[FCU] La malédiction du cinquième esprit

Chapitre 19 : Dès que le vent soufflera



Mamie sortit de la grande salle du château d’Arendelle la mine grave, elle avait besoin de s’aérer l’esprit. D’un pas rapide elle regagna les jardins et les observaient. Pour un Arendellien, ils étaient sans aucun doute magnifiques mais pour elle, la chamane du peuple Northuldra, rien ne pouvait remplacer la magnificence d’arbres centenaires de la forêt dont elle pouvait distinguer au loin les prémices. Pourtant elle savait qu’elle ne devait s’y rendre. C’était désormais là-bas le territoire d’Elysia et jamais elle ne devait le revoir. Pourtant ça n’était pas cette absence qui pesait principalement sur son cœur mais bien ce thé partagé avec ses descendantes et sa lointaine aïeule. Iduna avait raconté en détail son entrevue dans le Niflheim avec Helga et mamie avait eu bien du mal à feindre l’étonnement. Face à la fureur d’Elsa elle avait dû accepter de se confesser. De manière mécanique, mamie avait confirmé avec précision les allégations que sa mère avait confié à Iduna. Elle aussi durant sa retraite avait enfin découvert la vérité et les raisons de sa séparation avec le Sappos devenaient évidentes. Le regard dans le vide, Mamie pensait à sa plus jeune petite fille, sans doute encore en train de tenter de recouvrer ses esprits. Ne pas savoir devait lui faire garder de l’espoir mais Mamie le savait, sans doute valait-il mieux cacher encore cette information à sa jeune petite fille. La réunion impossible d’un couple, qu’est ce qui aurait pu motiver davantage encore la furie rousse à tenter quelque chose, forcément stupide.


-Anna ? Tu te sens bien ?
-Oh Emma… Oui… Très bien, je pense à ce que nous devons faire désormais.
-Dis-moi, la grande Anna Picéaerd serait-elle inquiète à l’idée de retourner sur le devant de la scène pour sauver sa famille ? Taquina la doyenne.
-Tu le sais mieux que moi ma chère… Agir pour les vivants, ça n’a jamais rien apporté de bon…
-Tu as raison, à chaque fois j’ai échoué… Mais je ne vous avais pas avec moi ! Vous les plus éminentes personnalités de la famille ! Je sais… Tu m’en veux de ne pas vous avoir mis au courant des raisons de cette malédiction…
-Non… Cela a du sens ! Et si tu nous l’avais dit, je doute que nous t’aurions cru. Il fallait probablement que nous le découvrions par nous même !
-Je ne doutais pas que vous alliez y arriver ! Mais toi ? Tu tiens le coup ? Je sais que ton amour pour Elysia est sincère mais…
-Était Emma ! Était ! Je n’ai aucun sentiment pour lui désormais ! Lança mamie déterminée.
-J’espère que tu as raison…
-C’est le cas ! Je n’ai que faire de lui… Maintenant nous savons ! Quand je l’ai quitté j’espère que désormais il me craint et n’osera pas intervenir car si tel est le cas, il sait que je n’aurai aucune pitié pour lui et ferai ce qu’il y a à faire ! Le plus important c’est de sauver Kaspian ! Sais-tu quand nous pourrons partir ?
-Demain ! … La nuit de Noël commencera dans le monde des vivants… Avec l’aide de cette chère Iduna, je pourrais nous emporter dans les rafales de Courant d’Air jusqu’au monde des vivants auquel vous apparteniez ! Et avec ton énergie, celle d’Elsa et d’Iduna… A nous quatre, notre puissance d’esprit pourrait être suffisante pour revenir dans le monde des vivants… C’est peut-être l’aboutissement de la prophétie… C’est peut-être ça qu’il fallait, nos puissances cumulées pour…
-Pour ?... Emma nous ne cherchons pas le pouvoir n’est-ce pas ?
-Par tous les esprits non ! … Enfin si !... Pour pouvoir revenir nous n’avons pas le choix… Mais seulement pour ça ! Et Anna… Il faudra nous montrer prudentes ! Ce pouvoir risque d’attirer les convoitises ! Je n’ai rien dit à Iduna et Elsa mais… Il faut que tu saches car tu sauras quoi faire…
-Que veux-tu dire ?
-J’ai peur pour Elsa !
-Comment ça ?
-Notre jeune esprit peut se montrer régulièrement attirée par le pouvoir et la puissance… Atteindre ainsi la puissance ultime… Elle a déjà pu voir les immenses prodiges que confère notre statut, ton double et toi avez réussi à recréer la vie pour que vos autres entitées aient une nouvelle chance ! Cette fois, on parle directement de vaincre la mort ! Si nous réussissons, nous ne serons pas de simples esprits invisibles pour les mortels. Nous serons de nouveau vivants. Pour Elsa, cela sera une incroyable chance, elle qui avait dû sacrifier sa vie auprès de ses enfants ! J’espère sincèrement que cette joie sera plus forte que cet immense pouvoir auquel elle aura goûté !
-Tu ne lui fais pas confiance ?
-Je n’ai pas dit ça ! Ta petite fille est merveilleuse et courageuse. Sa magie, ses pouvoirs de l’hiver sont extraordinaires. Elle souhaite toujours agir pour le plus grand bien à n’en pas douter… Mais tu le sais, nous ne sommes tous que des humains, avec nos faiblesses, nos défauts… Et plus notre pouvoir est grand, plus ils sont dangereux. Tu connais mon passé, tu sais quelles ont été mes erreurs… Si je n’avais pas eu de pouvoir, mes défauts n’auraient pas eu tant de conséquences… C’est pareil pour toi n’est-ce pas ? Au final, cette malediction qui frappe nos plus brillants membres, c’est aussi parce que leurs défauts sont mis en lumière… Et quel est le plus gros défaut d’Elsa ?
-… Le pouvoir… Admit Mamie.
-Ca… et comme toujours la peur ! Elle pourrait perdre le contrôle ! Son appetit du pouvoir doublé par sa peur… associée à celle de Kaspian…
-Voilà un tableau peu réjouissant en effet… Mais tu oublis un point essentiel ! Elsa n’est pas seule ! Elle nous a nous ! Et c’est sa plus grande force !
-Oh non je ne l’oublie pas ! S’il n’y avait pas cette sécurité… Jamais je n’aurai proposé à ce que nous tentions l’aventure… Mais Anna, toi qui es si prévoyante, me considères-tu injuste à penser à cette éventualité ?
-Non… C’est même assez sage, nous devons nous y préparer…
-Et surtout ne pas la quitter des yeux !
-Je me chargerai de la chaperonner ! Sois sans crainte Emma…
-Je n’en attendais pas moins de toi… Tu es véritablement le joyau de cette famille ! Fit la doyenne sincère…
-Je n’ai jamais couru après les honneurs…
-Ce qui te rend d’autant plus étincellante !... Ta sagesse saura je l’espère refrenner les plus noirs aspects d’Elsa et la fougue vengeresse de ta fille…
-Iduna ?! Tu ne lui fais pas confiance non plus ?
-Je n’ai pas dit ça ! Objecta Emma en levant les mains avant d’ajouter : Mais c’est une louve ! Comme toi ! Son fils est menacé, c’est lui que nous comptons sauver ! Comment aurais-tu réagi si tu avais su qui était Andréas réellement lorsqu’il s’en est pris à ton Olaf ?
-Je…
-Tu aurais pu, l’espace d’un instant imaginer agir de la manière qui te ressemble le moins n’est-il pas ?
-… Et Iduna pensera de la même manière j’ai compris !
-Encore une fois Anna… ça n’est pas un reproche !... Bien au contraire ! Notre chère Iduna, tout comme toi, êtes de loin de bien meilleurs parents que je n’aurai pu rêver l’être un jour…


Un long silence s’abattit entre les deux matriarches. Emma dévisageait sincère mamie Anna alors qu’elle craignait d’avoir froissé la chamane. Mais il n’en fut rien. Mamie offrit un sourire à sa lointaine ancêtre avant de prendre congé, prête à prendre soin de sa fille et sa petite fille ainée pour les préparer à faire le grand saut.


-Et Anna une dernière chose ! Soyez ponctuelles ! Demain au crépuscule nous devons partir, ça ne sera pas possible ni avant, ni plus tard ! Tu sais que je ne puis me rendre chez les vivants à un autre moment !
-Je sais ma chère… Nous serons ponctuelles… Tous chez les Picéaerd n’avons pas le défaut de notre petite Anna !
-Je l’espère !


La petite remarque ne manquât pas d’arracher un demi sourire aux deux éminences grises des Picéaerd qui se séparèrent cordialement. Emma resta quelques instants seule et pensive. Depuis des siècles elle n’avait pas pour habitude de côtoyer beaucoup de monde et préférait laisser Mamie Anna se charger de motiver ses ouailles alors qu’elle, avait pour habitude de rester seule. La seule chose qui l’interessait, enfin pouvoir balayer la malediction qui frappait les Picéaerd alors qu’elle regardait au loin vers le nord.

Le regard de la première Picéaerd pointait, au-delà de son horizon vers la rivière où la jeune Anna pleurait toutes les larmes de son corps et, un peu plus loin, vers Elysia qui déambulait seul et désemparé. Depuis des heures, il se laissait guider au hasard des brises de vent puis finit par ouvrir les yeux… Curieusement, ses pas l’avaient guidé vers la taverne qui dans le monde des vivants était celle de l’Engel Dot…


« Après tout…c’est sans doute ça qu’il me faut ! » Souffla pour lui-même le Northuldra du Nord.


Sans trop d’hésitation, il se décida à entrer, le regard planté vers ses pieds il avança hagard vers le bar de l’auberge où il n’en doutait pas, il trouverait aisément de quoi s’arroser l’estomac.


-Hum… Je te sers quelque chose ?


Surpris par la question, Elysia leva le regard et se figea sidéré. Pendant un instant, il était incapable de parler ou de penser alors que le fixait avec un regard gêné et sincèrement désolé, l’ancien roi Runaerd.


-Toi !!! Fulmina le Northuldra qui serrait les poings.


D’instinct, les souvenirs du roi, batifolant avec Anna et même souillant les lèvres de celle qui l’avait tant aimé le submergea et tel un animal, il tenta de se jeter sur l’ancien souverain, prêt à le molester et déverser sa rage envers son rival. Sa colère l’aveuglait, il souhaitait lui faire mal ! Sans réflechir il se jeta tel un forcené sur Runaerd. Elysia avait beau être grand et fort, il semblait oublier que Runaerd était un colosse qui le dépassait d’une tête et lui rendait bien vingt kilos de muscles. Sans grand efforts, l’ancien monarque parra les coups du Northuldra et se chargea de repousser le plus délicatement possible l’éleveur de rennes furieux. Au bout de trois assauts, la colère folle d’Elysia semblât se dissiper et prit soudain conscience bouteille à la main, prêt à la fracasser sur le souverain que son rival lui n’avait pris aucune arme ne cherchant pas le conflit. L’attitude à ce point pacifique de Runaerd permit au Sappos de recouvrer peu à peu ses esprits et se stoppa malgré sa colère dans son geste fou.


-Bien ?... Je te sers un verre Elysia ?
-C’est… C’est pas de refus… Bougonna-t-il haletant, avec un regard mauvais.
-Eh bien… Tu n’y vas pas de main morte ! Quelle poigne ! Souffla le souverain en servant un verre et massant son poignet endoloris qui avait paré les coups.
-Je te retourne le compliment… Merci de ne pas avoir répondu… Maugréa Elysia en vidant son verre avant de laisser Runaerd le resservir.
-Oh… Je m’en serai voulu d’abimer ton visage l’ami !
-Vantard !
-Oh non Elysia... s’il y en a un qui peut se vanter, c’est toi ! Tu as épousé la plus merveilleuse femme de tout l’univers connu
-En plus tu oses te moquer…
-Pas du tout ! Elysia, je sais ce que tu penses mais notre relation est platonique… Elle se confie, et moi aussi… Regarde ! Elle m’a envoyé cette missive dernièrement… ça parle de toi ! Je ne l’ai pas lue selon sa volonté… Je devais te trouver et te la remettre !
-Vraiment ?!


Tout en maintenant un regard méfiant envers l’ancien monarque, Elysia, après avoir vidé d’un trait son verre se saisit sans aucune délicatesse de la missive tendue par Runaerd. Voir ainsi l’écriture parfaite d’Anna le remplit de joie avant de se plonger dans la lecture. Lorsqu’il fut arrivé au bas de la page, un nouveau verre plein, rempli par Runaerd était devant lui. Machinalement il reposa la lettre et bu d’une traite le spiritueux servi avant d’en prendre immédiatement un second. Le feu de l’alcool n'avait aucun effet sur son estomac en cet instant tant la lecture l’avait mis en état de choc. Runaerd le dévisageait compatissant. Il se contentait simplement de servir le Northuldra qui n’était sans doute pas assez sobre à son gout. Il était illusoire de tenter de le modérer, le simple fait de ne pas le laisser vider la bouteille d’une traite était probablement une victoire pour l’Arendellien.


-Hum… Mon beau-frère, tu m’en laisses un peu ?


Surpris par cette irruption, l’esprit légèrement dans le vague, Elysia leva la tête de son verre. Le regard légèrement vitreux il mit un instant avant de comprendre. Pieter lui faisait face. L’ainé de la famille Picéaerd avait une mine sombre. Si on lui avait annoncé que toute sa famille avait disparue, sans doute n’aurait-il pas eu un visage plus desespéré. A sa suite, une jeune femme ne le lâchait pas d’une semelle. Elysia observa la femme mais son esprit devait être trop embrumé supposait-il car son visage ne lui disait absolument rien, contrairement à Runaerd qui donnait l’impression d’avoir vu un fantôme.

-Alors ? Tu me sers Elysia ? J’ai quelque chose à fêter !
-Ah oui ?... Et qui est cette dame ? Questionna Elysia.
-Justement ! C’est ça que je fête ! … J’ai retrouvé ma fille ! Fit Pieter d’une voix las.


Elysia qui commençait un nouveau verre le recracha immédiatement, arrosant tout le bar. Toussant et crachant, pensant que l’alcool lui était monté à la tête un peu trop vite, il dévisageait hagard son beau frère et cette mystérieuse inconnue. Mais il n’était pas le seul à être sidéré. Malgré sa haute taille, Runaerd donnait l’impression de chercher à disparaître sous le plancher.


-Attends quoi ? Murmura Elysia persuadé d’avoir mal compris.
-Je te présente Alexandra… Et c’est ma fille ! Oh et puis, tu le sais déjà Runaerd… Elle est aussi ta nièce !
-Oncle Runaerd… C’est… Un honneur de pouvoir enfin…
-Oui oui !! Moi aussi ravi ! Balbutia Runaerd.
-Non attendez, vous me faîtes une blague tous les deux ?... Comment ça c’est ta fille !? Pieter !!! Pas à moi !!! Enfin je sais pertinemment que ton amour se porte pour…
-Les hommes ?! … Oui ça n’est pas un secret… Mais il n’y a pas besoin d’amour pour concevoir un enfant… Faut-il te rappeler le mode d’emploi ? Maugréa l’ancien soldat en vidant à son tour son verre.
-Non mais ça n’est pas possible et… comment ?... Enfin non pardon… Je veux dire quand ?!
-Je puis vous répondre monsieur, mon père et ma mère se sont chargés de me concevoir ici-même ! … Quel endroit charmant ! Réagit Alexandra avec un regard mauvais vers l’auteur de ses jours.
-Quoi ?... A l’Engel ?! … Non !!! Non !!! Pieter !!! Ne me dis pas que… Pieter cette soirée de printemps quatre mois avant qu’Anna ne me retrouve !... Quand tu es venu paniqué réclamer une… C’était pour… Mais pourtant si je me souviens bien… Aucune femme n’était avec toi…
-Ca n’était pas pour « ça » … Mais pour qu’Alexandra vienne au monde ! C’est pour cela que j’ai insisté pour avoir la chambre du rez de chaussé… Sa mère y est entrée par la porte de derrière pour accoucher…
-Eh bien ça alors… Mais… Pourquoi a-t-elle appellé Runaerd… Mon oncle ?
-De ce que vois de la bouteille, je ne pense pas que ton esprit soit assez embrumé pour ne pas que tu découvres la raison… Ronchonna Pieter désemparé.
-Mais enfin non je ne comprends pas puisque, Runaerd n’a ni frère ni sœur alors la seule possibilité serait que… NON !!! Non c’est tout à fait impossible. Pieter t’as pas fait ça ?!


Elysia soudain posa son regard vers Runaerd et constata effaré que le visage du monarque avait viré au rouge pivoine et semblait se liquéfier sur le comptoir…


-Non !!... C’est une mauvaise plaisanterie…
-Je le souhaiterai Elysia… Mais tu as bien compris… Alexandra est la fille… de ma femme Rita… Admit le roi.


A cet instant, toutes les certitudes d’Elysia tombèrent. A cet instant, il ne savait plus quoi penser. A cet instant il n’avait plus aucun ressentiment envers Runaerd. Lui qui se sentait trahi de voir son épouse lui echapper… Jamais il ne pouvait concevoir pareille trahison ! Et comment Runaerd pouvait-il faire pour accepter de se trouver en compagnie de Pieter ? L’homme qui lui avait planté ce poignard dans le dos ? L’espace d’un instant, une pensée terrible, une haine vicérale parcourut Elysia alors qu’il dévisageait l’ainé des Picéaerd. Cet homme qui l’avait tué… Cet homme qui avait souillé l’honneur de Runaerd en lui prenant sa femme… Pendant une seconde, il s’imaginait le mettre en pièce, aidé par son rival, alors que le monarque prit la parole. D’une voix tremblante, cet homme si sur de lui avoua penaudement les humiliations que la reine Rita pouvait lui faire subir. Ce mariage sans amour envers cette personne pour qui il n’avait que mépris, mais qui pour seule réponse, ne lui accordait que tromperies et duperies. Runaerd énuméra les multiples écarts de conduite de la reine Rita, qui n’hésitait pas à finir dans le lit des plus hauts dignitaires étrangers quand elle ne séduisait pas leurs épouses. De ce mariage sans amour, elle en tenait Runaerd pour responsable et ne souhaitait qu’une chose, le faire tomber de son piedestal et peu importait si la victime de ce ménage détruit en était le prince Agnarr ainsi que le royaume d’Arendelle. Durant cette troublante confession, où Runaerd ne se dédouanait pas de ses propres fautes envers sa femme,  la haine d’Elysia pour Pieter se dissipa et ce dernier finit par admettre à demi-mot que la souveraine l’avait trop fait boire pour parvenir à ses fins alors que silencieuse, Alexandra furieuse ne perdait pas une miette de ces aveux.


-Mais, il y a une chose que je ne comprends pas… Si Rita n’aspirait qu’à se retrouver dans le lit des puissants ?... Pourquoi finir avec Pieter ça n’a aucun sens ?... Enfin sans vouloir te vexer. S’empressa d’ajouter Elysia de peur de se montrer blessant.
-Non mais il n’y a pas de mal… Je crois que j’ai eu ma dose aujourd’hui de toute façon…
-Sans doute savait-elle que Pieter était l’amant de Niklas… Mais aussi le miens… Elle voulait m’atteindre au cœur. Je ne pouvais rien contre un dignitaire étranger… A part seulement payer pour son silence… Mais pour un soldat de ma garde, j’aurai pu le faire disparaître ! C’était là un ordre que je me refusais à prendre ! J’aurai préféré que le bourreau ne me passe la corde autour du cou plutôt qu’ordonner de supprimer la vie de Pieter !


