[FCU] La malédiction du cinquième esprit

Chapitre 13 : Anna et Elysia



Elle l’observait. Certes Mamie Anna avait été celle qui avait brisé le souvenir lorsque les Picéaerd eurent appris la terrible malédiction qui frappait les cinquièmes esprits. Certes elle avait ordonné à ses descendantes de ne plus s’approcher de ce glacier de malheur. Certes elle était connue pour être d’un caractère docile et n’avait pas pour habitude de transgresser les règles mais sa volonté de toujours en savoir le plus possible avait été plus forte. Annoncer la terrible nouvelle à son ange de l’air avait été l’une des plus dures épreuves qu’elle eût à affronter depuis le décès d’Olaf avec un changement cette fois. Si pour toutes les tragédies qu’elle avait dû subir durant sa vie tumultueuse, elle pouvait jusqu’alors espérer une meilleure issue à la fin, et surtout maudire la malchance. Cette fois c’était différent. Si Anna et Elsa n’étaient pas retournées dans le monde des vivants, jamais cela ne se serait produit… Et tout était de sa faute. Curieusement, le regard d’Iduna n’était pas rempli de reproches envers sa mère, non, il n’y avait qu’une infinie tristesse et même pire pour mamie… Comme une volonté de la remercier de lui avoir annoncé la terrible nouvelle. La chamane se sentit davantage encore dévastée… Elle ne méritait même pas le courroux de sa fille. Dès lors, la grande Picéaerd se sentait profondément inutile. Elle n’osait plus donner le moindre conseil… Tout au long de sa vie, ses avis n’avaient débouché au final qu’au malheur pour elle et sa famille. Même l’Hellheim donnait l’impression de la punir également. Si elle n’avait pas retrouvé son physique de vivante. Sa pétillante jeunesse c’était quelque peu fanée et des rides étaient apparues sur le visage de la chamane. Chaque jour elle passait devant le miroir, chaque jour elle se sentait plus vieille, plus laide, plus inutile.


« Tu es la plus belle créature de l’Hellheim ! » Répétait chaque jour Elysia en l’embrassant langoureusement.


Ce baiser… Cet homme… C’était la seule consolation pour Anna… Mais quelle consolation ! Dans sa vie, Mamie s’était finalement presque toujours trompée… Mais pas sur le Northuldra des Terres gelées. Elle avait vu en lui un être exceptionnel et elle était en dessous de la réalité. En ces temps où elle avait le plus besoin de soutien. Jamais les caresses et baisers de l’homme qu’elle aimait n’avaient été si doux et si forts à la fois. A chaque fois elle ressentait un bien fou la parcourir dans tout le corps. Chaque jour était un nouveau coup de foudre. Le descendant de la famille Sappos sentait tout le bien qu’il avait à offrir à son épouse déprimée et chaque acte d’amour entre eux était encore plus puissant que celui de la veille. Quelques situations leur remémorèrent amusés de grands souvenirs de leur vie terrestre. Ainsi la grande table de la salle de réception d’Arendelle rendit les armes sous les coups d’amour trop puissants du couple Northuldra, à la grande consternation d’Elsa qui constata les dégâts. Le visage déconfit de la reine des neiges qui vira au rouge écarlate en comprenant la cause de ce désastre avait été une belle distraction pour la matriarche et que dire des bains crapuleux qu’Elysia lui offrait dans les cavernes perdues… Mais tous ces doux moments n’étaient que de frêles éclaircies et rapidement, la chamane retombait dans sa morosité. Chaque jour, elle tournait le regard vers Ahtohallan qui se dressait dans l’horizon comme pour lui rappeler ses erreurs… Et chaque jour, un peu plus fort, le glacier semblait l’appeler… Elle devait savoir. Chaque jour, la même routine. Elysia comme merveilleux réconfort, heureusement que son amant était à ses côtés autrement elle aurait pu se penser dans le Niflheim. La matriarche était devenue mutique. Les leçons de chamanisme promises à sa petite fille, un lointain souvenir. Elle s’y refusait, et même Anna, pourtant obstinée avait fini par ne plus oser les demander à sa grand-mère, préférant se concentrer sur la petite Helga qui commençait à grandir. D’ordinaire, ce genre « d’anomalie » aurait intrigué la chamane qui aurait voulu en savoir davantage mais pas cette fois. Affronter les regards de ses descendantes était une douloureuse torture.
Un matin, alors qu’une nouvelle fois le miroir semblait être bien trop cruel à son goût, la chamane détourna le regard vers le glacier. Pour elle il n’était point question de vocalises mais le silence glaçant de la rivière magique l’appelait. Depuis tout ce temps qu’était devenu son petit-fils ? Et son gendre qui avait finalement pu retrouver pratiquement l’intégralité de ses pouvoirs en Arendelle ? Et Pabby tapie dans l’ombre ? Mamie se posait toutes ces questions alors qu’elle scrutait depuis la porte fenêtre des jardins du château d’Arendelle lorsqu’elle sursauta. A quelques centimètres de son visage, le museau de Sven.


-Eh ! La grand-mère d’Anna et Elsa ! On vient vous chercher pour faire un tour ! Soliloqua le bonhomme de neige dressé sur la croupe du cervidé.
-Quoi ?
-Je suis désolé mais quand Kristoff m’a autorisé à lui emprunter son renne, il m’a expressément dit que le bonhomme de neige faisait partie du lot ! S’excusa la voix d’Elysia qui fit à nouveau sursauter Mamie.
-Comment ?
-Ca te dirait de faire un tour ?... Il faut t’aérer pour te changer les idées !... Et je sais ce qu’il te faut !


Tentée, la matriarche se laissa faire et telle une plume sous la force sur Northuldra du Nord elle fut déposée avec douceur sur le dos du roi des rennes, imité de manière acrobatique et athlétique par Elysia alors qu’Olaf se tenait aux bois de Sven. Le descendant des Sappos fit un petit signe que Kristoff lui avait enseigné à l’animal qui d’un pas lent se mit en marche.


-Si on jouait à vrai ou faux ! Lança la voix de crécelle d’Olaf alors qu’ils avaient à peine quitté le village.
-Non sans façon…
-D’accord ! Vrai ou faux ! Vos actes de cinquième esprit durant votre vie ont précipité la fin de vos descendantes ?! Vrai !
-Roh ! Pourquoi Elsa n’est jamais là quand pour une fois j’aurai eu besoin d’elle ?! Soupira mamie en dévisageant d’un œil mauvais le bonhomme de neige qui poursuivait son monologue.
-Je ne suis pas certain qu’elle ait le pouvoir de le faire taire malheureusement… Et puis vois le côté positif, si le renne a faim… Nous aurons toujours le nez de ce dernier pour le restaurer !
-Quoi ?!... Manger mon nez ?! Demanda Olaf inquiet alors que Sven bramait de plaisir…
-Oui… Pourquoi pas ! A moins que tu ne restes muet comme une carpe pendant tout le reste du voyage ! Proposa avec amusement Elysia.
-Promis ! Je ne dis plus rien ! Fit Olaf en faisant une croix autour de ses boutons de charbon.
-Dîtes-moi monsieur Picéaerd ? Est-ce ma mémoire qui me joue des tours où, n’auriez-vous pas usé par le passé de ce genre de menace machiavélique envers une petite effrontée qui adorait jouer dans les rafales de vent ?
-Je ne peux rien vous cacher madame Picéaerd… A part pour un temps notre destination ! Souffla son époux.
-Oh et comment comptes-tu réaliser ce miracle ?
-Comme ceci !


Instantanément, Elysia plaqua sa bouche sur celle de Mamie Anna et leurs langues se rencontrèrent, prêtes pour une valse qu’elles connaissaient si bien et qui promettait d’être, la plus belle et longue de toutes. Anna profita de cet instant hors du temps et se lova autant qu’elle le put contre le torse protecteur de son époux se laissant bercer par le pas doux de Sven. En quelques minutes elle finit par s’endormir. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle sentait qu’Elysia la secouait doucement pour la sortir de son profond sommeil. Pour une fois, il avait été sans cauchemar… Mais c’était maintenant qu’elle ouvrait les yeux qu’il débutait.

-Ahtohallan ?... Elysia c’est une mauvaise blague ? Fit-elle en lui jetant un regard furieux.
-Absolument pas ! Je te connais Anna… Le glacier t’obsède ! Tu ne penses qu’à voir ce qu’il s’y passe !
-Non ! Et… Cette chose est dangereuse ! Protesta la chamane.
-Fort bien, tes désirs sont des ordres !... Si tu ne veux pas y entrer… Dans ce cas, faisons demi-tour ! Je suis sûr qu’en partant maintenant nous pouvons revenir pour l’heure du déjeuner… Mais forcément, tu ne pourras pas l’avoir préparé alors il faudra se contenter de la cuisine d’Iduna… ou pire encore… d’Anna et Elsa ! … Ou sinon j’avais prévu ici quelques restes que tu nous a mijoté hier !
-Utiliser mon ragout contre moi… c’est petit Monsieur Picéaerd ! … Bon… J’y vais mais juste un instant ! Et pas seule !
-Oui !! On vous accompagne ! Fit Olaf qui sortit de son mutisme.
-Non pas toi mon bonhomme ! Là elle parle de moi ! Toi, tu restes avec Sven et tu surveilles qu’Emma ne vienne pas nous déranger ! C’est capital ! Sans toi nous ne pourrions réussir !
-D’accord !


Le bonhomme de neige se dressa au garde à vous sur la croupe de son acolyte alors qu’Anna et Elysia pénétrèrent prudemment dans le glacier…


-J’ai reconnu une nouvelle ruse monsieur Picéaerd…
-Noël 1807, un certain ange de l’air devait surveiller d’hypothétiques lutins voleurs pendant que nous préparions les cadeaux ?!...
-Oui…entre autres choses ! Se remémora Mamie en embrassant fougueusement son époux.


A nouveau les deux amants usèrent des délices de leur amour en ce lieu mythique et seules les parois givrées du glacier pouvaient les voir ne faire qu’un alors que les imposantes parois de glaces emprisonnaient leurs cris de désir en un écho assourdissant, rythmant leur étreinte. Pour une fois, depuis de longues semaines, Mamie Anna se sentait heureuse. Peu à peu elle recouvra ses esprits alors qu’Elysia se chargea de la couvrir de sa robe enchantée. Mamie Anna reprit tout à coup une mine sombre et fixa la paroi gelée.


-Montre-nous !... Qu’importe ce que nous verrons, je suis avec toi !
-Fais le toi Elysia !
-Tiens donc ?... Je pensais que j’en étais incapable sans ton aide précieuse ! … Tu ne pensais tout de même pas que depuis le temps je n’avais pas compris ton petit manège ? S’amusa le Northuldra au point de redonner un sourire à la chamane.
-Je veux dire… Ensemble ?! Je ne dis pas non à un petit coup de main !
-Pour toi… Toujours ma Anna d’amour !


Les époux Picéaerd se prirent la main et après une grande inspiration, Mamie Anna dévoila le monde des vivants, montrant aux amants leur petit fils qu’ils ne quittèrent pas des yeux.
Kaspian était là, seul, hagard dans le logis qui fut celui de Yelena. Depuis sa disparition tragique, aucun Northuldra n’avait osé la détruire ou l’habiter. Prostré, sur le sol poussiéreux, à côté d’une table détruite depuis plus de trente cinq ans, conservée par la défunte cheffe Northuldra en souvenir de sa meilleure amie et du jour le plus triste de sa vie, le jeune garçon n’osait plus bouger. Il tentait vainement de comprendre ce qu’il s’était passé. Il était le meurtrier d’Olson ! Mais pourquoi avait-il fait cela ? Il n’en gardait aucun souvenir. C’était pourtant la dernière chose qu’il souhaitait. Sa sœur lui avait confié une mission ! Et ses douceurs de Noël… Pourquoi étaient-elles empoisonnées ?! Il savait faire la différence entre les baies comestibles et vénéneuses. Et Emma ? Elle aussi avait ces biscuits ? Qu’en était-il des siens ? Kaspian devait savoir ! Pour la première fois depuis des jours, le jeune garçon décida enfin à se relever. Le visage fatigué et creux par le manque de sommeil et son refus systématique d’accepter les repas laissés devant la porte il se releva en titubant. Mamie Anna qui l’observait tiqua en voyant son allure négligé, elle qui ne jurait que par la propreté mais poursuivit son observation, soutenue par Elysia qui la canalisait.
Après une longue hésitation, Kaspian finit par sortir. La lumière du jour lui fit fermer les yeux quelques instants et, lorsqu’il les rouvrit, il constata amèrement, que tous les Northuldras semblaient s’être éloignés, n’osant pas croiser son regard. Kaspian ne se décourageait pas et tentait d’alerter les Northuldra, les questionner, mais inlassablement, le fils d’Iduna se heurtait systématiquement à un mur. Tous s’empressaient de quitter les lieux laissant l’enfant à sa solitude.


-Ils ont tous peur de toi mon garçon ! Fit soudain la voix de Yohan alors que sa main se posa sur l’épaule du jeune homme.
-Quoi ?
-Les événements en Arendelle les ont fortement marqués… Ils craignent de te contrarier et dans ce cas que tu ne déclenche une catastrophe…
-Mais jamais je…
-Je sais…
-Où est mon père !?
-Kaspian…
-Où est-il ?!


Le jeune garçon avait haussé la voix sans le vouloir et des cris de panique au sein de la communauté se firent entendre. Le peuple du soleil dans un chaos cherchait à s’éloigner le plus possible du village malgré le fait que leur chef lui demeurait de marbre face au jeune Picéaerd.


-Kaspian… Calme-toi je t’en prie ! Ton père… Lui aussi savait tout cela ! Il… Il t’a sauvé la vie Kaspian !
-Comment ça ?! Où est-il ?!
-Il… Il a en quelque sorte récupéré le pouvoir en Arendelle… Pour te sauver la vie Kaspian ! Ta perte de contrôle… Il est resté là-bas pour calmer Arendelle et te permettre de fuir en sécurité
-Quoi ?... Il m’a…
-Non ! Ne pense même pas à ce mot mon garçon ! Il te protège ! Grace à lui Arendelle reste l’ami des Northuldra ! Et grâce à son influence il saura expliquer, et calmer les esprits !... Mais il faudra du temps !
-Et que vais-je devenir ?! … Pourquoi n’étais-je pas chez moi ?!


Le chef semblât hésiter quelques instants, visiblement gêné. Son esprit cherchait la manière la plus diplomate et sécurisée de répondre au jeune garçon.


-Les Northuldra eux aussi ont pris peur… Et dans leur panique… Votre logis à ton père et toi est… parti en fumée… Mais ça n’était pas de ton fait Kaspian ! Alors je t’ai placé dans la demeure de l’ancienne cheffe Yelena. Les Northuldra n’osent pas s’en approcher ainsi tu pouvais rester au calme. Mais, lorsque nous sommes partis, ton père m’a demandé de veiller sur toi… Alors si tu le souhaites, tu peux venir t’installer chez nous ! Camille et Emma seront ravies de ta présence ! Et tu seras un super grand frère pour Sofia ! Proposa Yohan en posant à nouveau ses mains dans celle de l’enfant.
-Non !


Kaspian se retira immédiatement laissant le chef seul à se demander où il avait bien pu se tromper. Avec fureur, Kaspian referma la porte de la demeure de Yelena derrière lui et retourna à sa position de désespoir auprès des débris qui furent ses seuls compagnons pendant des jours. Ivre de fatigue, le dernier Picéaerd se serra et trouva au milieu des morceaux de bois brisés de quoi pouvoir s’allonger confortablement. Curieusement cette vieille table brisée lui semblait familière, douce et agréable. Il prononça alors quelques noms dans un demi sommeil en terminant par celui de Mamie Anna.


