient s’en vanter. Je savais que cette nouvelle séparation lui remémorait des souvenirs douloureux qu’elle aurait préféré oublier à jamais. Elsa était souvent passée bien avant moi dans ses priorités. Je l’avais compris. Le lien qui unissait les deux sœurs était plus fort que tout. Rien ne pouvait le briser. Même pas moi. Mais cela ne me dérangeait pas. Je comprenais parfaitement l’importance qu’avait Elsa dans les yeux d’Anna, et inversement. Elles se soutenaient, quoi qu’il puisse arriver. C’était ce qui avait toujours fait leur force.
Je me retournai vers la fenêtre derrière moi, lâchant des yeux Anna quelques secondes. Les flocons tourbillonnaient dans la nuit noire. La lumière du palais reflétait sur eux, les faisant ressortir dans l’obscurité. Soudain, un violent coup de vent fit trembler la vitre. Un morceau de papier vint alors se coincer dans l’interstice des battants de la fenêtre.
« Qu’est-ce que… », fis-je, étonné.
J’actionnai sa poignée et l’ouvris en grand. La feuille fut alors projetée à l’intérieur par une nouvelle rafale. Je la saisis à la volée, ne lui donnant pas le temps d’aller plus loin. J’entendis Anna se lever et s’approcher.
« Qu’est-ce que c’est ? murmura-t-elle au-dessus de mon épaule.
— Je ne sais pas mais on dirait… une lettre », répondis-je tout en dépliant le morceau de papier.
La jeune femme se pencha davantage.
« C’est l’écriture d’Elsa ! » s’exclama-t-elle en reconnaissant presque immédiatement le style rond et soigné de sa sœur.
Je lui tendis alors la lettre, la laissant découvrir la première ce qu’elle disait. Je me mis à ses côtés et nous lûmes en même temps.
 
Anna, Kristoff,
 
Je suppose qu’au moment où vous lisez cette lettre, vous m’attendez déjà depuis plusieurs heures et j’en suis sincèrement désolée… Cela fait plus d’un jour qu’une terrible tempête de neige fait rage dans la forêt enchantée. Je pense que vous ne tarderez pas à la découvrir par vous-mêmes d’ici peu… Comme vous pouvez vous en douter, je ne peux par conséquent pas venir vous retrouver à Arendelle comme prévu. J’espère que vous me pardonnerez…
 
PS : Promis, je viendrai dès que possible !
Elsa
***   
La pendule de la chambre d’Anna sonna vingt-deux coups. Nous avions finalement passé la soirée seuls, en silence. La jeune femme avait été dévastée après la lecture de la courte lettre de sa sœur. Elle avait refusé de manger, ayant perdu l’appétit. Je l’avais retrouvée dans sa chambre, voulant par tous les moyens la réconforter. Cependant, elle ne semblait pas vraiment d’humeur câline et ne m’avait presque pas adressé la parole de la soirée, tant sa gorge se nouait dès qu’elle ouvrait la bouche. J’attendais donc patiemment dans son lit, la regardant s’affairer derrière le paravent pour se changer. Elle poussait de temps en temps un juron, ne parvenant pas à retirer sa robe seule. Au bout de quelques minutes d’hésitation, je me levai et allai la rejoindre.
« Tu as besoin d’aide ? lui proposai-je.
— Non ! Enfin, oui… Excuse-moi… Je suis un peu sur les nerfs ce soir…
— Je vois ça ! » dis-je en riant.  
Je me mis derrière elle et retirai les liens qui retenaient sa longue robe.
« Je ne sais vraiment pas comment tu fais pour garder ton sang-froid et ta bonne humeur en permanence, me dit-elle tandis que j’arrivais au bas de son dos.
— Oh, je me dis que je n’ai pas vraiment le choix sinon je me ferais tuer ! » plaisantai-je.
Je devinai un sourire sur ses lèvres.
« Voilà. J’ai terminé.
— Merci beaucoup ! »
Je la laissai alors se déshabiller complètement, me retirant de nouveau derrière le paravent pour ne pas la déranger.
« Kristoff ? Est-ce que tu peux me passer une robe de nuit s’il te plait ?
— Bien sûr. Laquelle souhaites-tu ?
— Peu importe. Choisis celle que tu veux. »
J’ouvris alors la penderie et regardai ce qu’elle contenait. Je vis un magnifique bustier en dentelle et souris. Je le tendis à Anna sans hésiter. La jeune femme le saisit depuis l’arrière du paravent, sans véritablement regarder de quoi il s’agissait. Quand elle réalisa enfin ce que je lui avais donné, elle protesta :
« Euh… Kristoff… Ce n’est pas tout à fait ce à quoi je pensais !
— Ah… J’ai cru. Dommage », lançai-je d’un ton blagueur en lui tendant cette fois-ci une robe de nuit bleu marine.
Elle l’enfila rapidement et sortit aussitôt de derrière le paravent, les bras chargés de ses anciens vêtements qu’elle replia et rangea immédiatement. Elle remit également le magnifique bustier à sa place et me lança un regard rieur.  
« Je ne crois pas que ce soit vraiment le moment… dit-elle.