La déclaration forte eût un certain effet et un long silence s’en suivit. Pieter en avait les larmes aux yeux, alors que Runaerd, prêt à soulager sa conscience soupira.


-Cela aurait pu rester secret… Rita n’avait aucune raison d’avouer avoir deshonoré notre mariage, et quand bien même aurait-elle accusée Pieter, sa réputation aurait été ternie à tout jamais… Mais il a fallu qu’elle tombe enceinte ! Elle avait dû prévoir son coup ! Et cela changeait tout…
-Et pourquoi cela ?
-A cause d’une vieille loi du roi Bjorn II d’Arendelle ! Cette loi indique que si le monarque en exercice ne peut garantir la paix dans son ménage, alors il ne peut la garantir pour le royaume et doit donc être renversé…
-Vous ?... Vous auriez pu perdre votre couronne ?
-Tout juste… Alors j’ai fait la seule chose possible ! J’ai confié l’enfant à des alliés et je les ai grassement payés pour garder le secret… Pieter comme Rita n’ont jamais su que j’avais envoyé l’enfant à Funningur…
-Quoi ?... Vous… Vous êtes… Alexandra de Funningur ?
-Tout juste… Et vous ?
-Oh… Lui c’est le mari de ma sœur… Elysia Sappos ! Oui en somme Alexandra, tu as en face de toi tes deux oncles…
-Génial… Un père qui refuse l’idée même de mon existence, une mère trainée et deux oncles ivrognes… Etes vous certains que je me trouve au paradis ? Insista avec force la femme qui finit par céder au verre que lui tendait Runaerd.
-Je te comprends… On t’offre un spectacle pitoyable ma fille… Je n’ai même pas su si tu avais survécu à ta naissance… Après avoir fait entrer en douce ta mère… Je ne l’ai jamais revu. Runaerd est arrivé et m’a fait enfermer pendant quelques jours au secret… Puis Niklas m’a libéré… J’aurai pourtant aimé avoir le rôle de parent… Mais en compagnie d’une personne avec qui je partage une complicité et des valeurs… pas comme ça ! Je n’ai rien contre toi ! Mais cela me renvoie seulement à ma culpabilité…
-Et pourquoi donc avoir fini par la retrouver ? Interrogea Runaerd toujours si gêné
-Ca me semble évident… Je suis son plus proche parent ici… Sa mère est dans le Nifflheim ! Coupa Pieter.
-Sans vouloir les défendre madame… Au moins Runaerd a su épargner les vies de tout le monde… Il aurait pu vous faire disparaître après tout pour etouffer l’affaire… Surtout avec le trône en jeu !
-Oh mais j’y ai bien pensé. Quand je suis arrivé dans cette chambre, que j’ai vu Rita et ce nourrisson tout juste né… Je me suis imaginé les égorger toutes les deux…. Mais Rita m’a regardé triomphante et présenté un dignitaire de son royaume de naissance… Il avait déjà consigné la naissance… Elle me tenait !
-C’est-à-dire ?
-Si cela venait à se savoir… Rita serait répudiée, considérée comme traitresse… Mais elle jetterai aussi l’opprobre sur sa descendance ! … Agnarr n’aurait pu être roi… Ni ses filles après lui ! Quant à moi, j’aurai été obligé de déclarer la guerre aux peuples des parents des traitres ! Une guerre contre le royaume de Suède aurait été très risquée… Mais elle n’aurait pas été la seule… Il m’aurait fallu détruire également… les Northuldra ! Confessa Runaerd les larmes aux yeux.
-Quelle horreur !... Hoqueta la duchesse de Funningur.
-Comme vous dites madame… C’est pour cela que j’ai tout fait pour vous cacher, j’ai effacé toutes les traces… Rita savait qu’elle avait gagné, mais aussi que la route s’arrêtait pour elle… Elle n’avait plus d’autres choix que de rester auprès de moi, car elle aussi risquait de voir son royaume d’origine anéanti… Las de chagrin, elle a fini par fuir en ermite… Mais la menace plânait toujours. Car si votre existence se découvrait… Votre vie, et celle de Funningur entier aurait été menacée également… Alors, l’argent était le seul moyen… C’est de ce jour qu’il m’a fallu ouvrir le commerce avec Weselton et ainsi acquérir assez de prospérité pour acheter le silence et l’oubli… Mais demeurait ma honte… Celle d’avoir empêché mon fils de connaître sa sœur cadette… Celle d’avoir empêché l’homme que j’aime, de connaître sa fille… Confessa le monarque.
-Vous ne saviez rien de tout cela madame ? Se risqua Elysia.
-Non… Absolument rien ! Mes parents… Enfin, mes parents adoptifs m’ont toujours aimé et protégé… Elevé dans la droiture et la dignité… Tout ce que j’ai échoué à transmettre à ma fille Maria…
-Et… Pardon de plomber l’ambiance mais… N’êtes vous pas un peu jeune pour être morte ? Comment est-ce arrivé ? Demanda Elysia qui semblait avoir recouvré toutes ses facultés malgré l’alcool.
-Eh bien… La dernière chose que je me souvienne, c’est qu’un valet m’a apporté une missive de ma fille qui se rendait en Arendelle avec son fiancé le prince Karl
-Et ?...
-Et ?... Je crois que le valet s’est approché violement de moi et… Je ne sais plus rien…
-Vous m’en direz tant…


Elysia était devenu mutique et inquiet… D’instinct il traversa la pièce de la taverne et observa l’horizon. Au loin il distinguait les contour du glacier magique alors que tous le rejoignaient, surpris que le vent se soit soudainement levé.


-Brr… Quel temps ?... C’est toujours comme ça le paradis ?... Enfin l’Hellheim ?
-Non… Et ça n’annonce rien de bon… Ma chère Alexandra, je ne pense pas que votre mort soit due au hasard…
-Ah oui ?... Vraiment ?... Mais comment le ?...
-Je ne le sais pas… Mais là-bas je suis certain que des réponses m’attendent…
-Là-bas ?... Le glacier géant ?... Non mais vous n’êtes pas dingue ?
-Ce glacier se nomme Ahtohallan ! … Quittez donc cette taverne minable madame ! Suivez votre père et votre oncle… Ils sauront vous montrer de bien meilleurs lieux et je compte sur votre père pour jouer son rôle ?
-Mon rôle ?... Quel rôle ?
-Celui de père idiot ! Raconte donc à ta fille les histoires qu’elle doit connaître ! Parle-lui de ce glacier d’Ahtohallan !


Elysia avait parlé avec une telle prestance que même Runaerd, pourtant souverain, malgré lui s’inclina ainsi que les autres derrière le Northuldra du Nord. Puis, sans aucune objection tous suivirent ses directives. Intrigué, Elysia les regarda s’éloigner avant de reporter son regard vers le glacier… Cette enfant cachée et son apparition soudaine ici, alors que la malediction frappait, cela n’avait rien d’une coïncidence… Il devait en avoir le cœur net, alors que le vent soufflait en direction d’Ahtohallan.


Le zéphyr déferlait dans la forêt jusqu’à atteindre le glacier et se transformer soudainement en une petite bise taquine qui chatouillait les oreilles d’Anna. La cadette d’Iduna venait d’atteindre la rivière magique et sentait avec la présence du compagnon fétiche de sa mère comme un signe évident qu’elle trouverait enfin les réponses qu’elle cherchait si desespérément pour que sa grand-mère et son grand père, qu’ils le veuillent ou non réussissent à se remettre enfin ensemble !
Décidée, elle pénétra dans le dôme des souvenirs. Elle n’était pas experte pour faire fonctionner Ahtohallan, mais Mamie avait su se montrer explicite… Et après tout, Anna aussi était chamane alors sa seule volonté devait suffire pensait la furie rousse alors qu’elle fixait la paroi gelée. De tout son être Anna concentrait toute son énergie astrale vers la glace immaculée. Après de longues minutes d’effort. Anna se sentit transportée dans les méandres de la rivière des souvenirs. Emportée vers le monde des vivants, la jeune reine cherchait en vain des réponses à ses questions avant qu’elle ne finisse par apercevoir son frère, seul à devoir observer un jeune adolescent faire la cour à Emma. Mais, alors qu’Anna, attirée par sa curiosité maladive aurait souhaité en savoir plus, elle se sentit repoussée par le glacier et, l’instant d’après se retrouva allongée au sol d’Ahtohallan. Désorientée, surprise d’avoir été rejetée par la rivière, Anna chercha l’espace d’un instant à recouvrer ses esprits. Cet instant de latence laissa l’opportunité au zéphyr pour l’emporter et l’arracher au sol. Incapable de se mouvoir ou retrouver ses appuis face à la puissance du vent, Anna plissa les yeux et malgré les rafales, aperçut devant elle une personne encapuchonnée.


-Vous ?... Mais…
-Que fais-tu là jeune imprudente ? Ta mère ou ta grand-mère ne t’ont donc jamais appris que la curiosité était un vilain défaut ?
-Je veux juste comprendre comment je peux remettre ensemble ma grand-mère et…
-Peu importe… Et je ne t’en veux pas Anna Picéaerd d’Arendelle ! Bien au contraire ta venue est une benediction…
-Attendez quoi ?... Vous comptez m’aider ?!
-Non ! … Mais toi oui !
-Quoi… Non !!! Attendez !!! Hurla Anna alors que le vent se mit à souffler plus fort encore.
-Non je n’attends pas… Je n’ai pas beaucoup de temps !
-Arrêtez !!! Relachez-moi !!! Hurla Anna
-Ne t’en fais pas… Tu vas retoucher le sol bientôt…


Aussitôt les propos de la personne encapuchonnée se matérialisèrent et un gouffre béant se créa quelques pas derrière le corps virevoltant d’Anna, emportée par le vent soufflant toujours plus fort…


-Au secours !!! Qu’allez-vous faire !!!?
-Le plus grand bien… Reste tranquille… J’ai besoin de toi Anna !
-Quoi ?! Non !!! AAAAAAAH !!!


Le cri d’effroi d’Anna résonna dans tout Ahtohallan alors qu’elle basculait dans le gouffre impressionnant crée.  Alors que son corps disparut des milliers de cristaux illuminèrent le dome d’Ahtohallan en de puissantes gerbes. La lumière fut si forte qu’il était impossible de distinguer quoi que ce soit et, au bout de longues secondes, l’éclat disparut, replongeant Ahtohallan dans la pénombre. A la place du gouffre béant qui s’était refermé, une forme humaine, allongé dans des couvertures, peinait à recouvrer ses esprits.


-Où ? Où suis-je ?
-Dans l’Hellheim évidemment…
-L’Hellheim ?... Mais… Comment ?
-Eh bien quand une âme innocente est jetée dans les limbes… Une porte reste ouverte pour qu’une âme sorte… Sois le bienvenu ici… Andréas ! Je me languissais de ton retour !
-Vous ?! … Enfin !! Souffla d’une voix mauvaise le Nattura qui distinguait enfin les traits du visage de la personne en face de lui.
-Tu ne pensais pas que je laisserai mon plus valeureux compagnon croupir dans les limbes… J’espère que tu es en forme
-Après cet enfer… Plus que jamais !
-A la bonne heure… Les Picéaerds doivent dans quelques heures repartir pour le monde des vivants… Qu’en dis-tu ?
-J’en dis qu’il serait impoli de ne pas les accompagner…
-Je n’en attendais pas moins de toi Andréas ! Souffla d’un air mauvais la personne alors que la brise soufflait et posait dans les mains de l’ancien damné… une sarbacane...

Chapitre 20 : Le retour du meurtrier



Andréas observait l’arme avec émotion comme s’il avait retrouvée une vieille amie. Il dévisagea sans comprendre la personne qui venait de lui faire ce présent.


-Comment as-tu fait pour ?...
-Pour l’avoir ici dans l’Hellheim alors que tu n’étais pas destiné à y être ?... Disons que j’ai quelques menus avantages ici… J’espère que tu en feras bon usage…
-Tu n’as pas idée ! … Il me tarde de supprimer avec l’existence de cette peste d’Iduna… J’aurai dû m’occuper d’elle alors qu’elle n’était qu’une enfant ! Savais-tu que j’en avais eu l’occasion pourtant ?
-De l’éliminer ?
-Oui ! Puisque cette idiote n’écoutait jamais sa mère et préférait s’enfuir dans les arbres… Cette peste mangeait tout ce qu’elle trouvait et un après midi alors qu’elle n’avait que cinq ou six ans…
-La voilà qui prend une branche de baie de sureau et au dernier moment, tu es sorti des fourrés et l’a giflé pour la faire lâcher les baies qu’elle s’apprêtait à manger… Coupa la personne face à lui avec froideur.
-Ah oui… C’est vrai… Tu surveilles tout !
-Comme tu dis ! D’ailleurs je ne t’ai jamais demandé, pourquoi as-tu agi de manière si idiote ?! Elle s’éliminait d’elle-même !
-J’ai hésité !... Après tout j’avais fait exiler cette raclure de fausse femme de Pieter, supprimé Helga et Olaf quelques semaines auparavant… Je craignais qu’on ne me soupçonne alors ! Et puis… Je me suis imaginé la situation où je pourrais peut-être finir par épouser Iduna !
-Quoi ?! Andréas ?! Aurais-tu des sentiments pour elle ?! Demanda la personne soupçonneuse.
-Comment ?! Que les esprits me gardent bien sûr que non ! Il faut être un parfait idiot comme cet ahuri d’Antoine Populus pour s’amouracher de cette peste ou pire encore cet avorton sans charisme de roi Agnarr ! Non, j’avais seulement émis l’espoir qu’en l’ayant comme femme, j’aurai son pouvoir de cinquième esprit à portée de main… Et notre enfant en aurait été doté il aurait été aisé de le manipuler et réussir à lui dérober !
-Un plan absurde !
-Je n’étais qu’un adolescent bien immature… Et tu le sais je n’ai pas laissé passer l’occasion pour son deuxième rejeton !
-En effet je te le concède tu apprends vite Andréas… Et tu n’as pas voulu tenter l’expérience avec celle-là ?... Après tout elle s’est en amouraché de ton fils ?
-Trop bavarde ! Immature et irréfléchie et…


Le Nattura se stoppa alors que les deux interlocuteurs tournèrent la tête. Effarés, tous les deux virent alors, cachée derrière un pilonne de glace la dégaine d’Helga qui recula.


-Qui-est-ce ? Cria Andréas surpris.
-Helga… tu l’as croisé dans les limbes mon ami…. Mais elle n’était qu’un bébé… Il faut la rattraper !
-Je m’en charge !


Curieusement, le Northuldra ne commença pas une course poursuite envers la jeune fille qui s’éloignait d’un pas rapide. A la place et avec grand soin, il s’occupa d’armer et de viser avec la sarbacane qu’on lui avait rendue. D’un geste précis il tira. L’instant d’après, fauchée, Helga se stoppa comme paralysée. D’un pas lent et sur de lui, Andréas s’approcha en compagnie de la personne encapuchonnée de l’adolescente qui grimaçait de douleur. Il la toisa de toute se hauteur alors qu’elle peinait à se relever et lui jetai un regard furieux. Soudain il lui tendit la main.


-Eh bien jeune demoiselle ? Aurais-tu glissé ? Courir sur la glace n’est pas prudent ! Permets-moi de t’aider !
-Ne m’approchez pas ! Je sais qui vous êtes ! Eloignez-vous où je vous mords !
-Eh là petite doucement ! Et les bonnes manières alors ?! Railla Andréas en maintenant sa prise contre Helga alors qu’elle s’était remise debout


Andréas la dévisagea d’un regard mauvais, puis, il prit sur lui pour montrer à Helga un visage jovial et sympathique puis il soupira et reprit.


-Bien, calmons-nous veux-tu ? Tu es perdue sans doute, je comprends, un dôme pareil ça doit être effrayant et tes parents ont dû te dire de se méfier des étrangers… C’est bien ! Mais ne t’en fais pas je ne te veux aucun mal, je vais t’aider à sortir de ce glacier et rentrer chez toi !
-Je ne suis pas perdue et vous n’êtes qu’un menteur ! Vous êtes Andréas Nattura et si mon grand oncle Olaf est mort c’est à cause de vous ! Pareil pour ma grand-mère Iduna !
-On se calme petite ! C’est grave ce que tu dis ! Je ne sais pas ce qu’on t’a raconté mais tu dois te tromper ! C’est ça les jeunes, ça se croit grand mais ça comprend tout de travers comme les petits enfants ! Si j’étais si maléfique, pourquoi serais-je ici ? Dans l’Hellheim ? Tu vois bien que cela n’a pas de sens ! Ah les enfants ! Toujours avec une imagination débordante ! Et toi ? Tu n’es pas un peu grande pour avoir ça auprès de toi petite ? Sourit Andréas en désignant les poupées de chiffon qui ne quittaient pas la fille d’Anna et Hans.
-Non ! C’est vous le menteur et je ne suis pas perdue ! Je sais très bien ce que je j’ai dit et ce que j’ai vu ! Qu’est-ce que vous avez fait à ma mère ? Où est-ce que vous l’avez enfermé sale monstre ?


La tempe bouillonnante, Andréas leva le bras et d’un revers de main assena une violente gifle à Helga. Sous le choc, la lèvre fendue, la jeune femme perdit l’équilibre et heurta violement le sol gelé d’Ahtohallan. Désorientée, Helga n’eût pas le temps de comprendre ce qu’il lui arrivait avant que la douleur du choc ne lui parvienne. Ce petit temps fut suffisant pour Andréas qui se jeta telle une bête féroce sur la frêle jeune fille. De ses bras puissants il l’immobilisa, plaquant sa main sur la bouche de la dernière Picéaerd qui ne pouvait se mouvoir et encore moins parler. La vision troublée et à demi masquée, elle finit par distinguer la personne avec qui le monstre Nattura dialoguait alors que dans la précipitation sa capuche était tombée. Le regard de la fille d’Anna se figea d’effroi tandis que la personne vînt mécontente auprès d’Andréas, veillant à masquer à nouveau son identité.


-On voit que tu as été élevé par des Picéaerd ! Incapable d’être discret ! Qu’est-ce qu’on va faire d’elle ? On ne peut pas la tuer ! Assenna la personne furieuse.
-En cas de nécessité je ne vois pas le problème ! Indique-moi un endroit plus discret et je peux lui trancher la gorge… ça sera rapide ! Ne t’en fais pas ma petite, tu ne sentiras presque rien… Souffla le Nattura d’une voix mauvaise en approchant la lame de son couteau au plus près du visage d’Helga.
-Et cela fera quoi de l’égorger idiot ?! … Nous sommes dans le monde des morts ! Elle ne peut pas mourir une seconde fois !
-Oh mais si ! On peut ! … J’en sais quelque chose !


