[FCU] La malédiction du cinquième esprit

Chapitre 25 : La destinée d’Emma.


Cela faisait des semaines qu’Emma Picéaerd et ses descendantes étaient de retour dans le monde des vivants et toutes s’étaient très vite accommodées à la vie simple du peuple du soleil. Même Elsa qui faisait de gros efforts pour s’intégrer après sa tentative ratée jadis, avant qu’elle ne meure. La doyenne de son côté se montrait étonnement discrète et même distraite. Souvent, elle s’autorisait de longues marches, seule dans la forêt, sans jamais proposer d’agir pour sauver son lointain descendant. Aussi curieux que cela puisse paraître, mamie Anna également gardait cette posture, et n’hésitait pas à reprendre sa fille Iduna qui, elle, se voulait bien plus pressante ! L’ancienne reine d’Arendelle n’était cependant pas longue à convaincre. Mamie Anna avait trouvé avec elle la parade et ne cessait de mentionner l’impérieuse nécessité de devoir se rapprocher d’Agnarr. La mention du roi d’Arendelle était suffisante pour énerver l’ange de l’air qui préférait oublier sa demande et marcher au loin, emporté par son ami de l’air et méditer sur les plages où Kaspian continuait de vivre reclus. Cependant pour Iduna, son jeune fils n’était pas sa seule compagnie et ses longues marches pouvaient également se faire au bras d’Antoine. Comme elle aimait ses longues promenades, bercée par les embruns de la mers sombre et le pâle soleil qui éclairaient leurs visages. Tous deux n’avaient pas besoin de se parler. Les yeux suffisaient, les étreintes aussi. Antoine savait rassurer l’ange de l’air. Iduna quant à elle se demandait chaque jour un peu plus comment elle avait su trouver la force de vivre tant d’années sans ce confident, sans cet être qui était si cher à son cœur. Néanmoins, ni l’un, ni l’autre n’avait l’audace de se risquer à aller plus loin. La reine connaissait ses devoirs. Elle était toujours l’épouse d’Agnarr. Pourrait-elle être prête, à l’instar de sa mère à briser un engagement si profond ?


« C’était plus simple pour maman ! Elle n’aimait que papa et certainement pas Amarok ! »


Iduna se répétait sans cesse cette pensée. Elle n’osait pas mettre un mot sur les sentiments qui la gagnaient toujours plus par rapport au Northuldra. Et Agnarr ? Dire qu’elle ne l’avait pas aimé serait un mensonge ! Bien sûr qu’il avait fait battre son cœur ! Elle se souvenait de tout avec ce jeune prince timide qu’elle avait sauvé de la fureur des Hommes et de la nature, telle la sirène sortant le prince des flots déchainés dépeinte dans ce roman qu’Agnarr aimait tant lire et avait finit par offrir à la douce et intrépide Northuldra. Elle était perdue. Ne sachant que faire. Pardonner ou tout quitter. La seule chose qu’elle savait, était le fait d’être heureuse, apaisée, confiante au bras d’Antoine. Le Northuldra non plus ne savait comment agir. Devait-il avoir espoir ? Se sentir coupable de prendre la femme d’un autre ? Etais-ce réellement de l’amour ? Au final, peu importait, pour l’un comme pour l’autre. Ces instants, ils étaient à eux, ils étaient heureux tout simplement.


Emma Picéaerd, contrairement à Elsa se gardait bien de toute remarque à propos des longues promenades de l’ange de l’air. La doyenne avait retrouvé son caractère solitaire et elle aussi, tachait de laisser un maximum de liberté à tout un chacun, préférant se ressourcer à l’écart du village, heureuse de savoir que l’esprit du vent était de temps à autre libéré par Iduna.

-Madame Picéaerd ! Madame Picéaerd ! Attendez-moi !!!


Emma leva les yeux au ciel. Cette maudite pot-de-colle de fille du chef, apprentie chamane qui portait le même prénom qu’elle était encore à ses trousses. La première Picéaerd soupira et se retourna vers la jeune femme s’efforçant de lui offrir un visage amical.


-Emma !! Eh bien en voilà une surprise ! Comment vas-tu depuis la dernière fois que l’on s’est vues toutes les deux il y a vingt minutes ?... Et la fois d’avant il y a une heure ?
-Euh… Très bien je vous remercie ! Madame Picéaerd ! Il faut que je vous demande, à propos des prières invoquées pour le développement de l’ouverture des chakras de tête pour nos patients, pensez-vous…
-Eh là… Doucement ! Ne souhaites-tu pas plutôt demander ça à cette chère Anna ? Coupa Emma d’une voix froide.
-Oh mais je l’ai fait, et justement, j’apprécie grandement son expertise, après tout, c’est la plus grande des chamanes que les Northuldra aient connu. Mais je voudrais savoir de votre point de vue parce que… Enfin vous voyez ! Vous êtes Emma Picéaerd ! Qui pourrait être plus experte que vous ?!
-Tu sais ça n’est pas parce que je suis la première que c’est forcément moi qui …
-Madame Picéaerd ?! Coupa la jeune femme qui ne l’écoutait pas.
-Quoi ?! Fit la doyenne énervée.
-C’est quoi cette chose à votre cou ?


Surprise, Emma baissa les yeux et passa contre ses doigts le délicat pendentif orné d’initiales au sein d’un cœur. Machinalement, elle le serra contre elle avant de prendre une grande inspiration.


-C’est… Un très vieux souvenir !... ça me permet… De ne pas oublier ce que je fais et pourquoi je le fais !
-C’est votre mari Viggo qui vous l’a offert ?! C’est son présent pour sa demande en mariage à dos de rennes ?
-Quoi ?... Mais comment sais-tu ?!
-Je suis une chamane madame Picéaerd et je compte bien être digne de ce rang. Je me dois de tout connaître de votre vie dans les moindres détails ! D’ailleurs si c’est un présent de votre mari ? Est-ce que la manière dont les initiales sont entrelacées a une signification ? Faut-il y voir un signe des esprits ?
-Non !... Rien de tout cela. Ce bijou n’a aucune valeur ! Répliqua la Picéaerd d’une voix qu’elle voulait convaincante.
-Quoi ?!... Mais vous plaisantez ?! Tout ce qui vous concerne est d’une importance fondamentale ! Une preuve de l’amour que vous portiez à l’homme qui avec vous a fondé la dynastie Picéaerd ?! Mais c’est une relique !!!
-Mais ça n’est pas Viggo qui…
-Comment ? Qu’est-ce que vous dîtes Emma ?
-Je… Euh non… Rien du tout, je pensais à… quelque chose qui n’a rien à voir pardonne-moi…
-Oh mais vous pardonner, mais c’est trop d’honneur !
-Sans doute sans doute…Tu sais quoi ma petite ?!... Tu me plais ! Oui tu me plais vraiment beaucoup ! Alors… Je pense que cette babiole que tu appelles une relique devrait te revenir…
-Pardon ?! Vous ne me faîtes pas une blague ?!... Vraiment ?!... Moi… Porter quelque chose qui est à v… Fit Emma en écarquillant les yeux.
-Mais bien sûr, je n’ai qu’une parole !... Enfin… J’aurai une petite condition si tu le désires…
-Quoi ?! Oui tout ce que vous voulez ! Tout ! Je pourrais faire n’importe quoi ! Demandez !
-Tu me vois ravie de constater ton enthousiasme car, c’est toi la protagoniste !
-Oh ? Que dois-je faire ?!
-Oh rien de plus simple. C’est une babiole au nom de l’amour n’est-ce pas ? Eh bien je te l’offre à condition que tu partages le plus beau de tous les amours… Celui qui te lie avec mon lointain descendant Kaspian !
-Kaspian ?! Mais… Nous ne sommes… Enfin nous sommes euh… en froid !
-Oh ?... Je te présente mes excuses ! Je pensais que vous étiez… Oh mais oublie ça, te voir toi une chamane si prometteuse, t’associer à mon descendant cinquième esprit…j’y voyais… Mais pardon ça n’a pas lieu d’être tu as tout à fait raison…. Dommage, ceci va rester près de moi encore un peu du coup…
-Vous souhaitez que je revoie Kaspian ?
-Comment ? Oh non je ne souhaite rien t’imposer voyons… Tu fais ce que tu souhaites mais au fait ? N’ai-je pas vu chez toi, des coupoles allumées sur le haut de ton étagère ? Qui sont les heureux élus ? Fit la doyenne en feignant l’innocence.
-Vous le savez n’est-ce pas ? Coupa la chamane d’une voix morose.
-Il faut bien que de temps en temps je justifie la réputation glorieuse que tu fais de moi… Ce n’est pas un feu anodin n’est-ce pas ?! Mais comme je l’ai dit, à toi de faire tes choix… Après tout, Anna a bien brisé ce lien… Même si comme tu le vois, celui qu’elle a choisi n’est plus avec elle désormais… Mais pardonne-moi je ne veux pas t’embrouiller l’esprit avec ce genre de choses… Alors, que voulais-tu savoir ? Quelque chose en rapport avec le chakra de ?... Mais ?... Où comptes-tu aller jeune chamane ? Questionna la vieille femme en regardant son homologue de prénom s’éloigner.
-Réfléchir à vos propos… A propos de Kaspian ?!
-Oh je m’en voudrais de t’avoir forcé la main… Allons, ne reste pas davantage avec moi pour ne pas que je t’influence. Fais-toi ta propre opinion bien sûr !


La fille de Yohan et Camille se sentit brusquement mal à l’aise ne sachant quoi répondre. Préférant ne pas perdre la face, elle décida de rebrousser chemin, en se demandant finalement, pour quelle raison elle avait questionné son idole…
De son côté, la première des Picéaerd l’observa s’éloigner avec un sourire faux puis, la sachant hors de vue se concentra sur sa tâche. Elle venait de perdre bien assez de temps. Après quelques minutes de concentration, le vent vînt à sa rencontre.


-Elle est gentille, mais parfois un peu collante n’est-ce pas ?
-Pardon ?!


Emma avait répondu machinalement sans comprendre. Elle se retourna et scruta les sous-bois. Très dignement, malgré son âge avancé retrouvé, Mamie Anna apparut d’un pas assuré pour rejoindre la première des Picéaerd.


-Ca ne te gêne pas que je t’accompagne un petit moment ?... J’ai vu que tu attendais le vent. Tu pars en promenade ?
-Mais je ne suis jamais dérangée quand la plus brillante de notre lignée se joint à moi…
-Alors dis-moi ? Nos plans avancent ? Demanda innocemment Mamie.
-Eh bien… Pour l’heure, nous pouvons surveiller Kaspian c’est déjà une bonne chose… Et ta fille semble apprécier retrouver de vieux amis. Tu dois en être satisfaite ? Qui sait tu changeras peut-être prochainement de gendre ?
-Pourquoi serais-je satisfaite ? La seule satisfaction que j’aie est que ma fille soit heureuse dans ses choix. C’est à elle de savoir ce qu’elle fera !
-La fille d’Anna Picéaerd qui comme sa mère brise les liens…Tout de même !
-Mais Emma ? A quel moment ai-je été heureuse et fière de ce geste ? Demanda Mamie soupçonneuse.
-N’étais-tu pas satisfaite de l’avoir fait ?! Attention, les Picéaerd ne savent pas mentir, dans cette famille nous n’avons pas ce défaut ma chère ! Toisa Emma.
-Mais je ne mens pas… Oui, heureuse d’avoir pu faire mon choix, mais jamais je ne m’en suis vantée ! Et même si j’exècre ces coupoles, j’ai malgré tout accepté d’en rallumer bon nombre après cela… Je n’ai aucun intérêt ou satisfaction à voir mon geste être reproduit…
-Quand je dis que tu es la meilleure de nous toutes… Mais entre nous ? Tu préfères qui pour ton ange de l’air ? Un roitelet attaché à son pouvoir ou un Northuldra un peu gauche et dégarni ?
-Agnarr aussi voit ses tempes s’élargir… Et je m’en lave les mains, c’est à elle de choisir ! Et je te remercie du compliment, mais tu n’es pas en reste. C’est très astucieux de manipuler cette petite pot-de-colle pour mettre la main sur Kaspian !
-Pardon ? Oh tu te méprends ! Jamais je n’ai ce genre d’intention…
-Emma Picéaerd ? N’est-ce pas toi qui vient de me dire que le mensonge était proscrit dans notre famille ?... Mais qui va être ta mère fouettarde pour cette mauvaise action ?!
-Comment ?!
-Laisse-moi être plus claire ! J’ai la faiblesse de croire que je suis assez habile pour comprendre les intentions des autres et pour imaginer des plans… Et le tiens est brillant ! Manipuler cette petite pourtant futée, mais aveuglée par l’admiration qu’elle a pour notre famille et l’utiliser comme appât pour avoir Kaspian au plus près de nous ! Si leur couple se reforme… Par amour il l’écoutera, et elle dira tout ce que nous pourrons lui dire tant elle nous vénère !
-Hum… Ma chère Anna. Je te concède une grande imagination mais là… Tu t’égares… Commenta Emma avec un sourire crispée.
-Emma !... Nous sommes dans le même camp toi et moi ! Souffla Mamie
-Ma chère mais… Est-ce que tu te sens bien ? Tu m’inquiètes tout à coup…
-Je dois te convaincre c’est normal ! Il faut être prudentes ! Iduna et Elsa ne savent rien ! Mais moi… Je sais ! Dis moi Emma, toi qui veux aller sur les terres gelées… Comment va mon cher petit frère adoptif ?


Emma ne répondit pas. Sans même s’en rendre compte, la doyenne commençait à serrer ses poings de contrariété alors que le vent tournoyait au plus près d’elle tandis qu’elle peinait à soutenir le regard sarcelle et dur comme la glace d’Ahtohallan d’Anna. La chamane conserva encore quelque temps ce silence avant de s’approcher et prendre les poings fermés de son aïeule dans ses vieilles mains. Lentement, elle se hissa sur la pointe des pieds pour s’approcher au plus près des oreilles d’Emma Picéaerd.


-Je sais ce que tu cherches pour faire tomber les Sappos ! Avec Andréas ! Nous pourrons enfin nous débarrasser d’eux une bonne fois pour toute ! Tu veux les écrits d’Elysia ? Cet imbécile avait eu un éclair de lucidité de les cacher quand Iduna les lui avaient subtilisés, mais heureusement pour nous… C’est à moi qu’il avait demandé de les cacher…
-Que dis-tu ?
-Je peux te l’indiquer… Tu sauras comme ça que nous ne faisons qu’un toi et moi !...


Mamie eût un sourire mauvais à l’attention de la première Picéaerd qui se dérida quelques instants. Intriguée, Emma se laissa tenter et écouta avec attention Mamie Anna lui susurrer à l’oreille quelques indications.


-Va donc vérifier que je te dis la vérité Emma ! N’oublie pas tu l’as dit toi-même, un Picéaerd ne mens jamais ! Vas-y, je trouverai un moyen de distraire Iduna et Elsa pour qu’elles ne posent pas de question !
-Et que veux-tu Anna pour rallier ainsi ma cause ?
-Je ne rallie rien… Je défends les Picéaerd face aux Sappos ! J’espère que dans l’Hellheim, Anna aura compris mes indications et en ce moment s’occupe de faire regretter amèrement à l’ahuri qui m’a servi d’époux d’avoir existé !
-Anna ?... Euh… Oui je n’en doute pas ! Si elle tient de toi, cela se passera comme tu le souhaites ! Fit Emma mal à l’aise à la mention de la petite reine, sans qu’Anna ne réagisse pour autant.


Les deux matriarches s’éteignirent pour sceller leurs sombres desseins, puis, Mamie observa en silence le vent emporter sa lointaine ancêtre vers son destin, au loin sur les terres qui furent celles ce celui qu’elle abhorrait désormais.

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-Papy !! Ah mais ou étais-tu passé ?! Cela fait des heures que l’on te cherche partout ?! Tu étais encore dans la réserve secrète de Pierre c’est ça ?! Fulmina Anna.
-Mais qu’est-ce que tu dis là voyons bien sur que… Hum … Non, je ne peux rien te cacher en réalité à toi ? Tu devines tout ! Souffla le Sappos qui ne voulait pas lutter.


Elysia se montrait curieusement peu combatif et se laissait volontiers vilipender par sa petite fille sans broncher alors que toute la famille avait été réunie. Olaf, le bonhomme de neige sauta de joie en découvrant la bonhommie communicative de Pierre Sappos qui se présentait poliment. Tous deux n’hésitèrent pas à se lancer dans un curieux numéro de duo où l’un terminait bien souvent les phrases de l’autre…


-Par les esprits… Kristoff qu’avons-nous fait ?! N’avons-nous pas transformé l’Hellheim en Niflheim à les faire se rencontrer ces deux-là ?!
-Je n’en sais rien, en tout cas ta sœur doit être ravie d’être partie pour ne pas voir ça ! Grinça le montagnard en se prenant la tête. La migraine semblait le guetter tant les deux devenaient insupportables.
-Ne soyez pas médisants tous les trois, cela ne vous sied pas ! ! Monsieur Bjorgman, puisque vous êtes si malin, venez donc expliquer à vos chers chérubins la vie d’un montagnard débrouillard ! Mon cher Elysia, au lieu d’être pantois, veux-tu et sans pathos, leur narrer la vie des Sappos ?! Quant à toi ma petite Anna, suis-moi et hâte toi ! Car avant qu’il ne soit trop tard, tu dois comprendre qui est Emma Piceaerd !


La voix grandiloquente de Pierre stoppa toute conversation alors qu’il semblait cacher un objet dans sa poche. Olaf avait regagné le rang des enfants, quant à Elysia il n’en menait pas large auprès de sa mère. Kristoff aussi se montrait docile alors que Pierre s’approcha de la rouquine intimidée. Il la toisa un instant du regard avant de lui offrir un grand sourire.