-Heureusement qu’Iduna ne voit pas ça !... Mais quelle table !
-Elysia je t’en prie ça n’est pas le moment de plaisanter !
-Mais je ne plaisante pas ma Anna… Toi aussi tu as grandement apprécié ce meuble non ?! Laisse-moi te rafraichir la mémoire !


La suite des événements pour son petit-fils, Mamie n’en vit rien. Immédiatement son époux lui sauta dessus avec tout son amour et finit par la plaquer contre la paroi de glace. Avec un instinct animal les amants Picéaerd s’embrassèrent avec fougue alors que les mains du Northuldra du nord s’attaquaient d’ores et déjà à dégrafer la robe d’esprit de l’élue de son cœur avant d’agripper fermement sa poitrine lisse et duveteuse du bout de sa bouche. Anna n’était pas en reste et, prolongeant le baiser se fit une joie, avec une aisance d’années de pratique à dévêtir Elysia alors qu’elle aussi terminait malgré l’environnement glacial en tenue d’Eve. Peu importait pour les deux, ils brûlaient de l’intérieur, au souvenir de la table de Yelena… Leur dernier acte charnel dans le monde des vivants et tous deux comptaient bien faire honneur à ce souvenir qui depuis toutes ses années brulait dans leur cœur mort. Alors que tous deux se touchaient et caressaient les zones les plus érogènes de leur corps, Anna finit par sentir l’attribut viril d’Elysia forcer sans trop de mal les portes de son chakra racine. Le plaisir fut intense. La vieille femme qui pourtant était jeune ici ne se lasserait jamais de ces communions à répétitions. Il en était de même pour son mari qui ne souhaitait d’une chose rester ainsi à faire des allers-retours intempestifs alors qu’elle gémissait avec attention à son geste. Elle prononça enfin son nom alors qu’il délivrait à son tour l’appellation la plus magique du monde à ses yeux. Lui soutenant les hanches pour contrôler la mouvance, il picora encore sa poitrine pour l’amener du mieux qu’il pouvait vers le septième ciel. Et cela fonctionna à merveille. Bientôt Anna plaqua à son tour ses mains sur les fesses de son amant sortant même quelques ongles qui montraient à quel point elle en voulait encore. Ce n’était pas Elysia qui allait la priver de ce désir. Dans une alchimie naturelle, le niveau de plaisir augmenta faisant toujours plus vibrer les deux Piceaerd qui terminèrent leur union par des baisers sulfureux qui trouvèrent leur chemin sur des parties différentes du visage. Il n’y eut plus que des bruits de respiration fortes dans les minutes qui suivirent.


Quelques bruits contre une porte sortirent les amants de leur béatitude. Confus, Elysia et Anna, maladroitement quittèrent leur tenue d’Adam et Eve alors que Kaspian semblait quitter sa solitude dans l’ancienne demeure de Yelena. Peu à peu les Picéaerd reprirent leur sérieux alors qu’ils virent la jeune Emma venir au chevet de son âme sœur, la coupole allumée par mamie dans les mains. Elysia ne put s’empêcher de retenir un petit rire alors qu’Anna grimaçait :


-Si depuis le Niflheim Yelena voit ça…
-Quelle victoire pour elle ! Et chez elle qui plus est !
-C’est ça moque toi ! Taquina mamie.


Ils poursuivirent leur observation alors que Kaspian se montrait réservé mais contrairement à ce qu’ils pensaient, Emma ne se montra pas spécialement affectueuse ou patiente.


-Bon Kaspian arrête ! Tu es en train de leur donner raison à te terrer comme ça ! S’énerva l’adolescente.
-Qu’importe, ils sont terrifiés par moi !
-Justement ! Si tu restes terré comme une bête acculée, ils continueront ! Prouve-leur qui tu es ! Ça devrait être facile ils le savent déjà ! Montre-leur le Kaspian que moi je vois !
-Facile à dire pour toi ! … Toi au moins tu n’es pas seule !


Emma accusa le coup et tenta de retenir sa colère. Après un long soupir elle reprit.

-Seul ? Tu penses être seul ? C’est gentil pour moi ! Et tu le sais, papa te l’a dit tu peux venir vivre avec nous !... Si tu es seul ici, c’est parce que tu le veux ! Mais nous on se soucie de toi !
-Ca n’est pas ça que je veux dire ! Tu ne peux pas porter mon fardeau…
-Kaspian… Ecoute, le vieux Olson est mort avec tes gâteaux… Et ça c’est juste ce médecin désagréable qui le dit… Il est peut-être mort tout simplement parce qu’il était trop vieux… D’ailleurs je l’ai vu quelque fois se prendre le bec avec papa, et je peux te dire qu’il était tellement vieux et déconnecté que si la nature était bien faite il aurait déjà dû mourir depuis au moins vingt ans… Dans sa tête il devait avoir au moins deux fois l’âge de ta grand-mère !
-Parce que toi aussi tu penses que c’est de ma faute ?! Rétorqua Kaspian qui ne relevait même pas la remarque légère de sa camarade.
-Non… Enfin je… De toute façon tu ne l’as pas fait exprès ! Les baies, c’est facile de se tromper après tout !
-Mais je sais les reconnaître ! Je ne me suis pas trompé ! On les a récoltés ensemble tu t’en souviens !
-Oui je m’en souviens mais… Peut-être en as-tu pris quelques-unes sans t’en rendre compte….
-Et pas toi ?!
-Bah faut croire que non… Tout le monde se porte bien avec mes gâteaux !
-Donc c’est ma faute !
-Non ! Oh Kaspian arrête d’être détestable comme ton père ! Enragea Emma.
-Je t’interdis de dire du mal de mon père !
-Ton père est un salopard Kaspian ! Désolée mais tu dois l’entendre !
-Menteuse ! Fulmina le cinquième esprit alors qu’une tempête grondait au-dessus de sa tête !
-Alors pourquoi n’est-il pas avec toi ?... Je m’excuse Kaspian tu avais raison, oui tu es seul car il t’a laissé ! Et ça je comprends que cela te pèse !
-Il ne m’a pas laissé ! Il m’a sauvé ! Parce que tout le monde me voit comme un monstre !
-Si tout le monde ici te voit comme un monstre, c’est parce que tu te caches… Et là-bas… Ton père a surtout bien compris qu’il pouvait comme cela facilement se débarrasser de toi… Et récupérer son précieux trône ! Désormais, il a plus de pouvoir que mon oncle en Arendelle !... Il est redevenu le roi ! C’est tout ce qu’il voulait !
-Tu mens !
-Non je ne mens pas ! Je vous ai espionné quand on s’est installé ! Je l’ai entendu te parler sans cesse de la couronne d’Arendelle ! De ce qu’elle représente ! Qu’être le roi avait été sa raison de vivre ! Je l’ai entendu te dire qu’il était aussi triste d’avoir perdu son titre que ta mère !



Le sang monta alors aux joues de Kaspian, une pluie de grêle se déversa sur les jeunes enfants, trempant le sol de la vieille demeure des Coudrier et, alors que des rafales de vent tourbillonnaient au-dessus du crâne du jeune Picéaerd sa main se leva et s’écrasa violement sur la joue d’Emma alors qu’alerté par le bruit, Yohan faisait irruption dans la pièce. Le chef des Northuldra, choqué n’eut pas le temps de réagir, sa fille ainée fut plus prompte et rendit la pareille au dernier des Picéaerd. Furieuse elle le repoussa et le cinquième esprit tomba à la renverse sur les débris de l’ancienne table.


-Je pensais que tu avais grandi Kaspian ! Mais tu n’es qu’un petit enfant capricieux ! Incapable de voir ceux qui te veulent du mal, mais repoussant ceux qui te veulent du bien !
-Tais-toi !
-Mon garçon ! Arrête maintenant et présente tes excuses immédiatement ! Tenta Yohan.
-Vous n’avez rien à me dire vous ! Vous n’êtes pas mon père ! Encore moins un Northuldra ! La place que vous avez ici vous ne devriez pas l’avoir ! … Et c’est mon père Emma qui est assoiffé de pouvoir ! Lui au moins il est légitime ! Pas comme ta famille ! Invitée par les Northuldra vous avez su en prendre le contrôle !
-Kaspian ! Arrête ! C’est monstrueux ce que tu dis ! Papa n’a pas voulu être chef ! Ta sœur lui a confié cette tache !... Ce n’est pas comme ton père qui…
-Ah je suis monstrueux !? Tu vois ?! Tu penses comme les autres ! Eh bien rassurez-vous ! Le monstre ne va pas rester longtemps !
-Kaspian attends ! Que fais-tu viens et nous allons posément…


Le chef n’eût pas le temps de finir sa phrase que l’enfant le repoussa ainsi que sa fille et d’un pas furieux, les éléments au-dessus de sa tête, prêts à se déverser il fit irruption à l’extérieur. Les Northuldra alertés se stoppèrent et observèrent le petit fils d’Anna avec inquiétude.


-Qu’est-ce que vous avez tous ?! C’est le monstre que vous voulez voir ?!


Sa colère, sa culpabilité avaient besoin de sortir. Ces gens ne lui avaient rien fait, mais leur présence, leur regard devenait insupportable. Rapidement, tous les habitants du peuple du soleil se hâtèrent à regagner leur abri, terrifiés.


-Fou ! Il est fou !! Il est fou comme nombre de ses ancêtres avant lui !


Kaspian reçu cette remarque comme une lance en plein cœur. Furieux il scruta de gauche à droite et son regard se posa sur le doigt accusateur d’Ylva Nordlys. Kaspian resta de marbre et les autres Northuldra semblaient s’intéresser aux propos de celle qui était la doyenne du peuple du soleil. La vieille femme appuyée sur un bâton avait déjà connu tant de choses…. Elle voyait en Kaspian, l’enfance d’une troisième génération de Picéaerd elle qui s’était fiancée quelques jours avant la naissance de Mamie Anna. Ylva, comme tous les Nordlys avant elle était très écoutée par la communauté. Sa famille était considérée depuis des générations comme la mémoire des Northuldra. Dans sa prime jeunesse, elle, Mouna et Helga Picéaerd formaient le trio de savantes de la communauté, la mémoire, la science et la spiritualité de la communauté, jusqu’à ce qu’elle finisse par se fâcher avec la matriarche des Picéaerd. A cet instant, Ylva eût l’impression de briser à nouveau ce lien envers les Picéaerd que Mamie Anna, au crépuscule de sa vie avait su renouer avec la vieille femme. Encore une fois pour les mêmes raisons, mais pour elle, son devoir de mémoire primait sur tout… L’ancêtre continuait d’observer l’enfant qui bouillonnait de rage mais elle proposa malgré tout son explication.

En quelques instants, elle énuméra plusieurs noms de Picéaerd qui résonnaient dans l’esprit de Mamie Anna qui observait de marbre depuis Ahtohallan. Ces noms ! Ces mêmes noms donnés par Emma Picéaerd pour évoquer la malédiction des cinquièmes esprits. Et ils étaient nombreux ! Apparemment, la fondatrice de la famille n’avait pas proposé une liste exhaustive à sa famille pour illustrer son propos.


-Ne t’en fais pas vieille folle ! Vous n’aurez plus à me craindre ! Je pars !
-Kaspian ! Non !!! Et nous !!!


Le jeune homme se stoppa et tourna le regard vers Emma. L’adolescente avait dans ses mains les coupoles allumées par mamie et les tendaient en direction du cinquième esprit perturbé. L’espace d’un instant, les traits de son visage se firent moins durs. Il s’approcha d’Emma et tendit les mains pour récupérer les précieux artéfacts. Soudain, d’un geste rageur, il les lança en l’air, le vent s’en saisit et les firent violement danser d’arbres en arbres avant qu’elles ne retombent lourdement au sol. D’un nouveau geste, Kaspian agissait sur le sable et les graviers qui les ensevelirent sous les yeux horrifiés d’Emma. Il fit alors calmer les esprits de la nature et se chargea de les déterrer. A sa grande surprise, la flamme avait résisté et demeurait toujours aussi forte. Immédiatement il les lança alors aux pieds d’Emma.


-Puisque tu veux tant être l’héritière de ma grand-mère ! Tu n’as qu’à réaliser son exploit et les éteindre ! Les Northuldra t’en seront reconnaissants ! Et dans ce cas, peut-être qu’à ce moment-là, vous n’usurperez plus le titre que vous occupez ! Adieu !


Emma voulut répondre mais Kaspian avait déjà fait appel au vent qui l’emportait au loin.


-Assez ! Hurla alors Mamie depuis Ahtohallan en faisant disparaître le souvenir.


Elle qui avait déjà tant lutté. Affronté tant d’adversités… Cette fois elle était vaincue. Ce couple entre Kaspian et Emma… C’était un amour aussi fort que celui qu’elle avait pour Elysia, un amour aussi fort que celui d’Anna pour Kristoff… Et elle avait échoué à le faire comprendre à son propre petit-fils. Elle avait échoué sur toute la ligne. A plusieurs reprises, elle avait senti ses forces l’abandonner mais cette fois c’était différent. Cette fois elle savait qu’elle ne pouvait plus agir sur le monde. Cette fois, elle savait qu’elle ne pourrait pas réparer. Cette fois, elle savait qu’elle en était entièrement responsable. Ses yeux, larmoyants croisèrent ceux réconfortants d’Elysia, sauf que, le regard de son mari lui faisait mal. Dans les yeux du Northuldra du Nord, Mamie retrouvait le regard d’Iduna. Iduna ! Comment pourrait-elle regarder sa fille dans les yeux après ça ?! … Et Anna et Elsa ?! … Elles aussi allaient porter une grande culpabilité à cause d’elle ! Comment pourrait-elle continuer à les regarder, elle qui savait qu’elle était un véritable modèle pour les membres de sa famille. Il était hors de question de bouger ! Les suppliques d’Elysia n’avaient aucun effet pour elle en cet instant. Elle n’aurait pas la force.


-Anna… Tu es la flamme de cette famille ! Anna relève-toi ! Tu ne peux rester éternellement prostrée ici !


La matriarche sursauta. Cela n’était pas la voix douce d’Elysia qui lui chuchotait des paroles d’amour qu’elle n’entendait pas. Surprise, elle leva la tête.


-Emma ?... Tu…
-Oui je suis là Anna ! Je ne voulais pas vous déranger ! Nous… Nous avons eu la même idée toi et moi ! Je voulais savoir aussi… Comme toi !... Mais quand je vous ai vu tous les deux… Je… Je suis restée en retrait pour vous laisser seuls et j’ai vu ce qu’il est arrivé à notre jeune Kaspian… Anna ! C’est affreux mais… Tu ne dois pas t’en vouloir ! Ceci…
-Est de ma faute Emma ! J’ai commis des erreurs, mais personne ne peut dire que je ne sais les reconnaître. Grinça la grand-mère.
-Je ne dis pas le contraire… Crois-moi je sais ce que tu ressens… J’ai eu le même sentiment pour chaque cinquième esprit qui est tombé… Moi aussi j’ai voulu agir pour eux jadis… Alors je sais ! Comme je sais que tu ne peux pas rester ici ! … Tu es dans l’Hellheim et Ahtohallan devient ton Niflheim ! Ton état ! Ta souffrance ! Tout ceci va à l’encontre même des lois qui régissent ce monde ! L’équilibre s’en trouverait menacé… Qui sait quelle catastrophe pourrait découler de ceci ?
-Quoi ?
-Regarde Anna… L’ombre qui nous entoure… Alors que l’Hellheim n’est que lumière ! Crois-moi je le sais ! J’ai déjà vu ça pour moi !
-Anna ! Nous devons partir !... Rester ici ne t’apporte rien ! Proposa Elysia avec douceur.
-Parce que tu crois que voir notre fille m’aidera ?!...
-Nous pourrions…
-Non Elysia ! Ne finis pas cette phrase !... Tu es bien un Sappos, pas de doute ! Toujours « Nous pourrions… » sans même penser aux conséquences !