Les deux complices échangèrent un regard entendu. Aussitôt la personne compris et un sourire machiavélique se dessina sous sa capuche noire. Helga ne voyait pas ses yeux mais à n’en pas douter c’était un regard du diable qui devait observer Andréas. Les événements se précipitèrent. La Terre d’Ahtohallan trembla quelque peu. Sous son épaisse glace on pouvait deviner l’eau de la mer sombre qui semblait bouillir et, au bout de plusieurs secondes la crevasse béante qui avait emporté Anna d’Arendelle quelques minutes plus tôt commençait à se reformer. La terreur put alors se lire sur le visage d’Helga qui se débattait de toutes ses forces mais c’était peine perdue. Andréas avait au moins la même force physique que Kristoff, elle n’avait aucune chance d’en réchapper.


-Allons ! Allons ! Sois une gentille petite ! On se calme ! Il ne va rien t’arriver !... Après tout tu vas retrouver maman ! Ricana le Nattura.


Une terreur nouvelle envahit Helga qui avec la force du désespoir alors qu’elle comprenait le sort qui l’attendait se débattait tant qu’elle put et, par miracle finit par échapper aux griffes de son agresseur. Effrayée et haletante, elle chercha des yeux une sortie, une cachette, un sanctuaire salvateur pour se sauver de ses tourmenteurs. Son hésitation fut fatale et elle sentit aussitôt Andréas fondre sur elle et la plaquer violemment. Sous le choc, l’adolescente relâcha machinalement la poupée de chiffon à l’effigie d’Anna alors qu’elle se sentait être soulevée de terre par la force herculéenne d’Andréas. En aucun cas il ne laissera sa proie lui échapper à nouveau. Helga se débattait, le frappait dans le dos de ses faibles poings malgré une énergie débordante. Andréas n’en avait que faire et ne prit pas même le soin d’empêcher sa victime de hurler. Il n’était pas nécessaire de perdre plus de temps avec cette petite fouineuse. Il la redéposa alors au sol. Refusant son sort, Helga tentait de lutter mais inexorablement elle s’approchait toujours plus du précipice. Les larmes coulèrent le long de ses joues alors qu’elle sentait le gouffre juste derrière elle.


-Pitié ! Ne faîtes pas ça ! Je ne dirai rien… Sanglota-t-elle
-Mais j’y compte bien petite ! Coupa Andréas.


Il lui adressa un grand sourire bienveillant, les traits du visage du Nattura s’étaient radouci et il avait relâché quelque peu sa prise. Toujours tremblante, Helga se décrispa peu à peu, soulagée d’être ainsi épargnée.


-Je… Merci…
-Mais de rien… Je ne suis pas un monstre, je ne sépare pas les familles !


D’un geste rageur, Andréas poussa alors subitement Helga. Surprise, la jeune fille d’instinct recula d’un pas qui lui fut fatal. Son pied qui cherchait désespérément un appui pour empêcher de basculer ne rencontra que du vide. Le temps semblât comme passer au ralenti pour Helga qui se sentit chuter en arrière, happée par le gouffre. C’est à peine si elle eût le temps de pousser un cri alors que sa dernière vision fut celle d’Andréas satisfait de son forfait. L’ancien damné l’observa tomber et resta aux aguets. La porte pouvait rester ouverte quelques instants, il veillait à ce que la fille ou bien sa mère ne tentent pas une sortie mais il n’en fut rien. En quelques instants, le précipice se referma, les limbes venaient de se repaître d’une nouvelle victime.


-Problème résolu ? Questionna le Northuldra fier de lui.
-J’ai toujours apprécié ta capacité à régler les problèmes en effet ! Bien hâtons-nous ! Cette petite a bien failli nous mettre en retard ! Méfie-toi, l’Hellheim ne ressemble pas totalement au monde des vivants que tu connaissais ! Il s’adapte à ta pensée, ton esprit doit en permanence rester concentré où le lieu sentira ta volonté de tomber sur les Picéaerd et avant que tu n’aies pu t’en rendre compte, tu te trouveras face à Anna !
-N’est-ce pas ce que nous voulons ?
-Si nous étions dans le monde des vivants oui, la surprise lui aurait peut-être fait avoir une attaque fatale mais il n’en est pas question ici ! Nous ne pouvons rien contre eux ! Ils ne doivent rien savoir ! Fit la personne encapuchonnée sévère.
-Certes…
-Reste aux aguets ! Rends-toi à la boulangerie d’Arendelle, c’est le bâtiment le plus proche des jardins du chateau ! Les Picéaerds s’y retrouveront pour le grand départ. Ils ne t’y verront pas et tu seras assez proche pour sauter avec eux ! Quand ils partiront surtout pense à l’endroit où tu souhaites arriver, autrement tu seras emporté au même endroit qu’eux…
-Oui et sans allié j’aurai le désavantage du nombre !
-Exactement ! Pense à un endroit où ils ne penseront sans doute pas aller en premier ! Il faut que cela soit un endroit où tu as vécu ! Où comptes-tu aller ?
-Hum… C’est Anna qui dirigera le voyage ?
-Elle, et les autres cinquièmes esprits ! Iduna, Elsa et bien sûr celle par qui tout a commencé !
-Donc c’est Anna qui décidera du lieu…
-Bonne déduction Andréas
-Dans ce cas, ils arriveront en territoire Northuldra !
-Tout juste ! Alors toi, où comptes-tu arriver ?
-Peu importe les endroits où j’ai vécu dans la forêt ils pourraient y arriver ou en être dangereusement proche… Pourquoi pas dans le désert gelé où se trouvait la demeure d’Iduna Sappos sur les terres des Northuldra du Nord ! Il n’y a plus rien là bas… Aucune raison de s’y rendre !
-Brillant ! Mais fais attention, ils connaissent l’Histoire tumultueuse des deux familles… A n’en pas douter les Picéaerd voudront s’y rendre tôt ou tard !
-Ne t’en fais pas ! Je n’ai pas besoin des esprits pour quitter les terres gelées… Et quand Anna me verra… ça sera pour lui ôter tout ce qu’elle aime avant de prendre cette vie qu’elle veut retrouver !
-Au lieu de discours grandiloquents, hâte-toi de te rendre à ton poste !
-Et toi ?
-Je me charge d’Ahtohallan… Notre présence doit disparaître !
-Il est possible de faire disparaître des souvenirs ?
-Non… Rien ne peut quitter Ahtohallan… Mais je peux me charger de cacher ce qui ne doit jamais être vu… Adieu Andréas ! Je compte sur toi !
-Je ne vous décevrai pas !


Le Northuldra planta alors son regard sur la personne encapuchonnée mais ne bougea pas d’un cheveu. Le regard du Nattura était dur. Pour la première fois, la personne qui lui faisait face semblait décontenancée à le voir ainsi planté tel un piquet.


-Eh bien ?... Hâte toi ! Qu’est-ce que tu attends ?!
-Oh ? Une simple précision…
-Quoi donc ? Tu ne sais pas quel est le plan après toutes ces années ?
-La question n’est pas là… Je veux savoir ce qu’il en est pour Maria de Funningur…
-Maria de Funningur ?! Répéta la personne sans comprendre.
-Qu’est-elle devenue ?
-Quoi ?! … Quelle importance ? Tu le sauras bien assez tôt et le temps presse !
-Eh bien s’il n’y a rien d’important, il ne sera pas long de répondre à ma question, qu’est-elle devenue ?


Le père de Kristoff avait haussé le ton. Après une légère grimace et un soupir, la personne préféra capituler. Tournant les talons et s’approchant avec expertise du dôme des souvenirs, l’image de Maria se matérialisa. La tentatrice de Funningur avait vu sa beauté quelque peu se faner alors qu’il s’était passé près de deux décennies depuis le trépas d’Andréas. Ce dernier l’observa. La quarantaine bien entamée, la tentatrice n’avait rien perdu en revanche de son sens de la manipulation ni de son charisme. Andréas observa en silence et comprit d’après les bribes de conversations que la femme avait su devenir avec son époux Karl, la maîtresse du duché de Weselton. Soudain il se figea. Aux côtés de la dangereuse femme, un jeune homme à la fin de l’adolescence s’était approché. L’adepte de l’utilisation de la sarbacane sentit sa tempe se gonfler alors qu’il détaillait l’adolescent. Certaines caractéristiques physiques ne pouvaient mentir et encore moins, une tache de naissance présente sur le bras du jeune homme. Au moment où il détourna le regard, Andréas entraperçu la forme minérale de Grand Pabby, le coup de grâce pour lui.


-Assez ! Vociféra-t-il furieux puis dévisageant l’autre il pointa son doigt accusateur dans sa direction : Tu le savais ?! Tu comptais me le cacher ?!
-Quoi donc ?
-Grand Pabby ! Il est avec elle ?! Dis-moi ?! Que suis-je pour toi ?! Suis-je vraiment ton associé où ne suis qu’un pion parmi les autres, interchangeables ?!
-Allons ?... Est-ce le moment pour une crise de jalousie. Nous sommes tous des artisans du projet !
-Pour toi, à ce que je vois…
-Que veux-tu savoir ? Que nos amis depuis des années agissent dans l’ombre pour notre quête !
-Amis ?... Ou pions à ta solde ?!
-Personne n’est un pion… Mais des soldats !
-Oh c’est pour ça que ma disparition n’était pas si dramatique, je ne suis qu’un soldat ?
-Ne dis pas ça Andréas ! Tu es le fidèle parmi les fidèles !
-Prouve le ! …
-Qu’est ce que tu veux comme preuve ?
-La vérité ! … Ce gosse ! … Dis-moi qui il est !
-Tu veux savoir s’il est ton fils ?... Oui c’est ton fils Andréas !
-Donc tu m’as menti ! Je suis dispensable ! Tu comptes sur elle et sur lui pour faire le travail… Et si j’en décidais autrement ?... Et si je décidais au lieu de suivre les Picéaerd, d’aller trouver Anna et lui expliquer que si j’ai quitté les limbes c’est parce que sa petite fille y est coincée et ce… grâce à toi !?


Cette fois la personne sortit de ses gonds. Avec une incroyable rapidité et force, elle se jeta sur le Northuldra du Nord. En un instant d’un geste rapide, il se retrouva détroussé de sa lame, celle-ci pointée contre sa gorge. Andréas préféra en rire ne cherchant même pas à lutter.


-Que veux-tu que cela me fasse ? Tu as dit que l’on ne peut pas mourir ici ?!
-Sauf si notre âme n’a au départ rien à faire dans l’Hellheim !... N’oublie jamais ça Andréas ! Ca sera aussi facile que de couper du beurre que te renvoyer là bas !
-Eh bien vas-y ! Fais le ! Après tout, tu les as eux pour faire le travail… Répliqua Andréas sans se démonter.


Il avait parlé avec un ton de défi alors qu’il sentait la lame exercer une pression toujours plus forte contre sa gorge. Son regard ne quittait pas celui de l’autre et, peu à peu, le père de Kristoff sentit la pression sur sa gorge moins forte. Imperceptiblement, les doigts de la personne encapuchonnée tremblaient sur le manche du poignard, incapable d’aller jusqu’au bout… Satisfait il s’avança au plus près, veillant à ce que l’arme reste collée à sa jugulaire.


-Eh bien ? J’attends, je pensais que nous n’avions pas beaucoup de temps…
-Je n’ai… Pas l’intention de faire cela ! Confessa la personne qui perdait de l’assurance.
-C’est bien ce que je pensais !... Alors c’est toi qui agiras selon mes désirs ! … Ou les Picéaerd sauront pour ton plan…
-Que veux-tu Andréas ?
-Je veux que Maria et le troll disparaissent… Laisse moi les éliminer, ou charge-t-en si tu préfères je saurai m’en consoler… Les soldats peuvent se perdre n’est-ce pas ?
-Andréas c’est… C’est impossible ! Nous avons besoin d’eux…
-Oh mais toi aussi tu me prends pour un monstre ? Je n’aime pas le gaspillage… Qu’ils fassent ce qu’ils ont à faire… Mais quand viendra le moment… Ils mourront !
-Et ton fils ?
-Lui ?... Je ne sais pas encore… Mais si jamais tu comptes l’utiliser pour me trahir… Je n’hésiterai pas à le tuer de mes mains avant de dévoiler ton plan…
-Ma foi… Cela me semble être des requêtes acceptables ! Quand les Picéaerd seront à notre merci, Kaspian sous notre contrôle et le pouvoir à portée de main… Je ferai en sorte que Maria soit dans la ligne de mire d’une sarbacane…
-Et pour le troll ?
-N’as-tu jamais imaginé vouloir faire des ricochets avec un troll ?
-Perspective distrayante !
-Alors dans ce cas mon ami ?... Pouvons nous sceller une nouvelle fois notre accord ?


Tous deux s’observèrent puis le Northuldra, sourire aux lèvres accepta la main tendue qu’il serra sincèrement, satisfait de ses négociations. La perspective de ces deux futurs meurtres le mettait en joie, davantage encore que l’accomplissement de l’œuvre de sa vie et l’élimination des Picéaerd. Il était temps pour lui désormais de se mettre au travail. Déterminé il s’empressa de quitter Ahtohallan alors que la personne commençait à manipuler les souvenirs du glacier magique afin de les enfouir le plus profondément possible, là où personne, sans doute pas même la grande Anna Picéaerd ne serait capable de les retrouver. Plusieurs heures plus tard, Andréas était confortablement installé à l’arrière de la boulangerie d’Arendelle. Il avait repéré un passage discret dans les buis élégamment taillé des jardins d’Arendelle, de là il pouvait tout voir sans être vu et même entendre alors que les Picéaerd un à un se rassemblaient, prêts pour le grand départ. Emma observait les femmes de son clan venir auprès d’elle alors qu’elle pouvait voir sur leur visage de la contrariété.


-Bien mesdames… Le crépuscule est là… Nous allons devoir nous mettre en route ! Anna ? Iduna ? Elsa ?... Vos mains ! Nous avons besoin de toute notre énergie
-Non ! Firent de concert Elsa et Iduna.
-Quoi ?
-Nous ne pouvons pas partir ! Pas sans ma sœur ! Lança déterminée Elsa alors que Kristoff et Ryder posèrent chacun une main sur l’épaule de la reine des neiges en signe de soutien.
-Quoi ? Mais bien sûr qu’elle vient avec nous jeune esprit ! Qu’est-ce qui ?... Mais où est-elle ?
-C’est bien le problème… Anna est introuvable ! Coupa Mamie d’un ton sombre.
-Comment ça introuvable ?! Anna !!! Tout à l’heure tu m’avais pourtant dit que tu ferais tout pour respecter la ponctualité et…
-Emma ! Ne me reproche pas de ne pas être ici ! Coupa Mamie qui semblait pour la première fois hausser le ton envers la matriarche.
-Certes… Pardonne-moi je ne te reproche rien… Mais enfin, qui était avec elle la dernière fois ?!
-Je pense bien que c’était moi… Quand je lui ai dit de se mêler de ses affaires !
-Mais ?... Et toi ?! Tu es bien son mari !!! Tu dois bien savoir où elle est partie ! Insista la doyenne.
-Non je n’en sais pas plus… Je me suis chargé avec Elsa de faire mes adieux à nos enfants, je pensais qu’elle était avec l’une d’entre vous. Coupa Kristoff en se serrant à la reine des neiges avant de s’éloigner gêné vis-à-vis de son frère cadet.
-Mais ça n’est pas possible ! Nous devons partir maintenant ou le portail sera fermé pour un an…
-Je ne partirai pas sans ma sœur ! Insista Elsa
-Ni moi sans ma fille !
-Et moi ma petite fille ! Conclut mamie.
-Mais je ne veux pas partir non plus sans elle et… Et où donc peut se trouver Helga ?! Quelqu’un l’a vue ? Insista Emma qui semblait suer à grosses gouttes.


Tous les Picéaerd se dévisagèrent interloqués. Ils se rendaient soudain tous compte qu’ils pensaient la jeune Helga en compagnie de l’un d’entre eux et devaient se rendre à l’évidence, elle, tout comme sa mère était introuvables.


-Bien alors nous n’avons pas de raison de nous inquiéter ! Anna doit sans doute passer du temps avec Helga les esprits seuls savent où ! Toutes les deux doivent à l’heure qui l’est être en train de refaire le monde… Elles doivent chercher à comprendre la raison de ta séparation Anna…
-Sans doute… Mais cela ne résout pas notre problème !
-Mamie a raison ! Tant que ma sœur ne sera pas là moi je ne pars pas !
-Jeune esprit ! Je me dois d’insister ! Il ne nous reste que quelques minutes !
-Eh bien tant pis !
-Je comprends, mais nous n’avons plus le temps, nous devons partir, même sans elle ! Nous savions toutes qu’il ne fallait pas être en retard !
-Pourquoi maintenant ? Pourquoi es-tu si pressée Emma ? Toi qui nous as refusé de voir la vie des vivants. Objecta Iduna alors que mamie était curieusement en retrait.
-Tu le sais ma chère… Il fallait tout d’abord que vous puissiez comprendre et accepter qui est notre adversaire ! Mais désormais le temps presse. Nous devons partir maintenant, même sans Anna !
-Non !
-Je te comprends… Je vous comprends tous et je préférerai ne pas devoir prendre cette décision, mais le temps presse. Si nous ne partons pas maintenant, nous n’aurons pas de nouvelle fenêtre avant la prochaine année dans le monde des vivants… Alors que les nôtres sont en danger !
-Je… Je crains que malheureusement, Emma n’ait raison… Iduna, Elsa, nous devons partir… Soupira Mamie peinée.
-Quoi ?! Mamie !!!
-Maman non !! Pas toi ! Tu ne vas pas abandonner Anna !
-Personne ne veut l’abandonner ma chère ! Ecoutez, nous n’avons pas besoin d’elle pour faire notre voyage, elle n’a pas de pouvoir à nous offrir mais elle serait une alliée précieuse à n’en pas douter ! Nous devons y aller, mais pour cela nous devons toutes être d’accord ! Iduna, Elsa, si une seule d’entre vous refuse… Alors nous resterons ici ! Mais d’ici un an… Les ennemis de notre famille auront sans doute attaqué ! Elsa ! toi qui a sacrifié ta vie pour venir ici et permettre à ton double de vivre, accepteras-tu de laisser tes enfants en grand danger sans leur venir en aide ? Et toi Iduna ? Veux-tu laisser ton fils seul contre les forces qui veulent anéantir notre famille ? Si nous partons ensemble, nous pourrons les sauver ! Quand nous aurons réussi, nous pourrons revenir ici retrouver Anna, ou grâce à notre pouvoir, la faire revenir elle aussi dans le monde des vivants ! Mais si nous restons et que nous voyons vos enfants mourir… Combien de temps se passera-t-il avant que la culpabilité pour cette petite Anna ne prenne le dessus ? Combien de temps avant que votre colère contre elle n’éclate ? Mais si nous partons… Anna saura pourquoi nous ne l’avons pas attendu. Si elle reste ici, elle pourra surveiller les Sappos pour nous ! Elsa ! Elle pourra veiller sur tes enfants ! Si nous échouons, nous reviendrons ici et la retrouverons mais nous n’aurons pas le regret de ne pas avoir essayé ! Si nous réussissons, nous la retrouverons également avec le soulagement d’avoir sauvé les nôtres !... Ca n’est pas contre elle ! C’est notre responsabilité de cinquième esprit !
-Partez sans moi ! Je resterai ici ! Auprès d’Anna !