— Pourquoi pas ? Après tout nous étions seuls et sans personne pour nous déranger pour une fois… la taquinai-je.
— L’occasion se représentera ne t’en fais pas. Mais bon… Nous ne sommes pas encore mariés il me semble.
— Dans ce cas, marions-nous au plus vite !
— Kristoff…
— Je plaisante, ne t’en fais pas. Tu sais bien que je ne suis pas pressé dans ce domaine…
— Je sais. »
La jeune femme s’approcha de moi et déposa un baiser sur ma joue.
« C’est aussi pour ça que je t’aime… Beaucoup sont ceux pouvant mettre la pression pour ce genre de choses… » murmura-t-elle.   
Anna alla s’allonger dans son lit. Elle semblait épuisée. Je la rejoignis aussitôt.
« Jamais je ne te mettrai la pression pour ça… Je sais que c’est quelque chose d’important pour toi et… je ne veux surtout pas que l’on pense de toi que tu ne respectes pas le…
— Le protocole ? acheva-t-elle.
— Exactement. »
Il y eut un instant de silence. Nous nous regardâmes sans un mot dans la faible lumière de deux lampes à huile posées sur les deux tables de nuit encadrant son lit.
« Kristoff ?
— Hmmm ?
— Ce n’est pas tellement le protocole qui m’empêche de faire… quoi que ce soit. Je n’ai juste pas encore suffisamment confiance en moi pour…
— Je comprends, ne t’inquiète pas. J’attendrai le temps qu’il faudra. »
Anna me sourit et vint se blottir contre moi. Je l’entourai de mes bras, déposant des baisers dans ses cheveux. Il était si rare que nous puissions être tranquilles plus de cinq minutes. Nous devions en profiter.
Nous nous embrassâmes tendrement. Il était tard. Je savais que je n’étais pas censé être auprès d’elle à cette heure-ci. Mais peu importait. Le monde extérieur n’existait plus vraiment. Nous n’étions que tous les deux. Soudain, on frappa à la porte. Notre seul moment d’intimité de la journée venait une fois de plus d’être brisé en quelques secondes. Anna se retourna, regardant la porte par-dessus son épaule.
« Qui peut bien frapper à cette heure-ci ? se demanda-t-elle à mi-voix, de façon à ce que je sois le seul à l’entendre.
C’était sans compter sur Kai qui répondit presque immédiatement depuis le couloir :
« C’est moi, madame. »
La jeune femme se leva et ouvrit la porte.
« Que se passe-t-il ? »
Le majordome regarda par-dessus son épaule et m’aperçut. Il me jeta une fois de plus un regard dédaigneux et détourna ses yeux de moi pour se focaliser sur Anna.
« Les cuisiniers qui étaient à l’instant en train de nettoyer la vaisselle restante du dîner de monsieur Bjorgman – qui d’ailleurs devrait regagner sa chambre au plus vite – viennent tout juste de m’annoncer une inquiétante nouvelle Votre Majesté. J’ai trouvé préférable de vous en faire part sur le champ.
— De quoi s’agit-il ? demanda Anna, évitant de relever les piques que m’envoyait le domestique.
— Toute la nourriture stockée, pourtant fraîche d’aujourd’hui, a été complètement recouverte de moisissure en à peine quelques heures sans que nous en sachions la raison, madame. »
La jeune femme se tourna dans ma direction. Nous nous jetâmes un regard à la fois rempli d’incompréhension et d’inquiétude.
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 20)

Ven 14 Avr 2023, 18:32
Chapitre 20
Honeymaren  
 
J’étais seule. C’était ce que j’avais voulu. Personne ne savait où j’étais. Moi-même je ne le savais pas. Peu m’importait. Tout ce que je voulais, c’était du calme, de la sérénité, enfin. Je me sentais vide de toute émotion. Mon corps et mon esprit ne ressentaient plus rien. C’était la première fois de ma vie que je ne pensais plus, que je ne voulais plus penser à quoi que ce soit à part moi. Cela faisait quinze ans que je laissais passer les besoins et les envies des autres avant les miens. Cela ne pouvait plus durer, j’en avais assez. Assez de sacrifier ma vie entière pour une cause qui m’avait pourtant toujours tenu à cœur mais qui aujourd’hui remettait toute mon existence en doute. Je m’étais juré au plus profond de mon être de mener ma vie comme mes parents auraient voulu que je la mène. J’avais respecté ma promesse jusqu’ici. Mais quelque chose en moi me disait de suivre mon propre chemin, sans me soucier des voix extérieures. Et c’était ce que je comptais faire.
J’étais allongée dans la neige depuis plus d’une heure, au milieu d’une partie de la forêt que je ne connaissais pas. J’avais marché pendant plusieurs heures durant une nuit et une journée entières, sans véritablement regarder où j’allais. Mon seul but avait été de m’éloigner le plus possible du campement. D’immenses pins remplaçaient les bouleaux que je fréquentais habituellement si souvent. La tête tournée vers le ciel blanchâtre, j’observais les flocons tournoyer avant de venir se déposer sur moi. Je me faisais recouvrir petit à petit mais ne m’en souciais pas. Je me sentais de plus en plus épuisée alors que je ne faisais rien. Je connaissais les dangers  de l’hypothermie. Je savais que je ne devais pas rester immobile et devais lutter contre la fatigue à tout prix. Je n’avais plus la force de me relever. Mes paupières s’abaissaient d’elles-mêmes, malgré mes efforts pour les maintenir ouvertes. Je ne pouvais plus tenir, je finis par craquer en cédant à la tentation de fermer les yeux. Une sensation de bien être et d’apaisement m’envahie soudain.