-Comme dit ta grand-mère petite, c’est l’heure de la leçon ! Alors Anna, viens, nous y allons !
-Eh Anna ?! A tout à l’heure ! On t’attend pour le quatre heures ! Pouffa le bonhomme de neige qui se prenait au jeu, alors que le patriarche et sa lointaine descendante s’éloignaient déjà.
-Non mais c’est quoi cette frime et toutes ces rimes ?! Demanda Anna alors qu’ils marchaient de nouveau vers Ahtohallan.
-Oh ça ?... Jadis une idée d’Emma ! Elle voulait que sur les toits, je m’annonce en parlant comme ça ! Va donc savoir pourquoi ?! Et toi, tu n’aimes pas ?!
-Non pas vraiment ! Je préfère parler normalement…
-Que tu le formules ainsi… Quelle douce plaisanterie !
-Comment ? Oh mes aïeux ?! Serait-ce contagieux ?!
-C’est difficilement vérifiable, mais je l’avoue, je plaide coupable… S’amusa Pierre en sortant de sa poche une petite bourse
-Mais qu’est-ce que c’est que ça ?! Franchement, ça ne m’amuse pas ! Si c’est un présent il ne me plaît pas ! Je préférerai retrouver Helga !
-Si je le pouvais, volontiers je le ferai ! Mais ce vœu ne peut être exaucé, et Anna j’en suis sincèrement navré ! Mais pour répondre à ta question. Ce petit tour est mon invention. Il faut dire qu’improviser des vers, tout en faisant le tour de la Terre, nécessite tellement d’improvisations, que je ne puis sans aide accomplir cette mission !
-Et ce petit jeu agaçant ? Dis-moi, il s’arrête quand ?!
-Oh ce jeu pour le finir, c’est simple : quand tu le désires ! Mais inutile de t’empresser de vouloir vite l’arrêter, car comme tu peux le constater, à notre destination nous sommes arrivés !


La jeune rousse ne répondit pas alors qu’elle observait le glacier qu’elle connaissait désormais si bien. La curiosité comme souvent chez la cadette d’Arendelle était la plus forte et Anna se laissa volontiers guider. En quelques instants, ils se retrouvèrent tous les deux près du dôme des souvenirs.


-J’ai compris tu n’aimes pas mon tour de passe-passe. Mais sache que dans ce domaine, Emma me surpasse ! Et la dernière fourberie de la première des chamanes, fut pour vous duper ici, en Ahtohallan !
-Pierre tu devrais te dépêcher, car ces vers, vont vite me gonfler ! S’impatienta Anna.
-Tu ferais mieux de te concentrer, car voici comment, elle vous a tous dupé ! Ta grand-mère pense connaître en ce lieu tous les secrets, mais ignore qu’en ce lieu, tout n’est pas toujours vrai ! Emma a pris soin de ne surtout pas vous montrer, ce qui a ses yeux doit rester dissimulé ! Ta grand-mère comme toi savez trouver un souvenir… Emma elle sait les faire mentir !
-Tromper mamie Anna ? Ca je n’y crois pas !
-Pourtant c’est d’une grande facilité, il lui a suffit de vous montrer, que des morceaux de vérité ! Anna que vous a-t-elle dit ? Que les Picéaerds étaient maudits ? Tu peux me traiter de menteur, mais sache que c’est elle la cause de leur malheur ! Mais que tu me crois ou pas… le mieux est que tu le vois ! Pour cela tu n’as qu’à trouver… les secrets des souvenirs cachés !


Pierre désigna l’immense paroi et invita la jeune femme à la chevelure de braise à percer les derniers mystères de glacier. Anna peinait à imaginer que sa grand-mère ait pu passer à côté de telles informations, mais Pierre avait su lui montrer tant de choses déjà. Peut-être avait-il raison ? Sans trop savoir, elle se concentra pour ne faire qu’un avec la rivière magique. Anna fit de son mieux, se remémorant toutes les leçons de sa grand-mère pour faire plier la paroi gelée. Elle essaya, et essaya encore, mais le résultat fut toujours le même. Ahtohallan demeurait muet. Désespérée, sans trop savoir pourquoi, Anna finit par entonner le premier couplet de la célèbre berceuse des Picéaerd. Soudain, elle sursauta, elle était toujours concentrée pour faire parler le dôme et enfin il réagissait !? Anna sentait au fond d’elle-même qu’il y avait bien des informations cachées comme Pierre l’avait promis, mais elles demeuraient toujours inaccessibles.


-Ta grand-mère ne cesse de louer tes qualités, franchement Anna, c’est en dessous de la vérité ! La berceuse, ce fut brillant d’y avoir pensé ! Dans ce chant, il y a une phrase clef, à toi désormais de la trouver…
-Ferme les yeux si tu veux voir, ton reflet dans son grand miroir…


Anna avait chanté sans réfléchir. Pour elle, cela avait semblé évident, comme si le glacier lui avait parlé. A nouveau le dôme réagit. La jeune rousse se sentit toujours davantage en osmose avec la glace, mais encore, Ahtohallan se refusait à elle.


-Un grand bravo Anna, tu peux maintenant, percer les secrets d’Emma ! Jamais je n’aurai imaginé, me retrouver si près de la vérité ! Pourtant pendant des siècles j’ai essayé, pour ainsi savoir comment l’arrêter !
-Non je n’y arrive pas ! Ahtohallan se refuse à moi ! Beugla Anna furieuse.
-Ne te blâme surtout pas ! Personne n’est allée aussi loin que toi. Nombreux sont tes ancêtres que j’ai guidés, mais jamais jusqu’ici ils ne sont arrivés ! Désormais il ne reste plus qu’une porte, que seule peut franchir… une morte ! Quelle chance pour nous, tu l’es ! Ouvre là ! Perce les secrets !
-Oh et où se trouve-t-elle ? Quelque part dans le ciel ? Et comment ferais-je pour l’ouvrir ? En lui offrant mon plus beau sourire ? Ironisa Anna.
-Regarde mieux ! Elle est là, sous tes yeux !


A nouveau Pierre ne mentait pas. Anna plissa les yeux, les ferma à plusieurs reprises pour être certaine, mais cette porte était bien présente, sur le dôme gelé. Machinalement elle chercha une poignée mais elle fut rapidement déçue. A nouveau elle se concentra pour plier Ahtohallan à sa volonté, mais rien n’y fit, la porte restait verrouillée.


-Qu’y a-t-il derrière ?! Je n’y arrive pas c’est un enfer !
-Seulement quelqu’un de bien… Derrière, tu trouveras le gardien !
-Que veut dire tout ça ?! C’est quoi ce charabia ?!
-Eh ho Anna! Ecoute moi ! Pour la déverrouiller, il suffit de lui demander. Et pour pouvoir réussir, la solution va te faire rire… Toi qui tout à l’heure affirmait, que ce petit sortilège te gonflait va nous être fort utile, car vois-tu pour atteindre l’Yggdrasil, Emma a choisi pour dernière sécurité, une tache qu’elle savait ou j’allais échouer…A la porte il suffit de demander en ayant pris soin que tes propos soient rimés…
-Attends quoi ? Ton petit jeu c’est pour ça ?!
-Cette chose je l’ai inventée, pas seulement pour m’amuser, je me doutais que tôt ou tard, cela servirait une Picéaerd ! Tu n’as plus qu’à te présenter… et laisser la porte décider !
-Voila, moi c’est Anna, et je me trouve face à toi. Je souhaiterai enfin découvrir. Tous les nombreux souvenirs cachés jadis par mon ancêtre, qui voulait les faire disparaître. Je t’en prie, laisse-moi voir, tous les secrets d’Emma Piceaerd…


Anna attendit quelques instants. Machinalement, Pierre s’était approché et nerveusement lui avait pris la main. Les secondes leur semblèrent une éternité et, tout à coup, la porte s’ouvrit violement. Un immense halo de lumière se dégagea du dôme des souvenirs, les aveuglant. Pierre et Anna détournèrent le regard et placèrent leurs mains sur leurs oreilles tant l’écho fut puissant. Une vive douleur parcourue alors la tête d’Anna. Elle luttait, essayait de regarder la paroi, mais elle demeurait baignée de lumière. Elle détourna le regard, Pierre semblait subir le même supplice. Avait-elle échoué ? Anna se maudissait et pourtant, au milieu du chaos, elle entendit une voix mélodieuse cette voix… oui il n’y avait pas de doute !

-Helga ! Helga ma chérie c’est toi ?!
-Anna ?! Souffla la voix que la rousse connaissait si bien.
-Helga !!! Helga !!! Tu peux traverser la porte ?! Helga rejoins-moi ma puce !!!


La jeune reine lutta contre l’intensité de la lumière et finit par discerner les contours d’une silhouette. La cadette d’Arendelle se raidit et prit une grande inspiration… Aucun doute possible ! Helga la fixait, de l’autre côté de cette porte.


-Tu es si brillante Anna, reine d’Arendelle ! Cinquième esprit, Fille d’Agnarr IV d’Arendelle et d’Iduna Picéaerd.
-Quoi ?! Helga mais pourquoi ce ton et ?... Quoi ? Moi cinquième esprit ?! Non… Elsa l’est ! Elle, et aussi mon petit frère Kaspian… et maman… et mamie…
-…Et toi aussi ! Ta sœur ne peut l’être sans toi, vous êtes toutes deux comme les deux côtés d’une passerelle, souviens toi ! N’oublie jamais Anna, qu’au même titre que les autres membres de ta famille, tu es bénie par cette responsabilité…
-Wow ! Eh bien, rester dans l’Helveg ça a le don de te changer ! Allez, viens avec moi Helga ! Fit Anna les larmes aux yeux.
-Helga… Si c’est ainsi que tu souhaites me nommer… Je t’en prie, ça ne sera pas mon premier surnom…
-Attendez quoi ?!... Helga ?!... Ce n’est pas toi ?... Mais alors… Mais vous êtes qui ?!
-J’ai porté bien des noms jeune Arendellienne… Tes plus lointains ancêtres eux m’ont appelé… le gardien !
-Attendez quoi ?! Le… Le gardien de l’Yggdrasil ? Mais comment est-ce possible ?! Emma vous a enfermé ici ?!
-Non… Pas exactement, disons qu’elle s’est…affranchie de mon contrôle à force de gagner du pouvoir… Viens jeune descendante de Pierre et Emma, je vais te montrer !
-C’est… C’est sans danger ?
-Aucun si tes intentions sont nobles ! Fit le gardien sous l’apparence de la fille d’Anna.


Tous deux marchèrent quelques secondes au milieu d’une clarté aveuglante. Le gardien observait Anna qui elle fuyait son regard.


-Qu’y-a-t-il ? Tu détournes les yeux ? Serais-je repoussant ?!
-Quoi ?! Oh non !! Jamais Helga ne serait…
-Helga ! Ah oui, permets-moi un petit détail qui va t’intéresser. Tu peux t’adresser à elle par moi, tu peux l’embrasser… Elle le sentira depuis l’Helveg ! C’est un des avantages d’être le gardien, je peux faire temporairement transiter les âmes à travers les univers…
-Quoi ?! Helga ?... Helga peut être là ?! Avec moi ?!
-Oui ! Oui maman ! C’est moi ! Je ne sais pas comment ça marche, j’étais dans l’Helveg et la je suis là… Tu sais, j’ai toujours ta berceuse dans ma tête depuis que tu es partie…


Anna ne put retenir plus longtemps ses larmes ! Sa petite Helga ! Elle était là ! Elle pouvait la voir, elle pouvait la toucher. Immédiatement elle lui sauta au cou et la couvrait de câlins et de tendres baisers. Elle oublia le temps, seule Helga comptait.


-Maman ?
-Oui mon trésor ?!
-Le monsieur qui m’a fait venir, il dit que tu as quelque chose d’important à faire, alors, il faut se dire au revoir…
-Oui… Au revoir ma puce… Maman t’aime très fort ! Fit Anna en l’embrassant à nouveau.
-Moi aussi maman !... Si… Si tu veux, le monsieur me dit que je peux prendre sa place pour te guider sur ce que tu dois voir avant que je ne rentre dans l’Helveg.
-Oui… Oui je veux bien… Souffla Anna.
-D’accord… Allez viens maman, suis-moi ! Tu dois savoir ce qu’il s’est passée quand Emma a découvert pourquoi elle est devenue la mère fouettarde. Je vais te révéler tous ses secrets !!!
-Quoi ? Toi ?!
-Oui !!! Je ne sais pas comment c’est possible, le gardien c’est comme s’il avait tout enregistré dans ma tête ! Je sais tout ! Et je vais tout te dire maman !!!


Helga guida sa mère et toutes deux furent comme aspirées. Anna put voir les actions d’Emma. Elle reconnut plusieurs éléments. Comment elle avait choisi le premier cinquième esprit Aren. Tout ceci elle le savait, Emma lui avait déjà montré. Helga lui fit un clin d’œil, c’était le moment de découvrir ce qu’Emma avait caché. Anna observait. Tout se passa en quelques secondes bien que la souveraine eût l’impression que cela dura des heures. La lumière finit enfin par disparaître. Anna se sentait nauséeuse. Elle ne savait ce qui la dégoutait le plus. Qu’Emma soit à l’origine de la première guerre entre les Northuldra et les Arendelliens en pervertissant Aren ? Comment elle a réussi à pervertir l’esprit des habitants d’Arnevik pour les transformer en bandits sans foi ni loi. Des bandits qui régulièrement ont attaqué les Northuldra et souvent fait couler le sang de Picéaerd qui gagnaient en sagesse et en pouvoir. Comment elle avait pu manipuler pour mener à leur perte les plus brillants esprits Picéaerds. Aucun n’était atteints de folie ou de malédiction. Mais chaque fois, Emma s’était chargée de les mener à leur perte. Pendant ce temps, la mère fouettarde, elle ne cessait de gagner du pouvoir, notamment grâce à Arnevik qui sombrait toujours plus dans le vice. De plus en plus de personnes à punir et le pouvoir d’Emma se faisait toujours plus puissant.
Anna avait aussi compris que tout n’était que mensonge. Emma à leur arrivée les avait rassurés sa sœur et elle à propos de l’avenir. Kaspian devait tout résoudre et la paix s’installer durablement, mais rien de tout ceci n’était prêt d’arriver ! Emma avait bien dit que ce futur était conditionné à des choix et Anna s’était amèrement rendue compte que ces choix auraient dû être orientés par des interventions d’Iduna dans l’enfance de son frère… Pendant toute cette période où Emma leur avait interdit d’entrer en contact ! Elle avait tout fait pour que le futur parfait n’ait jamais lieu !


-Elle? … Elle a tout détruit ? Déglutit Anna.
-Ce n’est pas tout maman !... Tu dois savoir pour la famille !


A nouveau Helga eût un petit geste et à nouveau l’aveuglante lumière frappa Anna. En l’espace d’un instant, elle vit Emma tapie dans l’ombre, alors qu’Andréas grandissait. Elle revit la vie de Mamie Anna, et, chaque fois, Emma n’était pas loin. Avait-elle provoqué directement les malheurs qui avaient frappé sa grand-mère ? Peut-être ? En tout cas, c’était elle qui guidait Andréas ! Plus tard, Anna la surprit dans la plaine des trolls. Elle susurrait des indications à Grand Pabby avant qu’Agnarr et Iduna n’arrivent, paniqués, la reine tenant sa fille cadette inconsciente. Pabby suivait les conseils d’Emma, il montra les pires aspects du pouvoir d’Elsa et fit germer la plus mauvaise idée possible dans l’esprit du roi, celui de couper Elsa du monde. Iduna en était meurtrie… C’était elle la nouvelle cible de la mère fouettarde. C’était elle qui avait fini par pousser Iduna à convaincre Agnarr d’entreprendre le périlleux voyage vers Ahtohallan… C’était elle qui avait envoyé la furie du Nokk contre le fier vaisseau royal…


-Assez ! C’est assez !! C’est un monstre ! Mais comment peut-elle être dans l’Hellheim après tout ce qu’elle a fait ?! Hurla de rage Anna.
-Maman ?!... Le monsieur qui me laisse sa place, il dit qu’il est impressionné et que tu es super super intelligente ! Enfin non il ne le dit pas comme ça, ça c’est moi qui le dis ! Mais il est d’accord ! Fit Helga en offrant un câlin à sa mère.
-Comment ça ? Demanda la jeune femme en se calmant.
-Qu’Emma soit dans l’Hellheim, il dit que tu poses la bonne question ! Elle n’y est pas !
-Attends quoi ?
-Non ! Toi tu y es ! Mamie, mémé, tatie Elsa vous y êtes et c’est un super endroit… Mais elle, c’est son Niflheim ! Au fond, depuis qu’elle est vue comme la mère fouettarde, elle déteste de voir les gens heureux, et dans l’Hellheim, il n’y a que ça ! C’est son tourment !
-Eh bien c’est une bonne chose alors ! Mais elle mérite pire que ça car elle nous pourrit l’existence ! Ce sont les limbes qu’elle mériterait !
-Maman…
-Il n’y a rien de bon en elle !
-Maman…
- Rien de positif !
-Maman ! Arrête ! Là le monsieur il dit euh… des choses pas super bien sur toi parce que tu dis ça, en fait, il dit que tu es stupide. Que tu dois te taire et regarder, je dois te montrer quelque chose !


Encore une fois, Helga aveugla Anna et la reine d’Arendelle put constater les propos élogieux qu’avaient tenu Pierre. C’était un passé lointain. Les premières années de distributions des cadeaux et punitions. Anna observait à quel point Emma pouvait se montrer sévère face à ceux qui s’aventuraient hors du chemin de la vertu et, comme il était agréable de voir que ces brebis égarées devenaient de bonnes personnes, humbles et reconnaissantes. Pour toutes, ce fut finalement une chance d’avoir un jour croisé la route de la mère fouettarde… Les exemples s’arrêtèrent avec Iduna, pourtant, les souvenirs ne s’arrêtèrent pas. Helga fit un sourire, Anna comprit, le gardien voulait poursuivre l’investigation. La jeune rousse observa et reconnu le château d’Arendelle et sa sœur Elsa :


« On réveille la reine des fées ! Elle brise le mauvais sort et les voilà tous sauvés ! » Lança l’ainée avec une figurine de glace qui lui ressemblait.