Toutes les femmes de la famille se tournèrent surprises. Kristoff avait fait un pas et se retrouvait au centre, il était déterminé.


-Elsa… J’ai vu l’amour que tu as pour les enfants que nos doubles ont eu dans une autre vie… Pars et je resterai ici pour veiller sur eux, pour toi, et pour mon autre moi ! Je t’ai vu auprès d’eux ! Auprès d’Helga ! Tu n’accepteras pas de laisser tes fils en danger sans agir alors que tu le peux ! Alors vas y ! Je veillerai sur ta sœur ! Tu as ma parole !
-Kristoff je…
-Ne dis rien Elsa !... Il est temps ! Quand je te reverrai… Ici ou quand vous nous aurez appelés chez les vivants, Anna et moi …
-Je sais Kristoff ! …


La reine des neiges, habituellement avare de démonstrations affectives s’empressa de sauter dans les bras de l’ainée des Nattura les larmes aux yeux. Puis elle lui déposa un long et doux baiser sur la joue. Elle comprenait pleinement comment dans une autre vie, elle avait pu tomber amoureuse de cet homme et se sentait heureuse de savoir ses enfants de l’Hellheim à ses côtés. Lentement, elle quitta les bras de Kristoff alors que Ryder s’empressa de serrer la main de son frère ainée tandis que la reine des neiges dévisagea sa doyenne déterminée.


-Soit… C’est d’accord !... Je viens aussi ! Maman ?... Tu viens sauver Kaspian ?


Iduna hésitait toujours alors qu’Elsa s’était rangée aux côtés d’Emma et de sa grand-mère. Mamie Anna le constata et s’approcha doucement de sa fille puis lui prit les mains, comme elle l’avait fait jadis avec Elsa afin de l’aider à passer les portes de l’Hellheim.


-Nous ne pouvons le faire sans l’ange de l’air… Tu es une louve ma belle Iduna… Et une louve jamais ne laisse son petit face au danger…
-D’accord… Pour Kaspian ! Soupira Iduna.
-Je suis heureuse que tu prennes la bonne décision ma chère ! Bien il est temps ! Donnez vous les mains ! Ordonna Emma.


La première Picéaerd n’eut pas besoin d’en dire plus. A peine furent-elles ainsi reliées que le vent s’empressa de souffler et elles se sentirent ainsi emportées dans les airs. Au dernier moment, Ryder saisit la main libre d’Elsa et lui aussi commença à s’envoler emporté par le zéphyr. Lui comme les autres virent Kristoff devenir de plus en plus petit. Iduna et Elsa lancèrent un dernier regard vers le montagnard alors que Mamie et Emma se tenaient en tête de cortège, décidée à guider la famille.


-A bientôt Anna ! Hurlèrent de concert la mère et la fille.
-Revenez-nous vite ! Lança Kristoff à son tour dans les airs sans trop savoir s’il était entendu.


Le cœur serré, Kristoff observa le zéphyr emporter la famille Picéaerd toujours plus haut dans les airs et effectuer comme un immense arc de cercle avant de repartir dans la direction opposée. D’instinct il se baissa pour ne pas être emporté par la violente rafale et s’étala de tout son long sur l’herbe grasse des jardins d’Arendelle. Confus, il ne vit pas le zéphyr disparaître au loin vers le néant, ni, au dernier moment, une silhouette réussir de justesse à s’accrocher et disparaître également dans les embruns, prêt à traverser les mondes.
Au sein de la rafale, Mamie et Emma utilisaient toute leur énergie et leur aura chamanique pour tenter de connecter par voyage astral le monde des morts et celui des vivants. Tous en ressentirent les effets telles de violentes turbulences. Au bout de longues secondes, Emma se retourna et observa Elsa et Iduna légèrement en retrait et distinguait à peine Ryder qui peinait à rester emporté dans la brise comme s’il était retenu par un boulet à ses pieds. Emma n’y prêta aucune attention, c’était le moment !


-Iduna ! Elsa ! Il nous faut la force du cinquième esprit ! Vous devez prendre le contrôle du vent ! Hurla la doyenne.


Après un échange de regard, la mère et la fille acquiescèrent et se hissèrent vers leurs ascendantes. Elsa tendit ses bras et sentit sa magie des glaces ne faire plus qu’un avec les esprits. Peu à peu, la forme informe de ses volutes de neige finit par épouser les traits d’un équidé de glace semblable au Nokk. Satisfaite, Elsa baissa ses bras et tendit ses mains à Emma et Mamie pour associer son pouvoir. Il ne manquait plus qu’Iduna. Elle aussi finit par s’approcher et se sentie soudain parcouru des bienfaits des pouvoirs du cinquième esprit. Elle qui était la première à aller aussi loin dans leur maîtrise se concentra sur l’équidé de sa fille. C’était comme si la Nature elle-même en prenait le contrôle. Iduna pensa fermement à ce dont elle avait besoin. Il n’était pas question d’imposer sa volonté à la nature. Aidée par sa fille, sa mère et sa lointaine ancêtre, les quatre femmes sentirent alors les esprits de la nature ne faire plus qu’un avec elles. Un immense jet de lumière émanant du Nokk et du zéphyr les aveugla soudain alors qu’Emma avait pris le relais. Sans doute avait-elle ouvert son passage en cette nuit de Noël. Tout à coup, tous se sentirent propulsés et ce fut le néant ainsi qu’une chute interminable. Elsa vacillait, épuisée, elle perdait peu à peu conscience. Sa vision se troubla alors qu’elle basculait dans ce vide interminable. Une faible lumière plus bas, comme si elle indiquait le point final de cette chute apparût alors dans son champ de vision. La reine des neiges luttait tant qu’elle put. Elle avait la volonté de l’atteindre, se persuader que la chute aurait une fin. Finalement, la dernière chose qu’elle vit fut Ryder qui réussit à la rejoindre, comme s’il avait enfin pu se délester du boulet qu’il semblait trainer derrière lui depuis leur départ. Soulagée de ne plus être seule, l’ainée d’Arendelle se sentit définitivement partir.
Combien de temps s’était-il écoulé ? Une seconde ? Une minute ? Des heures ? Des jours ? Impossible de savoir ! Peu à peu, la reine des neiges péniblement ouvrit une demi paupière. La lumière faible du soleil levant fut une terrible brulure pour elle. Aussitôt elle referma la paupière et passa ses mains sur ses yeux pour les frotter et tenter peu à peu de les habituer à la lumière naissante. La reine des neiges se sentait nauséeuse et manquât de peu de rendre son dernier repas alors qu’elle réussit péniblement à se poser en position mi assise. C’est alors qu’elle se rendit compte qu’elle avait une vive douleur dans le bras. Elle porta sa main vers la zone blessée. Pourtant elle ne pouvait souffrir dans l’Hellheim. Sa main posée, elle sentit les bienfaits de son pouvoir de glace la soulager ! Elle n’avait pas tout perdu ! Elle hésita puis finit par ouvrir à nouveau les yeux et observa son membre blessé. Quelques gouttes de sang perlaient sur son bras et une marque était présente à côté d’épines de conifères, comme si elle s’était violement cognée contre un épicéa. Désorientée, elle se risqua enfin à pleinement ouvrir les yeux. Tout autour d’elle… La forêt enchantée à perte de vue et une douleur aigüe dans le bras. A quelques mètres d’elle, Ryder, Mamie, Iduna et Emma eux aussi semblaient retrouver peu à peu leurs esprits et chacun se massaient une partie douloureuse du corps alors que tous arrivaient à la même conclusion… Ils avaient réussi, ils étaient de nouveau, des êtres vivants.

Chapitre 21 : Trahisons entre amis


-Tout le monde va bien ? Tonna la voix de mamie alors qu’elle scrutait du regard chaque passager de ce curieux voyage.
-Je… Oui mamie ça va… Juste un peu mal partout. Souffla machinalement Elsa qui lui tournait le dos encore désorienté.
-Je m’en doute ! Oh Picéa Abies ! Eh bien Elsa, à croire que tu as choisi l’arbre où atterrir. Un bien bel hommage familial dans tes cheveux.


La matriarche s’amusait de la coiffure défraîchie et pleine d’épines de la reine des neiges. Avec douceur, la chamane se chargeait d’enlever délicatement les traces d’épicéa des cheveux platines de sa petite fille.


-Merci mam… AH !!! Mamie !!! Mais qu’est-ce qu… Aïe ! Oh mon dos !


La reine des neiges avait sursauté en découvrant le visage ridé et le corps légèrement vouté de son aïeule. La surprise l’avait fait bondir et les douleurs des contusions s’étaient alors rappelées au bon souvenir de la maîtresse de l’hiver.


-Ah oui, les douleurs dorsales, ça n’est jamais agréable. Tu verras si un jour tu as mon âge tu t’y habitueras… ou pas. Grimaça Mamie en se massant machinalement une hanche.
-Mamie ?! Mais qu’est-ce que… Tu… Tu es…
-Vieille ?! Oui, belle observation Elsa tu croyais que je n’avais pas remarqué ? Ironisa la chamane.
-Quoi ?... Non je ne veux pas dire ça mais…
-Mais quoi Elsa ?! … Je trouve que c‘est une bonne nouvelle au contraire !
-Ah oui ?
-Bien sûr ! Alors oui j’aurai préféré garder ce corps jeune et vierge de douleurs, cette ouïe fine et ce regard perçant que j’avais dans notre Hellheim, mais ces rides, ces douleurs, cela nous prouve que nous sommes bien de retour dans le monde des vivants ! Que nous sommes nous-mêmes vivantes ! Ferme les yeux Elsa ! Ecoute ton corps ! Tu le sens toi aussi ?! Ce battement que nous n’entendions plus !? C’est le plus doux des bruits !
-Oui… Oui mamie tu as raison ! Je l’entends ! Lança Elsa heureuse avant de se reprendre : Mais ?... Mais moi je… Je n’ai pas changé !? Pourquoi n’ai-je pas vieilli comme toi ?
-Je pense que le temps qu’il s’est passé sur terre n’a pas d’importance pour nous… Nous reprenons là où notre vie s’est arrêtée visiblement et la tienne Elsa s’était stoppée pendant ta jeunesse resplendissante !
-Maman ?! … C’est bien toi ?! Souffla alors Iduna qui elle aussi avait recouvré ses esprits.
-Oh par Ahtohallan et les esprits, être âgée ne vous suffit pas ? Dois-je donc répéter à chaque fois telle une vieille sénile ?! Oui Iduna c’est bien moi… Au moins désormais, il n’y a pas de doute, la différence d’âge se voit pour notre relation mère fille ! Bougonna Mamie qui n’appréciait guère être dévisagée ainsi.
-Si je puis me permettre, je te trouve charmante pour ma part…
-Emma ?!


Mamie dévisagea la première des Picéaerd de la tête aux pieds avec envie. Si le temps n’avait pas été généreux avec la chamane lui rappelant soudainement l’âge qu’elle avait dans le monde des vivants, Emma Picéaerd elle avait conservé sa jeunesse et resplendissait toujours autant, paraissant avoir le même âge qu’Iduna. L’ange de l’air, la reine des neiges mais aussi Ryder qui avait lui aussi recouvré ses esprits dévisageaient également surpris cette jeunesse conservée chez la doyenne.


-Oui… Je me doute de ce que vous pensez mais… Vous connaissez mon statut… Il confère comme vous le savez quelques avantages. Plaida coupable la première des Picéaerds.
-Mais… Nous n’avons rien dit Emma. Rétorqua d’une voix glaciale Mamie dont la jalousie ne pouvait être feinte.
-Bien, voila qui est formidable. Anna je compte sur toi pour que tous vous retrouviez vos esprits, je vous retrouve demain !
-Quoi ? Mais où vas-tu ? Questionna Elsa surprise.
-Eh bien jeune esprit, j’ai toujours une mission, je me dois de la remplir. Coupa seulement la doyenne en rabattant sur ses cheveux sa tenue de mère fouettarde.
-Tu ne crains pas de croiser Pierre ? Demanda Mamie.
-Depuis des siècles nous avons su nous éviter… Nous pouvons bien réussir cela une année de plus tu ne penses pas ? Alors c’est entendu… Pas de bêtise mes petits Picéaerd où quand je vous retrouverai je me chargerai de vous tirer les oreilles comme il se doit ! Iduna ma chère j’ai besoin du zéphyr…


Emma n’attendit pas l’approbation d’Iduna, sa mission l’appelait et bien qu’elle ne s’en satisfaisait pas, la première des Picéaerd n’avait jamais failli à sa tache et comptait bien continuer ainsi. Sans un regard pour ses descendantes elle se laissa happer par la bise et s’envola au loin, convaincue que mamie Anna saurait prendre le relais et guider la famille dans leur périlleuse mission.
Au loin, au-delà de la mer sombre, Andréas lui aussi commençait à retrouver ses esprits. L’espace désolé des terres gelées, la morsure du froid, tout lui rappelait ici la rudesse de la vie. En cet endroit parfaitement inhospitalier, il ne put s’empêcher de sourire. C’était évident, ici, personne ne pourrait le repérer, il était tranquille pour commencer à fomenter son plan sans que personne ne puisse même soupçonner son retour. Avec un regard mauvais, Andréas se releva, il lui fallait quelques instants pour que ses jambes réapprennent à le soutenir dans le monde des vivants. Une fois prêt, il commença à se déplacer d’un pas décidé mais sentit soudain qu’il était comme entravé. Andréas en fut surpris, son corps n’était-il pas encore prêt à se mouvoir ? Voilà qui était curieux mais, à peine eût-il choisi d’observer ses jambes, qu’il se sentit basculer en avant. Il venait de comprendre son erreur. Un piège grossier alors qu’il tombait à la renverse.


-Tiens mais qu’avons-nous là ? Un espion d’Arendelle ? Miaula une voix.


Andréas tourna le regard surpris alors que deux silhouettes apparaissaient. Comment ces deux personnes avaient-elles pu se cacher dans ce désert blanc ? Ca n’était pas pour l’heure son soucis principal alors qu’il tentait d’atteindre le couteau rangé à sa cheville, prêt à se défendre et se débarrasser de ces plaisantins.


-Peu importe qui ça peut bien être, il n’a rien à faire ici ! Et nous non plus ! Inutile de tergiverser Maria, on le balance à l’eau avec une bonne pierre aux pieds et on rentre ! Je me gèle ici !


Maria ? Le sang d’Andréas se glaça à l’évocation de ce nom, mais plus encore, à la voix rocailleuse qui répondit à l’homme visiblement gêné par le froid.


-Modérez vos propos mon cher duc… Les pierres cela ne se jette pas inconsidérément à l’eau comme vous dîtes !
-Je n’ai pas dit que j’allais vous jeter vous !
-Encore heureux, vous n’en auriez pas la force Karl…
-Rappellez-moi déjà pourquoi je vous tolère chez moi depuis toutes ces années ? Répliqua l’ainé des Iles du Sud.
-Oh Karl ça ne va pas recommencer ! Sans Grand Pabby vous n’auriez jamais pu asseoir votre légitimité sur Weselton ! Alors taisez-vous et laissez faire ceux qui savent !



Andréas avait bien reconnu la voix féminine, il n’y avait aucun doute la dessus. Mais comment étais-ce possible. Il avait choisi son lieu de retour avec soin pour ne pas être repéré par les Picéaerd, mais que venait faire cette gêneuse de Maria de Funningur en ces terres si lointaines ? De son côté, la tentatrice s'approcha du Northuldra du Nord et à son tour eût un mouvement de surprise.


-Non !! Pas toi ! Tu es mort ! Suffoqua-t-elle
-Oui pour moi aussi, c’est un véritable plaisir de te revoir… Répliqua d’une voix mauvaise Andréas.
-Alors Maria ? Ca vient ? Vous le connaissez ? Questionna Karl toujours aussi frigorifié.
-Oh un voyage en amoureux sur les terres gelées ? Tu deviens sentimentale Maria ? S’amusa Andréas.
-Bon alors ?... Mais ?... Comment ?! … Maria ?! C’est… Est-ce que… Est-ce que c’est le géniteur de votre rejeton ?!
-Ne parlez pas de lui ainsi Karl ! Je vous rappelle qu’il est votre héritier ! Coupa d’une voix mauvaise Maria.
-Mon fils ?... L’héritier de ce clown ? Oh pauvre garçon… Ironisa Andréas qui renonçait à se défaire de ses liens.
-Ah Andréas, je reconnais bien le jeune garçon que j’ai conseillé, incapable de masquer son dégout face aux faibles d’esprit.
-Grand Pabby ! C’est un plaisir…
-Faible d’esprit ?... Vous allez voir !


Karl, vexé par les propos du troll en oubliait d’être transi de froid et s’arma immédiatement de son poignard. D’un geste déterminé il voulut donner un coup de pied à l’encontre du troll, mais la nature rocheuse de ce dernier ne lui fit rien sentir alors que l’ainé des Iles du Sud fit de son mieux pour masquer sa douleur face à cet echec cuisant. En boitant légèrement, Karl s’approcha d’Andréas et plaqua sa lame sous la gorge du Northuldra du Nord.



-Stop !! Arrêtez ça tout de suite !



La voix déconcentra Karl l’espace d’une seconde, Andréas en profita et assena au prince des Iles du Sud un violent coup de tête en plein nez. Surpris, le nez en sang, Karl se redressa et porta ses mains à son visage ensanglanté. Andréas profita immédiatement de l’erreur et put se saisir de l’arme de son assaillant. Avec une force herculéenne, Andréas récupéra le couteau et, en un geste rapide, libéra ses jambes avant de fondre sur Karl, l’immobilisant sans effort. La lame cette fois ci était posée contra la jugulaire du prince des Iles du Sud.


-Aussi pitoyable que votre père…
-Je vous ai dit Stop !! Andréas ! Lâche-le ! Reprit à nouveau la voix au loin.


Le Northuldra se stoppa le temps de détourner les yeux. Derrière lui, à la grande surprise de tous, se tenait la personne encapuchonnée. Avec déférence, Grand Pabby lui adressa un signe de tête alors que la duchesse l’observait médusée. Andréas, déçu de ne pouvoir satisfaire sa folie meurtrière, jeta un peu plus loin l’arme de Karl mais, au moment de le relever en profita pour adresser un violent coup de point au visage déjà tuméfié de l’ainé des Iles du Sud.



