[FCU] La malédiction du cinquième esprit

Chapitre 1 : Pourvu qu’elles soient rousses


« Allez mes enfants, dépêchez-vous de sortir de là ! » Gronda Emma.


Avec une force insoupçonnée la doyenne des Picéaerds fit ressortir sans ménagements ses descendantes de la galerie des souvenirs de l’Hellheim. Anna fut la dernière à être tirée et expédiée à l’extérieur sur les autres. Elle manqua de peu de trébucher et heurta assez lourdement sa grand-mère qui était ressortie un peu plus tôt en compagnie de sa fille et fut la seule à avoir évité la brutalité de l’aïeule.

« Eh ! Mais pourquoi nous avoir…
-Calme-toi Anna… Notre ancêtre a sans doute une bonne raison d’agir ainsi.
-Mais ! Ça n’est pas gentil de nous avoir malmené ainsi ! Protesta la rousse avec son caractère de feu qui la caractérisait tant.
-Et aurait-il été gentil de te laisser mourir ma petite ?! Trancha la doyenne.
-Attendez quoi ?! Souffla la plus jeune avec son attitude estomaquée habituelle dans ce genre de circonstance.
-D’ailleurs mes enfants je vous demande de me pardonner de vous avoir laissé poursuivre vos investigations après ma première mise en garde ! J’aurai dû vous faire sortir dès cet instant, comme ont su le faire votre mère et votre grand-mère ! Confessa Emma.
-Comment ? Interrogea Elsa sur qui le regard de la première Picéaerd se posa froidement avant de lui répondre.
-Quant à toi Jeune cinquième esprit… Tu dois assumer comme moi la responsabilité de cette erreur ! Après tout, toi mieux que quiconque doit mesurer le danger auquel on s’expose si on plonge dans le passé… .
-« Prends garde de ne pas t’y noyer… » Fredonna coupable Elsa.
-Mais nous n’étions pas dans le passé justement… Nous observions l’avenir ! Et… Et la vie que nos doubles s’apprêtent à revivre ! Contesta Anna qui n’en démordait pas…
-Je suis navrée Anna… Je te promets de réfléchir à ajouter à notre chère berceuse un couplet pour bien te faire comprendre qu’il ne faut pas rester trop longtemps dans les méandres d’Ahtohallan, peu importe la temporalité que tu observes… J’ai cependant préféré vous sortir toutes les deux avant qu’il ne vous arrive ces ennuis ! Répondit calmement Emma.
-Mais enfin… Pardon mémé Emma mais… Que peut-il bien nous arriver ?! Nous sommes toutes mortes ! Nous sommes dans l’Hellheim ! Nous ne risquons rien !
-Tu m’en diras tant ma petite… Et ça, ça n’est pas une mèche blanche ! Coupa la doyenne avec une pointe de sarcasme.


Anna sursauta alors que tous la dévisagèrent. La plus jeune de la famille resta interdite face aux regards circonspects et légèrement inquiets posés sur elle, mais le pire de tous, était clairement celui de sa sœur Elsa, qui paraissait rempli de culpabilité. L’espace d’une seconde, Anna crut revoir les pires instants d’anxiété de sa sœur, lorsqu’elle avait tenté de la récupérer dans la montagne du Nord et que celle-ci ne finisse par lui geler le cœur. Face à cette gêne, la benjamine tenta de bredouiller quelques paroles inintelligibles à l’attention de son ainée puis, prise d’un doute, elle dénoua la tresse qui lui maintenait les cheveux. Immédiatement, une cascade de feu tomba avec grâce et volupté sur les épaules et le dos de celle qui n’eut pas le temps d’être couronnée. Malgré la crainte, Anna sentit les regards changer autour d’elle, comme si, sa sœur, sa mère, mais aussi sa grand-mère la redécouvrait. Dans leurs yeux à toutes pouvait se lire une certaine admiration. Elles étaient littéralement subjuguées…


« Anna tu… Tu es… Si belle ainsi ! Il… il faut que Kristoff te voit ainsi ! Bafouilla Elsa émerveillée
-Mais peut-être pas ton grand père… La morale ne le permettrait sans doute pas… Et moi encore moins ! Ricana mamie.
-Maman ?... Serais-tu jalouse ?! S’amusa Iduna.
-Non mon ange de l’air… J’ai passé l’âge de l’être… Mais cette chevelure ! C’est ce qui a fait basculer ton père et…
-Oui maman, pas la peine de continuer… Je l’ai suffisamment entendue !
-Attendez… Vous ?... Vous me trouvez vraiment… belle ?... Non… Enfin nous savons tous qu’Elsa est la plus belle de la famille et moi je … Enfin qu’est-ce que je dis ?


Anna était partagée entre la gêne et une curieuse sensation de plaisir. Elle qui avait toujours été dans l’ombre de la glorieuse reine des neiges se sentit pour la première fois de sa vie admirée et ce malgré la présence d’Elsa. Ces curieux sentiments lui firent perdre ses moyens et elle se retrouvait comme au sortir de son adolescence, gauche et maladroite, incapable de formuler correctement plus d’une phrase sans bafouiller. Cette candeur et cette maladresse ne la rendait que plus sublime encore aux yeux des membres de sa famille. Anna n’avait pas besoin de prestance ou autres artifices royaux, ce qu’elle était, la pureté et l’innocence de son âme suffisait à la rendre merveilleuse. Elle était une beauté brute, naturelle, qui n’en tirait aucun honneur, ce qui ne la rendait que plus sublime et désirable. A chaque instant, ses cheveux de feu tranché par son regard menthe à l’eau couplé à son visage juvénile et candide pouvait faire fondre à cet instant même les plus impressionnants glaciers. Pourtant, passé cet instant d’admiration, un élément tranchait au milieu de cette perfection.


-Allez, oui mon enfant, tu es magnifique… Et ton âme t’empêchera, contrairement à ta sœur, de te laisser entraîner dans le poison de l’orgueil ! Oh rassure-toi Elsa ! Ça n’est pas une critique que je te fais…
-Cela y ressemble beaucoup pourtant ! Reprit Iduna pour défendre sa fille.
-Je le confesse en effet ! Mais c’est bien un compliment que je te fais jeune esprit ! Car toi, tu pourras t’imprégner de majesté…Le charisme est un atout pour un esprit ! Enfin, si tu apprenais à avoir confiance en toi…
-Euh… Merci…Enfin je… Je crois… Glissa Elsa qui n’était pas certaine d’être critiquée ou complimentée.
-Mais quoi mémé ?... Tu allais dire un « mais », à mon sujet, pas vrai ?
-Tu es intelligente ma petite ! … Mais aveugle ! Je t’ai dit d’observer tes cheveux…


Intriguée, Anna glissa délicatement ses doigts fins dans sa chevelure de braise créant naturellement de douces vagues à sa rivière d’or brulé subjuguant davantage encore l’assistance. Au bout de quelques instants, au milieu du torrent alezan, une fine écume d’un blanc scintillant, glissa entre les doigts délicats de celle qui aux yeux de la famille était comparable aux plus délicieuses nymphes du monde Antique. Avec délicatesse, la jeune femme porta à sa vue la mèche de cheveux et aussitôt son visage pétillant devînt aussi pale que celui de son ainée lors de ses pires moments d’angoisse.


-C’est.. C’est pas beau c’est ça ?! Questionna la cadette sans vraiment savoir pourquoi elle avait prononcé ces mots.
-Si… Bien sûr que si c’est beau, tu es magnifique ma chérie ! Lança sans hésitation Iduna.


D’un geste, elle s’empressa d’étreindre sa fille cadette. De fines larmes coulèrent le long de sa joue alors que mère et fille prenaient conscience qu’elles partageaient un tel moment juste entre elles pour la première fois depuis le départ du couple royal pour leur voyage en mer qui était apparu pour Arendelle, comme leur dernier. La crainte qui avait traversé la jeune femme fut instantanément évaporée par la douceur maternelle et de lointains souvenirs de fillette revinrent en mémoire de la benjamine d’Arendelle, lorsqu’Iduna venait sécher ses larmes après un nouveau refus de son ainée de lui ouvrir sa porte. Les douces mains d’Iduna caressaient délicatement la chevelure incandescente d’Anna et elle aussi fut parcouru de sentiments curieux la ramenant en enfance. Elle aussi se sentit apaisée, se souvenant d’avoir si souvent serré de ses poings la chevelure de feu de sa mère, symbolisant si bien la force de leur relation et le caractère bouillant qui pouvaient les opposer. Pourtant, pour Iduna, cette flamme lui avait toujours réchauffé le cœur et sentait cette énergie bruler encore dans son âme comme les plus chaudes des étoiles. Ce feu ardant qui lors des pires épreuves de sa vie l’avait aidé à toujours rester debout jusqu’au sacrifice ultime pour devenir ce cinquième esprit si particulier.


-Toi contrairement à Olaf tu n’as pas hésité ! S’amusa la rousse alors qu’elle relâchait l’étreinte maternelle.
-Comme quoi tu vas bien, tu as toujours autant de tact ma Petite Picéaerd. S’amusa Mamie


La matriarche à son tour s’approcha pour réconforter la plus jeune de la famille et, alors qu’elle se tenait près d’elle, Iduna comme Elsa eurent le sentiment de voir double alors que la chamane à son tour avait libéré ses cheveux. Elle qui par la grâce de l’Hellheim avait retrouvé les traits de sa jeunesse ne se distinguait de sa petite fille que par les vêtements et cette curieuse mèche blanche apparue. La grand-mère dévisagea tour à tour les membres de sa famille et s’amusa de la confusion alors qu’Emma se tenait en retrait attendant son heure.


-Oh ne nous regardez pas ainsi toutes les deux… A croire que vous découvrez notre petite Picéaerd pour la première fois ! Par contre Anna… S’il te plaît je le redis, ne t’approche pas de ton grand père ainsi… S’il te trouvait plus belle que moi, je pourrais mal le prendre… Tu sais, nous les femmes Piceaerd avons tendance à être… rancunières !
-Mamie tu… Tu pourrais me… S’inquiéta Anna qui ne trouvait toujours pas ses mots…
-Non pas toi, jamais je ne pourrais ! … Mais s’il se trompe, ton grand père pourrait avoir très chaud tout à coup ! Cligna mamie.


Grand-mère et petite fille ne purent s’empêcher de retenir un rire alors qu’Anna venait de comprendre l’allusion chamanique de son aïeule qui se contentait volontiers d’avoir redonné le sourire et illuminé davantage encore le visage angélique de sa descendante. Les membres de la famille Picéaerd n’avaient d’yeux que pour la plus jeune de leur clan qui, elle devait bien se l’avouer, trouvait plaisant tous ces regards et compliments à son attention. Cependant, la parole menaçante de sa lointaine ancêtre sur le risque de mort, trottait toujours dans sa tête.


-Mais… Pourquoi mémé Emma ?
-Pourquoi quoi ?
-Eh bien… Le retour de cette mèche blanche !
-Oh ça ?... Eh bien comme je disais, tu étais en train de mourir, tout simplement. Répliqua la doyenne d’un ton léger.
-Mour… Quoi ?! Mais comment est-ce possible ?! Nous… Nous le sommes pourtant toutes déjà ! S’étrangla Anna qui se mit à trembler.
-Certes… Le terme n’est peut-être pas le plus pertinent je te l’accorde mon enfant… Disons que, ce qui allait t’arriver est sans doute ce qui doit le plus ressembler à la mort dans notre nouveau plan de l’univers… cette marque en est la preuve ! … Oh mais ne t’en fais pas, comme l’a suggéré ta mère et ta grand-mère, c’est très joli sur toi !
-Comment ?... Je… Je vais encore mourir ?! Maman ! Mamie !! Elsa !!! Que dit-elle ?!
-Je… Je dois bien t’avouer ma petite Piceaerd que… Je n’en ai aucune idée... Confessa mamie désabusée.


Alors que la jeune femme se sentait gagnée par l’angoisse, elle s’accrocha du mieux qu’elle pût au bras de sa sœur ainée mais aussi à celui de sa mère. Attendrie par le visage poupon terrorisé de la jolie rousse, Emma s’approcha tendrement. Avec une curieuse douceur, comme si le concept lui était jusqu’alors inconnu, la première Picéaerd étreignit maladroitement sa lointaine descendante et lui caressa ses beaux cheveux roux.

-Allons mon enfant n’aie plus peur ! Tu ne risques plus rien ici… Maintenant que tu es en dehors de la rivière !
-Mais… Que voulais tu dire par mourir mémé ? Et pourquoi suis-je la seule à avoir été touchée avec cette mèche de malheur ?
-Sois tranquille Anna… Je peux si tu le souhaites sans difficulté te faire disparaître ce petit désagrément même si, sois en certaine, cela ne te rend pas moins belle ! Et cela a l’avantage de te différencier de ta grand-mère qui plus est ! En tous les cas, tu as ma parole, cela ne te fait aucun mal, ni maintenant, ni jamais ! Tu n’es pas en danger ! Disons seulement que… Tout ceci est un avertissement sans frais !
-Tu ?... Tu peux lui enlever ce maléfice ? Questionna la reine des neiges qui enfin osait tutoyer son aïeule.
-M’as-tu écouté jeune esprit ? Ceci n’est pas un maléfice ! Mais pour répondre oui je le peux ! Je n’ai pas pour habitude de promettre des choses que je ne puis honorer ! Et Anna, pour te répondre, si tu es la seule touchée, c’est probablement parce que ta grand-mère et ta mère ont eu la sagesse d’écouter mon avertissement et se sont retirées quand ta sœur et toi avez souhaité rester pour observer la vie de votre jeune frère et enfin celle de vos doubles qui sont retournés dans le monde des vivants…
-Mon Dieu… Pardonne-moi Anna, tout ceci est de ma faute ! C’est moi qui ai souhaité rester ! S’excusa Elsa penaude.


La reine des neiges paraissait contrariée et sa cadette ne put s’empêcher de se mordre la lèvre gênée, une fois encore, Elsa prenait tout à cœur et considérait que tout était de sa faute. Pourtant, Anna le savait, elle était aussi curieuse que sa sœur de voir le monde des vivants. Emma également avait remarqué le trouble de la gardienne de la forêt et lui offrit un sourire légèrement forcé pour la réconforter, puis, lui prit la main.


-Ne te blâme pas jeune esprit, à mon sens vous êtes toutes les deux responsables… Mais rassurez-vous, je ne vais pas enfiler mon costume de mère fouettarde pour vous aujourd’hui… La tentation est grande, personne ne peut vous reprocher d’avoir voulu rester le plus longtemps possible, et encore moins moi ! L’essentiel est que vous avez su malgré tout, revenir avant que cela ne devienne grave… Même s’il aura fallu vous y contraindre quelque peu ! Vous le saurez désormais…
-Mais… Je suis restée aussi longtemps qu’Anna, alors pourquoi n’ai-je pas subi le même sort qu’elle ? Enfin… A moins que je ne sois atteinte moi aussi sans m’en rendre compte ? Questionna la reine des neiges.
-Non Elsa, tu n’as rien en effet ! Ton pouvoir de maîtresse de l’hiver doit probablement te rendre un peu plus résistante que le reste des humains… Mais plus résistante ne veut pas dire invulnérable… Je pense d’ailleurs que tu ne sais que trop bien ce que signifie se noyer dans la rivière d’Ahtohallan ? Interrogea la doyenne.
-Que trop bien en effet… Confessa la gardienne de la forêt.
-Hum… Pardonne-moi chère ancêtre mais… Qu’entends-tu par « mourir » s’il n’est pas le terme exact ? Interrogea soudain mamie intriguée de ne pouvoir trouver de réponse pour ses petites filles qu’elle voulait réconforter.
-Oh ?... Je pensais pourtant que toi Anna Picéaerd, tu l’aurais deviné vu la facilité avec laquelle tu étais devenue la maîtresse de l’Helveg…
-Mais je n’étais…
-Oh mais cessez de vous défendre de mes propos comme s’ils étaient des reproches… C’est tout le contraire ! Je t’avoue avoir été impressionnée ! Quant à ta question, hélas, je crains de ne pas avoir de réponse définitive à apporter…. Je n’ai pas été suffisamment téméraire… ou plutôt inconsciente pour tester moi-même vois-tu !
-Il n’est pas toujours nécessaire d’expérimenter soi-même pour obtenir un savoir ! Rétorqua la matriarche.
-Anna Picéaerd… A qui dois-tu cette maxime pleine de sagesse ?! Interrogea Emma avec malice.
-Je… Balbutia la chamane décontenancée…
-Sans doute de moi ! … Enfin par transmission de génération en génération.
-Je n’aurai pas pensé que l’orgueil était une caractéristique familiale. Coupa Iduna en croisant les bras et défiant la doyenne du regard.
-Orgueil ?... Oh non ! Je te prie de me pardonner ma chère si c’est l’impression que je te fais ! Je suis navré de montrer un mauvais visage ! Cependant si tu me permets, ça n’est pas de l’orgueil, mais je le confesse plutôt de la fierté… Et ça c’est à n’en pas douter un trait des Picéaerds dont je n’ai pas honte ! Loin de là ! Et les membres de notre glorieuse famille en sont tous pourvus… Anna, ta mère Helga n’était-elle pas une femme fière ? Toi-même, bien que ne l’avouant pas, n’es-tu pas fière de ta puissance chamanique ? Et toi ma chère Iduna ? N’as-tu pas accompli ta vie de souveraine d’Arendelle avec grâce et fierté, quant à Elsa…
-Merci, inutile de poursuivre ! Coupa la reine des neiges mal à l’aise.
-Ne sois pas gênée jeune esprit ! A mes yeux être fier n’est pas un défaut, mais une force ! Et je remercie ta mère de me mettre en garde car… Nous ne sommes pas à l’abri de tomber dans l’orgueil comme elle le dit si bien… Qui causerait notre perte ! Mais je m’égare et autre trait familial, je me fais un devoir de tenter de répondre aux interrogations des miens ! Alors, si je ne sais précisément ce qu’il vous serait arrivé si vous étiez restées plus longtemps je pense que vous vous seriez perdues vers un lieu où même la nature ne peut vous trouver… Voilà pourquoi je n’ai jamais voulu me risquer à tenter l’expérience, et j’ai le sentiment que cette perte serait… irrémédiable ! Répondit la doyenne d’une voix grave.


Emma se stoppa et dévisagea une à une ses descendantes attentives à chacune de ses paroles. Le sentiment de fierté qui de son aveu la caractérisait pouvait se lire aisément sur son visage alors qu’elle posait son regard dans celui de la jeune Anna dont la curiosité semblait prendre le pas sur la crainte. Avec un léger sourire qui parut plus forcé que naturel, Emma allât poser ses mains sur les épaules de la jeune femme. L’attitude chez Emma ne semblait pas naturelle à vouloir se montrer réconfortante.


-Crois-moi mon enfant ! En l’état tu ne risques absolument rien et je vais te faire disparaître ceci, si cela peut te permettre de ne plus jamais y penser ! Je te le répète, je ne t’en veux pas ni à toi ni à ta sœur d’avoir voulu tenter l’expérience de la rivière ! Après tout, il y a bien longtemps, moi aussi j’ai succombé à cette folie ! Je suis même allée bien plus loin et ta petite mèche blanche fait pâle figure en comparaison ! C’était toute ma chevelure qui était de glace… De même pour mes mains et mes jambes…. Je ne saurai te dire par quel miracle j’ai pu avoir la force physique de revenir ici et j’ai la conviction profonde que si j’étais restée un instant de plus je serai partie… Il n’y avait plus qu’un sentiment d’immense vide, et la morsure du froid qui peu à peu se fit moins insupportable pour faire place à une sorte d’immense brume et…
-Cela… Cela ressemble terriblement aux limbes ce que tu décris mémé ! Coupa la jeune femme terrifiée…
-Emma ! Pourquoi la tourmenter ainsi ?! Coupa Mamie
-Il est inutile de cacher la vérité ! Se défendit l’aïeule
-Si c’est effectivement les limbes… C’est contrariant, mais pas irrémédiable… Je puis y aller si je le souhaite ! Coupa Iduna, contente de contredire l’aïeule.
-Certes ma chère tu le peux, tes pouvoirs de cinquième esprit sont grands… Peut-être un jour le seront-ils assez pour que justement cela ne soit plus un problème, mais n’oublie jamais qu’il y a une différence entre, se rendre dans les limbes pour les survoler et… y être envoyée, damnée ! C’est tout à fait différent ! Les limbes sont d’une certaine manière les oubliettes de la nature, si tu y disparais, tes pouvoirs feront de même ! Tempéra la doyenne.
-En es-tu certaine ? Questionna mamie
-Pratiquement, sinon, pourquoi les prisonniers des limbes ne pourraient-ils pas s’échapper à terme ? Oh je te vois mon enfant ! Je sais à quoi tu penses ! Termina Emma avec un sourire cette fois bien plus naturel à l’attention d’Anna.
-J’ai pu m’y échapper…
-Grace à une intervention extérieure et des circonstances exceptionnelles ! Tu as été extraordinaire mon enfant pour donner à ta grand-mère la solution afin qu’elle puisse revenir dans l’Helveg, c’était possible car, elle n’avait pas été bannie par la nature… Et toi non plus, ta bonne action a sans doute permis qu’un passage ne s’ouvre à nouveau pour toi ! Ça ne fonctionne pas ainsi pour les bannis ! Vous devriez vous en réjouir ! Votre ennemi Andréas ne pourra jamais échapper à son destin ! Termina la doyenne avec un ton léger.


Tous dévisagèrent Emma et celle-ci perdit le sourire. Elle pensait que préciser que l’ennemi des Picéaerd ne pourrait jamais revenir serait un réconfort mais, curieusement, entendre qu’il pouvait exister un châtiment si sévère et irrémédiable apportait plus d’inquiétude que de réconfort. La doyenne s’arrêta face au nouveau cinquième esprit. Iduna était plongée dans ses pensées. Curieusement, l’explication d’Emma n’avait pas l’air de totalement la convaincre, après tout, elle avait bien réussi à aller chercher la petite Helga. Sa mère elle aussi semblait plongée dans de veilles pensées. Elle se souvenait de sa noyade dans la rivière d’Ahtohallan, mais curieusement ça n’était pas les limbes qui avait été sa destination. Mère et fille s’interrogeaient, elles voulaient comprendre, même si l’explication de leur aïeule devait être la vérité, après tout, Emma Picéaerd est la créatrice d’Ahtohallan et veille sur ces lieux depuis des siècles, sans doute saurait-elle dissiper leurs doutes. Les deux femmes échangèrent un regard, prêtes à demander des précisions mais se stoppèrent. Emma s’était empressée de s’occuper d’Anna et, usant de techniques inconnues pour toutes les femmes Picéaerd, qui n’étaient ni du ressort du chamanisme, ni du cinquième esprit, ni du savoir des guérisseuses, en quelques instants, la doyenne honora sa promesse et la mèche d’Anna d’Arendelle retrouva immédiatement son éclat roux.


-C’est… Prodigieux ! Anna et Iduna, oubliant leurs questionnements et rejoignaient Elsa, en admiration devant sa jeune sœur.
-Je vous remercie… N’oubliez pas qu’avant d’être la mère fouettarde, je suis la mère Noël ! Je vous apprendrai probablement un jour…Enfin, comme on dit… Seulement si vous êtes sages ! Répondit la doyenne avec malice.
-Mais Comment ?... Et pourquoi les trolls n’ont-ils pu agir ainsi lorsqu’elles étaient enfant et… Commença Iduna plus intriguée par ce prodige que par les limbes.
-J’ai dit un jour… Pas aujourd’hui ma chère ! Je ne veux rien vous cacher mais n’oubliez pas…Nous avons l’éternité devant nous ! Mais il serait impoli de faire attendre les autres membres de cette famille et… Anna, j’ai hâte de pouvoir à nouveau faire honneur à ton ragout ! Répondit Emma avec un sourire pour la matriarche
-Euh… Avec plaisir ! Répondit Mamie.
-Fantastique ! Mettons-nous en route ! Oh et, Anna mon enfant ! Pourquoi cette attitude ?
-Quelle attitude mémé ? Demanda la jeune femme qui commençait à se rattacher les cheveux.
- Laisse les libres ! Mon petit doigt me dit que tu vas faire tourner une tête ainsi !
-Je dirai même deux ! Ajouta mamie en prenant la main de sa petite fille.
-Il me tarde de voir ça ! Oh et mes enfants, après ce petit incident, je ne vous pense pas, pour aucune d’entre vous assez stupide pour tenter à nouveau de plonger dans la rivière ! J’ai voulu vous la montrer pour répondre à vos questions et… Je préfère que vous l’ayez découverte ainsi, avec moi plutôt que seules. Qui sait si vous auriez su ne pas vous noyer n’est-ce pas ? Mais vous verrez, l’Hellheim, à part ça, est magnifique ! Il vous comblera ! Coupa Emma en entraînant les membres de sa famille.


Les femmes Picéaerd acceptèrent de suivre docilement leur lointaine ancêtre sans prononcer la moindre parole et furent étonnées par la longueur du trajet retour alors qu’Emma empruntait exactement le même chemin que lors du trajet aller.


-Hum… Mémé ? Se risqua la plus curieuse de la famille.
-Oui mon enfant ?
-Nous… Nous empruntons le même chemin que tout à l’heure ?
-Bien entendu ! Allons mes chères Picéaerds, ne traînons pas !
-Pourtant mémé pardon mais… Je ne me souvenais pas de… cette fantastique fontaine de… de chocolat ! Insista Anna subjuguée.
-Ah oui ?...
-De quelle fontaine parles-tu ? Interrogea Iduna en se mettant à côté de sa fille cadette.
-Juste là maman ! Sur la droite ! Elle est si… Ça donne envie !! Plus que le ragout de mamie !
-Fais attention Anna… Il ne faut jamais critiquer la cuisine de ta grand-mère ! Tu m’entends, jamais !... Et je ne vois pas de quelle fontaine tu parles ! En revanche… Cette bibliothèque me paraît on ne peut plus fascinante !
-Quelle bibliothèque ?! Enfin maman tu rêves ! Il n’y a que la fontaine ! S’insurgea Anna.
-Allons ! Mes enfants ! calmez-vous ! … Vous avez toutes les deux raison ! Il y a une fontaine, ou une bibliothèque en effet ! Interrompit Emma amusée.
-Attends quoi ?
-Et oui mon enfant ! Bienvenue dans l’Hellheim ! Ici, vous voyez ce que vous souhaitez ! C’est pour cela que le trajet te paraît plus long Anna, tout à l’heure, vous ne pensiez toutes qu’à ce que je souhaitais vous faire découvrir… Voilà pourquoi vous n’aviez rien vu d’autre, et que nous sommes arrivées plus vite… Là, notre merveilleux monde prend le temps de vous offrir ce que vous désirez !
-Tu… Tu veux dire que… L’Hellheim pense que je souhaite une fontaine de chocolat géante ?
-Tu as le droit d’être gourmande mon enfant ! Je ne te jugerai pas ! Et le chocolat ici est délicieux tu pourras t’en rendre compte ! Mais là encore… Vous avez l’éternité pour vous en délecter ! Pouvons-nous continuer ?
-Et donc nous voyons tous… des choses différentes ? Poursuivit la jeune femme qui n’en démordait pas.
-Exactement ! l’Hellheim a vocation à vous être agréable ! Vous l’avez mérité !... Comme pouvait le faire l’Helveg, mais tout est plus beau, ici, et vous avez la paix. Votre mission est terminée. Confirma Emma.
-Wow !! Et… Et toi Mamie ?! Qu’est-ce que tu vois ?! Demanda Anna excitée alors qu’elle remarquait sa grand-mère les yeux humides
-Je vois… Je vois… Les cavernes perdues… et les plages grises de nuit…
-Moi… Moi aussi je vois ces plages… Souffla Elsa émue.
-Oh ?... Alors là ça n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais…
-Effectivement chère Anna…Toi aussi jeune esprit vous l’aurez sans doute compris, l’Hellheim peut vous être agréable également en jouant sur les lieux et… la temporalité. Cligna Emma.


Mamie Anna et Elsa échangèrent un regard complice alors que la plus jeune des sœurs mit un peu de temps avant de comprendre la raison de ce désir particulier et réprima à son tour un rire alors que leur aïeule les invitait à nouveau à reprendre leur chemin. Elles avancèrent toutes et enfin, leur esprit se fixa sur leurs proches. Soudain le chemin parût beaucoup plus court et au loin, elles pouvaient distinguer les habitations où les membres de leur famille s’étaient installés.

Kristoff et Elysia travaillaient ensemble en compagnie de Ryder, à rendre le lieu confortable. Soudain, comme s’ils ne formaient qu’un, Elysia et Kristoff ils se stoppèrent et levèrent la tête en direction du petit groupe qui revenait. Tous deux sentirent le sang leur monter aux joues et une curieuse sensation chaleureuse parcourir leur esprit et leur corps surtout au niveau de la ceinture, alors que face à eux, deux déesses rousses, cheveux lâchés menaient le groupe à leur rencontre. Aux deux, les pulsations de leur cœur pourtant arrêté s’accéléraient, leurs yeux pétillaient d’envie, paraissaient vouloir sortir de leurs orbites pour gagner le corps de leur âme sœur, leur respiration s’accéléra et ils ouvrirent grand la bouche leur conférant un air béat.


-Anna !!! Crièrent-ils de concert


A nouveau parfaitement synchronisés, les deux amoureux lâchèrent leurs occupations, obnubilés d’amour et la beauté de l’être désiré, laissant Ryder seul à son office. Ils s’empressèrent à longues enjambées de les rejoindre le plus rapidement possible tels deux Apollons. Au fur et à mesure de leur course, alors qu’ils continuaient de les dévorer des yeux, tous deux eurent l’impression de voir double, tant la grand-mère ayant retrouvée sa jeunesse et sa petite fille rivalisaient d’une beauté naturelle et envoutante. Elles étaient la merveille de la nature. L’Hellheim atteignait une perfection de beauté alors qu’il était honoré de la présence de ces deux êtres d’une beauté sans pareil. Arrivés à quelques pas, ils se stoppèrent et dévisagèrent les deux merveilleuses créatures qui, appréciaient grandement d’être tant désirées et désirables.


-Wow… Anna et… Madame Anna vous… Hum… Pardon… Elysia… Après vous… Balbutia Kristoff dont les joues viraient au rouge.
-Je… Ma Anna et…
-Bah alors ?... Qu’est-ce que vous avez tous les deux à être partis si vite et… Wow… Euh vous… Vous êtes vraiment en beauté toutes les deux… Bredouilla Ryder qui avait rejoint ses compagnons ouvrant à son tour sa bouche face à cette divine apparition.


Les trois hommes avaient les joues toutes rouges alors qu’ils dévoraient les femmes Picéaerd des yeux, seul le regard de Ryder n’était pas orienté vers les deux Anna mais plus vers sa belle Elsa, bien que le jeune Northuldra ne pouvait s’empêcher d’admirer les deux rousses, tant leur beauté subjuguait l’Hellheim. Ryder fut le premier à recouvrer quelque peu ses esprits alors que ses compagnons demeuraient figés d’admiration et d’amour. Le jeune Nattura s’approcha avec un sourire légèrement niais vers sa belle blonde. Avec timidité et douceur, lui déposa sur le bord des lèvres un tendre baiser puis lui prit la main pour lui en offrir un second tel le plus éduqué des gentilhommes de la cour d’Arendelle.


-Eh bien, j’ai failli attendre ! … Et vous deux les dadets ?! … Ne me dîtes pas que vous n’arrivez pas à retrouver votre Anna ? Lança Elsa moqueuse avant de tomber dans les bras de son jeune Northuldra et échanger ensemble un baiser bien moins chaste, que cette fois, l’étiquette et la bienséance Arendellienne aurait réprouvé en public.


La remarque fit sursauter les deux amoureux alors que les deux Anna, prises au jeu, lancèrent ensemble un regard inquisiteur vers Kristoff et Elysia. Ce dernier échangea un regard complice avec Kristoff puis, le regard rempli d’amour se rapprocha lentement des deux délicieuses femmes, il les dévisagea toutes deux, semblant hésiter puis se posta devant la plus jeune des Anna et la dévora des yeux avant de lui prendre la main.


-Papa ! … Non ne me dis pas que…
-Allons Iduna, laisse-moi admirer ma petite fille et la féliciter pour sa beauté digne de l’amour de ma vie ! Répliqua hâtivement Elysia en faisant un baise main à sa petite fille
-Et… Je ne l’aurai pas permis de toute façon de se fourvoyer ainsi ! Ajouta Kristoff d’une voix gênée en poussant amicalement l’ancien membre des Terres gelées.


Les femmes Picéaerd voulurent protester mais, comme un seul homme, Elysia et Kristoff enlacèrent leur divine Anna et leur offrirent à toutes deux un long et torride baiser. Pour les deux couples, la fusion des deux êtres était sublimé alors que les bouches et les langues se liaient et se déliaient dans une harmonieuse romance. Elsa et Ryder n’étaient pas en reste et eux aussi profitaient de ce temps d’amour exceptionnel alors qu’en retrait, Iduna observait, heureuse pour sa mère et sa fille. Elle se demandait néanmoins si son grand père et Kristoff s’étaient réellement montrés taquins ou avaient bien failli subir un terrible courroux mérité. Cette pensée amusa l’ancienne reine quelques instants puis son regard se fit plus triste. Dans les tréfonds de son cœur mort, une douleur que même le paradis de l’Hellheim ne pouvait soigner : la déception de ne pas avoir son roi à ses côtés, lui qui était resté encore dans le monde des vivants, à veiller sur l’avenir du jeune Kaspian.

Chapitre 2 : Et ils vécurent heureux pour toujours


Toute la famille était attablée et patientait en silence que Mamie Anna daigne réapparaître. Elle avait expliqué vouloir être seule pour terminer sa préparation culinaire mais le temps paraissait bien long pour une cuisson de ragout. Finalement, n’y tenant plus, Emma voulu rejoindre la cuisine et, à cet instant précis, Mamie fit son apparition, curieusement essoufflée ;


-Chose promise ! Le ragout de rennes mes Picéaerds ! Mangez tant que c’est chaud !!!


Soupçonneuse, Emma n’osa rien dire sur l’instant, alors que les autres membres de la famille n’avaient rien remarqué, à commencer par Kristoff qui dévorait des yeux sa belle rousse.