La cadette, elle ne pensait qu’au mariage et aux baisers tandis qu’Agnarr lui, approuvait les dires de la princesse héritière. D’autres souvenirs remontèrent, chaque fois, la jeune Elsa se présentait telle une reine, montrait son pouvoir. Anna était mal à l’aise. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle ne se souvenait pas que sa sœur se montrait si intéressée par l’attrait du pouvoir. Enfant, elle admirait sa sœur et ne voyait pas ce défaut, mais en cet instant, elle n’avait qu’une envie. Attraper la fillette blonde pour la remettre à sa place. Au lieu de ça, Agnarr lui applaudissait au contraire ce comportement. Anna en était écœurée, elle voulait hurler contre son père. Soudain le souvenir disparu. Elsa n’était plus là, il n’y avait qu’Anna qui jouait avec ses poupées tandis qu’Iduna lisait non loin. Comme sa sœur, la petite rousse commença à se vanter de son pouvoir de princesse mais le jeu ne dura pas. Iduna intervînt rapidement, l’enfant soulevée et quelques instants plus tard, une cuisante correction maternelle d’abattit sur le derrière de la petite rousse suivi d’une longue leçon de morale. Anna continuait d’observer, elle se souvenait de ce jour, elle dévisageait gênée le gardien sous les traits d’Helga alors que tout se mit à disparaître.


-Tu vois maman… Toi tu as été punie et comme ça tu sais qu’il ne faut pas être fière du pouvoir, mais tatie elle ne l’a jamais appris !
-Je vois… en effet…
-Le monsieur me dit de te demander si tu as compris pourquoi je t’ai montré ceci, l’une punie et l’autre pas, sans que la mère fouettarde n’intervienne ?
-Surprends-moi Helga ?!
-Qui a eu finalement le plus de chance… Tatie qui n’apprend pas, ou toi ?
-Mes fesses auraient bien répondu ta tante mais je suppose que c’est moi !
-Tout juste maman ! T’es trop forte ! Eh bien Emma elle est comme Elsa ! Enfin, sauf que tatie elle n’a pas fait autant de bêtises qu’Emma c’est sûr ! Mais l’une comme l’autre n’ont pas eu quelqu’un pour les aider à rester sur le droit chemin… Même si ça ne fait pas plaisir ! Emma est éprise de justice, mais personne n’a pu l’appliquer à elle ! Si elle avait rencontré une mère fouettarde, elle aurait sans doute changé ! Le gardien dit que c’est ta mission maman !!
-Quoi donc ? De trouver Emma et de lui mettre une fessée déculottée pour lui faire comprendre que ce qu’elle a fait est mal ? Ironisa Anna.
-Bah le gardien dit que c’est presque ça en fait ! Il faut aider à remettre Emma sur le droit chemin. Lui faire ouvrir les yeux sur l’absurdité de sa vengeance mais au contraire, lui faire comprendre qui des deux, avait le rôle le plus noble… Maman, il dit que c’est la destinée de Pierre et Emma que tu dois aider à accomplir !
-Moi ?!
-Oui… Il compte sur toi… Pour tout réparer ! Fit Helga alors qu’un long silence s’installa.
-C’est le moment où l’on doit se quitter toi et moi ? N’est-ce pas Helga ?
-Oui… Mais tu le sais maman, on ne se quitte jamais vraiment…Et on se reverra !
-Je l’espère mon trésor ! C’est mon vœu le plus cher !
-Le gardien me dit de te dire, qu’il n’oublie jamais rien…
-Et qu’est-ce que ça veut dire ?
-Je ne sais pas… Qu’il n’oublie rien je suppose ! Maman ?! Donne-moi la main !
-Pourquoi ?
-Il va nous ramener là où nous devons être toi et moi… Mais il dit que nous avons une heure ensemble avant ! C’est chouette non ?!
-Une heure ?! Pour moi j’y vois une éternité ! Que veux-tu faire ma princesse ?
-… Je voudrais un bonhomme de neige… Siffla Helga.


L’éternité ne dura qu’une heure. Anna tenait toujours la main de l’enfant et crut s’endormir. La seconde d’après, elle se sentait doucement secouée, une odeur de chocolat près d’elle. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Pierre était à ses côtés.


-Anna ? Tu es avec moi mon enfant ? Anna, réveille-toi maintenant !
-Pierre ? Mais quelle est cette maxime ?... Ne me dis pas que nous continuons nos rimes !?
-Non sur ce point rassure-toi, les effets ne sont plus là, si rime il y a, cela ne vient que de toi !
-Dis-moi ?... Très vieux grand papa… Tu… le fais exprès n’est-il pas ?! Hésita Anna qui se rendait compte que le sort était bel et bien levé.
-Avoue… On y prend gout à ce jeu un peu fou ?!
-Pas vraiment ! Dis-moi, nous partons quand, chez les vivants !
-Chez les vivants ?... Hélas seulement dans un an !
-Dans un an ?!
-Dans un an… Conclut Pierre d’une voix triste.


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Sur les berges des terres gelées, vêtue de sa capuche noire qui lui garantissait son anonymat, elle avançait sur la banquise d’un pas décidé. Elle venait juste d’arriver, transportée par le zéphyr et avait une mission à accomplir.


-Ah vous voilà ! Je ne vous attendais plus !
-Andréas ! Ne devrais-tu pas chercher ce que tu sais ?!
-Je me languissais de votre arrivée, et si je peux éviter quelques instants la compagnie affreuse de cette maudite duchesse… un accident est si vite arrivé vous savez ?! Indiqua Andréas en sortant son arme.
-Pas encore ! Andréas ! Trouve-la ! Et tous les deux, rendez-vous à cet endroit précis ! Fit la personne en indiquant un point sur une carte.
-Ici ?... C’est l’endroit où je m’étais réfugié quand Amarok a massacré ce peuple ! Il n’y a rien là-bas !
-As-tu vérifié ?
-A quoi bon ?
-Je ne sais pas ? Peut être celui que je vous ai demandé de trouver un objet depuis des semaines et que vous piétinez ! Allez-y ! Ordonna la femme.


Andréas ne trouva rien à répondre à part un soupir de mécontentement. De mauvaise grâce il s’en retourna. Elle put entendre au loin les remarques acerbes échangées entre le frère adoptif d’Anna Picéaerd et la duchesse de Funningur. Elle n’en avait que faire. Ces deux-là pouvaient bien s’écharper peu importait. Bientôt elle aurait sa réponse. Celle-ci ne tarda pas. Au bout d’une demi-heure. Elle vit approcher au loin, Pabby, Maria, Karl et Andréas à leur tête avec un immense sourire. L’ancien frère Picéaerd toisa fièrement son acolyte.


-Ma chère… les cahiers d’Elysia !
-Ce n’est pas croyable. Elle n’avait pas menti, elle est vraiment de notre…
-Qui ça ? Questionna Andréas.
-Peu importe ! Enfin nous allons pouvoir avancer !
-Grace aux cahiers écrits par cet abruti ?!
-Cet abruti qui en bon fils Sappos, a consigné les récits et légendes de sa famille depuis les origines… Elles sont bien romancées, mais pour ceux qui savent lire entre les lignes… Commença la personne, en griffonnant sans vergogne les pages écrites jadis.


Intrigué, Andréas se risqua à lire par-dessus l’épaule de la femme et son visage s’éclaira.


-Oh ?!... Bruni !?
-Bruni !! Confirma-t-elle
-Et qu’est-ce que c’est ? Vous parlez de votre petit jouet qui fait des flammes ?! Ironisa Maria.
-Il s’agit de la puissance des esprits de la nature espèce de pauvresse ! C’est bien trop pour votre esprit étriqué de politiciens ratés ! Si vous avez un peu de dignité, vous et l’imbécile heureux qui vous sert d’époux devriez partir et vous terrer loin ! Railla Andréas.
-Oh mais c’est qu’il mordrait le petit orphelin …
-… Comme vous !
-Non mon ami, moi au moins, je suis Picéaerd… par le sang ! Pieter Picéaerd était mon grand-père !
-Pardon ?! Coupa la personne encapuchonnée sincèrement surprise.


Heureuse de son effet, Maria dévoila de son corset mal ajusté des papiers jaunis, arguant qu’elle avait fini par les découvrir dans les archives les plus secrètes des royaumes. La personne, les parcourut constatant avec amertume que Maria disait vrai.


-Vous n’allez pas croire cela ?! Objecta Andréas furieux.
-La question n’est pas là ! Andréas, j’ai besoin de tes talents ! Tu sais capturer notre ami le reptile ?!


Le Northuldra fou ne répondit pas, heureux de ne pas avoir à affronter la duchesse qui jubilait. Bien au contraire, il comptait servir la personne avec bien plus de zèle. Il se devait de montrer qu’il était le seul digne d’être au service de la glorieuse destinée de la personne encapuchonnée et atteindre à ses côtés la puissance tant convoitée, et non de vulgaires titres de petits seigneurs cupides. Grâce aux incantations, Andréas finit enfin par appeler Bruni. La personne n’hésita pas une seconde. Elle appliquait les lectures changées des cahiers d’Elysia. Aussitôt ; Bruni se tortilla. La salamandre semblait tiraillée comme si une partie de lui cherchait à quitter son corps. Le reptile eut un dernier cri et tomba inconscient ; le symbole du feu, disparut de son dos. La personne observa sa main, tatouée du symbole de l’esprit. Impatiente, elle s’approcha d’une buche non loin et posa sa main. L’instant d’après, le bois s’enflamma alors que la personne ne put réprimer un rire de victoire.


-Enfin ! Nous allons pouvoir commencer !
-Formidable ! Et vous comptez du coup bruler toute la forêt des Picéaerd ? Peu subtile comme stratégie pour gagner… Laissez-moi vous montrer comment nous pouvons manipuler les foules pour que la tête des Picéaerd finisse par rouler à nos pieds ! Susurra la duchesse.
-Franchement, pourquoi la garder dans l’équipe ? Comme si le plan pouvait être aussi stupide et simpliste ! Les Northuldra ont encore Kaspian ! Et Elsa est avec eux ! Avec sa magie de glace elle peut vaincre le pouvoir du feu !
-Quoi ? Cette floconnette vous fait peur ?! Je me ferai un plaisir de l’écraser comme un moucheron ! Je pourrais la mener par le bout du nez cette petite écervelée ! Je prendrais leur pouvoir ! Insista la duchesse.


La personne encapuchonnée observa Maria avec colère. Elle n’appréciait guère l’assurance de la tentatrice et son ambition était dérangeante. Et pire encore désormais ce curieux lien de parenté avec la famille Picéaerd.


-Floconnette ?! Ne vous a-t-on jamais dit qu’il ne fallait pas sous-estimer un adversaire ! Surtout un adversaire de la famille Picéaerd !
-Mais j’en suis moi-même une ! Les Picéaerd ne sont pas dangereux ! J’aurai pu écraser ces pauvres cloportes et contrôler toutes ces terres si le rocher qui vous sert de gardien ne m’en avait pas dissuadé ! Lança la duchesse en désignant Pabby qui n’avait pas pipé mot.
-Justement ! Vous avez raison ! Et puis vous êtes une Picéaerd après tout ! Faisons cela Maria ! Vous et Pabby ! Partez rejoindre votre fils à Kraberg ! Lancez vos intrigues ! Faîtes cela comme il se doit, et je vous donne ma parole, je vous laisserai jouer tant que vous voulez avec la petite reine des neiges !
-Quoi ?! S’offusqua Andréas de se voir ainsi écarté.
-Et oui… Désolée mon biquet ! On t’appellera pour chasser un renard ! Ironisa la femme.
-Partez Maria ! Allez accomplir ce destin ! Emmenez votre mari, il faut que le duc soit là pour vos intrigues… Et Pabby !


La personne avait parlé avec autorité et le couple obéit avant de se mettre en route. Grand Pabby observa puis soupira.


-Puisque c’est ainsi que doit s’écrire la destinée… Je vous dis adieu… Fit le troll avant de rouler vers le couple détestable.
-Adieu ?... Pourquoi ?! Et pourquoi leur confier cette tâche ?! Ne suis-je pas celui qui doit être à vos côtés ? Vous m’aviez promis que je n’étais pas un pion ! Vociféra Andréas.


La personne ne répondit pas et se contenta de fermer les yeux avant de bouger sa main. Un grand craquement se fit alors entendre. Apeurés, Maria et Karl se stoppèrent inquiets. Ils n’eurent le temps que de jeter un dernier regard vers Andréas et la personne que celle-ci fit un geste rageur. La glace des terres gelées se brisa sous un déluge de flammes et la plaque sous les pieds des Weselton et du troll se disloqua pour tous les entraîner dans une chute vertigineuse sur les éperons rocheux qui bordaient les rives des terres gelées. Andréas accourut quelques secondes plus tard et observa la mer en contrebas. Il ne put que voir les corps disloqués rejetés sur le rivage et le rocher que constituait Pabby, lui aussi brisé en plusieurs morceaux.


-Quoi ?!... Pourquoi ?! Vous m’aviez promis qu’elle serait à moi ! Hurla Andréas.
-Oups ?!... Je suis désolée, mais vois le point positif mon cher Andréas… Je viens de te prouver que tu n’étais pas un pion… Contrairement à eux !... Et puis désormais, il n’y a plus que toi pour parfaire l’éducation lacunaire de ton fils… Alors, mon cher associé, et si nous nous mettions au travail ?
-Avec joie… Emma, maîtresse des flammes. Fit le Northuldra en s’inclinant !

Chapitre 26 : Le feu des Sappos


-Mais ce n’est pas vrai ! Mais ce n’est pas vrai ! Mais ce n’est pas vrai !


Anna vociférait et effectuait les cent pas dans les jardins d’Arendelle alors que toute sa famille l’observait consternée. La lourdeur du poids sur ses épaules confiée par le gardien, le terrible aveu de Pierre sur l’attente de leur prochain départ, mais là, ce fut le coup de grâce. En guise de présent, le gardien de l’Yggdrasil avait confié à la furie rousse un miroir fait de la glace d’Ahtohallan. Sur l’instant, la jeune femme ne s’en était pas rendue compte, jusqu’à ce que le bonhomme de neige Olaf ne lui demande sans cesse ce que pouvait être le curieux pendentif à son cou.


-Quoi ? Mais… Mais ça n’est pas à moi et… Mais qu’est ce que c’est que cette chose ?
-Ca ma petite, c’est un petit souvenir de notre ami que tu as rencontré… Jadis il en avait confié un également à celle dont tu dois te charger. Souffla Pierre.


Le patriarche avait parlé par énigmes, à défaut d’être en rimes, mais Anna le comprit aussitôt, pas peu fière alors qu’habituellement c’était elle qui peinait à comprendre les références. Elle était cette fois heureuse d’être la seule capable de traduire ce curieux langage. Machinalement elle observa l’objet et constata qu’il s’agissait bien d’un miroir. Lentement, la petite rousse passa son doigt et sentit la froideur de l’objet.


-Une glace… en glace d’Ahtohallan… C’est ce que tu te disais n’est-ce pas ?
-Euh… Oui… Je… Je crois. Suggéra Anna sans idée.
-Ca n’est pas un hasard si tu l’as… Cet objet aura sans doute son importance Anna pour aider nos desseins.
-A part vérifier si je n’ai pas une brindille dans les cheveux, je ne vois pas en quoi ce miroir va changer nos destins ?
-Les changer peut-être pas ?... Les éclairer en revanche… Anna, c’est une glace d’Ahtohallan ! Dis-toi que tu as désormais le dôme du glacier, dans le creux de ta main ! Coupa Pierre.
-Attends quoi ? Tu veux dire que…
-Eh bien tu n’as qu’à essayer pour vérifier !


Intriguée, Anna plongea son regard dans la glace d’Ahtohallan et se concentra comme le faisait jadis mamie Anna face au dôme. Le miroir ne tarda pas à répondre et Anna put voir dans le creux de sa main, un vieux souvenir d’enfance où sa sœur et elle qui s’inventaient des histoires enneigées dans la forêt enchantée. Encouragée par cette réussite. Anna se concentra à nouveau sur un élément. Elle avait bien pensé à demander l’Helveg mais Pierre lui avait fait comprendre qu’elle avait besoin de préparer leur destin ; aussi elle se concentra sur le monde des vivants.


-Entraîne-toi Anna ! Encouragea Pierre avant de poursuivre. Tu as trois jours pour te perfectionner avant notre départ !
-Notre départ ? Mais ? Mais où allons-nous ?
-Mais… Dans le monde des vivants bien entendu !
-Le monde des… Mais ? Si vite ?! Mais pourquoi m’avoir dit un an ?!
-Mais c’est le cas Anna ! Je pensais que tu avais compris désormais ! Le temps ici et là-bas ne s’écoule pas de la même façon ! Leur prochain noël aura lieu dans trois jours pour nous ! D’ici là, surveilles les grâce au miroir !
-Surveiller quoi ?
-Tout ! Je compte sur toi Anna ! Nous nous retrouverons dans trois jours !
-Quoi ?! Non Pierre tu ? Tu m’abandonnes ?!
-Non ma petite… Mais il me faut bien préparer la nouvelle tournée de cadeaux non ?! Susurra Pierre d’une voix amusée.


Anna resta interdite quelques instants avant que son arrière-grand-mère paternelle ne vienne à sa rencontre laissant à Kristoff le soin de s’occuper des enfants.