***   
« Quand le vent frais vient danser
Une maman rêve toute éveillée
Dors mon enfant, n’aie plus peur
Le passé reste au fond des cœurs »
Ma mère déposa un léger baiser sur mon front avant de remonter la couverture de mon lit sur mes épaules. Sa voix si douce avait le pouvoir de m’apaiser. Elle caressa doucement ma joue et me sourit. Soudain, un éclair zébra le ciel noir de la nuit, éclairant brusquement l’intérieur de ma chambre. Il fut bientôt suivit d’un puissant coup de tonnerre. Je poussai un cri d’effroi et me cachai immédiatement sous ma couverture, la tirant jusqu’à hauteur de mes yeux.
« Hey, ne crains rien, je suis là », me murmura ma mère en m’extirpant de ma cachette pour me prendre dans ses bras.
Je me blottis contre elle, enfonçant mon visage dans le creux de son épaule. Ses longs cheveux bruns ondulés recouvraient une partie de mon visage. Leur odeur si agréable et douce me réconfortait. J’entendis la porte de ma chambre s’ouvrir dans un léger grincement.
« Maman ? » fit Ryder d’une petite voix en entrant dans la pièce.
Mon frère semblait tout aussi terrorisé que moi. Il tenait fermement le petit morceau de tissu qui lui servait de doudou contre son visage. Je n’avais jamais compris l’intérêt qu’il pouvait porter à ce vieux chiffon depuis des années. Il le trimballait partout, si bien que le tissu tirait de plus en plus sur un gris sale qui remplaçait sa couleur blanche d’origine. Le petit garçon s’avança jusqu’à mon lit et grimpa tant bien que mal dessus. Notre mère l’entoura également de ses bras. Nous étions tous les deux blottis contre elle tandis qu’elle caressait doucement nos fronts du bout des doigts tout en chantonnant l’air d’une berceuse. Je l’écoutais pensivement en enroulant une mèche de ses cheveux autour de mon index. L’orage grondait toujours au dehors mais je n’y prêtais plus attention. Je n’avais plus peur. La voix de notre mère nous enveloppait dans une bulle, dans un monde bien loin de celui dans lequel nous vivions. Lorsqu’elle chantait, des forêts enneigées, des montagnes majestueuses, des rivières scintillantes défilaient devant mes yeux, me faisant tout oublier. Alors je m’endormais paisiblement, me laissant petit à petit emporter au fil de sa chanson. Je savais que rien ne viendrait troubler mon sommeil. Elle était là pour veiller sur Ryder et moi.
***   
J’ouvris les yeux. Mon regard se posa sur ma main, restée posée à quelques centimètres de mon visage.  Elle était presque complètement recouverte par la neige. Mon corps tout entier était maintenant à moitié enseveli. Combien de temps m’étais-je endormie ? Cela n’avait aucune importance. Mon cerveau semblait incapable de réfléchir. Mes dents s’entrechoquaient machinalement. Je ne pouvais les en empêcher. Quelque chose me disait de rester là, d’attendre que cette poudre blanche glacée finisse de se déposer sur moi, me faisant entièrement disparaître. Mais abandonner n’avait jamais fait partie de mon vocabulaire. Je ne m’étais jamais laissé le droit de tout laisser tomber sans même essayer de me battre. Je devais m’extirper de cette neige et me relever au plus vite. Je n’avais pas le choix.
Rassemblant toutes mes forces, je repoussai le sol de mes mains et réussis à m’agenouiller avant de totalement me relever. La couche de neige qui s’était accumulée sur moi tomba à mes pieds. Je regardai une dernière fois le trou qu’avait formé mon corps sur le sol avant de m’enfoncer dans la tempête qui faisait rage depuis deux jours.
***   
J’avançais sans véritablement me repérer. J’essayais de ne pas dévier de mon axe, de marcher toujours en ligne droite. Mais la neige et le vent me faisaient perdre tout repère et trahissaient mon sens de l’orientation. De violentes bourrasques me faisaient chanceler tandis que je progressais difficilement dans l’épaisse couche de neige dans laquelle je m’enfonçais un peu plus à chacun de mes pas. Elle m’arrivait déjà à hauteur des genoux, m’obligeant à faire de grandes enjambées pour ne pas perdre l’équilibre. Le froid – que je n’avais pas vraiment ressenti jusqu’ici tant mon corps semblait s’être mis en veille – commençait à mordre ma peau et paralysait de plus en plus mes orteils et mes doigts. Je saisis les pans de mon manteau et les resserrai contre ma poitrine, tentant de conserver le peu de chaleur qu’il me restait. Mes vêtements étaient recouverts de flocons qui s’étaient agglutinés les uns contre les autres, formant une fine couche blanche et glacée. Je m’arrêtai un instant et mis ma main en visière pour tenter de protéger mes yeux du blizzard. Je ne pouvais rien distinguer au-delà de cinq mètres. Il ne semblait y avoir que des troncs d’arbres qui s’élevaient à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de moi. Alors que je m’apprêtais à repartir de plus belle, les violentes rafales se stoppèrent soudainement. Il n’y avait plus ne serait-ce qu’une brise. Le vent avait totalement disparu. La neige, elle, continuait de tomber lentement. Ses flocons s’écrasaient les uns après les autres mollement sur le sol. Le paysage paraissait s’être subitement éclairci autour de moi, me permettant de projeter mon regard au loin. Ce fut à ce moment là que je l’aperçus. Au milieu de dizaines de pins, une petite cabane de bois fit irruption dans mon champ de vision. J’étais sauvée. Je m’en approchai le plus rapidement possible, oubliant la fatigue qui me terrassait. J’allais enfin pouvoir me réchauffer et me reposer.