-Oh ma Anna !! Je crois que j’ai trouvé le paradis !! Susurra Kristoff alors qu’il couvrait toujours sa belle de baisers.
-Cela n’était pas compliqué jeune homme ! L’Hellheim est le paradis ! … Hum… Enfin, pardonnez-moi tous les deux… Oui… Je vois ce que tu veux dire… C’est ma faute ! Coupa avec maladresse Emma qui semblait pour une fois prise en défaut.
-Eh bien… Je crois que nous avons découvert l’origine d’une nouvelle caractéristique familiale n’est-ce pas Anna ?! S’amusa Mamie avec un regard moqueur pour l’aïeule.
-Je l’ai mérité cette fois… Mais n’y prenez pas goût mes enfants ! Et justement… Puisque Kristoff a trouvé son paradis ! Oserais-je demander le miens avec un ragout ?!
-Eh bien… Cela… Oui cela doit être possible. Répondit mamie surprise de cette demande.
-Tu n’imagines pas depuis combien de siècles il me tarde d’en déguster un aussi délicieux !
-Ah ? Alors le ragout n’est pas une recette familiale finalement ? Interrogea Iduna.
-Oh si, probablement… Mais pas de mon fait ! Je n’ai pas tout inventé non plus ma chère et je suis, je me dois de le reconnaître une piètre cuisinière.
-Emma Piceaerd n’est donc pas parfaite !
-Iduna ! Allons ! Voici un exemple bien peu glorieux que tu offres à tes filles… et ton frère ! Gronda Mamie en offrant la première bouchée à gouter à Olaf.
-Il est encore meilleur que ceux dans l’Helveg maman ! S’enthousiasma le bambin.
-J’espère que tu dis vrai mon chéri. Fit Emma en tapant la main de l’enfant avant de poursuivre : Ne sois pas sévère Anna… Iduna doit encore m’en vouloir pour l’histoire du charbon…
-Mais… Absolument pas !
-Oh tu en mériterai à nouveau ma chère ! Le mensonge n’est jamais le bienvenu dans ce paradis ! Bien sûr que si tu m’en veux toujours… C’est le fardeau de ma mission ! Mais laissons cela de côté ! Vous êtes dans l’Hellheim et tous les tracas… n’existent plus ici ! Tout ceci n’est là que pour le monde d’en bas…
-Le Nifflheim ? Questionna Olaf.
-Euh… Oui, également mon chéri ! Mais je pensais surtout au monde des vivants ! Les difficultés, les aventures, les obstacles… Tout ça ne doit plus vous occuper l’esprit !
-Mais… n’est-ce pas aussi à cela que l’on peut apprécier le bonheur ?!  C’est pour cela que je me sentais si bien chez moi… à Arendelle, auprès des miens ! D’avoir dû vivre avec l’absence de papa et maman, avoir été chercher Elsa aux confins des montagnes, m’être fait glacer le cœur, trompée par un menteur… Tout ceci m’a permis de trouver le grand amour, des amis fidèles et la joie d’avoir pu retrouver ma sœur ! C’était ça le vrai bonheur mémé ! Et pas une fontaine de chocolat qui apparaît par magie ou même le ragout de mamie !... Sans t’offenser mamie !
-Je n’ai rien dit ma petite Picéaerd…
-Anna ! … Décidément cela doit venir du prénom une telle sagesse et perspicacité ! Bravo mon enfant ! Si j’osais je pourrais presque dire que tu es même plus sage encore que ta grand-mère au même âge… Mais comme nous sommes ici, l’âge n’a plus aucune signification pour nous !... Sans t’offenser Anna bien sûr ! Reprit Emma avec un sourire pour la grand-mère…
-Mais je n’ai rien dit… Encore une fois ! J’ai eu la chance, au crépuscule de ma vie de pouvoir communiquer avec une autre partie de moi-même depuis l’Helveg… J’ai ainsi d’une certaine façon pu rencontrer ma petite fille de mon vivant, et voir à quel point… Commença-t-elle émue.
-Quoi maman ?
-A quel point… Oui, tu as raison chère aïeule ! La fierté est en nous ! Mais tu te trompes, ça n’est pas de mon savoir chamanique… mais bien d’elle ! Et si Anna est telle que nous la connaissons, c’est grâce au travail et à l’amour formidable que lui ont apporté ses parents et sa sœur… Et si Iduna a pu réussir cet exploit… C’est peut-être parce que j’ai pu moi-même lui en offrir les moyens… Et ce même si nos relations furent parfois compliquées… Pour moi aussi, ce furent des moments magiques ! Comme j’ai pu aimer accompagner ma fille dans son enfance ! Au bras du plus merveilleux des hommes ! Moi aussi j’ai tant aimé cette vie !


La matriarche avait parlé avec beaucoup d’émotion et un silence s’était abattu sur le repas familial alors que quelques larmes perlaient sur le bord des yeux de mamie. Ces larmes semblables à des diamants étincelants sur le visage de crème de la matriarche fit fondre Elysia qui les essuya d’un geste doux avant de lui embrasser la joue. Pour lui aussi, les yeux d’humidifièrent. Rapidement, les sillons humides sur les yeux se propagèrent peu à peu tel un virus alors qu’Emma observait circonspecte.



-Mes enfants… Votre trouble est…Si humain ! Et l’Hellheim sera là pour vous… Tenta-t-elle
-Le monde des vivants… C’est là-bas que sont nos petits ! Fit Elsa en prenant la main de Ryder.
-Et également Kaspian et Agnarr… Souffla Iduna.
-Ils… Ils doivent vivre leur vie ! Ils ont chacun une raison d’être encore parmi le monde des vivants avant de venir nous rejoindre ici… N’oubliez pas mes enfants que votre mission là-bas est terminée !
-Et puis… même si à l’occasion je me suis offert quelques cheveux blancs que mémé s’est chargée de m’enlever, nous avons pu voir qu’ils allaient bien s’en sortir ! C’est plutôt une bonne chose ! Bon, on n’a pas eu le temps de voir la vie de nos doubles mais… puisque mamie est avec eux, ça ira forcément bien ! Tenta Anna avec son éternel optimisme.
-Mon enfant, tu as déjà en toi l’esprit de l’Hellheim !
-Oh ? Merci mémé, pourtant je ne suis pas cinquième esprit… Gloussa-t-elle
-Ta grand-mère avait raison de penser que tu étais un diamant brut ! … Mais tu dois encore être quelque peu taillée !
-Attends quoi ?!
-Bien sûr que si tu es cinquième esprit ! Tu le partages avec ta sœur, même si pour toi c’est en quelque sorte… en dormance ! Oh je te l’accorde cela n’a que peu d’importance pour vous deux car… Oui, Iduna vous a… Comment dire cela sans vous vexer…
-Pris notre place ? Se risqua Anna.
-Non… Enfin… Si on souhaite faire simple tout compte fait… Oui tu as raison mon enfant ! Et dans le fond, ta sœur et toi, vous méritez d’être en paix dans le plus merveilleux endroit de l’univers, en compagnie de votre âme sœur ! Et par contre… ce que tu as dit à propos de la vie des vivants… ça n’est pas l’entière vérité…
-Attends quoi ?! Lancèrent de concert toutes les Piceaerd en foudroyant du regard Emma.



L’aïeule fut quelque peu surprise de cette réaction consternée et sursauta, reversant au passage la fin de sa seconde assiette.


-Oh… un si bon ragout… Mes enfants, il ne faut pas vous énerver ainsi…
-Emma ! Qu’est-ce que tu as dit à propos de… Commença mamie.
-Mais la vérité voyons… Allons tu sais la valeur que peut avoir l’avenir… Bon parler d’avenir ici est relatif certes mais… Tu m’as comprise.


Dans le regard de mamie, pouvait alors se lire une légère inquiétude qu’Emma regrettait d’avoir créé. Tout ceci était contraire au concept d’Hellheim. L’aïeule s’empressa de terminer avec délice l’assiette qui lui était offerte et, s’essuyant la bouche avec le tissu qui servait de nappe  s’éclarcit la gorge.


-Je n’avais pas souvenir qu’il fusse necessaire de réexpliquer plusieurs fois les mêmes choses dans cette famille… Mais qu’importe, comme on dit, à membres exceptionnels, situations exceptionnelles…
-Tu penses mémé que nous sommes…
-Oh oui mon enfant ! Depuis des siècles que je guette cette glorieuse famille, vous surpassez de loin tous ceux qui vous ont précédé ! Bien, je vous disais, le futur… est toujours un élément instable. Vous avez vu des événements dans l’avenir… Ils sont le résultat d’une possibilité, mais pour l’atteindre, des choix devront être faits… par eux ! Pas par vous ! C’est leur libre arbitre ! Ils ont leur mission dans la vie… Vous, c’est terminé et, à la fin, ils seront ici avec vous ! Tenta de convaincre Emma.
-Mais… mémé… Tout le monde ne vient pas dans l’Hellheim… Suggéra Anna.
-Certes… c’est vrai mon enfant mais… nous parlons de notre famille ! Répondit la première Picéaerd mal à l’aise.
-Je pourrais ne jamais revoir Agnarr ?!... Ni mon fils ?! Non !!
-Iduna ! Allons contrôle toi mon ange de l’air !
-Oui ma chère… Ta mère a raison… Tout est affaire de choix et… ils feront… Probablement les bons !
-Je ne peux pas les laisser seuls !
-Iduna !
-Laisse-moi maman ! Insista le cinquième esprit.


Déterminée, Iduna quitta la table sous les yeux circonspects de tous. Seule Emma ne bougea pas, elle gardait les yeux fermés, comme si elle se concentrait puis, lorsqu’elle les rouvrit, alors, comme sortis de nulle part, Pieter ainsi que son père qui tenait dans ses bras la petite Helga, fille d’Anna d’Arendelle dans une autre vie, coupèrent la route à Iduna, manquant de peu de la percuter.


-Eh mais… Commença l’ancienne reine avant de se radoucir.
-Bonjour ma petite ! Ca faisait longtemps ! Souffla Olaf
-Grand père ?!
-Oui Iduna… Nous n’avons pas eu le temps de nous revoir depuis… ton arrivée ici mais… Nous avons tout le temps et… oh mais tu connais cette demoiselle ? Indiqua le grand père en lui tendant la fillette.
-Mamie Dudu !!! Sourit Helga heureuse de trouver les bras de sa grand-mère qui l’avait arrachée aux griffes des limbes.
-Oh ! Mon petit trésor !! Et… Pieter ?!
-Je tenais moi aussi à voir ma nièce préférée !
-C’est… facile après tout, je suis ta seule nièce ! Répondit amusée Iduna alors qu’elle chatouillait la petite Helga dont les rires lui redonnèrent de la joie.
-Quel beau sourire… Tu as celui de ta mère ! Complimenta Olaf.


Iduna paraissait ravie de pouvoir converser avec son grand père et son oncle. De même, voir sa petite fille d’une autre vie lui réchauffait le cœur alors que quelques pas plus loin, le reste de la famille observait en s’approchant doucement…


-Emma ?!... Est-ce que… Par le plus grand des hasards c’est toi qui d’une manière ou d’une autre a permis que papa et Pieter arrivent juste à ce moment là ?
-Je ne peux rien te cacher Anna ! Les privilèges de l’Hellheim ! Nous pouvons faire venir à nous quand nous le souhaitons nos proches présents dans ce plan de l’univers !... Oh ne me dévisage pas ainsi… Ta fille en avait besoin !
-Mais… Je n’ai toujours rien dit ! S’amusa la matriarche.
-Et tant que nous en sommes aux questions Anna… Dis-moi, n’aurais-tu pas pendant que nous attendions ce merveilleux repas… Désobéit à ma mise en garde ?
-Plait-il ?
-Ne fais pas l’innocente, je suis la mère fouettarde, je repère les personnes désobéissantes ! Tu es allée dans la rivière ! Puis-je savoir pourquoi ?
-J’y suis allée en effet… Pour m’assurer que tout le monde était bien arrivé à bon port !
-Anna… Venant des enfants je peux l’entendre… Mais de toi. Ne refais pas cette erreur ! Rétorqua Emma.


Mamie Anna offrit un sourire à son aïeule ne préférant pas entrer dans la conversation. Elle aussi était heureuse de pouvoir retrouver ces visages trop longtemps perdus de vue qui méritait davantage son attention qu’une conversation sur Ahtohallan avec Emma. Elle s’approcha du groupe et salua chaleureusement son frère ainé avant de tomber dans les bras de son père sous les applaudissements de la petite Helga, qu’Iduna dévorait des yeux. La petite avait les yeux qui brillaient et fut tout à coup subjuguée lorsqu’elle tourna la tête et aperçut au loin Anna, plus rayonnante que jamais !


-Mamie Dudu ! Mamie Dudu !! Autre maman Anna !! Là !!! Gazouilla l’enfant.


Helga se tordait dans tous les sens pour attirer l’attention d’Iduna. Celle-ci lui sourit et s’approcha de ses filles qui arrivaient à sa rencontre. Iduna tendit l’enfant qui ne se fit pas prier pour sauter dans les bras de la jeune femme et se blottir dans la cascade de cheveux roux d’Anna avec une gestuelle qui n’était pas sans rappeler à au cinquième esprit ses plus jeunes années auprès de sa mère.


-Oui petit trésor ! Je suis là ! Chuchota Anna qui paraissait savoir naturellement agir avec les jeunes enfants.
-Dis autre maman… Maman est vivante maintenant ?!
-Oui Helga… Maman est vivante… Et je suis certaine qu’elle pense très fort à toi…
-Bonjour… Et donc Anna… C’est elle que… ton autre toi a eu avec Hans si j’ai bien compris…
-Euh… Oui… C’est ça Elsa !... Enfin à ce que j’ai compris, cette petite n’a jamais eu le temps de naître mais elle est parmi nous malgré tout…
-Comme si la famille n’était déjà pas suffisamment compliquée… S’amusa la gardienne de la forêt en caressant la petite.
-Tatie Elsa elle a une jolie robe !
-C’est vrai trésor… Tu veux lui dire bonjour ?... Elle est aussi belle que gentille ! Encouragea Anna en guidant l’enfant vers le cinquième esprit.
-Non !
-Non ?! Oh mais pourquoi ?
-Tatie elle est belle, mais c’est maman Anna la plus belle ! Alors je reste avec maman Anna ! Souffla la fillette alors qu’Elsa perdit le sourire tandis qu’Anna ainsi que Kristoff réprimèrent un rire nerveux.
-Ah l’innocence des anges !... La vérité sort de la bouche des enfants à ce qu’il paraît… Enfin rassure toi jeune esprit, ça n’est pas toujours le cas, j’ai dû en soigner quelques-uns au charbon parfois… Qui sait, peut être que leur faire s’allonger le nez aurait été plus efficace ! Intervînt Emma pour rassurer Elsa.
-Cette petite parle de sa mère… c’est bien normal ! Et Anna… Anna est magnifique c’est indéniable ! Répondit Elsa avec douceur ce qui fit rougir sa cadette.
-Et elle déteint sur toi apparemment ! Te voilà sage désormais jeune esprit… C’est une bonne chose, je t’en félicite ! Bien… Chers membres de la famille Picéaerd, puisque nous sommes tous réunis ici… Olaf mon ami, toi qui connais les lieux, pourrais-tu montrer à ces jeunes gens le paradis qui leur tend les bras ?



Le grand père de la famille s’exécuta avec plaisir et menait la troupe au hasard des merveilles de l’Hellheim. Hélas pour lui, bien qu’essayant de se montrer convaincant et captivant, lors des premiers instants, tout ce qu’il espérait montrer à ses descendants ne put apparaître mais cela ne semblait guère déranger les Picéaerd. Mamie était en pleine conversation avec son frère, tous deux semblaient vouloir rattraper le temps perdu, d’une vie faîte de tourments et de déchirures entre eux du fait d’un seul être méprisable. Ils s’extasiaient ensuite devant le jeune Olaf, visiblement ravi de retrouver son oncle. Un peu plus loin les plus jeunes femmes de la famille n’avaient d’yeux que pour la petite Helga et chacun allait volontiers de son compliment pour ce petit ange qui elle, avait trouvé son paradis dans les bras doux et protecteurs de la jeune rousse d’Arendelle. Sur tous les visages, des sourires pouvaient se lire et, même si l’Hellheim, au grand désespoir de grand père Olaf ne montrait pas ses bienfaits, pour tous les membres de la famille, ils en étaient convaincus… Ils étaient au bon endroit ! Tous ensemble !


-Mes enfants ! Mes enfants ! Je vous prie ! Lança Emma pour stopper les conversations alors qu’Iduna se tenait à ses côtés, demeurant de tous, la plus en retrait.


Tous conservèrent leur visage heureux mais, docilement se stoppèrent et tournèrent leurs yeux vers la matriarche respectée. Face à eux, Emma dégageait une autorité naturelle, sans qu’il ne s’agisse d’une posture altière digne des plus grands souverains, le respect et l’obéissance à cette femme paraissait évident. Sans se concerter, comme s’ils ne faisaient qu’un, tous les membres de la famille baissèrent les yeux. Mamie et Iduna eurent toutes deux le temps de remarquer ce comportement curieux avant à leur tour d’imiter leurs proches. Un court silence s’installa alors, ce que semblait avoir souhaité Emma. Tous demeuraient attentifs aux paroles de leur guide alors qu’ils relevaient la tête lentement et l’observaient en quête de la bonne parole. Seule Elsa avait un regard légèrement différent… Chez la reine des neiges, de manière presque imperceptible pouvait se déceler… De l’envie.


-Mes enfants, cessez donc de me dévisager comme si vous aviez rencontré votre créateur ! Désamorça Emma ce qui fit sourire l’assistance.
-Bah mémé… D’une certaine façon tu…
-Merci Anna… Je vous prie de m’excuser de vous avoir ainsi interrompus mais… Notre ami Olaf souhaitait vous montrer les merveilles de notre monde ! Alors le fait d’être ensemble est la source de votre bonheur mais… laissez-le s’exprimer ! Olaf ?! … Et si tu réessayais ?! L’encouragea-t-elle


Le grand père hésita quelques instants, Emma, malgré elle avait instauré un climat pesant et chacun avait le sentiment qu’il leur fallait l’approbation de leur aïeule. La créatrice de la famille le ressentit et s’approcha de mamie Anna pour lui glisser quelques paroles. Aussitôt après, celle connue pour être la mère fouettarde s’éloigna laissant la famille seule en silence. Mamie Anna prit la main d’Elysia, et, d’un signe de tête pour Pieter, tous trois se dirigèrent vers le doyen de la famille, faisant face aux plus jeunes. Cette action semblait redonner confiance à Olaf.


-Bien, jeunes gens si j’ai votre attention… Plutôt qu’essayer à vous montrer des éléments pour chacun et si nous tentions une expérience… Fermez les yeux et chacun, pensez au lieu que vous désirez voir ! Encouragea Olaf.


Les membres de la famille échangèrent un regard circonspect puis se plièrent à la demande. Tous fermèrent les yeux et se concentrèrent. Au bout de quelques instants, un grand sourire pouvait se voir sur le visage d’Olaf. Tout fonctionnait alors que la brume de l’Hellheim donnait l’impression d’onduler et transportait toute la famille. Le décor immédiatement changea autour d’eux. La famille continuait de conserver les yeux fermés, à part les plus anciens qui pouvaient admirer le prodige. Pieter avait un grand sourire alors que celui d’Elysia et Mamie se fit plus discret.


-Bon… Ca n’est probablement pas ce que j’aurai choisi mais… Il faut bien le reconnaître c’est un lieu magnifique ! Déclara mamie.


Cette phrase encouragea le reste de la famille à ouvrir les yeux. Tout autour d’eux, inondé par un grand soleil dont les doux rayons réchauffaient les corps s’étendait, majestueuse la ville d’Arendelle et son fjord. Emus, tous les membres balayaient doucement le paysage du regard, s’attardant sur chaque détail. Le royaume était venu à eux. Kristoff sentit une boule lui serrer son cœur mort lorsqu’il prit conscience de l’endroit où ils se trouvaient. Le pont du château. Ce pont tragique où héroïquement son fidèle compagnon s’était sacrifié pour sauver ceux qui pouvaient encore l’être. Soudain il sursauta alors que se fit entendre une explosion. L’espace d’un instant, le montagnard eut le sentiment que le paradis s’était transformé en enfer avant de comprendre qu’un feu d’artifice de glace, pareil à celui qu’Elsa avait créé quant elle sut maîtriser ses pouvoirs enjolivait davantage encore le ciel. Alors que le flocon disparaissait, sous les yeux émerveillés de la reine des neiges qui n’avait pas souvenir avoir su créer une représentation aussi parfaite, Kristoff sentit une présence derrière lui se coller contre son bras. S’il avait été dans le monde des vivants, il en était certain, son cœur se serait alors arrêté alors qu’il comprenait que cette présence était celle de son plus vieil ami.


-Sven !!! Sven tu es là vieux frère !! Je pensais t’avoir perdu quand nous avons quitté l’Helveg !
-Allons, les animaux sont les bienvenus ici fiston ! Commenta Olaf, heureux de voir sa famille découvrir les merveilles de l’Hellheim.


Anna, Elsa et Ryder furent heureux de retrouver le compagnon à quatre pattes de Kristoff alors que la petite Helga était aux anges. Le montagnard aidait Anna à la placer correctement sur le dos du cervidé avant d’être rapidement rejoint par le jeune Olaf qui avait reçu la bénédiction de mamie Anna pour tenter l’expérience. La matriarche, aux côtés de l’amour de sa vie et de son père observait en retrait.


-Papa… Cet animal ne te dérange pas ?
-Pourquoi donc Anna ?! Parce que ce sont des rennes qui sont responsables de mon trépas ? Questionna le doyen.
-Je… Eh bien…
-Anna… Ce ne sont pas les rennes qui m’ont tué ! Nous le savons très bien…
-Certes mais…
-Oh Anna… Toute ta vie cela t’aura hanté je le sais… Et ta relation avec ces animaux aura surtout été celle de la cuisinière ! Ta mère t’a enseigné tout ce que tu devais savoir sur le chamanisme, tu as appris tout ce que tu pouvais sur la nature mais ma fille, tu as oublié une chose pourtant essentielle à notre peuple. Ce lien si fort que nous avons avec ces animaux ! J’ai passé ma vie à m’occuper d’eux. Tu as dressé une barrière avec eux, comme si tu n’avais jamais pu les accepter alors que c’est ce qui fait notre communauté, ton mari lui l’a compris ! N’as-tu pas été un grand éleveur Elysia ?
-Euh… Je pense… J’espère !
-Ne sois pas modeste ! Tu n’étais peut-être pas un chamane mais tu savais ce qui faisais l’essence des Northuldra ! Toi aussi tu as pleuré notre disparition mais tu es revenu auprès des animaux. Tu comprends Anna ? Elysia ne s’est pas enfermé comme toi qui a créé cette distance… Comme tu as pu le refaire après son décès avec le reste de la tribu…
-Non papa tu te trompes c’est totalement différent et…
-Oui tu t’es fâchée avec Yelena puis vous avez fait un pacte… Pourtant vous avez su garder le contact… Tu as créé cette barrière avec notre peuple ma fille, comme avec les rennes… Désormais tu dois apprendre à les faire tomber. Tu aurais pu revenir chez toi… Cela aurait été compliqué d’expliquer, mais cela aurait pu fonctionner mais au fond de toi ce qui t’a empêché de rompre ta promesse à Yelena, c’est cette barrière. L’Hellheim nous sublime ma fille, mais nous restons des humains, avec nos défauts, nos faiblesses. Mais ce lieu… Ce lieu nous permet de nous en libérer. Si Arendelle est apparu, c’est parce que les enfants l’ont souhaité… Mais nous, nous ne sommes pas contre, sinon il ne serait pas là. Ça n’est pas le lieu auquel tu aurais pensé en premier comme tu as dit… Mais s’il est là, c’est peut-être parce que tu as encore une chose à y apprendre… Comme la présence de ce renne ! Qui c’est, ça sera peut-être avec lui que tu feras tomber cette barrière ! Après tout, il était avec ton double dans l’Helveg, ça n’est pas un hasard !
-Tu es incroyable papa… Même après notre mort tu continues à m’apprendre la vie ! Lança mamie qui soudain paraissait être une petite fille et se serrait contre son père retrouvé.


Kristoff était toujours aux anges et peu à peu tous les membres de la famille continuèrent d’observer les lieux. Iduna sentit un pincement quand sur les hauteurs, elle pouvait distinguer les moulins à vent dont elle avait aidé à la confection. Enfin, pour les deux sœurs, toutes deux se prirent la main lorsqu’elles se retournèrent.

-C’est chez moi… Souffla Anna émue.
-Oui… c’est ton royaume Anna !
-Le nôtre tu veux dire. Corrigea la jeune rousse en prenant la main de sa sœur et de sa mère.


Avec une certaine appréhension, les trois femmes gagnèrent l’imposante porte du château d’Arendelle et se stoppèrent. Sans se concerter, les deux filles d’Iduna reculèrent d’un pas pour laisser leur mère tremblante ouvrir les portes de ce qui fut sa maison et y pénétrer en silence. Tout à l’intérieur respirait le doux parfum d’une vie disparue depuis des années pour Iduna. Les lieux demeuraient les mêmes mais pourtant, ils paraissaient sublimés sans que le cinquième esprit ne puisse expliquer pourquoi.


-C’est… encore plus beau que dans mes souvenirs…
-Maman… Je pense qu’ici, il n’y a pas l’ambiance de notre séparation à Elsa et moi… Se risqua Anna.
-Toujours aussi perspicace ma petite !


Toutes les trois sursautèrent alors qu’apparut derrières elles la silhouette de leur lointaine ancêtre.


-Mémé ?... Tu nous as fait peur ! Où étais-tu passé ?
-Ma présence vous gênait pour vous créer votre paradis mais comme toi… Je suis curieuse, je n’ai pas pu m’empêcher de venir voir votre monde ?... Et clairement il n’y a pas de quoi rougir ! Vous avez bon goût mes enfants ! Je comprends ma chère pourquoi tu as choisi de vivre auprès des Arendelliens… enfin pas n’importe lesquels !
-Mais je ne suis pas tombée amoureuse d’Agnarr car…
-Ne te défends pas ma chère… C’était une blague rien de plus. Même si je dois l’avouer, c’est un exercice pour lequel je n’ai jamais été très douée ! Confessa l’ancêtre.
-Maman ? Tu veux faire visiter le château à mémé…et à Helga ?! Ça te tente trésor de voir où vit maman ?! Encouragea Anna
-Oh oui !!
-Et toi mémé ?
-Je n’osais pas le demander. Répondit poliment Emma.


Pour la première fois cette dernière sut arracher un sourire à Iduna et la sortir de sa mélancolie. Même si elle ne voulait pas l’avouer, l’ancienne reine était ravie de retrouver cette glorieuse maison qui fut la sienne pendant la moitié de sa vie. Le reste de la famille les retrouvèrent rapidement, et tous écoutaient religieusement la visite guidée du cinquième esprit. Iduna connaissait chaque centimètre carré de cette glorieuse maison mais sa plus grande fierté fut lorsqu’ils atteignirent la modeste pièce secrète. Loin des grands salons et galeries fastueuses, l’Hellheim avait même pris soin de laisser la poussière et le côté abandonné des lieux. Les yeux d’Iduna s’embrumèrent alors qu’elle ne quittait pas Mamie Anna des yeux. La matriarche détaillait tout avec expertise, puis ouvrit un grimoire et observa la rédaction de sa fille et sa calligraphie impeccable.


-Pour une enfant qui n’écoutait pas et ne voulait pas s’intéresser aux leçons… C’est un travail…Tout à fait acceptable.
-Oh Anna… Qu’aurai pensé ta mère d’une telle œuvre ? Intervînt papy Olaf
-Elle aurait dit… Que tout ceci est extraordinaire ! Sourit Mamie.
-Merci ma…
-Mais elle aurait eu tort !
-Quoi ?!
-Oui… Car elle aurait été en dessous de la réalité et ne t’aurais pas rendue justice mon ange de l’air ! Ce que tu as accompli ici… Est bien au-delà de tout ce que j’aurai pu rêver en une longue vie de chamane !


Iduna se sentit vaciller, retenue par son père qui lui offrit à son tour un large sourire. Mamie venait de lui faire probablement le plus beau compliment qu’elle n’avait jamais entendue. Jamais elle n’avait cherché à impressionner Mamie Anna mais, du jour où la brume fut tombée sur le pays Northuldra, le regret d’avoir ainsi rejeté l’héritage d’Anna l’avait rongé et par ces quelques mots, Mamie venait de libérer l’ancienne reine d’Arendelle du fardeau qui pesait dans son cœur. Pendant le reste de la soirée, le bonheur de ce compliment avait même réussi à faire oublier au cinquième esprit sa tristesse d’être séparé de l’homme qu’elle aimait ainsi que de son jeune fils. Anna et Elsa prirent le relais de la visite et retrouvèrent toutes deux leurs marques. Ce château avait été le théâtre de leurs trois plus belles années de vie pendant le règne d’Elsa, où toutes deux furent plus proches que jamais, entourées de ceux qui comptaient pour de vrai pour elles. Finalement, après un détour par les cuisines où des douceurs chocolatées avaient pour une fois remplacé le traditionnel ragout familial au titre de repas. Elles guidèrent la famille jusqu’à la salle du trône et toutes deux se figèrent surprises. Au premier coup d’œil, la salle majestueuse était telle que dans leurs souvenirs, mais un détail changeait. Au fond, l’imposant trône royal n’était pas seul. Il s’en trouvait quatre, parfaitement identiques. Immédiatement, Anna et Elsa se dévisagèrent interdites.


-Mais… à qui est-ce ? Murmura Elsa
-Oh, c’est une bonne question ça jeune esprit ! Il est vrai que vous avez laissé une sacrée pagaille au niveau de la succession mes enfants ! Qui donc porte la couronne ici ?! Interrogea Emma qui semblait s’amuser de la situation.
-Toi ! Lancèrent de concert les deux sœurs qui furent étonnés d’avoir parlé d’une seule voix.
-Anna… c’est… c’est toi qui…
-Non Elsa ! Je n’ai pas été jusqu’au couronnement…
-Mais tu as été considéré malgré tout comme la reine…
-Mais officiellement, tu restes la reine Elsa !... A moins que… maman…Elle aussi l’est…
-Mémé… Ces trônes sont pour nous trois ?... C’est ça ?! Questionna Elsa.
-Mais alors… A qui est le quatrième ?! S’interrogea Anna.
-Je… crois savoir. Soupira Kristoff.
-Qui ?
-Eh bien… Moi ! … Pendant l’exil… Les Arendelliens… Ils… Ils m’ont fait prononcer les mots des rois… J’avais Révolute…Ils… Ils ont fait de moi leur roi… Fit Kristoff mal à l’aise.
-Quatre têtes couronnées ! … C’est le paradis des souverains ici ! Remarqua Emma.
-Je n’en veux pas… Je ne l’ai jamais souhaité ! Arendelle m’a désigné mais j’ai toujours affirmé que tout ceci ne me revenait pas ! Affirma Kristoff alors qu’immédiatement, l’un des trônes venait de disparaître.
-Moi non plus ! … Je suis partie d’Arendelle depuis bien longtemps… C’est vous Anna et Elsa qui avez dû avoir sur vos épaules la destinée d’Arendelle en l’absence de votre père et moi ! Souligna Iduna, alors qu’un deuxième siège royal disparaissait.


Un nouveau silence s’installa alors que les deux sœurs s’avançaient prudemment vers les deux sièges royaux, sans qu’aucune n’ose passer devant l’autre.


-Donc nous avons deux sœurs pour une couronne… Comment résoudre tout cela ? Fit Emma.
-Quoi ?
-Je plaisante mes enfants… Regardez !


D’un geste, Emma présenta un grand coussin sur lequel était déposé deux couronnes qu’Elsa et Anna reconnaissaient, celles qu’elles devaient porter.


-Permets-moi, je m’en charge ! Coupa Iduna avant qu’Emma ne puisse ajouter quoi que ce soit.


La mère n’eut besoin que d’un geste et docile les filles obéirent et s’agenouillèrent devant le cinquième esprit qui délicatement mais avec dignité coiffa chacune de ses filles de la couronne qui leur revenait. Iduna les fit se relever et s’écarta. Anna et Elsa dominaient alors le reste de la famille et ensemble prirent chacune place sur le trône qui leur revenait de droit


-Le plus grand des cinquièmes esprits depuis des siècles ma chère ! Je n’avais pas vu autant de sagesse depuis si longtemps ! Commenta Emma sincère alors que les deux sœurs échangeaient un sourire gêné et aussi coupable.
-Anna… Je…
-Elsa pardonne-moi…
-Quoi ?!... Non c’est… C’est à moi de m’excuser je…
-Je n’aurai pas dû te traiter comme je l’ai fait en Arendelle !
-Tu te trompes Anna… C’est moi qui me suis montrée jalouse… Si je n’avais pas agi ainsi nous… Nous aurions été ensemble pour défendre notre royaume et les choses…
-Auraient été différentes au point que nous n’aurions peut-être jamais pu nous rencontrer ! Coupa Mamie
-Mais…
-Pas de mais… Si vous n’aviez pas agi comme vous l’avez fait, qui sait si nous aurions pu nous rendre compte de qui était Andréas…
-Votre grand-mère a raison mes enfants… Si vous aviez si mal agi… Vous ne seriez pas dans l’Hellheim ! Ajouta Emma.
-Vraiment ? Demanda la jeune rousse.
-Puisque je te le dis Anna ! D’ailleurs ma petite ! Tu avais renoncé à ton couronnement, mais aussi à ton mariage… Ne crois-tu pas qu’il serait temps de remédier à tout ceci !


L’ancêtre joignit le geste à la parole. Elle n’eût besoin qu’à quelques pensées pour que l’Hellheim démontre à la famille Picéaerd tous les bienfaits qu’il pouvait leur offrir. En quelques secondes, l’univers se chargea de satisfaire les désirs de la famille. La salle se trouva rapidement richement décorée de fleurs blanches, alors qu’un chemin se traçait à l’aide de branches d’épicéas. Un autel se matérialisa devant Anna et Kristoff.


-A vous les enfants ! Encouragea Emma.
-Vraiment ?...
-Mais qu’est ce que tu attends Anna ! Intervînt Elsa impatiente.


Les deux amoureux échangèrent un sourire et fermèrent les yeux. Il n’en fallait pas plus pour l’Hellheim qui offrit à Anna une robe immaculée au décolleté légèrement plongeant. Le voile, léger s’accrocha délicatement dans les cheveux roux impeccables de la cadette d’Arendelle qui ressemblait à un ange alors que Kristoff se trouvait paré d’un élégant costume noir en queue de pie et d’un nœud papillon qui prenait la forme d’un flocon de neige. Tous deux resplendissaient et sublimaient davantage encore la beauté de l’Hellheim.


-Bien… Famille Picéaerd si vous voulez bien prendre place ! Invita Emma

L’ambiance avait été transformé et chaque membre de la famille s’était vu offrir par l’univers une tenue digne de l’événement grandiose auquel ils s’apprêtaient à être témoins. Kristoff lui dévorait sa belle du regard, jamais il n’avait vu personne aussi belle et même si son cœur ne battait plus, il pouvait l’entendre depuis les tréfonds de son âme chavirer pour la belle Anna d’Arendelle. Alors qu’Emma, avec expertise démarrait la cérémonie


-… Bien, il nous faut maintenant le concours d’une chamane à ce stade du mariage… Anna, aurais-tu l’amabilité de t’occuper de ce menu détail à côté de toi. Fit Emma en indiquant des coupoles.
-Quoi ?... Mais qu’est-ce que ?! Non mais d’où viennent-elles celles-là ?! Emma ! Ne me dis pas que…
-Allons Anna… C’est moi qui ai inventé cette tradition ! Et je ne connais personne de plus experte que toi pour allumer ce genre de chose…
-Mamie…ça… ça me ferait extrêmement plaisir si…Tu voulais bien… Et puis… Je crois que tu l’as déjà fait pour mon double non ?! Demanda Anna alors que ses yeux de menthe se remplissaient d’eau, noyés par la joie et l’émotion de l’instant.
-Il fallait vraiment que ça soit pour ma petite Picéaerd ! … ça sera la dernière fois j’espère !
-Il ne faut jamais dire jamais Anna ! Répliqua Emma avec malice.