-Un bien curieux personnage n’est-ce pas ce Pierre ? Fit Iduna Sappos en posant une main amicale sur l’épaule de la jeune rousse.
-Hein ? Quoi ?
-Je le côtoie depuis mon trépas, ne t’en fais pas, il ne reste jamais longtemps en notre compagnie… Un jour si tu es sage, il te montrera peut-être son atelier de jouets ! Après tous ces siècles, il n’a jamais failli à sa tache ! Malgré tous les drames, toujours il a su à la bonne date apporter la joie à ceux qui le méritaient ! Alors il faut lui pardonner son impolitesse de nous quitter de manière si cavalière.
-Il n’est… Jamais resté avec vous ? C’est triste pour lui…
-Pas du tout ! Gronda Iduna Sappos.
-Pardon ? J’ai ?... J’ai dit une bêtise ? Demanda Anna surprise de ce ton autoritaire.
-Je devrais te gronder en effet ! Tu fais partie de la famille Sappos toi aussi ! Et tous les Sappos se transmettent les histoires de Pierre !
-C’est ?... C’est ce qu’il y a dans les cahiers de papy ?
-Ah ! Tout n’est pas perdu ! au moins tu sais ça !
-Mamie Anna ne m’en a jamais parlé
-Normal ! Ta grand-mère te raconte l’histoire des Picéaerd, ça aurait du être le travail de ton grand père ! Et … Je te remercie d’ailleurs de vouloir à nouveau lui parler, pour ne pas oublier !
-J’aurai souhaité faire plus mémé… Mais papy comme Mamie eux ont oublié ! Fit Anna d’une toute petite voix.
-Tu n’as pas à t’en vouloir pour ça… Nous le savons depuis des siècles que nos familles ne peuvent se côtoyer réellement… Pourtant ton arrière-grand-mère et moi avions prouvé l’inverse ! Nous étions meilleures amies. Inséparables ! Presque comme des sœurs ! Nous nous étions promis d’unir nos familles ! Mais ton arrière-grand-mère avait su être sage, et allumer la coupole de ta grand-mère avec Amarok… Certes il est mon fils, mais, jamais considéré comme un Sappos, mais bien de la famille des chefs Northuldra comme son père ! C’était astucieux ! Sappos et Picéaerd, indirectement réunis… Ta grand-mère a su elle, faire ce que nous n’avons pas osé, bien que je l’eusse regretté de ne l’avoir fait moi même ! Mais au final, il faut croire que le destin reste le plus fort. Si cette union s’avère finalement impossible, elle a pourtant eu lieu. Ta mère en est le fruit… et toi aussi ! Comme ton frère et ta sœur ! Nos familles ne font quoi qu’il arrive plus qu’une ! Si le prix à payer est qu’ils ne doivent plus jamais être ensemble, de vous voir est une douce consolation malgré tout.
-Je… Je crois que je comprends mémé…
-Ne m’appelle pas ainsi ! Je ne suis pas si vieille que ça ! Et peu importe ! Ma petite Sappos, notre cher Pierre semble t’apprécier ! Il est plus que temps de parfaire ton éducation familiale ! Les enfants ! Venez je vous prie.


Tels de bons petits soldats, le fruit de l’amour des autres vies de sa sœur et Kristoff, ainsi que son oncle Olaf se rangèrent bien sagement auprès de l’ancêtre Sappos. Anna eût alors un pincement au cœur… Tous ces visages qu’elle aimait tant, elle savait qu’il en manquait une… Une qui se trouvait trop loin pour qu’elle puisse l’atteindre.


-Mes petits Sappos, vous rendez vous compte, Anna ne sait rien de l’histoire de notre famille ! S’amusa Iduna en surjouant.
-Quoi ?! … Tu veux dire qu’elle ne sait même pas pour le feu Sappos ?! Intervînt un des enfants.
-Le quoi ?! Balbutia Anna.
-Non ! Anna ne me dis pas que même ça t’es inconnu ! Gronda Iduna.
-Euh… Si… Souffla-t-elle d’une petite voix.
-Elysia !
-Oui maman ?... Questionna-t-il inquiet.
-Comment as-tu pu ainsi faillir à ta tache ?! Gronda-t-elle en lui assenant une petite tape sur la tête, dans un geste surjoué qui provoqua l’hilarité des enfants.
-Oh bah je comprends pourquoi maman elle est furieuse contre toi papa de rien avoir raconté ! Maman elle, elle nous a toujours tout dit sur la famille ! C’est pour ça qu’elle t’a dit de pas revenir à la maison et qu’elle veut te donner une grosse gifle si elle te voit ?! Intervînt Olaf avec candeur.


La remarque de son oncle plongea Anna dans un certain malaise. L’enfant ne pouvait se douter !


-C’est… Hum, un peu plus compliqué que ça mon petit bonhomme de neige si ta mère et moi… Mais qu’importe ! Mamie Iduna t’a tout raconté n’est-ce pas ?
-Oui ! Mais pourquoi ce n’est pas toi qui en a parlé à grande sœur Iduna ?!
-Je…
-Tiens oui… C’est une bonne question ça Elysia que te pose ton fils ?!
-Il ne le voulait, maman a essayé de lui prendre ses cahiers mais l’a regretté et… J’ai dit quoi ? Souffla Anna qui ne savait pourquoi elle était intervenue.


Elysia plongea un regard froid et dur vers sa petite fille qui sentit son malaise grandir. Jamais elle n’aurait pu imaginer que son grand père puisse paraître si sévère. Elle se mordit machinalement la lèvre. En cet instant, la furie rousse comprit soudain pourquoi sa mère Iduna, pourtant si remuante, n’hésitant pas à défier Mamie Anna se montrait aussi doux qu’un agneau face à son père…


-Anna… Elle ne souhaitait pas qu’Iduna le sache… Avoua Elysia
-Et tu as accepté ça ?... A renier ainsi tes origines familiales ?! Gronda sa mère.
-Non… J’imaginais surtout que cela fut temporaire… Puisqu’elle semblait rejeter le chamanisme même si aujourd’hui, sachant ce qu’elle est… J’ai quelques doutes… Concéda Elysia.
-Peu importe ! Mon petit Olaf, et si tu rattrapais l’erreur de ton cher papa pour apprendre à ta nièce ce qu’est notre famille ?
-Oh oui mamie pas de problème ! Tu dois te demander pleins de choses Anna mais t’en fais pas c’est très simple ! C’est l’histoire de deux familles ! L’une avec le pouvoir d’offrir des cadeaux, l’autre celui de distribuer des punitions, leur passion commune, rendre le monde meilleur…
-Eh Olaf ! Attends ! Moi aussi je sais raconter les histoires comme ça ! Pas vrai Anna ! Lança soudain le bonhomme de neige attiré par le ton employé par le garçonnet !
-Excellente idée ! vous ne serez pas trop de deux Olaf pour cela ! Conclut Iduna.
-Seigneur !


La furie rousse blêmit alors que son jeune oncle et l’être de neige l’entrainaient au loin et commençaient chacun un curieux monologue. Kristoff fut pris de compassion pour sa chère et tendre et s’empressa de l’accompagner pour la soutenir dans l’épreuve des Olaf. Cependant, à la grande surprise de la souveraine, les deux comparses ne furent pas insupportables et leur narration se trouva être étonnamment fluide. Anna avait alors retrouvé ses cinq ans et écoutait impatiente d’en savoir plus, comme lorsque son père ou sa mère prenaient le temps de lui raconter de merveilleux contes de fées, seul moyen de la faire arrêter ses parties de neiges endiablées avec Elsa et, plus tard, la faire aller au lit. L’histoire fut belle, Anna apprit avec amusement la légende qui fit passer ce bon vieux Pierre Sappos par la cheminée des maisons pour y déposer les précieux présents, et d’une curieuse course au feu entre lui et la mère fouettarde qui elle voulait éteindre les cheminées pour n’y laisser que du charbon. Les Sappos semblaient très fiers de leur histoire et la haute lutte entre Pierre et Emma, même si la mère fouettarde n’était jamais nommée par son nom. Anna demeura cependant interdite. Emma Picéaerd était présentée ici comme un monstre. Un monstre que le père Noël se devait de vaincre pour conserver la chaleur des feux de cheminées. Bien sûr Emma était un monstre, Anna le savait mais quelque chose n’allait pas. Jamais Pierre n’avait employé ce terme pour la désigner ! Bien au contraire, malgré tout ce qu’elle pouvait être devenue, il se montrait clément et ne cessait de dépeindre ses qualités.


-Attendez… Mais pourquoi Emma est montrée comme une méchante dans ce que vous me racontez ? Demanda Anna.
-Ca n’est qu’une histoire Anna, une inspiration de la réalité. Intervînt Elysia qui avait fini par les rejoindre.
-C’est-à-dire ?
-Est-ce que tout ça s’est vraiment passé ? Peut-être ! Passé ainsi, très honnêtement j’ai des doutes ! Tu sais, c’est une très vieille histoire de famille que les parents racontent à leurs enfants. Ca n’est qu’en arrivant ici, dans le monde des morts que j’ai pris conscience qu’elle pouvait être vraie ! De mon vivant, jamais je n’aurai pu accepter une seule seconde l’idée que le fondateur de ma famille soit le père noël en personne !
-Vraiment papy ?
-Vr… Vraiment ! Bredouilla-t-il
-Papy… Tu mens ! Chez les Picéaerd on ne sait pas mentir, et mamie nous a bien dit que c’était encore pire chez les Sappos !
-Tu… Tu as raison, bien sûr que j’y croyais ! Même si ça paraît fou, par contre, je me doutais qu’à force, l’histoire était devenue plus imaginée que réelle… Ce qu’ils t’ont raconté, c’est ce que j’ai écrit dans mes vieux cahiers… N’est-ce pas Olaf ?! Fit Elysia avec un regard sévère.
-Oui papa ! Une fois on a fait une promenade avec mamie Iduna pour qu’elle nous montre où tu avais grandi, et je les ai trouvés ! Elle m’a dit ce que c’était et m’en a fait la lecture tous les soirs ! Alors ce n’est pas ma faute si t’es fâché ! Et puis d’abord, mamie elle a dit que c’était toi qui étais vilain de ne pas nous en avoir parlé ! Répondit l’enfant peu impressionné par la sévérité paternelle.


Le regard du Sappos se durcit toujours plus vers son jeune fils. Olaf le bonhomme de neige pour une fois restait mutique et préféra se cacher derrière la robe d’Anna elle aussi mal à l’aise. Si elle avait parfois pu affronter le regard sévère d’Iduna qu’elle reconnaissait dans celui d’Elysia, jamais il n’avait paru si dur. La jeune femme se disait intérieurement qu’en pareille circonstance, elle aurait sans doute fondu en larmes avant même qu’Iduna ne lève la voix ou la main face à cette sévérité mais pas Olaf. Le bambin lui ne sourcillait pas alors que son père, mains sur les hanches se penchait vers lui.


-Ta grande sœur avait du caractère… Mais elle ne t’arrive pas à la cheville mon bonhomme ! Et tu as bien raison, s’il y en un qui doit se faire disputer…c’est bien moi. Sourit Elysia dont le visage redevînt doux et jovial alors qu’il prenait son fils dans les bras pour l’embrasser.
-Ho ! Ho ! Moi aussi j’aime les gros câlins ! Lança le bonhomme de neige pour se joindre sans gêne à l’étreinte paternelle.
-Allez mon bonhomme, je dois parler à ta nièce ! Comme tu as bien raconté, et si tu allais fouiner dans la cuisine trouver des chocolats et des gâteaux ?! S’amusa le père.
-Troisième placard de droite quand tu regardes les fourneaux, dans une boîte en fer rouge où il est écrit lentilles noires… Ah Gerda ! comme si elle pensait que ça allait m’arrêter ! Fit Anna avec malice se souvenant de ses nombreuses opérations secrètes pour chaparder des confiseries au nez et à la barbe de la domestique.
-Ah non… C’est plutôt deuxième placard de gauche dans la boite de savons !
-Eh !!! Petit monstre, ça c’est ma cachette !
-Eh on ne parle pas comme ça à son tonton ! Dis-lui papa ! Fais-lui tes gros yeux ! Rétorqua Olaf en lui tirant la langue.


Anna bougonna alors que l’enfant espiègle se libéra des bras de son père, bien trop intéressé par les gourmandises, rapidement suivi par son homologue de prénom. La création d’Elsa avait beau être fait de neige et de glace, il n’en demeurait pas moins, un incorrigible mangeur de sucreries ! Elysia et Anna les observèrent s’éloigner amusés, bien que la jeune souveraine soit inquiète de savoir que sa réserve allait être pillée.


-Bien… Soyons plus sérieux veux-tu ? Dans ces cahiers, j’ai voulu inventer une histoire un peu héroïque, pour glorifier Pierre… Mais quand je l’ai écrite, je ne savais pas qui était la mère fouettarde. A la naissance de ta mère, je l’ai fait lire à ta grand-mère qui elle savait évidemment qui était Emma. Naturellement, cela peut se comprendre, elle n’aimait guère l’idée que l’on présente la fondatrice de sa famille comme la méchante d’une histoire alors, elle a refusé que je la raconte à ta mère ! J’étais d’accord. Toute cette lutte… Monter nos deux familles l’une contre l’autre, ça n’avait aucun sens pour ta mère ! J’avais écrit une belle histoire pour la famille Sappos, mais il fallait désormais tu t’en doutes tout recommencer… C’est pour cette raison que ta grand-mère et moi ne voulions pas que ta mère tombe sur cette histoire…
-Et ce que tu as appris toi ?... Ça racontait quoi du coup ?
-Oh ?... Plus une question d’union entre le père noël et la mère fouettarde par le feu ! Le père noël réchauffe les cœurs, il garantit le feu dans les foyers tout l’hiver, comme si Bruni était avec lui. La mère fouettarde elle punit ! Et ce grâce au charbon ! Un produit du feu ! Ils sont complémentaires et opposés. Gamin j’ai fait des recherches là-dessus et je dois l’avouer, je préférais une histoire ou notre ancêtre était un héros contre sa pire ennemie… Concéda Elysia.


Anna ne répondit pas, subjuguée par les propos de son aïeul. Sa mère, sa sœur et sa grand-mère n’étaient parties que depuis peu, mais elle prit soudain conscience qu’elle n’avait finalement pratiquement jamais eu d’instants de complicité avec son grand père. Pourtant, maintenant qu’elle prenait ce temps, elle se rendit compte à quel point sa mère qu’elle admirait tant pouvait avoir de points communs avec Elysia. Anna pensait qu’Iduna ressemblait à Mamie Anna pour la sagesse, la capacité à éduquer et raconter des histoires mais elle se rendait compte que la souveraine d’Arendelle ressemblait en réalité bien plus au Sappos qu’elle ne l’aurait cru.


-Et du coup, pourquoi Pierre est parti ? C’était ça que mémé devait me raconter !
-Mémé ? Ne dis jamais à une Sappos ! Eh bien Pierre se charge dans son atelier de raviver le feu sacré de Noël… Il conserve précieusement une flamme de Bruni, c’est avec ce feu qu’il réchauffe les foyers !
-Il maîtrise le feu ? Comme Elsa maîtrise la glace ?!
-Non Anna ! Pas du tout ! mais notre famille a toujours été amie avec Bruni, comme ta mère peut l’être avec courant d’air, ta grand-mère avec les géants, ou ta sœur avec le Nokk… Rien d’étonnant pour elles d’ailleurs ! Elles sont cinquième esprit !
-Oui et aussi avec Bruni…. Elsa est complice avec depuis qu’elle s’est retenue de transformer la salamandre en glaçon…
-Oui, les cinquièmes esprits s’entendent toujours avec tous les êtres de la nature… Mais je te parle d’une connexion toute particulière ! Chaque cinquième esprit en a un avec une des formes élémentaires… Eh bien ce lien, on le retrouve souvent dans la famille… Même si nous ne sommes pas cinquième esprit !
-Ah oui ? Tu l’as toi ?
-Moi ?... Non, pas particulièrement je le crains, peut être parce que je ne m’y suis pas assez intéressé… C’était à ta grand-mère de tisser les liens après tout avec les éléments… Moi je ne faisais que suivre !
-Et tu ne trouves pas ça bizarre que les Sappos aient ce lien ?
-A vrai dire… ça ne m’étonne pas du tout Anna ! Chose très curieuse, tous les cinquièmes esprits tissent des liens avec un esprit… Mais jamais avec la salamandre ! Tu sais que je finis par me demander si le gardien qui a attribué le rôle de cinquième esprit n’a pas fait exprès de séparer ce lien, pour ne pas qu’un jour quelqu’un tente de tout contrôler, comme a voulu le faire Andréas…


Machinalement la remarque fit sursauter Anna qui posa sa main sur sa poitrine. Soudain elle ressenti le contact froid du petit miroir offert par le gardien. D’instinct, la furie rousse le ressorti alors que son grand père poursuivit sa démonstration. Pourtant Anna ne l’écoutait plus. Au bout de longues secondes, Elysia s’en rendit compte.


-Oh je vois… Je te laisse Anna, tu as des choses importantes à faire.
-Quoi ?! Je … Non pas du tout ! Je t’écoute et…
-Tu l’as dit ma petite… Nos familles ne savent pas mentir ! … Ahtohallan t’appelle ? Ne t’en fais pas, j’ai subi ça toute ma vie, je suis habitué désormais ! Fit Elysia avec un sourire.


Son grand père était si compréhensif. Anna s’en voulait de le congédier ainsi et aussi de n’avoir pas pris le temps de mieux le connaître. Il était un exemple !