En arrivant à sa hauteur, je remarquai qu’il s’agissait d’une vieille habitation. Ses murs de bois commençaient à pourrir, s’effritant de plus en plus, et sa porte avait été à moitié enfoncée. Je n’eus d’ailleurs aucun mal à l’ouvrir. Le verrou avait surement sauté depuis longtemps. En y entrant, une odeur rance me prit immédiatement à la gorge. Je fus immédiatement prise d’un haut-le-cœur tant elle était insupportable. L’intérieur de la cabane était extrêmement sombre. Les quelques fenêtres semblaient avoir été barricadées. Aucun rai de lumière ne passait au travers et elles demeuraient impossibles à ouvrir. Je fis quelques pas dans la pénombre, me heurtant régulièrement à des meubles ou des objets éparpillés un peu partout dans la pièce. Je tentai de faire abstraction de cette odeur horrible pour me concentrer sur ce qu’il y avait autour de moi. Tout était renversé et avait été laissé comme tel. Sur la table de ce qui semblait être à la fois la cuisine, le salon et la salle à manger, était encore posée de la vaisselle sale ayant surement servie à un dernier repas. Rien n’avait été rangé. Je levai les yeux et remarquai de nombreux animaux empaillés qui étaient accrochés aux murs. J’avais toujours trouvé cela cruel et inhumain de faire subir un tel sort à des êtres sans défense, même morts. Je détournai rapidement mon regard, ne supportant pas davantage la vue de ces pauvres bêtes. Je parcourus la pièce des yeux à la recherche d’un indice supplémentaire, de n’importe quoi pouvant m’indiquer à qui pouvait appartenir cette petite cabane isolée au fond fin de la forêt, au milieu d’un climat si austère, bien plus difficile à supporter que la partie plus au sud où vivaient les Northuldra.
« Il y a quelq… »
La semelle de ma chaussure dérapa sur un objet arrondi, m’interrompant soudainement. Je m’accroupis pour regarder de plus près de quoi il s’agissait. Je reconnus presque immédiatement les cartouches d’une arme, d’un fusil sans doute. Mon cœur s’emballa. Je n’en avais jamais vu de si près. Les armes de ce genre n’étaient pas de coutume dans mon peuple. Je relâchai précipitamment l’objet, prise de panique. Quelque chose ne me plaisait pas dans ce lieu. Outre l’odeur et les décorations douteuses, l’atmosphère qui y pesait était très peu accueillante. Le silence régnant ne me plaisait pas. Je mis de côté mes craintes quelques instants en remarquant une cheminée à côté de laquelle un tas de bûches était posé. J’en pris quelques unes et saisis une boîte d’allumettes déjà bien entamée qui était sur le rebord de pierre juste au-dessus du foyer. J’en choisis une et, au moment où son extrémité allait toucher le grattoir, mon geste s’arrêta net. Je restai figée, fixant ces deux objets que je n’avais pas osé tenir entre mes mains depuis si longtemps. Les battements de mon cœur tambourinaient violemment dans ma poitrine, si violemment qu’ils semblaient emplir tout mon corps jusqu’à faire bourdonner mes oreilles. Mes doigts toujours refermés sur l’allumette tremblaient incontrôlablement. J’inspirai profondément, tentant de calmer mon rythme cardiaque. Je fermai les yeux quelques secondes, me concentrant uniquement sur mon souffle. Il ne fallait pas que j’hésite. Alors je frottai d’un coup sec la petite tête rouge contre le grattoir. Une flamme apparue instantanément. Je la mis au contact des bûches et du petit bois que j’avais déposés dans la cheminée et le tout s’embrasa rapidement. Je m’assis en tailleur en face de l’âtre et mis mes mains en avant pour tenter de les réchauffer. Mon ventre gargouilla, se mêlant au crépitement du feu. Je n’avais pas mangé depuis mon départ du camp Northuldra. Je n’avais pas non plus ressenti la faim jusqu’ici, seulement le froid et la fatigue. Mes paupières se refermaient d’elles-mêmes, je ne pouvais lutter contre le sommeil plus longtemps. Cette fois-ci, j’étais en sécurité et au chaud contrairement à la veille que j’avais passée à arpenter la forêt enchantée sous la neige tombante. Je n’avais rien à craindre, je pouvais m’endormir tranquillement. Alors, je m’allongeai à même le plancher de la cabane, devant la cheminée. Avant de tomber dans les bras de Morphée, une dernière pensée me traversa l’esprit. Toute ma vie durant, j’avais agi selon le bon vouloir des autres. Depuis deux jours, je renaissais enfin. J’avais accompli ce que j’aurais dû faire depuis des mois, je le savais maintenant. Pour la première fois, j’avais pris une décision seule sans me soucier de ce que l’on penserait. Je pouvais être fière de moi. Cette nuit, je dormirais paisiblement – chose qui ne m’était pas arrivée depuis bien longtemps. Un léger sourire s’afficha sur mes lèvres au moment de sombrer dans le sommeil : j’avais quitté Erik.  