-Vous ici ? Balbutia la duchesse.
-Je suis toujours là où je dois être ! Et j’attends de vous tous une véritable solidarité ! Je vous rapporte à la vie notre meilleur élément et ta première pensée est d’envoyer cet ahuri pour l’agresser ?
-Je ne risquais pas grand-chose ! Plaida Andréas.
-La question n’est pas là ! Nous devons pouvoir tous nous faire confiance !
-Vraiment ? Objecta le Northuldra.
-Vraiment !
-Oh ? Donc c’est par le plus grand des hasards s’ils se trouvaient ici naturellement ?
-C’est en effet par le plus grand des hasards que lors de votre dernière visite vous nous avez demandé de venir ici ? Insista Maria elle aussi devenue soupçonneuse.
-Cessez vos simagrées tous les deux ! Vous êtes pires que des enfants ! Voilà pourquoi je ne vous explique jamais rien !
-Hum… Ne serions-nous pas pressés par le temps ? Intervînt Pabby qui était resté parfaitement silencieux.
-Tout juste !... Maria, explique donc à Andréas pourquoi je vous ai demandé de venir ici ?! Quant à toi Andréas, tu le sais c’est ensemble que nous devons travailler !
-Nous devions trouver l’entrée secrète d’Ahtohallan… Et retrouver de vieux écrits des Sappos…
-Dépêchez-vous tous les deux ! … Et soignez donc celui-là ! Insista la personne d’une voix autoritaire.
-Andréas… Si tu veux bien me suivre… Fit la duchesse de mauvaise grâce.
-Je préférerai avaler un sceau de baies de sureau mais puisqu’il le faut…
-Oh mais cela peut s’arranger, surtout si tu veux retrouver la mort, n’hésite pas je me ferai un plaisir de te rendre ce service !
-Je suis un homme galant, je préfère te le rendre moi-même ma chère !
-Je ne doute pas que tu essaieras… S’amusa la duchesse.



La duchesse de Funningur et Andréas se toisèrent du regard et, pour l’un comme pour l’autre, un léger sourire se dessina sur leur visage. S’ils se savaient ennemis mortels, l’un comme l’autre s’estimaient et voyaient en l’autre un redoutable adversaire, peut être bien le seul digne d’intérêt.


-Une curiosité Maria ?... Pourquoi être restée auprès de cet abruti au nez fragile ? Questionna Andréas avec un regard mauvais pour Karl.
-La manipulation politique n’est pas ton fort Andréas, voilà ce qui arrive quand on passe toute sa vie dans une forêt… Mais pour gagner il faut les puissants à ses côtés. Karl reste le premier né. Par chance, Yohan n’a pas voulu prendre les Iles du Sud, Karl reste donc bien placé…
-Est-ce une raison suffisante pour se le trainer avec nous ? Ton fils n’est pas en âge de te seconder ? Ou l’aurais-tu si mal formé pour ne pas lui faire confiance ? Quel incroyable gâchis de talent…
-Ne crois pas ça… Il a sa propre mission à Kraberg !
-Kraberg ?
-Je t’expliquerai en temps voulu… Mais il faut une armée pour prendre Arendelle…
-Ce n’est pas Arendelle que je vise…
-Mais il faut bien Arendelle pour atteindre Kaspian et son pouvoir !
-Touché !


Andréas et Maria échangèrent un regard entendu et s’éloignèrent à la recherche des secrets des Sappos alors que Pabby et la personne encapuchonnée les observaient.


-Ca n’était pas nécessaire de ramener Andréas… Elle est bien plus habile que lui !
-C’est justement parce qu’elle est trop habile qu’il faut Andréas…
-Oh ?... Il est donc là pour elle ? Le sait-il ?
-C’est lui qui me l’a demandé !
-Et avec bonté vous lui avez offert cette concession ?
-Evidemment, et quand ils seront trop occupés à s’entre-tuer, j’aurai mon pouvoir !
-Et moi ?... Dois-je craindre vos manigances ? Questionna le troll soupçonneux.
-Je n’insulterai pas votre intelligence Grand Pabby… A ce jeu, il faut être prêt à tout… Je n’aurai aucun scrupule à vous éliminer s’il le faut… Pourquoi ? Allez-vous me poser des problèmes ?
-Je n’ai que faire des considérations humaines… Je veux que mon père Flemmingrad soit vengé… Votre guerre avec ces deux là… Avec les Picéaerds, avec Arendelle ! Tout est propice au chaos dans le monde des hommes et c’est bien là ma seule satisfaction, alors pourquoi chercherais-je à vous nuire si cela affaiblit les Hommes ?
-Vous êtes bien le seul à qui je peux parler honnêtement ! Puis-je vous demander une faveur Grand Pabby ?
-Dîtes-toujours
-Quand l’un de nous trahira l’autre… Ne me faîtes pas l’affront de prendre le parti de ces deux-là… Tuez les avant de tenter de vous attaquer à moi…
-Parce que vous pensez que j’ai une quelconque sympathie pour eux ? J’exècre les humains ! M’associer à eux pour aller contre vous, cela m’obligerai à leur être redevable ! Le jour où je devrais m’occuper de vous, je ne m’encombrerai pas de ces nuisibles !
-C’est là le plus beau compliment que vous puissiez me faire mon ami… Je saurai m’en souvenir le jour où je devrais vous tuer
-Parce que vous ne pensez pas que nous pourrions vaincre en restant associés ? Si nous ne nous faisons pas confiance… Vous avez espoir de vaincre les Picéaerds ?
-Et vous pensez que je pourrais vaincre si je n’envisage pas la possibilité de devoir me débarrasser de vous ? Si je comptais absolument vous trahir, je ne vous dévoilerai rien…
-Et vous ne perdrez pas votre temps précieux ici non plus… Ironisa Grand Pabby.
-Par tous les esprits… Le temps file !
-Et c’est bien lui notre ennemi n’est-ce pas ?... Au plaisir de vous revoir bientôt…
-En amis je l’espère… Railla la personne encapuchonnée.


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Bien loin au-delà des steppes gelées, en un autre plan de l’univers, Kristoff avait à peine eu le temps de cligner des yeux depuis que les Picéaerds avaient pris leur envol et disparu du ciel immaculé de l’Hellheim. Pour lui, un temps infime s’était écoulé mais, il en était certain, il devait en être différent pour les Picéaerd partis en mission. En attendant leur retour, lui aussi devait éclaircir quelques points. Il lui fallait retrouver au plus vite celle qui l’aimait. A la hâte, le montagnard s’empressa de se mettre en route. Il se demandait bien comment il allait expliquer à Anna que sa famille était partie sauver le monde des vivants sans l’attendre. A n’en pas douter la furie rousse n’allait pas apprécier cette nouvelle mais peu importait, le plus important pour l’heure était de s’assurer qu’elle allait bien et que les Sappos ne tenteraient rien contre eux. Kristoff ne voyait qu’un seul endroit où pouvait se trouver Anna et immédiatement il se mit à penser au glacier d’Ahtohallan. Anna voulait sans doute chercher des réponses alors autant commencer par la rivière magique. En moins de temps qu’il ne lui en fallut pour y penser, la falaise de glace impressionnante du glacier des souvenirs se matérialisa devant le montagnard qui n’eût aucun mal à trouver le renfoncement dans la glace et pénétrer l’entrée gelée pour s’enfoncer profondément sur le chemin long et glissant qui menait vers le dôme des souvenirs. Déterminé à trouver ce point central où Anna devait à n’en pas douter y chercher quelque réconfort, Kristoff poursuivis sa route au plus profond du glacier. Soudain le montagnard se figea au garde à vous alors qu’il atteignait l’entrée du dôme. Ses poings se serrèrent tout à coup alors que devant la galerie il pouvait le reconnaître bien qu’il fut de dos. Elysia Sappos était là lui aussi et divulguait quelques souvenirs. Kristoff observait de loin mais les souvenirs n’étaient pas comme d’habitude. Le Sappos était clairement moins expert que les Picéaerd pour faire parler les souvenirs de la rivière gelée. Ceux-ci semblaient plus flous, plus désordonnés, comme si Ahtohallan se refusait à son demandeur. Pourtant plus il observait, plus il avait l’impression qu’Elysia cherchait à masquer des souvenirs. Intrigué, Kristoff continua son observation et au milieu du flot d’informations difficilement interprétable, il découvrit avec effroi l’immense crevasse s’ouvrir au milieu du dôme. Le montagnard se sentit nauséeux. Si son cœur n’était pas mort, Kristoff le savait, il se serait sans doute arrêté de battre alors qu’un petit objet avait attiré son regard. La poupée de chiffon qui traînait sur le sol gelé. Elle était reconnaissable entre mille et pour le montagnard, la vérité abjecte apparaissait devant ses yeux. Elysia avait sans doute commis le pire de tous les forfaits.

-Vous !!! Mais qu’est-ce que vous avez fait ?! Hurla Kristoff.


Ivre de rage, il fondit furieux vers Elysia.


-Kristoff ?! … Mais ?... Eh doucement !
-Monstre !!! Qu’est-ce que tu as fait de ma femme ordure ?!


Kristoff hurlait furieux et moulinait de ses grands bras fendant l’air dans l’espoir d’assommer l’ancien éleveur de rennes qui avait heureusement pour lui, conservé de prodigieux réflexes et esquivait la force brute du fils d’Andréas.


-Attends ! Tu te trompes je vais t’expliquer…. Moi aussi je veux…
-Tu ne veux rien et ne pourras plus rien dire quand je t’aurai fait avaler ta langue ! Ta propre petite fille ! Salop !


Elysia paraît les coups avec expertise maintenant Kristoff à bonne distance alors que le sol trembla. A nouveau l’inquiétante crevasse se matérialisa au sein du dôme des souvenirs. Alors qu’il reculait pour prudemment rester hors de portée de la fureur du débiteur de glace tout en tentant vainement de le calmer, Elysia trébucha et se retrouva les fesses à terre, à quelques mètres à peine du précipice. Instinctivement il observa ce qui lui avait fait perdre l’équilibre et reconnu immédiatement son bâton de berger avec lequel il accompagnait les bêtes. Sans réfléchir il s’en saisit pour se protéger du nouvel assaut de Kristoff qui n’avait que faire de le voir en position plus affaiblie. Le jeune Bjorgman, emporté par la colère ne voulait qu’une chose lui régler son compte. Fort heureusement il était impossible de tuer quelqu’un dans l’Hellheim ou Kristoff aurait pu alors se transformer en assassin.


-Tu vas payer ! Qu’est-ce que tu as fait d’elles ? Cette famille te faisait confiance !
-Oh ça suffit, je n’ai rien fait écoute-moi !...
-Je vais t’arracher la langue et…


Kristoff ne put terminer sa phrase. Décidé à en découdre il bondit vers son adversaire les poings fermés, déterminé à les écraser sur le visage angélique du Sappos. Elysia n’en fut pas impressionné. Avec une grande dextérité, il para les violents coups de Kristoff et se décida à riposter. D’un geste rapide, précis et fort, Elysia mania avec habilité son bâton et atteignit Kristoff en plein visage. Surpris, le montagnard bascula à la renverse et s’écrasa à quelques centimètres à peine de la dangereuse crevasse. Le nez tuméfié alors que déjà apparaissait une marque sur le visage du fils d’Andréas, Kristoff demeurait immobile, inconscient.


-La ! Toujours pareil avec les gosses ! Ils veulent frapper comme des brutes sans réfléchir ! Bon Kristoff, je suis désolé pour le coup dans le nez mais maintenant veux-tu bien m’écouter et… Oh ?! Kristoff ! Allez réveille-toi mon garçon ! Je n’y suis pas allé aussi fort que ça ! Un grand gaillard comme toi ça devrait résister un peu plus ?! Lança Elysia inquiet de voir que le montagnard ne recouvrait pas ses esprits.


Gêné par cette violence, Elysia s’éloigna prudemment de Kristoff pour lui laisser le temps de recouvrer ses esprits. Il en profita pour le délester de la poupée de chiffon qu’il avait trouvé au sol. Lorsqu’il l’a vit, Elysia comprit alors pourquoi Kristoff avait tant d’animosité envers lui.


-Oh ! Oh ! Oh ! Eh bien! Je vois que tu as su utiliser efficacement mon présent… Lança une voix.


Elysia sursauta et laissa le débiteur de glace inconscient. Derrière lui, une personne encapuchonnée et bedonnante s’approchait. Le Sappos réprima un hoquet de surprise lorsque l’autre ôta sa capuche et se dévoila pleinement à son lointain descendant.


-Pierre ? Mais… Comment ça ton présent ?
-Allons Elysia, aurais-tu oublié quel jour nous sommes pour les vivants ? Tu n’es pas sans savoir que ta femme et le reste des Picéaerd en ont profité pour retrouver le monde des vivants ?... Alors que fais-je ce jour si particulier ?
-Je…
-Oh je te pensais plus vif ! … Tu connais la légende, le vieux barbu qui dépose des cadeaux… Alors, cela te plaît que je t’ai rapporté ton vieux baton ?... En tout cas tu n’as pas perdu la main ! On peut dire que tu l’as séché ! Heureusement pour lui, les coups se soignent vite dans l’Hellheim mais je pense que tu lui as fracturé le nez ! S’amusa Pierre en observant la mine piteuse et évanouie de Kristoff.
-Mais… Ca n’est pas ce que tu crois… Je ne voulais pas le…
-Le laisser te démolir donc tu t’en es chargé toi-même. Oui j’ai vu ça ne t’en fais pas ! En même temps c’est bon pour toi. Enfin on arrêtera de te voir comme le gentil mouton qui suit tout le monde et a tendance à être faible ! Oui je suis au courant de ta piètre performance contre Runaerd tout à l’heure à la taverne ! Au moins, voilà ta fierté de Sappos réhabilité !
-Mais non ! Ca n’est pas ce que tu crois ! Je ne veux absolument pas de violence et… C’était par accident ! Je ne voulais pas…
-Non pas par accident ! Par défense ! Et qui pourrait t’en vouloir ?... Et tout à fait entre nous… Quelle droite ! J’ai beau être le père noël… Je sais apprécier quand une bonne correction est administrée de manière légitime !... Même si sur ce point, c’est Emma qui en a la primeur ! Mais peu importe, laissons le dormir ça lui fera du bien… Après tout le sol est en glace, c’est exactement ce dont son visage a besoin ! Et toi, que veux-tu ?
-Parce que tu ne le sais pas ? Questionna Elysia soupçonneux.
-Bien sûr que si je le sais… Et tu sais que je donne ce que veulent les gens à condition qu’ils le demandent… et le méritent !
-Je veux comprendre ce que je viens de voir !
-Ce que tu viens de voir ?... Eh bien je dirai que tu as lamentablement échoué à percer les secrets de ce lieu… Mais ne te blâme pas, ce que tu cherchais est sans doute trop bien caché pour quelqu’un comme toi… C’est peut être même trop bien caché pour ta femme.
-Tu es là pour te moquer de moi ?... Je sais que tu veux du mal aux Picéaerds !
-Oh tout de suite les grands mots ! Je te pensais plus sage que ça Elysia ! Mais peu importe, laisse moi être plus clair dans ce cas ?... Tu permets ?!


Pierre désignait le baton de berger d’Elysia qui docilement le tendit à son aïeul. D’un geste expert, le premier des Sappos toucha délicatement la paroi gelée et le souvenir que son descendant avait tenté d’activer se fit légèrement plus net. En quelques instants, Elysia put alors voir avec effroi, Andréas sortir de la crevasse où Anna avait été jetée quelques instants plus tôt puis voir le père de Kristoff y précipiter sans aucune honte la jeune Helga. Machinalement, Elysia serra contre lui la poupée de chiffon que la jeune fille avait laissée derrière elle.


-Ce que tu vois, ce sont les limbes… Tu vas dans cette crevasse et tu t’y retrouves, mais j’espère que tu l’avais déjà compris n’est-il pas ? Questionna Pierre d’une voix légère en faisant face à son descendant.
-Mais… C’est…C’est affreux et… Il faut les sauver !... Pourquoi les as-tu…
-Eh là ! C’est à cette question que tu veux vraiment une réponse ? Qu’est-ce que tu veux vraiment Elysia ?! Coupa sévère Pierre.
-Je veux… Je veux qu’elles reviennent bien évidemment !
-Bah voilà ! Tu vois que tu sais avoir le sens des priorités ! Tu n’es pas un Sappos pour rien ! Je savais que je pouvais compter sur toi mon descendant ! Insista Pierre


Pierre posa une main amicale sur son épaule. Elysia crut alors sentir une étrange chaleur le parcourir alors qu’il dévisageait le visage souriant de Pierre qui machinalement se mit à rire avant de déposer une curieuse boule à neige dans la main de son descendant. Cela semblait contagieux et Elysia lui aussi se permit de s’esclaffer sans trop savoir pourquoi. Les deux hommes se toisaient du regard sans faire attention qu’à quelques mètres d’eux, Kristoff commençait à recouvrer ses esprits.


-Comment ça compter sur moi ?
-Pour ça !...


Avec un sourire, Pierre repoussa son descendant à l’aide du baton. Elysia par reflexe recula d’un pas et se sentit soudain basculer dans la crevasse des limbes.


-Bon voyage, je te fais confiance ! Souffla Pierre alors qu’Elysia disparaissait.
-Eh ?!... Mais qu’est-ce que… Protesta Kristoff encore étourdi.
-Eh bien ?!... N’as-tu jamais appris qu’il faut dormir quand je distribue mes présents ?!... Allez jeune Bjorgman, fais dodo !


Kristoff ne put répondre, la seule chose qu’il vit, fut le bâton de berger s’approcher de son visage avant de ressentir la force du coup et à nouveau tout devînt noir.

Chapitre 22 : Retrouvailles



Mamie Anna marchait en tête, Iduna, en compagnie de Ryder et Elsa restaient poliment trois pas derrière la matriarche. L’éleveur de rennes grimaçait face au pas lourd de la chamane. Il n’était pas le seul, Elsa qui pourtant n’était pas une Northuldra très douée comme lui avait souvent fait remarquer Yelena constatait avec amertume le manque de discrétion de Mamie qui avait pourtant exigé un silence absolu.


-Ah Ah ! Ah Ah !


Mamie sursauta face aux vocalises et fusilla sa fille du regard.


-Iduna ! Mais tu es sourde ou quoi ?! J’ai dit que nous ne devions pas faire de bruit…
-Crois-moi maman je ne le suis pas ! Toi en revanche, à ne pas te rendre compte du bruit que tu fais tu dois l’être devenue ! A croire que tu fais exprès de marcher sur chaque brindille ! Alors autant appeler Courant d’air !
-Quoi ?! Mais pas du tout ! Protesta Mamie avec mauvaise foi.
-Euh, pardon madame Picéaerd mais… Voulez-vous que je guide ? C’est sur ce chemin que j’emmenais les bêtes après tout… Proposa timidement Ryder.
-Parce que tu sous entends que je ne sais pas où je suis ? Elysia empruntait ce chemin alors que ton père ne savait même pas encore comment faire pour t’avoir mon garçon !... Une époque où il était fréquentable !... Lui ainsi qu’Elysia… Soupira la matriarche.


Evoquer son époux semblait être douloureux pour Mamie qui s’efforçait de montrer qu’elle l’avait rayé de sa vie, mais personne n’était dupe. Si le Sappos était désormais un ennemi, personne ne pouvait oublier que l’amour qui l’avait lié à Mamie Anna avait été le plus fort et le plus beau de tous.


-Je peux nous faire un traineau de glace pour que nous puissions voyager en silence si tu préfères mamie…
-Tu n’as pas plus voyant ? Nous devons être discret je te rappelle…
-Alors dans ce cas, ne nous guide pas mamie… Tu fais encore plus de bruit qu’Olaf !


Tous furent surpris de l’aplomb de la reine des neiges. Personne n’osait s’opposer à la chamane Picéaerd, ni remettre en cause ses décisions, et pourtant, Elsa venait de le faire à l’instant. Même la grand-mère en fut surprise mais aucune colère ou contrariété ne put se lire sur son visage mais à la place un grand sourire.