-Papy ! Attends !
-Quoi ?
-Tu… Tu viendras avec moi ?... là-bas ?!
-Là-bas ?... Oh… Tu veux dire… T’accompagner pour ton destin ?! Si tu le souhaites, je te suivrais avec plaisir ! Si tu veux bien m’excuser ! je vais voir ma mère ! Je vais lui expliquer comment activer Ahtohallan, ainsi, elle pourra rendre visite souvent à Helga quand nous serons partis si c’est ce que tu souhaites… Alors, puisque je te vois avec ce miroir. Oserais-je te demander de te retenir encore un peu de la voir ? Cela facilitera les choses pour préparer ma mère !
-Mais elle est chamane aussi !
-Bien sûr ! Mais jamais encore nous n’avons tenté de voir quelque chose depuis Ahtohallan alors qu’une autre personne le regarde aussi de son côté… Evitons de risquer de compliquer les choses tu ne penses pas !?
-Si… C’est malin d’y penser papy !
-Prévoyant surtout ! Je te ferais signe ! S’amusa Elysia.
-Papy attends ?!
-Encore ? Eh bien, tu es bavarde comme ta mère toi quand tu t’y mets ! Elle était comme toi enfant ! Ca la prenait tout à coup, elle voulait me dire tant de choses, on pouvait y passer presque toute la nuit ! Je peux te dire que ta grand-mère était furieuse. Tout à fait entre nous, je me demande si parfois elle ne le faisait pas exprès pour être le lendemain, trop fatiguée pour une leçon de chamanisme !
-Oh ?! C’est possible ! Je faisais ça pour éviter quelques cours particuliers… Mais maman s’en rendait vite compte !
-Parce qu’elle l’a sans doute fait avant toi ! … Bon alors, c’est quoi cette question ?! Demanda Elysia d’un ton léger.
-Si nous allons là-bas… J’ai compris que mamie et toi… Mais si vous devez vous voir… Est-ce que ?... Comment est-ce que je pourrais choisir ?


Anna s’entortilla les doigts de gêne. Le regard jovial de son grand père s’étreignit tout à coup et à la place, celui glacial et intimident prit le relais. On aurait dit un autre homme. Il paraissait soudain bien plus impressionnant et sérieux.


-Jeune fille ?... Ai-je compris ce que j’ai compris ?! Demanda-t-il d’une voix dure.
-Je…
-Je peux te dire que ta mère a fini toute habillée dans la rivière pour moins que ça ! Comment oses-tu penser une chose pareille ?! La gronda-t-il
-Pardon… Je…
-Ne te justifie pas ! C’est une incroyable stupidité que penser devoir choisir ! Ta grand-mère et moi… Nous avons… nos avis. Mais ni elle ni moi ne vous imposerons à choisir entre l’un et l’autre…
-Bah… Pourtant, pardon mais mamie a…
-Non Anna ! Ne termine pas ta phrase ! Je peux trouver une liste de défauts chez ta grand-mère aussi haute qu’Ahtoh allan sans aucun problème mais j’aimais, tu m’entends, jamais je ne dirais d’elle qu’elle puisse vous faire choisir ! Elle vous a ménagé ! Elle vous a protégé ! Nous ne voulons plus nous voir, sans doute te l’a-t-elle dit mais tu te trompes lourdement si tu penses devoir choisir l’un d’entre nous !
-Mais…
-Il n’y a pas de mais jeune fille !


Elysia avait haussé la voix et pris fermement le bras d’Anna. La petite rousse impressionnée n’osa pas piper mot et baissa les yeux se demandant quand le soufflet allait tomber. Le temps passa et rien n’arriva. Au contraire, Elysia la regardait, étonné et sincèrement triste.


-Tu pensais que j’allais ?... Oh ma pauvre Anna ! Quelle raison aurais-je de le faire ?! Ca ne m’est arrivé qu’en de rares occasions contre ta mère, pour des bêtises bien plus graves qu’une pensée idiote ! D’ailleurs tu ne l’es pas n’est-ce pas ? Alors apprends vite et répond à ma question… Quel est ton nom jeune fille ?
-Mon nom… Euh…


Anna hésita un instant alors qu’Elysia soupira bruyamment…


-Finalement ce que tu crains pourrait arriver, ça ne serait pas entièrement volé ! Ta grand-mère dit de toi que tu apprends et comprends très vite… Eh bien elle a tort ! Tu t’appelles, D’Arendelle, Sappos Picéaerd… Ou peu importe l’ordre des noms on s’en fiche ! Le sang de ces trois familles coule en toi ! Il est hors de question d’en renier la moindre partie !! Jamais ! Tu m’entends Anna ?! Jamais !
-Oui Papy… Souffla Anna d’une voix de souris.
-Je préfère ça ma chérie ! Répondit-il en lui embrassant tendrement le front.
-De toute façon… Tu as raison, ma question est idiote puisque, même si vous êtes fâchés… Vous êtes dans le même camp ! Celui pour sauver la famille et arrêter Emma !
-C’est une bonne analyse ma petite !


Elysia soupira et prit finalement congé de sa petite fille. Anna demeura interdite quelques instants. Elle fit machinalement rouler le petit miroir, cadeau du gardien entre ses doigts pour contempler son reflet. Comme lui avait appris sa grand-mère, elle tachait de se concentrer et pouvait ressentir au creux de sa main toute la puissance d’Ahtohallan. Elle pensa à Helga puis lutta tant qu’elle le put pour ne pas faire apparaître la petite dans le creux de sa main. Elysia avait promis de s’occuper d’elle, il n’était nullement question de compliquer sa tâche. A la place elle préféra se concentrer sur le monde des vivants. Elle était curieuse et voulait savoir ce que pouvait devenir sa famille désormais de retour ici-bas… Et surtout ce que pouvait manigancer Emma. La jeune cadette d’Iduna n’eût pas à forcer son talent, le miroir magique se mit rapidement à lui obéir.


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Loin de l’Hellheim, sur un autre plan de l’univers, depuis les terres gelées balayées par les vents, Emma et Andréas se congratulaient à gorge déployés ; Après toutes ces années de manigances, de luttes et de morts, enfin tous deux sentaient qu’ils touchaient au but. La tentation d’user du pouvoir de la salamandre était bien trop forte et Emma prenait plaisir à jouer avec le feu faisant fondre de gigantesques plaques de glace. Emma ne finit par s’en rendre compte que trop tard. Andréas et elle n’eurent qu’à peine le temps de se mettre à l’abri qu’une immense plaque déferla vers les flots provoquant une véritable onde sur l’eau calme de la mer sombre créant un immense creux. Interloqués les deux complices observèrent les flots déchainés s’éloigner du rivage.


-Tu? … Tu avais prévu ça ? Questionna Andréas
-Non… Je dois apprendre à maîtriser tout cela !
-Et les Northuldra eux vont devoir apprendre à nager avec ce qui leur arrive dessus ! Finalement, c’est mettre en pratique le plan de cette insupportable duchesse ! Minauda Andréas !
-Quoi ?! Non mais quelle… Je dois partir vite ! Toi prends un navire et rejoins-moi dans la forêt, en espérant que nous l’aurons sauvé ! Hurla Emma avant d’appeler le zéphyr toujours à porté.
-La sauver ? Mais pourquoi ?!


Andréas ne comprit rien mais déjà son acolyte s’envolait luttant de toutes ses forces pour que l’air l’emporte et devance la vague meurtrière. Heureusement pour la première Picéaerd, les esprits demeuraient de puissants alliés et rivalisaient tous en vitesse. La mère fouettarde vit défiler sous ses yeux la grande étendue d’eau salée, elle avait rattrapé le mur d’eau que sa bêtise avait crée avant de la devancer. Emma était rassurée, elle aurait du temps ! Elle avait dépassé la vague alors que les contours des terres gelées étaient encore visibles. A ce rythme le vent lui offrirait plusieurs minutes d’avance ! C’est ce qu’il lui fallait ! Par miracle, elle avait une alliée inattendue ! Emma n’en était pas forcément convaincue, mais il était trop tard pour avoir des doutes, il fallait agir maintenant ! Le zéphyr lui fit survoler la forêt. Elle orientait ses pensées vers sa descendante.


-Anna !!! Par les esprits tu es là !!! Hurla-t-elle.
-Oh Emma ! Quelle surprise ! Tu vas être heureuse notre petite chamane en herbe a justement une question pour toi. Souffla Mamie taquine.
-Oui madame Picéaerd voilà c’est au sujet de….
-J’en n’ai strictement rien à faire de tes questions d’admiratrice petite j’ai à parler sérieusement !... Explosa la première Picéaerd.
-Je…
-Hum… Pardon, je… Je te prie de m’excuser Emma je… Je ne voulais pas dire cela néanmoins je dois m’entretenir avec Anna de manière urgente tu comprends ?
-Oh… Mais oui bien sûr madame Picéaerd vous êtes tout à fait excusée ! Fit Emma avec un regard admiratif.
-Merci… Maintenant !... En privé…
-Oh ?! Oui ! Pardon !!! Souffla la jeune chamane en s’éloignant d’un pas gauche.
-Eh bien Emma ? Nous ne sommes pas patientes aujourd’hui ? Quelle excitation ! Aurais-tu trouvé ce que tu cherches grâce à mes indications ?!
-Je… Anna nous discuterons de ta participation plus tard ! C’est urgent !! Une vague géante va déferler sur les plages grises d’ici quelques minutes !
-Attends quoi ?!
-Appelle ton géant pour voir si tu ne me crois pas ! C’est urgent !!! nous devons intervenir où la forêt sera noyée dans peu de temps !


Intriguée, Mamie leva le bras. Son ami de pierre comprit immédiatement le message, Avec légèreté malgré son âge elle sauta dans la main du colosse suivie de près par Emma. Avec sympathie, l’homme de pierre leva au plus haut sa main et permit à Mamie d’observer l’horizon. Elle plissa les yeux et cligna trois fois. Au fond d’elle-même, elle espérait que sa vue vieillissante lui jouait des tours mais rien de tout cela. Emma disait vrai, la vague géante arrivait.


-Emma ? Mais que s’est-il passé ?... Serait-ce l’œuvre de…
-Non ! Anna nous n’avons pas beaucoup de temps ! Je ne veux pas voir cet endroit détruit ! Nous devons agir !
-Tu as raison ! Trouvons Elsa ! Avec le Nokk et ses pouvoirs elle…
-Nous n’avons pas le temps Anna !


Mamie observa les flots déchainés alors qu’elle pouvait deviner le flux de la mer sombre refouler de la plage, prémices du cataclysme qui se préparait. De son perchoir, Anna pouvait distinguer la demeure de fortune de Kaspian, et plus loin sur la plage, Iduna en bonne compagnie qui échangeait une tendre étreinte avec Antoine. Elle devait se résoudre à l’évidence, Elsa était invisible. Impossible de savoir où la reine des neiges pouvait se trouver ! Les idées fusaient à toute vitesse dans l’esprit brillant de la chamane, elle ne pouvait rester sans rien faire… Son regard balaya l’horizon et remarqua l’escarpement où jadis, Runaerd avait basculé dans le vide. Runaerd ! Cet ami si cher qu’elle avait laissé dans l’Hellheim. Ce compagnon qui avait su la réconforter après sa séparation avec Elysia. Runaerd ! Oui la solution était évidente pour mamie.


-Un barrage !
-Quoi ?
-Un barrage ! Nous devons construire un barrage !
-Anna ! Dans deux minutes la forêt sera inondée ! Nous n’avons pas le temps de construire…
-Pas nous… Eux ! Indiqua mamie en désignant le géant.
-Brillant ! Concéda sincère la première des Picéaerd.


Mamie avait retrouvé toute sa détermination et transmis ses souhaits à son plus vieil ami. Le géant fut immédiatement d’accord. Dans un râle caverneux, il appela ses acolytes. Hébétés, les Northuldra aux quatre coins de la forêt purent voir cinq géants se lever et dépasser les arbres puis se déplacer au plus vite vers les plages. Le plus grand d’entre eux qui tenait mamie dans la main arriva en premier suivi de près par ses congénères. Avec délicatesse, il déposa les Picéaerd en hauteur à quelques mètres du refuge de Kaspian.


-Kaspian !!! Sauve-toi vite !!! Iduna ! Antoine !!! Mettez-vous à l’abri !!! Hurla Emma à l’attention des malheureux sur la plage.
-Les géants ! Formez le barrage ! Ordonna la chamane Picéaerd.


Les êtres de pierre obéirent au souhait de la plus éminente des membres de la famille. Les cinq géants se postèrent sur le sol gris et dressèrent entre la forêt et la mer, une immense muraille de pierre de plusieurs mètres de haut sur toute la plage. Alertés par le tumulte, plusieurs Northuldra avaient accourus sur la plage et rejoint Mamie sur son promontoire, ainsi qu’Iduna, Antoine et Kaspian qui à toute jambes s’étaient réfugiées sur les hauteurs. Impuissants, les humains regardaient avec inquiétude la muraille de pierre posée sur la plage alors que pouvait se distinguer une muraille d’eau qui déferlait à toute vitesse. Tous retenaient leur souffle. Qui de la puissance du Nokk ou celle des êtres de pierre allait sortir vainqueur de ce combat titanesque. D’instinct, tous les témoins se prirent la main, inquiets alors que dans un immense fracas, le tumulte de la mer sombre frappa de plein fouet la roche des géants. Sous le choc, ces derniers reculèrent légèrement creusant une énorme saillie dans le sable et les galets noirs alors que des gerbes d’écume furent projetés à plusieurs dizaines de mètres en l’air avant de retomber violement au-delà de la barrière de pierre, arrosant copieusement les Northuldra d’eau froide et salée. Le choc provoqua un immense bruit. La roche souffrit mais contînt le cataclysme aquatique. L’eau refoula peu à peu. Quelques répliques frappèrent à nouveau la roche mais petit à petit la mer se calma et la mer refoula pour revenir à son niveau habituel.
Des cris de joie se firent entendre. Les Northuldra heureux et soulagés se tombèrent dans les bras ! Emma qui n’avait pu s’empêcher de suivre les Picéaerd s’était retrouvée aux premières loges en compagnie de Kaspian. Heureuse, elle sauta aux bras du jeune héritier Picéaerd et tous deux, heureux échangèrent un long baiser. Chez l’un comme chez l’autre, la flamme des coupoles soigneusement conservées chez Emma brûla du plus fort de ses feux, heureux de se retrouver après cette longue fâcherie de plusieurs années. Les doyennes Picéaerd de leur côté n’eurent pas le temps d’apprécier ces retrouvailles tant espérées, elles ne furent pas non plus intriguées de voir Antoine et Iduna qui, emportés par ce soulagement eux aussi s’autorisèrent un doux baiser, plus chaste que leurs jeunes homologues mais tout aussi tendre.
Mamie, qui d’ordinaire était la première à réagir à ce genre de situation n’en avait cette fois ci rien à faire, des bruits près de la muraille de pierre l’inquiétait grandement et s’était empressée de descendre vers la plage.


-Anna ! Attention !!! Hurla alors une voix.

Un grondement sourd se fit entendre parmi les êtres de pierre. Le géant avait le visage déchiqueté, une colonne d’eau salée ruisselait contre, comme si l’être pleurait de douleur.


-Non !! Mes amis !!! Vous allez…


Mamie Anna ne put terminer sa phrase. La roche fissurée et fragilisée par l’assaut puissant de la mer se déchira dans un dernier fracas. D’immenses blocs de pierre s’abattirent violement sur la plage. Mamie hurla de terreur et d’horreur.


-Anna ! Attention !!! Venez ! Poussez-vous !!!


La grand-mère n’eût pas le temps de se rendre compte d’où venait la voix qu’elle se sentit violement projetée contre les galets sombres la tête la première et ce fut le noir. Quelques secondes plus tard, mamie ouvrit à nouveau les yeux. Elle sentait dans tout son être les douleurs et dans sa bouche le gout acre et chaud du sang qui coulait depuis son front qui s’était ouvert dans sa chute.


-Mamie !!! Mamie tu vas bien ?!
-Quoi ? Balbutia la grand-mère désorientée.


Elle peinait à recouvrer ses esprits et devina la plastique superbe de sa petite fille ainée.


-Elsa ?... C’est toi ma grande Picéaerd ?
-Oui mamie ! Nous n’étions pas loin avec Ryder nous… Enfin tu sais ce qui se fait entre deux personnes qui s’aiment et alors que nous terminions nous avons… entendu le fracas ! Mamie que s’est-il passé ? Questionna la reine des neiges inquiète.
-Un ras de marée ma grande Picéaerd et… Mais où sont les autres ? S’interrogea Mamie, étonnée que personne à part sa petite fille ne soit à son chevet.
-Doucement madame Picéaerd… Vous avez une bien vilaine blessure mais rien de grave ! Faites attention… Susurra la voix altière d’Hans lui aussi revenu en catastrophe.
-où est ma fille ?


Personne ne répondit alors que Ryder et Hans aidèrent la vieille femme à péniblement se relever. Elle accepta, volontiers le mouchoir tendu par le maître d’Arnevik pour empêcher sa plaie de couler alors que son sang se glaça, voyant Iduna couchée à quelques pas sur la plage au milieu des milliers de débris des géants de pierre.


-Iduna ?!... Iduna tu vas bien ?! S’inquiéta la Picéaerd.


Oubliant son état précaire, elle se déplaça en titubant et se sentit soulagée en voyant sa fille saine et sauve bien qu’en larmes.


-Agnarr ! Agnarr ! Ça va aller ! Ça va aller ! Souffla l’ange de l’air


L’ancienne souveraine était au chevet du roi d’Arendelle mal en point. Mamie ne comprit pas tout de suite.


-Il… Il vous a sauvé la vie Madame Picéaerd ! Le roi Agnarr s’est jeté pour vous pousser loin des pierres. En vous poussant il a trébuché et s’est cogné violemment contre un morceau du géant.


Elsa à son tour s’approcha les larmes aux yeux du roi mal en point. A la hâte elle s’empressa de geler la vilaine plaie à la tête qu’avait le souverain, alors qu’avec précaution Antoine, se chargeait de poser un premier bandage au roi et cherchait à caler le cou du souverain à demi conscient.


-Iduna… Il faut l’emporter au plus vite chez Laïka ! Avec Ryder nous allons lui fabriquer une civière, mais il faut faire vite ! Proposa le Northuldra.
-Non ! Non ! Je m’en charge !!! Insista Iduna au bord des larmes.