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 21)

Ven 21 Avr 2023, 17:31
Chapitre 21
Yéléna
 
Je me réveillai en sursaut, me redressant subitement sur mon lit. J’haletais, ayant du mal à reprendre mon souffle et mes esprits. Depuis quelques semaines, j’étais de plus en plus souvent réveillée en pleine nuit, ne parvenant pas à retrouver un sommeil normal. Mais cette fois c’était différent. Il ne s’agissait pas simplement d’un mauvais rêve ou d’un énième début de nuit blanche. Non, c’était autre chose, une intuition, un mauvais pressentiment me tirant de mon seul moment de calme et de tranquillité de ces dernières vingt-quatre heures.
Je regardais autour de moi. J’avais tout juste eu le temps de remettre ma tente en place malgré la tempête avant d’aller me coucher, épuisée. Quelques objets que je n’avais pas eu le courage de ramasser étaient toujours au sol. Je détestais d’ordinaire que mes affaires soient ainsi éparpillées mais autre chose me perturbait. Mes yeux se dirigèrent alors vers l’entrée de ma tente dont les pans étaient légèrement entrouverts. Les rayons de la lune s’immisçaient au travers de la petite fente qu’ils avaient laissée, me laissant apercevoir clairement ce qui m’entourait. Toujours assise sur mon lit, jambes tendues et mains fermement agrippées au fin matelas rembourré de paille,  je tentais de comprendre ce qui m’avait tant poussée à me réveiller. Je ne remarquais rien d’anormal. Je fermai alors les yeux, me concentrant uniquement sur le silence de la nuit. Le silence ! C’était cela. Le puissant sifflement du vent qui m’avait bercée au moment de m’endormir avait disparu.
Je me levai précipitamment et manquai de trébucher sur un des bibelots jonchant le sol. Je poussai un juron mais ne pris pas le temps de m’appuyer sur mon bâton que j’avais laissé au fond de la tente. J’ouvris brusquement les pans de l’entrée. La nuit s’était installée, moi qui avais quitté un ciel encore rosi au moment d’aller me coucher. Mais cela n’était pas le seul élément qui avait changé. Les violentes bourrasques de vent qui avaient tant secoué le camp Northuldra avaient totalement disparu, ne laissant derrière elles que la trace de leur passage avec de nombreux arbres déracinés. Je sortis de ma tente alors que je ne portais qu’une légère tunique de lin resserrée à la taille par une fine ceinture en cuir. Je n’étais pas habituée à me montrer ainsi. Je n’aimais pas me sentir négligée, moi qui adorais la perfection dans tout ce que je faisais. Pourtant, je sentis qu’il y avait cette fois quelque chose de bien plus inquiétant dont je devais me préoccuper.
J’avançai silencieusement dans la neige jusqu’au centre du petit village. Le mauvais temps des jours précédents ne se matérialisait plus que par de minuscules flocons tombant lentement des nuages recouvrant le ciel noir au-dessus de ma tête. Les Northuldra semblaient tous endormis. Aucune lumière ne provenait des tentes et cabanes autour de moi. J’étais seule. Seule à comprendre ce qu’il se passait. Il n’y avait plus la moindre petite brise, le paysage qui m’entourait paraissait figé. Les branches des arbres qui se balançaient d’habitude au rythme des secousses que leur infligeait le vent étaient parfaitement immobiles. La neige tombait en lignes verticales, ne se faisant nullement malmenée par d’éventuelles rafales.
J’entendis des pas derrière moi. Je reconnus immédiatement cette démarche lente et lourde qui s’approchait.
« Que fais-tu dehors à cette heure-ci ? Tu vas geler sur place ! me demanda Silja en arrivant enfin à mes côtés.
— La même chose que toi je présume », répondis-je en gardant les yeux fixés sur le ciel.
La vieille femme vint s’asseoir sur un rocher non loin de moi. Elle planta sa canne devant elle dans la neige et y appuya ses deux mains. Je lui jetai un rapide coup d’œil de curiosité. Elle était tournée vers moi, semblant dubitative.
« C’est la première fois depuis des semaines que je remarque que tu te préoccupes d’autre chose que cette fille, remarqua-t-elle.
— Et alors ? Tu devrais t’en réjouir justement !