Avec un soupir, plus simulé que sincère, Mamie Anna, rejoignit Emma derrière l’autel et procéda à la cérémonie des coupoles mais cette fois, peut être pour la première fois, elle l’exécutait avec grand plaisir. Sans surprise, il ne fallut pas attendre longtemps pour que le feu sacré apparaisse sous les applaudissements de la famille. Emma attendit patiemment que le calme revienne et insista pour que Mamie reste à ses côtés pour la suite des événements avant de poursuivre la célébration.


-… Bien, n’oublions pas pour autant les traditions d’Arendelle ! Olaf ! Helga… à vous mes petits !


Toute la famille se regardait sans comprendre et soudain, ils tombèrent en extase. Habillé comme Kristoff, le jeune Olaf remontait l’allée tracée par les branches d’Epicéas et tenait la main de la petite Helga qui peinait quelque peu à marcher droit dans sa robe de princesse. Avec quelques petits rires, tous deux tenaient un coussin où était attachés les alliances que les deux amoureux s’étaient promis de s’offrir le moment venu. Au devant de l’autel, les enfants firent une révérence aux deux mariés. Anna s’empressa de leur offrir à chacun un baiser alors que fébrilement Kristoff dénoua le lacet pour libérer les anneaux et passer à l’annulaire le diamant orange qu’il rêvait d’offrir à l’élue de son cœur. Anna fit de même et tous deux attendaient avec impatience l’instant libérateur que leur offrit Emma. Ce que la vie n’avait eu le temps de leur donner, la mort leur offrait, leur union éternelle alors qu’ils échangeaient un long baiser sous la clameur de la famille dont les yeux d’humidifiaient.
Le paradis continuait de couvrir la famille Piceaerd de ses bienfaits où tous avaient le sentiment qu’ils allaient y vivre heureux pour toujours. La salle du trône à nouveau s’était transformée. D’immenses banquets proposant les mets les plus exquis étaient offerts à la famille. Elsa avait laissé son trône à Kristoff et les jeunes mariés régnaient en ce jour de fête pour eux sur le Royaume d’Arendelle des cieux avant qu’Emma ne les invitent à ouvrir le bal. Mari et femme s’exécutèrent. Tous les yeux se posèrent alors sur eux tandis qu’une musique démarrait. Kristoff et Anna valsaient sous les regards heureux. Ils incarnaient le couple parfait, donnaient l’impression de voler à chaque pas. Au bout de quelques minutes de grâce, Mamie Anna et Elysia s’empressèrent de rejoindre la valse des amoureux et, peu à peu les couples suivirent. La famille Picéaerd respirait le bonheur. Iduna de son côté levait sa coupe d’hydromel émue de voir sa fille cadette ainsi heureuse alors que Pieter s’approchait et trinquait volontiers.


-A ta santé ma nièce ! Et à ta fille !!
-Elle est merveilleuse ! Je suis heureuse d’avoir pu assister à ça !
-Ah ça, l’Hellheim les a gâtés ! Quelle fête merveilleuse !
-En effet ! Elle est magnifique !
-Magnifique ?! C’est même mieux que cela ! Tu sais, j’ai vécu longtemps en Arendelle moi aussi et j’avais mes entrées au château ! Je n’ai jamais vue une fête donnée par le roi aussi sublime !
-Les fêtes du roi… Comme tu dis. Répondit Iduna d’une voix soudain triste.
-Oui ! ça c’était quelque chose ! Ce château a quelque chose de magique quand le roi l’honore de sa présence et cette fête me rappelle tout ce bonheur que tous pouvaient avoir en voyant le monarque et…
-Excuse-moi… Je suis fatiguée… Bonne nuit ! Coupa Iduna.


Immédiatement la reine mère laissa son verre dans les mains de son oncle et d’un pas rapide quitta la grande salle au bord des larmes.


-Eh Iduna ! Reviens !!! Mais… Mais qu’est-ce que j’ai dit ?! Interrogea Pieter surpris alors qu’Olaf venait à sa hauteur.
-Mon fils… Je suis désolé de devoir te le dire mais par moment… T’es un véritable idiot ! Lança sévère Olaf…
-Quoi mais…
-Non… Maintenant, ne dis plus rien ! Parler du roi… Alors qu’elle est triste d’être séparée d’Agnarr… Mais qu’as-tu dans le crane ?!
-Mais… Non moi je… Je parlais des réceptions données par le roi Runaerd et… Je… Je vais aller lui expliquer !
-Non ! … Ne bouge pas d’ici comme ton père l’a dit, tu en as assez fait ! Attends-toi à trouver du charbon d’ici peu de ma part ! Je m’en occupe ! Olaf ? Puis-je compter sur ta discrétion pour ne pas gâcher le bonheur de ces jeunes gens ?!


Emma n’attendit pas de réponse et à son tour s’éclipsa sans que personne ne la remarque.
Au loin, Iduna laissait finalement couler ses larmes et l’environnement de l’Hellheim changea ainsi que le temps. Une pluie glaciale la trempait jusqu’aux os alors qu’elle s’agenouilla et hurla le prénom de celui qui lui manquait tant.
Alors qu’elle hurlait son malheur, l’Hellheim comme s’il luttait face au malheur interdit en ce plan de l’univers fit trembler la terre autour de l’ancienne reine. Le sol craquait et des flammes roses apparaissaient dans les crevasses qui entouraient la fille d’Anna Picéaerd trempée par la pluie qui redoublait. Puis, au milieu de ce chaos, une brise douce caressa le visage détruit de tristesse d’Iduna qui releva la tête et s’essuya ses beaux yeux trempés.


-Cou… Courant d’air ?


Le vent se manifesta à nouveau et semblait saluer sa partenaire.


-Courant d’air… Ce… C’est l’œuvre de nos amis tout ceci ?


Pour toute réponse, les flammes prirent la forme d’une salamandre bien connue des Picéaerds, la pluie dessina rapidement la silhouette équestre du Nokk et des rochers de mirent à bouger dévoilant les géants de la Terre. Iduna n’eut pas besoin de plus de temps et se laissa happer par les esprits qui la firent quitter les lieux alors qu’Emma n’était plus qu’à quelques mètres d’elle.


-Mais où va-t-elle ? Fit Emma pour elle-même avant de poursuivre sa route car, au fond d’elle, elle connaissait déjà la réponse.


Au loin déjà les esprits firent voler Iduna toujours plus vite si bien que la reine eût le sentiment de quitter son enveloppe charnelle alors qu’elle sentait son corps toucher un sol gelé. Pourtant son regard se porta sur son ami de l’air.


-Prends-moi mon ami ! Pensa-t-elle.


Son vœu s’exauça, le zéphyr parcouru de part en part le corps du cinquième esprit puis Iduna eût le sentiment de s’envoler, laissant le corps de la reine. Elle ferma les yeux, persuadée de pouvoir plus jamais les rouvrir. Et pourtant… Au bout de quelques secondes, ou quelques heures elle avait le sentiment de voir à nouveau. Sous elle, des arbres à perte de vue. Au bout de quelques instants, sa vue se fit plus clair et eût l’impression de descendre. En contrebas des tentes, elle avait reconnu le lieu. Il s’agissait du campement des Northuldra. Iduna s’approcha du feu au centre du village et vit Yohan, le nouveau chef se relever et regagner sa couche pour la nuit.


-Yohan !! Yohan !!! Comment allez-vous ?!


Le chef ne répondit pas et continua son chemin.


-Fort bien… Je ne le pensais pas impoli pourtant ! Remarqua Iduna


A pas de loup, elle déambulait dans le camp. Elle en était certaine, c’était bel et bien le monde des vivants. Finalement, l’Hellheim avait-il entendu son souhait ? Alors qu’elle était proche d’une des tentes, elle reconnu les effets d’Agnarr. Iduna fut parcourue d’un frisson… Enfin ! Elle allait le revoir ! Sans un bruit elle pénétra dans le modeste logis éclairé d’une bougie. Soudain, elle sursauta, elle venait de passer devant un bouclier et s’attarda devant. Elle l’observa sous toute les coutures, il était impeccable et voulait voir son reflet afin d’être certaine d’être présentable mais à la place… Elle ne distinguait que les quelques feuilles qui virevoltaient. Soudain elle comprit… Elle avait pénétré l’esprit de l’air ! Iduna observa triste la couche où son époux. Agnarr dormait à poings fermés mais Iduna le savait… Il ne pourrait la voir. Si elle avait eu son corps elle le savait, des larmes auraient coulé le long de ses joues.


-Courant d’air ?... Mais qu’est-ce que tu fais dans la tente de papa ?!


Iduna se retourna et à nouveau se sentit défaillir. Devant elle, son petit Kaspian qui lui fit des signes amicaux. Le cinquième esprit ne put se retenir et son zéphyr s’empressa de souffler auprès de la tête du garçon. Iduna tentait de le couvrir de baisers mais pour l’enfant, cela n’était que de douces caresses du vent sur son visage.


-Eh mais… T’es bien joueur cette nuit ! T’es pas comme d’habitude et… Bon, arrête ! Viens ! Arrête de souffler où tu vas faire tomber quelque chose… Et si ça réveille papa… Tu sais bien qu’il ne sera pas content ! Il apprend encore ! Faut être patient avec lui, on l’aura ! Qu’est-ce que tu as ? Tu veux jouer ?


Iduna voulait hurler un grand oui, mais elle savait que c’était vain.


-Bon alors viens ! Mais chut ! Tu sais bien que je devrais être au lit depuis longtemps ! Oh et puis… On s’en fiche !! Ça ne sera pas la première fois ! Allez viens vite ! A l’endroit habituel ! Cligna Kaspian avant de disparaître.


Iduna resta interdite quelques instants. Son jeune fils venait-il de lui dire qu’il désobéissait. Son côté parental voulu protester face à ce comportement mais elle préféra éclater de rire ! Kaspian lui rappelait les espiègleries d’Anna et, à dire vrai… les siennes quand elle quittait son lit au nez et à la barbe de ses parents pour jouer à cache-cache avec l’esprit de l’air ! Amusée elle se laissa prendre au jeu et quitta non sans un dernier regard pour Agnarr la tente. Au bout de quelques instants de vol, elle repéra Kaspian et le zéphyr s’enroula dans ses cheveux.


-Bah alors ! Dis donc t’es vraiment bizarre toi ce soir ! S’amusa l’enfant.
-Comment ça je suis bizarre ?


Kaspian sursauta ainsi qu’Iduna ce qui déclencha une rafale et fit décoller l’enfant qui tomba lourdement sur les fesses.

-Quoi ?! Aïe !
-Bah alors… Si je suis bizarre, qu’est ce qu’on pourra dire de toi !
-Emma ! Je… Non je ne parlais pas toi !... Je parlais à courant d’air !
-Ah ? J’espère ! Mais il n’a pas l’air d’apprécier ! La preuve je crois qu’il t’a mis un bon coup de pied au derrière !


« Je pourrais t’en mettre un aussi si j’étais notre ancêtre ! Non mais tu n’es pas au lit toi ! » Lança amusée Iduna. Ce qui n’eût pour effet sur la fillette que de recevoir quelques rafales qui la décoiffèrent.

-Eh oh !! Non mais il a bu la flasque de papa le vent ce soir ?!
-Je ne sais pas… Il est très bizarre !


« Oh tu n’as pas idée mon trésor ! Comme j’aimerais tant pouvoir te serrer dans mes bras ! » Hurla Iduna qui eut pour conséquence de faire s’envoler l’enfant avant de redescendre doucement.


-T’es sûr que ce n’est pas ton pouvoir d’esprit qui est détraqué ?! Si tu fais ça avec Bruni, la forêt va bruler !
-C’est pas drôle Emma ! J’ai l’impression que courant d’air veut me dire quelque chose !


« Comme tu es intelligent mon Kaspian !!! » Tenta à nouveau Iduna augmentant encore ses rafales.


-Eh !!! Doucement !!! Bon courant d’air ? As-tu quelque chose à me dire… Si c’est oui, tu souffles vers Emma, si c’est non sur moi ! D’accord ?!
-Pfff, Kaspian c’est ridicule ! Tu ne voulais pas plutôt aller jouer et… Oh le vent ça va pas ! Hurla Emma en tombant à la renverse !


« Ce mode de communication va me plaire ! » S’amusa Iduna


-Chut le vent veut nous dire quelque chose ! Allez ! vas-y mon copain qu’est-ce que tu veux ?! Mais sois clair hein, moi je ne suis pas comme maman, je ne comprends pas tout et…  Eh doucement !!! Attends… c’est quand j’ai dit maman ?! … Tu veux me parler de maman ?! Demanda l’enfant qui vit aussitôt le vent se diriger vers Emma.
-Oh !!! C’est bon ça va on a compris !!! Kaspian, il veut parler de ta mère ! Intervient Emma agacée par le souffle.
-Maman ?! Oh formidable !!! Tu… Tu veux me parler de son passé ou ?!!! Attends faut que je trouve une question alors… Commença l’enfant surexcité.
-Non Kaspian stop !!!
-Quoi ?! Mais qu’est ce qu’il y a ?
-Il y a que je n’ai pas envie de prendre des rafales dans la tête toute la nuit ! Appelle Bruni !!
-Emma ! Je sais que tu adores le feu mais ça n’est pas…
-Je ne veux pas m’amuser avec… Il va nous aider à comprendre !!! le vent pourra dessiner dans les flammes !


« Oh petite Emma je t’adore tu es géniale !!! » Souffla Iduna qui fit virevolter de joie la fillette.


Kaspian comprit le message aussi bien qu’Emma et s’empressa de partir en quête de la petite salamandre laissant son amie en compagnie du zéphyr.


-Bon on est juste là toi et moi… Mais tu arrêtes de m’envoyer en l’air d’accord ?!... Bon si tu ne le fais pas c’est que tu dois être d’accord ! J’espère que ce que tu as à dire est important ! Ça fait longtemps maintenant qu’Iduna est partie… Elle me manque beaucoup tu sais… Oui tu sais ! C’était ta copine pas vrai ?! Moi je l’ai pas beaucoup connue mais elle avait l’air très gentille !... C’était surement quelqu’un de formidable parce que c’est la maman de Kaspian et lui il est… si bon et gentil et… Tu sais c’est à lui que je pense en premier le matin… et aussi à lui que va ma dernière pensée avant de dormir…


« Ça s’appelle l’amour ma belle ! » Souffla Iduna ce qui se traduisit par une douce bise sur le visage de la fillette.


-Je l’ai trouvé !!! J’ai Bruni !!! Lança au loin Kaspian qui tenait entre ses mains le reptile.


Aussitôt il lâcha Bruni et le petit animal s’empressa de sauter dans les feuilles volantes du vent.


« Oh bonjour toi !! Ai-je plus de chance ? Est-ce que tu m’entends ? » Questionna Iduna


Pour toute réponse, Iduna vit la salamandre lui tirer la langue et son âme de cinquième esprit comprit aussitôt ! Elle pouvait parler au reptile ! Son cœur éteint s’emballa alors et expliqua la situation à Bruni. L’esprit du feu parût enchanté d’apprendre la nouvelle et une fois reposé au sol commença à s’agiter et courir dans tous les sens sous le regard stupéfait des enfants. Iduna, elle, avait compris le manège de l’être de feu et, une fois son ballet terminé, Bruni se chargea de bruler une brindille. Il n’en fallait pas plus pour Iduna qui précipita le vent pour attiser les flammes.


-Oh la la ! Non !!! Kaspian, le vent est fou il… il va mettre le feu à la forêt nous n’aurions pas…
-Non ! Emma regarde !!! ça… ça écrit un message… La regarde !! Le J… et la… E … Je… Je m’ ap… appe… appelle ! Je m’appelle ! I … Du… Na… Quoi ?!


L’espace d’un instant les enfants restèrent interdits et observèrent le message se consumer… ils le lurent plusieurs fois… Ils ne pouvait y avoir de doute !


-Iduna… Tu ? Tu es une fille ?! Tu… Tu t’appelles comme maman ?! Questionna le jeune homme intrigué.


Immédiatement le vent rabattit les flammes et, aidé par Bruni, de nouvelles lettres se traçaient devant les enfants ébahis. Une fois le message écrit, Kaspian sentit que ses jambes étaient incapables de le porter


-« Je suis maman » « Je suis maman » … Courant d’air tu… Maman ? Tu es courant d’air ?!


Iduna sauta de joie et s’empressa de s’enrouler autour de son fils et tout à coup, l’ancienne souveraine sentit ce qui la faisait être cinquième esprit se connecter à l’enfant. L’âme de Kaspian, durant une fraction de seconde semblait sortir de son enveloppe charnelle et mère et fils purent s’apercevoir alors que le temps s’arrêtait pour eux.


-Mon chéri !!! Tu me vois ?!
-Maman ?! Maman tu es vraiment là !!!
-Oh par les esprits !!! Chéri !! tu dois vite retourner dans ton corps où tu risques de mourir !!! Fit Iduna paniqué en voyant le corps de l’enfant s’effondrer !
-Maman !!! Reste avec moi !!!!
-Je suis avec toi !!! Mais file !!! Hurla Iduna en le repoussant et rompant le lien.


Emma s’était agenouillée auprès de son ami et le secouai alors qu’il ouvrait finalement un œil.


-Kaspian !!! Oh tu m’as fait peur !!!
-Maman !!! C’est maman !!! Emma, maman est dans le vent !!! Je l’ai vue !!! Nous sommes liés tous les deux en tant qu’esprit !!!
-Quoi ?! Qu’est-ce que tu dis ?! Kaspian tu es sûr que tu vas bien ?!
-Oui… et je vais te le prouver ! Maman !!! Pour qu’elle me croit… Tu vois le petit caillou là-bas… Si c’est bien toi maman, alors lance le sur ma main !!! Ça ne me fera pas mal et ça sera la preuve.
-Kaspian tu… Commença Emma avant d’être estomaquée de voir le vent obéir.
-Tu vois ?! Hurla Kaspian fou de joie.


Emma mit quelques instants avant de comprendre puis fut à son tour heureuse d’apprendre la vérité et sauta au cou de Kaspian. Avec l’aide de Bruni, Iduna réussit à passer quelques messages au jeune garçon et lui dire à quel point elle pensait à lui puis, malicieuse, elle souleva le jeune enfant dans les airs.


-Eh ?! Kaspian ! C’est gentil de la part de ta mère mais c’est pas un peu dangereux et…


La fillette n’eût pas le temps de terminer sa phrase que, prise par la jambe elle fut emporté dans les cieux. Elle tentait vainement de s’en échapper alors que Kaspian, le plus calmement du monde planait debout amusée de la situation. Au bout de quelques instants, Emma cessa de lutter. Iduna en profita et la fit tourner sur elle-même. Elle la fit alors soudainement s’approcher de son fils et les lèvres des deux enfants entrèrent en contact. Emma et Kaspian reculèrent un moment troublé puis comprirent ce que souhaitait Iduna et avec l’innocence et la tendresse de leur âge à nouveau s’embrassèrent dans les airs face au clair de lune alors qu’Iduna les berçaient tendrement pour les ramener au sol. Les enfants restèrent collés l’un à l’autre encore quelques instants alors qu’une voix au loin les fit sursauter !


-Kaspian !!! Kaspian mais qu’est ce que tu fais hors de ton lit ?! Fulmina Agnarr !
-Papa !!! Attends le vent !!! Il !! C’est incroyable !!
-Ecoute mon grand ! Je sais que tu as tes pouvoirs et… Je t’ai promis à toi mais aussi pour tes sœurs disparus et ta mère que je ne t’empêcherai pas de les utiliser mais pas si je ne peux pas veiller sur toi et encore moins de nuit !!
-Justement papa ! A propos de maman !!! Elle est là !!! Hurla Kaspian en désignant le vent alors que le visage de l’ancien souverain se fit moins sévère.
-Oh mon grand… Oui, maman est toujours dans nos cœurs… Elle me manque beaucoup…
-Non tu ne comprends pas ! Maman c’est courant d’air !
-Kaspian… Mon grand écoute… Tu es fatigué, va te coucher nous en parlerons demain…


Iduna n’y tenait plus trop heureuse de voir face à elle l’amour de sa vie. Peu importe si l’ancien roi ne pouvait ni la voir ni l’entendre elle au moins aurait le sentiment de l’avoir serré dans les bras. Le vent s’engouffra alors tout autour de l’ancien souverain. Agnarr eût l’impression que le zéphyr voulait entrer en lui et il sentit son cœur s’emballer alors qu’Iduna le serrait dans les bras. Le vent à nouveau tourbillonna et fit se soulever le roi déchu. Surpris, Kaspian s’empressa de tenir la main de son père comme pour l’empêcher de s’envoler et, alors que l’enfant établissait le contact avec Agnarr, l’ancien monarque vit, l’espace d’un instant devant ses yeux l’amour de sa vie.


-Agnarr… Veille sur lui ! Et je veillerai sur vous ! Souffla Iduna
-Iduna… Je t’aime !!!
-Je sais ! Siffla le vent avant de s’éloigner de l’homme alors qu’elle sentait qu’elle ne pouvait rester plus longtemps.


Agnarr tomba à genoux, la respiration haletante. Il observa les volutes du vent puis son fils et lui tombèrent dans les bras… Il avait raison ! Lui aussi savait !


-Kaspian… C’est vraiment maman ! Balbutia Agnarr.
-Je sais papa ! Maman est avec nous !! Maman est revenue !!!


Le père et le fils se mirent alors à danser autour du zéphyr, heureux comme des enfants au matin de noël alors qu’Iduna se sentait toujours plus entraînée vers le monde des morts auquel elle appartenait désormais. Dans un dernier effort, avec l’aide de Bruni, elle fit passer un dernier message à son fils et son époux.


-Papa ! Maman doit partir ! Non maman ! Reste !!!
-Kaspian… Je… je pense qu’elle n’a pas le choix… Au revoir mon amour ! Embrasse nos filles pour moi ! Et reviens nous vite ! Fit le souverain avec toute la dignité qui le caractérisait.


Dans un dernier effort, Iduna serra contre elle son fils et son époux dans une dernière brise qui les parcourut puis à nouveau, la brume l’envahit. Elle se sentit s’éloigner irrémédiablement du pays Northuldra puis, l’espace d’un instant, le néant l’envahit. Enfin, la douce lumière de l’Hellheim apparut devant les yeux d’Iduna qui avait retrouvé son corps. Face à elle, les bras croisés se tenait Emma Picéaerd.


-Alors ma chère ?... Tout va bien, le voyage était agréable ? Interrogea l’ancêtre d’une voix froide
-Oh que oui ! Répondit-elle satisfaite.

Chapitre 3 : Le feu de la discorde



Emma tendit sa main pour aider Iduna à se relever, les deux femmes se toisèrent du regard. Autour d’elle, elles pouvaient ressentir que l’atmosphère de l’Hellheim pourtant si épanouissante et apaisante avait changée. Elle était désormais lourde et orageuse. Iduna pouvait sentir au fond des yeux de son aïeule des reproches alors qu’Emma voyait de son côté du défi et même de l’impertinence briller au fond du regard du cinquième esprit. Soutenir le regard de la première Picéaerd ne faisait qu’alimenter cette flamme qui grandissait en elle et lui fit revenir en mémoire ce caractère si impulsif et impétueux de la fillette qu’elle était. Son exil en Arendelle loin de sa famille puis son idylle avec Agnarr avaient su éteindre ce brasier et Iduna, sans savoir pourquoi, le faisait renaître en présence d’Emma. Cependant son caractère sage eut raison de la flamme qui la réchauffait. Son regard se radoucit, et, curieusement, celui d’Emma également alors que l’ancienne reine s’éclaircit la gorge.


-Hum ?... Suis-je partie longtemps ?
-Pratiquement toute la nuit comme tu peux le voir… Te sens-tu bien ?
-Euh… Oui… Il me semble. Fit Iduna en s’inspectant.
-Bien… C’est bien l’essentiel pour le moment ! Je me dois de te signaler cependant que ton absence de la fête de cette nuit a été très remarquée…
-Anna ?... Oh je suis navrée pour elle mais… J’ai… Tout de même des souvenirs de ce à quoi pense une jeune mariée la nuit de ses noces ! Je pense qu’elle saura surmonter mon absence…
-ça n’est pas à ta fille cadette que je pensais ma chère ! Et oui elle pensait à autre chose… Tout l’Hellheim a pu l’entendre !... Il en va de même pour tes parents d’ailleurs au passage mais je suppose que cela ne t’étonne pas…
-Alors vois-tu chère ancêtre, de savoir à quoi j’ai échappé, je ne suis que plus ravie d’être partie pour le coup !
-… Ne penses-tu pas que tu es… un peu trop âgée pour accorder encore tant d’importance au traumatisme de l’enfance ?! … Sinon je parlais de ta fille ainée ! Tu l’as suffisamment bien éduquée aux traditions et à l’étiquette royale que cette absence l’a dérangé je dois l’avouer… Le revers de la médaille d’avoir offert une éducation royale à cette enfant ton époux et toi ?... D’ailleurs ?... L’as-tu vu ?
-Oh oui je l’ai vu ! J’aurai souhaité que cela dure une éternité !
-Garde ça pour plus tard !... Nous n’allons pas nous mettre en retard pour le petit déjeuner… Et tu pourras me parler de ce que tu as fait en présence de ta mère ! Trancha Emma en prenant la main d’Iduna assez sèchement.
-Eh ! Doucement ! Non mais je ne suis plus une fillette à qui on donne une bonne leçon ! Protesta Iduna.
-Hum… Certes… Veux-tu bien me pardonner ceci. Commença Emma en lâchant la main de sa descendante puis lui caressant amicalement le bras. C’est… Tu comprends, quelques mauvaises habitudes de caractère due à ma fonction de redresser les torts des garnements. Cependant, je suis certaine que vous avez beaucoup à vous dire Anna et toi sur ce que tu as vécu cette nuit…


Avec un sourire gêné de s’être montrée discourtoise, Emma tendit à nouveau sa main vers Iduna qui l’accepta. Les deux femmes firent le chemin vers le château d’Arendelle ensemble. A peine furent-elles entrées dans l’imposant édifice que des bruits leur parvinrent aux oreilles. Les râles et petits cris qui leur arrivaient ne laissaient aucun doute sur leur nature. Un couple ne faisait plus qu’un et appréciait grandement cet état.


-On peut dire qu’ils ont du coffre ! Tenta Emma pour détendre l’atmosphère.
-Ca c’est pas nouveau… Mais la nursery est au même étage ! Pauvres enfants ! Tempêta Iduna.
-Si je peux tenter de les défendre… Ta fille cadette et son nouvel époux eux sont à l’opposé je crois… Sans doute ne souhaitaient-ils pas… Entendre de l’écho !
-Oh mes aïeux ! Souffla Iduna
-Oui ?! Je suis là ma chère que puis-je pour toi ? Répondit Emma avec malice.


Iduna n’eût pas le temps de répondre qu’une vision en haut de l’escalier l’émerveilla. Resplendissante, les cheveux impeccables qui lui tombaient en cascades sur ses épaules dénudées, son visage frais et élégamment maquillé. Elsa venait de faire son apparition. Elle avait troqué sa tenue d’esprit ainsi que celle de maîtresse de l’hiver pour une robe de soie d’un mauve pastel doux, orné de quatre cristaux d’esprits. Les coutures du vêtement épousaient harmonieusement les formes sublimes de l’ainée d’Arendelle qui trouvait avec ce vêtement, une grâce et une solennité que n’aurait pas renié Iduna.


-Maman ?! Te voilà enfin ! Fit la blonde en venant à sa rencontre d’un pas digne et aérien.
-Elsa tu… Tu as changé de tenue…
-Oui mère en effet… Mais comme tu vois les esprits sont avec moi ! Mais je peux changer si… Commença à se défendre la jeune femme.
-Oh non Elsa non ! Surtout pas ! Tu es… parfaite ainsi ! Je dois bien le reconnaître, je préfère largement cette tenue à tes robes provocantes….
-…Dignes d’Arnevik Poursuivit Elsa.
-… Si tel est le cas alors Arnevik possède d’excellents couturiers… même si elles ne sont pas à mon goût. Mais que fais-tu debout de si bonne heure ?
-C’est à toi que je devrais poser la question maman ?! Pourquoi être partie si vite du mariage d’Anna ? Demanda la reine des neiges d’un ton de reproches.
-Ta sœur était aux anges et je ne voulais pas lui gâcher cet instant, j’avais besoin de me retrouver seule…
-…A cause de la bêtise de mon idiot de frère nous le savons ! D’ailleurs il t’a cherché une bonne partie de la soirée pour s’excuser … Bonjour mon ange de l’air ! Eh bien tu en fais une drôle de tête ! A croire que tu vois un fantôme ! … Nous sommes tous morts ! s’amusa Mamie
-Maman ?! Tu… Tu es là ?! S’étonna Iduna.
-Evidemment !... Tu vas bien ?
-Mais… Comment ?... Je… Je vous entendais avec papa il n’y a pas deux minutes depuis le deuxième étage ! Comment se fait-il que tu sois debout ici…et… coiffée ?!
-Tu m’as ?! … Oh non mon ange de l’air détrompe toi ! Tu ne m’as pas entendu !
-Quoi ?! … Mais alors ?!... Qui…
-Eh bien vois-tu ?... J’ai bien l’impression que ta fille cadette ne partage pas en trait commun avec moi que la ressemblance physique…
-Quoi ?
-Bon je vais être plus claire ! … Tu n’as pas pu nous entendre ton père et moi… Nous avons passé la nuit dans les cavernes !... On ne voulait pas déranger les jeunes mariés !... Enfin au moins pour cette nuit-là ! Au départ nous avions opté pour les plages grises mais notre très chère Elsa ici présente avait très envie d’y passer quelques temps avec le jeune Nattura…
-Mamie ! … Souffla Elsa dont le visage avait changé de couleur.
-Quant à Pieter… Il a cherché à se faire tout petit et a quitté la fête avec papa rapidement après toi… Bref tu l’auras compris, dans ce château, il n’est resté que deux personnes… très amoureuses !... Après si tu veux tout savoir, ton père et moi avons également fait honneur à cette nuit de noces…


Mamie se retînt de rire face à la mine particulièrement gênée d’Iduna et Elsa alors qu’un silence s’installait au sein du château. Emma qui se tenait en retrait voulut reprendre l’ascendant mais fut soudain interrompue par des cris tout à fait identifiables qui venaient à n’en pas douter du deuxième étage.


-Eh bien ! Quelle santé… Et quel coffre ! Mon ange de l’air je suis prise d’un doute tout à coup, notre petite Picéaerd n’en aurait-elle-même pas plus que moi ?!
-Si je puis me permettre Anna… pour avoir suivie les performances vocales de notre jeune esprit dans les montagnes où à son balcon en pleine nuit… Les héritières Picéaerd sont de sérieuses rivales pour toi… S’amusa Emma.
-Mais vous avez fini oui ?! S’insurgea Iduna alors qu’Elsa ne savait plus où se mettre.
-Je… Hum… Je crois que… Je vais retourner sur les plages pour… Aller réveiller Ryder…
-Oh ?! Tu l’aurais épuisé à ce point Elsa ?! Mes félicitations ! Veux-tu que je lui envoie Elysia pour lui apprendre à être plus endurant ?!


Elsa ne répondit pas, elle était bien trop confuse et préféra se retirer immédiatement. Iduna souhaita la rattraper, elle aussi peu à son aise des remarques, ainsi que des cris de sa fille cadette qui faisaient à nouveau trembler les murs du château.


-Non ma chère ! Reste avec nous ! Toi aussi Anna… Et terminons-en avec ces allusions… Venez, allons déjeuner, les cuisines sont en sous-sol ?... Nous devrions y être plus au calme !
-Si ma Petite Picéaerd tient de moi…
-Merci Anna ! On va s’arrêter là ! Et on ne va pas non plus les déranger pour leur match retour ! Coupa Emma d’une voix sévère.


La matriarche n’osa pas terminer sa phrase face à l’intransigeance de l’aïeule. D’un geste, Emma les tira toutes vers les cuisines et les femmes s’installèrent confortablement auprès de la grande table au centre de la pièce. Maladroitement, elle chercha à préparer un plat à partager avec ses descendantes mais elle paraissait assez perdue. Mamie, gênée de voir son ancêtre ainsi en difficulté, se releva ainsi qu’Iduna pour lui prêter main forte. A elles trois, en un tour de main, un petit déjeuner tout à fait convenable fut servi et toutes s’installèrent, une boisson chaude à la main.


-Peut-être qu’à tes côtés Anna… Apprendrais-je enfin à cuisiner convenablement…
-Il ne faut pas le prendre ainsi, mais dis-moi, ça n’est pas pour parler cuisine que tu nous as éloigné n’est-ce pas ? Questionna la chamane.
-Non en effet !... Toutes les deux… Puis-je savoir pourquoi vous m’avez délibérément désobéi ?! Questionna la fondatrice de la famille d’une voix sèche.
-Pardon ?! Firent de concert mère et fille.
-Ne me prenez pas pour une idiote ! … Vous êtes toutes les deux allées vous intéresser au monde des vivants !
-C’est… possible Commença mamie.
-Oui et alors où est le problème ?! Ne le fais-tu pas toi ?! Rétorqua Iduna avec insolence.
-Mon ange de l’air allons du calme…
-Non maman ! Nous sommes des adultes responsables et il me semble qu’en ce lieu nous sommes encore libres de faire nos propres choix ! Sans avoir de compte à rendre à…
-Oui ma chère ? à qui ?... Va au bout de ta pensée… Fit froidement Emma.
-Iduna ! Il est inutile de manquer de respect à notre ancêtre ! Tempéra Mamie.
-Tu as de la fougue et du tempérament, tu ne souhaites pas être seulement la gentille fille docile… Ce sont des qualités Iduna ! Elles furent miennes ! Je peux te comprendre et, tu ne me croiras sans doute pas mais, à ton âge, j’aurai sans doute réagi de la même façon. Ecoutez moi toutes les deux… Je ne souhaite pas être, cette lointaine ancêtre qui doit vous dire quoi faire ! L’Hellheim justement nous fait dépasser cela. Non je souhaite au contraire pouvoir comme vous vivre mon paradis alors, ne risquons pas d’entacher nos relations ! Dîtes-moi au moins, pourquoi vous avez agi ainsi ! Vous avez pourtant vu avec notre jeune Anna que c’était dangereux ! Alors… Dîtes-moi pourquoi. S’il vous plaît ?


Iduna et Anna se dévisagèrent étonnées. Depuis leur arrivée elles n’avaient encore jamais entendu leur ancêtre leur parler avec cette voix, sincère, douce et même… craintive. Pour la mère comme la fille l’espace d’un instant, une culpabilité les envahit. Elles n’étaient pas là depuis longtemps et déjà transgressaient les règles de l’Hellheim. Machinalement, toutes deux se mordillèrent légèrement la lèvre en soutenant le regard d’Emma.