-Venant d’Anna j’aurai pu l’envisager mais de toi ! … Tu me surprends Elsa ! Décidément Iduna, tes filles sont remplies de grandes qualités ! Tu as sans doute raison, je ne suis plus aussi svelte que dans l’Hellheim après tout… et la discrétion des chasseurs, très peu pour moi… Ryder, Elsa… Je vous en prie, guidez-nous ! Fit Mamie en s’écartant pour laisser le jeune couple ouvrir la marche.
-Bah ?... Et moi ? Tu ne me fais pas confiance ? Bougonna Iduna alors qu’elle laissait quelques mètres.
-Toi ?... Tu ne comptais pas nous emporter par le vent ?... Laissons les jeunes marcher !


Le sourire facétieux de mamie fut immédiatement compris par l’ange de l’air qui s’empressa d’appeler son ami et se laissa ainsi que sa mère porter par les embruns au travers des arbres centenaires. Plusieurs mètres en contrebas, au sol, Elsa et Ryder les observaient vexés.


-Non mais elle se moque de moi en fait ! Protesta la reine des neiges.
-Moi je n’ai rien contre !
-Plaît-il ?
-Pour une fois… Nous ne sommes que tous les deux ! Ca ne nous arrivais jamais dans l’Hellheim. Souffla Ryder en passant sa main dans le dos échancré de la robe d’esprit d’Elsa.
-C’est pas faux !


La reine des neiges avait parlé dans un souffle et offrait un merveilleux regard de biche à Ryder qui succomba. Immédiatement l’éleveur de rennes s’empressa de caler ses lèvres contre celles de sa dulcinée et l’envelopper de ses bras protecteurs. Les deux âmes étaient comme synchronisées et les baisers pleuvaient alors que Ryder guidait délicatement Elsa vers une clairière abritée. Entre deux étreintes, le Northuldra tenta d’articuler quelques paroles pour présenter le lieu.


-Oh tais-toi donc, je ne suis pas là pour une leçon de géographie ! Coupa Elsa.


Ryder ne se fit pas prier et oublia ses explications pour à nouveau plaquer sa langue contre celle de la reine des neiges. Leurs mains se baladaient librement sur le corps de l’autre en de longues et délicieuses caresses et, finalement, tous deux basculèrent dans l’herbe grasse et douce. Elsa s’extasiait, le dos contre ce lit végétal si accueillant et, contre elle, la plus douce des chaleurs, celle de l’homme qu’elle aimait. Enfin tous deux se sentaient vivants. L’un comme l’autre, percevaient la respiration saccadée, mais aussi les battements de cœur de leur partenaire et cette sensation de sentir ainsi le souffle de vie chez l’autre ne fit qu’augmenter leur désir. Elsa réprima un petit cri alors qu’elle sentait qu’avec un instinct presque animal, Ryder s’attaquait à sa robe d’esprit, prêt à dévoiler l’anatomie secrète et parfaite de la reine des neiges. Au bout de quelques instants, la douce fleur d’Elsa apparut au jour alors que Ryder avec une infinie douceur poursuivait ses ébats avec précaution. La protectrice de la forêt apprécia chaque instant avant de se redresser en position mi assise. Elle laissait Ryder s’aventurer dans son jardin secret et se hâtait de le délester de ses vêtements. Finalement, les épicéas centenaires purent avoir une vue dégagée sur les fesses nues et fermes de l’éleveur de rennes alors qu’Elsa était heureuse de tenir entre ses doigts fins l’attribut viril de Ryder qui trahissait le profond désir du jeune homme à ne faire qu’un avec la sublime maîtresse de l’hiver. Elsa sentait le corps chaud de son amant contre elle et lui embrassait tendrement le cou alors qu’elle sentait que Ryder s’introduisait entre ses portes intimes. La pression et le plaisir ne se firent pas attendre alors qu’ils savaient qu’ils ne faisaient plus qu’un. Ils étaient vivants, couchés l’un contre l’autre dans cette forêt où fut né leur amour, tout était parfait, plus doux encore que dans l’Hellheim alors que l’un comme l’autre hoquetaient des râles de plaisir.
Non loin de là, deux promeneurs s’aventuraient dans ces fourrés, et, le plus âgé des deux, intrigué par les petits bruits inhabituels s’éloigna de quelques pas du chemin, panier en main rempli de fruits des bois.


-J’arrive, il doit y avoir un animal par-là, il a dû trouver des baies ! Lança-t-il
-Pas de problème ! Je cherche de l’autre côté ! Répondit la femme.
-Alors… Y-a-t-il des baies par ici et… Oh par tous les… Veuillez m’excuser !


Le visage d’Antoine vira au pourpre alors qu’ayant poussé les quelques fourrés il avait une vue parfaitement dégagée sur les fesses nues de Ryder, le corps allongé sur celui d’Elsa, la comblant de coups de reins sensuels et réguliers.


-Antoine ? Qu’y a-t-il ? Un problème ?!
-Non !... Emma ! Non ne viens pas et…
-Mais qu’est-ce que ?.... Elsa ?! Elsa c’est vous ?! Hoqueta la jeune chamane.


Emma était incapable de terminer sa phrase, estomaquée de cette vision. Face à elle, à moitié nue, couchée dans les fourrés se trouvait une vision de l’au-delà. Elsa, la reine des neiges, celle qui avait disparu depuis près de vingt ans faisait face aux deux Northuldra, pratiquant l’activité la plus vivante qui soit. La gène face à cette situation paralysa davantage encore les Northuldra, Antoine, pudiquement se maqua tant bien que mal le visage alors que Ryder et Elsa, au comble de leur amour se rendirent soudain compte qu’ils étaient épiés. Leur désir se stoppa soudainement et, à leur tour leur visage s’empourpra. A la hâte, Elsa repoussa son amant et avec l’énergie du désespoir tentait vainement de replacer ses vêtements et masquer sa fleur intime. Ryder n’était pas en reste et lui tachait de se cacher avec quelques feuilles mortes.


-Ryder ?! Ryder c’est bien toi ? Souffla Antoine au comble de la gène alors qu’il reconnaissait le Northuldra qui était toujours pantalon baissé.
-Antoine !... Quelle surprise ! Je… Je suis ravi de te revoir et…
-Et toi qui me disait que tu ne connaissais rien aux femmes ! Répliqua le Northuldra trop hébété par la situation pour se rendre compte qu’il parlait à des revenants.
-Je… Oui… c’est aimable à toi de… Et tu pourrais te… Enfin tu vois le temps que nous puissions… Balbutia Ryder.
-Oh ! Oui ! Bien sûr ! Excusez-nous on… Emma tu viens on va les…
-Les laisser finir ?! Certainement pas ! Elsa !!! Ryder !!! Mais comment est-ce possible que…
-Qu’ils s’accouplent ? Suggéra Antoine.
-Quoi ?!... Non pas ça ! On s’en fiche ! Mais comment ?! Enfin vous êtes morts pourtant !
-C’est exact… Emma ?! Par Ahtohallan ce que tu as pu grandir, la dernière fois que je t’ai vu c’était…
-Quand j’étais une petite fille !
-Exactement et… Hum, tu veux bien nous permettre de… Nous rendre présentable et on va tout vous expliquer car… Vous n’êtes pas au bout de vos surprises ! Concéda la reine des neiges.
-Allez Emma ! On va les laisser !... On a des baies à cueillir…
-J’en connais un autre qui rêvait de cueillir des fruits défendus… Railla Emma en dévisageant Ryder toujours sans pantalon.


La jeune chamane finit par suivre son ainé et laissèrent un peu de répit à la reine des neiges rouge de honte et Ryder. Les deux amants s’observèrent et finirent nerveusement par éclater de rire alors qu’ils s’aidaient mutuellement à remettre correctement leurs vêtements. Finalement, après une hésitation, ils traversèrent les fourrés pour atteindre le chemin où les attendaient mutiques Emma le visage sérieux et Antoine qui faisait de son mieux pour ne pas éclater de rire face au visage déconfit de Ryder. Sans un mot, Emma indiqua le chemin et la reine des neiges, bien que peu douée pour s’orienter finit rapidement par reconnaître la route vers le campement des Northuldra alors que le voyage se fit en silence. Au bout d’une longue minute de marche, Elsa prit son courage à deux mains et s’approcha des deux Northuldra.


-Alors voilà… Ca doit vous faire très bizarre de…
-Vous avoir vu en pleine séance de sport de chambre en pleine forêt ?! Coupa Emma.
-Euh… Oui aussi mais… Enfin je veux dire vous… Vous deviez nous penser morts depuis longtemps et donc…
-Vous voir vivant est une surprise, c’est cela que tu voulais dire Elsa n’est-ce pas ? Interrompit à nouveau la chamane.
-Je… Je me souvenais d’une petite fille futée mais je ne me rappelais pas une personne avec cette insolence… Ni cette absence de surprise. Reconnut la reine des neiges déçue.
-Oh ?... Pardonne-moi Elsa, je suis un peu à cran ces derniers temps à cause de ton frère et ton fils… D’ailleurs tu vas être heureuse, il est au campement… Lui ça va lui faire un choc ! Et pour ce qui est de la surprise, en effet je ne le suis pas !
-Quoi ?!... Mais comment ?!
-Voyage astral ! J’ai pu dialoguer avec ta grand-mère il y a quelques jours… Et elle insistait lourdement pour qu’aujourd’hui, j’aille expressément à cet endroit de la forêt pour chercher des baies…
-Quoi ?


Ryder et Elsa échangèrent un regard à la fois surpris et agacé. Voilà tout à coup que la disparition soudaine de Mamie s’expliquait.


-A voir vos têtes, je suppose que ta grand-mère aussi est revenue… Nous allons la retrouver au village c’est ça ?
-C’est… très probable en effet… Mais pas qu’elle. Grommela Elsa.
-Ah oui ?
-Oui ! Ma mère est aussi de retour, ainsi que notre lointaine ancêtre Emma Picéaerd, tu risques de bien t’entendre avec elle !
-Votre ancêtre Emma Picéaerd ?... Celle qui a fondé cette grandiose famille ? Celle qui a posé les bases du chamanisme ?!
-Tu la connais ?!
-Je serais une bien mauvaise disciple de ta mère et de ta grand-mère si j’ignorais qui elle est ! C’est une légende ! Vite ! J’ai hâte de la voir ! Siffla Emma qui accéléra soudain le pas.


Le quatuor poursuivi sa route en silence tandis qu’Elsa digérait la nouvelle. Depuis son retour dans le monde des vivants, elle avait peur de la réaction des autres à voir ainsi des revenants, et pourtant Emma était à l’opposée de ce qu’elle attendait. La petite fille était devenue adulte et resplendissait par sa beauté mais aussi par son intelligence et son incroyable calme. Désormais, la reine des neiges se demandait surtout ce qu’elle allait bien pouvoir dire aux autres membres de la communauté, à son père, à son frère mais aussi, à son fils qu’elle allait rencontrer pour la première fois. Toutes ses questions firent que le trajet fut étonnamment court et déjà, tous étaient arrivés au campement. Les Northuldra s’arrêtèrent et dévisagèrent les nouveaux venus mais curieusement, personne ne semblait véritablement surpris. Emma les auraient-elle prévenus ? Se demandait Elsa alors qu’elle affrontait les regards et tentait de reconnaître des visages marqués par près de deux décennies d’absence. Quelques chuchotements parvenaient à ses oreilles, souvent les plus âgés qui soufflaient aux jeunes qui pouvait être cette belle jeune femme, vêtue d’une tenue d’esprits et qui accompagnait la chamane du village. La reine des neiges ainsi que Ryder, lui aussi mal à l’aise, accordèrent quelques signes de tête polis aux membres de la communauté, alors qu’Emma les dirigeaient vers la demeure des chefs. Elsa pénétra prudemment et son cœur se mit à battre un peu plus vite lorsqu’elle reconnut le visage vieilli de Yohan. La reine des neiges se mordit la lèvre lorsque son regard se posa sur Camille. Malgré la mort, elle se sentait toujours coupable de son aventure avec le désormais chef des Northuldra. Cependant, la belle blonde n’eût pas le temps de prononcer le moindre mot.


-Ah finalement les voilà ! Alors les amoureux, vous avez profité de la forêt ? Avez-vous été assez discrets et silencieux comme vous le souhaitiez ?!


La voix de mamie avait envahi la pièce. Elsa l’observa. Elle arborait un immense sourire satisfait en plongeant son regard menthe à l’eau dans celui de la maîtresse de l’hiver. Un regard qui voulait tout dire. Elsa n’avait plus le moindre doute, mamie savait exactement ce qui allait se passer. Elle sentit le rouge lui monter aux joues alors qu’elle vit sa mère réprimer un petit rire, visiblement très amusée de la farce de mamie et, curieusement, elles étaient accompagnées à table d’Emma Picéaerd. La doyenne s’était délestée de sa tenue de mère fouettarde. Elle devait avoir terminé sa mission et rayonnait. Là encore, personne n’était surpris d’avoir à leur côté, une femme âgée de plusieurs siècles. Mamie avait sans doute dû déjà donner des trésors d’explications au chef Northuldra songeait Elsa admirative de l’astuce de la matriarche.


-Eh bien jeune esprit ? Comptes-tu rester ainsi debout ?! Viens manger avec nous ! Pour une fois, ça n’est pas ta grand-mère qui nous offre le repas mais cette charmante Camille ! Lança avec un sourire la doyenne.
-Asseyez-vous donc Elsa ! Et vous aussi Ryder ! C’est un plaisir de vous rencontrer enfin, lorsque j’ai été libérée, hélas vous étiez déjà…
-Camille, ma tendre colombe, peut être qu’il n’est pas nécessaire d’aborder ce sujet… Suggéra Yohan.
-Oui tu as raison ! Placez-vous ! C’est du renard des neiges aux mures Arctique. Argumenta Camille.


L’hôte, fière de proposer un repas à la famille Picéaerd s’empressa de les servir un à un puis guettant avide leur réaction. Elle fut unanime, tous se régalaient.


-C’est vraiment délicieux ! Complimenta Emma Picéaerd sincère.
-Oui… Et ça nous change du renne ! Enfin, sans vouloir te vexer mamie ! Ajouta la reine des neiges alors qu’Iduna réprimait un rire nerveux.
-Je ne me vexe pas, mes compliments à la cuisinière, mais peut être aurait-il fallu faire davantage revenir la sauce et y ajouter quelques champignons pour donner du corps au plat ? Suggéra Mamie avec expertise.
-C’est… Oui ça serait sans doute bien meilleur, je vous remercie du conseil !
-Je t’en prie, et félicitations, la viande de renard est très délicate et complexe à cuire. Ajouta la matriarche sincère.
-Mamie ?!... Tu connais ce plat ?!
-Bien entendu, très délicat, et compliqué à réaliser ! Pourquoi ?!
-Mais ?!... Ça fait des années que tu nous fais manger tous les jours du ragout de rennes !
-Parce que vous ne m’avez jamais demandé de changer ma grande Picéaerd ! Conclut mamie.


Le repas se poursuivit dans la convivialité et la légèreté. Personne ne s’offusquait d’avoir des revenants à leur table. Emma Picéaerd et Mamie avaient su avec brio tout expliquer et rassurer les Northuldra.


-Hum… En tout cas Iduna, je suppose qu’il vous tarde de retrouver votre fils. Hélas nous avons… Comment dire, quelques relations un peu compliquées avec lui depuis quelques années et…
-Je suis au courant Yohan ne vous en faîtes pas. Même si nous nous trouvions… Loin pour le dire ainsi, nous n’avons cessé de vous observer, même si on nous l’avait interdit. Coupa Iduna en dévisageant sa doyenne.
-… Pour que vous finissiez par tout découvrir par vous-même.
-Que voulez-vous dire ? Questionna la fille de Yohan.
-Eh bien pour faire simple jeune chamane. Il est de grandes puissances qui régissent ce monde et touche notre famille. Il aurait été dangereux de les laisser agir inconsidérément mais par mes mises en garde, cela n’a fait qu’attiser un peu plus leur curiosité. C’est l’essence même des Picéaerd que de trouver des réponses. Ainsi, notre famille a pu accepter et appréhender la vérité pour être prête le moment venu… Répondit la mère fouettarde.
-C’est brillant de sagesse ! Fit sa jeune interlocutrice qui buvait ses paroles.
-Est-ce vraiment ce qu’il s’est passé ?... Enfin pardon madame Picéaerd non pas que je veuille remettre en doute…
-C’est tout à votre honneur que de vous questionner. Je suis heureuse que la communauté vous ait gardé comme chef… Mais oui, mon ancêtre dit vrai, et comme vous je pense qu’il valait mieux que nous prenions le temps de l’apprendre. Trancha Mamie.
-Vous voulez dire que pendant tout ce temps vous avez été sa disciple ? Et qu’avez-vous appris ?! Questionna Emma émerveillée. Accepteriez-vous de me partager vos sagesses ? Oh et surtout, voulez-vous me faire l’honneur de venir à mon office ? Oh et pouvez-vous aussi me montrer…Enfin, puis-je vous faire une démonstration de…
-Eh là doucement ! Doucement !... Tu vois Iduna ! Voilà une jeune femme qui sait s’intéresser ! Taquina mamie.
-Oh et vous aussi Iduna, voulez-vous venir assister ?! J’ai conservé tous vos livres et je me suis permise… Enfin modestement de… Oh et vous aussi Emma ! Votre sagesse séculaire est sans doute… Oh il vous que vous puissiez voir tout ce que j’ai fait depuis votre absence, sans me vanter j’ai pu…
-Eh bien, chers Picéaerd, j’ai le sentiment que nous avons une admiratrice. Coupa la première de la famille d’une voix étonnement légère.
-Ca sera avec plaisir Emma que je viendrais t’assister ! Je suis heureuse de voir que tu as si bien su reprendre le flambeau !... Fit Mamie.
-Vraiment ?!
-Je n’ai qu’une parole, néanmoins, j’ai une remarque pour toi…
-Oui ?! Quoi donc ?! Je suis avide d’entendre vos conseils !
-L’orgueil n’est jamais l’allié d’une chamane…
-Je… Hum… Oui pardon vous… Vous avez raison je… Hum ! Très bon ton repas maman ! Fit Emma telle une petite fille prise en train de chaparder des biscuits.
-Mais chercher à tout savoir et se mêler de tout, est une qualité familiale. Reprit la mère fouettarde.
-Ce qui a grandement servi la culture et la cause de notre peuple au travers des siècles. Remarqua Ylva qui était restée silencieuse en bout de table.


Enfin Mamie la remarqua et s’empressa d’aller saluer la vieillarde centenaire. Elle devînt rapidement le centre de l’attention et, grâce à son extraordinaire mémoire, sut rappeler à tous à quel point les chamanes Picéaerd avaient pu aider les Northuldra avant de s’incliner devant Emma Picéaerd, sincèrement reconnaissante d’avoir fondé une si grande et glorieuse famille.