— Je ne m’en réjouis pas parce que je n’ai jamais dit que la situation précédente m’attristait. Tu as toujours été aveuglée par des détails sans jamais remarquer ce qui était vraiment important. »
Mes yeux se baissèrent de nouveau sur elle. Je soupirai. Elle avait le don de toujours rester imperturbable, de ne jamais montrer la moindre émotion sur son visage en toutes circonstances. Depuis que je la connaissais, je n’avais pu réussir à décrypter ses pensées et je n’y parviendrais jamais, je le savais. Elle était la seule personne me donnant autant de fil à retordre, moi qui avais toujours été habituée à lire en n’importe quel individu uniquement grâce à l’expression de ses yeux. Ces derniers étaient le reflet de l’âme. On pouvait tout apprendre de quelqu’un juste en se plongeant dans son regard. Mais avec Silja c’était impossible. Ses yeux ne reflétaient qu’une lueur blanchâtre, complètement vide et imperméable.
Le silence de la nuit était de plus en plus pesant. Nous nous scrutions sans la moindre parole. Je savais qu’elle attendait une réaction de ma part, quelque chose, n’importe quoi. Mais rien ne venait. J’ouvris la bouche à plusieurs reprises mais aucun son n’en sortit. Je n’avais rien à lui dire. Elle avait raison, voilà tout.
« Que feras-tu lorsqu’elle désirera de nouveau rejoindre sa sœur ? finit par dire Silja.
— Comment cela ?
— La laisseras-tu partir ?
— Pourquoi demandes-tu cela ? Je ne peux pas la maintenir ici à tout prix alors évidemment que…
— Parce que cela fera un esprit en moins pour nous protéger », m’interrompit-elle.
Je me tus un instant. La vieille femme se releva et fit quelques pas pour repartir d’où elle venait. Avant qu’elle ne s’éloigne de trop, je lui rétorquai :
« Depuis la naissance du peuple Northuldra, nous avons vécu sans Elsa. Nous étions simplement entourés des esprits de la terre, du feu, du vent et de l’eau, et nous nous en sommes parfaitement contentés. Elle est arrivée bien plus tard. Nous avons visiblement réussi à nous passer d’elle jusqu’ici. Elle n’est pas essentielle à notre survie ni à notre protection, c’est évident. Alors oui je la laisserais repartir si elle souhaitait retourner quelques temps à Arendelle. »
Silja s’arrêta et me dit sans se retourner :
« Tu fais une erreur Yéléna si tu considères qu’elle n’est pas essentielle à notre survie. Cette jeune femme est bien plus importante que tu ne sembles le penser. Nous n’avons simplement pas encore découvert le rôle qu’elle jouera à nos côtés. Tu la sous-estimes beaucoup trop.
— Très bien, dans ce cas dis-moi ce qu’elle pourrait faire de plus que les autres esprits ? » la défiai-je.
La vieille femme se raidit. Elle tourna son visage dans ma direction et soupira.
« Je ne sais pas. Elle n’a rien à voir avec les esprits que nous connaissons. Elle est complètement différente, m’avoua-t-elle.
— Comment ça tu ne sais pas ? Je croyais que tu savais toujours tout avant tout le monde !
— Pas cette fois Yéléna ! Elle m’est totalement inconnue malgré tout ce que j’ai pu observer d’elle. Cette jeune femme n’est ni comme nous ni comme les autres esprits. Je n’arrive pas à savoir quoi que ce soit de précis sur elle et cela m’inquiète autant que toi. Mais la différence entre nous deux ma chère Yéléna, c’est que je ne me permets pas de la juger uniquement sur ses origines. Ce n’est pas ce qu’ont fait ses parents qui m’interpelle – si l’on part du principe qu’ils ont fait quelque chose – mais c’est ce qu’elle fera et quelle influence elle aura sur nous tous. Tu sembles tellement obstinée à croire qu’elle a forcément de mauvais desseins puisqu’elle est issue de la même famille que Runeard que tu ne songes même pas à la considérer comme quelqu’un pouvant éventuellement nous rendre service comme les autres esprits l’ont fait bien avant elle. »
Je ne sus pas quoi ajouter de plus et restai clouée sur place, les poings serrés. Le visage de Silja était fermé et trahissait de la colère. C’était rare qu’elle soit aussi expressive au point que je comprenne enfin ce qu’elle ressentait. Mais elle ne me laissa pas davantage l’occasion de l’observer ainsi et  s’éloigna pour de bon, avançant lentement dans la neige. Je m’assis alors sur le rocher sur lequel elle se trouvait quelques minutes plus tôt et observai pensivement les traces qu’avaient laissé ses pas. Le silence s’était de nouveau installé autour de moi, me rappelant que j’étais seule, comme bien souvent. Mais cette fois le calme environnant ne m’apaisait pas comme il aurait dû. Au contraire, il m’inquiétait. Ne plus entendre le vent siffler contre les parois des cabanes et des tentes, ne plus sentir un air frais venir chatouiller ma peau, ne plus voir les nuages se mouvoir lentement dans le ciel… Tout ceci m’effrayait. Je ne savais pas ce qu’il se passait. Pour la première fois en soixante-quatre ans, j’assistais à un évènement sans véritablement comprendre ses causes et ses conséquences. Je n’avais plus le contrôle, moi qui aimais tant avoir toutes les cartes en main pour agir comme je le voulais, sans jamais être perturbée par un élément inattendu. Mais ce que je redoutais était en train de se produire sans que je sache pourquoi. A l’image des géants de la terre, l’esprit du vent avait lui aussi disparu.