La voix d’Emma se fit plus forte et plus froide qu’elle ne l’aurait voulue alors qu’Elysia la dévisageait curieusement. Aussitôt, elle se ravisa.


-Hum… Pardonne-moi… C’était idiot de ma part… Je… Enfin tu sais qu’avec ton ancêtre lointain j’ai eu… de lourds différents dirons-nous et je te reproche à toi ce que je lui reproche mais je ne le devrais pas… Cependant… Il faut que votre fille le sache… Et rapidement ! Cela vaudra mieux plutôt qu’elle ne finisse par le découvrir…
-Certes… Se contenta de répondre Elysia alors qu’il serrait contre lui Anna qui n’était plus en état de parler.
-Anna doit être forte… Elle compte sur toi Elysia ! Aide là à trouver la force pour faire ce qu’elle doit faire !
-Non… Elle… Elle ne le pourra pas !... Voir pour l’éternité auprès de nous toute notre famille… Cela sera une trop lourde culpabilité ! Comment être sur que l’ombre ne la suivra pas du coup ?
-Elle me suivra ! … Mais pas auprès d’eux ! Fit soudain Anna qui tentait de reprendre le dessus.
-Quoi ?
-L’Hellheim… Peut être propre à chaque personne n’est-ce pas ?! … C’est le cas pour mon frère ! Il n’est plus auprès de nous désormais !... Alors je n’ai qu’à faire de même !
-Pas sans moi ! … Tu veux que nous partions nous installer dans notre propre Hellheim ? Loin des nôtres ?!
-Nous pouvons le faire ? N’est-ce pas Emma ?!
-Euh… Oui… Evidemment c’est une possibilité mais… Anna ! Sois raisonnable ! Tu ne peux pas partir ainsi sans laisser les réponses à ta famille ! Connaissant ta fille et tes petites filles, elles remueront tout l’Hellheim pour te trouver ! Comment réagiras-tu à ce moment-là ?!
-Je n’aurai pas à le faire ! … L’ombre ne me quittera pas !... J’irai rejoindre le Niflheim ! … Si un passage s’est ouvert pour Yelena afin qu’elle y aille par sa propre volonté… Pourquoi ne pourrais-je pas y arriver ?!
-Anna… C’est… C’est de la folie ! …. Tu souhaites que nous…
-Pas nous…
-Bien sûr que si nous ! … Jamais je ne te laisserai y aller seule ! Insista Elysia.
-Qu’y a-t-il Emma ?... Je vois ton visage contrarié ?... Tu comptes m’en empêcher ?!!
-Je… Je crois que je le peux en effet !
-Je ne me laisserai pas faire Emma !
-Je sais Anna… Comme je sais que je n’aurai peut-être pas assez de pouvoir pour t’en empêcher… Mais… Je souhaite que tu restes… Pour la première fois depuis des siècles, j’ai vu en toi, une descendante avec qui j’ai le sentiment de pouvoir parler, de pouvoir confier mes doutes… Partager une sagesse séculaire… Mais ceci est très égoïste ! Anna, ce paradis… Il est aussi celui de tes enfants et petits-enfants ! Et s’ils s’y sentent si bien, c’est parce qu’ils savent que tu es là !
-Je le sais… Mais c’est impossible, je n’ai pas la force de rester !
-Si Anna… Je pense qu’il y a un moyen ! Partez tous les deux ! Partez maintenant ! Ne pensez qu’à moi et vous saurez où aller ! Je peux vous faire gagner un espace de l’Hellheim où personne ne pourra vous trouver à moins que vous ne le décidiez ! Et je me chargerai d’expliquer ce que tu as vu à Iduna… Ca ne sera pas facile mais je saurai le faire… Je ne l’ai déjà fait que trop souvent !
-Tu? … Tu ferais-ça ?! Vraiment !
-Oui… Mais pas à n’importe quel prix Anna ! Je leur annoncerais… Avec une lettre de ta part !
-S’il le faut…


Anna se redressa et se mit à faire les cent pas en réfléchissant intérieurement. Au bout de quelques minutes. Elle s’agenouilla et prit une grande inspiration. L’Hellheim avait compris son désir, et par miracle, une lettre scellée apparût juste devant elle, alors que le nom d’Iduna calligraphié avec l’écriture reconnaissable de Mamie Anna était indiqué au-dessus du sceau.


-Voilà…
-Oh non ! Pas si vite ! Tu pensais que je prendrais cette missive maintenant ?!
-Mais c’est justement ce que…
-Je n’avais pas édicté mes conditions Anna ! Je ne prendrais cette lettre et ferai à ta place ce que je t’ai promis seulement une fois que vous serez tous les deux installés… Je vous amènerai alors avec vous votre jeune Olaf, et toi Anna, en même temps que cette lettre, tu me feras la promesse de ne pas t’enfuir vers le Niflheim !
-Quoi ?
-Oh Anna ! Je sais qui tu es ! … Ne me mens pas ! Tu y as pensé ! Mais si je t’amène ton fils… Tu n’oseras pas le laisser seul, dans un endroit que personne ne pourra trouver ! Accepte et j’expliquerai à toute la famille que vous vous êtes installés pour vivre votre amour seuls… Ils comprendront et ne vous chercheront pas… Je leur promettrais que vous pourrez correspondre, ce qui les rassurera !
-Quoi ?! Mais…
-Je sais ce que tu vas dire… Disons que… Je prends un pari ! Pour notre famille ! Ta présence ici est bénéfique ! C’est pour ça que je veux tout faire pour que tu ne partes pas pour le Niflheim et son aller simple ! … Et qu’en plus, je fais le pari que tôt ou tard… Tu reviendras parmi les tiens !
-Tu te berces d’illusions…
-Nous verrons ! Anna c’est à prendre ou à laisser ! … Si tu refuses, je ne dirai rien à notre famille… Et je ne pense pas que tu voudras les laisser sans réponse avant de faire le grand saut… Et d’ici là, tu vas te retrouver un but !
-… Un but ?!
-Oui… Peut être pas tout de suite mais ça viendra… Car ça a toujours été ainsi avec toi ! … Tu voudras venir en aide à Kaspian ! … Pense aux voyages astraux !
-Je lui ai ruiné sa vie et tu penses que…
-Tu es en colère Anna pour l’instant c’est normal… Mais j’en suis certaine… Déjà tout au fond de ton âme tu le sais que j’ai raison ! Même si je préférai réussir à te convaincre de rester dès à présent parmi les nôtres…
-Pourquoi veux-tu que je contacte Kaspian ! Après tout ce que tu m’as raconté ?!
-Il s’est exilé… Tu connais cette situation… Apparaître dans quelques rêves pour apaiser une âme… C’est sans risque ! Après tout, combien de vivants disent le matin avoir rêvé d’un être disparu ?! Alors Anna ?... Marché conclu ?!


Avec un soupir, Anna, toujours dévastée prit la main de son aïeule puis, sans un mot, le couple Picéaerd quitta Ahtohallan se laissant aller comme avait préconisé Emma. Au bout de longues heures de marche au travers de paysages qui se succédaient, ils découvrirent leur monde. Tout ici respirait leur joie. Elysia et Anna reconnurent les terres où jeunes enfants, ils jouaient avec Yelena, Pieter et Amarok. Une époque lointaine et insouciante où les quelques chamailleries étaient bien vite oubliées. Un peu plus loin, des plages qui rappelaient à Mamie et son mari, de délicieuses nuits et enfin, leur maison… Celle que le Northuldra du Nord avait bâti de ses mains. Quelques rennes étaient présents, avec non loin d’eux le bâton et outils de berger d’Elysia. Anna de son côté reconnut ses sanctuaires où elle pouvait méditer. Tout était fait pour eux… Tout ne leur rappelait que de beaux souvenirs. Emma n’avait pas menti, ils avaient leur paradis. Mamie Anna sentit son cœur être alors un peu moins lourd… Cela devait être suffisant car l’ombre ne les avaient pas suivis… Peut-être au fond que la doyenne des Picéaerd avait raison. C’était ce que pensait Mamie avant qu’Elysia ne se charge de lui donner d’autres pensées. Il venait de sauter au cou de son épouse et tous deux roulèrent dans la prairie où déambulaient les rennes. Ils étaient dans leur nouveau chez eux… Ils étaient prêts à tout recommencer… Ils étaient prêts à ne faire qu’un.

Mamie se sentit atteindre le septième ciel. Au fond de son chakra racine, elle pouvait sentir le membre viril de son époux la combler d’un bonheur ultime qu’elle appréciait autant que lui depuis de longues minutes. Dans ce paradis, seuls les râles de plaisir des deux amants se firent entendre alors que comblée, Anna posa doucement sa tête sur le torse nu d’Elysia et tous deux reprenaient peu à peu une respiration normale


-Pardon ?... Je dérange sans doute mais ?... Ça y est c’est terminé ?!
-Emma ?! Soufflèrent estomaqués les deux amants.
-Oui… Ravi de vous revoir… Dîtes, vous pouvez rapidement vous… Non parce que je ne suis pas seule ! Fit Emma avec un geste de la main.


Confus, Anna et Elysia se hâtèrent d’enfiler quelques vêtements à l’envers. Ils étaient ridicules mais au moins présentables alors qu’Emma réapparut, accompagnée par le petit Olaf.


-Papa ! Maman ! Vous étiez en train de jouer à saute-renne ?! Je peux y jouer aussi ?!
-Euh… Hum… Peut-être… Peut-être plus tard mon petit bonhomme de neige ! Papa et maman sont… un peu fatigués ! Bredouilla à la hâte Elysia en prenant son fils dans les bras.
-Ah ça… le contraire aurait été étonnant ! … Quelle santé ! Mes félicitations ! Railla Emma
-… Il… Il n’a rien vu au moins ?!...
-Non mais pour qui me prends-tu ?! Bien je ne reste pas longtemps le temps presse ! La famille est de plus en plus inquiète de ne pas vous avoir vu revenir… Tu as ta lettre… Et la seconde pour moi ?!
-Tout est sur la table… Soupira Anna en désignant la maison.
-Fort bien… Et tous les deux… Essayez de la garder entière celle-ci ! Cligna Emma.


La matriarche ne s’attarda pas davantage dans le havre de paix d’Elysia et Anna qui tentaient peu à peu de se reconstruire. Ce paradis, l’amour de son mari et son fils, c’était probablement tout ce dont elle avait besoin. Satisfaite, Emma s’empressa de retourner au château d’Arendelle. Avec beaucoup de précautions, elle donna la lettre à Iduna et, contrairement à la réputation de la famille, Emma sut faire preuve d’énormément de tact pour se montrer compatissante et une aide précieuse pour l’ancienne reine qui accusait le coup. Peu à peu, toute la famille autour d’Iduna dévastée comprenait cependant le choix de leur matriarche. Même Anna, semblait posée et prête à accepter l’absence de son modèle avec l’espoir de la retrouver prochainement.

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-Maman ! Maman ! Maman !
-Oh ?... Quoi ?!
-Maman ! Vite ! Mesure-moi !!! J’ai encore dû grandir dans la nuit !!!
-Hein ?... Helga… Il est encore si tôt…
-Je sais maman ! Mais tatie Elsa a dit que lorsqu’on se levait tôt… On grandit plus ! Affirma Helga en continuant de secouer sa mère ensommeillée.
-Hein ??? Elsa t’a dit ?... Eh bien tu n’as qu’à aller la voir !
-Je peux pas… Elle est avec tonton Ryder… Je crois qu’ils faisaient des voyages comme papy et mamie !... Allez maman ! Viens me mesurer !
-Helga !... Tu n’es pas fatiguée de me réveiller tous les matins depuis que tu sais parler pour vérifier ta taille ?
-Non maman… Je ne peux pas être fatiguée c’est le matin… Allez viens vite !
-Oh Anna ! Dépêche-toi de te lever et de l’emmener se mesurer et ferme la porte ! Je dors moi !


La furie rousse fut soudain tout à fait réveillée et observa avec un regard noir son amant qui venait de rabattra les couvertures sur son corps musclé. Seuls ses cheveux blonds en bataille dépassaient alors que la forte respiration de Kristoff pour manifester sa contrariété se fit entendre. D’un geste, la jeune femme s’empressa de retirer la couverture ce qui fit sursauter le montagnard.


-Non mais ! Tu vas te lever toi aussi ! Il n’y a pas de raison !
-Berk !!! Papa Kristoff il pourrait mettre un pyjama quand même ! Bougonna Helga en découvrant les fesses nues du montagnard. Je comprends mieux pourquoi il ne veut pas sortir du lit… Il fait trop froid le matin ! Faut être tatie pour ne pas avoir ce problème !
-Tiens c’est vrai ça !... Eh bien moi non plus je ne peux pas me lever parce que… Moi non plus je n’ai pas de pyjama, donc j’ai trop froid ! Allez bonne nuit trésor, on se verra en fin de matinée ! Ronchonna Anna qui rabattit les couvertures sur elle.
-Allez dépêchez-vous !!! En plus c’est aujourd’hui que mamie Anna doit revenir !!!
-Mamie ?! Aujourd’hui ? Enfin !!!


De longs mois avaient passé depuis le départ de la chamane du château d’Arendelle. Comme l’avait prédit Emma, la matriarche n’avait pas pu résister à ignorer les missives que la doyenne lui apportait de temps à autre de la part de sa petite fille… Mais ce fut celle signée par Iduna qui avait fini par faire céder Mamie Anna. Elle avait pleuré toutes les larmes de son corps en lisant les mots d’amour que sa fille lui adressait. Dès lors, Mamie Anna avait entretenue une correspondance avec les autres Picéaerds.
La furie rousse en avait profité pour demander moults conseils et utiliser cette correspondance comme un journal intime. Mamie était redevenue sa confidente, rien n’avait changé entre elles, à part l’absence pesante de la grand-mère. Finalement, dans une nouvelle missive où Anna expliquait que toute la famille allait célébrer leur première année passée au sein de l’Hellheim elle avait fini par faire changer d’avis la grand-mère. Dans une lettre qui fut la plus courte de leur correspondance, mamie n’avait répondu que ces trois mots laconiques « Je serai là. ». Trois mots qui avaient suffi au bonheur de la jeune rousse. Depuis, toute la famille était en alerte, prête à accueillir comme des rois, le couple le plus illustre des Picéaerd.
Un ouragan dévala soudain les grands escaliers d’Arendelle et manquât de peu de heurter de plein fouet son ainée.