La conscience du souverain déclinait alors qu’il entendait la douce voix mélodieuse de l’ange de l’air entonner quatre notes qu’Agnarr avait il y a longtemps cru entendre chantée par une sirène volante avant de le sauver de l’affreuse guerre qui faisait rage autour de lui. Le zéphyr arriva et enveloppa l’ange de l’air et le souverain d’Arendelle avant de les soulever tous les deux comme des plumes dans les airs alors que la Picéaerd chantait toujours plus fort. A nouveau, elle avait douze ans et prenait dans ses bras, le corps inconscient du beau jeune garçon blond qui l’intriguait tant. Tous, dans le plus grand silence avaient les yeux braqués vers Iduna qui survolait avec Agnarr les premiers arbres de la forêt avec l’espoir désespéré de sauver le souverain d’Arendelle. Kaspian et Emma furent les premiers à se hâter de retrouver la forêt, inquiets de l’état du roi et la détresse d’Iduna. Bon nombre de Northuldra suivirent.
La reine des neiges de son côté hésitait alors que sa grand-mère demeurait immobile.


-Mamie ? Tu vas bien ? Demanda Elsa en créant une poche de glace pour la plaie profonde de la matriarche.
-Oui ma grande Picéaerd ! Je te remercie !
-Mais qu’est-ce que tu faisais au milieu des rochers mamie ?!, si papa n’avait pas été la…
-Je sais… Je lui dois la vie ! Va le retrouver vite ! Il a besoin de tes talents ! J’arrive.
-Vas-y Elsa ! Je reste avec ta grand-mère ! Enfin si ça ne vous dérange pas Madame Picéaerd…


La matriarche avait beau être diminuée et désorientée, son regard insistant fit plier Elsa mais accepta volontiers le soutien du jeune Nattura. Elsa remercia chaleureusement son amant, et s’empressa de regagner la forêt s’enquérir des nouvelles d’Agnarr. Poliment, Ryder resta quelques mètres en retrait, laissant mamie à sa solitude. La matriarche balaya la plage des yeux et des larmes coulèrent le long de ses joues. Ses plus vieux et fidèles amis n’étaient plus. Ses mains se posèrent sur les rochers. Cette rugosité, elle ne la connaissait que trop bien. Elle se serra contre la paroi froide et dure. Elle se rappelait des étreintes qu’elle avait pu partager avec la montagne de pierre dans sa jeunesse après ses pires malheurs. Cette fois, c’était pour le malheur de l’esprit de pierre qui n’était plus.


-Ils… Ils nous ont sauvé Anna !
-Pourquoi ?! Pourquoi Emma ?! Ce ras de marée faisait-il partie du plan ?! Une idée d’Andréas ?! Lança mamie d’une voix glaciale.
-Je te juste que non Anna !... Si c’est arrivé c’est… Un piège !... Tu les avais cachés… Mais Elysia devait se méfier ! Les Sappos avaient élaboré un piège ! Lorsqu’Andréas s’en est emparé ! le piège Sappos s’est refermé et la banquise s’est écrasé dans la mer… Nous avons pu tout juste en réchapper !
-Donc… Andréas est bien avec toi Emma ?! Insista Mamie.
-Je n’ai pas de secret pour toi ma chère… Je suis aussi dévastée que toi…
-Promets-moi que tu les feras payer pour ce qu’ils m’ont fait ! Grinça mamie furieuse alors que les larmes coulaient toujours davantage sur ses joues face à la dépouille des êtres de pierre alors que les roches continuaient de s’émietter.
-Je te le promets Anna ! Les Picéaerd n’ont qu’une parole ! Va ! Sache que je suis heureuse que tu m’aies rejoint Anna ! Va te soigner maintenant ! Et va réconforter cette chère Iduna !! Jeune Ryder ?! Veux-tu aider Anna je te prie ?! Appela Emma.


Serviable, le Northuldra s’approcha et offrit une main secourable à la vieille femme diminuée qui accepta de s’appuyer sur l’épaule du solide Northuldra. Emma les observa quitter la plage dévastée. La première des Picéaerd déambula au hasard au milieu des roches detruites qui, curieusement, s’effritaient toutes, comme si les géants désormais disparus n’étaient amenés qu’à devenir poussière désormais.


-Emma ?... Emma !
-Andréas ?! Tu es là ?! Mais tu es fou de me voir ici à découvert ?! Gronda Emma en se cachant dans la pénombre.
-C’est sans risque ! Personne ne nous observe ! Alors ? Quel est le plan ?
-Il risque d’être long Andréas… Mais cet incident est une incroyable opportunité ! Les géants ont disparu !
-Quoi ?! Mais… C’est une catastrophe !!!
-Absolument pas… L’essence de l’esprit est en eux ! Il faut trouver le symbole de l’esprit et le reconstruire ! Andréas ! Il nous faut déblayer la plage et le récupérer ! Peu importe si cela doit nous prendre des mois ! Tout vient à point à qui sait attendre !
-Et toi ? Que feras-tu pendant ce temps…
-Je vais être la meilleure amie de notre nouvelle alliée…
-Qui est ?
-… Tu vas rire… Ta sœur adoptive mon cher ! Anna Picéaerd elle-même !
-Vraiment ?!
-Vraiment Andréas !
-Alors nous avons déjà gagné ! Conclut le Northuldra d’une voix mauvaise.


Les deux complices échangèrent un sourire entendu. Tous deux savaient que l’excès de confiance était leur pire ennemi, mais ils devaient se rendre à l’évidence. Ça n’était qu’une question de temps, mais l’esprit de la terre serait leur, de toute façon, personne ne pourrait plus l’utiliser désormais ! Les étoiles semblaient s’aligner pour leur projet alors qu’ils les observaient satisfaits.
Leur regard se perdait dans l’obscurité du ciel, sans se douter que bien au-delà des étoiles, sur un autre plan de l’univers. La jeune Anna Picéaerd n’avait pas perdue une miette de la terrible catastrophe qui venait de se jouer. Ecœurée, la jeune rousse referma son petit miroir de poche, réprimant fortement l’envie de rendre son petit déjeuner. Les propos de son grand père lui revinrent en mémoire… Ne pas choisir entre lui ou sa grand-mère… Pourtant ce choix, elle le savait, il allait bien falloir le faire !...

Chapitre 27 : Neuf mois


Iduna relut une nouvelle fois les pages noircies de sa belle écriture. Neuf mois déjà qu’elle avait recommencé à prendre la plume. Elle ne l’avait plus fait depuis ce tragique voyage qui l’avait séparé de ses filles ainées et vécue en ermite sur les plages grises d’Ahtohallan désormais souillées des dernières reliques des géants de pierre qui, au fil des mois avaient fini par toutes se désagréger. Au loin, Iduna pouvait observer les derniers vestiges et sa mère qui se tenait face aux géants disparus. L’ange de l’air soupira. Sa mère semblait si différente depuis tous ces mois, heureusement, elle avait Emma Picéaerd pour la soutenir tenta de se rassurer l’ancienne reine alors qu’elle replongeait machinalement dans ses souvenirs…


Jour 1 :

C’était affreux ! Ce mur d’eau ! Ce vacarme ! Comment l’esprit de l’eau a-t-il pu permettre pareil cataclysme ? Quelle force a donc pu fâcher les eaux de la mer sombre à ce point ? Serait-ce le signe du grand danger que court mon Kaspian ? Par Ahtohallan quand j’y repense, si Emma ne nous avait pas prévenus, et si maman n’avait pas été là avec ses géants, mon doux Kaspian, Antoine et moi nous serions probablement… Mais quel malheur pour mamie et ses gentils géants ! Je n’imagine pas dans quel état je pourrais me trouver si je devais perdre courant d’air ici-bas !... Comment un esprit de la nature peut-il être détruit ? Il faudra que je demande à Emma si elle savait ce prodige possible ? Cela doit sans aucun doute signifier que nous courrons un grand danger !
Je devrais m’en occuper ! Je devrais être aux côtés de maman mais je ne peux pas ! Agnarr a perdu conscience quand courant d’air nous a emporté chez Laïka. Elle n’est pas très optimiste même si elle m’a juré que le bandage et la cale pour son cou réalisé par Antoine lui avait sans doute sauvé la vie…
Antoine… Ce héros que l’on n’attend pas… Voilà des heures qu’il est auprès d’Agnarr, il s’est mué en parfait disciple de Laïka, le jour où notre bien aimé guérisseuse fermera les yeux, qui sait ? Il pourra prendre la relève s’il le désire ? Il en a le talent je pense ! Il est sans doute la seule chance de salut pour Agnarr ! Comment fait-il ? Comment peut-il trouver la force, alors que je fonds en larme dès que je m’approche du logis de Laïka ? La jeune chamane Emma est là aussi avec Kaspian. Je devrais être furieuse. Oh pas parce qu’enfin ces deux-là ont retrouvé le chemin de la raison, mais pour ce qu’elle peut dire ! J’ai surpris sa conversation avec Antoine ! Ses mots ne cessent de résonner dans mon esprit :
« Antoine, il vaut sans doute mieux pour toi qu’il ne se réveille pas… Iduna sera à toi ! Et je préfère t’imaginer toi comme beau-père plutôt que lui ! »


Jour 3 :

« Il vaut sans doute mieux qu’il ne se réveille pas ! ». La phrase d’Emma me hante. Pourquoi n’ai-je pas réagi ? Cette petite effrontée ! Elle se croit un peu trop importante apparemment ! Mais pourquoi n’ai-je rien dit ? Et même, pourquoi ai-je eu la même pensée ?! Enfin j’ai osé aller au chevet d’Agnarr. Sa blessure est bien plus impressionnante que celle qu’il avait eu il y a tant d’années. D’après Laïka c’est bien ça le problème ! Sa tête était plus fragile à cet endroit. Elle m’a dit qu’il faudrait du temps. Du temps ! Quand nous n’étions que des enfants nous en avions ! Nous étions insouciants même si lui était devenu roi et moi orpheline mais la candeur de l’enfance était en nous. Lui avait encore Petterssen pour prendre la régence… Au moins il s’était réveillé vite même s’il avait dû rester au lit plusieurs semaines. Quand je pense que j’avais pris sa convalescence pour un jeu à l’époque, qu’au bout de trois longs mois, quand plus aucune douleur ne s’était fait sentir je lui avais dit qu’il devait sa guérison grâce à mes soins… Il pensait à ma présence à son chevet sans comprendre le sens de ma phrase contrairement à son régent ! Peut-être dois-je être à nouveau sa sauveuse ? Mais pour cela, il faudrait que j’ose aller à son chevet et surtout qu’il se réveille ! Par les esprits, Antoine est à son chevet, il ne le quitte pas des yeux. Comment fait-il ? Il ne le connait même pas ! Et pourtant il veille sur lui quand moi j’en suis incapable. Pourquoi en suis-je incapable ?


Jour 7 :

Antoine est venu me chercher à l’aurore ! Agnarr s’est réveillé ! Enfin j’ai osé être à son chevet, lui tenir la main ! C’est ce que j’aurai dû faire dès le départ en tant qu’épouse. Quand j’y pense, depuis mon retour, je n’ai eu aucun geste tendre à son attention. Il est encore très faible et retombe bien vite dans les bras de Morphée. Nous n’avons pas eu le temps de converser lui et moi mais sans doute sait-il que je suis là près de lui ! C’est incroyable ! D’avoir enfin touché sa main, je n’en prends conscience que maintenant. Sans son intervention qui lui a couté si cher, Maman serait retournée à tout jamais dans l’Hellheim… Agnarr l’a sauvé ! Agnarr a sauvé maman ! Et Antoine… Antoine a sauvé Agnarr ! Antoine a sauvé le sauveur de maman… Qu’aurais-je pu devenir sans eux ? Puis-je seulement espérer vivre sans eux ? Pourrais-je accepter la séparation avec ne serait-ce qu’un seul des deux ? Plus les jours passent, et plus je me sens perdu dans un labyrinthe plus incompréhensible encore que le dédale des ruelles d’Arendelle !


Jour 12 :


C’est une torture de me questionner ainsi chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Agnarr n’a que quelques minutes de conscience par jour avant de retomber dans un lourd sommeil. Laïka n’est toujours pas certaine de pouvoir le sauver, mais Antoine lui y croit. Il m’aide à faire face, il est là où je devrais me trouver… Mais j’étouffe ! Les voir tous les deux est une souffrance ! Aujourd’hui, pour la seconde fois, je ne me suis pas rendue dans la hutte de Laïka. De toute façon s’il devait arriver le moindre événement je serais sans doute la première prévenue ! Je suis allée voir maman ! Depuis l’incident du raz-de-marée elle passe ses journées entières sur les plages en compagnie d’Emma. Sans doute pleure-t-elle la disparition des géants. Et moi, sa fille, je devrais être à ses côtés ! Mais je ne fais rien de tout cela ! Incapable d’être une bonne épouse, une bonne amante pour Antoine, une bonne fille… Ni une bonne mère ! Heureusement qu’Elsa veille sur Kaspian ! Pourquoi ai-je accepté de revenir ? Je suis si inutile ici !...


L’ange de l’air ne put lire plus loin sa littérature, l’encre s’était diluée à cause de larmes qui avaient coulé ce jour-là. Iduna s’en souvenait. Ces premiers jours avaient été un véritable enfer, elle n’avait été selon elle qu’une incapable, indigne de son rang, indigne de l’amour que tant de personnes pouvaient lui porter. L’ancienne souveraine serra le poing, cette situation, malgré les semaines n’avaient guère évoluée même si elle le savait peu à peu, elle avait repris le dessus. Agacée de se remémorer à quel point elle avait été en dessous de tout, l’ange de l’air fit appel à son ami le zéphyr pour s’installer à la cime des arbres. C’était son refuge à elle, pouvoir prendre de la hauteur. Posée sur une branche confortable, elle continuait de tourner les pages de son journal, retrouver le jour où, elle avait su grâce à son meilleur ami trouver ce sanctuaire. Soudain elle sursauta, manquant de faire tomber son livre secret.
Un glatissement se fit entendre. L’ange de l’air tourna le regard et observa l’aigle de mer avec qui elle partageait sa branche. Elle détestait jadis ce volatile qui l’avait effrayé la première fois, pourtant désormais, ils avaient tous deux appris à s’apprivoiser et même à s’apprécier. Pour la première fois depuis des semaines, Iduna se permit même de fixer longuement l’oiseau majestueux. Les premières fois, le rapace la terrifiait. Elle tourna les pages de son livre et retrouva la première rencontre avec l’oiseau, un mois et trois jours après avoir repris la plume. L’ange de l’air parcourut sa prose. Ce jour avait été bien sombre. Agnarr qui chaque jour regagnait plus de temps de conscience était soudainement retombé dans le sommeil profond et sa plaie avait recommencé à saigner. Laïka s’était montrée particulièrement inquiète. Comme toujours, Antoine avait été là pour elle, mais elle prenait ce jour-là pleinement conscience que la vie de son époux semblait toucher à sa fin. L’ange de l’air, les yeux inondés de larmes avait couru au hasard des sentiers de la forêt qu’elle avait pourtant eu tant l’habitude d’explorer durant son enfance. Pourtant cette fois, l’ancienne reine s’était égarée, trop triste pour veiller à marquer son chemin. Le zéphyr s’était montré une nouvelle fois salvateur et l’avait déposé sur son perchoir où Iduna avait fait la rencontre du rapace. Songeuse elle replongea dans sa lecture.


Un mois et trois jours :


[…] De ses yeux perçants le monstre ailé me fixe d’un regard vengeur. Je suis pétrifiée, incapable de me mouvoir, pourquoi Courant d’air m’a-t-il déposée ici auprès de cet oiseau de malheur. Je sais pourtant que ce volatile si impressionnant est d’une douce beauté à voir voler au large de la mer, lui, le roi des cieux. Les cieux ! Comme j’aimerai y retourner, retrouver ma cadette ! Elle aussi je l’ai abandonné ! Je ne sais pas pourquoi l’oiseau continue de me fixer, à croire qu’il cherche à lire dans mes pensées ! Si c’est le cas, il ne va pas être déçu avec tous les malheurs qui m’empêchent de dormir ! Mais ce qui m’envahit en ce moment, c’est la peur ! Quand j’observe ce rapace, toutes mes pensées vont vers Agnarr. Quand lui et moi flânions dans les jardins du château, après les interminables leçons de la préceptrice auxquelles je participais grâce au bon vouloir d’Agnarr. Moi la petite orpheline que personne ne connaissait. Je me souviens ce jour là l’avoir interrogé sur les aigles après en avoir vu un sur les ailes des moulins que j’aidais à construire. Le roi et moi nous trouvions assis confortablement contre le tronc du grand saule. Agnarr m’a alors raconté la légende de l’aigle de sang. Une histoire affreuse ! La pire horreur qui ait ensanglantée l’histoire entre les Northuldra et les Arendelliens ! Un chef du peuple du soleil, d’après la légende sur les conseils de la chamane nommée Aelle aurait fait tuer le prince d’Arendelle. En vengeance, le souverain a fait capturer la chamane et l’aurait mise à mort à l’aide d’un aigle. Agnarr me racontait tout cela de manière héroïque, telle une grande bataille et une action pour rendre honneur aux Dieux de l’ancienne croyance. Il ne pouvait se douter à quel point j’étais terrifiée. Une chamane Northuldra ?! Forcément une de mes ancêtres ! Je me souviens comme le soir, dans ma petite chambre j’avais tant pleuré, imaginant mon beau prince capable de la pire des atrocités sur ma mère… Je savais que c’était ridicule pourtant, c’était de ce jour que j’avais définitivement accepté de suivre le conseil de Petterssen et ne rien dévoiler à Agnarr…
Cet oiseau continue de me regarder. Lui ! Le symbole de la vengeance ! Il semble si menaçant ! Heureusement, Courant d’air est là pour me sauver et m’éloigner de ce monstre.