-S’il vous plait mes enfants… Tu as raison Iduna, vous avez passé l’âge d’être sermonné comme des enfants. Vous êtes toutes les deux des femmes responsables, alors pourquoi avoir désobéi à ces règles ? Je vous les ai données pour vous protéger !
-Eh bien… Inutile de t’inquiéter car… Je n’étais pas dans la rivière d’Ahtohallan ! Finit par avouer Iduna.


Emma sursauta face à cette révélation. Elle ne pensait pas qu’Iduna serait capable de lui mentir aussi ouvertement ce qui la contrariait davantage encore. De la colère pouvait désormais se lire dans les yeux de l’ancêtre. Mais alors qu’elle s’apprêtait à déverser une salve de reproches à l’attention du cinquième esprit, des bruits de pas se firent entendre.


-Maman !! Regarde !! Tu vois y a mamie Dudu ! Mamie Dudu est revenue !! Gazouilla Helga.


La fillette gesticulait dans les bras d’Anna, vêtue de sa tenue de couronnement suivi par Kristoff lui aussi en tenue de cérémonie. Elsa et Ryder, avec Elysia fermaient la marche quelques mètres plus loin. Les doyennes de la famille dévisagèrent le couple des jeunes mariés qui, s’ils se distinguaient par leurs cris quelques minutes auparavant se trouvaient être particulièrement rapides pour se rendre présentable sous leur meilleur jour.



-Eh bien les jeunes mariés ?... Vous reste-t-il encore du souffle et de la voix ? Questionna Mamie, ravie d’éviter la conversation d’Emma.
-Probablement autant que toi mamie ! Railla la jeune rousse qui avait conservé ses cheveux lâchés qui plaisaient tant à Kristoff.
-Maman… nièce Elsa et son mari ils sont encore plus peureux que toi… Ils crient bien plus fort quand ils font des cauchemars… Se moqua Olaf qui poussa l’impertinence jusqu’à tirer légèrement la langue à mamie qui lui fit les gros yeux, ce qui n’impressionna pas l’enfant qui visiblement avait le soutien de son père hilare.
-Je suis ravie d’avoir échappé à ce tintamarre finalement. Se contenta de répondre Iduna.
-Justement maman ? Où étais-tu passée ?! Nous espérions pour la fin de la soirée recevoir la traditionnelle bénédiction des rois… Bon papa ne peut pas car il n’est pas là certes mais du coup tu…
-Oui… Pardonne moi de te couper ma petite justement, j’essayais à tout prix de savoir pourquoi ta mère et ta grand-mère s’étaient rendues dans la rivière d’Ahtohallan malgré mon interdiction. Coupa Emma, heureuse de pouvoir reprendre son interrogatoire.
-Attends quoi ? Maman ! Mamie ?! Vous ?...
-Vous êtes allées voir nos vies ?! Pourquoi ne pas nous avoir appelé… Et… Pourquoi y être allées ? Vous n’auriez jamais dû vous jeter dans la rivière… Imaginez si vous n’aviez pu revenir ?! Que serions-nous devenues ici ?! Fulmina Elsa
-Je suis de ton avis jeune esprit, mais je ne doute pas que ta mère et ta grand-mère ont une explication à nous offrir… Si ça n’est à moi, vous la devez à vos proches ! Vous voyez toutes les deux, je ne suis pas la seule à m’inquiéter ! Rajouta Emma.
-Depuis quand dans cette famille, vous pouvez penser que je puisse prendre des décisions stupides ou dangereuses ? Lança alors Mamie
-Oh… tu es bien partie seule vers Arendelle avec Yelena alors que tu avais à peine perdue ta première dent… ou bien quand tu as quitté le pays Northuldra à quelques jours du terme de ta grossesse pour faire un voyage seule vers Arnevik … Répliqua Olaf.
-Merci beaucoup… papa !... Et pour la dernière, c’était ton idée !
-…Ou quand tu me forçais à suivre tes leçons de chamanisme…
-Non mais tu ne vas pas t’y mettre toi aussi ?! Je te signale que tu as des comptes à rendre également alors tu pourrais soutenir ta vieille mère !
-Mamie ?! Tu veux bien me le dire à moi pourquoi tu y es allée ? Tu as toujours une bonne raison ! Tu as toujours veillé sur mon double, je sais que sans toi, jamais elle n’aurait eu la force… Sans toi, jamais Elsa n’aurait pu vaincre Andréas. Moi j’ai confiance en toi et n’as-tu pas dit dans l’Helveg à mon double que tu lui dirais tout ?! Demanda alors Anna les yeux implorants.
-Très bien… Que puis-je te refuser ma petite Picéaerd ! Je vais vous le dire…
-Zut ! J’aurai dû commencer par te faire venir mon enfant ! J’aurai gagné du temps, sans avoir à passer pour la méchante !
-Elle pourrait te surprendre chère ancêtre ! Alors voilà, j’ai profité de la cuisson du renne l’autre jour pour m’éclipser vers la rivière avec Helga… Nous avons rapidement trouvé la nouvelle vie de vos doubles. Nous ne sommes restées que quelques instants. Aucune n’avait recouvré ses esprits et chacune dormait dans sa chambre en Arendelle ! Je vous ai laissé … Enfin à vos doubles, un petit message de notre part ! Puis nous sommes vite remontées. Je n’ai pas assisté au réveil… A mon grand regret ! Je n’ai même pas cherché à savoir où j’avais atterri ! Tout ce que je peux vous dire c’est que vous êtes redevenues des adolescentes… Vous vivez encore avec vos parents au château… Je suppose donc que la brume sépare encore le pays Northuldra d’Arendelle, je dois probablement me trouver là-bas… Voilà, êtes-vous satisfaits ?!


Le discours terminée, Anna fit face à sa grand-mère qui perdit de son assurance. Pour la première fois, elle ne savait plus ce que pouvait penser sa délicieuse petite Picéaerd. Les sentiments étaient nombreux dans les yeux menthe à l’eau de la jeune femme. Une certaine colère de voir son héroïne ne pas avoir respecté les règles mais, quelque chose de plus fort pouvait s’apercevoir… Lentement, la jeune Anna ouvrit ses bras et étreignit sa grand-mère.


-Merci mamie de continuer à veiller sur nous !
-Je t’en prie ma petite Picéaerd !
-Ma foi… les règles et la famille n’ont pas toujours fait bon ménage… Anna, tu t’es laissée guider par ton cœur, qui peut t’en vouloir ? Ecoute moi, je sais que tu es têtue comme tous les membres de cette famille, et c’est valable pour vous tous… Vous devez laisser vos proches vivre leur vie !
-Mais mémé… Tu avais dit… Que nous pourrions les guider !
-Oui ma petite je l’ai dit… Mais les signes ne doivent pas passer par Ahtohallan, c’est bien trop dangereux ! Alors s’il vous plaît mes enfants, promettez-moi de ne plus remettre les pieds dans la rivière…
-Mémé… Si nous n’y restons que quelques instants cela ne sera pas dangereux !
-Je vois… Je ne pourrais donc pas vous convaincre et vous allez continuer à y tremper les pieds ! Venez avec moi les Picéaerds !
-Où ça ? Questionna Iduna
-A Ahtohallan ! C’est votre lieu rêvé ici ! Alors que l’Hellheim vous l’offre !... Olaf ! Veux-tu bien rester avec les enfants, ce que j’ai à montrer n’est pas… adapté à leurs yeux !


Emma Picéaerd, après que le grand père ne se soit exécuté, sortit de la cuisine et invita le reste de la troupe à faire de même. D’un pas soutenu elle remonta les riches corridors pour gagner la grande porte, en un instant elle traversa la cour et se retrouva dans la ville, ses proches sur ses talons. Sans avoir besoin de dire quoi que ce soit, elle sut faire comprendre à sa famille qu’ils devaient tous penser à Ahtohallan et, en quelques secondes, l’Hellheim se chargea d’emporter les Picéaerd vers le célèbre glacier.


-Donc… Pour nous dissuader d’y aller, tu nous y invites ?
-Non jeune esprit, nous n’allons pas voir la rivière… Puis-je avoir le concours de ton pied justement ?... Je suppose que tu reconnais l’endroit.


Elsa observa l’environnement et aussitôt reconnu l’entrée du glacier, jonché des quatres cristaux des éléments et en son centre, comme une plaque qui l’appelait. Comme lors de sa première visite, elle y posa son pied et immédiatement le glacier matérialisa le dôme des souvenirs.


-Tu vois, malgré ta mère, tu restes le cinquième esprit… C’est donc la preuve que ton frère est encore trop jeune pour maîtriser ses pouvoirs… Vous devriez déjà tous être contents, nous avons déjà des nouvelles du monde des vivants.
-Parce que nous n’y sommes pas ? Donc lorsque nous entrons à Ahtohallan, nous quittons déjà le monde des vivants ? Questionna Elsa curieuse.
-Quoi ? Non, bien sûr que non, Ahtohallan se trouve à l’extrémité de l’île qui abrite les Terres Gelées… Mais ici, il s’agit d’une volonté transmise à l’Hellheim… Nous demeurons dans le monde des morts…
-Donc ?... C’est irréel ?
-Bien sûr que non… ça n’est pas parce que l’Hellheim vous l’offre que c’est irréel ! Nous pouvons avoir notre Ahtohallan ici… Qui fonctionne exactement de la même façon… Bien, si vous permettez…


Emma s’approcha au centre du dôme des souvenirs et commença une curieuse prière alors que les souvenirs semblaient tourbillonner autour d’elle de plus en plus vite.


-Euh mamie ?... Qu’est-ce qu’elle fait mémé ?
-Je… Je n’en sais rien ma petite Picéaerd…
-Comment ça tu n’en sais rien ?... Mais mamie, c’est toi qui connais le mieux Ahtohallan !
-Mieux que celle qui la crée mon enfant ? Permets-moi d’en douter !


Emma venait d’arriver juste derrière sa plus jeune descendante au point de la faire sursauter. Elle avait terminé ses curieuses incantations et des souvenirs figés paraissaient attendre docilement qu’elle ne les appelle.


-Et ?... Qu’est-ce qui nous prouve que tu as créé tout ceci ? Questionna Iduna
-Ah ma chère… Toujours à douter ! C’est une bonne chose ! Plus rationnelle et moins passionnée que ta mère… Mais avec une intelligence redoutable ! Quel brillant esprit tu fais ! Hélas, ça n’est pas la création d’Ahtohallan que je suis venue vous montrer ici…
-Dommage c’est ce qui nous intéressait !
-Une autre fois ! Et je n’ai qu’une parole ! La galerie des souvenirs n’est pas un endroit dangereux si l’on se concentre sur un seul événement… En revanche, en mélanger plusieurs peut altérer leur vérité mais aussi, sans que vous vous en rendiez compte, vous précipiter dans la rivière…
-Et que veux-tu nous montrer mémé ? Demanda la plus jeune.
-Oh… Je veux vous montrer… Anna Picéaerd !
-Attends quoi ? Alors il n’y avait pas besoin de venir ici ! Je suis là, ainsi que grand-mère, tout le monde nous connaît !
-Ma petite Picéaerd… Notre prénom est assez courant dans notre famille… Emma doit probablement nous parler d’une autre Anna qui a vécu avant nous…
-Je n’en attendais pas moins de toi ! Et comme tu t’es montrée si experte dans l’Helveg… Voudrais-tu nous montrer tout ceci ? Demanda Emma.



Mamie s’exécuta avec toute l’expertise qui la caractérisait. Au bout de quelques instants, les souvenirs et instants figés qu’avaient sélectionnés Emma s’approchèrent et la famille put constater que cette galerie, était une fois encore améliorée grâce à l’Hellheim. En moins d’une seconde. Ils furent tous transportés dans un autre monde. Les souvenirs paraissaient bien réels alors qu’eux… N’étaient finalement que des spectres.


-C’est prodigieux !
-Oui… En quelques siècles, j’ai eu le temps d’apporter quelques mises à jour… Je vais prendre le relais ! Je vous présente… Anna Picéaerd.


Une jeune femme, aux cheveux d’ébène, assez large d’épaules venait de passer devant eux. Elle travaillait le bois et sans effort, soulevait d’une main les énormes fagots pour les entreposer. La femme se fondait parfaitement au milieu des hommes Northuldra qui exerçaient ce travail de forçat. Sa tunique était simple et rapiécée. Cette femme ne cherchait aucunement la coquetterie et poursuivait consciencieusement son travail alors que les hommes épuisés prenaient une pause bien méritée.


-Quelle force ! Vous auriez pu faire un concours hein Kristoff ?! Pouffa Anna.
-Très spirituel Anna… Mais, pardon, vous… Vous êtes sûre que c’est une femme Picéaerd ? Non parce qu’à première vue, la ressemblance n’est pas flagrante ! Se risqua Kristoff.
-Es-tu en train d’insinuer que je suis incapable de reconnaître… ma fille ?
-Quoi ? Sursauta la famille.
-Chers descendants… Je vous présente Anna Picéaerd, première du nom, ma fille… Regardez, vous allez me voir d’ici peu.


Intrigué, la famille poursuivit son observation de leur lointaine ancêtre qui poursuivit son fardeau même après que les autres Northuldras harassés par la tâche n’abandonnent pour la journée. Afin de la rafraîchir, Courant d’Air fit alors son apparition pour se glisser sur le visage de la femme concentrée sans qu’elle ne réagisse. Surpris de cette absence de réaction, le vent s’engouffra à nouveau vers le visage trempé de sueur d’Anna qui cette fois-ci se stoppa. Pour toute réponse, elle lança violemment un fagot de bois en direction des feuilles du zéphyr.


-Saleté de vent ! Laisse-moi ! Arrête de me faire croire que tu existes ! Comme si je n’avais pas déjà assez d’une folle avec maman !
-Anna !! Viens !!! Je t’attends pour ta leçon de chamanisme !! Et nous devons aussi parler des esprits !
-Bah voilà… Quand on parle du loup ! Fit Anna en levant les yeux au ciel.
-Anna ! Par les esprits mais quand te décideras-tu à venir ?!


La Emma des souvenirs venait de se poster devant sa fille et la toisait du regard. Entre elles deux pouvait se sentir une vive animosité.


-Comme quoi… Les mères qui agacent leurs filles pour d’éternelles leçons de chamanisme. Fit remarquer Iduna.
-Ravale ton venin ma chère ! L’enseignement du chamanisme aura toujours été compliqué dans cette famille… Finalement, il n’y a guère que ta mère Helga qui aura su transmettre ce savoir sans difficulté… Quant à toi Iduna, toutes les tensions que tu as pu avoir avec ta mère à ce sujet n’est le fruit que des caprices d’une jeune fille au caractère tempêtueux…
-Pardon ?!
-La vérité te déplaît ? Ecoute je te l’accorde, ma réflexion était désagréable et je te prie de m’en pardonner… Néanmoins je le maintiens, ta querelle avec ta mère à ce sujet n’était que vulgaire pousse d’arbre au milieu d’une forêt d’épicéas géants…
-Quoi ?
-Tu vas comprendre… Permettez que je passe tout ceci rapidement ?... Une période que je n’aime guère me remémorer.


Emma se chargea de manipuler les souvenirs de la galerie. Elle les fit défiler plus rapidement et seulement quelques bribes de conversations pouvaient être comprise par les Picéaerd. Ils étaient en revanche amplement suffisants pour comprendre toute la rage que pouvait avoir Anna Picéaerd à l’encontre de sa mère dès qu’il s’agissait de chamanisme ou pire encore, d’esprits élémentaires.


« Laisse moi vieille folle avec tes prières de grand-mère! Et tes esprits eux aussi ! Comme si la nature pouvait nous entendre ! Réveille-toi ! La nature est hostile, nous devons seulement l’affronter pour obtenir de quoi survivre !
-Anna voyons tu dois…
-Laisse-moi ! Au moins j’agis pour le bien des nôtres au lieu de me tourner les pouces comme toi !


La fille n’avait pas accordé le moindre regard à Emma alors qu’elle continuait de fendre du bois. Elle semblait y prendre un certain plaisir et lançait sans ménagement les brindilles au hasard, touchant sa mère au visage. Sans un regard pour elle, elle poursuivit son office alors qu’une larme pouvait perler le long de la joue d’Emma.



-Mon Dieu… Maman… S’il te plaît, dis-moi que je n’ai pas été odieuse à ce point quand je rechignais à suivre tes leçons.
-Oh mon ange de l’air… Tu étais à mille lieux de ça ! Tu avais un sacré caractère mais, la plupart du temps tu finissais malgré tout par me suivre… pour me faire plaisir le plus souvent. Ça n’était peut-être pas le plus efficace… Et encore ! Quand on voit ton travail dans la pièce d’Arendelle ! Répondit Mamie.
-Ta mère a raison ma chère… Tu as le cœur bon, tu as pu t’opposer, avoir des colères mais rien de comparable et ce que vous voyez ! Hélas… ça n’était là qu’une journée habituelle. Fit la doyenne avec une voix triste.
-Et pourquoi nous montrer ceci ? C’est parce que toi tu ne t’es pas entendue avec elle que tu ne veux pas que nous puissions observer les nôtres ? D’ailleurs, où se trouvent tous nos autres ascendants ? Il n’y a que nous dans l’Hellheim ? Pourquoi ?! Questionna Iduna.
-Comme souvent ma chère… Tu as les bonnes questions ! Elles sont excellentes et j’y répondrai avec grand plaisir… un autre jour si tu veux bien… Je n’ai qu’une parole ne l’oublie pas ! En revanche, tu te trompes, je ne veux pas vous tourmenter comme tu le penses, il vous fallait bien comprendre le début… C’est maintenant que vous allez apprendre pourquoi j’ai souhaité vous montrer ceci.


Bien que peu convaincue, Iduna recula d’un pas aux côtés de mamie, elle n’osa pas relancer le débat remarquant que sa mère était particulièrement attentive. Elle préféra ne rien dire, et laisser son aïeule poursuivre. Emma lui offrit un signe de tête en remerciement puis accéléra encore les souvenirs. Sa fille quitta peu à peu l’adolescence au rythme de nouvelles disputes mais la pire était à venir. Emma ralentit et put montrer à sa famille un nouvel affrontement. Anna avait encore grandi et dépassait sa mère de plus d’une tête.


-Allons Anna ! Tu vois bien qu’ils sont réels ! Regarde ! Je tiens dans ma main l’esprit du feu ! Fit Emma en présentant Bruni à sa fille.
-ça n’est qu’un lézard maman ! Un lézard particulièrement stupide ! Vociféra Anna en voyant Bruni sauter dans le vide.
-Une salamandre ! Corrigea Emma ! Et en as-tu vu d’autres vivre dans cette forêt ?
-Bien sûr que j’en ai vu… Nous sommes dans une forêt ! C’est là qu’elles vivent !
-Bleue ? Avec ce symbole sur le dos ?! Insista Emma
-Très bien, bravo maman ! Tu as trouvé une salamandre stupide et bleue ! Donc incapable de survivre ici !
-Bruni… vas-y prouve lui !


Le reptile ne se fit pas prier et se faufila sous quelques brindilles coupées par Anna, en quelques instants, elles s’embrasèrent.


-Maintenant tu vas croire ce que tu vois Anna ! Les esprits de la nature peuplent cette forêt ! Il est de mon devoir d’être leur lien, et un jour… Un jour ça sera probablement à toi !
-Foutaises ! Je te savais folle, mais pas manipulatrice ! Tu as dû lancer une braise du feu mourant d’à côté ! C’est ta manière de faire comme d’habitude ! A toujours vouloir tout contrôler !
-Mais Anna… Je ne contrôle pas tout comme tu dis…
-Assez ! Si tu veux prouver que tu es la maitresse de la nature je vais t’en donner l’occasion ! Hurla Anna en allumant une torche du feu crée par Bruni.
-Anna non… Reviens !!!


Emma s’empressa de courir après sa fille et se serra d’effroi… Au plus près de la tente des Picéaerd, Anna venait de lâcher la torche et déjà, les flammes commençaient à dévorer l’humble abri.


-Anna mais ??... Qu’est-ce que tu as fait !
-Eh bien vas-y ! Puisque tu maîtrises les éléments, fais donc pleuvoir pour arrêter le feu !
-Mais qu’as-tu fait ?! Ça… n’est pas comme ça que cela fonctionne ! Fit Emma catastrophée.
-Oh arrête donc tes jérémiades… Pour quelqu’un qui dit avoir la nature comme alliée, tu prends vite peur pour un pauvre petit feu ! Regarde !

Anna s’empressa de prendre un sceau pour le jeter sur le brasier naissant mais, quelle ne fut pas sa surprise de voir que les flammes roses résistaient et même, amplifiaient. Soudain, le vent se leva et quelques braises virevoltaient pour atteindre les tentes voisines. En quelques secondes, l’incendie devenait incontrôlable et les habitants paniqués, sortaient s’abriter. Les femmes couraient protéger les enfants vers la rivière alors que les hommes allèrent prêter main forte à Anna qui avait perdu son assurance et tentait au moyen de sceaux d’eau dérisoires d’éteindre le foyer.


-Emma ? Tu vas bien ?! Demanda soudain un homme fort arrivé à sa hauteur et vêtu d’une longue cape de mousse avec à sa ceinture de nombreuses armes.


-Qui est-ce ? Coupa Mamie Anna
-Viggo… Vous allez comprendre de qui il s’agit…


Emma resta énigmatique et relança le souvenir. Pendant un temps, la famille ne put entendre la conversation qu’avait ce Viggo avec Emma mais ils pouvaient comprendre, au visage furieux du grand guerrier que les explications d’Emma ne devaient pas lui plaire. Il ne préféra apparemment rien répondre et se jeta à corps perdu auprès des hommes et Anna à tenter d’éteindre les flammes. La fille d’Emma se démenait, elle avait pris conscience de son geste fou et s’approcha toujours plus des flammes pour lutter contre elles.


-Eh Attention !! Hurla la voix d’un homme blond qui la repoussa alors qu’une branche enflammée ne la manquât que de quelques centimètres. Anna retomba lourdement au sol mais fut prise de panique… Elle était encerclée par les flammes. Pour la première fois, la peur pouvait se lire dans ses yeux alors qu’elle croisait le regard d’Emma.


-Non pas ça !! Mes amis… Venez à notre aide ! Implora Emma en fermant les yeux.


Anna observait sa mère se mettre à genoux en prière, sa peur se transformait à nouveau en colère face à sa couardise. Elle ne put voir alors son sauveur jeter un nouveau sceau d’eau contre les flammes et soudain, le miracle se produire. Un équidé aquatique jaillit et dévora instantanément les flammes avant de se fondre en une grande vague qui d’un coup avala le reste du brasier. Lorsqu’Anna tourna les yeux, le jeune homme lui tendait la main avec un sourire.


-Eh… C’est bon… Il n’y a plus de danger ! Je… Je n’aurai jamais pensé qu’Anna Picéaerd, la plus forte et courageuse bucheronne Northuldra pourrait avoir peur…
-Quoi ?
-Hum… Pardon je… Fais comme si je n’avais rien dit c’est juste que… Voilà, je… Je n’avais encore jamais… osé… te parler avant…Et… Je m’appelle Einhard ! Termina précipitamment le jeune homme en se mordillant la lèvre d’une manière que tous les Picéaerd purent reconnaître.


-Attends mémé ! Lui !!! C’est aussi un de nos ancêtres !
-On ne peut décidément rien te cacher ma petite ! C’est plus fort que toi de divulguer les surprises apparemment !... Mais oui, Einhard fait parti de la grande Histoire des Picéaerd… Rassurez-vous, ça je vais vous le montrer !... Permettez !


Immédiatement, elle relança le souvenir. Le feu avait réussi à être vaincu et les Northuldra observaient les importants dégâts même s’ils se félicitaient que personne ne fût blessé. Soudain, Viggo fendit la foule et parut devant le jeune Einhard.


-Félicitations mon garçon ! Voilà un vrai Northuldra ! Courageux et responsable !
-Je… Merci mais… Enfin… Si j’ai agi… C’est en fait plus… pour…enfin… La sauver…Elle… Bredouilla Einhard.
-Quoi ?!... Oh Elle ! Nous reparlerons de ta bravoure mon garçon… Excuse-moi !


Viggo prit congé du jeune Northuldra puis allât se poster devant Anna qu’il toisait d’un regard furieux. Son bras musclé fendit l’air et sa main s’écrasa dans un grand fracas sur la joue de la jeune femme. Anna sentit sa tête violemment partir sur le côté mais digne tenta de ne rien montrer et planta à nouveau son regard dans celui du géant, la joue écarlate marqué de la main de Viggo.


-Anna ! Mais qu’est ce que tu as fait ?! Fulmina-t-il
-Je… Je l’ai amplement mérité mais crois-moi je n’ai pas voulu ce désastre c’était un accident père je peux tout expliquer…
-Pas père !... Pour toi c’est chef !
-Mais pè… Pardon chef… Laisse-moi au moins t’expliquer…
-Non Anna ! Pas d’explication ! Pas d’excuse ! Il n’y a qu’un fait ! Ta mère me l’a dit, tu as volontairement envoyé une torche sur notre tente ! Tu oses le nier ?!
-Non… Chef !
-Alors nous en savons assez ! Nulle explication, Nulle excuse ne peut suffire ! Tu nous as tous mis en danger ! Comment pourrons-nous à nouveau te faire confiance ?!... Je n’ai pas le choix ! Que le jeune Lorcus me rejoigne ! Hurla Viggo.
-Oui chef ?! Fit un jeune Northuldra en s’approchant prudemment.
-Te voilà !... Tu sers notre communauté avec loyauté et dévouement ! Tu respectes nos lois et coutumes et tu as su par le passé nous protéger à mes côtés ! A partir de demain, je te veux avec moi ! Tu vas apprendre ! Et quand viendra mon crépuscule… C’est toi qui deviendras notre chef ! Désormais, c’est toi mon héritier ! Et je te conseille de prendre ce jeune garçon à tes côtés ! Il nous a prouvé sa valeur et sera sans doute un excellent second ! Trancha Viggo en désignant Einhard.
-Père… Tu ne peux pas me faire ça…
-Silence Anna ! Le sang est un privilège mais pas un droit ! Par ton action tu nous as tous trahis ! Et tu peux remercier ta mère si je décide de ne pas te bannir pour ce que tu as fait ! Tu peux rester… Passe le reste de ta vie à servir la communauté et elle sera bienveillante avec toi malgré ton crime… Mais en aucun cas elle ne pourra avoir confiance en toi pour te confier son destin !
-Si…Si tu penses que je souhaite vivre encore parmi vous… Hurla Anna qui retenait ses larmes.


La jeune femme rebelle ne put en dire davantage et sans se préoccuper des regards des autres s’enfuit à toutes jambes dans la forêt. Einhard ne tarda pas à la suivre.


-Alors voilà comment la famille d’Amarok est devenue chef des Northuldra… Commenta Mamie
-En effet, mais ça n’est pas le sujet pour l’heure… Coupa l’ancêtre.


Elle se mit à accélérer le souvenir, se concentrant sur quelques passages. La famille put la voir en train de discuter avec Einhard qui tous les jours allait offrir quelques présents à la Picéaerd déchue. Emma n’était pas en reste et inlassablement, apportait chaque jour les repas à sa fille qu’elle refusait sans cesse.


« Si tu crois que c’est avec un repas que je vais te pardonner ce que tu m’as fait !
-Anna… Ecoute moi je t’en conjure… C’est toi qui… Qui t’es mise en colère et a allumé ce feu….
-A cause de tes histoires stupides !
-Anna tu as bien vu qu’elles étaient réelles… Einhard n’aurait pas pu éteindre le feu sans l’intervention du Nokk !
-Quand vas-tu arrêter avec tes histoires à dormir debout… me voir ainsi rejeté ne te suffit pas ?!
-Tu… Tu n’as rien vu…
-Non !


Emma parut touchée, incapable de trouver encore la force de chercher à convaincre sa fille, pour elle désormais il ne lui restait plus qu’à tout réparer. Elle s’éloigna alors que les événements semblèrent s’accélérer. Depuis l’Hellheim, la doyenne, les yeux rougis souhaitait passer au plus vite alors que personne n’osait l’interrompre. La famille vit quelques bribes qu’Emma prit soin d’escamoter


-Bien… mes enfants, je pense que vous avez compris l’essentiel, mais pas encore pourquoi je vous montre ceci après vous avoir empêché d’intervenir chez les vivants… Nous allons y arriver mais juste avant… Vous allez reconnaître une tradition… Qui ne devrait pas te plaire Anna. Fit Emma en dévisageant mamie.
-Je ne vois pas ce qui pourrait me déplaire au niveau de nos traditions…
-Sauf quand enfant je décide de ruiner ta fête de l’hiver… Suggéra Iduna retenant un rire nerveux…
-Ou quand on te demande d’allumer des coupoles ! Rajouta la plus jeune de ses petites filles.
-Bravo pour ton instinct ma petite !


Emma offrit un timide sourire à sa descendante avant de replonger la famille dans les lointains souvenirs.
Tous purent voir Einhard et Anna se rapprocher puis, au bout de quelques semaines, Emma et le jeune homme conduisirent Anna au plus profond de la forêt.


-Einhard ?... Pourquoi est-elle là ?
-Ta mère a quelque chose à te montrer…
-J’ai accepté de faire une promenade avec toi… Pas elle…
-Nous y sommes presque… Si ça ne te plaît pas… Nous ferons demi-tour… Tempéra le Northuldra.
-Je te préviens maman… Si c’est encore tes histoires de chamane ou d’esprits…
-Non… C’est plutôt une histoire de bois ! Fit-elle en désignant un humble abri.
-Je ?... Mais qu’est-ce que c’est ?
-ça peut être chez toi…
-C’est ?... C’est toi maman qui…
-Ma fille tu me reproches le chamanisme ou ma quête des esprits comme tu dis mais avant tout cela, lorsque j’étais enfant… Un bucheron m’a recueillie… Dans une cabane à peu près comme celle-ci ! Il m’a appris tout ce qu’il savait ! Que tu le veuilles ou non, ta passion pour le bois te vient probablement de moi…


Anna ne sut quoi répondre et sauta dans les bras de sa mère. Pour la première fois depuis des années, elle cessait de regarder Emma avec de la haine et du défi. Pour la première fois, toutes deux retrouvaient une relation mère-fille. Elles s’installèrent en compagnie Einhard dans la maison, Anna était aux anges. Enfin, toutes deux purent se parler. Emma finit par avouer à sa fille qu’elle avait tout fait pour tempérer la rage de Viggo qui aurait pu se montrer bien plus sévère, de son côté, Anna éprouvait enfin du remords et la vie au sein de la communauté paraissait lui manquer alors que les semaines s’écoulaient.


-Il… Il y aurait un moyen pour… Pour que tout ceci soit derrière toi… Je… Je suis le second du futur chef et… il est certain que la femme que j’épouserai… N’aura pas à se soucier de… Alors voilà… Anna je… Je me demandais si bien sûr tu voulais réfléchir…
-Einhard ?... Tu me demandes de devenir ta femme ? Trancha Anna avec sa délicatesse habituelle.
-Je… En quelque sorte euh…Oui…
-Einhard… C’est une magnifique proposition, j’en suis flattée ! Tu es gentil mais…
-Mais ? Demanda le jeune homme qui suait à grosses gouttes.
-Père ne l’acceptera pas… Me voir revenir ainsi, en plein centre de la communauté, si près du pouvoir qui m’était destinée…
-Oh si ! Il le voudra ! Ton père aime les Northuldra, les protège. Sa loi n‘est pas négociable sauf en un seul cas… Ton père se pliera à ceci…
-Des coupoles ?
-Si votre amour est sincère, que les esprits l’approuvent, alors la flamme de l’esprit du feu les fera bruler d’un feu que personne ne peut éteindre ! Pour ton père ce sera la preuve qu’une force plus grande que son pouvoir aura décidée ! Je peux vous les allumer ici même et nous les apporterons devant Viggo ! Tenta Emma.
-Non ! … Non !!! Einhard ne me dis pas… Tu étais au courant ?! Ta demande est juste là pour me piéger ! Pour que tu reviennes à la charge avec ton chamanisme ?! Commença à s’énerver Anna.
-Il n’est au courant de rien Anna ! Je ne te demande même pas d’y croire ! Si tu souhaites continuer à les défier qu’importe ! Mais c’est important pour les Northuldra ! Eux ne le prendront pas à la légère ! Si tu veux tant revivre parmi nous, tu l’accepteras… même si tu refuses d’y croire ! Défia Emma.
-Moi j’y crois !... Comment ça marche ? Demanda Einhard.
-Pour faire simple par ces coupoles qui portent vos noms, je vais tenter d’associer vos âmes dans une flamme sacrée.
-Je veux essayer !
-Doucement mon garçon… ça n’est pas un jeu… Associer vos âmes au regard des esprits est la promesse la plus sincère et sacrée que tu ne pourras jamais faire. Mit en garde Emma.
-Et ça recommence… Soupira Anna.
-Je le veux ! Si cela peut prouver que mes sentiments ne sont pas fallacieux alors qu’il en soit ainsi !
-ça ne dépend pas que de toi Einhard… Il faut aussi qu’Anna soit d’accord ! Enfin… Bien sûr je pourrais le faire même malgré son accord mais je m’y refuse. Alors ma fille ? Je pense qu’il vient de te faire la plus belle déclaration possible en souhaitant se soumettre à cette expérience… Même si tu n’y accordes aucune importance, si tu aimes ce garçon… Pour lui tu le feras ! C’est à toi de décider !


Un long silence s’installa dans l’humble logis. Anna serra les poings. Ce qu’elle voulait était de jeter ces coupoles au fond de la rivière et ordonner à sa mère de ne plus l’approcher puis son regard se posa sur Einhard. Sans qu’elle ne puisse se l’expliquer, son cœur se mit à battre plus fort. Elle se sentit tout à coup foudroyé. Elle n’en prenait conscience qu’à cet instant, du matin au soir, toutes ses pensées les plus profondes voguaient vers ce jeune homme. Sa volonté de revenir au sein de la communauté en réalité n’était motivée que par la possibilité de se retrouver en sa compagnie.

-Très bien tu as gagné maman… S’il faut un petit feu dans une coupole eh bien qu’il en soit ainsi !


Immédiatement Anna se saisit de la coupole à son nom et la jeta dans la cheminée, le foyer en quelques instants finit par offrir une flamme à l’objet. Satisfaite, Anna sortit prudemment la coupole brulante pour la poser devant sa mère.


-Voilà ?... On peut aller voir papa maintenant ?!
-Certainement pas avec une coupole éteinte… Rétorqua Emma.


Anna regarda étonnée que les flammes s’étaient éteintes alors que sa mère entoura la coupole d’un linge pour la tremper dans l’eau. Une fois l’objet refroidit, elle la prit à pleine main avec celle destinée à Einhard.


-Si c’était aussi simple que ça, quelle valeur aurait ce feu ?
-Oh mais je t’en prie maman… Vas-y ! Montre-nous comme tu es plus intelligente ! Railla Anna.