-Anna ! … A ce que vois laisse-moi deviner ! Tu viens de te souvenir de la date et de battre un nouveau record de préparation ?! Souffla l’ainée amusée.
-Ouais tatie ! T’as bien fait de me dire d’aller la réveiller ! Fanfaronna Helga qui se tenait au plus près de sa tante.
-AH ?... Parce que c’est toi qui ?...
-Evidemment ! … Je n’allais pas risquer d’avoir une vision de cauchemar en ouvrant la porte de ta chambre !
-Parce que tu vas me faire croire que Ryder et toi…
-…Etions réveillés et prêts à l’aube, en effet ! Coupa Elsa en désignant le jeune Northuldra, vêtu pour l’occasion de ses plus beaux effets.
-Oh tonton Ryder ! C’est pour mémé Anna que tu t’es fait tout beau et que tu ne sens même pas le renne !?
-Alors écoute-moi bien petite chipie ! Tonton Ryder ne sent pas le renne… En tout cas pas plus que Kristoff ! Répondit-il avec malice.


La famille préféra rire de cette situation et dans une ambiance festive préparait le château à l’arrivée prochaine de Mamie. Même Emma participait volontiers à la préparation des festivités et arborait un sourire ravi. Sa prédiction était juste et avec ce que la famille préparait, elle comme les autres espéraient bien que les Picéaerd seraient à nouveau tous réunis de manière définitive.


-Oh j’ai hâte de voir Mémé ! Et Olaf aussi ! Il m’a manqué !! Dis tatie, tu crois qu’elle va me reconnaître ?! Demanda Helga qui tenait les mains d’Elsa et Anna.
-Mais… Evidemment ! Pourquoi elle ne te reconnaîtrait pas ? Elle n’est pas partie depuis si longtemps que ça… Proposa Anna alors qu’Elsa semblait plus gênée.
-Bah oui mais tatie elle n’arrête pas de dire que j’ai beaucoup grandi et que je parle même mieux que je ne devrais… D’ailleurs tatie, pour toi j’ai quel âge déjà ?
-Euh… Eh bien… Vu comment tu es… On penserait que tu as 6 ans mais… Hum Helga ?... Et si tu allais jouer avec tes cousins et cousines ? Promis, maman et moi on t’appellera pour l’arrivée de mamie !


La fillette ne se fit pas prier et s’enfuit à toutes jambes manquant de percuter Runaerd et Pieter, venus en compagnie d’Olson pour l’occasion, alors qu’Elsa la regarda mal à l’aise.


-Elsa ?... Quelque chose ne va pas ?
-Non… Enfin… Tu sais… Mais mamie aura sans doute une réponse ! … Cette petite… Elle grandit bien trop vite !
-Mais il n’y a rien de mystérieux… Le temps ne s’écoule pas de la même façon tu le sais Elsa…
-Oui… Mais alors pourquoi mes enfants eux n’ont absolument pas changés… Ni nous ?... Alors admettons, adultes nous restons identiques, mais pourquoi Helga est la seule enfant à évoluer alors que les autres sont toujours au même âge ?!
-Euh…


Les deux sœurs n’eurent pas le temps de poursuivre leur conversation qu’elles furent alertées par Emma. Le moment tant attendu arrivait ! Aussitôt, Anna se mua comme un général au moment de lancer une attaque décisive. Chaque membre de la famille était prêt pour les retrouvailles tant attendues alors que la furie rousse en compagnie de sa fille tenait une banderole pour célébrer le retour de celle que tous attendaient.
Au bout de quelques secondes qui semblèrent durer une éternité, Mamie enfin apparut sur le chemin. Submergé par l’excitation, Iduna fut la première à ne pas résister et s’empressa d’aller la retrouver. Sa cadette lui emboîta immédiatement le pas, suivie de peu par Elsa. Toutes trois arrivèrent presque en même temps pour serrer la matriarche dans leurs bras, Alors qu’Helga de son côté fut heureuse de retrouver Olaf, surpris de voir que la fillette encore en langes qu’il avait laissé il y a quelque mois était désormais plus grande que lui.
Les retrouvailles furent chaleureuses et tous se mirent à table. Anna et Iduna, heureuses servirent un ragout de leur composition dans l’assiette de mamie. L’odeur laissait présager d’une catastrophe gustative mais peu importait. Tous étaient ravi de revoir la matriarche, pourtant, il manquait quelque chose… ou quelqu’un…


-Maman ?... Où est donc papa ?... Il nous prépare une surprise ? Demanda Iduna avec un sourire.
-Non mon ange de l’air… Ton père n’est pas là. Fit mamie d’une voix neutre.
-Quoi ?! Mais ?... Pourquoi ?!
-Ton père et moi… Nous ne sommes plus ensemble voilà !


Plus aucun bruit se fit entendre. Les conversations s’arrêtèrent immédiatement et tous les regards se tournèrent vers la matriarche. De leur côté, Anna, Iduna et Elsa venaient de retomber lourdement sur leur chaise, fauchées en plein vol.


-Maman… Souffla Helga.
-Attends quoi ?... Mamie ? Comment ça tu… Comment ça tu n’es plus avec papy ?! Mamie ?!... Je sais c’est une blague ! … Ah tu voulais nous surprendre… Bravo ! Alors sérieusement ! Où est papy ?
-Je n’ai jamais été aussi sérieuse ma petite Picéaerd. Répondit Mamie comme un nouveau coup de poignard.
-Maman…
-Pas maintenant Helga ! C’est important ! Coupa Anna agacée…
-Maman !!!
-Quoi ?! … Helga ?!


Anna, choquée par la révélation de sa grand-mère le fut une seconde fois alors qu’elle vit la fillette assise par terre, se tenir la tête visiblement mal à l’aise.


-Maman arrive…
-Quoi ?!... J’arrive !
-Non… Pas toi… Maman arrive… Ma vraie maman… Je crois que maman ne va pas bien… Articula la fillette avant de s’effondrer.

Chapitre 16 : 12 ans plus tard…



Comme chaque jour, Emma s’était levée de bonne heure et depuis sa petite officine voyait inlassablement passer les membres de la communauté qui cherchaient une aide chamanique. Derrière elle, les grimoires jadis empruntés dans la bibliothèque secrète d’Arendelle, rédigés de la main d’Iduna en personne d’après les enseignements de la grande Anna Picéaerd étaient usés tant Emma les avaient étudiés. Désormais, elle était capable de les réciter par cœur au point même de référencer les rares coquilles orthographiques commises par l’ancienne souveraine. Il ne se passait pas un jour ans qu’elle ne feuillette au moins une de ces précieuses reliques de la famille Picéaerd et chaque fois son cœur se serrait. Chaque jour la jeune femme sentait une pression sur ses épaules, se demandant si elle était digne de ce précieux héritage et, comme chaque fois, ce fut un autre poids qui remplaçait ce manque de confiance. Ces ouvrages lui rappelaient Arendelle. Oh elle n’y avait séjourné que bien peu de temps durant son enfance mais elle restait marquée par la cité des Fjords qu’elle n’avait plus revu depuis douze années. Depuis tout ce temps, les relations entre les Northuldra et le royaume qu’Agnarr avait récupéré officieusement étaient cordiales mais les visites entre les deux peuples relativement rares. Et pour chacune d’elles, Emma avait toujours refusé d’y participer. Celle qui avait pris la place de chamane ne supportait pas ce roi usurpateur qui avait su tirer parti d’un drame pour reprendre un pouvoir qui lui avait été légitimement confisqué. Mais au-delà de ça… Le roi Agnarr ne lui rappelait que de trop mauvais souvenirs.



-Emma ? Tu vas bien ma petite ?
-Hein ?... Quoi ?... Oh pardon Ylva oui je vais bien… Très bien même, c’est plutôt à moi de poser cette question… Alors qu’est-ce qui vous amène cette fois ? Vous voulez une séance de chakra racine pour calmer vos douleurs ?
-Je viens pour toi… Comment vas-tu aujourd’hui ? Questionna la vieille femme pliée en deux sur son bâton.
-Je… Je vais très bien ! Mais… Ylva asseyez-vous donc…
-Je te le redemande ma petite ?... Comment vas-tu vraiment aujourd’hui ?
-Euh…
-Allons, tu es une fille intelligente… Aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres…
-Quoi ?...
-Cela fait 12 ans aujourd’hui ! Tu as désormais officiellement passé la moitié de ta vie loin de celui que tu aimes ! Alors comment vas-tu ?
-Quoi ?... Vous… Vous parlez de Kaspian ?... Je… Peu importe c’est… de l’histoire ancienne !
-Bah voyons… et ceci sur le haut de l’étagère derrière toi c’est de l’histoire ancienne aussi ?


Emma s’immobilisa. Loin d’en être impressionnée, la petite vieille pleine d’astuces et malgré les douleurs du grand âge frappa habilement de son bâton le mur. Le choc fit bouger les livres sur les étagères et firent tomber les précieux objets qu’elle indiquait. Avec une incroyable habilité pour son âge, Ylva les rattrapa au vol et posa les précieuses coupoles enflammées devant Emma. La chamane les observa en silence et une larme perla le long de sa joue. La doyenne des Northuldra qui avait quelques mois auparavant fêté ses 100 ans avait toujours pour elle sa grande mémoire et aucune date ne lui échappait.


-Viens donc ma petite… aujourd’hui la séance est pour toi… Fit Ylva.


Elle avait pris place sur un tabouret où s’installait habituellement Emma et laissait le lit aménagé habituellement pour les patients à la jeune chamane. Timide, Emma se laissa faire et s’allongea écoutant les douces paroles de la vénérable Northuldra. Pendant un temps, elle se replongea dans ses souvenirs, la jeune femme se revoyait adolescente en ce jour douloureux où Kaspian avait tenté d’éteindre les coupoles et avait quitté la tribu. Tout avait changé désormais. L’enfant d’hier avait laissé place à une adulte qui au-delà de la taille avait également gagné en beauté. Ses cheveux légèrement foncés lui tombaient désormais en cascade dans le dos et n’étaient pas sans rappeler aux plus anciens la coupe de la jeune Iduna Picéaerd. Mais c’était bien là, la seule ressemblance physique de la chamane avec la famille Picéaerd dont elle avait repris le flambeau. Elle n’en demeurait pas moins belle pour autant et transmettait à chaque membre de la communauté sa bonhommie qui ne l’avait jamais quitté, sauf en cet instant de souvenirs. Elle pensait à Kaspian. Lui aussi avait dû bien changer depuis toutes ces années… Désormais c’était un homme, probablement bien différent de l’enfant pour qui son cœur battait toujours.


-Sais-tu où il se trouve désormais ?
-Toujours au même endroit… Là où sa grand-mère était partie en exil… Là où il est né…
-Et tu ne l’as pas revu depuis ?
-Non… Chaque fois que j’approche, il se débrouille pour disparaître… Parfois nous avons pu échanger quelques paroles sans nous voir… Mais ces paroles… Comment dire…
-Emma !!! Emma je… Oh bonjour Ylva ! Toutes mes excuses je ne savais pas que vous… Eh mais… Emma pourquoi es-tu ?... Tu es malade ?! … Veux-tu que je fasse venir Laïka ?... Fit Yohan en pénétrant brusquement dans la pièce.
-Je… Non père je…
-Laïka n’a pas de remède pour son mal chef… Mais ne vous excusez pas… Je repasserai plus tard si tu le souhaites ma petite… Répondit la doyenne qui se releva péniblement et d’un pas lent se mit à sortir
-Je… Non attendez ! Restez ! Après tout… Ce que j’ai à dire, tout le monde saura alors… Voilà, j’ai reçu une nouvelle d’Agnarr ! Lui et les jeunes princes d’Arendelle doivent venir nous rendre visite dans trois jours et… Hum… Emma comme… Comme tu… n’es toujours pas mariée et… que les jeunes princes vont bientôt atteindre l’âge… Agnarr m’a demandé s’il était possible de…
-Quoi ?! … Non papa ne termine pas ta phrase !!! Et surtout ne me dis pas que tu as répondu quoi que ce soit à…
-Je… Eh bien je…
-Non mais ce n’est pas possible ! Mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?! Hurla Emma en sortant précipitamment.
-Mais… Qu’est-ce ?... Qu’est-ce que j’ai encore dit ?
-… Chef laissez-moi deviner, vous n’êtes pas un grand féru des dates ?
-Je ?... Non pourquoi ?
-Oh pour rien chef… Pour rien… Conclut la doyenne en sortant de son pas mal assuré.



Quelques minutes plus tard dans la clairière qui faisait frontière entre la forêt enchantée et les prairies de Lichen, Ylva retrouva Emma assise sur une vieille souche, les poings serrées à ruminer l’information de son père.


-Tu te rends compte… 10 ans, trois mois et douze jours qu’une délégation Arendellienne n’est plus venue sur nos terres… Et 4 ans, six mois et vingt et un jour qu’il n’y a eu aucune rencontre officielle entre nos dirigeants… Voilà un événement qui se fête ! A ce rythme-là, c’est très probablement le dernier que je pourrais voir depuis cette terre !
-Si c’est pour une leçon de vie Ylva… Je ne suis pas d’humeur !
-Comme je te comprends… Je crois que jadis quand j’étais une belle et fringante jeune femme comme tu l’es, j’aurai donné un coup dans la canne d’une vieille folle qui a quatre fois mon âge si elle était venue me déranger … D’ailleurs je te remercie d’être bien plus sage que moi et de m’éviter ainsi de me rompre les os !
-Vraiment ?... Ylva vous…
-Non… Helga m’en aurait empêché pour ne pas montrer le mauvais exemple à sa fille Anna ! Quelle famille ces Picéaerds n’est-ce pas ?... On apprend d’eux à tout âge ! Mais ça tu le sais déjà… La petite Anna est dans ton esprit chaque jour n’est-il pas ?!
-Petite Anna ?
-Oui… Pour moi ! Après tout je l’ai vu naître ! J’ai même changé ses langes une fois… avant que la vie ne nous éloigne… Alors forcément on a toujours du mal à les imaginer grands… Et puis enfant, Anna était plutôt petite ! Pas autant que Yelena mais tout de même ! Mais peu importe… en ce moment, ça n’est pas à elle que tu penses, mais à un autre Picéaerd… Bien plus jeune et plus fringant !
-Pfff…. Je ne sais même pas si je pourrais le reconnaître désormais… ça fait si longtemps ! C’était juste un gamin ! Un gamin qu’on a laissé partir seul !... Un gamin…
-… Qui est un homme maintenant ! S’il a pris de sa mère, un homme avec un visage angélique… et… oh par Ahtohallan, s’il a pris de son grand père… Doté d’une chevelure blonde impeccable qui lui tomberait voluptueusement sur les épaules et des bras musclés aptes pour les rudes travaux auprès des bêtes mais malgré tout d’une douceur torride… et un sourire charmeur qui ferait fondre n’importe quelle chamane Northuldra !
-Ylva ! Mais…
-Pardon je m’égare… Mais on peut le dire, cette chère Anna avait du goût ! Je suis peut-être vieille mais je sais apprécier la beauté sous toutes ses formes ! Et pour un jeune homme, quelle chance que de pouvoir hériter de la plastique du bel Elysia…
-Non mais… Ylva vous délirez ma parole !
-Ah oui… et s’il a pris de son père… Une petite moustache ridicule ! … J’espère que durant son exil il aura appris à la raser !
-Oulah… ça fait moins rêver tout à coup !


Emma ne put s’empêcher de rire. Avoir une occasion de se moquer du roi Agnarr qu’elle méprisait tant était pour elle bien trop tentant et peu à peu ses défenses s’abaissèrent. A force de persuasion, Ylva sût la faire parler et pour la première fois depuis des années. Emma confia ses sentiments qu’elle avait refoulé depuis douze longues années. Lorsqu’elle en prit conscience, la chamane releva la tête. Les premières dunes de sable grisâtre et désolé se laissaient deviner derrière les dernières touffes de végétation encore denses. La jeune femme se stoppa immédiatement et dévisagea l’ancêtre à son bras qui lui offrit un sourire malicieux. Emma s’insurgea aussitôt mais, têtue, la vieille Nordlys poursuivit sa route et s’approcha des plages. Au loin Emma la rappela une dernière fois mais cela fut peine perdue. Ylva semblait ravie en cet instant d’être atteinte de surdité… à moins que celle-ci ne fusse feinte. Emma resta de son côté dans les fourrées à soupirer.