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Ven 21 Avr 2023, 17:34
Et voilà ! C'est la fin de cette première partie  La Reine des Neiges 3  - Page 2 1f601  Le premier chapitre de la seconde partie la semaine prochaine !
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La Reine des Neiges 3  - Page 2 Empty La Reine des Neiges 3 (Chapitre 22)

Ven 28 Avr 2023, 19:08
DEUXIEME PARTIE


Chapitre 22
Anna
 
J’ouvris les volets de ma fenêtre. La lumière du soleil m’éblouis instantanément. Je n’en avais plus l’habitude, moi qui avais vécu plusieurs mois froids et sombres. La chaleur semblait revenir petit à petit. Elle m’avait tant manqué.
Je regardai en contrebas. Arendelle reprenait vie. Le royaume avait été plongé dans le calme plat durant l’hiver. Toute activité avait alors cessé. Tous étaient restés cloitrés chez eux. Mais tout reprenait enfin son cours avec le printemps. La neige avait fini par se retirer, laissant réapparaître les pavés des rues et les toits des maisons. Les allées grouillaient de nouveau de vie, des enfants criaient joyeusement en les traversant de part en part. Les habitants paraissaient retrouver une vie normale qui leur avait manqué. Je souris en les observant. Ils étaient si insoucieux et profitaient pleinement du retour des beaux jours. Je les enviais terriblement, moi qui étais encore à leur place quelques mois auparavant.
« Votre Majesté ? »
Je sursautai, n’ayant pas entendu Kai entrer.
« Des villageois vous demandent à la porte principale Votre Altesse », reprit le majordome en prenant un air solennel.
Je fronçai les sourcils. Il était tôt. Trop tôt pour que l’on réclame déjà ma présence.
« Laissez-moi juste le temps de m’habiller correctement et j’arrive, signifiai-je au domestique, conservant tant bien que mal mon sourire habituel.
— Bien madame. »
Kai s’éclipsa et referma la porte de ma chambre derrière lui. Je me laissai tomber sur mon lit et poussai un grognement. Je me sentais épuisée – encore une fois.
« Tu peux le faire Anna, tu peux le faire, » murmurai-je à moi-même.
Je me redressai d’un  bloc, ne me laissant pas une minute de repos de plus, et me dirigeai vers ma penderie.
***   
Deux gardent ouvrirent l’immense porte de bois. Une file de personnes était alignée dans la cour. Les bavardages se turent à mon arrivée. Je remarquai les nombreux regards fuyants. Certains ne quittaient pas leurs pieds des yeux. Je sentis la gêne et l’atmosphère pesante qui régnaient au dehors. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Leurs visages graves m’effrayaient. La foule commença à se dissiper, ne formant bientôt plus qu’une masse inquiétante de personnes qui semblaient tout aussi perdues que moi. Les murmures fusaient en tous sens. Je me tenais droite sur le seuil surélevé du palais. Je ne pouvais comprendre ce qu’il se disait. Les chuchotements se mêlaient les uns aux autres, devenant un brouhaha incompréhensible. Soudain, un homme brun à la peau basanée, plus grand et imposant que le restant de la masse, s’avança en se frayant un passage entre les individus. Il surplombait d’une tête la foule. Celle-ci s’écarta, lui laissant place. Il portait un uniforme vert kaki et une cape couleur crème. Lieutenant Mattias. Je ne l’avais pas revu habillé ainsi depuis qu’il avait décidé de quitter ses fonctions, après trente-cinq années de loyaux services au royaume d’Arendelle. Il monta les quelques marches qui nous séparaient l’un de l’autre. Il me salua poliment en se penchant légèrement en avant et conservant une main dans son dos. On lui apporta alors un seau recouvert d’une bâche.
« Reine Anna, commença-t-il, je m’adresse à vous  aujourd’hui à la fois en tant que civil et que militaire. »
Son visage était fermé. Je m’attendais au pire. Jamais je n’avais vu le Lieutenant Mattias aussi tendu et formel. Il se pencha vers le seau, en retira la bâche et le porta à hauteur de sa taille. Je découvris alors des pommes, des carottes et quelques choux minuscules mais déjà noircis.
« Nous avons perdu tout ce que nous avions planté l’année dernière, continua-t-il. Toutes nos plantations sont dans le même état. Mais ce n’est pas tout… »
Sa main alla puiser dans le fond du seau pour en ressortir une poigné de terre noire comme du charbon.
« La terre n’est plus cultivable non plus. Elle devient sèche avant de noircir sans que nous puissions y remédier. »
Une sensation de mal être m’envahit alors que mon cœur tambourinait de plus en plus vite et de plus en plus fort dans ma poitrine.
« L’hiver que nous avons eu a dû en ravager une bonne partie. Cela doit être la raison pour laquelle les récoltes sont si mauvaises », tentai-je de le rassurer bien que je ne sois pas sûre moi-même de mon propos.