Emma exécuta alors un procédé complexe et au bout que quelques secondes, des flammes roses illuminèrent les coupoles qui malgré le feu demeuraient froides. Emma, pas peu fière les tendit avec un sourire satisfait à sa fille. Elle commença à parler mais la famille ne put entendre alors que la matriarche accéléra les événements. Tous purent comprendre rapidement face aux coupoles que Viggo accorda sa bénédiction et le mariage fut célébré. Les mois et les années passèrent alors que le jeune couple eût le bonheur de voir leur famille s’agrandir de trois enfants. Puis les souvenirs se stabilisèrent.


-Maman ?! Comment tu as fait ?! Fulmina Anna
-De quoi parles-tu ?
-De ceci ?! Il n’est pas possible de les éteindre ! Tempêta Anna en désignant les coupoles.
-C’est le feu sacré, émanant de Bruni, l’esprit du feu… Il ne peut s’éteindre ! Pourquoi tu veux rompre ton mariage ?
-Non !... Je veux prouver que tes histoires sont des sornettes !
-Anna… Je ne veux pas me battre encore une fois avec toi… Puisque tu ne veux pas y croire, si tu le vois, tu l’accepteras ?
-Quoi ?
-J’aurai dû commencer par là… Il est un endroit aux Terres gelées… je viens de là-bas ! Si tu le vois, tu comprendras que tout ce que je te raconte ne sont pas des fables comme tu dis… Je n’ai pas voulu t’y emmener car tu t’es toujours montrée hostile aux leçons, je me suis dit que tu ne comprendrais pas les phénomènes que tu pourrais voir mais finalement… C’est peut-être de les avoir face à toi qui te fera comprendre.
-Quoi ? C’est encore une de tes ruses ?
-Non ! Mais tu es intriguée de ne pas pouvoir éteindre ce feu… Et ça c’est réel ! Tu as des coupoles, avec des flammes qui ne s’éteignent pas… Et ce depuis six ans ! Ça tu ne peux le nier…
-Il me suffit de trouver le combustible que tu as utilisé…
-Ou admettre la vérité… Voilà ce que je te propose… Viens voir avec moi ! Juste voir ! Après tu sauras… Et si tu conserves tes idées et bien qu’il en soit ainsi et jamais tu ne m’entendras en reparler ! Que risques-tu ?...
-Et plus jamais tu n’en reparleras ?
-Jamais… Si tu ne me crois pas après ça… C’est que jamais je ne le pourrais.
-Quand partons-nous ?
-Quand tu veux !
-Alors maintenant !


Elles traversèrent alors la forêt enchantée jusqu’aux plages avant d’embarquer sur la mer sombre particulièrement calme cette nuit-là. Anna fut surprise de voir sa mère maîtriser l’art de la navigation et toutes deux accostèrent sur les plages des Terres gelées au petit matin. Emma guida sa fille et toutes deux remontèrent la plage pour trouver un cours d’eau puissant couler pourtant de manière paisible vers la mer.


-Voilà… C’est ici ! La rivière ! Regarde-la !
-Alors si c’était pour me montrer ça… Il n’était pas nécessaire de faire tout ce voyage, la rivière est à vingt minutes de marche du camp !
-ça n’est pas une rivière ordinaire… C’est ici que j’ai acquis mon statut de cinquième esprit
-Et ça recommence…
-Regarde ! Tu comprendras ! Tu m’as promis d’observer ! Fais ce que je te dis et tu pourras voir !
-Pfff… Plus vite fait, plus vite rentrée !


Toujours pas convaincue, Anna se risqua à pénétrer dans la rivière. Une fois l’eau aux genoux, elle se pencha pour boire et sursauta. Au moment d’approcher sa bouche elle vit surgir des flots une image d’elle, alors âgée de cinq ou six ans courir au travers de la forêt derrière une petite salamandre bleutée.


-Quoi ?... Mais qu’est-ce que c’est ?!
-La vérité Anna !... Des bribes de ton passé que les esprits de la nature te montrent… Touche l’eau… Tu comprendras !


Intriguée, Anna réitéra l’expérience. A nouveau des souvenirs se matérialisaient. D’abord craintive, persuadée que son esprit lui jouait des tours, elle finit par se laisser gagner par le bonheur de revivre sa vie. Anna avait basculé, elle croyait désormais ! Sa mère avait raison. Au moment où elle s’en rendit compte, un souvenir apparut.


-Maman ?... C’est… C’est toi ? C’est ton passé ?
-Il me semble bien Anna !
-Je ?... Je peux voir ?!
-Si tu y crois bien sûr !


Emma était heureuse de voir sa fille enfin embrasser la vérité lorsqu’elle finit par sentir l’eau lui chatouiller les pieds. A cet instant, elle se rendit soudain compte que le lit de la rivière avait grossit. Anna avait désormais l’eau au-dessus du ventre alors qu’elle tournait autour des souvenirs de sa mère, avide d’en apprendre plus sur sa vie.


-Anna… L’eau !! Regarde ! Fais attention ! Reviens maintenant !
-Non maman ! Encore un peu, je veux savoir ! Tu avais raison ! C’est incroyable !


Ce furent les derniers mots d’Anna, avant qu’Emma effrayée ne vit sa fille pencher ses mains vers les souvenirs qui l’entraînèrent sous l’eau. Paniquée, la chamane s’empressa de rejoindre l’endroit où sa fille avait disparu sous les flots. Elle plongea, elle vit Anna continuer d’observer les souvenirs, subjuguée, elle était comme prisonnière de l’eau. Un tourbillon semblait l’avaler et l’enfoncer toujours plus dans les profondeurs alors que les souvenirs autour d’Anna se firent de plus en plus nombreux. Emma nageait le plus vite possible, elle commençait à ressentir le manque d’air et vit effarée, les souvenirs eux aussi, tenter de lui emprisonner les jambes. Elle résista par instinct à ne pas hurler son désespoir alors qu’impuissante, elle vit au fond sa fille expirer. Son visage se tordit de douleur alors que l’eau pénétrait ses poumons. Emma sut qu’elle ne pouvait plus rien et devait à présent sauver sa propre vie. Avec l’énergie du désespoir, elle parvint à retrouver la surface et enfin retrouver l’air que ses poumons lui réclamaient tant. La première Picéaerd toussa et cracha, peinant à rejoindre la rive exténuée puis, de ses dernières forces, hurla sa rage quand la rivière retrouvait peu à peu son lit.


-Je suppose que vous avez compris ? Questionna Emma d’une voix triste en faisant disparaître les souvenirs.
-C’est… C’est la rivière d’Ahtohallan ?! Ça n’était pas un glacier à l’origine ? Questionna Mamie Anna
-Non ça ne l’était pas… Je t’expliquerai un jour comment ça l’est devenu… Mais vous m’excuserez mes enfants… C’est un peu trop pour moi en une seule journée ! Coupa Emma qui faisait de gros efforts pour masquer sa peine.
-Maman ! Ça ne va pas de demander ça ! Emma vient de nous montrer le décès de sa fille !... Emma je… Je suis navrée d’apprendre ceci ! Réagit Iduna choquée avec une main compatissante pour l’ancêtre.
-Je te remercie ma chère… Et je n’en veux pas à ta mère, la curiosité et l’absence de tact, c’est ce qui fait notre famille après tout ! Mais je suppose que vous avez compris désormais mes enfants.
- « Si tu plonges dans le passé, prends garde de ne pas t’y noyer » Chantèrent en chœur les deux sœurs.
-J’ai inventé la comptine immédiatement après… Il fallait quelque chose pour expliquer à mes petits-enfants pourquoi ils ne reverraient jamais leur maman. Anna n’eût pas besoin d’y rester longtemps comme vous disiez ! Cette expérience… Je l’avais moi-même tenté à plusieurs reprises ! J’étais restée bien plus longtemps… Sans aucun souci ! Vous ne pouvez pas savoir combien de temps Ahtohallan acceptera de vous accorder… Et les souvenirs sont parfois très prenants ! Voilà pourquoi j’insiste tant ! Je ne veux pas revoir un membre de ma famille…


Elle ne put terminer sa phrase alors que toutes ses descendantes se chargèrent de venir l’épauler. Elles en avaient toutes assez vu, il était désormais temps de rentrer chez elles. Emma péniblement sut reprendre le dessus, elle ne souhaitait pas se montrer faible face à ses descendantes, et toutes commençaient lentement à se diriger vers la sortie.


-Mémé… Je vais probablement dire une bêtise…
-Comme souvent, mais c’est pour ça qu’on t’aime Anna ! Coupa la reine des neiges taquine.
-Elsa ! Ça ne sont pas les manières qui t’ont été enseignées ! Gronda Iduna.
-Que veux-tu dire comme bêtise ma petite ? Encouragea Emma.
-Eh bien… Tu étais déjà la mère fouettarde non ?!... Bon d’accord Anna, elle était déjà un peu grande mais… elle aurait mérité une de tes visites non ?!
-C’est tout sauf une bêtise ce que tu dis… Mais vois-tu, si j’ai eu l’habitude de corriger les mauvais enfants, Anna… fut la seule pour qui je n’en ai jamais eu le courage… Avant de l’avoir, je n’hésitais pas à tourmenter les enfants pour les remettre dans le droit chemin, ainsi que leurs parents parfois pour qu’ils réagissent… Mais avec elle… Mon cœur se brisait rien qu’à cette idée… J’ai compris l’enfer que pouvaient alors vivre les parents dont les enfants échappent à leur contrôle… S’il y a bêtise comme tu dis ma petite… Elle ne vient pas de ta remarque, mais de mon manque d’action… Confessa Emma.
-Comme papa me l’a si bien dit… Nous sommes tous humains… Perfectibles chère ancêtre ! Fit Mamie pour tenter de réconforter l’aïeule.
-Tu aurais dû utiliser ton pouvoir ! Trancha Elsa.
-Je le sais bien jeune esprit… Je n’ai pas su être assez forte !
-Même au-delà mémé… Continuer de sermonner les enfants est utile, mais remettre aussi les parents dans le droit chemin car les errements des enfants proviennent parfois de leurs propres erreurs !
-Elsa non ! Ne dis pas ça ! Mémé ! moi je te comprends ! C’est trop facile de critiquer les parents quand on ne sait pas… Elsa tu ne peux pas comprendre ce que l’on ressent… Si tu avais un enfant tu saurais que ça n’est pas si simple de… Je… Non Elsa ! Pardon je ne voulais pas dire ça ! Fit Anna en portant sa main à sa bouche honteuse.
-Pas d’enfant ?! Pas d’enfant ?! J’ai trois enfants Anna ! Devoir prendre des décisions difficiles les concernant si je connais ! Je les ai abandonnés pour venir ici ! Pour sauver ton double ! Hurla Elsa.


La reine des neiges perdit ses nerfs et d’un geste brisa la glace qui les entouraient dans la galerie des souvenirs qui s’évapora immédiatement. Sans un mot, elle quitta le groupe et au loin apparut le château d’Arendelle alors que sa sœur pleurait à chaudes larmes…


-Elsa ! Attends !...
-Non mon enfant ! N’y vas pas !... Personne ! Elle… Elle a besoin de quelques minutes…
-Je… Je ne voulais pas ! Qu’est-ce que j’ai dit ?! Sanglota Anna.
-Non, évidemment que tu ne le voulais pas ma petite Picéaerd ! Fit mamie.
-Anna, ta sœur sait que jamais tu ne lui voudrais le moindre mal ! Rajouta Iduna pour soutenir la jolie rousse.
-Mais il va te falloir tout réparer ma petite ! A toi de trouver comment ! Fit la voix d’Emma sans aucune compassion, elle venait de retrouver son rôle de mère fouettarde.
-Quoi ?!
-Plus que tourmenter les garnements avec du charbon, je compte leur apprendre à réparer leurs erreurs… Et ce qui est valable pour les enfants, l’est aussi pour les adultes ! Tu sauras quoi faire ! Pour l’heure, prends le temps de reprendre tes esprits, tu sais que tu as mal agi, je ne veux pas t’accabler davantage, personne ne le souhaite, ça serait cruel et contraire à l’Hellheim ! Ta famille saura t’épauler, toi, ainsi que ta sœur… Mais c’est à toi de trouver les mots pour réchauffer son âme ! Mais avant, je vous dois des excuses… Si je ne vous avais pas montré tout ceci, cet incident ne serait pas arrivé… Maintenant vous avez compris le danger que représente la rivière ! Ma fille n’avait pas cherché à y rester longtemps… Alors n’approchez pas ! Je ne veux pas revivre avec vous ce que j’ai vécu avec elle…
-Emma… J’ai… J’ai pu quitter le Niflheim, après m’y être perdue également ! Alors pourquoi n’a-t-elle pu revenir ? Demanda Mamie
-Toi, tu as eu ta mère pour t’aider… Elle n’avait personne ! Mais je vous en prie mes enfants, pour l’heure notre urgence est de nous occuper de notre jeune esprit ! Allez ma petite, relève-toi, fais un pas, il faut avancer ! Encouragea Emma en prenant la main de la jeune rousse prostrée.

Chapitre 4 : Solitude


Elsa était rentrée dans le château, sans un regard pour le décor apaisant ni même pour son arrière-grand-père en compagnie des enfants qui la virent passer tel un spectre. Ses larmes avaient creusé de gros sillons sur ses joues tandis qu’elle s’enfermait à double tour dans sa chambre. La porte close, ses jambes ne purent la porter davantage et elle s’affaissa lourdement au sol. Sa magie se manifesta et peu à peu, le givre finit par gagner tous les murs de la pièce. A cet instant, Elsa n’avait plus rien en commun avec la grande reine des neiges, elle était au contraire redevenue l’adolescente triste et seule dans sa grande chambre froide et vide. De multiples pensées la parcouraient alors que la phrase malheureuse d’Anna revenait en un écho assourdissant dans ses oreilles. Elle ferma les yeux et tenta de visualiser à nouveau la nursery. Celle du monde des vivants. Elle ne voulait pas laisser faire l’Hellheim, c’était à elle seule de se recréer ce monde. Au fond de sa mémoire, elle parvînt à visualiser enfin des contours flous et ce qu’elle espérait. Ce grand berceau où dormaient ses trois protégés avec elle à côté. Elle était triste, n’avait plus le goût à la vie. Sa décision était prise, elle devait suivre sa grand-mère pour accomplir un destin plus grand qu’elle. Le souvenir dans la mémoire de la reine des neiges n’était pas aussi net que ceux qu’elle pouvait admirer dans la galerie des souvenirs mais elle préférait s’accrocher à cette vérité. Elle arrêta même le temps lors de sa dernière caresse pour ses enfants puis son attente sur le pas de la porte à observer le lit. Cet instant où tout a basculé, la dernière fois où elle avait pu être avec ses enfants et soudain une voix.


« … Si tu avais un enfant tu saurais que ça n’est pas si simple de… »



De rage la reine des neiges laissa éclater sa colère et un énorme tas de neige se créa à quelques mètres d’elle. Anna lui avait fait tellement mal. Emma leur avait expliqué que la souffrance ne pouvait plus exister, de même que les tourments dans l’Hellheim mais Elsa savait qu’elle se trompait. Elle ne s’était que très rarement sentie aussi désemparée, triste et furieuse qu’à cet instant. Un bruit la fit soudain sortir de sa torpeur, six coups rapides à sa porte. Cela ne pouvait venir que d’une seule personne. Depuis combien de temps Elsa était-elle prostrée ? Quelques secondes ? Anna l’aurait-elle immédiatement suivie ? Quelques heures ? Elle n’en avait aucune idée.


-Elsa ?... Peux-tu ouvrir s’il te plaît ? Je… Je t’ai dit une chose horrible et…
-Va-t’en Anna ! Laisse donc la sans enfant seule ! Va donc t’occuper de la tienne… Même si elle n’est pas à proprement parlé de toi !
-Je… Comme tu voudras Elsa… Je suis désolée. Fit la cadette dans un sanglot.


Anna s’éloigna lentement de la porte qu’elle sentait froide. Elle se doutait qu’Elsa avait dû transformer à nouveau son antre, en glacier. Elle recula de quelques pas le cœur serré, se retenant de ne pas pleurer. Les mots avaient été durs. Elsa avait voulu lui faire mal et c’était réussi… et mérité, Anna en avait bien conscience.


-Laisse-moi deviner… ça s’est mal passé ?!
-Mamie ! Elle… Ça recommence ! Les portes fermées ! Elle ne veut plus me voir… Elle m’a dit…
-Une parole horrible… Je sais, j’ai entendu ! Cela t’étonne ?
-Que puis-je faire ?
-Ce que tu sais faire de mieux ! Ne pas renoncer ! A ce que j’ai compris, tu as été capable de persévérer pendant des années face à sa porte fermée ?! Tu trouveras le moyen pour renouer avec elle, mais pour l’heure, tu dois accepter qu’il lui faut du temps. Elsa peut avoir un sacré caractère lorsqu’elle est triste ! Crois-moi, lorsqu’elle a découvert ton cadavre à Ahtohallan, j’ai pu m’en rendre compte !
-Quoi ?
-Oui… J’avoue que pour une première rencontre j’aurai souhaité mieux mais bon… Ne t’en fais pas pour elle. Sois présente, cela prendra peut-être du temps, mais tu sauras retrouver le chemin de son cœur !
-Tu… Tu crois !?
-Non, j’en suis certaine… Les relations fraternelles je connais ça aussi ! Demande à ton grand-oncle comment ça se passait entre nous. Fit mamie en tapotant l’épaule de son frère ainé.
-Eh bien je voulais te protéger, je m’y prenais mal et tu m’envoyais promener… Fit Pieter d’un ton léger.


La remarque du frère de mamie eut l’effet escompté et les larmes pendant un temps cessèrent de couler le long des joues d’Anna d’Arendelle. Puis, Pieter prit un regard bien plus sérieux et posa ses mains sur les frêles épaules de la jeune femme.


-Comme toi Anna, j’ai pu dire ou faire des choses horribles à ma sœur… Même bien pires ! Alors certes, les fautes qui m’ont été reprochées n’étaient en réalité pas de mon fait, mais je ne suis pas exempt de tout reproches. Mais malgré toutes mes erreurs, un seul sentiment a guidé ma conduite… C’est le lien indéfectible qui me liait et me lie encore à ma petite sœur. Même quand elle ne souhaitait plus me voir ou me parler, je m’étais juré de rester là pour elle, de la veiller, la protéger… Même si elle savait très bien le faire seule. Et toujours, j’ai vécu dans l’espoir qu’elle me pardonne mes fautes et quoi qu’il advienne, même quand elle a pu avoir des mots très durs envers moi, parfois immérités, je ne l’ai jamais rejeté.
-Vraiment ?
-Oui vraiment, ça tu ne peux peut-être pas le comprendre, mais ta sœur si ! C’est le fardeau de l’aîné ! Qu’importe ce que notre cadette peut dire ou faire, c’est dans notre nature de lui pardonner… Entre frères et sœurs, tout se pardonne !
-Tu le penses vraiment grand tonton !
-Bien sûr !... Enfin non ! Il y aurait eu une exception sans doute ! Si j’avais vraiment essayé de lui prendre Elysia… Oui faut avouer que… Enfin jeunes il ne me laissait pas totalement indifférent moi non plus mais heureusement j’avais d’autres idées en tête… Non parce que, si j’avais fait ça… Anna ne l’aurait jamais pardonné ! Pas vrai Anna ?!
-Pieter… Fit Mamie particulièrement gênée…
-Quoi ?... Elle pourrait… Ne pas me pardonner… Ou moi faire de même ?!
-Evidemment… Mais ça c’est si elle essayait de te voler Kristoff mais ça serait ridicule et ne concerne pas ton problème actuel…
-Voler Kristoff ?! … Mon Dieu, Mamie tu nous as dit… Nos doubles… A cette époque nous ne connaissions pas encore Kristoff et… Non se pourrait-il que… Même là-bas nous nous disputions ?!


Paniquée, Anna ne sut quoi dire de plus, et se mit à courir comme une folle, les yeux trempés de larmes vers sa propre chambre.


-Mais ?... Mais qu’est-ce que j’ai encore dit ? S’interrogea Pieter alors que mamie se prenait la tête dans les mains dans un soupir consterné.
-Pieter… Ce n’est pas possible, même quand tu tiens un discours magnifique… Tu trouves toujours le moyen de tout gâcher et dire une énormité…
-Quoi ? Mais…
-Si papa était là… Il te traiterait d’idiot ! Fit mamie taquine.
-Mais je suis là… Tu as vu juste Anna ! Lança alors Olaf qui arrivait dans leur dos et mit une tape à l’arrière du crâne de son fils ainé.
-Aïe…
-Laisse… Je vais prendre le relais ! Dommage, ça partait bien pourtant ! … Et s’il faut être honnête, tu as raison, si tu m’avais pris Elysia… Je crois que j’aurais pu te tuer. Plaisanta mamie.


Anna d’Arendelle s’était elle aussi réfugiée dans ses appartements où Kristoff attendait sans oser passer le pas de la porte au moment où mamie arrivait pour la calmer. Personne ne pouvait le savoir mais curieusement à cet instant, les deux sœurs avaient exactement la même attitude et leur mère n’était pas en reste. Plus en retrait, dans la cour du château, Iduna était restée plongée dans ses pensées. Les propos de sa cadette l’avaient choqué au même titre qu’Elsa et elle venait de voir ses deux filles se déchirer sans qu’elle ne puisse agir sans risquer de prendre parti pour l’une ou pour l’autre. Iduna se sentait incroyablement impuissante. Incapable d’être présente pour ses deux grandes filles, et encore moins pour son jeune fils. Le souvenir béni de son passage au monde des vivants la tourmentait désormais alors qu’elle marmonnait le prénom de Kaspian.


-Puis-je savoir de qui tu parles ma chère ?
-Personne… Non rien du tout ! Répondit précipitamment Iduna
-Tu ments très mal ! Sourit Emma.
-Si c’est pour me sermonner…
-Non… Pas du tout. La crainte de ne pas pouvoir être là pour ses enfants… Je…
-Inutile de poursuivre… C’est… La mort m’a séparé de mon fils ! J’ai perdu ma fille cadette mais, ma mort m’a permis de vite la retrouver… Mais toi… Voir son enfant partir ainsi…
-Chacun son fardeau ma chère… Mais tu l’as dit, tu as pu retrouver tes enfants ici… La solitude n’est pas éternelle…
-Et donc… Tu as pu retrouver ta fille ici… Vous avez pu vous réconcilier.
-Non Iduna…
-Vous ?... Vous êtes toujours en froid ?! Pourtant elle… Elle a compris que…
-Oui elle a compris que tout existait… Mais… Elle n’est pas ici !
-Comment…
-Elle n’est pas dans l’Hellheim… Je pense que… D’avoir découvert la vérité aura fait naître chez elle une culpabilité. L’incendie, les disputes… Cela lui aura fermé les portes
-Tu veux dire qu’elle est encore dans l’Helveg ?
-Non… Plus bas ! Et si elle l’est… C’est par ma faute ! C’est ma culpabilité. Avoua penaude Emma.
-Attends… Je ne comprends pas… Ta fille a été punie dans le Niflheim pour sa culpabilité… Mais toi qui te sent aussi coupable tu es ici ?... Mais quelle est la logique ?
-J’étais cinquième esprit à ma mort ma chère…
-Donc le cinquième esprit a la garantie de venir ici ?! Kaspian l’est donc à sa mort quoi qu’il arrive je le retrouverais ?
-Non, je n’ai pas dit ça… Bien entendu la majorité des cinquièmes esprits termine ici mais ça n’est pas toujours le cas… certains…ont pu laisser leur soif de pouvoir les pervertir, ou pour d’autres raisons se sont laissés aveuglés par leur culpabilité… et ont terminé dans le Niflheim
-Quoi ?! Mais Kaspian… Il… Il est celui qui a le plus grand potentiel ! Si Agnarr n’arrivait pas à… Alors je ne les reverrais ni lui ni mon fils… Je serai seule ! Hoqueta Iduna.
-Allons ! Allons ma chère reprends tes esprits ! Calme-toi ! Tu n’es pas seule ! Ta mère et tes filles sont parmi nous ! Et rien ne dit que Kaspian n’arrivera pas à accomplir son destin… Tu dois le laisser vivre sa vie, et lui faire confiance !
-Non ! Je… Je dois aller les voir !
-Iduna ! Non !! N’as-tu donc rien n’appris ! Utiliser Ahtohallan…
-Justement chère Emma ! Je te l’ai dit ! Pour les voir, je n’ai pas besoin d’Ahtohallan !... Courant d’Air ! Viens jusqu’à moi !! Hurla Iduna.


L’esprit du vent ne se fit guère attendre et s’empressa de tourner autour de son amie et la couvrir de ses bienfaits. Comme toujours, Iduna ne demeurait pas insensible aux chatouilles de la bise et gonfla sa joue de plaisir alors qu’elle penchait la tête pour ne pas rire d’une nouvelle caresse de l’air. La complicité entre les deux amis était évidente et Iduna se laissa happer et pénétrer par l’air. Peu à peu, elle disparaissait pour ne faire plus qu’un avec courant d’air. Emma avait reculé d’un pas et observait médusée.


-Mais ?... Quel est ce prodige ?! Hoqueta-t-elle
-Oh… Courant d’air… Attends juste une minute ! … Montre lui !
-Me montrer quoi ? Demanda Emma alors qu’Iduna semblait ressortir du vent.
-Je te l’ai dit, quand je suis partie… Mon esprit s’est introduit dans celui de l’esprit de l’air !
-Une fusion d’un cinquième esprit avec un des éléments ?! Souffla Emma…
-Euh… Oui je pense qu’on peut dire ça comme ça…
-Pas dire ça comme ça… C’est le cas ! Je supposais sa possibilité… Mais jamais je n’avais encore pu le constater…
-Tu… Tu veux m’accompagner ? Courant d’air ? On peut y aller à deux ? Emma est un esprit aussi après tout ?!


Emma resta interdite. De nombreuses pensées lui traversaient l’esprit alors qu’Iduna la dévisageait. L’ancienne souveraine découvrait un nouveau visage chez son aïeule. Un sentiment qu’elle ne lui connaissait pas encore. Presque imperceptible, pouvait se sentir au milieu de l’excitation et la curiosité une certaine envie voire peut être même de la jalousie. La tentation fut alors trop grande pour la fille d’Anna Picéaerd.


-Alors ?! Est-ce que la grande Emma Picéaerd serait-elle jalouse ?... Ou aurait-elle peur de m’accompagner ? Moi la petite Northuldra insolente qui détruit les fêtes des esprits !
-Fais attention à ne pas te voir trop vite trop belle ma chère ! Tu seras peut-être le grand cinquième esprit que nous attendons tous… Mais attention à ne pas te brûler les ailes ! Il n’a jamais été très bon dans la famille d’être un cinquième esprit puissant… Fit Emma de mauvaise grâce.
-Comment ?... Chère ancêtre je ne te pensais pas de si mauvais esprit…
-Je ne le suis pas ma chère… C’est une vérité mais chaque chose en son temps ! Puis-je cependant découvrir ton prodige ? Demanda Emma soudain intéressée.
-Sans mauvaise manière Emma ?
-La mère fouettarde n’a qu’une parole !
-Dans ce cas ! Courant d’air ! Nous allons faire un tour !


Iduna tendit la main vers son aïeule qui la saisit au vol. En un instant, le vent s’empressa de s’enrouler autour des deux femmes. Iduna et Emma ne se lâchèrent pas la main et sous le regard stupéfait de la doyenne, toutes deux se transformèrent en zéphyr laissant leur corps s’allonger paisiblement sur le sol douillet de l’Hellheim.


-Nous voilà devenu une rafale ? Questionna Emma qui s’observait s’envoler dans les airs.
-Oui… C’est ce que j’ai découvert la dernière fois… Nous apparaissons comme le vent… C’est ainsi que j’ai pu traverser les mondes !
-Jusque dans le monde des vivants ? Observa Emma.
-Oui !... Courant d’air ! Vite ! Allons voir mon fils !
-Attends ! Pourrait-on ?...
-Quoi ? S’impatienta Iduna alors que le vent stoppait sa course.
-Ce nouveau pouvoir… Te permet-il également de survoler les autres mondes…
-Je… Je pense que oui !
-Vraiment ? Surprends-moi ma chère !


Emma avait offert un large sourire à sa descendante qui laissa voguer son esprit pour ne faire qu’un avec le vent. L’esprit élémentaire comprit les désirs de sa maîtresse et Iduna ainsi qu’Emma se sentirent toutes deux aspirées. Pendant quelques instants, l’ancienne souveraine ferma les yeux avant qu’un froid intense ne la pousse à recouvrer ses esprits. Elle eût alors un moment de surprise. Elle ne survolait pas le pays Northuldra mais un espace désolé, seulement rongé par le froid.


-Je… Courant d’Air ?... Où sommes-nous ?
-ça ma chère…C’est le Niflheim !
-C’est… Absolument affreux !
-En effet ça l’est !
-Et… Nous avons des proches ici bas ?
-Quelques-uns…
-Oh oui pardon suis-je bête… ta fille… Nous… Allons la voir !
-Non ! … Non c’est une fort délicate attention mais… Je crois avoir déjà grandement abusé de ton pouvoir. Ce voyage doit te demander une énergie considérable et…. Tu souhaitais voir les vivants… Alors allons y !
-Mais…
-Pas de mais ! … Ecoute Iduna, je n’osais croire que tu étais capable de ce prodige… Je t’ai demandé de venir ici pour te tester… Je pensais que tu ne pourrais pas… Mais je suis ravie de m’être trompée ! Cependant, il ne faut pas négliger l’énergie que cela te coûte !... Inutile de te tourmenter !
-Entendu, nous ferons comme tu le souhaites !... Mais je te promets que nous reviendrons !
-Je n’en attendais pas moins de ta part. Fit Emma dans un sourire.


Alors qu’elle se sentait frigorifiée, Iduna se concentra pour transmettre sa volonté au vent. Soudain elle fut parcourue d’un frisson, le zéphyr ne semblait plus l’entendre, il paraissait comme figé, laissant les deux Picéaerd voguer telles des âmes en peine à survoler le Niflheim. Paniquée, Iduna observa son environnement alors qu’Emma restait imperturbable les yeux fermés. La matriarche ne s’était-elle pas rendue compte de la difficulté d’Iduna ? L’ancienne souveraine n’en savait rien mais ne voulait pas demander d’aide. Elle craignait de créer la panique aussi chez son aïeule ou alors, de la désapprobation. A nouveau, le cinquième esprit observa le Niflheim en contrebas et, après un examen scrupuleux du lieu sentit son cœur mort se serrer. Là, seule parmi les damnés, un visage l’observait. Un visage qu’elle n’avait plus revu depuis sa plus tendre enfance mais qu’elle ne pouvait pour autant pas oublier. Iduna se figea et crût l’espace d’un instant voir un sourire se dessiner sur le visage qui la dévisageait. L’ancienne reine tachait de se concentrer mais la réalité la ratrappa, plus aucun doute possible.


-Mamie ?! Souffla-t-elle
-Eh bien voilà une surprise !... Ta mère doit être aux anges de te voir finalement avoir embrassé le destin Picéaerd !
-Mamie ?... Tu… Tu me vois ?!
-Oh petite Iduna… Je n’ai jamais été cinquième esprit mais n’oublie pas que c’est moi qui ai appris à ta mère tout ce qu’elle sait !


Helga tendit ses mains qu’Iduna accepta de prendre. Le cinquième esprit descendit toujours plus, prête à quitter le zéphyr et fouler le sol du Niflheim. A nouveau Iduna se sentit avoir cinq ou six ans. Les souvenirs de sa plus tendre enfance, heureuse d’aller voir sa grand-mère. Enfin, elle redécouvrait ce visage qui venait de surgir du fond de sa mémoire.


-Comme tu as grandi ma petite chamane ! Sourit Helga
-Je ne suis pas chamane ! Répliqua Iduna en se raidissant.
-Je me doute… Je suis probablement partie trop tôt pour t’initier… Avec moi tu apprenais, tu te souviens et même… Avoue le, après tout c’est le Niflheim ici… Tu aimais que je te nomme ainsi… N’est-ce pas ma petite chamane ?
-Attention ma chère… ta grand-mère est comme moi pour ce qui est du mensonge !
-Emma ?!


Iduna regardait son aïeule. Sans qu’elle ne s’en rende compte, Emma avait quitté la protection du vent et se trouvait là, aux côtés d’Helga, en plein cœur du Niflheim. L’ange de l’air voulait hurler, mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge.


-Eh bien ma chère… Tu as l’air étonnée de me voir… Pourtant nous faisons ce voyage ensemble !
-Mais ?... Comment ?... Tu m’as dit que nous devions partir et…
-Oui… Mais puisque tu ne semblais pas décidée… Je t’ai laissée seule avec tes pensées, je me sentais de trop ! Et tu as besoin de toutes tes capacités pour nous sortir de là ! Reprit l’aïeule.
-Pardon ?... Emma, es-tu en train de dire que c’est Iduna qui vous a conduit ici ?! Demanda Helga étonnée.
-C’est ce que je viens de dire… Ta petite fille est douée n’est-il pas Helga ?! Confirma Emma.
-Attendez ! Mamie ! Tu connais Emma ?!
-Oh ma chère… Je suis la première de cette famille ! Tu penses bien que j’ai pu accueillir chaque membre Picéaerd et… Oh oui je comprends, cela t’étonne car nous sommes dans le Niflheim !... Eh bien, tu n’es pas le seule cinquième esprit capable de traverser les mondes ! Oh ne fais pas cette tête là ! Je ne voulais pas te le dire tu semblais tellement heureuse d’avoir découvert ton pouvoir… Et puis ta grand-mère fut l’une des femmes les plus érudites de la famille… Tu as dû hériter ta soif d’apprendre d’elle !
-Quoi ?
-Oui… Emma est déjà venue me voir Iduna !
-Et ?! … Pourquoi as-tu laissé mamie ici ?! Viens ! Nous allons retourner avec toi dans l’Hellheim !
-Iduna… Non… Ca ne marche pas comme ça ! … Ta mère ne t’a donc rien appris ?! Fit Helga avec un sourire triste.
-Qu’est-ce que tu dis ?
-Mon destin est d’être ici… C’est mon sort, je le mérite c’est ainsi…
-Quoi ?! Non ! …
-Oh Iduna… Tu as le regard de ta mère quand tu t’énerves ! Embrasse ma Anna pour moi ! Mais tu dois me laisser ici…
-Pourquoi ?!
-Crois moi je le mérite, d’ailleurs toi, tu devrais m’en vouloir ! Après tout, j’ai bien failli détruire le royaume qui a vu naître tes filles !
-Je… Eh bien peu importe justement ! Mon amour pour Agnarr ! Mes enfants… Ils ont réparé tes fautes ! Alors mamie viens ! Je vais te libérer !
-Tu ne peux pas agir ainsi ma chère ! … C’est impossible ! Bien sûr la prophétie du cinquième esprit pourrait faire penser que c’est possible mais non crois-moi, c’est impossible ! Tempéra Emma.
-C’est quoi la prophétie ?... Mamie ?... Qu’est-ce qu’il y a ?


Iduna fut soudain étonnée, sa grand-mère avait changé d’expression alors qu’elle venait de lui poser une question. D’abord heureuse de voir le visage oublié de sa petite fille. Helga fut soudain prise d’une grande angoisse alors qu’Iduna venait de la questionner.