-Très bien… Vous n’avez qu’à continuer… De toute façon il s’enfuira avant que vous ne puissiez le voir… Il fait ça depuis douze ans… Bougonna-t-elle pour elle-même.


La matriarche ne l’entendit pas et poursuivit sa marche et finalement repéra l’abri du Picéaerd, caché derrière des rochers et quelques hautes herbes mortes. La vieille femme ne chercha pas à se cacher et finalement, le cinquième esprit apparut telle une ombre. Par instinct, il voulut disparaître dans la bise mais la voix de la vieille le ravisa. Surpris de voir la doyenne du village oser pénétrer ses défenses, il se ravisa et se laissa apparaître au soleil. C’était la première fois depuis le début de son exil qu’un Northuldra osait s’aventurer sur ses terres mis à part Emma qu’il évitait scrupuleusement.


-Bonjour petit homme ! Enfin, plus si petit que ça… Quelle allure Monsieur Picéaerd ! C’est ton nom après tout ! Lança Ylva.


Ses vieux yeux le détaillaient de la tête aux pieds. Kaspian n’avait plus rien à voir avec le jeune enfant espiègle mais peureux que le peuple du soleil avait connu. La tête haute, le jeune homme était curieusement grand pour un Picéaerd dont la caractéristique familiale n’était clairement pas la taille. Sans doute ses origines Arendelliennes ! De carrure, le jeune Kaspian ressemblait à son grand-père paternel. L’espace d’une seconde, la vieille Northuldra crut revoir devant elle le roi Runaerd… Enfin seulement avant d’observer le visage du dernier des Picéaerd. Pour le coup il ressemblait à la description fantasmée qu’elle s’était risquée à faire à la jeune Emma. Kaspian avait le visage de son grand-père maternel ainsi que sa chevelure. Tout rappelait Elysia hormis les yeux. Des yeux menthe à l’eau reconnaissables entre mille. Ylva plongea les siens dans ceux du Picéaerd ayant l’impression d’être happée dans le regard intense d’Anna. Enfin, son visage était entouré d’une fine et élégante barbe étonnamment bien entretenue.


-Partez Ylva… Vous n’avez rien à faire ici… Je… Je ne veux voir personne…
-Vraiment mon grand ?... Tu serais déjà parti dans ce cas ! Ca n’est pas ma vitesse de déplacement qui t’aura surpris ! C’est bien la preuve que tu es content ou au moins curieux de me voir n’est-ce pas ?
-Vous avez quelque chose à me dire ?... Les Northuldra continuent de me craindre ?
-Ca c’est une idée que tu te fais mon garçon… Mais oui j’ai une information pour toi… Ton père va prochainement nous rendre visite… Peut-être voudras-tu le voir ?
-… La politique entre les peuples ne me concerne pas, je suis un ennemi d’Arendelle en plus… Mais… Si vous voulez vous pourrez lui dire où je me trouve. Souffla le jeune homme qui laissait une brèche dans la carapace, bien qu’il tournât le dos à la doyenne lui faisant comprendre que l’entretien était terminé.
-A ta guise… Oh oui au fait… Ton père vient nous voir pour proposer un de tes neveux en fiançailles à la fille du chef… Mais tu l’as dit ça ne t’intéresse pas !
-Quoi ?!


Le jeune cinquième esprit avait sursauté et s’était retourné mais curieusement, l’ancêtre avait disparue, sans doute repartie derrière les hautes herbes laissant le cinquième esprit à sa solitude. Kaspian resta ainsi de longues minutes à observer la dune désolée et la forêt qui se laissait deviner juste derrière. Pour la première fois depuis des années, et sans doute la première en tant qu’adulte, Kaspian hésitait sur la marche à suivre. Depuis toutes ces années sa seule ligne de conduite avait été la fuite immédiate. Combien de fois, alors qu’il n’était encore qu’un enfant il avait filé avec le vent dès qu’il sentait la présence d’Emma. Il lui en voulait tellement. Elle avait su se montrer maligne, restait cachée, invisible pour lui. C’était véritablement devenue une Northuldra de grand talent et elle profitait de son avantage pour lui asséner ses vérités qu’il refusait d’entendre. Kaspian en avait été profondément marqué et les phrases assassines d’Emma résonnaient toujours dans son cœur et tourmentait son âme :

« Tu es la honte des Piceaerd à te comporter ainsi ! » « Ta Grand-mère, ta mère et tes sœurs sont mortes pour rien si tu abandonnes comme tu le fais ! »


Parfois Kaspian dans le lointain hurlait sa désapprobation, lui aussi n’était pas exempt de tout reproches et pouvait se montrer extrêmement cruel envers la jeune femme qu’il avait tant aimé enfant. Mais là encore, Emma ne se démontait pas et se montrait toujours aussi acerbe. La fille du chef avait toujours son angle d’attaque favori… Agnarr !


« Tu es bien le fils de ton père… Un lâche ! Un lâche qui ne pense qu’à son pouvoir ! »


De ces nombreuses insultes qui lui fendaient le cœur, Kaspian parvenait malgré tout à obtenir des informations sur son père et Arendelle. Au fil des mois puis des années, Agnarr avait su retrouver son prestige et son pouvoir d’antan. Certes Hans des Iles du Sud demeurait officiellement le régent mais son autorité était soumise aux décisions exclusives d’Agnarr… Si les insultes d’Emma étaient dures, elles cachaient une vérité implacable. Agnarr, le roi déchu, privé de son titre avait tout retrouvé et régnait de nouveau sur Arendelle.
Pourtant cette fois, il n’était nullement question d’insultes et je jeune adulte pour la première fois réfléchissait à la possibilité enfin de se montrer. Une visite officielle, voilà qui était tentant. Enfin il pourrait revoir son père, enfin il pourrait découvrir ses neveux qui eux aussi n’étaient plus des enfants.
Tourmenté, le jeune Northuldra ne savait que faire et, comme à son habitude se laissa emporter par les bienfaits de l’esprit de l’air en qui il avait totalement confiance. En présence du zéphyr, Kaspian avait le sentiment de sentir près de lui la douceur d’Iduna. Parfois, le sifflement du vent à ses oreilles lui donnait l’impression que l’ancienne souveraine lui chuchotait quelques paroles apaisantes à l’oreille mais chaque fois, Kaspian se rendait à l’évidence, son esprit lui jouait des tours. Iduna, il ne le savait que trop, appartenait au monde des morts désormais… Et il s’en savait responsable, comme il l’était pour le destin funeste du général Olson. Malgré les années cette culpabilité ne l’avait jamais quitté. Il avait fini par se résoudre à sa responsabilité et le souvenir de sa mère était pour lui un prompt réconfort. Son esprit se perdit, pendant des jours, bercé par la brise qui l’emportait au hasard du pays Northuldra et, curieusement, il sentait sa connexion avec Iduna plus forte qu’à l’accoutumée. Comme si celle qui fut cinquième esprit avant lui se trouvait en cet instant elle aussi auprès de l’esprit de l’air. Kaspian se concentra sur ce lien si fort. L’espace d’un instant il crut percevoir sa mère survoler des mondes inconnus en quête de réponses. C’était parfaitement ridicule. Iduna n’était plus là ! Le cinquième esprit fit alors de gros efforts pour se détacher de ce doux rêve. Le vent l’interpréta comme une envie du jeune homme de quitter sa douce berceuse et le zéphyr le fit atterrir sur des branches hautes des arbres qui bordaient le campement Northuldra.
Surpris d’avoir été transporté si près de ce lieu de vie qu’il avait quitté des années auparavant et attiré par la curiosité, Kaspian se risqua à baisser son regard sur la communauté et réprima un hoquet de surprise. En contrebas, il distinguait le chef Yohan. Il ne l’avait pas revu depuis toutes ses années, et le temps avait joué sur lui. Sa chevelure noire avait vu sa pigmentation blanchir quelque peu et quelques rides sur son visage se creusaient peu à peu. Mais au-delà du chef, celui qui lui fit retenir son souffle était bien l’interlocuteur qui lui serrait chaleureusement la main. Face à Yohan, Agnarr lui n’avait pas changé, le temps n’avait eu aucun effet sur l’Arendellien qui avait pourtant atteint les 60 ans. Le monarque avait toujours son attitude altière vaguement intimidante. Paré d’un costume protocolaire bardé de médailles, le père de Kaspian dégageait une majesté que le cinquième esprit n’avait encore jamais vu et son cœur se serra. Emma avait raison… Ce père qu’il dévisageait était bel et bien un roi. L’attitude de Yohan ne fit qu’augmenter la certitude du jeune Picéaerd alors que le chef, élevé dans la royauté des Iles du Sud accorda à Agnarr une révérence parfaite avant de se contenter d’une poignée de main fraternelle envers Hans qui, contrairement à son frère n’avait presque pas changé à part une barbe flamboyante plus fournie que dans le souvenir d’enfance de Kaspian. L’imposante pilosité du régent cachait habilement les cicatrices de son visage rappelant son passé de corsaire d’Arnevik mais ne les dissimulaient pas totalement. Elles conféraient au benjamin des Iles une allure de pirate au point que le cinquième esprit se demanda si enfant, il n’aurait pas surnommé ce curieux régent barbe rousse.



-Chef Yohan ! Quelle joie de vous revoir après tout ce temps ! Lança la voix d’Agnarr sortant Kaspian de ses pensées.
-Agnarr ! … Et comment dois-je vous appeler ? Majesté peut-être ?
-C’est ce que le protocole voudrait mais laissons ça pour l’heure mon ami et…
-Oui… Il serait dommage de commencer cette rencontre immédiatement par un sujet qui fâche, comme votre usurpation de la couronne d’Arendelle qui vous avait pourtant été confisquée et votre tête de justesse sauvée par les Northuldra que vous n’étiez pas censé quitter… Votre Majesté !


Kaspian avait tressailli et la dévisageait enfin… Emma ! L’adolescente qu’il refusait de voir depuis toutes ces années avait changé et laissait place à une femme assurée. Elle, l’enfant qui adorait tant le feu jetait un regard brulant à l’attention d’Agnarr et Kaspian ne pouvait détacher ses yeux. Elle était belle. Vêtue dans la plus pure tradition Northuldra, elle avait un port altier qui n’était pas sans rappeler celui d’Agnarr et trahissait ses origines royales, elle qui était toujours une héritière possible des Iles du Sud.


-Emma… Je suis ravi de te revoir également… Tu n’imagines pas à quel point tu me rappelles ma regrettée belle-mère ! Tu as son franc parler ! Elle serait fière de toi à n’en pas douter… Répondit Agnarr avec diplomatie.
-… Mais sans doute pas de votre comportement ! Vous qui avez tourné le dos au peuple de votre femme pour le poison d’un pouvoir dont vous n’êtes pas digne ! Rétorqua la jeune femme qui ne souhaitait visiblement pas laisser le moindre répit au souverain.
-Hum… Emma… Grinça Yohan en lui adressant un petit coup de pied.
-Laissez mon ami… Après tout… Votre fille a pour elle la fougue de sa jeunesse et… Sait imposer clairement son avis. Une qualité remarquable pour un dirigeant et je n’ai aucun doute que tu sauras en être une très grande… L’avenir est plein de promesse ! A ce propos, permettez-moi de vous présenter… le prince Viktor. Fit Agnarr avec de gros efforts pour ne pas envenimer une conversation diplomatique tendue.
-Emma ! Je suis ravi de te rencontrer !... Tu… Tu es… fort belle et… oui j’ai… euh, ça pour toi ! Je… Je ne sais pas si je devrais le dire mais… Je me souviens de toi quand tu es venue la dernière fois… On était tout petits avec mes frères et… On avait fait une belle partie dans les jardins avec toi et…
-Hum… Mon garçon !... le présent ! Souffla Agnarr
-Prince Viktor !... Sois le bienvenu dans la forêt enchantée… J’espère qu’elle t’enchantera comme elle l’a fait pour ta mère et ta tante ! Bien… Si vous voulez m’excuser ! Ce prince d’Arendelle m’a rappelé que j’avais quelques dispositions pour m’occuper des plus jeunes et je serai mal à l’aise de laisser ma petite sœur seule plus longtemps. Merci prince pour tes chocolats, Sofia va les adorer à n’en pas douter, si tu me permets de les partager avec elle !
-Euh… Eh bien… C’est un cadeau alors tu… en fais ce que tu souhaites et…
-T’es gentil ! Coupa Emma.



La chamane Northuldra s’empressa de quitter le cortège diplomatique non sans en profiter pour ébouriffer de manière insolente la chevelure blonde du jeune prince mal à l’aise. Kaspian n’avait pas perdu une miette de la scène. Parmi les observateurs Northuldra un « C’est pas gagné » se fit entendre et Kaspian dû faire un gros effort pour ne pas éclater de rire et trahir sa présence.



-Eh bien… Toujours aussi charmante ma nièce ! Elle me rappelle notre tante Klara ! Tu te souviens d’elle mon frère !? Lança soudain Hans pour rompre le silence gêné qui s’était installé.
-Oui… La seule qui réussissait à faire taire père ! … Partie bien trop tôt hélas, il m’arrive souvent de penser à elle et… Hum… Pardon… Prince Viktor soyez le bienvenu et… Ne vous en faîtes pas… Emma saura se montrer bien plus… chaleureuse durant votre séjour et… A ce propos Agnarr ? Je pensais que les autres princes seraient présents également…
-Certes mon ami certes mais… Les princes Karl et Ryder sont retenus à d’autres missions ! Oui… N’en déplaise à votre fille, il me paraît primordial de préparer l’accession au trône du futur roi et nos princes vont bientôt atteindre l’âge pour que notre mission à votre frère et moi soit terminée…
-Vraiment ? Et au jour du couronnement vous comptez donc prendre votre retraite et revenir au sein de notre communauté ? Lança Yohan avec une pointe de sarcasme qu’aurait sans doute apprécié Emma.
-Hum… La question pour l’heure ne se pose pas mon ami et… Concerne Arendelle ! Pour l’heure, attardons-nous plutôt sur les affaires qui nous questionnent maintenant mon ami… C’est bien pour cela que notre jeune prince est présent…
-Oui… C’est tombé sur moi… Bougonna Viktor à la surprise générale.