Un mois et quatre jours :

La nuit a été ponctuée de cauchemars horribles ! Je n’ai pensé qu’au trépas d’Agnarr, emporté par l’aigle noir de la vengeance que j’avais croisé… Elsa m’a entendu hurler. Ma douce fille est venue me trouver et calmer mes angoisses. Quelle curieuse inversion des rôles. C’était à moi de calmer ses peurs après que son père ne lui ait raconté d’inquiétantes histoires avant le coucher. Prendre le temps de la bercer et la calmer pour qu’elle passe une bonne nuit, et surtout endormir sa sœur pour ne pas qu’elle courre toute la nuit au hasard des couloirs du château en quête de je ne sais quelle créature mythique ! Et voilà que maintenant c’est mon petit flocon qui a tant grandi et qui vient me serrer contre elle pour que j’y trouve le réconfort…


Un mois et vingt jours :


Agnarr dort toujours, Antoine reste à son chevet, Comme toujours je ne supporte pas d’être à ce point impuissante ! Je dois fuir ! Courant d’air m’a de nouveau posé sur la branche du montre. Son glatissement m’a glacé le sang ! Il n’a de cesse de me fixer comme s’il voulait voir mon âme. Pourtant il n’a pas l’air menaçant. En tout cas, moins que la première fois, même si je ne peux m’empêcher de repenser à l’horrible histoire d’Agnarr et cette histoire d’aigle de sang vengeur. Le volatile a dû le sentir et s’est élevé dans les airs me laissant à ma solitude. J’ai pu alors me rendre compte à quel point je pouvais tout voir depuis mon perchoir. Je comprends pourquoi l’aigle niche ici. Lui le roi du ciel se doit de tout voir et tout savoir ! Je ressens toute la force de la nature, je vois et je ressens tout. Serait-ce ça finalement le rôle du cinquième esprit. Veiller sur tout et tout le monde. Au loin je peux voir Emma et Kaspian. Leur idylle retrouvée me réchauffe le cœur. Maman serait sans doute ravie de les voir ainsi s’embrasser avec tant de passion sur les plages grises ! Combien de fois ai-je pu voir papa et maman s’aimer ainsi en ce lieu si calme. Je n’en reviens toujours pas de devoir accepter qu’ils ne puissent plus être ensemble désormais !
Tout à coup, un bruit détourne mon regard. L’aigle est de retour. A nouveau les pensées négatives m’envahissent ! L’oiseau s’approche. Il tient un objet dans ses serres qu’il daigne lâcher lorsque je m’approche. Je suppose que c’est un cadeau de sa part ? Je me suis inclinée devant sa Majesté. Je me souviens avoir fait la même révérence à Agnarr lors du premier bal où j’ai été invitée. Jamais je ne pourrais l’oublier en voyant ce beau jeune homme repousser toutes les vénales pour moi, la pauvresse orpheline, une vraie Cendrillon qui trouve son prince.
Mais qui est mon prince désormais ? Agnarr est toujours alité et en bas, Antoine attend. Il fait tout pour le sauver, je sais qu’il le fait pour moi. Oui, Antoine ferait tout pour moi et moi ?... Moi puis-je vivre sans lui désormais ?
Le cri de mon compagnon ailé m’oblige à ne plus penser à Antoine un instant et je découvre son présent. Une vague de rage m’envahit alors ! Cet objet ! Une sarbacane ! L’arme d’Andréas ! L’ennemi ! L’aigle est décidément le symbole de la vengeance ! Jamais je ne permettrai que qui que ce soit ne fasse de mal aux miens ! Je jure de protéger Emma, Maman, Elsa, Kaspian, tous les Picéaerd des dangers qui nous menacent ! Peu importe qui est derrière tous nos malheurs, je lui réserve le même sort que le propriétaire de cette chose qui pourrit dans un cocon des limbes ! Je me demande juste comment mon ami ailé a-t-il bien pu trouver cette chose alors qu’Andréas l’avait en sa possession que nous nous sommes débarrassés de lui…



L’ange de l’air feuilletait à nouveau son précieux journal tout en ayant quelques mots doux pour le bel aigle noir. Au fil des jours et des semaines, l’animal au regard perçant savait lui faire voir ce qu’elle devait savoir. Une lettre enflammée qu’Antoine n’avait osée lui adresser mais souvent, l’oiseau rapportait inlassablement quelques débris des glorieux géants sans qu’Iduna ne comprenne pendant de si longues semaines. L’ancienne reine baissa les yeux. Elle se souvenait de la page qu’elle avait si souvent raturée de rage.


6 mois et dix-huit jours


Comment ai-je pu être si aveugle ?! Les rochers ! Maman et Emma y passent des jours entiers ! Et je n’ai jamais pensé à aller les questionner ! Moi qui souhaite être l’esprit qui voit tout et sait tout ! Finalement Emma doit avoir raison, il me manque encore tant de choses pour devenir le vrai grand cinquième esprit. Comment puis-je guider Kaspian si je ne puis savoir quoi voir ? Je jure qu’à partir d’aujourd’hui, je veillerai à guider mes enfants comme une bonne mère se doit de le faire ! C’est pour cette raison que je suis revenue ! Voilà des mois que je suis inutile ! Par chance, aucun autre malheur ne nous a frappé, mais je me dois d’être prête ! Grace à Courant d’Air et Perce ciel je le serai ! Oui j’appelle mon ami des cieux ainsi désormais !



6 mois et vingt-cinq jours :


J’ai passé la journée à guetter les faits et gestes de maman. Je ne comprends pas, depuis tant de semaines, c’est comme si elle nous évitait. Je pensais qu’elle serait heureuse de voir Emma et Kaspian à nouveau ensemble mais cela ne semble pas la concerner. Très souvent elle se montre distante avec la jeune fille à son grand désespoir ! La voilà réduit à passer la plus grande partie de ses journées à me demander des conseils en chamanisme ! Des conseils ! Sur le chamanisme ! A moi !! Heureusement que le cœur de maman est bien accroché ! Mais pourquoi se désintéresser ainsi de sa charge. Elle passe toutes ses journées sur les plages en compagnie d’Emma. C’est comme si elles espéraient reconstruire les géants ? C’est totalement illusoire ! Et ni l’une ni l’autre ne veut être dérangée. Maman s’est même montrée sévère envers moi ou envers Elsa qui elle aussi a eu l’audace de la questionner… Je ne la comprends plus, elle est si différente depuis qu’elle a quitté papa…



7 mois et trois jours.


Ce matin, Ylva s’est sentie mal. Avec Elsa et Ryder nous nous sommes empressés de la ramener chez elle et lui faire regagner son lit. Ma fille a tout fait avec son don pour apporter du confort à la doyenne et lui faire baisser la fièvre. Kaspian s’est chargé d’aller chercher nos matriarches ainsi que Laïka toujours aux soins d’Agnarr avec Antoine. Les chamanes ont fini par arriver ! Enfin Emma et maman ont daigné abandonner leurs promenades sur les plages et pour le plus grand bonheur de la jeune Emma malgré les circonstances, toutes trois se sont mises ensemble au travail pour soulager Ylva. C’était si beau de revoir maman faire ce qu’elle fait de mieux. Soulager le monde par son savoir. Je m’en veux d’avoir été si insolente enfant ! Un tel don est une bénédiction et maman voulait me l’enseigner par-dessus tout ! J’ai laissé passer ma chance ! J’espère que depuis l’Hellheim, Anna nous observe et apprend. Ma furie rousse sera sans doute bien plus sage que moi pour être la véritable héritière de maman, celle que je n’ai pas été digne d’être.
Au bout de plusieurs heures, Laïka s’est enfin décidé à venir nous rejoindre. Il lui était impossible de laisser Agnarr sans surveillance plus tôt d’après elle… Hélas pour Ylva, la guérisseuse est arrivée tard… Beaucoup trop tard !... La doyenne a fini par rendre son dernier souffle en fin d’après-midi. Laïka n’a rien pu faire. Seuls les rites de maman, secondée par les deux Emma ont pu soulager sa plus vieille amie et la faire glisser paisiblement vers l’Hellheim. J’espère qu’Anna saura la recevoir. Je suis restée seule avec maman devant le corps sans vie d’Ylva pour la première veillée. Nous sommes restées toutes les deux en silence dans le recueillement. Maman faisait des prières comme l’exige sa fonction. Je les connais toutes par cœur ! Je n’ai pas hésité et j’ai fait de même. Je sais bien que je ne les faisais pas pour Ylva, mais plus pour moi, et pour que maman soit fière de moi. Je me suis sentie coupable d’agir ainsi mais je crois que tout ceci a été important pour maman. J’étais si concentrée, si appliquée que je n’avais pas remarquée qu’elle s’était arrêtée. Lorsque j’ai relevé la tête. J’ai vu qu’elle me fixait, les yeux humides et au fond de ses iris, cette douce lumière. Celle qu’elle avait quand j’étais toute petite et que je jouais avec Courant d’air. Sans doute devait-elle penser que je serai une grande chamane et cinquième esprit à cet instant. Pauvre maman ! Comme elle a dû déchanter par la suite ! Nous n’avons pas eu le temps de nous prendre dans les bras. Antoine est arrivé essoufflé à cet instant. Il m’a fixé avec un sourire. Ses propos résonnent encore dans mes oreilles : « Iduna ! Agnarr est enfin réveillé, il est sauvé ! »



7 mois et 10 jours.


Après une semaine de veillée pour la doyenne, toute la communauté s’est réunie pour rendre le corps d’Ylva à la nature. Je n’ai pas toujours été très attentive à la cérémonie. J’étais entourée, à ma droite par Antoine. Je m’agrippais à son bras, j’étais heureuse qu’il me soutienne. A mon bras gauche, j’avais Agnarr. J’étais sa béquille mais enfin, il parvenait à sortir et même faire quelques pas. Il se tenait fermement à moi, même s’il était maintenu de l’autre côté par Elsa qui avait le port altier. Je me rends compte à quel point ma fille ainée peut être belle ainsi. Elle ressemble tant à papa ! Mais dans sa manière de se tenir, ça, elle l’a hérité de son père. J’ai souvent entendu les filles dirent qu’elles souhaitaient être capable d’avoir mon port de tête mais c’est trop d’honneur, cette dignité, cette solennité naturelle, tout ceci vient d’Agnarr. Je me souviens comme je ne pouvais le quitter des yeux lors des cérémonies qu’il devait présider avant même de monter officiellement sur le trône ! Mon cœur battait la chamade face à cet adolescent qui paraissait déjà si grand, si puissant ! Aujourd’hui encore, même diminué, il a toujours cette magie en lui… Mais ma force et mon soutien, c’est au bras d’Antoine que je puis la puiser ! C’est idiot mais, j’en veux à Agnarr ! S’il s’était rétabli un jour plus tôt ! Laïka aurait été au chevet d’Ylva au plus vite et alors peut être qu’elle…
Peu importe, j’ai suffisamment à lui reprocher pour ne pas l’accabler davantage de maux dont il ne peut être responsable. Après tout, ces mois à être aux portes de la mort, c’est bien parce qu’il a sauvé maman au final…
Maman… Elle aussi brille en ce jour funeste. Avec les deux Emma, elle s’est chargée de mener la cérémonie. Je ne sais pas si aucun Northuldra n’avait eu plus bel hommage grâce à leurs interventions. Maman et Emma font vraiment la paire. Et la fille du chef peut apprendre auprès des deux plus grandes femmes de la famille. Je peux être rassurée sur ce point, ma future belle fille saura parfaitement diriger auprès de Kaspian, le pays Northuldra quand viendra le moment ! Elsa de son côté a fait venir le Nokk pour lui rendre hommage, j’ai fait de même en appelant Courant d’air. Perce-ciel a lui aussi fait son apparition pour survoler la cérémonie. Evidemment, j’ai vu que maman semblait triste à cet instant, les géants eux ne pouvaient venir mais nous avons tous été étonnés de ne pas voir Bruni se joindre à nous. Heureusement, notre ancêtre Emma connaît tous les rites et astuces, elle avait conservé auprès d’elle une flamme de l’esprit qui était ainsi parmi nous, mais c’est tout de même curieux que la salamandre ne soit pas venue, cela fait longtemps que personne ne l’a vu…



7 mois et 11 jours


Antoine a laissé Agnarr au seul soin de Laïka. Il faudra que j’aille le voir, il peut marcher seul sur une petite distance désormais. Elsa et Kaspian m’ont dit qu’ils voulaient le voir, je suppose qu’il me faudra être présente également. Pour l’heure, avec Antoine, nous avons reçu comme mission de la part du chef Yohan de vider la demeure d’Ylva. Maman n’a pas voulu s’en charger, trop occupée à faire sa traditionnelle promenade sur les plages en compagnie d’Emma. Peu importe, au moins je peux être seule avec Antoine. Je me sens tellement mieux en sa compagnie que les fois où je suis avec Agnarr. J’ai l’impression d’être avec lui par devoir, et je m’en veux tellement de penser ça, je l’ai tellement aimé après tout… Il a fait de ma vie, la plus grande et belle aventure qui soit… Mais avec Antoine, c’est seulement, naturel. Je dois juste me laisser guider, rester moi-même, vulnérable… Je crois que c’est pareil pour lui. Ni lui ni moi, ne souhaitons aller plus loin, nous sommes bien sages…
Il finit par me faire sortir de ma rêverie. Antoine a retrouvé les manuscrits d’Ylva. Elle consignait toute l’histoire du peuple du soleil après tout. Lui et moi nous sommes installés confortablement, oubliant le temps, nous nous sommes accordés ces passionnantes lectures l’un contre l’autre. Pour la première fois depuis des mois, je me suis sentie bien, apaisée… Enfin, jusqu’au dernier chapitre lu. Il parlait de papa et maman. Ylva les avaient vu grandir. Elle offrait un portrait bien élogieux de maman sur ses capacités mais ça n’était rien, comparé aux qualités vantées pour papa. Si maman était une chamane brillante. Papa était peut-être le meilleur Northuldra qu’il n’ait jamais existé d’après Ylva. C’était une véritable déclaration d’amour s’il n’y avait pas eu cet écart d’âge entre eux. Et toutes ces qualités… J’en retrouvais bon nombre chez Antoine ! Je ne l’appréciais que davantage encore… Et soudain les dernières lignes écrites dans cet ouvrage par la doyenne Northuldra… « … Ce couple mythique, le plus beau, le plus grand que la communauté eût l’honneur de côtoyer nous offre une héritière. Puissions nous espérer que la petite Iduna soit bénie des qualités de son père et de sa mère. Mais aussi, quand je la regarde malicieuse, je ne puis m’empêcher de la plaindre de devoir vivre et grandir dans l’ombre du grand couple Picéaerd. Une ombre intimidante et sur ses épaules les attentes de tout un peuple à se montrer digne de la grande Anna Picéaerd et du tout aussi grand Elysia… »
Antoine avait remarqué que je tremblais, il avait souhaité se montrer réconfortant mais moi, je serrais les poings. Ylva se demandait si j’étais digne d’eux… La réponse je la connais ! Papa et maman ont eu la gloire. Une gloire qu’ils n’ont même pas cherchée, seulement mérité. Ils étaient des meneurs, moi, seulement l’effrontée qui danse à côté. Mon destin a moi aura été bien différent. Celui d’avoir été la fille des plus grands, mais qui aura vécu sa vie loin de sa forêt. J’ai seulement attendue patiemment, aux côtés du roi qui m’a fait rêver… Un roi à qui j’ai eu trop peur d’avouer mon passé pendant de trop longues années…. Tout ce temps où cette vérité est restée cachée dans mes pensées. Antoine avait bien senti mon trouble et voir, sur la cheminée d’Ylva un portrait de mes parents n’avait fait qu’augmenter mon malaise. Eux ont tout fait pour la communauté, moi je suis restée en coulisse… Par chance, avec Agnarr, nous avons été bénis de trois enfants qui tous ont su revenir à leurs origines. Anna et Elsa, elles ont su se montrer dignes, elles ont libéré les Northuldra. Kaspian aussi a agi pour eux… Et moi ?... Moi j’attends toujours mon tour d’être digne de mon nom pour le peuple du soleil…
Ce portrait sur la cheminée, je l’ai pris et plié contre moi… Je suis revenue parmi les vivants pour sauver mon fils et les Northuldra des dangers qui les guettent… Je le jure, je me battrai de toutes mes forces pour être digne de mes parents magnifiquement dépeints par Ylva ! C’est ce qu’elle attendait de moi ! C’est ce qu’ils attendent tous de moi ! …



Perce-ciel sortit Iduna de sa lecture et ses pensées qui se bousculaient. L’aigle majestueux s’était manifesté et Iduna put voir en contrebas Antoine, l’air préoccupé sur le sentier. Le cœur de la Picéaerd s’emballa. Depuis la disparition d’Ylva et la convalescence d’Agnarr, elle avait passé son temps en compagnie du charmant Northuldra, et de l’ancien roi diminué. Facétieux, l’aigle quitta sa branche et fondit sur le Northuldra. Iduna n’eût pas le temps de l’arrêter et observa l’attaque sans pouvoir agir. Heureusement, Perce-Ciel ne comptait pas faire de mal au brave Northuldra. Non, l’aigle semblait seulement d’humeur malicieuse à faire tourner quelque peu en bourrique Antoine qui, surpris, tomba à la renverse sur un tas de feuilles d’automne douillet que Courant d’air heureusement avait placé sur la chute de l’homme. Amusé, l’oiseau s’empressa de regagner les cieux et l’esprit du vent lui aussi disparu, laissant le pauvre Northuldra l’air hébété retrouver peu à peu ses esprits puis se relever en marmonnant.
Au loin dans son arbre, Iduna n’en avait pas perdu une miette et attendait ses deux amis avec un visage sévère et tapant du pied…

-Puis-je savoir ce qu’il vous est passé par la tête à tous les deux ?! Lança l’ancienne reine


Pour toute réponse, l’esprit du vent fit glisser une feuille de papier que tenait le Northuldra avant qu’il ne soit désarçonné par Perce Ciel. Peu convaincue, la fille d’Anna Picéaerd se décida à parcourir la missive. Elle en était la destinatrice. Antoine souhaitait lui proposer un diner ce soir même, en cette veille de Noël.
Le temps avait passé si vite ! Cela faisait un an qu’elle était de retour ! Et rien n’avait changé ! Elle n’avait eu le temps, elle et toute sa famille de s’occuper de quoi que ce soit… Machinalement, Iduna observa les plages grises. Il ne restait pratiquement plus rien désormais des glorieux géants, mais elle put remarquer Emma comme toujours en ces lieux mais pour une fois, Mamie Anna n’était pas auprès d’elle. C’était logique après tout, elle était en train de préparer les noces entre Kaspian et Emma. Ces deux là avaient finalement décidé enfin de se dire oui, mais curieusement, Iduna ne s’y était guère intéressée. Non, pendant tout l’automne, elle avait ponctué ses journées de longues promenades au bras d’Antoine, mais aussi d’Agnarr. Chaque jour, le roi d’Arendelle retrouvait peu à peu ses forces, chaque jour, il faisait de son mieux pour se présenter comme le jeune homme qui avait tant fait tourner la tête de la petite Iduna. Agnarr se montrait bon et généreux envers elle, mais pourtant, elle ne savait ce qu’elle ressentait pour le souverain ? Etais-ce de la pitié ? De l’empathie pour un convalescent ? Ou alors autre chose ? Elle ne pouvait oublier tout ce qu’elle avait vécu, ni la flamme qui existait entre ces deux-là. Elle avait aussi fini par le remercier d’avoir sauvé Anna d’une mort certaine et pleuré dans les bras du roi qui était resté très doux et patient envers elle au cours de cet instant de faiblesse. Iduna l’avait grandement apprécié. Pourtant l’ange de l’air n’oubliait pas. Elle n’oubliait pas ce qu’Agnarr avait fait à leur fils. Elle n’oubliait pas non plus toutes ces journées et toutes ces nuits où ce fut au bras d’Antoine qu’elle put pleurer toutes les larmes de son corps. Même depuis qu’il avait quitté son lit, ça n’était pas à Agnarr qu’elle se confiait mais bien à Antoine, toujours à Antoine.
Machinalement, l’ancienne reine fouilla les dernières pages de son journal. Tout ceci lui sautait aux yeux, c’était bien le prénom d’Antoine qui revenait le plus, bien que celui d’Agnarr fut de plus en plus présent également. Elle s’arrêta sur la dernière page encore vierge, seule la date était écrite. A nouveau Iduna soupira puis, s’installant sur sa branche, elle prit une plume que Perce Ciel lui avait offerte et laissa sa main former les mots sans réfléchir.