Une voix s’éleva dans la foule :
« Mais Votre Altesse, toutes les plantes, quelles qu’elles soient, pourrissent peu à peu malgré le retour du printemps ! »
D’autres cris d’alerte se firent entendre. Le méli-mélo des voix reprit immédiatement de l’ampleur. Je sentis alors une main se poser sur mon épaule. Je tournai la tête. Kai semblait lui aussi désemparé et inquiet.
« C’est une véritable catastrophe madame. Vous devriez venir voir par vous-même… » me dit-il.
J’acceptais et suivis le majordome accompagné de plusieurs paysans. L’un d’entre eux s’arrêta devant un potager, s’accroupis et commença à gratter le sol  avec ses mains. La même terre noircie apparut rapidement sous mes yeux. Mon cœur s’affola de nouveau. Je suivis du regard les rangées de légumes soigneusement alignées. Il n’en restait presque rien, excepté quelques racines desséchées. Je me retournai, cherchant un signe supplémentaire. Mes yeux se posèrent alors sur un arbre immense planté à côté des maisons, en bordure de la petite rue. Je me dirigeai d’un pas décidé vers lui.
« Votre Majesté ? » s’étonna Kai en me voyant m’éloigner.
Je ne pris pas la peine de lui répondre. J’arrivais déjà au niveau du tronc de l’arbre. Je fis courir mes doigts le long de son écorce dure. Je m’arrêtai subitement, découvrant une longue trainée noire à même son bois. Ses racines semblaient déjà mortes. Elles étaient complètement sèches et la terre qui les entourait était dans le même état que celle du potager.
« Je ne comprends pas… » murmurai-je, abattue.
Le Lieutenant Mattias posa une main sur mon épaule.
« Il faut retirer toutes les plantes malades d’Arendelle afin d’éviter que cela se répande sur celles encore en bonne santé. Nous devons agir vite, avant qu’il ne soit trop tard », dit-il.
Et s’il était déjà trop tard ? me demandai-je intérieurement. Le Lieutenant s’éloigna, emmenant avec lui plusieurs hommes et femmes pour procéder à ce nettoyage. Seul Kai resta à mes côtés. Le majordome paraissait tout aussi inquiet et déconcerté que moi. Nous nous regardâmes un instant en silence, sans que nous sachions quoi nous dire pour nous rassurer. Il se passait quelque chose d’anormal, j’en étais certaine. Mais quoi ? Je savais qui pouvait me le dire. La personne la mieux placée pour connaître ce genre de chose. La personne représentant la passerelle entre les humains et les esprits.
Je jetai un dernier coup d’œil à l’arbre, observant une dernière fois les marques noires qui semblaient vouloir le ronger petit à petit. Je soupirai et partis en courant vers le château, laissant Kai derrière moi, seul sur le pavé des rues d’Arendelle.
***   
J’entrai essoufflée dans ma chambre et me ruai vers mon bureau. Dans la précipitation, je me cognai la cuisse contre l’un des coins du meuble. Je ne prêtai pas attention à la vive douleur que je ressentis dans le haut de ma jambe et continuai à farfouiller parmi mes affaires dans l’espoir de trouver une feuille vierge et de quoi écrire. Je fis voler en tous sens le tas de rapports qui avait pourtant été consciencieusement empilé sur mon bureau. Je trouvai finalement une feuille blanche mais n’avais toujours pas de stylo plume. L’encrier avait également disparu. Je faillis retourner ma chambre complète à leur recherche en poussant toutes sortes de jurons mais eus soudain l’idée d’ouvrir le casier de bois fixé sous la petite table. J’y trouvai enfin un porte-plume et son encrier en porcelaine noire.
« Magnifique ! » m’écriai-je en les brandissant devant moi.
La porte de ma chambre s’ouvrit soudainement. Kristoff apparut et sembla surpris du désordre autour de moi : des dizaines de feuilles volantes étaient éparpillées à mes pieds et mon bureau avait été à moitié renversé.
« Waouh ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ici ? fit-il, surpris.
— Euh je… je voulais écrire une lettre », avouai-je en poussant un petit rire gêné.
Le jeune homme me sourit et vint ramasser ce que j’avais laissé tomber. Il reconstitua rapidement la pile de dossier et la remit à sa place.
« A qui dois-tu écrire ? me demanda-t-il.
— A Elsa.
— Elsa ? Mais comment comptes-tu la lui faire parvenir ? s’étonna-t-il en désignant du menton la feuille que je tenais.
— Eh bien avec l’aide de Courant d’Air, pourquoi ?
— Tu n’es pas au courant Anna ? »
Mon cœur rata un battement. Le sourire de Kristoff s’était brusquement effacé, laissant place à une mine inquiète.
« Que veux-tu dire ? m’alarmai-je.
— Il n’y a plus la moindre brise. Il n’y a plus de vent Anna. »
Je mis un moment avant de comprendre ses paroles. Quand je réalisai enfin ce qu’il se produisait, je fus abasourdie, incapable de dire ou de faire quoi que ce soit. Je lâchai subitement ce que je tenais. L’encrier se brisa au sol, éclaboussant ma robe d’encre noire. Noire comme les racines de cet arbre. Noire comme la terre. Noire comme le futur d’Arendelle.
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