Cette fois le jeune prince avait parlé sans hésiter et Kaspian depuis son perchoir dévisagea enfin son neveu. Il reconnaissait bien le regard bleu glacial et la chevelure blonde de sa sœur ainée mais c’était là, le seul trait de famille qu’il reconnaissait et peu à peu, il oubliait totalement qu’il avait à faire à un membre de sa famille. Le jeune homme n’avait ni le charisme de sa mère, ni l’énergie de sa tante ni l’attitude royale de ses parents, ni la sagesse de ses grands-parents. Viktor possédait en revanche un beau sourire, optimiste, presque enfantin. Sans doute l’avait-il hérité de son père Ryder Nattura. Kaspian ne l’avait que trop peu connu et ses souvenirs de l’éleveur de rennes n’étaient plus très précis mais il les balaya bien vite de ses pensées. Il continuait de scruter cet adolescent timide. Il n’était pas le plus beau ni le plus fort. Kaspian ne lui trouvait aucune qualité extraordinaire. Viktor était loin d’être insignifiant mais le cinquième esprit n’en avait que faire alors qu’il écoutait de manière très distraite la conversation se poursuivre. Pourtant, le mot « fiançailles » lui parvînt clairement aux oreilles. Sans trop savoir pourquoi, il sentit monter en lui une colère inconnue. Il observa à nouveau Viktor et le trouvait faible, insignifiant, en aucun cas digne d’Emma ! Le jeune esprit serra les poings alors qu’il voyait Agnarr s’éloigner pour présenter ses hommages respectables aux membres notables de la communauté et tenta de se concentrer à nouveau sur la conversation des deux frères Sudilliens alors que Viktor, mal à l’aise ne savait trop où se placer :


-… Mais pourquoi si vite ?... Mon frère, tu as bien vu qu’Emma… Tu m’as prévenu si tard elle n’a pas encore pu… Et là tu me dis que tu souhaites que tout soit réglé pendant cette visite…
-Je sais Yohan, mais crois-moi c’est d’une importance capitale…
-Pour qui ?... Pour Agnarr dont tu es la marionnette désormais ? A vouloir à ce point régler si vite une alliance matrimoniale… Il semble bien vite avoir oublié le lien entre ma fille et son fils ! Hans, rassure-moi ton nouveau maître n’est pas désespéré au point si cela devait ne pas fonctionner proposer une alliance matrimoniale entre un des princes et ma cadette… Après tout, ça sera le même écart d’âge mais dans l’autre sens ! Je te préviens si c’est le cas, jamais ni Camille, ni moi serons…Fit Yohan soupçonneux avant d’être coupé.
-Mon frère… D’être resté si longtemps dans cette forêt t’as fait perdre ton sens politique et militaire ! Cette décision est celle d’Agnarr certes mais je l’approuve totalement même si je sais ce qu’elle coûte ! Il n’y a pas qu’Arendelle ! Nous ne devons pas oublier non plus nos Iles ! Ta fille reste l’héritière tu le sais
-Elle n’est pas la seule… Karl aussi connaît la joie d’être parent n’est-ce pas ?!
-Justement mon frère… Tu aurais dû sortir un peu plus de ta charmante forêt pour te rendre compte de ce qu’il se joue de par le monde et…
-Ah Hans ! Alors, vous en profitez pour planifier avec votre frère les détails ? Mon cher Yohan, il va falloir ramener tranquillement votre fille à la raison où elle va manger tout cru notre cher prince Viktor… Il serait dommage que le fiancé soit amoché et…
-Je n’ai pas besoin de votre aide mon oncle ! Protesta l’adolescent en repoussant le souverain.
-Allons… Doucement mon garçon je ne veux pas t’offenser… Tempéra Agnarr.
-Non… Pas m’offenser, juste me vendre comme une marchandise à une furie des forêts dont je n’ai que faire…


A nouveau Kaspian s’enfonça son poing dans la bouche pour s’empêcher de hurler et réprima la folle envie de jeter contre son neveu les foudres des éléments. Lui qui dénigrait ainsi Emma mais s’était-il seulement regardé ? Le cœur du cinquième esprit battait à tout rompre et ne saurait expliquer pourquoi il avait tant d’animosité envers son neveu. Après tout il n’était qu’un adolescent un peu gauche.


-Allons mon garçon ne le prends pas ainsi… C’est sans aucun doute une femme formidable, il faut juste que vous preniez le temps de vous connaître un peu… Tenta Agnarr pour désamorcer la situation.
-Vous semblez bien optimiste Agnarr… Surtout en aussi peu de temps, d’ailleurs nous devons aussi prendre en compte l’avis de ces jeunes gens et…
-C’est pour cela que je compte sur vous Yohan pour la ramener à la raison…
-Vraiment Agnarr ?! Pourtant vous-même vous êtes mariés en allant contre ces mariages arrangés ? Vous connaissez également mon histoire avec Camille et vous voulez pourtant marier ce jeune garçon à peine sorti de l’enfance ?!
-Mon ami, je comprends, et je n’aime guère cette solution, mais vous savez que la couronne prend le pas… Pour Arendelle, pour les Northuldra mais aussi pour votre patrie d’origine !
-Et vous ne pensez pas que le souvenir de votre fils n’est pas encore présent dans le cœur d’Emma ? Insista Yohan alors que Kaspian, sans trop comprendre pourquoi éprouvait un sentiment de sympathie envers le chef des Northuldras.
-C’est un risque à prendre… Car après tout mon ami, vous ne savez toujours pas où il se trouve ?! … Il nous a abandonné nous devons faire sans lui. Il n’est pas revenu après tout alors faisons sans lui ! Persifla le souverain d’Arendelle



Aussitôt, une bourrasque de vent se leva forçant les dignitaires à reculer et se protéger les yeux alors que le sable virevoltait dans tous les sens. L’éphémère tempête dura quelques secondes puis disparut aussi vite qu’elle était arrivée. Toussant et s’époussetant, Agnarr, à l’instar des autres dignitaires et du prince Viktor rouvrirent péniblement les yeux.


-Si père… Je suis là ! Lança Kaspian avec les poings fermés et un regard dur à la fois pour son père, mais plus encore pour le jeune Viktor.

Chapitre 17 : Sappos et Picéaerd



Ces retrouvailles, Elysia n’en avait pas perdu une miette. Depuis des mois, alors qu’il vivait à l’instar de son petit-fils en ermite, loin de sa famille, le Northuldra des Terres gelées avait su perfectionner ses quelques compétences chamaniques héritées de l’extraordinaire pédagogie d’Helga. Mais le plus souvent, après un échec cuisant, il trouvait le secours de son lointain ancêtre Pierre Sappos qui, par sa fonction, avait d’après ses propres dires quelques privilèges pour observer les enfants. Elysia s’en serait offusqué d’ainsi espionner de jeunes âmes s’il n’était pas au courant du rôle mythique de son aïeul. L’éleveur de rennes n’était pas homme particulièrement curieux mais, malgré lui, il y avait pris goût, et cette fenêtre ouverte sur le monde des vivants lui permettait de passer le temps, et pratiquer une activité qui fut si importante pour celle qui ne partageait désormais plus son existence. Depuis tout ce temps, le Northuldra des Terres gelées avait soigneusement évité de croiser la route d’Anna Picéaerd. Il l’avait vu de loin fouiller furieuse les jardins après qu’il eût tenté de laisser quelques douceurs à son arrière petite fille et avait bien compris qu’il n’était pas nécessaire pour l’heure de renouer avec la chamane qui avait tant fait battre son cœur. Seul dans son nouveau chez lui, ses pensées voguaient vers la belle Anna Picéaerd, mais aussi pour ses enfants et ses petites filles qu’il ne pouvait plus voir désormais.


Pourtant, Elysia n’avait pas pour autant renoncé à perdre de vue toute sa famille. Chaque jour ou presque, il tâchait de voir l’évolution de son descendant vivant vivre sa vie d’ermite. Le Northuldra fut touché de voir cet enfant être devenu un homme qui avait hérité de bon nombre de ses traits. Mais au-delà du monde des vivants, c’était les morts qu’il souhaitait côtoyer. Elysia prenait soin d’observer sa famille à bonne distance et put voir son arrière petite fille elle aussi grandir, bien plus vite que le temps passé en ce paradis. La jeune Helga n’était plus une petite fille espiègle et laissait place désormais à une charmante adolescente. Parfois il s’interrogeait. Par quel prodige cette douce enfant se voyait grandir si vite ? La famille avait l’impression d’avoir passé moins de deux années en ce lieu enchanteur et, plus curieux encore, aucun autre enfant de l’Hellheim n’avait à part Helga grandi. Au hasard de ses observations, le Northuldra put apercevoir son jeune fils Olaf et son cœur mort se serra. Bien sûr il souhaitait s’approcher mais se montrer aux yeux de tous attirerai sans doute Anna et sa fureur de le voir. Par précaution, il préféra se retirer dans son repère où lui seul pouvait aller avec Anna bien entendu mais il savait qu’elle ne le ferait pas. Sans doute Emma le pouvait elle aussi mais la doyenne des Picéaerd était en toute logique dans le camp de la chamane. Alors qu’il déambulait seul, des voix lui parvinrent à ses oreilles. Le dernier Sappos tourna la tête et s’empressa de se cacher alors qu’il avait reconnu la voix de son épouse. A l’abri derrière les buissons de Sureau il épiait et, au bout de plusieurs secondes, il l’a vit enfin. Elle était toujours aussi magnifique ! Cette femme qu’il avait tant aimé et qu’il lui était impossible désormais d’approcher. Cette situation le fit grandement ruminer mais il serra les poings davantage encore et au prix d’un gros effort se retînt de crier lorsqu’il vit soudain qu’Anna n’était pas seule. A son bras, ravi, le roi Runaerd partageait une douce promenade avec la chamane. A l’instar de son petit-fils, Elysia depuis sa cachette tendit l’oreille alors que les deux s’étaient stoppés.



-… Et je le redis à nouveau Lady Anna, je suis ravi que tu aies enfin accepté de m’accompagner !
-Oh Runaerd… Ca n’est rien, ça me fait plaisir voyons ! Et tout à fait entre nous, comment aurais-je pu continuer à refuser après toutes ces demandes ? J’ai fini par en perdre le compte…
-Certes… Je… Me suis peut être montré… un peu trop insistant ! Rougit Runaerd.
-Oh… juste un tout petit peu… S’amusa Mamie taquine.
-Ton frère… Il m’avait déconseillé d’agir ainsi donc… Je te présente mes excuses si cela…
-Mon frère a toujours la volonté de penser pour moi et me protéger… C’est louable de sa part et il a raison… Mais je suis contente que vous ne l’ayez pas écouté en réalité ! Ah pauvre Pieter… Ce fut l’histoire de sa vie… Jamais réellement écouté !
-Hum… Quoi qu’il en soit… Je… Je ne voudrais pas que tu penses que j’agis ainsi parce que… la situation avec Elysia…
-Oh Runaerd… Cette promenade commençait pourtant bien. Coupa Mamie avec une voix ferme.
-Hum… Pardonne-moi ! Je me doute que tu ne veux pas que nous parlions de… Hum… Enfin tu as bien compris… Mais… Anna j’ai besoin d’être sincère et honnête avec toi… Alors permets-moi…
-Eh bien parlez Runaerd… Le pouvoir chamanique ne permet pas de bruler la langue de son interlocuteur ! Vous ne risquez rien !
-Très bien… Voilà… Lady Anna je ne voudrais surtout pas… Surtout pas que tu penses que… Que je cherche à profiter de la situation…
-Profiter ?
-Oui… Maintenant que… Enfin tu sais qui n’est plus en ta compagnie, je ne voudrais pas que tu t’imagines que je cherche à… prendre sa place. Seulement voilà… J’ai… J’ai besoin de savoir… Penses-tu que nous aurions pu être un couple ?
- Nous aurions pu ?... Ou bien pourrions nous ? Je suis attachée à la conjugaison mon ami vous l’ignoriez ? Taquina Mamie.
-Hum… Je… Les deux pourquoi pas ? Se risqua l’ancien roi mal à l’aise.
-Dans une autre vie nous l’avons été vous et moi. Nous nous sommes aimés nous avons eu une fille. Vous étiez un grand roi pour Arendelle et j’étais votre reine
-Vraiment ?! Chaque fois que je l’entends, c’est comme si c’était la première fois tellement je n’ose y croire ! Fit Runaerd les yeux illuminés.
-Oui… Et finalement… Elysia a fini par nous tuer vous et moi je vous rappelle…
-Oh… Certes, je préfère l’oublier à chaque fois…
-Mais rassurez-vous, ici nous ne pouvons mourir une nouvelle fois, vous ne risquez donc pas grand-chose !
-Je… Hum… Anna… Est-ce que tu suggères que…
-Que ?
-Non ! Non pardon excuse-moi je… Je ne peux pas te demander ça ! Cela ne serait pas correct et…
-Il n’y a aucun mal à avouer ce que l’on ressent au plus profond de soi Runaerd…Alors, dîtes ce que vous avez sur le cœur ! Je vous répondrai sincèrement mais si vous me dîtes la vérité, quelle qu’elle soit, je ne pourrais vous en tenir rigueur ! Ni moi, ni personne !
-Tu sais quels sont mes sentiments pour toi Anna…
-Je le sais… Et qu’en est-il alors ce ceux pour Olson et pour mon frère ?
-J’ai de l’amour pour eux… Mais quelque chose de différent ! Très fort, mais différent. Avec toi… Avec toi c’est particulier ! Anna cela serait mentir que de dire que je ne t’ai jamais désirée…


Un silence s’installa soudain entre eux. Mamie ne savait que répondre en cet instant. Elle hésitait. Fallait-il lui donner une réponse, ou Runaerd souhaitait-il se confier davantage, elle n’aurait su le dire. Derrière ses buissons en revanche, Elysia s’enfonça à nouveau son poing dans la bouche et se mordit au point de se blesser pour s’empêcher de hurler toute sa rage envers ce roi rival.


-Pardon Anna je t’ai troublée mais… Je ne voulais pas dire cela. S’excusa l’Arendellien.
-Et que comptiez vous dire alors ?
-Eh bien… Ce que j’ai en réalité le plus souhaité… C’est de t’avoir à mes côtés. Rita… La mère de mon fils Agnarr… Nous ne nous sommes jamais aimés. Nous savions tout deux que c’était une union de raison, mais même sans amour, un couple peut former une bonne équipe n’est-ce pas ? Mais pas nous ! Et cette équipe… Cette complémentarité, cette complicité ce soutien l’un pour l’autre en toute circonstance… J’ai toujours rêvé pouvoir le partager avec toi… Oui je t’ai désiré mais l’amour le plus profond que j’ai pour toi c’est bien celui de te voir… comme la partenaire toujours prête à m’épauler. Comme la partenaire qu’en toute circonstance je souhaite seconder et protéger… Comme la partenaire pour qui je puis me confier et qu’elle aussi le puisse en retour…. Et … Je suis ridicule n’est-il pas ?



Anna semblait troublée et esquissa un petit sourire bienveillant. Puis lentement elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un chaste baiser sur la joue du souverain. Ce dernier sentit le sang qu’il n’avait plus en lui, lui monter aux joues et une chaleur l’envahir. Depuis sa cachette, Elysia avait également la même coloration de peau mais pas pour le même sentiment. Par instinct il aurait voulu sortir de son bois et se jeter sur cet ancien monarque dont les sentiments pour Anna étaient connus depuis de nombreuses années mais à quoi bon ? Cela pourrait le calmer sur l’instant mais Anna ? Le Sappos ne savait que trop quelle serait la réaction de la chamane. Elle, la femme la plus brillante et la plus forte qu’il n’avait jamais rencontré, jamais elle ne laissera cet acte de folie impuni. Se retenant de vomir, le Sappos entendit une dernière fois la conversation entre celle qui l’avait quitté et son rival.


-Nous pouvons être ce type de partenaires Runaerd. Souffla Anna
-Vraiment Anna ?!... C’est… C’est ce que je rêve depuis si longtemps...
-Oserais-je Runaerd être entièrement ouverte à vous ? Pleinement me laisser aller à votre entière confiance ?
-Anna ?! Serais-je en train de rêver ? Est-ce bien cette Lady Anna dont j’ai tant rêvé qui vient de prononcer ces paroles ?! Je ne pensais pas que l’éternité serait assez longue pour que cela devienne une réalité !
-L’éternité est une chose particulièrement longue mon ami… Surtout à la fin ! Votre réponse est donc positive cher Runaerd ?
-Bien entendu Lady Anna ! Souffla l’ancien souverain au comble du bonheur.