Neuf mois :

Cette nuit cela fera un an… Un an que je suis de retour. Pour fêter cette nuit de Noël, Agnarr m’a invité à diner en sa compagnie, Antoine également… Vers qui dois-je aller ? Ni mon cœur ni mon esprit n’a la réponse, la seule chose que je sais, c’est que je ne peux pas me passer ni de l’un ni de l’autre… Pourtant ce soir, il faudra bien… Je ne vois plus qu’une solution pour choisir…


A la hâte et de sa plus belle écriture, l’ancienne souveraine écrivit :

« Je suis désolée, je ne puis venir à ce repas en ta compagnie ce soir, je suis déjà prise. Avec toute mon affection. Iduna. »


L’ange de l’air arracha avec soin la page et la tendit au bec de Perce-Ciel avant de fixer les feuilles virevoltantes de Courant d’Air.


-A vous de choisir mes amis ! Je suis présentable ?


Le zéphyr s’enroula autour de la belle Picéaerd et réussit à lui défaire le chignon strict qu’Agnarr connaissait et aimait tant. Les cheveux bruns tombèrent en cascades sur les épaules de la cinquième esprit en d’exquises mèches ondulées faisant rayonner toujours plus le visage angélique de la nymphe de la forêt enchantée.


-Si tu penses que c’est mieux ainsi… Emporte-moi mon ami ! Choisis pour moi avec qui je dois dîner ! Perce-Ciel, je compte sur toi pour donner la missive à l’autre !


L’aigle s’envola et offrit une pirouette à son amie pour signifier qu’il avait compris. Rassurée, Iduna se laissa porter par le zéphyr. Elle survola bientôt les plages grises et put observer en détail Emma Picéaerd. La première de la famille était pour une fois seule sans mamie et, curieusement semblait jubiler. Elle était aux anges comme si elle venait de trouver un fabuleux trésor. L’espace d’un instant, Iduna crut voir une ombre auprès d’Emma. Qui pouvait donc être cet inconnu qui célébrait avec la première des Picéaerd sur ces plages désolées en l’absence de mamie. Peu importait pour l’ange de l’air, ses yeux peut être venait de lui jouer des tours, le plus important arrivait pour elle… Déjà elle sentait que le zéphyr la fit se rapprocher du sol et, avec grâce elle posa le pied à terre derrière celui qui avait été choisi…


-Bonsoir… Ne suis-je pas en retard ? Souffla-t-elle le cœur battant la chamade.
-Iduna ! Tu es venue !! … Tu… Tu es encore plus belle qu’un lever de soleil…


L’ange de l’air sentit qu’elle rougissait au compliment d’Antoine. Ses amis les plus proches avaient donc choisi le Northuldra. Au fond d’elle, elle souhaitait qu’Agnarr ne soit pas trop déçu d’avoir été ainsi supplanté mais ses sentiments la conduisaient à grandement apprécier la soirée qui allait commencer. Comme toujours, Antoine fut un véritable gentleman. Il s’était afféré à mettre les petits plats dans les grands. Les mets étaient délicats et raffinés, sans doute l’œuvre de la cuisine de Camille qui s’était surpassée pour pareille occasion. Tout était parfait ! Oui Antoine était l’homme idéal ! Il était toujours une oreille attentive. Il comblait sa belle de douces paroles et la laissait exprimer ses sentiments et son dilemme entre Agnarr et lui.


-Puisque tu en parles Iduna… J’ai trouvé ceci dans les affaires d’Ylva… Tu sais ce que c’est n’est-ce pas ?
-Ce sont… des coupoles !
-En effet, je pensais bien qu’une Picéaerd saurait les reconnaître ! Et… En as-tu déjà allumé ?
-Moi ?... Non jamais !
-Et tu sais le faire n’est-ce pas ?
-Je… Oui en théorie mais…
-Et tu n’as jamais voulu le faire ?... Quel pied de nez pour ta mère ! Pendant toutes tes années d’absence j’ai aidé Emma a transporter tous tes ouvrages de la pièce du château d’Arendelle à sa hutte, j’ai bien vu le grimoire que tu avais dédicacé à tes parents…
-Les dix façons d’allumer les coupoles…
-Tu ne souhaites que ça pas vrai ?... Iduna, nous nous sommes promis de ne pas nous mentir, n’est-ce pas là, le moyen pour que ton cœur sache ce qu’il veut vraiment ?


Iduna ne fit qu’un léger signe de tête en signe d’approbation. Ravi, Antoine tendit une coupole à sa belle pour qu’elle se charge de graver son nom et lui se chargea du second objet. La chose faîte, Iduna tendit les mains pour récupérer l’artefact.


-Est-ce que cela marche si je la garde en main ?
-Euh ?... Oui…
-Dans ce cas, puis-je la garder ? Je veux être au plus près quand la flamme apparaîtra !
-Antoine, tu présumes de mes capacités, je… Je connais la théorie mais la pratique… Tu sais si je n’y arrive pas, il ne faudra surtout pas croire que je ne ressens rien pour toi et…
-Et si ça fonctionne cela n’aura alors que plus de valeur c’est pour ça que je veux la voir le plus près possible apparaître ! Viens ! Eloignons nous un peu ! Près des bosquets !
-Des bosquets ?... Pour allumer un feu ?!
-Oui ! Je n’en ai que faire qu’il s’enflamme ! Que tout le pays Northuldra le sache ma Iduna !
-Si tu insistes…


L’ange de l’air se laissa convaincre et emporter par le Northuldra. Enfin, elle se concentra sur sa coupole et celle d’Antoine. Elle avait un peu d’appréhension, jamais elle n’avait fait ça et ne savait pas ce qu’elle souhaitait. Elle jeta un dernier regard vers Antoine qui lui fit un signe d’encouragement puis ferma les yeux et se concentra…


-Iduna ! Regarde !!!


Antoine avait parlé d’une voix douce et heureuse, Iduna rouvrit les yeux. Les coupoles brûlaient ! Elle avait réussi !... Son choix était donc fait. Elle resta interdite une seconde puis offrit un sourire au Northuldra. Son cœur et son esprit avaient choisi. Elle s’approche de lui, prête à l’embrasser. Elle rêvait de gouter à nouveau à ses lèvres. Au dernier instant, son galant la retînt.


-Attends… Pas moi ma douce…
-Quoi ?


Antoine ne parla pas. Il s’écarta et laissa apparaître derrière le buisson Agnarr. Iduna observa son mari sans comprendre puis le Northuldra. Antoine, tourna alors la coupole et l’ange de l’air resta bouche bée. C’était le nom du roi d’Arendelle qui était gravé, pas celui du Northuldra.


-Antoine !... Tu… Tu avais dit qu’il ne fallait pas nous mentir…
-C’est ce que j’ai fait ! Je ne souhaite que ton bonheur… Pour l’atteindre, il te fallait juste un petit peu d’aide…


Le Northuldra prit ensuite le bras du souverain et celui de la belle Picéaerd pour que tous deux se retrouvent. Avec discrétion, il s’effaça, laissant le mari et la femme se regarder comme si c’était la première fois. Iduna plongea son regard dans les yeux du souverain. En cet instant, elle avait à nouveau 12 ans et lui 14. Pendant un instant, la Picéaerd observa les coupoles. Elles ne pouvaient mentir. Elle le sentait au fond d’elle-même. Elle venait de retomber amoureuse de son mari. En parfait aristocrate. Agnarr baisa la main de sa belle puis le plus naturellement du monde, tous deux échangèrent un long et langoureux baiser. Le plus agréable qu’Iduna n’avait pas ressenti depuis longtemps…


-Hum… Si leurs Majestés veulent bien prendre la peine… Le dessert les attend. Souffla Antoine


Le Northuldra avait pris désormais la place de la jeune Sofia, et s’était mué de galant de la belle Iduna, à serviteur royal, l’ange de l’air s’empressa de lui prendre le plat des mains afin d’offrir un baiser à cet homme si parfait. Agnarr observait et cautionnait tout à fait cette attitude, leur laissant tout le temps nécessaire. Le roi savait tout ce qu’il devait au Northuldra, sans lui, jamais il n’aurait pu retrouver sa femme. L’étreinte se termina. Pour Antoine comme Iduna, la situation était claire. Pour eux, c’était un amour d’enfant. Un amour que jamais ils ne pourraient oublier, un amour qui a donné naissance à un sentiment plus fort encore, celui d’une amitié profonde et sincère. Si leurs lèvres se quittaient de même que leurs mains, l’un comme l’autre le savait, jamais plus ils ne seraient séparés. Iduna prit place. Agnarr à son tour remercia chaleureusement celui qui finalement n’avait jamais été un rival, mais bien un sauveur.



Une larme perla sur la glace d’Ahtohallan… Curieuse de nature, Anna n’avait pu s’empêcher d’observer l’année de ses proches et s’était bien vite concentré sur le dilemme de sa mère. Elle n’avait bien évidemment pas perdu une miette de ce repas de Noël entre Iduna et Antoine. La furie rousse était heureuse de voir enfin sa mère apaisée de ses tourments profiter d’une fin de repas idyllique en compagnie du souverain d’Arendelle qui avait droit à sa dernière chance.


-Anna as-tu vu quelque chose pour te ravir ? J’en suis fort aise, mais désormais, nous devons partir !
-Pierre ! Maman a choisi papa ! Grâce à Antoine !
-Un grand homme celui-là ! Mais cela, je n’en doutais pas !
-Pierre… Ne me dis pas que tu recommences à rimer ?!
-Je pourrais ne pas te le dire… Mais Anna, cela serait mentir !
-Génial… Je n’y ferai jamais à ça ! Mais pourquoi ne puis-je pas voir la fin du repas ? Tu m’avais dit que nous ne partions qu’au soir !
-Je suis désolé de te laisser ce délai si court… Mais vois-tu nous devons nous offrir un petit détour. Mais ne t’en fais pas Anna, car je te l’assure tu ne le regretteras pas !


La furie rousse soupira et referma son petit collier miroir avant d’obtempérer. Elle préférait cela, aux paroles de son lointain ancêtre. A la hâte, la jeune femme s’empressa de faire ses adieux aux membres de sa famille, mais alors qu’elle arrivait devant Kristoff et Elysia, elle fut surprise de ne pas les voir venir…


-Non, pour l’instant, c’est juste toi… Souffla Kristoff…
-Attends quoi ?
-Ne t’en fais pas, nous partons nous aussi !... Mais pour l’heure c’est juste toi !
-Alors Anna, fini les tergiversations ? Hâte-toi je te prie car… Nous y allons ! S’amusa Pierre en lui offrant son bras.
-Pourquoi ne venez-vous pas avec moi ?
-C’est ton cadeau ma Anna…


La furie rousse ne releva pas les propos de Kristoff, craignant trop que Pierre ne reprenne la parole. Et l’idée d’avoir un cadeau l’intriguait grandement. Tentée, elle prit le bras du premier Sappos qui montra une porte que tous les deux franchirent. Anna se sentit alors happée dans le néant puis plus vite qu’elle ne l’aurait cru elle toucha le sol. La jeune reine ouvrit les yeux mais elle avait une sensation étrange.


-Pierre… Où sommes-nous ? Ca n’est pas le monde des vivants ?!
-En effet ça ne l’est pas. Mais profites-en Anna, Car ici, pour la dernière fois, l’Helveg est à toi !
-L’Helveg ?!... Je peux revoir Helga ?!
-Une idée du gardien… Il s’est dit que ça te ferait du bien. Mais nous pouvons vite repartir… Si tel est ton désir.
-C’est ça moque toi ! Comme si je ne voulais pas voir Helga !
-Tu y joues aussi maintenant ? N’est-ce pas amusant ?!
-Tu aurais dû le faire rimer avec maman ! Ironisa Anna.
-Maman !


Anna sursauta, ce mot, ça n’était pas son ancêtre qui l’avait prononcé, mais bien une autre voix familière. Anna sentit son cœur mort battre la chamade. Helga était là, contrairement à Pierre. C’était bien le plus beau des présents.
La cadette d’Arendelle profita de chaque instant avec la fillette. Les calins et les baisers furent nombreux. Les jeux endiablés aussi puis, la mère comme la petite fille sentirent l’une comme l’autre que l’heure approchait.



-Maman… Tu vas devoir t’en aller ?
-Oui… Oui Helga mais comme tu l’as dit… Je ne pars jamais d’ici. Fit Anna en désignant le cœur de l’enfant.
-Maman ?... Tu ne reviendras plus n’est-ce pas ?
-Non Helga… Pierre me l’a bien expliqué, ici pour moi c’est la dernière fois mon trésor ! Je repars pour le monde des vivants ! Mais jamais je ne t’oublierai, alors fais attention à bien rester sage ici, autrement, je viendrais en voyage astral pour te tirer les oreilles !
-Hihihi ! Je ne fais jamais de bêtise moi maman…
-Petite chipie ! N’oublie pas que je sais ce que tu deviens en grandissant ! Les cabrioles et acrobaties que tu vas faire quand tu vas un peu grandir…
-Mais ça c’est pas vraiment des bêtises maman… S’amusa l’insolente.
-Tu sais quoi ? Tu as raison mon trésor ! Et tu pourras faire toutes les cabrioles que tu veux mais en échange, il y a une leçon que je vais t’apprendre et que tu vas respecter scrupuleusement !
-D’accord maman ! De toute façon je t’obéirai toujours !
-N’oublie jamais ma puce ! Tu m’entends ?! Jamais ! … Que l’on ne doit jamais définitivement juger quelqu’un…
-Quoi ? Je ne comprends pas ?
-J’ai cru que ton arrière grand père Elysia, ou ton lointain ancêtre Pierre était un monstre pour que Mamie Anna soit contre eux ! J’ai pensé qu’Emma Picéaerd était un monstre avec toutes ses manigances, mais à chaque fois, la réalité était bien différente ! Alors ma puce, jamais tu ne dois condamner quelqu’un de manière définitive ! Les gens peuvent tous changer !
-Pourquoi tu me dis ça maman ?
-Je ne sais pas… Peut-être parce que j’espère que tu pourras me le rappeler quand je serai chez les vivants si jamais moi aussi je l’oublie !... Alors tu me le promets ?
-Et je pourrais faire des cabrioles ?!
-Des cabrioles, et même chaparder les biscuits dans la cuisine !... Sauf ceux de ma réserve !
-De toute façon, il y en a plus dans celle de tatie Elsa…
-Attends quoi ? Tatie Elsa ?... Elle n’a pas de réserve…
-Si elle en a une… Mais je ne te dirai rien !
-J’ai ta parole ma petite princesse ?
-Je promets maman ! Je promets de pardonner tout ceux qui m’ont embêté ! Même le gros vilain Andréas s’il le faut !... Enfin lui, je lui mets quand même une grosse gifle d’abord !
-Oulah… Je ne pense pas que nous aurons besoin de pardonner jusque là… Mais ça n’est pas une blague ma chérie, tu promets ?
-Oh mais oui, je suis toujours sérieuse dans ce que je dis maman !


La fillette ne laissa pas le temps à sa mère de répondre qu’elle l’étouffa sous un gros câlin. Toutes deux restèrent ainsi quelques minutes avant qu’Anna ne voit au loin la silhouette de Pierre, accompagné de Kristoff et Elysia…


-Tu dois la laisser mon enfant… il nous faut partir maintenant… Conclut Pierre, alors qu’Anna le rejoignait à reculons, ne cessant d’envoyer des baisers et des signes de la main à la petite Helga jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus la voir, prête pour sa grande mission dans le monde des vivants.