-A Emma Picéaerd ! Proposa Yohan en levant son verre.
-A Emma Picéaerd ! Reprirent en chœur les convives.
-Allons, merci vous me flattez mais je le dis et redis à nouveau… Les plus illustres membres de la famille Picéaerd sont à ma droite, et je suis loin d’être de leur niveau. Fit la matriarche en laissant la lumière à ses descendantes.
-A Anna, Iduna et Elsa ! Lança alors Emma au comble de l’excitation.
-A Anna, Iduna et Elsa !
-Hum… Vous nous faîtes trop d’honneur, mais vous oubliez notre jeune Kaspian… C’est pour lui que nous sommes de retour… Reprit Emma une fois le calme revenu.
-Oui… Comme… Comme je voulais le dire à Iduna… Je ne pense pas qu’il se joigne à nous… Tenta Yohan alors que sa fille avait soudain perdu son sourire.
-Nous saurons le retrouver ne vous en faîtes pas ! Lui mais aussi son père ! Tu dois être impatiente de le retrouver ma chère ?
-Je…
-Pff ! Vous ne devriez pas ! Coupa Emma.
-Pardon ?


Un lourd silence s’installa et les yeux se braquèrent sur la fille de Camille et Yohan. Elle se mordit la langue d’avoir ainsi réagi mais c’était plus fort qu’elle. Depuis qu’il avait quitté la forêt enchantée, elle ne comptait pas lui pardonner. Maintenant que les regards étaient braqués sur elle, il était trop tard pour faire demi-tour.


-Excusez-moi, je ne devrais peut-être pas mais… Par honnêteté je le dois. Anna, vous vous souvenez qu’Antoine lui a sauvé la vie lors de son procès… Eh bien je ne pense pas qu’il s’en soit trouvé digne. A la première occasion, il nous a quitté trop heureux de retrouver son précieux pouvoir en Arendelle ! C’est ce qui a rendu fou Kaspian et…
-Chère famille… Ne trouvez vous pas que cette jeune femme a le franc parlé des Picéaerd !? Questionna la doyenne.
-Oui… Et elle l’avait déjà, autant que l’esprit vif enfant… C’est bien pour ça que je lui ai confié notre charge ! Rajouta mamie sincère.
-Hum… Quoi qu’il en soit… Agnarr est actuellement en inspection des troupes d’Arendelle, mais il sera parmi nous pour le souper. Répondit avec diplomatie Yohan avant d’ajouter en dévisageant Elsa… Lui et le prince Viktor et j’espère qu’Emma tu sauras être pour le prince, un hôte agréable…
-S’il le faut père… Persifla Emma en levant les yeux au ciel.
-Bon… Il est temps du dessert… Qui veut des Kanelbullars !? Je viens juste de les cuire ?! Questionna Camille pour ramener la conversation vers un terrain plus léger.


L’attrait gourmand des Picéaerd eût raison de la curiosité d’Iduna et la fin du repas se fit sans incident, ponctué des nombreux compliments de tous envers Camille, qui face à l’insistance de la famille finit par leur avouer que c’était à Arnevik qu’elle avait fini par apprendre toutes ces recettes.


-Eh bien ?! Moi qui pensais qu’il n’y avait en cette ville que vils commerces de chair, je n’aurai jamais imaginé que cette ville maudite puisse proposer des gourmandises…
-Pourtant ma grande Picéaerd, les gourmandises sont la spécialité d’Arnevik. Fit Mamie.
-Mamie voyons ! Tu ne vas pas défendre cette cité immonde !
-Je n’y ai pas que des mauvais souvenirs… Quand j’y suis repartie, j’avais ta mère dans les bras…
-Mais… Enfin peu importe, les femmes ne font que perdre leur vertu là-bas, avec des danses d’une vulgarité sans nom devant les pires des soiffards et ensuite ses maisons closes écœurantes…
-Pourtant jeune esprit, sans vouloir prendre parti, tes tenues y feraient un malheur. Crois-moi je connais cette ville ! La mère fouettarde y a ses plus fidèles garnements après tout.
-C’est… Hum… C’est grâce à la cuisine que justement j’ai pu… éviter ce genre de basse condition. Ca et accepter le travail aux écuries. Fit Camille d’un ton d’excuse.
-Inadmissible ! En tout cas vous pouvez en être certains, jamais vous ne me verrez là-bas !
-Pourquoi donc ? Aurais-tu peur de finir par danser sur une table ma grande Picéaerd ?
-Quoi ? Mais mamie voyons pour qui me prends-tu ?!
-Mais je suis sérieuse ma grande Picéaerd… Le pourrais-tu ?
-Quoi ?
-Ça s’appelle le courage !... Ta sœur quand elle te cherchait a bien été capable d’affronter Arnevik ! Elle a su assumer le poids du pouvoir… Toi qui l’aimes tant qu’en penses-tu ? Insista Mamie en dévisageant sa petite fille.
-Oui… J’ai su que la reine Anna avait tenu un incroyable discours, et la ville avait commencé à changer lorsqu’on m’a libéré pour que je retrouve finalement Yohan. Confessa Camille.
-Allons chère Anna, la question ne se pose pas, je ne pense pas que nous ayons besoin d’aller dans cette ville pour l’heure, laissons notre jeune esprit méditer à tête reposée et je ne doute pas que Ryder saura l’épauler en toute circonstance. Tempéra Emma alors que tous louaient sa sagesse.


A nouveau Camille s’empressa de servir un nouveau dessert pour calmer les esprits et reçut une salve de compliments. Finalement, repus par ce copieux repas, tous quittaient peu à peu la table. Elsa vexée, évitait soigneusement ses aïeules et rapidement allait questionner les Northuldra sur son jeune fils et l’impression qu’il avait donnée avant d’être déçue de la célèbre franchise d’Emma qui le présentait comme un enfant timide et loin du charisme de la reine des neiges.
De leur côté, Iduna, Anna et Emma en profitaient pour marcher vers les prairies de lichen et Yohan à contrecœur fit un portrait bien peu reluisant d’Agnarr qui comme l’avait indiqué Emma avait succombé aux sirènes du pouvoir. L’ancienne reine d’Arendelle fit de son mieux pour masquer sa colère et sa déception, bien aidée par la présence d’Antoine. Tous deux retrouvèrent rapidement une complicité qui avait été la leur enfant se remémorant volontiers leurs aventures en compagnie de Beata. Pris dans leur conversation, les vieux amis ne se rendirent pas compte que Mamie et Emma avaient fini par s’éclipser et assister la fille de Yohan dans ses consultations chamaniques pour le plus grand bonheur de cette dernière. Iduna n’en avait que faire. Elle profitait volontiers de ces quelques minutes de liberté pour redevenir la petite Northuldra intrépide et insouciante qu’elle était avant la funeste guerre qui plongea sa forêt chérie dans la torpeur de la brume des esprits. Après quelques notes savamment chantées, l’esprit de l’air se présenta auprès de celle qui assumait son rôle de cinquième esprit. En quelques secondes, comme les vieux amis qu’ils étaient, le zéphyr s’enroula auprès de l’ancienne souveraine, défaisant sa coiffure stricte. Le plus naturellement du monde, les cheveux d’Iduna retombèrent en cascade dans son dos et retrouvèrent leur ondulation. L’ancienne reine avait retrouvé sa coiffure d’enfance pour le plus grand plaisir de son ami Antoine qui s’empressa de la complimenter. Pour toute réponse, elle l’invita à la suivre et, facétieuse, intima à l’esprit de l’air de l’envoyer en l’air en compagnie de son ami Northuldra. Antoine observait celle qui avait été son amour secret ne faire qu’un avec l’esprit de l’air. Il avait le sentiment d’être revenu des décennies en arrière, quand son cœur battait la chamade chaque fois qu’il apercevait la fille de la chamane. Lui, le jeune garçon trop timide pour oser l’aborder, presque incapable de lui parler. L’homme se souvenait de sa détresse après que la brume ne soit tombée et Iduna portée disparue. Il n’avait cessé de se maudire d’avoir été si timide, à n’oser l’aborder qu’à de trop rares reprises alors que pourtant, elle se montrait si gentille à son égard, au point même de lui offrir un baiser d’enfant. Depuis ce jour, il n’avait eu de cesse de corriger cette faiblesse pour que désormais ses qualités d’orateur soit sa principale force. Le jeu du zéphyr se poursuivi encore quelques temps avant qu’ils ne retrouvent la sécurité de la terre ferme. A nouveau, il assista à un instant de complicité d’esprit avant que le vent ne s’enfuie dans les arbres centenaires.


-Courant d’air m’explique que Kaspian n’est pas loin ! Agnarr non plus ! Nous devrions rentrer ! Lança la Picéaerd.
-Courant d’air ? Fit le Northuldra distrait, subjugué par la belle Picéaerd.
-Oui… Enfin Antoine, tu sais bien ! L’esprit du vent !
-Oui… Evidemment que je sais de qui il s’agit mais… Enfin… Pardon c’est ridicule…
-Quoi donc ?
-Oh… Eh bien, tu disais enfant que c’était ton meilleur ami, enfin à égalité avec Beata…
-Et alors ? Serais-tu jaloux ?
-Moi ?... Non ! Non bien sur que non ! Mentit Antoine.
-Alors qu’y a-t-il ? Insista l’ancienne souveraine, faisant retrouver au Northuldra sa timidité d’enfant.
-Euh… Je… non… Non rien…
-Antoine Populus, je sens que tu me mens… S’amusa Iduna qui se souvenait adorer enfant voir son ami trembler comme une feuille chaque fois qu’il lui adressait la parole.
-Euh… Non… Non rien du tout je t’assure !
-Oh je refuse de croire cette défense monsieur le brillant défenseur de mon idiot de mari !
-Idiot de mari ?!
-Il a abandonné notre fils ? Tu crois que je vais l’accueillir avec un sourire et un baiser ?! Lança Iduna en serrant les poings avant de faire un grand sourire à son interlocuteur. Mais ne change pas de sujet… Alors dis-moi ce qu’il y a avec courant d’air si tu n’es pas jaloux ?!
-Non… Enfin… Euh… C’est juste que… Euh… Je me demandais… Pourquoi tu n’avais jamais donné de surnom à l’esprit de l’air. Lança à la hâte Antoine pour trouver une excuse crédible.
-Quoi ?!
-Oui ! Si c’est ton ami, pourquoi ne pas le nommer autrement ?! Ajouta Antoine, heureux que son excuse fonctionne.
-Pourquoi je lui donnerai un nom ? C’est courant d’air c’est tout, pas la peine de changer ! Fit Iduna avec malice.


Antoine n’osa pas répondre à son amie et tous deux se dirigèrent à nouveau vers le village. Iduna, distraite, trop heureuse d’observer sa forêt qu’elle aimait tant en oublia de regarder devant d’elle et manquât de peu de trébucher contre une racine si elle n’avait pas été in extrémis été rattrapée par son compagnon.

-Eh bien, il s’en est fallu de peu… Merci Antoine ! Souffla confuse l’ancienne reine.
-Je… A ton service et… Enfin c’est curieux ! Quand nous étions gamins, c’était plutôt toi qui me rattrapais…
-C’est vrai… J’ai… J’ai dû perdre l’habitude ! … Dis moi Antoine, en homme galant que tu es ? Veux-tu bien prendre mon bras pour m’éviter une nouvelle mésaventure ? Proposa Iduna avec un grand sourire.
-Euh… Eh bien je…
-J’insiste !
-Oui… Avec plaisir…


Le Northuldra ne se fit pas prier et prit volontiers le bras de celle qu’il n’avait jamais oublié. Jamais il n’aurait imaginé pouvoir ainsi agir et sentait la sueur couler le long de sa colonne vertébrale sur le chemin du retour alors qu’Iduna appréciait grandement pour son retour à la vie de se retrouver auprès de quelqu’un qu’elle appréciait sincèrement. Arrivés au village, elle sentit son cœur battre un peu plus fort. Cette sensation la fit se sentir parfaitement bien alors qu’au loin enfin, elle pouvait le voir.


-Kaspian ! Hurla-t-elle, oubliant immédiatement le bras de son ami d’enfance.
-Maman ?!... Maman !!


Le jeune Picéaerd l’avait entendu et, comme sa mère, il oublia l’espace d’un instant les autres Northuldra autour de lui. Pour lui, comme pour Iduna, plus rien n’existait, plus rien ne comptait, alors qu’ils se tombaient dans les bras, se serrant l’un contre l’autre. De longs sillons humides se creusaient sur leurs joues. Le jeune maître des esprits avait beau avoir retrouvé sa grand-mère et sa sœur ainé avec qui il discutait, la vue de sa mère le transportait dans un bonheur qu’il n’osait à nouveau espérer. Aucun des deux ne pouvaient entendre les exclamations attendries et heureuses du peuple du soleil, pas plus que les quelques applaudissements. La taille non plus ne comptait pas. Kaspian avait beau dépasser sa mère d’une tête, il était à nouveau le jeune garçon de 6 ans comme lors de la dernière fois où il avait embrassé sa mère.


-Allons mon ange de l’air doucement ! Tu ne vas tout de même pas l’étouffer ! Ca serait dommage qu’il se rende dans l’Hellheim maintenant que nous sommes de retour chez les vivants ! Commenta Mamie pour les ramener à la réalité.
-Oui… Pardon… Kaspian !!! Mais c’est formidable comme tu as grandi !!! Tu… Tu es un homme désormais !... Un si bel homme !... Emma, si j’avais ton âge je serais jalouse ! Fit Iduna avec un clin d’œil vers la chamane qui leva les yeux au ciel.
-Je ne vois pas de quoi…
-Peuple Northuldra ! Je vous annonce l’arrivée de sa Majesté le roi honoraire Agnarr d’Arendelle, du prince Régent Hans des Iles du Sud et du Prince Viktor d’Arendelle. Lança soudain une voix d’un dignitaire d’Arendelle qui coupa Emma.


Tous les yeux se dirigèrent vers le chemin alors que la délégation Arendellienne fit son entrée. A l’instar d’Iduna, ce fut cette fois Elsa qui ne put se retenir. Elle, la reine des neiges pourtant attachée au protocole ne pouvait se contenir et s’empressa de sauter au cou de Viktor lorsque le jeune prince apparu devant elle et se sentit soudain serré contre lui sans comprendre.


-Euh… Bonjour madame mais…
-Hum… Prince Viktor… C’est Elsa d’Arendelle ! Votre mère !... S’empressa de commenter Yohan qui accourait, alors qu’Agnarr, hébété était sans voix.
-Ma mè… Maman ?! Maman ?! Vraiment ?! Fit le jeune homme en plongeant son regard dans celui de la maîtresse de l’hiver.
-Oui… Oui mon petit Viktor !... Et voici ton père ! Ryder ! Hoqueta la reine des neiges


Le jeune homme se sentit vaciller, incapable de soutenir une émotion aussi forte. Lui, le prince timide et réservé ne s’attendait pas à ça et son père au dernier moment sut le retenir avant que la famille retrouvée ne se prenne dans les bras et profite de ce moment unique…


-Ce n’est pas croyable… Quand mes frères sauront ça… Fit Viktor les larmes aux yeux.
-Nous serons une vraie famille enfin mon fils ! Souffla Ryder avec un sourire.
-Hum… Mon garçon… Le protocole ! Emma est là ! Souffla Agnarr qui s’efforçait de masquer ses émotions de revoir sa fille ainée.
-Oui… Vous avez raison grand père… Hum… Père, Mère, Veuillez m’excuser. Lança le jeune homme avec une révérence martiale.
-Attends quoi ?! Fit Elsa surprise avant de fusiller son père du regard ainsi qu’Hans derrière lui qui n’en menait pas large.


Docile aux consignes de son grand père, Viktor fit de son mieux pour avoir une posture royale et, alors que Kaspian s’était rapproché d’Emma et tentait de parler avec elle auprès d’Iduna, Viktor s’approcha avant d’offrir une révérence.


-Grand-mère, c’est une joie que de vous rencontrer enfin. Kaspian, mon oncle c’est une joie de vous voir également… Commença le jeune garçon alors que le fils d’Iduna observait son neveu avec dédain et surprise de cette attitude grotesque.
-Oui… Pareillement Viktor… Nous nous verrons peut-être plus tard… Siffla le jeune Picéaerd.
-Miss Emma. Quelle joie de vous revoir… J’ai… J’ai écouté vos conseils et je me suis permis de… De cueillir pour vous ceci… Comme vous voyez… J’apprends vite… Des baies comestibles n’est-il pas ?


Kaspian continua d’observer son neveu avec un regard mauvais rempli de pitié alors qu’il tentait de profiter de la venue de sa mère pour reparler avec Emma. Malheureusement pour lui, cette dernière ne lui accorda pas le moindre regard. En revanche le visage de la chamane changea du tout au tout et se fit plus joviale et sympathique offrant un large sourire au grand adolescent tremblant qui lui faisait face.


-Prince Viktor !! Mais quelle délicate attention ! Votre présent me touche au plus haut point ! Et… Si j’osais…
-Si vous osiez ?...


Avant que le prince ne termine sa phrase, la jeune femme s’approcha de lui et déposa entre la lèvre et la joue un délicat baiser au jeune homme qui rougit de cet écart au protocole ne sachant comment réagir.


-Je me languissais de votre retour ! Prince, pourrions nous marcher quelques pas à l’écart vers la rivière ? Nous retrouverons la délégation plus tard.
-Je… Euh… Avec plaisir Miss. Souffla le prince alors qu’il observait les gestes d’encouragements d’Agnarr.
-Formidable !... Kaspian, excuse-nous, tu es sur notre chemin ! Allons y mon gentil prince ! Ajouta Emma


La chamane prenait un ton surjoué, visiblement ravie de voir le fils d’Iduna observer avec fureur Viktor qui peinait à comprendre ce qu’il lui arrivait. Les yeux du cinquième esprit semblait lancer des éclairs alors qu’il les observait jaloux s’éloigner.


-Eh bien, voila qui…
-Non Mamie, merci mais pour une fois, ne dis pas un seul mot ! Trancha le jeune homme furieux alors que la matriarche approchait.


Surprise, mamie ne pipa mot et le cinquième esprit s’éloigna d’un pas rapide pour retrouver sa solitude auprès des plages grises et sans doute maudire son jeune neveu. Profitant de ce climat curieux, Agnarr à son tour s’avança et commença enfin à oublier le protocole. Son visage strict avait disparu et il se laissait entraîner par ses émotions de revoir devant lui et bien vivante sa fille ainée et celle qu’il avait toujours aimée.


-Iduna… Ma douce je ne rêve pas ?!... Tu es là face à moi ?
-Ne m’approche pas Agnarr ! Trancha l’ancienne souveraine en colère.
-Quoi ?
-Comment as-tu osé Agnarr ?! … Tu avais promis pourtant ! Tu avais promis de toujours rester auprès de notre fils !
-Iduna allons… J’ai repris le pouvoir justement pour le protéger…
-Belle protection papa…
-Elsa je t’en prie ne t’en mêle pas ! Coupa Iduna avant de jeter un regard glacial vers Agnarr.
-Bien… Et si nous passions à table ! Proposa Yohan mal à l’aise.
-Pas pour moi je vous remercie… J’ai déjà un diner de prévu. Répondit Iduna furieuse.
-Plait-il ?
-Tout à fait… Un diner… Avec Antoine ! Ajouta-t-elle à la hâte en défiant Agnarr du regard.
-Vraiment ? Demanda Yohan gêné.
-Vraiment ?! Ajouta d’une voix à peine audible Antoine.
-Vraiment ! Antoine m’a gentiment proposé ce repas en souvenir du bon vieux temps ! Il m’a dit que Camille saurait sans aucun doute nous apporter quelques-uns de ses mets raffinés à l’écart dan la prairie. N’est-ce pas Antoine ?
-Je ?... J’ai dit ça ?... J’ai… Oui ! Oui bien entendu j’ai dit ça ! Bredouilla le Northuldra.
-Vous voyez, l’affaire est entendue ! Camille ?... Est-ce donc vrai, pouvez-vous exaucer ce souhait ? Oh je serai tellement déçue que la promesse d’Antoine ne puisse se faire, mais si c’est impossible… Plaida Iduna avec le même ton surjoué qu’Emma quelques instants plus tôt.
-Euh… Oui… Oui c’est tout à fait possible je… Ma fille Sofia vous apportera ce qu’il vous faut !
-Bien… Hum… Et si… Si nous avancions pour discuter de choses et d’autres ?! Allons mes amis venez ! En plus les Picéaerd sont de retour ! Voilà une nouvelle qui se fête ! Ajouta Yohan qui tentait par tous les moyens de désamorcer la situation.