-Rien ! … Il n’y a rien du tout ma petite chamane ! … Je suis heureuse d’avoir pu te revoir une dernière fois ! Sois heureuse dans l’Hellheim et… Attends-moi une seconde !


Immédiatement Helga disparut dans le blizzard alors qu’Iduna sentait le froid toujours plus mordant la traverser de part en part.


-Emma ! Tu as quelque chose à me dire non ?!
-Que veux-tu savoir ?
-Pourquoi mamie a pris peur si soudainement ? Quelle est cette prophétie dont tu as parlé
-Excuse-moi ma chère… Je n’aurai pas dû… S’excusa la matriarche.
-Pourquoi ? Quel est ce secret ? Explique-moi !
-Pour résumer grossièrement, tu le sais déjà, le cinquième esprit peut gagner en pouvoir… Tu le démontres en réussissant à traverser les mondes, comme je peux moi-même le faire… Seul un cinquième esprit surpuissant le peut…
-Oui tu me l’as dit… Et si c’est moi, un jour je finirai par te remplacer et tu pourras enfin te reposer ?
-Oui… Il y a cet aspect ma chère… Mais aussi, il se dit que le cinquième esprit pourrait acquérir une sagesse et avec un pouvoir plus grand encore capable qui sait même, de racheter les âmes…
-Eh bien ?!... C’est formidable ! C’est exactement ce qu’il faut pour mamie ! Ainsi nous pourrons la sauver ! Emma quand nous rentrerons, toi et moi nous pourrons chercher le moyen… Penses-tu qu’il soit possible d’acquérir un tel pouvoir ? … Maman saura sans doute nous aider !
-Oh je ne le pense pas… Un chamane ne pourrait accepter un tel pouvoir… Après tout cela pourrait être interprété comme un moyen de contrecarrer la nature… Méfie-toi, c’est ce que souhaitais Andréas après tout ! Avertit Emma.
-Quoi ?... De quoi parlez-vous ? Non ! Iduna ne me dis pas que tu cherches à savoir à propos de…
-Mamie ? Mais… Balbutia Iduna en sursautant.
-Oublie ça Iduna ! Ne cherche pas cette maudite prophétie ! Jamais !
-Mamie c’est pour…
-Promets le moi Iduna ! Promets moi que tu ne feras rien !
-Je… Je te le promets mamie…
-Me voilà rassurée ! Adieu ma petite fille !. Nos chemins se séparent ici mais… Puis-je te demander une faveur ?... Prends ceci, va le donner à ta mère !... Qu’elle sache que sa vieille mère pense à elle !
-Je le ferai mamie c’est entendu.
-Maintenant pars vite ! … Et laisse moi à ma solitude sans t’en préoccuper


Iduna tendit les mains et se saisit du paquet soigneusement emballé par Helga. Elle dévisagea ensuite sa grand-mère et sentit les larmes monter. Les deux femmes n’avaient pas besoin de parler et, finalement elles se tombèrent toutes les deux dans les bras. Il fallut quelques secondes à Iduna pour le remarquer… Le vent l’avait quitté. Elle était debout, au milieu du Niflheim à étreindre sa grand-mère, alors que son ami de gaz demeurait invisible. Le temps semblait s’être arrêté et Helga se chargea de ramener Iduna à la réalité alors qu’elle desserra l’étreinte de sa petite fille, puis, sans un regard, qui aurait été trop dur à supporter, elle prit congé et rapidement disparu dans le blizzard éternel.


-Iduna ?... Il faut que nous partions désormais. C’est dangereux de rester trop longtemps dans un monde qui n’est pas le notre…
-Je… Oui pardon… Mais Emma… Pourquoi a-t-elle parlé de solitude ?
-Sans doute parce que sa famille est avec nous !
- Il n’y a personne ici qu’elle ne connaisse et apprécie la compagnie ?
-Si… Il y a le vrai amour de ta grand-mère ici…
-Pardon ?... Le ?... C’est ridicule, grand père est dans l’Hellheim !
-Certes c’est vrai… Mais aurais-tu déjà oublié qui est l’âme sœur de ton grand père ? C’est à ton double et non à toi que ta mère a tout raconté certes, mais tu dois le savoir malgré tout ! Eh bien, il en va de même pour ta grand-mère ! Son âme sœur est ici !
-Tu sais qui c’est ?
-Oui…
-Alors explique-moi !
-Pour faire court… Ta grand-mère n’a pas épousé ton grand père par amour ! Mais ça ne l’a pas empêché de l’aimer et le respecter ! Mais son cœur battait en réalité pour… Yuma !
-Yu…Quoi ?! Le père d’Amarok ?! S’étrangla Iduna
-Lui aussi est ici… ça tu dois t’en douter…
-Au moins elle n’est pas seule comme dans les limbes ! Mais pourquoi la souffrance
-Le Niflheim tourmente les âmes… C’est leur fardeau d’affronter cette damnation. Ils souffrent dans leur chair et le Niflheim… S’il permet que les âmes sœur soient ensemble… Elles ne peuvent se retrouver en famille… Oh ils peuvent se voir ponctuellement, mais pas vivre ensemble ! … Au final, c’est une solitude éternelle qui les attend alors que le froid les dévorent de l’intérieur… Annonça Emma d’une voix grave.


Les paroles d’Emma firent écho dans l’esprit d’Iduna à celles chuchotés par sa grand-mère dans leur dernière étreinte : « Offre le à ma Anna… J’aurai le sentiment d’être toujours avec elle ». Soudain, les propos prenaient une toute autre signification. Ce cadeau que l’ancienne souveraine serrait contre elle était pour sa grand-mère comme un dernier espoir. Iduna avait une mission ! Le ramener le plus rapidement possible. Elle souhaitait retourner chez les vivants voir son mari et son fils mais ceci était bien plus urgent !


-Nous devons rentrer chez nous au plus vite Emma !
-Sage décision en effet !
-Je m’en occupe ! Courant d’Air ! Courant d’air reviens !!!


La voix de la reine se perdit dans la tempête du Niflheim. Elle attendit de longues secondes puis sentit la peur la gagner alors qu’une seule conclusion lui venait à l’esprit : son ami ne reviendrait pas.


-Pourquoi est-ce qu’il ne m’écoute pas ?!
-Je pense surtout…Qu’il ne t’entend pas ma chère ! Regarde ! On vient de cet endroit !


Emma lui fit lever les yeux et Iduna, déjà frigorifiée se glaça un peu plus. Face à elle, une immense falaise de roche s’était dressée

-Mais… Qu’est-ce que c’est ?
-ça ? Ce sont les portes fermées du Niflheim… Ce sont elles qui doivent bloquer le vent…
-Tu veux dire que nous sommes coincées ici ? Paniqua Iduna.
-Eh là ! Stop !! Calme-toi ma chère ! Nous allons trouver…
-Comment ?... Cette situation t’est-elle déjà arrivée ? Et pourquoi nous avoir enfermé ?
-Euh… Non, c’est vrai… je n’ai pas connu ça… Je pense que si ça nous arrive, c’est parce que tu as quitté la protection du vent…
-Quoi ?!... Mais toi aussi ! Pourquoi serais-je la responsable ?
-Parce que c’est toi que le vent écoute, pas moi… Je n’ai pas besoin d’un esprit pour venir survoler le Niflheim ! Mais qu’importe. Inutile de nous disputer, ou de reprocher la faute, cela ne nous aidera pas. Ça pourrait même être pire si nous ressentons de la culpabilité, ce lieu s’en nourrit !
-Mamie ! Il faut retrouver mamie ! Elle saura quoi faire ! … Elle a bien sauvé maman quand elle s’était perdue dans Ahtohallan ! Alors si Mamie Helga a su la ramener, elle saura le faire pour nous aussi !
-Eh la ! C’est une belle idée, mais ça ne fonctionnera pas ! Ta grand-mère a certes réalisé cet exploit… Parce que ta mère n’était pas encore morte, mais seulement prisonnière des glaces d’Ahtohallan ! Une âme encore vivante n’a pas vocation à rester dans les mondes des morts !


Iduna n’avait pas écouté les dernières paroles, son esprit était focalisé vers sa mère… Elle saurait quoi faire ! Elle trouvait toujours la solution aux plus dures épreuves et un mur de pierres, fusse-t-il immense ne lui aurait jamais fait peur ! Cette pensée tournait en boucle dans son esprit et la frappa immédiatement.


-Ecarte-toi ma chère, je vais nous sortir de là ne t’en fais pas ! Tu as beaucoup de pouvoirs et j’en suis impressionnée mais inutile de te tourmenter, nous ne sommes pas en danger… Enfin pas encore ! Laisse moi donc te montrer co…
-Je sais quoi faire !
-Quoi ?


Emma fut surprise d’être tirée en arrière par sa descendante et l’observa sans un mot s’agenouiller au pied du mur immense. La main légèrement tremblante, elle l’approcha et la posa sur la paraoi froide et rugueuse.


-Vous m’entendez ?... Je sais que vous êtes là ! … Je suis la fille d’Anna Picéaerd ! Vous savez, son ange de l’air !... Venez s’il vous plaît ! Maman le souhaiterait ! Vous le savez je le sais ! Je le sens !


L’amie du vent avait murmuré ces paroles tout en carressant la paroi de pierre. Si elle avait été capable de pleurer, elle l’aurait fait alors que pour seule réponse, quelques graviers se firent entendre, probablement poussés par le blizzard qui faisait rage.


-Venez je vous en prie… Je… Que je puisse apporter à maman ce présent !


Iduna venait de présenter le curieux paquet alors qu’Emma arrivait à sa hauteur. La doyenne souhaitait la relever mais la terre du Niflheim se mit à trembler ce qui la surprit. De son côté sa descendante se mit à sourire et même à rire ! Ils arrivaient !


-Ils sont là Emma !
-Quoi ?
-Les Géants de la Terre ! Ils viennent nous récupérer ! Regarde !


Emma tourna les yeux et remarqua en même temps que sa descendante que la falaise avait pris vie. Le visage rocailleux des géants de la terre leur faisaient face. Iduna réprima un rire nerveux et s’agenouilla, bientôt imitée par Emma avant de formuler à nouveau sa demande à l’esprit de la terre. Le silence s’abattit puis la main du colosse creusa le sol et souleva les deux femmes pour les approcher du visage de roche. L’esprit observa Iduna puis, une fissure sur la pierre se dessina. L’esprit reconnaissait bien la fille d’Anna qui s’empressa de prendre la main d’Emma. Avec une infinie douceur, le géant les approcha toutes les deux de la pierre. Iduna et Emma s’attendaient à sentir la surface dure et rugueuse contre elles mais il n’en fut rien. Au moment de la toucher, elles eurent l’impression de s’enfoncer, comme si elles entraient dans de la mousse. Elles fermèrent les yeux quelques instants puis comprirent.


-Iduna… Tu… Tu as pris possession du géant ma chère ! Lança Emma sincèrement impressionnée.
-Je… J’en ai bien l’impression…
-Tu m’étonnes à chaque seconde ! Tu maîtrises donc deux des quatre esprits ! Alors !! Montre moi !! Peux-tu nous faire rentrer ?!


Emma avait questionné sa descendante avec beaucoup d’excitation, comme une fillette qui se serait réveillée le matin de noël face à une montagne de présents. Le cinquième esprit également partageait ce sentiment et laissa son esprit se connecter à la terre. Le géant comprit immédiatement son désir et les dernières roches des portes du Niflheim se mirent à disparaître avant que l’esprit ne plonge vers l’inconnu. Instinctivement, les deux hôtes du géant fermèrent les yeux et, à leur réveil, purent constater qu’elles se trouvaient au sommet d’une colline, surplombant le magnifique château d’Arendelle. Elles étaient de retour dans l’Hellheim.
Toutes deux s’empressèrent de redescendre et traverser la ville. Iduna avait hâte de retrouver sa mère même si les paroles de sa grand-mère trottaient toujours dans son esprit. Elle ne pouvait oublier la peur dans les yeux d’Helga lorsqu’il a été mention d’une prophétie et le trouble qu’elle avait ressenti lorsqu’elle avait appris qu’elle devait rester seule. Iduna balaya son paradis du regard. Curieusement, aucune vie n’était présente, à part les membres de sa famille. Elle aussi eût le sentiment d’être finalement très seule mais ses pensées disparurent bien vite alors qu’elles pénétraient dans le château. Aussitôt, la vision qu’elle eût lui fit retrouver sa joie. Face à elle, ses deux filles s’observaient. Toutes deux avaient les yeux rouges. Sans doute avaient-elles beaucoup pleuré. De tristesse et culpabilité probablement, mais le sourire sur leur visage témoignait un autre sentiment. La joie de s’être retrouvées, de s’être pardonnées alors que la cadette et l’ainée se tombaient dans les bras, sous le regard attendri des autres membres de la famille, principalement de mamie Anna qui semblait particulièrement satisfaite.


-Mes filles vous… Oh quelle joie de vous voir à nouveau ensemble ! Fit la mère en serrant Anna et Elsa dans ses bras.
-Je suis heureuse de voir que vous avez su vous pardonner mes enfants… Alors, permettez ma curiosité, laquelle de vous a su faire le premier pas ? Questionna Emma qui souhaitait féliciter ses deux descendantes.
-Euh… Je pense aucune en particulier… C’est surtout mamie ! Elle…Oui Mamie Anna a des arguments frappants ! S’amusa Elsa.
-Quoi ?!... Maman ? Mais qu’as-tu fait ?! S’inquiéta Iduna.
-Non maman, elle n’a rien fait !... Elle nous a juste offert un lien que nous ne pouvons jamais refuser ! Répondit Anna qui se lêchait les doigts.


Iduna observa ses enfants et soudain comprit la remarque de sa cadette alors que, comme prises en faute, les deux sœurs, telles de jeunes enfants se mirent à cacher leurs mains pleines de chocolat dans le dos se retenant de ne pas éclater de rire.



-Non… Maman ne me dis pas que tu…
-Oh mais si mon ange de l’air ! Quoi ? Tu espérais une leçon de sagesse peut être ?! Non la réponse était bien plus simple ! Le chocolat rapproche toujours les gens ! Une petite astuce que j’ai apprise grace à votre grand père d’ailleurs !
-Ah bon ? Papy Elysia t’avait fait le coup du chocolat ? Questionna Anna.
-Quoi ? Non ! Enfin… Si mais… Il y avait du chocolat mais c’était pour une autre forme de discussion et… Non ça je ne peux pas vous le raconter, il y a des enfants ici ! Plus sérieusement, je parlais de votre autre grand père… Runaerd ! Un homme charmant ! Bref ! Du chocolat, il en reste bien assez pour tout le monde ! Alors et si nous en profitions pour nous le partager ?! C’est tout de même plus agréable que cette horrible solitude qui nous a été imposée ?! Conclut mamie.


Tous se rangèrent à l’avis de la matriarche et s’installèrent volontiers autour d’une grande table préparée pour l’occasion par l’Hellheim. Le plus délicieux des chocolats coulait à flots de fontaines luxuriantes et chaque membre de la famille se délectait. Elsa avait retrouvé son sourire, ce qui ravit toute sa famille. Elle s’amusait à geler les fontaines pour les transformer en glace géantes, puis, avec une infinie douceur, prit volontiers la petite Helga qu’Anna lui confiait pour aider l’enfant à se délecter de ce festin sucré.
La cadette, au bras de son jeune époux observait la reine des neiges. Elle ne l’avait encore jamais vue aussi à l’aise en compagnie d’un enfant alors qu’Helga était aux anges de profiter de ce moment unique en compagnie de sa tante qui lui offrait tant de joie, tant par sa neige que par ses caresses et douceurs sucrées.


-Elsa… Encore une fois… Je te dois toutes mes excuses pour mes paroles ! Et à te voir ainsi avec Helga… C’est évident…Toi aussi tu es une… maman à n’en pas douter même si tu n’as pas d’enfant… ici je veux dire !
-Pas d’enfant ? Répondit froidement Elsa alors que le silence venait de s’installer.


Anna sentit son corps se raidir alors qu’elle était foudroyée par le regard dur d’Elsa. Mais comment pouvait-elle être aussi sotte ?


-Olaf ?... Je pense que c’est à toi… Souffla Mamie qui se retenait de rire.
-Fausse maman Anna ?!... Des fois t’es vraiment bête ! Elsa elle est super ! Bredouilla le bambin avant de lancer un chocolat en pleine figure d’Anna qui encaissa sans rechigner.
-Tu me plais tonton tu le sais ?... A moi maintenant ! Continua Elsa d’une voix glaciale alors qu’Anna baissait les yeux.
-Allez Elsa… Tu as assez fait tourner en bourrique ta sœur… Montre lui ! Suggéra Mamie hilare.
-Oui… Bonne idée ! Regarde comme tu te trompes Anna !


D’un geste, Elsa créa une boule de neige qui parcouru la pièce. La famille observait sans comprendre où voulait en venir la reine des neiges qui avait un immense sourire alors qu’elle poursuivit son office. Rapidement, les formes s’assemblèrent et Anna finit par le reconnaître rapidement. Elsa venait d’apporter la touche finale à sa création qui tout à coup prenait vie.


-Olaf ? Hoqueta Anna.
-Oui… Olaf ! Il est mon fils Anna ! Mamie m’a aidé à comprendre qu’il était ici lui aussi !
-Mais… Comment ?... Je croyais qu’il… Qu’il veillait sur
-Sur mes fils ?... Oui c’est le cas, mais cet Olaf est rattaché à la magie de Kaspian et non la mienne… Notre bonhomme de neige lui a disparu à cause de Pabby… Et le voici parmi nous !


Elsa se leva et s’approcha du bonhomme de neige qui commençait à se mouvoir alors qu’elle avait toujours Helga dans les bras. Son très jeune oncle la suivit de près et les enfants sautèrent au cou de la créature de glace.

-Bonjour à tous ! Je m’appelle Olaf et j’aime les gros calins !!!
-Je t’aime Olaf !!! Hurla Helga en le serrant fort !
-Je suis ravie de te voir Olaf ! Fit Elsa en s’approchant du bonhomme de neige en compagnie de son oncle et son arrière grand père intrigué.
-Et je suis vivant ! Je suis vivant !... Mais dans le monde des morts ! Oh alors c’est ça les morts vivants ?! Alors nous sommes tous des zombis !
-Oui… C’est presque ça Olaf ! S’amusa Elsa.
-Et qui sont-ils ? C’est tes nouveaux amis Elsa ?
-Moi c’est Olaf ! Olaf ! Rit l’enfant.
-Oh tu t’appelles comme moi ? Tu es un zombi bonhomme de neige toi aussi ?... Et comment s’appelle le vieux monsieur qui ressemble à un renne ?
-Je suis Olaf ! Petit bonhomme de neige !
-Et oui Olaf ! Je te présente mon grand-père Olaf ! Grand père Olaf, lui c’est mon petit neveu Olaf ! Fit Olaf.


Le grand père le neveu et le bonhomme de neige éclatèrent de rire à se présenter sans cesse sous le regard à moitié amusé et gêné du reste de la famille.


-Tu as conscience que tu viens de créer l’enfer dans l’Hellheim à avoir réuni ces trois là ! S’amusa Mamie.
-Peu importe ! Il est mon fils ! Et je veux mes enfants auprès de moi !... Tous mes enfants !


La reine des neiges joignit le geste à la parole. D’un jet de glace, elle ouvrit la grande porte. Tous tournèrent la tête pour voir et, au bout de quelques instants, Papy Olaf arrêta son jeu et s’empressa de se lever pour prendre la main de la femme qui venait de paraître, avec cinq enfants derrière elle.


-Bien… Pour ceux qui ne la connaîtrait pas… Voici Iduna… La mère d’Elysia et…
-Oh Olaf, ne sois pas timide, ils sont morts tu ne vas pas les tuer avec la nouvelle ! Olaf et moi… Nous sommes amants et âmes sœurs ici ! Coupa cette Iduna qui venait de paraître.
-J’ai beau le savoir depuis le début de ma mort… L’entendre à nouveau me coupe toujours l’appétit ! Remarqua Elysia qui recrachait son chocolat.


Elsa de son côté n’avait rien dit. Elle s’était levée, tenant la petite Helga toujours dans ses bras pour s’approcher des bambins qui déjà commençaient à jouer avec son jeune oncle Olaf. Soudain, les enfants s’arrêtèrent et un grand sourire illuminèrent leur visage. Elsa s’était agenouillée légèrement inquiète. Elle avait posé Helga et immédiatement, les enfants lui sautèrent au cou.


-Maman ! Hurlèrent-ils Sous les yeux médusés d’Anna.
-Ah oui… Et eux, ce sont les enfants d’Elsa…Et Kristoff ! Enfin pas vous deux… Les autres ! S’amusa la mère d’Elysia.
-J’ai… J’ai des…enfants ?! Hoqueta Kristoff qui bien qu’au courant peinait à le croire tant qu’il ne le voyait pas.


Le montagnard s’était levé tel un automate et s’approcha d’Elsa. Immédiatement, les enfants libérèrent la reine des neiges pour sauter dans les bras de leur père retrouvé. Kristoff et Elsa échangèrent alors un regard qui les troublèrent. Pendant une fraction de seconde, ils eurent tous deux le sentiment d’avoir ressenti tout l’amour qui avait pu les lier dans une autre vie, au point de l’avoir partagée avec ces chérubins.
Le repas se termina rapidement et les membres de la famille s’éloignèrent, laissant Kristoff et Elsa en compagnie des enfants, découvrir leur rôle de parent d’une autre vie. Anna était restée en retrait, à surveiller Helga qui gambadait en compagnie d’Olaf non loin d’eux. La jeune femme s’était assise et observait. Voir ainsi Kristoff avec la fibre paternelle la remplissait de joie même si, au fond d’elle, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie à chaque fois que le montagnard échangeait un regard avec son ainée, alors que l’un comme l’autre ne voyait pas le temps passer, riant de bon cœur. Curieusement, cette proximité donnait le sentiment à Anna d’être étrangement seule.


-C’est encore un joli tour qu’a réussi à réaliser mamie pas vraie ? Questionna Iduna qui fit sortir Anna de sa léthargie.
-Oui… A n’en pas douter… Souffla Anna.
-Oh ma petite Picéaerd, aurais-je mal agi ? Demanda alors Mamie qui arrivait et sentait le trouble de sa petite fille.
-Non… Non pas du tout mamie… Mentit Anna.
-Ah je sais ce que tu ressens ! Mais Anna, tu ne dois pas t’en faire, pour l’heure ils découvrent tous les deux… Regarde comme toi tu n’as plus eu d’yeux que pour Helga quand tu l’as vu… Pourtant, vous n’avez pas vécu la même vie elle et toi… Laisse leur ce temps ! L’amour que porte des parents est pur et puissant… Il n’est pas à jalouser ! Remarqua Mamie philosophe.
-Plus facile à dire qu’à faire… Grinça Anna alors que Kristoff et Elsa riaient à nouveau ensemble.
-Allons, change-toi vite les idées !... Laisse-les un peu seuls ! Allez viens avec nous ! Iduna ?! Et si nous les laissions ?! Encouragea mamie.
-Excellente idée ! D’ailleurs maman… J’ai un présent pour toi ! Anna, ça te dirait de voir la surprise pour ta grand-mère ?... Je ne sais pas non plus de quoi il s’agit !
-Euh… Oui volontiers !


Anna se laissa guider non sans un dernier regard vers le charmant couple que formait Kristoff et Elsa avant d’être entrainée par la mère et sa grand-mère d’un pas rapide vers une autre pièce du château. Arrivées dans la bibliothèque, Iduna referma soigneusement la porte derrière elle alors que les deux Anna prenaient place sur le confortable sofa.


-Que de mystères…
-Voilà maman… Pendant que tu t’es occupée de réconcillier Anna et Elsa… Je suis partie. Commença Iduna d’une voix tremblante.
-Oui ?... Et alors ? Tu es libre d’aller où tu veux… Tu n’as pas à attendre ma permission Iduna… Tu n’es plus une petite fille !
-Ca n’est pas ça maman… Je suis partie… Pour le Niflheim !!
-Oh ?... Je pense que tu aurais pu choisir un meilleur lieu pour faire du tourisme mon ange de l’air…
-Maman s’il te plaît !... La bas j’ai retrouvé mamie !
-Co… Comment va-t-elle ? Souffla Mamie.
-Elle… Eh bien je ne pense pas qu’on puisse dire qu’elle aille bien… C’est le Niflheim ! Il fait froid, c’est vide et… Elle… Elle a voulu me laisser… Quelque chose pour toi. Finit par articuler Iduna en tendant le présent.
-Qu’est-ce que c’est ?
-Je ne sais pas… Je ne l’ai pas vu. Elle m’a dit qu’avec… Elle aurait le sentiment… D’être toujours avec toi.

Lentement, mamie se leva et prit le présent que lui tendait sa fille. Avec précaution, elle tira délicatement sur le nœud du paquet pour en découvrir son contenant. Elle jeta alors un regard dans la boite et eut un sursaut !


-Non !!... Maman !!!!
-Quoi ?! … Qu’est-ce que c’est ?! Demanda soudain Anna curieuse de savoir ce qui surprenait tant sa grand-mère.


Mamie resta interdite quelques instants. De nombreux sentiments pouvaient se lire sur son visage, colère, joie et surprise principalement et aucune de ces émotions ne semblaient prendre le dessus alors que la matriarche était incapable de bouger ou prononcer le moindre mot. N’y tenant plus, sa petite fille se leva et sortit l’objet mystérieux pour le poser sur la table elle aussi foudroyée par la surprise.


-Qu’est…Qu’est-ce que c’est ?
-Une… Une coupole ! Parvînt à articuler Iduna elle aussi stupéfaite.
-Alors celle-là maman… Même morte tu continues à me surprendre !
-Mais… Mamie je ne comprends pas… Pourquoi t’offrir une coupole ?... C’est bien à cause de ça que tu as eu…du mal avec ta mère ?
-Oui ma petite Picéaerd ! … Mais ça n’est pas n’importe quelle coupole… Regarde les noms…
-Anna… Helga ? Attends quoi ?!Pourquoi mon nom et celui de ma fille… Et comment peut elle…
-Non, le miens et celui de ma mère ! Corrigea mamie.
-L’amour d’une mère… Maman ! Elle m’a parlé de l’amour que porte une mère à ses enfants !
-Oh je n’en doute pas mon ange de l’air ! Et cela ressemble bien à ta grand-mère ! Quelle autre possibilité pour tout réparer. Iduna, Anna… Ceci est je pense, la dernière leçon que veut me donner ma mère ! Si le chamanisme vous interesse… Restez !
-Quoi ? Mais qu’est-ce que cela signifie ? Demanda la petite fille.
-Ca semble simple pourtant… Elle veut que je l’allume ! Sacrée Helga !
-Et tu… Tu…
-Oui Anna… Je vais le faire ! Sourit Mamie.


La chamane ne se démonta pas et se chargea du rituel qu’elle ne connaissait que trop bien. Même si l’âme de sa mère se trouvait sur un autre plan du monde des morts, il ne lui fallut pas longtemps pour que les flammes apparaissent mais celles-ci étaient différentes. Leur couleur n’était pas la même que dans les coupoles habituelles.


-Pourquoi est-ce que…
-Ces flammes ne représentent pas l’amour entre deux âmes… Mais le lien entre une mère et sa fille… Dans ma vie, j’ai pu éteindre la coupole qu’elle m’avait allumée pour mon mariage avec Amarok… C’était jusqu’alors impossible mais là… Nous avons en face de nous la coupole impossible à éteindre… Le lien entre les parents et les enfants !... Celui-ci, nul ne peut le briser ! Ne t’en fais pas maman… J’y veillerai ! Tu seras avec moi désormais…


Mamie avait prononcé ces dernières paroles, plus pour elle-même que pour Iduna ou Anna. Comme si elle portait des reliques, la chamane prit mille précautions pour prendre le présent d’Helga et la posa avec respect sur la cheminée avant de s’agenouiller et réciter quelques prières Northuldra alors qu’une larme perlait le long de sa joue. Iduna pressa la main de sa fille qui comprit… Il était temps de laisser Mamie seule… Même si elle le savait, désormais ni elle ni Helga ne le seraient plus jamais.

Chapitre 5 : Les chipies



Les nuits des jours suivants furent étonnement calmes dans la chambre de Mamie Anna. Là où habituellement des cris de plaisirs résonnaient toute la nuit avaient laissé place à une profonde méditation de la part de la chamane. Elysia n’était pas en reste et participait lui aussi aux possessions. Son épouse cherchait à entretenir ce lien si fort avec sa mère perdue dans le Niflheim et cela ne laissait pas le membre des Terres Gelées indifférent. Après tout Helga l’avait élevé, lui avait appris le peu de choses qu’il savait sur le chamanisme et surtout, c’était sous le toit des Picéaerd qu’il avait vécu quelques-unes des années les plus heureuses de sa vie.


-Je devrais probablement remercier cette chère Helga… Je peux désormais me reposer la nuit…
-Quoi ?!
-Je plaisante !... Mais je suis content que cette flamme brûle à côté de la nôtre… Après tout, elle a été une mère pour moi aussi durant ces quelques années… J’avais trouvé en vous tous une vraie famille ! Fit Elysia en étreignant son épouse et tentant de l’embrasser.
-Oh… Elysia ! Entre frère et sœur serait-ce bien…
-Tais-toi Anna tu n’en penses pas un mot !


Le Northuldra avait coupé la parole à sa belle et l’étouffait sous ses caresses et baisers alors qu’ils basculaient l’un et l’autre au sol. Simplement éclairés par les flammes sacrées qui allaient une nouvelle fois être témoin de leur amour véritable alors que les mains d’Elysia s’aventuraient désormais dans la chevelure de braise de la chamane puis sur ses seins. La scène devînt rapidement plus animale alors qu’à l’extérieur, Anna et Elsa, de nouveau complices passaient dans les couloirs.


-Oh… Eh bien, à croire que mamie a retrouvé ses habitudes ! S’amusa Anna alors que des bruits sans équivoque se faisaient entendre.
-Oh non ! Ma chambre est juste au-dessus, je ne vais jamais pouvoir dormir ! Pesta Elsa.
-Attends quoi ? Tu dors ici Elsa ? Oh éloignons nous veux-tu… C’est à peine si j’arrive à m’entendre penser avec leur raffut !
-Parce que tu penses toi petite sœur ?!
-Elsa !...
-Oui ?... Tu cherches quelque chose à me dire ?! S’amusa l’ainée.
-… Non… Après tout c’était bien envoyé ! Se contenta de répondre Anna qui craignait trop d’avoir à nouveau une parole malheureuse envers Elsa.


La reine des neiges, pas peu fière en profita et se permit même l’insolence de lancer à la figure de sa cadette une boule de neige. Cette provocation fit renaître des souvenirs enfouis dans l’esprit de la plus jeune. Voilà qu’Anna et Elsa avaient de nouveau huit et cinq ans.


-Elsa ?...
-Oui Anna ?!...
-Un tour de magie ! Allez comme quand nous étions petites !


La reine des neiges ne pouvait rien refuser au regard menthe à l’eau de sa cadette et de bonne grâce s’exécuta faisant pleuvoir ses cristaux de glace sous le regard toujours aussi émerveillée d’Anna qui s’empressa de sauter dans le tas de neige qui s’était créé !


-Allez encore ! Des montagnes !! Des toboggans !! Allez Elsa !
-Les enfants sont couchés Anna ! Tempéra Elsa qui se retenait de rire !
-Quand ai-je dit que c’était pour eux ?!
-Et après tu oses dire que je n’ai pas d’enfant… Mais je t’ai toi ! C’est bien plus contraignant !
-Tu vas me le ressortir encore longtemps je suppose ? Demanda Anna d’une voix coupable.
-Oh je n’en sais rien… Je m’en lasserai peut-être… Dans deux ou trois millénaires !
-Tu vas voir Elsa !


Anna n’eut pas le temps de sauter au cou de son ainée que celle-ci avait créé une immense patinoire faisant déraper la jeune femme qui se retrouva rapidement les fesses par terre. Aussitôt, Elsa se mit à rire et à courir au hasard des couloirs pour échapper à la furie rousse. Anna s’armait de toute la neige qu’elle pouvait. Elsa répliquait. Elle créait des monticules, des toboggans alors que leurs rires auraient sans doute réveillé tout le royaume si elles s’étaient trouvées dans le monde des vivants. Plus rien n’arrêtait les chipies d’Arendelle qui sautaient de pics de neige en pics de neige. Anna augmentait la cadence alors qu’elles pénétraient dans la grande salle du trône.


-Allez Elsa le bouquet final… Emmène moi jusqu’au trône de la reine !! Hurla Anna
-Euh… Doucement ! Anna… Tu vas trop vite ! Fit Elsa qui ne tenait plus la cadence et manquât de peu de perdre l’équilibre
-Youhouu !!
-Anna !!


Par reflexe, Elsa qui avait pris du retard s’empressa de lancer un sort et soudain, le temps fut comme ralenti pour la reine des neiges. Sous ses yeux, elle revivait l’événement le plus traumatisant de son enfance. Le temps parût reprendre son cours et le cauchemar se confirma. Le jet de glace de la reine des neiges frappa de plein fouet la tête de sa cadette. Anna fut soudain coupée dans son élan et s’écrasa lourdement au sol.


-Non Anna !!


Elsa se releva rapidement et s’empressa d’aller au chevet de sa sœur inanimée qui gisait au sol. Ses mains tremblaient, plus de quinze années après, voilà que tout recommençait. Sa magie venait encore une fois de causer le malheur et la victime encore une fois était Anna.


-Anna !! Anna s’il te plaît lève-toi !


Elsa suppliait et prenait Anna dans ses bras tout en scrutant chaque centimètre du corps de sa jeune sœur, craignant de voir la glace l’envahir mais curieusement, aucune mèche ne se décolora et pas la moindre trace de givre sur la jeune femme. Elle n’était même pas froide.


-Aïe… Oh quelle chute… Grinça Anna qui recouvrait ses esprits.
-Anna !!! Tu… Tu vas bien ?! Souffla Elsa
-Euh… Oui… Oui je vais bien… Enfin je ne dirai pas la même chose pour mes pauvres fesses. Grogna la rousse en se massant de postérieur.
-Si tu étais encore une enfant… Il irait encore moins bien après que je ne m’en sois occupée ! Lança alors une voix.


Anna et Elsa manquèrent une respiration et se sentirent toutes deux devenir écarlates alors qu’elles venaient de tourner la tête vers l’entrée de la grande salle. Sur le pas de la porte gelée, les bras croisés et le regard sévère, Iduna les dévisageait. Le silence se fit, ses deux filles restaient agenouillées dans la neige, immobiles alors qu’une grimace se dessinait sur leurs visages. Lentement, avec une incroyable dignité, Iduna s’avança au milieu des monticules de neige sans quitter de son regard sévère ses deux ainées qui ne ressemblaient plus à cet instant à des adultes. Sans un mot, comme elle l’aurait fait pour des garnements turbulents, Iduna saisit chacune de ses filles pour les faire se relever et, les trainant toutes deux par l’oreille les entraîna sur le trône sur lesquelles elle les envoya s’asseoir sans ménagement.