La chamane offrit un tendre sourire à son acolyte puis lentement, tendrement, offrit furtivement ses lèvres à celui qui en avait tant rêvé. Ce fut à peine si celles de Runaerd eurent le temps de les frôler qu’ils reculaient déjà mais peu importait pour Elysia. Pour lui c’était l’épreuve de trop. Peu importait s’il devait se faire entendre il préféra s’enfuir rapidement. Le bruit alerta les deux promeneurs mais ne purent rien voir, le Sappos s’éloignait déjà rapidement, luttant encore quelques minutes avant que ses larmes ne creusent deux longs sillons sur ses joues. Il ne préférait pas retourner tout de suite dans son domaine et finit par s’installer le long des berges de la rivière, un peu en amont des cavernes perdues. Hagard il observait le courant immuable de ce cours d’eau si doux dans cette partie de la forêt. Peu à peu il tentait de se calmer jusqu’à ce qu’une brise ne le sorte de sa léthargie. Sans savoir pourquoi il leva les yeux au ciel et fut surpris de voir son ange de l’air le traverser grâce aux bienfaits de son esprit fétiche. C’était la première fois depuis des mois qu’il entrapercevait un membre de sa famille en dehors d’Anna. Cela fut pour lui comme un choc alors qu’Iduna disparaissait. Le père avait pourtant eu le temps de voir le visage déterminé de sa fille. Ce voyage devait tout particulièrement lui tenir à cœur. Pour la première fois, Elysia semblait intéressé par une autre personne que son épouse. Ce voyage d’Iduna l’intriguait. Il était inutile de l’appeler. Elle était bien trop loin désormais… Et accepterait-elle seulement de lui parler ? Iduna avait peut être pris le parti de sa mère après tout ! Pourtant Elysia savait qu’il avait un moyen de savoir… Un moyen qui était pourtant celui de son épouse… Voilà qu’il allait se transformer en Anna Picéaerd !
Décidé, le Sappos se releva et songea fortement au glacier d’Ahtohallan. L’Hellheim était un environnement plein de surprises, les distances pouvaient être considérablement réduites par la seule volonté de ses habitants et au bout de quelques pas, l’environnement autour d’Elysia changea. Les luxuriants arbres de la forêt enchantée disparurent et laissèrent place aux gigantesques murailles de glace. La petite plage isolée où sa petite fille cadette avait rendu son dernier soupir se dessinait devant lui et, un peu plus loin, la percée dans la glace qui indiquait l’entrée du glacier. Cependant, Elysia ne s’y rendit pas. Grâce à la magie de l’Hellheim, désormais sur un frêle esquif, l’éleveur de rennes vira sur bâbord pour continuer de longer la paroi impénétrable puis, derrière un gigantesque iceberg, une légère fracture sur le mur de glace apparut. Une entrée montrée il y avait quelques semaines par son lointain ancêtre. Elysia s’y engouffra, abandonnant son bateau pour poursuivre à pied. Au bout d’un long couloir gelé, l’éleveur de rennes pénétra finalement dans un dôme similaire à celui des souvenirs bien que plus petit. La marche pour y arriver s’avérait bien plus courte et moins périlleuse que celle de l’entrée principale et ici, Elysia savait qu’il ne risquait pas d’être dérangé par les Picéaerd et s’attirer les foudres d’Anna. Pierre avait été d’un grand secours en lui montrant cette entrée secrète. Ca n’était pas la première fois qu’il pénétrait en ces lieux qui pourtant le fascinaient chaque fois. Cependant, cette fois, Elysia s’empressa de lancer quelques souvenirs. Il commençait peu à peu à devenir un expert dans ce domaine mais bien moins à l’aise que son épouse. Après deux échecs enfin il réussit à trouver ce qu’il cherchait. Pierre Sappos avait plus d’un tour dans son sac et grâce à ses habiles conseils, il pouvait non seulement voir le passé, mais aussi le présent ! Et voilà qu’apparaissait face à lui, le visage déterminé d’Iduna. Ravi de sa réussite, il plongea dans le souvenir.


Iduna survolait les vastes étendus de l’Hellheim mais sa destination se trouvait bien plus loin. L’ange de l’air se concentra et son pouvoir de cinquième esprit grandissant réussit enfin à percer la frontière entre les mondes. L’ancienne souveraine flottait dans un néant, à la frontière de l’Hellheim et des autres mondes de l’arbre d’Yggdrasil. Son esprit se concentra sur une destination et enfin elle se matérialisa… Le Niflheim. Le cinquième esprit se laissa happer dans cet enfer gelé mais, trop obnubilée par la mission qu’elle s’était fixée, Iduna ne semblait pas dérangée par la morsure du froid à l’instar de sa fille ainée. L’esprit de l’ange de l’air était fixé sur son objectif et, après de longues minutes de recherches, enfin elle l’aperçut. Décidée, Elle descendit au plus près du sol mais veilla cependant à ne pas y poser le pied par crainte comme la dernière fois de s’y retrouver piégée.



-Bonjour Grand-mère ! Lança-t-elle d’une voix froide.
-Iduna ! Tu es bien restée la même que la fillette que j’aie connue ! Incapable d’obéir à une règle ! Je t’avais pourtant dit de ne pas venir me retrouver ! C’est dangereux ! Lança Helga, transie de froid.
-Je n’en ai que faire grand-mère ! Je sais maintenant ce que me permet mon don de cinquième esprit… et aussi sa malédiction !
-Sa ?... Non !! Iduna !! Je t’en conjure je t’ai dit d’oublier tout ceci ! C’est beaucoup trop dangereux ! N’entre pas dans ce jeu ! Regarde où je suis ! J’en ai payé le prix !
-Tu es ici grand-mère pour ta participation à la guerre contre Arendelle, quel est le rapport ?
-Ta mère t’en as parlé ! Je reconnais bien là ma grande chamane ! Mais ta mère ne sait pas tout Iduna !
-Alors explique-moi !
-Pour faire simple… Je suis morte trop tôt pour avoir le temps d’expier mes fautes et gagner mon Hellheim ! J’ai subi cette malédiction en cherchant à la vaincre !
-Comment peux-tu l’avoir subi mamie ?... Elle ne concerne que les cinquièmes esprits…
-Certes ma petite… Donc ta mère ! Et quelle mère aurais-je été si je n’avais pas cherché par tous les moyens à la protéger ! Même malgré elle ?! Ta mère devait s’occuper de toi mais elle était encore tellement jeune ! Et tu avais la marque des esprits également, avec un caractère difficile… Devoir se protéger et te protéger en plus de ton éducation… Ta mère est ma plus belle réussite, une personne absolument formidable mais elle reste un être humain… Un être humain qui ne peut supporter le poids du monde sur ses épaules… J’aurai tout fait pour elle !
-Alors dis-moi tout mamie ! Il ne s’agit pas que de moi… C’est pour Kaspian ! Mamie ton arrière petit-fils est vivant, et il est seul ! Moi aussi je compte tout faire pour le protéger !



L’ange de l’air avait hurlé et son regard de feu semblait réchauffer quelque peu l’atmosphère gelée du Niflheim. En cet instant, la formidable pédagogue qu’était Helga, la femme forte et assurée sentit sa carapace se briser. Elle apparût alors vieille, fatiguée et tremblant de froid. Iduna le ressentit et son regard s’adoucit. Toujours en veillant à ne pas mettre pied à terre, ni à toucher son aïeule, l’ange de l’air se délesta de son châle et recouvrit sa grand-mère qui en ressentie immédiatement la chaleur et la douceur.


-Ce châle… Je me souviens comment ta mère a pu passer des heures dessus… C’était peut être le seul vêtement qu’elle aura réussi à réaliser correctement… Pour toi, elle était capable de tout…
-Comme elle l’aurait fait pour toi aussi ! Comme je le fais pour elle et pour mes propres enfants !
-Tu ne partiras pas sans réponse n’est-ce pas ?
-Je suis une Picéaerd mamie !
-A n’en pas douter !... Très bien Iduna… Que veux-tu savoir ?
-Tout !
-Je crains que tu n’aies pas assez de temps pour cela… N’oublie pas que ton temps ici est compté… Aussi puissante que tu puisses l’être devenue, cet endroit est comme la rivière d’Ahtohallan… Et tu connais la chanson n’est-ce pas !
-Comment as-tu connu l’existence de cette malédiction ?!
-Comme toi… Par notre ancêtre et par Ahtohallan ! Tu allais bientôt avoir 5 ans, ta mère était venue me demander de l’aide pour ton cadeau… Heureusement pour toi j’ai eu le temps de le terminer avant mon trépas où ta mère aurait dû terminer ta tenue…
-Oui j’ai vu ce que maman pouvait faire en matière de vêtements ! Siffla Iduna en observant machinalement sa nouvelle tenue d’esprit.
-Est-ce son œuvre ?... Ma grande chamane a grandement progressé !
-Cette robe… Oh non, c’est un rattrapage de ta petite fille Elsa ! Maman avait créé… un véritable désastre !
-Il faut bien qu’elle ait quelques faiblesses !... Et si tu veux tout savoir sur ta mère, elle est incapable de tenir correctement un inventaire ! A croire qu’elle ne sait pas faire une pauvre addition ! Heureusement qu’elle a épousé ton père qui lui sait y faire…
-Cela va lui poser rapidement problème alors mamie ! Maman et papa se sont séparés !
-Quoi ?! Comment ça ?!
-Mamie a éteint les coupoles ! C’est pour cela que je dois absolument savoir !
-Ta mère a fait quoi ?! … Iduna… Ta mère a peut-être compris ! Tu dois l’aider ! Avec son astuce et ton pouvoir… Peut-être que vous pourrez lutter contre ceux qui nous veulent du mal !...
-Nous savons qui ils sont… Andréas et Pabby… Mais nous devons trouver un moyen d’aider Kaspian à les vaincre !
-Oh… Ils seront coriaces mais les vaincre ne suffira pas… Le mal est plus profond ! Ta mère a dû en prendre la mesure !
-D’où vient-il mamie ?!
-Fais très attention Iduna… Dès qu’un membre de notre famille s’approche de la vérité, il est aussitôt balayé ! … J’ai découvert la vérité sur les esprits qui ont fait partie de notre grande famille… J’ai même découvert le mal absolu que pouvait-être Andréas… C’est là où j’ai été frappée par la malédiction ! Je pensais que j’aurai le temps de… Et tu vois hélas… J’ai quitté le monde des vivants quelques jours après, le jour de tes cinq ans…
-Mamie ! Qu’avais-tu découvert ?
-J’ai découvert… Les origines d’Andréas ! … Iduna, tu dois savoir qu’il avait des parents insignifiants !... Grand Pabby en a profité pour le corrompre… avec l’aide de sa complice ! Leur dessein était de faire d’Andréas leur bras armé… Prêt à détruire les cinquièmes esprits… prêt à détruire notre famille ! ais peut-être n’avaient-ils pas envisagé qu’il tenterait lui-même de s’accaparer tous les pouvoirs…
-Sa complice ?... Qui ?!
-Celle qui l’a recueilli lorsqu’il n’était qu’un nourrisson !
-Qui était cette personne mamie ?
-Tu la connais… je parle de ta belle-mère !
-Quoi ?... Non ! Non c’est impossible !
-Iduna Sappos a recueilli Andréas lorsqu’il a été apporté aux Terres gelées… Elle me l’avait avoué dans notre correspondance car ton père devait prochainement repartir sur sa terre natale en compagnie de Yelena ! Elle s’est chargée de trouver une famille d’accueil à cet enfant lorsque son fils est rentré. A l’époque je n’avais pas fait le rapprochement avec Andréas… Je ne l’ai fait que quand j’ai découvert ce que tu sais…
-Mais… Ca ne prouve rien ! Elle… Elle a recueilli un enfant sur le pas de sa porte et alors ? … Après tout tu as fait de même avant que tu ne saches qui il était vraiment ! Protesta l’ange de l’air.
-Non… Mais ta belle-mère est malgré tout restée la préceptrice de ce jeune garçon !
-De lui… et de tous les petits des Terres gelées qui avaient son âge !
--Oui… Mais elle était malgré tout devenue sa marraine ! Et il y a plus grave Iduna…
-Quoi donc?!
-Ecoute-moi bien, et tu comprendras sans doute pourquoi ta mère a agi ainsi. Si elle sait ce que je sais !
-Dis-moi tout mamie ! Insista Iduna
-Il faut que tu saches que je n’ai rien du tout contre ton père… c’est une belle personne !
-Qu’est-ce que tu essaies de me dire mamie ?
-Quand ta mère a réussi l’exploit d’éteindre ses coupoles avec Amarok, car son amour pour ton père était le plus fort… Evidemment je n’ai pas appréciée qu’elle bafoue ainsi nos plus grandes traditions, instaurées par notre ancêtre Emma mais je savais qu’elle était avec son véritable amour, avec un homme bien… Mais si j’avais su, même si pour cela elle m’aurait vouée une haine je l’aurai empêché de retrouver ton père ! J’aurai accepté la damnation éternelle que je subis malgré tout ! Je le savais caché en Arendelle… J’aurai même été jusqu’à supplier le roi Runaerd de l’éliminer s’il n’y avait pas eu d’autres solutions…
-Quoi ? Mais mamie qu’est ce que tu oses… Balbutia Iduna qui avait la nausée…
-Ne te méprends pas Iduna ! Ton père n’est pas le mal… Mais sa famille l’est ! Notre malédiction… ce sont les Sappos ! Tu le sais, les fondateurs sont entrés en conflit… Oh Emma n’était pas une victime et Pierre un coupable, il y avait probablement des torts de chaque côté, mais Pierre s’est mis à prendre peur des pouvoirs qui avaient été offerts… Il a eu peur des esprits ! Et le conflit entre eux a commencé, alors il s’est mis à penser que notre famille, pourrait utiliser le pouvoir du cinquième esprit pour l’anéantir… Il s’est donc juré de les détruire s’ils devenaient trop puissants !... Ta belle mère avait pour la guider son lointain ancêtre… C’est lui notre pire ennemi ! Voilà ce que j’ai découvert Iduna ! J’ai fouillé le passé d’Emma depuis Ahtohallan et j’ai été effrayée… A chaque fois qu’un esprit devenait puissant, sa déchéance arrivait et curieusement… Chaque fois, un Sappos n’était pas loin ! Quand Andréas est né… Ta mère n’était qu’une adolescente, mais elle montrait déjà de prodigieuses dispositions ! Non seulement comme chamane, mais aussi comme esprit ! A l’âge de dix ans, je n’avais fondamentalement plus rien à lui apprendre… Seulement à lui transmettre de l’expérience et lui permettre de se développer… Cela coïncide avec la naissance d’Andréas… Qui curieusement est arrivé dans la famille Sappos ! Je me suis intéressé à lui… Il devait tenter d’être ami avec ton père ! Iduna ! Méfie-toi ! Si ta mère s’est séparée d’Elysia, ça n’est sans doute pas une coïncidence ! Et s’ils se sont séparés… Il se peut qu’il devienne dangereux ! Dangereux pour ta mère… Mais aussi et surtout pour toi ! Après tout tu es le fruit de l’union entre nos deux familles !
-Mais… Mais c’est impossible mamie !... Iduna Sappos elle… Elle est avec nous dans l’Hellheim ! Comment pourrait-elle être là-bas si elle…
-Elle bénéficie de la protection de Pierre ! … Aucun Sappos n’a jamais fini dans le Niflheim ! Amarok est le premier, mais il a été enlevé à la naissance par son père Yuma… Jamais il n’a semblé appartenir à cette famille même s’il a fini par l’apprendre !... Méfie-toi d’eux Iduna !