Le chef s’empressait d’éloigner tous les convives. De son côté son épouse également se hâta de regagner ses fourneaux. Prudemment, Elsa, Mamie et Emma n’osèrent pas rester, laissant Iduna et Agnarr se faire face, avec Antoine qui suait à grosses gouttes.


-Allons… Iduna voyons… C’est ridicule ! Nous n’allons pas fêter nos retrouvailles ainsi…
-Quelles retrouvailles Agnarr ? Pourquoi voudrais-je retrouver celui qui a abandonné mon fils ?
-Iduna voyons…Ne soyons pas ridicules et… Tout le monde va jaser et… Enfin nous ne pouvons apparaître ainsi toi et moi…
-Jusqu’à ce que la mort nous sépare Votre Majesté ! Je crois que c’est chose faite ! Bonne soirée !
-Iduna ! Je comprends que cela puisse te peiner mais… Soyons sérieux ! Nous ne pouvons pas oublier tout ce que nous avons vécu ! Et tu ne vas pas passer cette soirée de retrouvailles loin des tiens… Tout ça pour…pour ça… Fit Agnarr en désignant Antoine
-Ca ?! Ca c’est un être humain ! Un être humain qui me semble-t-il t’a sauvé la vie ! Il s’appelle Antoine, et si je préfère sa compagnie à la tienne !
-Iduna voyons ! Je comprends, c’est pour me contrarier mais, enfin notre amour est…
-Mon amour ?... Le voici mon amour Agnarr !


Défiant le roi du regard, Iduna tourna les talons et s’approcha d’Antoine. Souriante, elle se hissa sur la pointe des pieds puis à la grande surprise du Northuldra, elle lui déposa un tendre baiser sur ses lèvres. Antoine crut que le temps s’était arrêté. Tout flottait autour de lui alors que lentement, Iduna s’éloigna avant de lui prendre la main.


-Antoine ?... Nous y allons ?
-Je…
-Fort bien ! Coupa-t-elle avec un regard satisfait à l’encontre d’Agnarr médusé.


Le couple s’éloigna sans qu’Antoine ne parvienne à retrouver pleinement ses esprits. Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent sur les plaines et Iduna constata surprise qu’une table avait été dressée.


-Je… Je l’avais faite installer, je me demandais si nous pourrions passer une soirée ensemble, à évoquer le bon vieux temps. S’excusa Antoine.
-Vraiment ?! S’étonna Iduna qui avait inventé cette excuse de toute pièce.
-Vraiment, mais je ne m’attendais pas à ce que tu acceptes… Je n’osais même pas te le proposer à vrai dire, et je m’attendais encore moins à ce que l’idée vienne de toi…
-C’est absolument charmant. Fit l’ancienne reine décontenancée.


Tous deux s’installèrent et, comme l’avait promis Camille. Sa jeune fille Sofia ne tarda pas à arriver pour offrir aux deux Northuldra un copieux repas. Iduna, ravie trouva mille et un sujets de conversation. Antoine de son côté y répondait avec plaisir et peu à peu se sentit à l’aise. La soirée fut pour tous les deux absolument délicieuse. Jamais dans ses rêves les plus fous, le Northuldra n’aurait pu imaginer profiter d’un moment si privilégié avec la délicieuse Iduna. Pourtant, quelque chose le gênait. Au fond de lui, Antoine sentait que rien n’était tout à fait réel alors que le dessert était servi.


-Iduna ?
-Oui Antoine ?
-Je dois savoir… Tout ceci n’est qu’une farce n’est-ce pas ?
-Pardon ?
-Tu ne fais ça que pour énerver ton mari…
-Je…
-Ne nie pas, seul un idiot ne le verrait pas !... Mais moi dans tout ça ? Qu’est-ce que je suis ? Un jouet ? Un pantin ? Demanda Antoine qui s’étonnait d’être capable d’accuser ainsi celle qui l’intimidait tant.
-Quoi ?... Mais non Antoine ! Bien sûr que non ! Je suis sincèrement heureuse de cette soirée ! Je t’aime beaucoup et je t’assure je préfère passer ce moment seulement avec toi que participer à ces retrouvailles hypocrites…
-Et toi ? Tu n’es pas hypocrite à te servir de moi ? Demanda Antoine les larmes aux yeux.
-Mais pas du tout, je ne me sers pas de toi !
-Arrête ! Tu sais comment j’ai sauvé la vie de ton mari ?!... Je vais te le dire ! Je l’ai sauvé parce que j’ai dit que je le défendais au nom de l’amour que j’avais pour toi ! Que ce qui était important pour toi, l’était pour moi ! Je l’ai sauvé parce que je t’aime ! Oui Iduna Picéaerd ! Je t’aime ! Je t’ai toujours aimé et… Wow… Jamais je n’aurai cru être capable de dire ça un jour… Fit Antoine comme libéré d’un poids.
-Antoine je…
-Tiens… Regarde si tu ne me crois pas ! Ajouta le Northuldra qui n’osait pas écouter celle qu’il aimait, lui présentant, sortie de sa chemise, une pile de papiers jaunis par le temps.
-Qu’est-ce que c’est ?
-Toutes les lettres que je t’ai écrite quand nous étions enfants ! Mais que je n’ai jamais osé te donner ! Avoua Antoine.
-C’est… Puis-je en lire quelques-unes ?


Iduna avait parlé d’une petite voix. Face au silence de son compagnon, elle se risqua et prit la première missive qu’elle parcourue, attendrie d’y trouver, une écriture enfantine. Tout la ramenait des années en arrière, lorsqu’elle gambadait en compagnie de Courant d’air dans cette forêt qu’elle aimait tant, loin des leçons de chamanisme. Elle se risqua à lire une seconde lettre. L’écriture était simple, candide mais sincère. Elle plongea son regard dans celui d’Antoine. L’enfant timide avait grandi mais elle la voyait. Cette flamme dans ses yeux, cette flamme qui ne pouvait mentir. L’ancienne reine reposa le papier et un lourd silence s’abattit puis, après un soupir, elle prit la main d’Antoine, le forçant à la regarder.


-Antoine… Je sais ce que tu ressens… Petite, j’ai même failli demander à maman si elle voulait bien allumer nos coupoles… Oh je lui aurai demandé parce que je savais qu’elle détestais cette pratique et si je pouvais l’embêter sur le chamanisme c’était parfait mais j’ai eu trop peur que ça soit prétexte à une leçon et je prenais l’amour bien trop au sérieux pour en faire un jeu. Mais il faut que tu saches une chose… ça n’était pas un jeu. Et quand j’ai vu Beata peu à peu arrêter de jouer avec moi pour batifoler avec Andréas… Bon lui j’ai jamais pu l’apprécier, à juste titre mais moi… J’ai pensé que quand nous serions grands, nous serions ensemble toi et moi. Antoine, je ne veux pas me moquer de toi, je ne veux pas te faire souffrir. Je n’ai sans doute pas été aussi amoureuse que toi tu pouvais l’être mais… Mais moi aussi je t’aimais…
-Et aujourd’hui tu m’utilises pour badiner…
-Oh non Antoine je ne badine pas !
-Parce que ton baiser…


Antoine ne put finir. Iduna s’était levée et à nouveau avait plaqué ses lèvres contre celle de son amour d’enfance. Un baiser très doux, fugace mais sincère. Lorsque les lèvres se séparèrent à nouveau tous deux sentaient leur cœur battre.


-Iduna… Qu’est-ce que…
-Je ne sais pas Antoine… J’en avais très envie. C’est curieux mais, j’ai eu plus de fourmis dans le ventre quand je t’ai vu que quand j’ai vu Agnarr… Mais je ne pense pas que ça soit juste à cause de la colère…
-Comment ça ?
-Quand je lui ai dit jusqu’à ce que la mort nous sépare, j’étais sincère…
-Attends… Est-ce que tu es en train de me dire… Mais voyons ton couple est pourtant magnifique ! C’est comme celui de ta mère et…
-Celui de maman n’a pas tenu ! Tu n’as pas vu ? Mon père n’est pas revenu avec nous pour une bonne raison. Ils se sont séparés. Peut-être que moi aussi…
-Quoi ? Tu es en train de me dire que tu ne l’aimes plus…
-Non je n’ai pas dit ça… J’ai dit que je ne savais plus… Mais je suis navrée. Tu as sans doute en partie raison, ce repas, c’est une excuse que j’ai donnée et je ne veux pas jouer avec toi pour te faire mal…
-Alors réponds-moi… Es-tu en ce moment amoureuse de moi…
-Je ne sais pas. C’est la réponse la plus honnête que je puisse donner.
-Et d’Agnarr ?
-Je ne sais pas… D’une certaine manière, en ce moment… Vous êtes tous les deux à égalité, mais je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’aurait pu être nos vies ensemble… Et crois moi Antoine, si cela ne doit se résumer qu’à cette soirée, alors j’en suis heureuse et s’il te plaît, ne nous disputons pas… J’aimerai garder un bon souvenir de ce moment et je suis certaine que le garçon qui a écrit ces merveilleuses lignes le voudrait aussi !
-Je le veux ! Fit Antoine en étreignant tendrement Iduna alors que tous deux profitaient de ce moment hors du temps.
-Nous… Nous devrions…
-Rentrer, avant que cela ne jase car nous ne voulons pas…
-Absolument ! Restons sages, merci Antoine de me comprendre.
-Je ferai toujours tout pour toi.


Après une nouvelle étreinte, tous deux, sans oser s’adresser à nouveau la parole regagnèrent le campement Northuldra où ils purent constater l’excellente ambiance qui y régnait. Tous avaient oublié l’incident avec Agnarr et buvaient les paroles d’Emma Picéaerd qui se faisait une joie d’apprendre aux Northuldra, l’Histoire de leur communauté au travers des nombreuses péripéties de sa vie.


-C’est formidable tout ce que vous avez fait pour nous ! A notre protectrice ! A Emma Picéaerd et aux descendantes qu’elle nous a offert ! Lança un Northuldra dans la foule avant que tous ne lèvent leur verre en l’honneur de la matriarche émue.


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Au loin, dans un monde fait de néant, Anna errait au hasard. Elle sentait en elle un profond désespoir, un sentiment qu’elle connaissait, elle qui avait passé déjà des années dans cet univers oublié de tous pire que l’enfer. La cadette d’Arendelle observait la brume épaisse qui l’entourait et luttait contre l’oppression qui la gagnait. Elle se sentait comme enfermée dans un cocon, tel un insecte piégé par une plante carnivore qui refermait sur elle ses pétales pour mieux l’avaler. Anna se concentrait pour gérer ses émotions. Elle savait ce qui l’attendait, peu à peu les limbes se nourrissait de son âme, petit à petit, elle perdrait un à un chaque sentiment, chaque souvenir, et allait finir par errer telle une coquille vide dans ce cocon étroit dévoreur d’émotions. Pour l’heure seule la colère la submergeait, un sentiment si fort, mais aussi la culpabilité, celle d’avoir été si naïve et piégée de la sorte. Elle n’avait plus qu’un seul espoir. Celui que mamie pense aux limbes. Elle avait enseigné à sa grand-mère la seule manière de s’échapper, peut-être pourrait elle réaliser cet exploit, elle ou sa mère, comme elle l’avait fait pour Helga. Helga ! un autre sentiment fort que la jeune rousse voulait garder le plus longtemps possible ! Elle ne pouvait se résoudre à l’oublier, à perdre tout sentiment vis-à-vis d’elle ! Non, celui-là, elle ne laissera pas les limbes et son cocon de malheur lui prendre sans se battre. Mais alors qu’elle se focalisait sur Helga. Soudain elle sentit une voix dans sa tête. La fille d’Iduna ferma les yeux, et crut l’espace d’un instant, sentir au plus près d’elle son homologue du monde des vivants. Voilà qui était curieux, les limbes représentaient la solitude absolue. Anna s’accrocha à cet espoir. Elle sentait que son double voulait lui parler, mais la voix semblait si lointaine bien qu’elle n’entendît que deux mots « Helga » et « Limbes ». Un frisson la parcourut alors. Une idée folle, une idée horrible. Se pourrait-il ? Non c’était idiot, Helga ne pouvait se trouver ici. Et pourtant ! Avec l’énergie du désespoir, elle se concentra sur sa fille et, curieusement, la brume semblait se faire moins épaisse par endroits. Intriguée, Anna suivit ce chemin providentiel et, tout au bout, elle se sentit défaillir… Elle était là.

-Maman ! Maman tu es là ! Tu m’as entendue ! Maman j’ai si peur ! Lança la jeune fille qui malgré son physique d’adolescente, était terrifiée comme une petite fille.
-Helga ! Helga mais que s’est-il passé ? Pourquoi es-tu ici ? Hurla Anna en lui sautant dans les bras.
-Je… J’ai su que tu avais été envoyée là-bas et… Et…


Helga ne put finir sa phrase qu’une lumière les aveuglèrent et, la seconde suivante, Elysia leur faisait face. Anna le dévisagea avec colère mais avant que son grand père ne puisse dire quoi que ce soit, elle aperçut la boule à neige dans ses mains.


-Comment as-tu eu ça ?!
-Je… Je ne sais pas… J’ai été piégé, je voulais vous sauver et…
-Mais tu vas nous sauver ! Grand père ! C’est notre clef !
-Quoi ?!
-Je t’expliquerai plus tard mais hâtons-nous, elle ne fonctionnera pas longtemps ! Papy, c’est toi qui l’as ! Il faut que tu penses à l’endroit où tu as disparu pour nous y ramener.


Elysia ne répondit pas. Il observait sa petite fille et y voyait sa Anna qu’il aimait tant. Elle avait ce regard où il savait qu’il n’y avait qu’une chose à faire. Lui faire confiance aveuglément car elle avait un plan ! Il acquiesça et prit la main de sa petite fille et son arrière-petite-fille. Dans le creux de sa main il sentit que la boule neige réagissait et, en son for intérieur, il ressentit une forte émotion envers Helga. Un flash parcouru le Sappos qui lâcha la main d’Anna et se plongea dans le regard d’Helga. Tous deux n’eurent pas besoin de se parler, ils semblaient se comprendre par le toucher et des larmes coulèrent le long de leurs joues.


-Est-ce que… Je comprends ce que je comprends.
-Je le pense pépé Elysia… ça va aller !
-Qu’est-ce qui va aller ?! Demanda Anna inquiète.
-Ne lui dis rien ! Ca va aller, Pépé tu dois nous sortir de là ! Ne t’en fais pas maman ! tout ira bien !


Anna n’en était pas certaine mais elle savait que le temps comptait. Elysia eût pour elle un regard plein de tristesse et se hâta de prendre à nouveau les mains de ses descendantes. Enfin le Sappos se concentra et tous se sentirent comme arrachés à cet espace qui les oppressaient tant avant de se sentir flotter dans les airs. Anna ferma les yeux un instant puis, lorsqu’elle les rouvrit vit en dessous d’elle, la forme d’un arbre géant, doté de milliers de cocons… Ainsi c’était ça les limbes ? Un arbre prison dévoreur d’émotions dans ses cocons de malheur ?


-Ferme les yeux maman ! Ordonna Helga qui la dévisageait.


Anna obéit, sa fille avait sans doute raison, ce voyage de retour était, elle le savait on ne peut plus risqué. Helga elle, échangea un dernier regard avec Elysia. Tous deux se comprenaient et l’adolescente relâcha sa main pour être aspirée vers un autre monde, tandis qu’Anna et Elysia retombaient lourdement sur la paroi gelée d’Ahtohallan.
L’ancienne reine d’Arendelle mit quelques instants à retrouver ses esprits avant de sauter de joie. Elle était de retour dans l’Hellheim. Peu à peu, sa vision se fit plus nette et vit, en face d’elle, attablés repus et heureux de partager une bouteille d’hydromel, Kristoff et un curieux bonhomme en surpoids.


-Toi ! Mais qu’est-ce que tu m’as fait ?!! Hurla Elysia à l’attention de Pierre alors qu’il revenait à lui.
-On se calme ! J’ai exaucé ton souhait ! Je t’ai donné la possibilité d’aller sauver ta petite fille regarde ! Se défendit Pierre.
-D’ailleurs, pourquoi m’avoir frappé ? Questionna Kristoff.
-Pour la mise en scène… Cette bouteille est là pour me faire pardonner.
-Heureusement que c’est une excellente cuvée… Maugréa Kristoff avant qu’Anna ne lui saute dans les bras.


La jeune femme était aux anges mais, lorsqu’elle retrouva ses esprits fut paniquée. Helga n’était pas là. Elle se mit à trembler comme une feuille, mais Pierre la saisit pour l’empêcher de bouger.


-Calme-toi mon enfant, je sais ce qui te préoccupe… Elle… Elle ne pouvait pas revenir, mais ne t’en fais pas, elle est libérée des limbes ! Ta destinée n’est pas de rester avec elle, c’est pour ça que l’Hellheim s’est refusé à elle… N’aie crainte, elle est dans l’Helveg !
-Quoi ?! Comment ça ?!
-Je t’expliquerai ma petite, mais t’as-t-elle dit ce qu’elle savait ?
-Ce qu’elle savait sur quoi ?... Non ! Je n’ai pas pu lui parler avant que papy ne nous retrouve.
-Dans ce cas… Venez mes enfants, et observez…


D’un geste expert, Pierre manipula le dôme des souvenirs. Anna en fut très surprise, il n’agissait pas comme mamie, sa tache semblait si complexe et les souvenirs ne réagissaient pas comme d’habitude, comme s’ils résistaient et, finalement, il se matérialisa. Anna eût un haut le cœur alors qu’elle revivait la scène terrifiante où elle finit par tomber dans les limbes, puis, alors qu’Andréas était de retour, elle comprit ce qui était arrivée à Helga. Soutenu par Kristoff et son grand-père, Anna se luttait pour ne pas vomir alors qu’elle voyait ce monstre prêt à bondir sur Helga et, plus loin, la personne encapuchonnée attira son regard. Celle-ci s’approcha et sa capuche tomba. Anna crut défaillir alors que l’image disparu…


-Emma !... C’est… C’est Emma ! Bégaya-t-elle
-Hélas !... Asseyez-vous, j’ai beaucoup de choses à vous raconter. Fit Pierre d’une voix triste.