-Mais ce n’est pas possible toutes les deux… Vous n’apprendrez donc jamais ! A croire que votre père avait eu raison finalement de vous forcer à vivre séparées ! Sans doute faudrait-il recommencer ! Lança Iduna dune voix sévère alors que ni Anna, ni Elsa n’osaient soutenir le regard maternel.
-Non… Maman tu… Enfin nous sommes adultes et…
-Adultes ? Vraiment Elsa ?! Ah oui en effet ! Quelles belles adultes vous faîtes toutes les deux ! De vraies figures parentales ! Non mais, heureusement les enfants dorment tous ! Quel bel exemple tu leur donnes Elsa… A hurler en pleine nuit dans toute la maison, la couvrir de neige et encore une fois manqué de tuer ta sœur !
-Mais maman je n’ai rien et… Tiens pourquoi est-ce que je n’ai rien eu cette fois ? Se questionna Anna.
-Peut être parce qu’ici… Nous sommes déjà tous morts ! Mais est-ce une raison Anna ?! Elsa est fautive, mais c’est tout autant de ton fait !
-Oui… maman. Souffla Anna en baissant les yeux.
-Je n’en reviens pas ! A votre âge, devoir vous faire la leçon de cette manière ! Faut-il vous punir comme des enfants ? Cela pourrait bien les amuser à leur réveil d’ailleurs ! Poursuivit Iduna qui ne souhaitait par leur laisser la moindre chance.
-Maman… Tu as dû rester trop longtemps avec mémé Emma… Tu te prends pour la mère fouettarde…Risqua Anna pour détendre l’atmosphère.


Pour toute réponse, Iduna adressa à sa seconde fille un regard furieux ce qui ne donna plus l’envie à la jeune rousse d’ajouter quelque propos.


-Les gaffes sont ton fort Anna mais tu devrais apprendre vraiment à te taire parfois pour ne pas aggraver ton cas ! Mamie ne te l’a-t-elle pas dit ?! Tiens d’ailleurs… Et si on allait la voir pour lui raconter vos exploits nocturnes…
-Bah non ça n’est pas une bonne idée… Mamie est en train de réaliser ses propres exploits nocturnes. Glissa Anna.


La plus jeune des sœurs n’avait pas pu se retenir malgré sa culpabilité de répondre une nouvelle fois à sa mère qui ne sût quoi répondre sur le moment alors qu’Elsa ne put retenir un rire étouffé. Iduna également fit un gros effort pour ne pas sourire. Anna avait de l’esprit, elle ne pouvait le nier mais Iduna souhaitait rattraper le temps perdu. Ses filles étaient adultes désormais. Elles avaient ici la charge d’enfant et Iduna savait qu’elle n’avait pas eu le temps de terminer l’éducation de ses filles ni leur apprendre les responsabilités et la sagesse que confère la maternité. Qu’importe si elle devait se montrer dure cette nuit, il fallait que ses filles apprennent à devenir plus raisonnables.


-Très spirituel… mais peu importe, puisque la situation semble t’amuser tant que cela Anna, nous verrons ce que tu en diras quand ta grand-mère l’apprendra ! Vous devriez avoir honte toutes les deux de vous comporter ainsi comme des enfants !
-Bah elle ne serait pas étonnée… Après tout, tu n’étais pas la dernière pour les bêtises maman ! Répliqua la plus jeune qui se décidait à ne pas se laisser sermonner sans réagir.
-En tant qu’enfant peut être !... Mais jamais adulte ! Si adulte nous ne respectons pas les règles, si nous ne nous imposons pas un comportement, comment espérez vous l’apprendre à vos enfants ! Lorsque vous aviez 5 et 8 ans c’est une chose, et la bêtise était déjà grosse mais là… Vous êtes toutes les deux des reines, et des mères ! Comment avez-vous pu…
-Comme toi maman… Tu as bien transgressé les règles de mémé Emma pour aller dans le monde des vivants.
-Quoi ?! … Mais… Comment sais-tu ça. Lança Iduna troublée en dévisageant Elsa.
-Mamie ! Lancèrent en chœur les deux sœurs
-Quoi ?!
-Mamie nous a dit que tu étais allée dans le monde des vivants… et même une autre fois dans le Niflheim… Avoua Elsa.
-Elle… Elle vous a dit ça ?
-Oui… Et elle a aussi ajouté qu’elle te reconnaissait bien là… A transiger les règles ! Rajouta Anna.


Les deux sœurs ne purent se retenir davantage. Bien entendu elles avaient mérité la remontrance maternelle et se sentaient coupables de montrer de l’insolence envers leur mère mais la situation était trop cocasse pour conserver leur sérieux. Iduna le sentait elle aussi et luttait pour ne pas rire à son tour alors qu’il devenait de moins en moins possible pour elle de conserver sa position.


-Non mais toutes les deux ! Je ne vous ai pas éduqué l’insolence ! Ne changez pas de sujet ! C’est vous que j’ai surpris à vous comporter comme des enfants mal élevés !


La voix se voulait sévère, mais la conviction n’y était plus. Même l’attitude d’Iduna semblait fausse désormais. Elle tentait de se redresser, de tenir un regard sévère. Son irrépressible envie de rire la démasquait. Anna et Elsa le sentaient bien. Toutes deux échangèrent un regard. Par la pensée, elles se demandaient quelle attitude adopter puis un sourire apparu sur leur visage.


-Tu ne nous l’as pas appris maman… Tu nous l’as seulement transmis ! C’est inné chez nous !... Toi aussi tu l’étais pas vrai. Pouffa Anna
-Anna là tu dépasses… Et… Oh ça suffit toutes les deux ! Puisque vous continuez à agir comme des enfants mal élevées… Il est tard ! Au lit toutes les deux !
-Oh non maman ! Tout mais pas ça !
-Elsa ?... Je n’aurai pas cru que ça serait toi la plus insolente des deux !... J’ai dit au lit ! Plaida Iduna qui peinait de plus en plus à conserver son sérieux.
-Ca n’est pas ça maman… Ma chambre est juste au-dessus de celle de mamie…


Iduna resta interdite une fraction de seconde avant de comprendre. C’en était trop pour l’ange de l’air qui éclata de rire avant de lancer une boule de neige en direction des deux sœurs. Anna et Elsa restèrent hébétées et ne manquèrent pas de riposter. A nouveau elles étaient redevenues des enfants, mais Iduna l’était aussi. Elle luttait vaillamment face aux assauts gelés des deux sœurs alliées contre elle. Les dons d’Elsa leur conféraient un avantage non négligeable et Iduna se trouva rapidement acculée. Réfugiée derrière les trônes recouverts de neige, l’esprit espiègle de l’ange de l’air trouva la solution. Un grand sourire se dessina sur son visage alors qu’elle prit place face à ses deux filles. La blonde et la rousse se regardèrent étonnées. Iduna aurait-elle rendue les armes. Cet instant d’hésitation avant de lancer la dernière attaque leur fut fatale. Alors qu’elles se lançaient à l’assaut de leur mère, la reine des neiges et sa jeune sœur se sentirent immédiatement retenue par une force invisible avant de comprendre. Courant d’air venait de pénétrer dans la pièce et bloquait l’avancée des assaillantes, incapable de faire un pas de plus alors qu’Iduna, amusée les narguaient à quelques centimètres. Elsa ne s’avoua pas vaincu et tentait par ses pouvoirs de lutter contre le zéphyr mais l’esprit du vent demeurait le plus fort.


-Eh ! Arrête ! Je suis le cinquième esprit courant d’air !! Hurla Elsa…
-Que tu crois ma fille… Rit Iduna


L’ancienne reine n’ajouta pas un mot et poursuivit d’un petit geste de la main en guise d’au revoir. Le vent comprit l’ordre de son amie et s’empressa d’envoyer en l’air les deux sœurs sans leur laisser la moindre chance de résister. Anna et Elsa tentaient de lutter mais totalement vainement. Le vent les culbutait dans tous les sens ne leur offrant aucune liberté de mouvement. Iduna s’en amusa puis fit un pas vers l’air. Aussitôt, avec grâce et légèreté elle s’envola pour se retrouver à la hauteur de ses filles malmenées par l’esprit du vent. Elle leur fit un clin d’œil et tendit ses mains contenant deux boules de neige. Aussitôt ses filles prirent peur et essayaient de s’éloigner sans succès ce qui arracha un rire à leur mère. Elles finirent par s’avouer vaincues et cessèrent de lutter résignées. Iduna leur lança alors gentiment les boules de neiges avant que toutes ne redescendent au sol Elsa et Anna pestaient, alors qu’Iduna fit un petit signe de remerciement à son ami de gaz.


-J’ai gagné ! Quelle partie ! J’ai retrouvé mes 12 ans !
-Maman tu n’avais pas le droit de faire ça c’est de la triche ! Bougonna Anna.
-Ton père m’a dit la même chose ! … C’est comme ça que j’ai commencé à sympathiser avec lui… Nous n’étions que des enfants qui ne pensaient qu’à jouer à chat et…
-Désobéir à leurs parents en s’éloignant ? Termina Anna malicieuse.
-Exactement ma fille…
-Tu vois que c’est de ma famille finalement !
-Très bien… Je capitule ! Si je ne peux pas ce soir vous apprendre à être des adultes responsables… Venez ! Je vais vous montrer ce que c’est…de désobéir comme une enfant !
-Attends quoi ? Lança surprise Anna.
-Et oui… Tu pensais être une spécialiste Anna… Laisse donc ta mère t’apprendre deux ou trois choses ! Allez venez… J’ai ma petite idée !
-Tu nous emmènes où ? questionna Elsa.
-Tu verras ! … Ça va vous plaire !


Intrigués de voir leur mère, qu’elles avaient toujours connu comme un exemple de dignité, de calme et bienséance inciter à transiger les règles ne les firent pas hésiter longtemps et les deux sœurs s’empressèrent d’emboîter le pas de l’ange de l’air. Iduna se déplaçait tel un chat, si ses filles pouvaient avoir encore un seul doute qu’elle fut élevée chez les Northuldra, il était désormais balayé. La fillette intrépide avait repris le dessus sur la souveraine au port altier. Les deux reines d’Arendelle découvraient leur mère sous un nouveau jour, à veiller à ne pas se faire remarquer alors qu’elles les guidaient vers une tapisserie qu’elle souleva discrètement.


-Maman !... Tu… Tu connais ce…
-Passage secret où tu avais l’habitude de cacher ton butin de chocolat dérobé en cuisine ?... Oh oui Anna ! Et est-ce que je savais que tu te chargeais de piller les réserves de cette pauvre Olina également ! S’amusa Iduna.
-Mais… Je pensais que personne ne m’avait jamais remarqué ! Bougonna Anna déçue.
-Ah tu étais assez discrète… Mais pas assez pour ta mère !
-Pourquoi tu n’as rien dit ?
-Il fallait bien que tu t’amuses un peu dans ce grand château vide… Et puis, je n’hésitais pas à prendre ma part dans ton butin !... La moitié à vrai dire !
-Attends quoi ?
-Et oui… Tu ne t’en étais jamais aperçu n’est-ce pas ?... Les mathématiques n’ont jamais été ton fort… C’est bien pour ça que ton père avait des réticences à l’idée de te confier des responsabilités quand tu as commencé à grandir… Il avait trop peur que tu ne vides les caisses du royaume !
-Peur justifiée ! Réagit Elsa taquine alors qu’Anna lui jetait un regard sévère.
-C’était mon chocolat !... Que j’avais honnêtement subtilisé ! Se renfrogna Anna.
-Ne fais pas cette tête là… ça n’est même pas moi qui en profitait !
-Alors qui ?
-Oh !... Maman, c’est donc pour ça que tu m’apportais tous ces chocolats chaque jeudi ? Comprit soudain Elsa.
-C’était tout de même plus juste non ?... Après tout, ce sont des bêtises que vous auriez dû faire ensemble. S’amusa Iduna.
-Oh… Mais on les a faîtes maman… Sinon comment Anna aurait su où était la réserve et comment récupérer la clef. Lança alors l’ainée en rougissant.
-Pour la santé mentale d’Olina finalement, heureusement que vous avez été séparées… Maintenant plus un bruit ! Il ne faut pas qu’on nous entende !


Même pour désobéir, Iduna avait une autorité naturelle sur ses filles qui suivirent toutes ses instructions alors qu’elles pénétraient dans la cuisine déserte. L’ange de l’air indiqua quelques ingrédients dont elle avait besoin pour une préparation rapide puis elle invita ses filles à s’allonger…


-Mais qu’est-ce que tu nous fais faire maman ?
-Comme tu le sais Anna, ton double a suivi les leçons de chamanisme de ta grand-mère… A ce que j’ai compris elle était douée, donc ça ne devrait pas te poser de problème… Elsa en revanche, nous n’avons jamais essayé pour toi ni pour ton double mais… Tu es cinquième esprit, ça doit quand même compter un peu et Anna pourra peut-être le faire pour vous deux !
-Quoi ?... Mais de quoi tu parles maman ? Que veux-tu que nous fassions ?!
-…ça vous dirait d’aller voir vos nouvelles vies… De leur dire que les enfants sont heureux ici ?!


Iduna avait parlé avec une voix malicieuse. Fière d’elle alors qu’Elsa et Anna se dévisageaient à la fois craintives et excitées comme des puces.


-Quoi ? Mais Emma nous a bien dit qu’il ne fallait pas entrer en contact avec les vivants !
-Non Anna… Elle a dit que nous ne devions pas utiliser Ahtohallan du fait de sa dangerosité… Pour le reste, avouez que ses instructions sont plutôt vagues.
-Je suis certaine qu’elle voulait parler de n’importe quel moyen. Ajouta Elsa.
-Eh bien dans ce cas… Elle aurait dû être plus explicite ! Alors… Prêtes mes chipies ?! … A moins que vous ayez peur peut être… Oui vous êtes trop craintives pour enfreindre des règles n’est-ce pas ?


Iduna avait prononcé les mots magiques. Elsa restait de glace comme elle pouvait s’en douter mais ça n’était pas le cas d’Anna. Le caractère impulsif, aventurier et curieux de la jeune rousse ne pouvait rester insensible à cette proposition maternelle.


-Allez Elsa ! Couché ! Tu vas voir si on a peur maman !


Anna s’était déjà allongée, prête à recevoir les instructions et entraînait son ainée à ses côtés. Elsa s’allongea de force alors qu’Anna ne lui lâchait pas la main. La petite rousse cherchait probablement à se rassurer par crainte de l’aventure qu’elle s’apprêtait à vivre peut-être, à moins que cela soit celle de voir Elsa prendre ses jambes à son cou.
Iduna leur sourit alors et chercha à les apaiser avant de commencer leur expérience clandestine.


-Bien, nous allons tenter de rentrer en contact avec vos vous… Cela risque d’être compliqué de vous avoir toutes les deux, alors nous allons nous concentrer juste sur l’une de vous deux… Ca sera toi Elsa ! Nous allons entrer dans ta tête… Enfin dans la tête de ton toi vivant !
-Pourquoi moi ? S’inquiéta la reine des neiges.
-Oui, pourquoi elle ?! Rajouta Anna.
-Parce que te connaissant Anna… Dans cette autre vie, tu dois déjà être en train de sauter absolument partout à élaborer des plans sur absolument tout pour que vos vies se passent le mieux possible, or il faut de la concentration et rester sur un seul élément… ça sera sans doute plus simple avec Elsa… Si vous êtes redevenues adolescentes, probablement qu’elle sera surtout intriguée par son pouvoir et la volonté de le contrôler.
-Oui… ça me ressemble assez. Admit Elsa.
-C’est probablement ça… Répondit Anna de mauvaise grâce.
-Bien nous sommes d’accord ! Elsa sera concentrée sur une seule pensée, ça sera plus simple… Si l’expérience réussit, Anna nous la tenteront une prochaine fois avec toi… Mais vous irez toutes les deux rendre visite à cette jeune Elsa !
-Et comment va-t-on faire ? Tu connais une route pour se rendre dans le monde des vivants ?
-Eh bien pour résumer… c’est une sorte de voyage astral que vous allez faire…
-Voyage astral ?... Mais comment pourrons-nous faire ?... Je croyais que tu n’avais jamais suivi cette leçon !
-…Et les dizaines de livres dans la bibliothèques secrètes tu penses que j’y ai seulement inscrit des recettes de ragout de renne ? J’ai pu apprendre par moi-même…
-Mais tu as déjà pratiqué ? S’inquiéta Elsa.
-Non !... Et c’est là une bonne occasion de commencer ! Mais je vous l’ai dit, cela sera différent ! … Nous allons passer par une autre voie pour leur laisser un message !... Par leur subconscient !
-Je croyais que c’était impossible… Tu sais faire ça ?
-Bien sûr !
-Comment cela se fais-ce ?
-Mamie ! Sourit Iduna avant d’ajouter : Vous ne pensiez tout de même pas toutes les deux qu’il n’y a qu’à vous qu’elle donne des petits secrets.
-Mamie sait faire ça ?! Demandèrent en chœur les deux filles.
-Elle nous a bien avoué qu’elle avait transmis un message de bienvenue lors de leur réveil vous vous en souvenez
-Mais je pensais qu’elle l’avait fait par Ahtohallan…
-Non, elle l’a transmis depuis Ahtohallan mais pas par la rivière… Bon, vous voulez qu’on tente l’expérience où que l’on discute toute la nuit ?!


Elsa et Anna gardèrent leurs questions pour elles et tachèrent de se concentrer sur les instructions d’Iduna. L’ange de l’air semblait hésiter par moments, Anna l’avait remarqué mais tachait pour une fois de garder ses pensées pour elles, même si elle ne pouvait s’enlever de la tête la possibilité que cette expérience ne soit un échec. Elle serra un peu plus fort la main de son ainée qui elle respirait un air pourtant inutile vu leur état un peu plus vite. L’idée de se voir vivante, même si ça n’était pas elle semblait l’angoisser quelque peu.


-ça y est ! Ça fonctionne ! Vite levez-vous toutes les deux !
-Ah bon ?... Nous ne devions pas rester couchée ?
-Euh… Bah en fait non, ça n’était pas nécessaire
-Maman ?... Tu es bien certaine de ce que tu fais ? Interrogea Anna qui ne pouvait plus se retenir.
-Mais oui… ça va marcher ! Allez donnez-moi la main, là… Placez vous et ne pensez qu’à Elsa !


Soudain, un bruit se fit entendre. Toutes trois sentirent comme une ombre parcourir la pièce. Les trois femmes se tournèrent, persuadées d’avoir été découvertes. Elles observaient la pièce mais non, personne, leur imagination devait leur jouer des tours.


-Prêtes pour la grande bêtise de la soirée ? Insista Iduna qui reçut pour réponse un signe de tête entendue de ses filles.


Les deux sœurs s’exécutèrent et eurent le sentiment de flotter quelques instants dans les airs avant de retomber en douceur. Elles observaient leur environnement. Elles étaient toujours dans la cuisine du château mais le décor paraissait légèrement trouble.


-Où sommes-nous maman ?
-Nous avons pu nous connecter au subconscient d’Elsa ! Quelle chance, elle devait être en train de dormir… cela a été plus simple que je ne pensais !
-Et… C’est normal que le décor soit aussi flou… Et parfois disparaisse ? Questionna Elsa inquiète alors qu’elle remarquait pendant de brefs instants que les murs donnaient l’impression de disparaître.
-Mais oui… C’est le monde des rêves… tout n’est pas toujours très net sans doute ! Insista Iduna, plus pour se persuader elle-même que pour convaincre ses enfants.


A demi convaincu, toutes trois observaient les lieux alors qu’une lumière les aveugla. La seconde d’après, Elsa, bien plus jeune, avec une allure bien plus craintive que la reine des neiges fit son apparition. Pas de doute pour les Picéaerds, Iduna avait réussi ! Elles avaient en face d’elles, la Elsa du monde des vivants. Pendant quelques instants elles la dévisagèrent.


-Oh… Etais-je à ce point prude et réservée à 18 ans ?
-Oui tu l’étais… Tu peux ainsi mesurer tout le chemin que tu as parcouru Elsa ! Allez toutes les deux ! Vite ! Parlez-lui elle a l’air perdue ! Insista Iduna.


Elsa et Anna s’avancèrent prudemment alors que le décor paraissait toujours aussi flou et même, un bourdonnement venait d’apparaître, rompant ainsi le silence.


-Elsa ! Bienvenue dans l’Hellheim ! Lança Anna guillerette.
-Quoi je suis morte ? S’inquiéta la vivante.
-Non rassure-toi tu ne l’es pas ! Tu dors ! Nous sommes en quelque sorte des fantômes pour toi… Pour que tu fasses un merveilleux rêve ! Gloussa la rousse.


Anna s’interrompit lorsqu’elle vit sa sœur vivante faire la moue et répondre avec une expression inquiète. Sans doute Elsa avait-elle parlé distinctement mais pourtant, sa voix était inaudible et seul le mot « cauchemar » se fit entendre.


-Tu crois qu’elle nous entend ? S’enquit Elsa en se tournant vers sa mère qui restait dans l’ombre.
-Euh… Oui… Oui sans doute !... Maman m’a bien dit que les vivants nous entendaient ! Fit Iduna soudain moins sure d’elle.
-Et ce grondement c’est normal ?
-Oui… Probablement ! … Allez mais parlez-lui !! Elsa, ton toi vivant doit probablement vouloir des nouvelles de ses enfants ! Fit Iduna pour changer de sujet.



Dociles, ses filles obéirent et se tournèrent vers la vivante inquiète. Immédiatement Anna et Elsa cherchèrent à la rassurer et lui dire à quel point le monde de l’Hellheim était paisible, où chacune des âmes de la famille qui s’y trouvait pouvait être en paix. Pourtant, à chaque fois que les sœurs tentaient de donner de bonnes nouvelles, sur la vie éternelle dans l’Hellheim ou en parlant des enfants, Elsa vivante parût prendre de plus en plus peur, comme si les mots transmis se pervertissaient dans le grondement de plus en plus assourdissant.


-Maman… Elle… Elle ne nous entend pas ! Nous la terrifions ! S’inquiéta l’ainée.
-Je… Je le vois bien…Je ne comprends pas ! J’ai pourtant appliqué les instructions de mamie…
-Restons-en là ! Elle nous craint, nous allons lui faire du mal !
-Non Elsa ! Nous devons la rassurer !... Je sais ! Si elle ne nous entend pas tu n’as qu’à projeter ses enfants par ton pouvoir ! Après tout elle voit ! Cela va marcher ! Lança Iduna de moins en moins sereine.


Anna posa alors sa main sur son ainée alors que la vivante semblait chercher à quitter cet endroit qui la terrifiait. La cadette n’eût pas besoin de dire quoi que ce soit que l’ainée la comprit.


-Eh Attends ! … Tu m’entends mal je sais… Si ça se trouve tu vas comprendre exactement l’inverse mais regarde ! Ça tu vas comprendre ! Fit Elsa à son homologue.


La reine des neiges se concentra et commença à créer des souvenirs de glace. En quelques secondes, les enfants de son double vivants se créaient et commencèrent à jouer entre eux puis ils sautèrent dans les bras d’une projection gelée d’Elsa et Kristoff. La scène était adorable et la reine des neiges en était convaincue. Sa elle vivante saurait comprendre et verrait qu’elle s’occupait des enfants comme elle l’avait promis. Mais curieusement, la vivante eût un regard encore plus terrifié et même rempli de colère !


-Monstre ! Tu as gelé mes enfants ! Qu’as-tu fait à mes petits ! Que leur as-tu fait ?! Hurla la vivante pour une fois d’une voix parfaitement intelligible.
-Mais non ! Je ne les ai pas gelés, c’est pour te montrer à quel point ils sont heureux avec nous !
-Quoi ?! Pourquoi les tortures-tu ?! Que fais-tu ?! Arrête ! Laisse mes petits !


Elsa ne sut quoi répondre et observa Anna et sa mère totalement désemparée.


-Maman ?! Qu’avons-nous fait !
-Nous… Nous… Oh mes aïeux ! Pardonnez-moi c’est… Vite ! Partons avant que cela ne s’empire !! Nous lui faisons vivre le plus affreux des cauchemars !


Paniquée, L’ange de l’air s’empressa de prendre les mains de ses filles et les entraîna vers l’ombre. Tout de suite, elles sentirent à nouveau le léger envol mais cette fois, elles retombèrent lourdement au sol. Après un bref regard dans la pièce, la Elsa vivante avait bel et bien disparue ainsi que ce curieux bourdonnement. Elles étaient de retour dans l’Hellheim. Péniblement, mère et filles se relevaient avec une immense culpabilité dans leur cœur mort.



-Ah les filles Picéaerd ! Mais qu’ai-je bien pu faire au ciel pour avoir de telles descendantes, expertes dans l’art de transgresser les règles.


Ajouté à la contrariété, Iduna, Elsa et Anna se mordillaient toutes les trois la lèvre avant de tourner la tête. Sur le pas de la porte de la cuisine, elles virent l’origine de la voix… Emma Picéaerd se tenait devant elles, bras croisés… Iduna sentit la sueur couler le long de son dos alors qu’elle observait son aïeule. Emma avait le regard froid, elle était entièrement vêtue de noire et encapuchonnée, elle dégageait une curieuse aura qu’Iduna ne connaissait que trop bien. Soudain elle avait le sentiment d’avoir à nouveau dix ans lorsqu’elle eût la désagréable visite de la mère fouettarde. Elle était de nouveau là, face à elle, bras croisés. Emma n’était ni heureuse, ni furieuse, simplement froide et implacable, la terrible mère fouettarde, destinée à châtier les garnements et les chipies, ce qu’étaient à coup sûr Iduna et ses filles cette nuit. Iduna déglutit alors. Elle qui voulait se faire passer pour la mère qui recadre ses filles redevenues enfant, l’ange de l’air se demandait si elle n’allait pas être celle qui recevrait le sermon qu’elle comptait donner à ses filles alors qu’Emma soupira à nouveau alors que ses descendantes baissaient les yeux.

Chapitre 6 : Le rachat.


Le temps semblait s’être arrêté pour Iduna et ses filles qui faisaient face à la doyenne de la famille. Toutes les quatre restaient là à s’observer en chien de faïence. Emma était d’un calme à toute épreuve, aucune émotion se pouvait se percevoir sur son visage à moitié caché par une ample capuche noire alors que ses trois descendantes n’en menaient pas large. Finalement, Iduna prit une grande respiration et avança d’un pas, les bras écartés, comme pour protéger ses filles. Elle leur avait peut-être montré un mauvais exemple avec cette stupide expérience, mais protéger quoi qu’il en coute ses enfants, voilà à ses yeux la plus belle leçon de parentalité qu’elle pouvait leur offrir. L’ancienne souveraine avait retrouvé sa posture royale et dignement s’apprêtait à prendre la parole.


-Non mais vous n’allez pas bien ?! Qu’est-ce que c’est que tout ce remue-ménage ici ?! Et ?... Mais qu’est-ce que vous faîtes toutes dans la cuisine ?! Je vous préviens, si vous avez touché à mon ragout dans la marmite je…
-Mamie ?! Coupèrent les trois Picéaerd estomaquées.


La matriarche, furieuse ne termina pas sa phrase et s’empressa d’aller vérifier la marmite qui se trouvait toujours au-dessus d’un feu très léger. D’un geste agacé elle souleva le couvercle et se délecta de l’odeur du ragout malgré l’heure tardive. Avec toute l’expertise de la cuisinière, elle tourna délicatement la viande de cervidé et s’autorisa à goûter sa composition ce qui la calma quelque peu.


-Ah ! Sans trop me vanter, ça sera un de mes meilleurs depuis des années !... Heureusement pour vous personne n’y a touché !... Mais qu’est-ce que vous faîtes là par les esprits… et sales en plus !


La grand mère d’un geste désigna les vêtements trempés par la neige désormais fondue que portaient sa fille et ses petites filles, vestiges de leurs jeux puérils dans le château alors que les coupables se tournaient les mains et se mordillaient la lèvre. Emma de son côté, pour la première fois, semblait s’autoriser un sourire. Pourtant rapidement, leur regard de surprise prit le pas sur la culpabilité.


-Mamie…tu… Souffla Anna d’une petite voix
-Quoi ?!... D’habitude tu es plus bavarde que ça !
-Mamie ta tenue…c’est… Ajouta Elsa
-Ma… Oh oui ceci… Je l’ai trouvé dans une des armoires des chambres ?!... C’est à toi ?


Les petites filles détaillèrent leur grand-mère. Mamie portait un fin peignoir bleu aussi pur, froid et translucide que la glace d’Ahtohallan. De minuscules motifs représentant flocons et symboles d’esprits parcouraient le vêtement qui épousait parfaitement les formes de la chamane. La ceinture de soie qui fermait élégamment le vêtement elle aussi était orné des mêmes décors et tombait de manière fluide sur le corps d’Anna Picéaerd, comme un mince filet d’eau liquide glisserait le long d’une paroi gelée alors que le corps et les formes enivrantes de la chamane se laissaient deviner au travers du vêtement. Mamie Anna était une belle femme à n’en pas douter. Ainsi vêtue elle devenait sublime.


-Je… Hum… Oui c’est… à moi… Balbutia Elsa qui rougissait à la vue de sa grand-mère dont le corps d’Eve se laissait deviner en transparence sous le doux vêtement.
-Une de tes créations je suppose ?... Très joli !... Et plus confortable que les tuniques Northuldra à n’en pas douter
-Moi j’adore ! Je pourrais te regarder comme ça pendant des heures ! Fit Elysia qui arrivait, simplement vêtu d’une robe de chambre qui ressemblait étrangement à celle de Kristoff.
-Seulement me regarder ?! Taquina Mamie
-Oh non…Bien plus que cela je pourrais aussi…
-Attends, garde ça pour plus tard ! D’abord, je veux que ces trois-là répondent à ma question ! Coupa Mamie qui se surprit elle même à arrêter les avances de son amant.
-Mais… Je ne comprends pas… Nous n’avons pas fait de bruit… Se risqua Iduna
-Parce que ça t’amuse en plus ?... Alors écoute moi bien… Vous avez toutes les trois tellement hurlés que c’était un cauchemar de je ne sais quoi que… Vous avez réussi à nous interrompre ton père et moi, alors Iduna, si tu penses que j’ai pu me fâcher contre toi quand tu étais enfant… Sache une chose… Si tu ne me donnes pas une sacrée bonne raison… Pour la première fois de ta vie tu risques de me voir en colère !
-Elles communiquaient avec le double vivant d’Elsa au travers de ses rêves ! Coupa soudain Emma.
-Attends quoi ?!
-J’ai… J’ai voulu faire comme toi maman ! Je voulais emmener les filles voir leur nouvelle vie ! Et ça a lamentablement raté ! Voilà ce qu’il s’est passé ! Répondit Iduna d’une voix teintée de culpabilité et de colère.
-Tu as voulu ?... Mais pourquoi hurler, il n’en n’est en aucun cas question, au contraire cela ne peut que davantage perturber le rêve !
-Oui eh bien nous l’avons suffisamment perturbé ainsi… Alors vas-y Emma ! Tiens tu dois être encore plus contente, ma mère est là pour assister au spectacle ! En plus tu as remis toute la tenue ! Donc qu’est-ce que tu attends ?! On a désobéi à tes règles oui ! Est-ce qu’on le savait ? Oui ! Allez ! Fais donc la mère fouettarde ! Donne-nous ta punition qu’on en finisse ! Vociféra Iduna.
-Hein ?... Quoi ?! Attendez, nous sommes au milieu de la nuit… On m’a réveil…. Hum… dérangé !... Et je ne comprends rien à cette histoire de fous ! Alors est-ce qu’on va m’expliquer à la fin ?! Fulmina Mamie, contrariée de ne pas être là où elle devrait être à cette heure de la nuit.
-Il n’y a rien à expliquer maman ! J’ai voulu faire comme toi et ça a lamentablement échoué ! Alors Emma ! Ça vient ?! Insista Iduna.
-Quoi donc ma chère ?... Tu souhaites une punition ?
-Ne me fais pas croire que tu n’es pas là pour ça dans cette tenue !
-Attends Iduna ? Tu es en train de me dire que tu as raté le voyage ?! … Mais comment as-tu pu ?! Quand je vois la quantité de savoir que tu as accumulé pendant toutes ces années, c’est un acte chamanique on ne peut plus simple ! Bien plus en réalité qu’un véritable voyage astral ! Même ton père en serait capable ! … Sans vouloir te vexer…
-Mais il n’y a pas de mal. Commenta Elysia.
-Inutile d’en rajouter maman ! Si tu veux des détails, demande à Emma ! Tu n’as pas perdu une miette de ce qu’il s’est passé après tout…
-En effet j’ai tout vu Iduna… Mais pourquoi te punirai-je… ou vous punirai-je ? interrogea la matriarche.
-Ne nous torture pas davantage Emma !
-Je repose ma question… Pourquoi vous punirai-je ?... Puisque je l’ai déjà fait !
-Quoi ?! Lancèrent en chœur les Picéaerd.
-C’est de mon fait si l’autre Elsa comprenait l’inverse de ce que vous lui expliquiez… Vous m’avez une fois encore désobéi ! Puisque les seuls avertissements ne suffisent pas… Il fallait que vous le viviez pour comprendre que cela peut être dangereux de s’intéresser aux vivants !
-Tu as fait quoi ?! Tu m’as terrifié volontairement… Enfin elle ! Hurla Elsa hors d’elle.
-Eh doucement jeune esprit… N’oublie pas ce soir qui est celle qui sermonne et qui est celle qui n’obéit pas !


Emma avait certes une autorité naturelle et pouvait en imposer en tant que mère fouettarde. Mais c’était mal connaître les Picéaerd que de croire qu’ils pourraient être impressionnés par une cape noire dès qu’il s’agissait de tourmenter l’une des leurs. Rapidement, Emma perdit de son assurance. Jusqu’alors, ses descendants avaient pris au sérieux ses mises en garde, mais là, son attitude ne passait pas et cela pouvait se lire dans le regard de tous les membres de la famille.


-Emma…ce que tu leur as fait… ça n’est pas bien ! Jamais je n’aurai pensé que nous pouvions nous faire du mal au sein de cette famille. Trancha Mamie qui avait pris fait et cause pour ses descendantes.
-Oh non ! Pas toi ! Et tu n’y crois même pas ! Tu ne sais que trop comme ta mère a pu te faire souffrir avec les coupoles…
-Mais elle pensait bien faire… Et ne m’a pas sanctionné pour avoir vu Elysia !... Il y avait d’autres moyens !
-Oh mais calmez-vous mes enfants ! Vous n’appréciez pas la punition ?! Tant mieux ! Vous n’aurez plus envie d’y gouter ! Et désormais vous écouterez mes règles… Elles sont là pour votre bien faîtes-moi confiance !
-Moi je ne souhaite pas te faire confiance ! Pas après ce que tu m’as fait !... Enfin à l’autre moi ! Elle n’avait rien demandé ! Se renfrogna Elsa.
-Allons ! Allons ! Ne te mets pas dans de pareils états jeune esprit…
-Il n’y a pas qu’elle ! Rajouta Anna, décidée à soutenir son ainée.


Emma se stoppa. Elle ne connaissait que trop bien cette famille. Les Picéaerd se soutenaient toujours entre eux… Un sacré trait de famille ! La doyenne soupira, elle sentait qu’il était temps de faire amende honorable.


-Très bien… Il est inutile de nous fâcher pour si peu… Nous sommes dans l’Hellheim après tout ! Essayons de conserver notre sang froid…Enfin si l’on peut dire puisque… Vous le savez, nous n’avons plus à proprement parlé de sang… Tenta Emma.


Curieusement la doyenne était moins à l’aise. Tenter de se montrer chaleureuse et amicale semblait lui demander un effort, comme si le fait d’avoir été si longtemps la mère fouettarde lui avait fait oublier ces attitudes positives.


-Je sais ce qu’il vous faut… C’était une journée où les Picéaerds ont transgressé les règles… Eh bien laissez-moi en faire autant !... Iduna, puis-je t’emprunter Courant d’Air ?
-Pourquoi ?
-Pour qu’il nous mène à la galerie des souvenirs de notre Ahtohallan !
-Non, pourquoi me demander ? N’es-tu pas le cinquième esprit ?
-Si je le suis… Mais je pensais que ça serait important pour toi que je te demande ton accord. Fit Emma sur un ton d’excuse.


La doyenne était sincère, elle savait qu’elle s’était probablement fourvoyée dans son jugement. Il était temps de corriger son erreur. Iduna accepta de bonne grâce. Elle était furieuse, au même titre que ses filles mais appréciait néanmoins l’effort. Emma la remercia d’un signe de tête et se chargea de faire appel au zéphyr.
En moins de temps qu’il n’en fallut pour le penser, l’air les emmena tous jusqu’au glacier et avec une grande maîtrise, Emma prit soin de les faire atterrir dans le dôme des souvenirs en douceur.


-Bien, installez-vous je vous prie.
-Pour voir quoi ? Demanda Anna sceptique.
-Eh bien pour vous rassurer ! Nous allons observer la vie de vos doubles… Vous verrez, ce cauchemar pour Elsa… Il n’aura rien eu de fâcheux pour elle ! … Anna, je sais que tu maîtrises le dôme…Voudrais-tu pour nous ? Demanda Emma mielleuse.
-S’il le faut. Soupira Mamie…


Avec toute son expertise, mamie se chargea de manipuler le dôme et, au bout de quelques instants, Ahtohallan se transforma peu à peu pour prendre la forme de la grande salle de bal d’Arendelle. La famille mit quelques instants à s’acclimater avant de voir la jeune Anna d’Arendelle valser au bras du benjamin des Iles du Sud.


-Vous voyez ?! … Tout se passe pour le mieux ! Triompha Emma.
-Pour le mieux… Je danse avec Hans !!!
-Ma petite Picéaerd calme-toi… Tu le sais pourtant, dans cette autre vie tu es tombée amoureuse du prince Hans…. N’es-tu d’ailleurs pas heureuse d’avoir Helga à tes côtés ? Elle est le fruit de votre amour ! Tempéra Mamie.
-Oui… Oui je sais… Mais quand même, le voir ça… Bref ! De toute façon c’est surtout pour Elsa qu’il faut s’inquiéter !... Et je veux savoir pourquoi je ne suis pas avec Kristoff et… Qu’est-ce que je dis, moi ?! Non ! D’abord Elsa !


Mamie interrompit la scène alors que le prince commençait à se rapprocher de la jeune rousse. Pendant un temps la salle semblât flotter dans les airs avant que tout ne redevienne net. Rapidement, la famille balaya la salle du regard. Il n’y avait plus aucune trace d’Anna. En revanche ils purent rapidement retrouver l’ainée d’Arendelle, au bras du jeune prince.


-Voilà ! Tout va pour le mieux !
-Eh beh… Il ne perd pas le nord celui-là ! Remarqua Elysia.
-Heureusement que ma petite Helga ne voit pas ça ! Fit Anna énervée.
-Allons ma petite… C’est la vie de ton double, ne sois pas mauvaise langue ! … Quoi qu’il en soit, comme vous pouvez le constater, Elsa s’est très bien remise !
-Attendez ! Pourquoi suis-je soucieuse ?! Remarqua soudain Elsa.


Emma perdit de sa superbe alors qu’ils constatèrent que le couple avait stoppé sa danse. Elsa malgré son masque ne parvenait pas à cacher sa contrariété et semblait vouloir rester seule. Mamie accéléra rapidement les événements, espérant trouver la réponse quand tous se figèrent. Agacée, Contrariée, la Elsa du monde des vivants avait fini par dévoiler son secret alors qu’un énorme jet de glace avait traversé la salle d’Arendelle. Immédiatement, Mamie interrompit le souvenir alors que les regards se dirigeaient vers Emma.


-Oui… Alors je sais ce que vous devez sans doute tous penser… Mais… Balbutia Emma qui pour la première fois depuis l’arrivée de ses descendants avait perdu le contrôle de la situation.
-Moi ce que je pensais, c’est qu’une ancêtre serait là pour nous… pas pour notre malheur ! Lança la reine des neiges avant de tourner les talons.
-Oh… On peut dire qu’elle a l’art de jeter un froid ! Fit remarquer sa cadette.
-Allez ma petite Picéaerd ! Au lieu de faire de l’esprit… Suis-moi allons arranger ça !
-Quoi mamie mais… Que veux-tu qu’on fasse ?
-Iduna ! Toi aussi ! Lança la matriarche en s’éloignant avec sa petite fille toujours interrogative.
-Même question qu’Anna maman… Pourquoi ?
-Tu vas me montrer comment tu te débrouilles pour communiquer dans les rêves des vivants !... Toi, Anna, on a besoin de toi… et d’Helga ! Vous allez rattraper les dégâts en parlant à ta double vivante !... Elle saura tout réparer !
-Tu… Tu es certaine maman ?! S’inquiéta Iduna.
-Mais oui mon ange de l’air ! Je suis certaine que tu vas réussir sans problème… Et regarde, à n’en pas douter notre ancêtre va nous accorder sa bénédiction pour ce voyage ! N’est-ce pas Emma ? Lança mamie sévère vers la doyenne.
-Non… Attendez… Je veux surtout vous aider et…
-Et je pense chère ancêtre que tu en as assez fait ! Coupa Mamie.


Elysia et Kristoff s’empressèrent de rejoindre la matriarche et laissèrent la doyenne à sa solitude serrer les poings. Emma était furieuse contre elle-même. Elle hésita puis après un long soupir, préféra partir dans la direction opposée… Sa descendante chamane avait, -elle devait le reconnaître- raison. Si quelqu’un avait réellement besoin d’une mère fouettarde pour redresser les torts… c’était sans doute elle.


Dans les jours qui suivirent, Emma resta en retrait, elle sentait qu’elle n’était plus la bienvenue envers les membres de sa famille qui avait retrouvé le sourire. Sous la surveillance de mamie, Iduna avait parfaitement exécuté l’entrée dans le rêve d’Anna et la jeune rousse s’était fait un plaisir de rassurer son double vivant. Les Piceaerd étaient néanmoins restés assez prudents pour respecter les règles d’Emma et aucune n’osa aller vérifier si les doubles vivants des deux sœurs avaient pu régler leurs soucis. De loin, la doyenne observait la famille. La nuit tombait et après une extraordinaire journée à profiter de jeux avec les enfants et déguster les plus doux des chocolats que l’Hellheim ne leur avait encore permis de gouter. Iduna, sa mère et ses filles profitaient d’un moment privilégié juste entre elles.

-… Et les poches qui débordaient de chocolat au point que tu marchais en canard comme ceci… et tu pensais être discrète ! S’amusa Iduna en imitant le pas qu’avait Anna enfant.
-Maman ! Alors ça je suis certaine que c’est faux ! Je ne pouvais pas être si gauche ! Protesta Anna, alors qu’elle et sa sœur ramassaient les douceurs pour les cacher dans leurs poches.
-Oh je t’assure que si mon petit poucet !... Et oui tu en avais tellement que tu les semais derrière toi ! Qu’est-ce que nous pouvions en rire ton père et moi…
-Ah parce que papa aussi savait…
-Puis-je vous déranger mesdames ? Lança la voix d’Emma empêchant Iduna de répondre.
-Emma ?! Firent les deux sœurs d’une voix glaciale.
-Je suppose que vous avez pu régler le menu problème pour vos doubles…
-Pas grâce à toi ! Trancha Elsa
-Je sais bien jeune esprit… Nous commettons tous des erreurs. Et si vous le permettez, je souhaiterai me faire pardonner…
-Encore un de tes plans pour nous tourmenter ? Fit la reine des neiges colérique.
-Non pas du tout t… Je veux me racheter auprès de toi justement… Regagner votre confiance !
-Et comment comptes-tu t’y prendre ? Demanda Anna plus curieuse que furieuse.
-… Avec une bêtise ?!
-Alors là t’es très loin du compte ! Bougonna Elsa.
-Moi ça m’intéresse ! Coupa Iduna en s’approchant de son aïeule.


L’ange de l’air n’hésita pas à prendre la main de la doyenne. Finalement en cet instant elle se reconnaissait en Emma. Après tout, elle aussi avait souhaité se montrer sévère pour protéger ses filles. Finalement, toutes deux n’étaient pas si différentes, et partageaient le statut de cinquième esprit. Anna et Elsa de leur côté se radoucirent. Voir leur mère se joindre à Emma les firent réfléchir et, de mauvaise grâce, Elsa finit par céder.


-Fort bien… Que veux-tu Emma ? Concéda-t-elle.
-Réparer mon erreur vous ai-je dit… Venez je vous prie !



Mère, fille et petites filles suivirent la doyenne et lui prirent la main le temps qu’Emma formule son souhait à l’Hellheim. Le lieu les emporta alors qu’elles devinaient où elles étaient emmenées… Ahtohallan.


-Encore une mauvaise plaisanterie de la mère fouettarde ?!
-Elsa ! Si c’était pour faire du mauvais esprit il ne fallait pas nous accompagner ! Gronda Iduna.
-Ce n’est pas de chance… mauvais esprit pour un cinquième esprit et… Hum enfin… Oui j’aurai dû le garder pour moi. Intervient Anna confuse.
-Ma petite Picéaerd… Peut-être que ta mère suffira pour parler en ce lieu… Indiqua mamie en dévisageant ses deux petites filles qui comprirent le message.
-Alors Emma ? Pourquoi ce tour ici ?!
-Tu sais partir dans le monde des vivants grâce aux esprits ma chère, mais permets-moi de te montrer à toi et aux autres comment je m’y prends… Je te devais une visite de toute façon, le détour dans le Niflheim n’était pas de ton fait !
-Attends quoi ?!... Tu veux nous emmener chez les vivants alors que tu nous l’as interdit ?!
-Anna ! … Ta grand-mère ne t’a pas conseillé de garder ta bouche fermée pour une fois ? Coupa Iduna intriguée.
-La visite d’abord les explications après ça vous va ? Lança la doyenne.
-Volontiers !


Iduna prit la main de son aïeule alors que les autres membres de sa famille suivirent le mouvement. D’un geste expert, Emma se concentra puis fit apparaître une porte qui donna des sueurs froides à Elsa.


-Non !! Pas ça !


La reine des neiges venait de lâcher la main de sa mère. Cette porte… Celle-là même qu’elle avait dû franchir pour mettre un terme volontaire à sa vie et quitter pour toujours ses enfants. A nouveau on lui demandait de la franchir. Elle sentait ses mains trembler et quelques flocons virevolter autour d’elle tandis qu’elle jetait un regard noir à Emma.


-Allons Elsa, calme-toi … Cette fois nous la passons pour le monde des vivants. Allez ma grande Picéaerd… Ensemble ! Comme l’autre fois !


Mamie avait pris la main froide de la reine des neiges et planté ses yeux menthe à l’eau dans le regard inquiet de sa petite fille. Ses paroles étaient comme le plus doux des chocolats chauds pour Elsa qui y trouva un léger réconfort. Elle hésita puis dans un soupir accorda sa confiance à la chamane. Ensemble, la grand-mère et sa petite fille ainée s’engagèrent au travers de cette porte. A l’instar d’Anna et Iduna, elles se sentirent propulsées l’espace d’un instant dans le néant puis une lumière les aveugla. Elles mirent quelques instants à retrouver pleinement leur sens et surent qu’elles se trouvaient dans les couloirs du château d’Arendelle.


-Eh bien…Tout ça pour être à la maison…C’était bien la peine et… Quoi ?! Hoqueta Elsa.


Son sang se glaça, et machinalement sa cadette serra ses poings. A côté d’elles, sans même qu’il ne les remarque, Hans traversait d’un pas rapide le couloir.


-Attends… Est-ce… Est-ce que nous…
-Sommes dans le monde des vivants ? Oui Elsa ! Bienvenue chez toi ! Enfin chez vous !... Sauf toi chère Anna ! Répondit Emma avec un regard pour la chamane.
-Je croyais que tu comptais me faire voir mon mari. S’inquiéta Iduna.
-Patience ma chère ! Patience ! Et… C’est auprès de tes filles que je dois me racheter n’est-ce pas ?
-Certes…
-Alors venez !... Si nous suivions ce charmant jeune homme !?


La famille Picéaerd se déplaça et prit alors conscience de leur état. Elles devaient se rendre à l’évidence, dans le monde des vivants, elles n’étaient que des fantômes, invisibles aux yeux de ces derniers. La porte fermée ne fut donc pas un problème pour elles et la traversèrent sans encombre. Ce qu’elles virent en revanche fut un véritable choc. Dans le grand salon royal… Ils étaient tous là. Rassemblés non loin d’un magnifique épicéa richement décoré. Toutes sentirent leur cœur mort battre plus intensément dans leur poitrine, heureuses de revoir ces visages qui leur manquaient tant. Elsa balaya la salle. Revoir Agnarr en ces lieux lui fit un pincement au cœur, alors que la reine des neiges remarquait les yeux humides de sa mère qui s’approchait doucement de l’ancien souverain, vêtu dans la plus pure tradition Northuldra. Anna emboîta le pas de sa mère et flotta vers Agnarr alors que la reine des neiges restait en retrait. Elle tourna la tête et vit alors, auprès de son frère Hans le visage familier de Yohan. Son cœur se serra alors que la reine des neiges se remémorait sa curieuse union auprès du stratège devenu chef des Northuldra. Néanmoins sa gêne ne fit qu’augmenter en remarquant à son bras, la belle Camille qui rayonnait. Finalement, voir Hans lever son verre la tira de sa rêverie alors qu’elle rejoignait les autres spectres.


-Quelle joie de tous vous revoir ! Au nom de leurs altesses les princes Karl, Viktor et Ryder, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à tous et je les cite « à papy, à gentille Camille et…tonton moustache qui pique » Fit Hans avec un sourire moqueur à l’attention de son frère.


Les Picéaerd aussi ne purent s’empêcher de retenir des rires inaudibles pour les vivants, mis à part Elsa, stupéfaite par la déclaration.


-Quoi ?... Comment ça je les cite ?! … Ils…
-Patience jeune esprit… Ecoute, tu vas comprendre…
-Comment patience ?... Et où sont-ils d’ailleurs ?!
-Oui, où sont les enfants ? S’interrogea Iduna.
-Ecoutez !... N’étais-ce pas pour voir comment évoluait le monde des vivants que vous souhaitiez venir ici ?
-Hélas… Je crains que la patience ne soit pas une vertu familiale. Plaida Mamie avec un petit rire.
-Tu pourrais alors leur apprendre. Fit Emma avec malice.


Pour la première fois depuis longtemps, les membres de la famille adressèrent un petit sourire sincère à Emma, signe d’une complicité qui commençait à se réinstaller alors qu’elles se concentrèrent à nouveau sur cette curieuse réunion.


-… Et dis-moi Hans ? As-tu des nouvelles de nos frères ? Je pensais qu’ils viendraient…
-Non hélas, ils ont décliné, Karl et son épouse la duchesse de Funningur demeurent à Weselton où ils ont encore tant à faire pour affirmer leur pouvoir, et veulent se consacrer pleinement à l’éducation de leur fils.


La mention du prince ainé et de la duchesse fit grimacer les sœurs d’Arendelle. Andréas avait beau avoir été vaincu, la duchesse attendait son heure et à ses côtés, l’affreux Grand Pabby. Voir leur famille ainsi heureuse au coin du feu n’était finalement qu’un répit, elles en avaient bien conscience. Tôt ou tard, il faudra bien que les enfants d’Elsa, ainsi que Kaspian ne luttent à nouveau pour protéger le royaume de ces démons tapis dans l’ombre.

- … Les décuplés quant à eux ont préféré célébrer nos traditions maritimes. Ils m’adressent leurs amitiés… et Yohan, à nouveau ils ont formulé la volonté de voir un jour ta fille venir sur ses terres natales… Elle demeure l’héritière tu le sais…
-C’est… Elle décidera quand elle sera en âge… Mais tu le sais, elle est destinée à prendre en main le peuple des Northuldra après moi… et qui c’est sera peut-être en plus de leur chef, leur chamane… Plaida Yohan de manière diplomatique.
-Et c’est très bien comme ça ! Rumina Camille bien moins diplomate.
-Certes… Je n’en doutais pas… J’ai pris la liberté de leur répondre vos bons vœux également et les informer que vous réfléchirez à la situation et communiquerez en temps voulu une réponse à ce sujet.
-Une réponse… On ne peut plus diplomatique ! Je vous félicite mon garçon ! Vos parents n’avaient aucune sympathie ni admiration pour vous mais de toute évidence… Ils étaient de bien piètres juges en ce qui concerne vos qualités de dirigeant. Je suis serein de savoir que mes petits fils ont un régent raisonnable tel que vous ! Au régent Hans ! Lança Agnarr en levant son verre.
-Au régent ! Répondirent les convives.
-Allons… Vous me flattez ! Mais, tu le sais mon frère… Les décuplés ne souhaitent pas régner, leur demande est légitime… Comme moi d’ailleurs, il me tarde que les princes soient en âge… Je n’ai aucun droit sur Arendelle et je souhaite humblement, remplir, au nom des grandes reines Anna et Elsa cette lourde tâche et me montrer digne d’elles.
-Bien parlé mon garçon ! J’espère que depuis le monde meilleur où elles se trouvent, elles pourront être heureuses de voir que ce royaume, ainsi que les jeunes princes sont entre de bonnes mains… Sans oublier non plus les Northuldra ! Et c’est tout à votre honneur Yohan ! Ajouta Agnarr.
-Je… Je vous remercie votre Majesté pour ce compliment…
-Cessez de m’appeler ainsi !... Je ne le suis plus. Le Royaume est clément de m’autoriser à revenir mais ne l’injuriez pas en me nommant ainsi… Ce titre est celui de mes filles !
-Je pense qu’elles auraient souhaité que vous conserviez le titre, à défaut de la charge à mon humble avis… Mais comme vous le mentionnez. Mes amis, je ne vois pas de meilleur moment…
-Entièrement d’accord ! Coupa Yohan en se levant.


Rapidement, son épouse, puis Agnarr fit de même, leur verre à la main. Sans un mot, tous s’approchèrent d’un pas digne du trône royal puis s’immobilisèrent à quelques pas. Seul Hans osa s’avancer jusqu’au trône. Avec de grandes précautions, il posa son verre et se saisit d’un paquet déposé puis fouilla son contenu comme s’il s’agissait de reliques. Avec déférence, le prince sortit deux couronnes. Celles que jadis Anna et Elsa portaient avant de les poser avec soin sur le siège royal. Alors qu’il reculait, Yohan s’approcha à son tour puis déposa à côté des couronnes, l’épée des rois qu’Elsa lui avait confié. A son tour, l’ancien conseiller de sa Majesté recula. Ils se tenaient tous droits et en silence, puis, comme s’ils n’étaient qu’un, tous ployèrent le genou avant de lever leur verre en direction du trône.


-A vous vos Majestés ! Reine Elsa d’Arendelle ! Reine Anna d’Arendelle ! Ce soir à nouveau, nous vous jurons loyauté et obéissance. Ce trône est le vôtre et le restera à jamais. Nulle Homme ou Femme n’y prendra place avant que vos héritiers ne soient en âge de vous succéder. Vos Majestés, nous sommes vos serviteurs. Gloire à vous… Où que vous soyez, nous savons que vous veillez sur nous et nous vous prions d’être digne de vous ! A la reine Elsa ! A la reine Anna ! Déclara Hans d’une voix solennelle avant de boire son verre.
-A la reine Elsa ! A la reine Anna ! Imitèrent les autres.


Les verres vidés. Tous restèrent immobiles, agenouillés devant le trône vide, en silence. Ils communiaient et leur esprit se tournait vers les sœurs disparues. Au-dessus d’eux, sans qu’ils ne puissent les voir, Anna et Elsa sentaient des larmes apparaître au coin de leurs yeux.


-Eh bien ?... Mais qu’attendez-vous pour descendre toutes les deux ?! Fit Emma.
-Quoi ?!
-Ca me paraît évident mes chéries… Ils attendent le retour des reines ! Remarqua Iduna.
-Quelle clairvoyance ma chère !
-A quoi bon ?!... Ils ne peuvent ni nous voir, ni nous entendre ! Fit Elsa peu convaincue.
-Voilà quelque chose que je n’affirmerai pas… Vous êtes des Picéaerd ! Ne l’oublie pas !
-Viens Elsa ! Mamie a toujours raison pour ce genre de choses ! Fit Anna surexcitée.


La reine des neiges n’eût pas le temps de répondre que sa cadette s’était empressée de la faire voler jusqu’au trône. Anna tenta d’attraper la couronne. C’était vain mais fit mine de la placer sur sa tête et fit de même pour Elsa avant qu’elles ne prennent la place qui leur revenait de droit et…Curieusement elles sentaient un poids sur leur tête. Elles s’observèrent et sursautèrent


-Elsa tu…
-Anna…
-La couronne ! Lancèrent-elles en chœur alors qu’elles constataient médusées que toutes deux portaient une coiffe royale.
-Mais… Comment…
-C’est une offrande aux morts… De quoi êtes-vous étonnées ?! Questionna Emma qui s’approchait en compagnie d’Iduna et Mamie.
-C’est… à peine croyable !
-Et encore tu n’as pas tout vu… Alors vous attendez qu’ils se relèvent ?!... Parlez leur !
-Ils ne peuvent pas nous entendre !
-Les auras ! … Ils sont en communion avec le monde des morts !... Si nous sommes ici, bien que non chamanes il se pourrait…
-La meilleure chamane de la famille depuis des siècles ! Félicita Emma à l’attention de mamie.
-Je ne comprends pas. Fit Elsa.
-Elsa, donne ta main à celle de ta sœur… Son aura doit être assez puissant !... Ma petite chamane, fais ce que je te dis, concentre-toi, tu dois sentir ton aura, juste entre tes yeux…


Mamie confia les instructions à la cadette d’Arendelle qui, docilement s’exécuta sans un mot ce qui surprit la matriarche. C’était la première fois qu’elle donnait une leçon de chamanisme depuis ses tentatives animées avec Iduna enfant. Sa petite fille se révélait être une élève bien plus facile mais elle se garda de toute remarque envers Iduna. Un léger sourire apparut sur le visage d’Anna. Mamie comprit, sa petite fille avait réussi à ouvrir son troisième chakra.


-Allez-y ! Parlez leur ! Encouragea Mamie.
-Euh… Bien… Bonjour tout le monde ! Elsa et moi… Nous sommes heureuses de voir tout ce que vous faîtes tous pour le royaume… Vous en êtes tous dignes ! … Hans euh… Je… Je suis heureuse de voir que vous avez tenu parole depuis notre entrevue à Arnevik et… notre voyage vers Ahtohallan ! Bravo d’avoir ainsi changé !... Yohan, quelle joie de vous revoir également et papa… Papa ! J’aurai… J’aurai tant voulu te voir ! Fit Anna qui ne put en rajouter davantage.
-C’était magnifique ma petite Picéaerd ! Lança mamie à sa petite fille alors qu’elle semblait avoir perdu le contact.


Lentement, les spectres reprirent leur place juste en dessous du plafond du grand salon alors que les vivants mettaient fin à leur recueillement se relevant doucement. Tous avaient une expression étrange sur le visage.


-Merci Hans pour cet hommage… J’ai… J’ai cru sentir mes filles parmi nous ! Elles sont fières de vous mon garçon.
-Merci Alte… Agnarr ! … Moi aussi j’ai eu ce sentiment…. Elles sont là avec nous !
-Dans nos cœurs à tous à n’en pas douter ! Ajouta Yohan, lui aussi perturbé de cette expérience.
-Bien… Messieurs… Et si nous suivions l’exemple de enfants ! Allons retrouver nos lits ! Il faut laisser la pièce vide pour que le père Noël puisse faire son travail en toute sérénité ! Coupa Camille.


Elle avait prononcé les mots magiques, quelques signes de fatigue pouvait d’ailleurs se lire sur les visages et tous quittèrent rapidement la pièce pour s’offrir quelques heures d’un repos paisible laissant les spectres Picéaerd seules en compagnie des domestiques qui installaient des présents au pied de l’épicéa.


-Encore et toujours le même qu’on cite… Fit Emma plus pour elle-même
-Quoi ?... Pourquoi tu dis ça ? C’est parce qu’ils ont parlé du père Noël ? … Oui ça doit être un ennemi pour la mère fouettarde après tout, pourtant lui est la gentillesse incarnée… Enfin non je ne sous-entends pas que tu ne sois pas gentille et… Qu’est-ce que je dis Fit Anna confuse.
-Ennemi ?... C’est bien plus compliqué que ça… Je vous raconterai un jour.
-ça en fait des choses que tu souhaites raconter ! Remarqua Iduna.
-Touchée ma chère !... Mais avant cela… Elsa ?... Ne veux-tu pas aller voir tes enfants ?
-Je peux ?!
-Il me semble qu’ils l’ont encore affirmé, ta sœur et toi, vous êtes les reines ici !


Elsa ne se fit pas prier et quitta la pièce. Les autres Picéaerds s’empressaient de la rattraper alors que la reine des neiges volait au travers des murs et couloirs. Elle souhaitait rejoindre le plus vite possible la nursery puis s’immobilisa devant la porte fermée, ne sachant plus que faire.


-C’est perturbant une porte fermée n’est-ce pas Elsa ?!... Alors si tu veux mon expertise, je pourrais te conseiller de frapper à la porte et faire preuve d’abnégation mais nous sommes des spectres…ça ne marchera pas… Mais du coup, tu peux passer au travers ! Railla Anna.
-Anna…
-Quoi maman ?!
-Et si tu gardais le silence et laissait faire ta sœur pour une fois ?!
-Non ! Coupa Elsa.
-Non ?!
-Je veux dire… Ne me laissez pas !... Venez toutes avec moi ! Déglutit la reine des neiges.


Toutes apportèrent leur soutien à l’ainée d’Arendelle qui, une fois la porte franchie se figea. Dans la grande chambre, remplie de jouets, aucun berceau… Mais plusieurs petits lits. Lentement elle s’approcha. Au plus près d’elle, trois lits où dormaient paisiblement trois petits garçons aux cheveux blonds. Au pied du lit de chacun, une chaussette de Noël. Elsa baissa les yeux et lut : Karl, Ryder, Viktor. Ils étaient là… Ses trois petits princes. Elles les avaient quittés bébés, voilà qu’ils avaient grandis… C’était désormais des petits garçons… Elsa observa l’environnement et repéra un calendrier… Surprise elle vit la date… Ses petits avaient trois ans désormais.


-Le temps ne s’écoule pas de la même façon chez les vivants que chez nous Elsa… Fit Emma qui avait remarqué sa surprise.


Elsa ne sut quoi répondre alors qu’Iduna réprima un petit cri. Ses petits-enfants n’étaient pas les seuls à dormir paisiblement dans la nursery. De l’autre côté de la pièce, deux lits étaient collés l’un à l’autre et, enlacés, Kaspian et Emma dormaient heureux d’être l’un contre l’autre. Ils étaient inséparables, ils avaient dû s’endormir ainsi. Iduna également comprit qu’il s’était passé près de trois années. Son petit garçon avait toujours un visage poupon malgré des cheveux un peu plus longs, mais il avait bien grandi, quant à Emma… elle n’était plus une fillette elle non plus. Un peu plus âgée que Kaspian, les formes de sa poitrine de femme commençaient à se dessiner faisant deviner que le temps qui passait transformait peu à peu la fillette en jeune femme. Un peu plus loin, l’enfant de Camille et Yohan dormait également à poings fermés et reçut la visite des spectres qui s’extasiaient sur tous ces visages candides.


-Mes neveux sont magnifiques Elsa !...
-Merci Anna et… Oh Noël… Tu as encore tes chocolats ?!... Leurs chaussettes ! Lança Elsa.


Elles avaient quitté leur conversation si rapidement qu’aucune n’avait eu le temps de reposer les douceurs chocolatées. Les deux sœurs fouillèrent leurs poches mais eurent une désagréable surprise… Il n’y avait plus rien.


-Vous ne pouvez rien ramener du monde des morts mes enfants… Fit Emma désolée.
-Vraiment ?!... Je… Je voulais leur laisser un cadeau de la part de leur maman…
-Mais ça peut se faire jeune esprit !


Emma lui adressa un sourire puis s’approcha des trois lits. A chaque enfant, elle offrit une caresse qu’aucun ne pouvait sentir puis glissa sa main dans chacune des chaussettes des enfants.


-C’est tricher que de regarder avant le matin de noël mais… permettons nous une petite exception… Elsa… Regarde. Encouragea la doyenne.


La reine des neiges s’exécuta et s’émerveilla. Dans chacune des chaussettes, comme par miracle, des chocolats, des sucres d’orge et, dans chacune, une petite boule à neige avec un Olaf à l’intérieur.


-Co… Comment ?!
-Ah ça je suis navrée, c’est un secret que je ne puis dévoiler !... Mais ici, dans le monde des vivants, il se dirait que ces enfants étaient sur la bonne liste de Noël ! Cligna Emma.
-Pourquoi ça n’est pas du charbon ? C’est du charbon que tu distribues à Noël normalement non ?!... Mais ça c’est mieux !
-Quelle spontanéité ma petite ! … Avant d’être la mère fouettarde, n’oubliez pas que j’étais la mère noël ! … ça donne quelques privilèges ! D’ailleurs… la distribution n’est pas terminée ! … Iduna ? Anna, voulez-vous m’aider avec ceux-là ? Indiqua Emma en présentant des douceurs devant Mamie et sa fille.
-Bien sûr ! … Merci Emma ! Répondit Iduna heureuse avant d’aller remplir la chaussette de son petit Kaspian alors que Mamie se chargea d’Emma et de sa petite soeur.


Elles restèrent ainsi à observer les enfants dormir. Toutes souhaitaient pouvoir rester jusqu’au matin et voir la joie sur leur visage mais le sourire triste d’Emma leur fit comprendre que c’était impossible.


-Il nous faut rentrer n’est-ce pas ? Fit Iduna.
-Je le crains ma chère… La tournée se fait la nuit… mais au réveil nous sommes déjà loin ! Vous connaissez toutes la légende n’est-ce pas.
-J’aurai voulu… Tellement voulu leur parler… Soupira Elsa.
-Voilà un beau souhait… Heureusement que ces enfants sont sages alors ! Fit Emma avec malice.


La doyenne ferma les yeux pour invoquer les esprits. En quelques instants, quelques gouttes d’eau dans les verres des enfants s’approchèrent, de même que quelques traces de terre sous leurs chaussures, des étincelles du feu mourant se joignirent dans un tourbillon de vent pour se placer devant Emma.


-Un petit coup de main ? Souffla la doyenne.


Les esprits comprirent et la boule fit le tour de la pièce et toucha doucement chacun des enfants puis termina par Elsa. La reine des neiges eût le sentiment alors que son âme et son esprit pouvait rejoindre ceux des enfants grâce aux esprits des éléments dont les symboles se dessinaient aux quatre coins de la pièce.


-Le… Le cinquième esprit ?!
-Et oui ma chère ! Tu as encore quelques petites choses à apprendre…
-Tu les maîtrises ! La prophétie…
-Non… Je n’ai pas accompli la prophétie… Les esprits ont bien voulu m’exaucer… mais je ne puis rien leur ordonner ! Corrigea Emma avant de se tourner vers Elsa. Alors qu’attends-tu jeune esprit… Le lien ne restera pas longtemps.


Elsa fut prise au dépourvu… Depuis le premier instant de sa mort, ses pensées voguaient vers ses enfants. Elle avait mille choses à leur dire mais ne savait par quoi commencer. Elle chercha un soutien des yeux, observant sa mère puis sa grand-mère qui lui envoyaient des signes d’encouragement. Immédiatement, elle sut. La reine des neiges ferma les yeux et, d’une toute petite voix, commença à chanter la berceuse d’Ahtohallan. La voix de cristal d’Elsa transmettait toute la douceur et l’amour qu’elle portait à ses petits princes alors qu’elle commençait le second couplet. Les larmes aux yeux, Iduna s’approcha de sa fille ainée et l’accompagna bientôt rejoint par Mamie. Anna ne se fit pas prier et sans attendre d’être invitée se joignit au trio pour terminer la berceuse pour les enfants.
Jamais Emma n’avait entendu sa chanson être si douce à ses oreilles. Elle qui ne montrait pas ses émotions avait bien du mal à conserver son visage impassible alors que le lien des esprits se rompait laissant à nouveau les enfants à leurs doux rêves.


-Bien… très joli… Hum… C’est l’heure… Nous... Nous devons rentrer… Navrée ! Se contenta de dire Emma qui masquait mal son émotion.


Bien que cela leur arrachait le cœur, les Picéaerds acceptèrent de suivre la doyenne et les spectres quittèrent sans bruit la nursery et le monde des vivants. Quelques secondes plus tard, elles ouvraient à nouveau les yeux dans leurs corps, de retour à Ahtohallan. Toutes s’observaient le cœur gros puis adressaient un sourire sincère à leur doyenne.


-Merci Emma… Soufflèrent-elles en chœur.
-C’est… Je vous en prie c’était normal… Mais vous sentez ce pincement dans la poitrine ?... Il ne fera que grandir si vous y retournez, et chaque départ sera plus douloureux… Pour vous… Mais pour eux aussi ! Je vous dois des excuses… Vous interdire d’y aller n’allait que vous encourager à tenter l’expérience… Je ne vous en empêcherai plus désormais… Mais vous devez les laisser vivre ! Inférer dans le monde des vivants n’est jamais bon…
-Tu nous expliques pourquoi ? Demanda Mamie.
-Je… Pouvons-nous au moins déjeuner avant ça ?! Demanda Emma
-Très bonne idée ! Une histoire pour digérer c’est toujours une bonne chose ! Et maman… Tu nous as bien dit que c’était ton meilleur ragout qui mijotait… Quelle meilleure occasion ?!Fit Iduna qui prit la doyenne au mot.


A ces mots elle se leva suivie par Mamie. Emma emboîta le pas en compagnie d’Anna et Elsa. La Première des Picéaerd en était convaincue, ses lointaines descendantes n’oublieraient pas sa promesse.