La conversation devînt soudain lointaine. Ecœuré, Elysia s’arracha au souvenir. L’image de sa fille s’éloigna et disparut, le laissant seul dans le silence du glacier. Sa fille allait-elle parvenir à rentrer dans l’Hellheim. Au fond de lui, il en était convaincu mais ça n’était pas sa préoccupation première. Rapidement il s’empressa de quitter les lieux. Il souhaitait retrouver son repère et s’éloigner le plus possible des Picéaerd. Il ne pouvait se permettre d’être un danger pour eux !
De retour dans son repère il découvrit une missive dont l’écriture ne laissait aucun doute sur son expéditeur. Les mots de cette lettre furent un nouveau coup de poignard pour le Sappos. Mamie Anna avait été particulièrement explicite. La situation était ainsi et était destinée à rester ainsi et lui à sa place, loin des Picéaerd pour le plus grand bien de tous.

Chapitre 18 : Seule contre tous



-Elsa ?! Tu es d’accord avec moi ?!... Oh Elsa ?!
-Hein ? Quoi ? Qu’est-ce que tu disais ?
-Oh mais ce n’est pas vrai !!! Bon je recommence ! Elsa j’ai un plan pour que Mamie et Papy se retrouvent… Pour ça on aura besoin de… Eh Elsa ?! Non mais tu m’écoutes ou quoi ?
-Non Anna… Je ne t’écoute pas en effet !
-Quoi ?!
-Pitié, arrête ! Je sais que tu peux être particulièrement têtue, tu l’as prouvé pendant des années à frapper à ma porte…
-Et j’ai réussi
-Certes ! Mais même à cette époque tu as réussi à être moins insistante ! Anna, tu es incapable de ne pas me narrer toutes les dix minutes tes projets tous plus dingues les uns que les autres depuis des mois pour les faire se retrouver…
-Parce que ça ne te fait rien que la plus grande histoire d’amour de l’histoire de notre famille soit ainsi terminée…
-Si… Mais je sais aussi me dire que Mamie est une grande fille, douée de raison avec un esprit qui fonctionne, tout comme papy et donc s’ils ont décidé de se séparer, c’est peut-être très triste, mais c’est leur choix et c’est à eux seuls de gérer cette situation…
-On croirait entendre Emma !
-Oui… Eh bien ça n’est pas dommage Anna ! Lâche l’affaire ! C’est leur existence ! Occupe-toi seulement de la tienne !
-Donc tu baisses les bras ?! Tu refuses d’aider ceux qui ont besoin de toi ? Tu es d’accord aussi pour ne pas guider notre frère, pour ne pas guider tes fils ?! Tu refuses d’aider Mamie ?! S’offusqua la rousse furieuse
-Mais au bout d’un moment Anna… Qui te dit que Mamie a besoin d’aide ? Et oui, même si je ne suis pas toujours d’accord avec elle, je pense qu’Emma a raison… Kaspian a sa vie à vivre, comme mes fils !
-Alors c’est comme ça ?! … Tu baisses les bras ?! Où est la grande Elsa d’Arendelle ? La grande reine des neiges ? Ma grande sœur que j’admire tant ?
-… Elle part prendre le thé avec mamie et Emma !... Tu veux venir ?!
-Certainement pas ! Je dois trouver un moyen de rallumer les coupoles de papy et mamie !
-D’accord… Si tu veux… Et quand tu reviendras après avoir encore une fois échoué à trouver un plan infaillible ou plutôt t’être rendue compte de son absurdité… Tu pourras rapporter des chocolats à la guimauve… Les petits adorent ça !


La reine des neiges, agacée de devoir subir à nouveau cette conversation avec sa cadette préféra prendre congé malgré son envie de marche matinale et l’idée de partager un thé avec ses ancêtres ne déplaisait pas au cinquième esprit qui avait trouvé en Emma une partenaire d’échecs particulièrement redoutable. La cadette de son côté observa médusée l’ainée la laisser à sa solitude. Des semaines qu’elle tentait de convaincre Elsa sans succès alors que l’absence d’Elysia la tourmentait. Elle qui avait noué une relation intense avec sa grand-mère s’était soudain rendue compte de l’importance qu’avait pris Elysia dans sa vie. Au hasard, elle suivit les chemins de la forêt enchantée, espérant trouver la solution pour qu’enfin le plus grand couple Picéaerd soit enfin réuni. Hagard, la cadette se trouva au bord des rives des cavernes perdues. Elle se souvînt alors avec amertume de sa fureur la première fois qu’elle était venue en cet endroit, seul dans un frêle canoé, rendue impuissante à pouvoir aider sa sœur qui l’avait évincée. Mais même au fond de ces cavernes, lieue de joie de son aïeule, elle avait su trouver la force de tout réparer. Elle en était certaine, Elysia et Anna ne feraient pas exception.



-Anna ?... Que fais-tu ici ? Te voilà curieusement matinale ! Lança une voix derrière la furie rousse.
-Maman !... Tu es rentrée !
-Comme tu vois !
-Où étais-tu partie ? Cela fait des jours que nous attendions ton retour ?
-Des jours ? Vraiment ?... Pourtant je n’ai parlé qu’une vingtaine de minutes…
-Parlé ? Parlé à qui maman ?
-Euh… A personne !... Ca n’a pas d’importance Anna !... Allez, tu viens avec moi ?... Je meurs de faim et si nous allions manger !
-Tu es allée parler à papy c’est ça ?
-Quoi ?... Ah non, du tout… Pourquoi ?
-Maman ! Je cherche à le retrouver ! Si lui et mamie pouvaient se retrouver peut-être que…
-NON !
-Attends quoi ?
-Non Anna ! Oublie ça ! Laisse les séparés !
-Quoi ?... Maman mais tu… Tu parles comme Elsa !
-Eh bien tant mieux si ta sœur a de la jugeotte Anna ! Oublie vite cette idée ridicule ! Ton grand père n’est plus là, et c’est très bien comme ça !
-Maman mais… C’est toi qui a dit pourtant partir pour trouver une solution ! Pourquoi ?!!


Le regard menthe à l’eau de la furie rousse se plongea dans celui de sa mère qui vit son visage s’adoucir. L’espace d’un instant, elle revit la petite fille triste qu’elle consolait régulièrement d’être séparée de sa sœur pendant ses longues années de solitude dans le château d’Arendelle. A nouveau, la furie rousse avait besoin de réconfort. Avec une infinie douceur, Iduna rapprocha sa fille contre elle et lui caressa les cheveux tendrement.


-A quoi bon Anna ?... Et si cela ne devait rien apporter de bon ?
-Quoi ?... Mais leur amour est le plus pur de tous…
-Euh… Certes Anna mais… Et si ça ne fonctionnait pas ?
-Je… Je dois essayer maman ! N’est-ce pas ce que tu veux ?
-Oh si ! Je le souhaite tout autant que toi ! Voir mes parents s’être déchirés ainsi, c’est une grande douleur !
-Formidable maman… Enfin non pas le fait que ça te fasse mal mais… Je veux dire, comme tu es d’accord avec moi Tu vas m’aider ?
-T’aider à quoi ?
-Eh bien à faire en sorte qu’ils soient à nouveau ensemble !
-Ah ?!... Non certainement pas ! … Mais si tu es la plus têtue de l’Histoire de notre famille et que tu essaies malgré tout… J’espère que tu réussiras !
-Et tu ne veux vraiment pas participer ?
-Oh non ! Je ne m’y risquerai pas ! Fit Iduna avec une pointe d’amusement dans la voix, convaincue que s’opposer ainsi à la volonté de sa mère était une entreprise on ne peut plus périlleuse.…
-Même pas un tout petit conseil pour ta fille préférée ?!
-Qui te dit jeune fille que j’ai un enfant préféré ?! Répondit Iduna.
-S’il te plait maman ? Tenta la jeune femme avec ses yeux de biche…
-Tu ne me laissera pas de toute façon… Ecoute, tu n’as qu’à essayer cet endroit ! Il est important ! Et n’essaie même pas de me demander quoi que ce soit de plus ! … Ca suffit tu n’es pas Elsa non plus ! Fit Iduna en indiquant un point précis sur la carte dévoilée par la jeune rousse.
-Formidable et… Attends quoi ?! Qu’est-ce que ça veut dire pas Elsa ?! S’offusqua la furie rousse.
-Oh Anna ! Avec toi c’est tellement facile de te mener par le bout du nez… Penses-tu vraiment que j’aurai pu dire ça sérieusement et choisir entre mes deux merveilleuses filles ?! De toute façon je n’aurai pas eu besoin de donner ce conseil à ta sœur… Elle aurait trouvé une autre approche et probablement aurais-je dû lui apporter un autre soutien dont toi tu n’aurais pas eu besoin ! C’est ça être parent de plusieurs enfants !
-Merci maman ! Fit Anna sincère.
-A ton service ma chérie, mais maintenant, tu es seule dans cette aventure ! Alors n’oublie pas l’endroit que je t’ai montré, tu n’auras rien d’autre de ma part… Enfin si, ça en plus ! Conclut l’ancienne souveraine en déposant un baiser sur le front de sa fille cadette.
-Je vais essayer cet endroit maman !
-… Hum et quel endroit devrais-tu essayer ma petite Picéaerd ?!


Iduna et Anna sursautèrent immédiatement alors qu’elles virent toutes les deux surprises apparaître derrière elle la silhouette de Mamie Anna. Un frisson parcouru la petite fille et offrit un sourire coupable à la matriarche qui, curieusement ne semblait pas le relever. Mamie était beaucoup plus intéressée par Iduna, sans doute voulait-elle savoir pourquoi son ange de l’air avait bravé les barrières de l’Hellheim. Anna en fut quelque peu rassurée, sa grand-mère n’avait peut-être rien entendu…


-Je… Hum… Eh bien… Maman me… Elle me parlait d’un endroit où… Enfin quelque chose pour les couples et…
-Fascinant… Montre-moi ça, je serai ravie de te donner mon expertise sur la chose ! Coupa la matriarche en haussant un sourcil de manière soupçonneuse.


Anna tenta pendant quelques secondes de soutenir le regard de sa grand-mère mais c’était peine perdue. La matriarche dégageait une aura qui désarmait instantanément la jeune rousse. Elle s’en voulait de rendre les armes si facilement même si elle tentait de se consoler en pensant au fait que bon nombre de fins stratèges eux aussi ne pouvaient lutter face à la chamane Picéaerd. Résignée, Anna montra d’un doigt tremblant l’endroit sur la carte, n’ayant même pas la force de résistance pour mentir. Mamie n’accorda qu’un coup d’œil distrait avant à nouveau de fixer sa petite fille. Intimidée, Iduna s’était quelque peu reculée.


-Oh je vois… Ta mère a bon gout ma petite Picéaerd ! … Un endroit pour les couples me dis-tu ? Mais je vois bien que tu n’es pas excitée comme une puce donc ça n’est certainement pas à Kristoff et toi que tu penses ! … Mais à un autre couple ? Me trompe-je ?!
-Tu… Tu…Tu nous as entendus c’est bien ça ?!
-A ton avis Anna ?! Se contenta de répondre la matriarche en croisant les bras.
-Euh… Je tiens à rappeler maman que… J’ai formellement dit à Anna que c’était une très mauvaise idée et…
-Oh Iduna… Voilà que tu suis le troupeau comme ton mouton de père ! Je pensais que tu valais mieux que ce piètre défaut ma fille ! Trancha mamie avec colère.
-Mais… Maman ça n’est pas du tout…
-Ne proteste pas Iduna ! Tu as le défaut et la faiblesse de ton père c’est un fait mais heureusement pour toi, tu as une qualité de compassion et de protection pour ta fille qui t’a forcé à tomber là dedans. D’ailleurs j’applaudis la leçon que tu lui as apporté ! Brillant conseil parental, à mon tour maintenant pour toi ! Apprends ma fille à avoir le courage de dire non à tes enfants quand c’est nécessaire !
-Mais Mamie écoute moi…
-Oh non petite Anna d’Arendelle ! … C’est toi qui vas m’écouter ! Et pour une fois très attentivement et rentrer une bonne fois pour toute dans ta petite tête ce que j’ai à te dire…
-… D’Arendelle ?... Hoqueta Anna choquée de ne pas se voir attribuer par sa grand-mère son nom de famille maternelle.
-Oui d’Arendelle ! Le nom que tu portes depuis ta naissance après tout ! Et si tu veux continuer à m’entendre te nommer également par celui de notre grande famille… Tu vas immédiatement oublier ce projet ridicule qui te trotte dans la tête !
-Mais…
-Pas de mais Anna ! Je comprends que cela puisse te perturber et même te peiner… Mais c’est mon problème pas le tiens ! N’essaie même pas d’y penser !
-Mamie s’il te plait laisse-moi seulement…
-Non ! Je vais être très claire avec toi Anna ! Si ton grand père reparait devant moi c’est une gifle qu’il recevra en guise de bonjour et surtout d’adieu ! Me suis-je bien fait comprendre ?!
-Mamie mais… et si vous pouviez discuter et…
-Ca suffit Anna ! Le dire une fois aurait pourtant dû être suffisant ! Arrête d’être une petite fille immature ! Je t’ai dit non c’est ferme et irrévocable et tu vas le respecter… même si on sait tous que c’est quelque chose de difficile pour toi qu’être pleinement entrée dans l’âge adulte ! Donc puisqu’il faut te parler comme à une enfant et te traiter comme tel je vais le faire ! Anna, je t’interdis formellement d’agir de quelque manière que ce soit pour tenter de nous mettre en relation lui et moi ! Je ne plaisante pas jeune fille ! Si tu le fais, tu peux dire adieu à tes leçons de chamanisme, adieu à tes correspondances privées avec moi ! Adieu à nos longues conversations où tu souhaites me confier tes secrets et chercher mes conseils !
-Je veux seulement… Hoqueta la rousse au bord des larmes
-Tu ne veux rien du tout ! Voilà pourquoi on ne te confie jamais les informations importantes ! Arrête-toi et grandis une bonne fois pour toutes ! Il en est plus que temps ! Ta fille qui ne cesse elle de grandir risque de se trouver déjà plus adulte que toi ! Alors oublis ce que tu veux où tu me verras véritablement en colère ! Et ça personne encore ne l’a expérimenté je ne pense pas que tu veuilles être la première…
-Euh… Pardon maman mais moi je t’ai quand même vu…
-Non Iduna… Même malgré toutes tes insolences et bêtises tu ne m’as jamais vue vraiment en colère ! Alors tu m’as bien compris jeune fille ?! Obéis Anna ! Ou sinon je te le garantis, je serais pour toi la véritable mère fouettarde de cette famille !


La matriarche continuait d’apposer son regard dur envers sa petite fille qui était bien incapable de le soutenir sans laisser transparaître son émotion. Malgré son cœur mort, la jeune reine d’Arendelle avait le sentiment qu’il saignait, transpercé par les critiques et menaces de son héroïne dont l’image presque déifié qu’elle avait de la chamane Northuldra venait de voler en éclat. Les larmes lui montaient aux yeux, elle était incapable de prononcer le moindre mot. La jeune femme luttait pour ne pas éclater en sanglots, elle se devait d’être forte, tenir, se montrer digne face à sa mère et cette grand-mère qu’elle avait tant admirée. Mais c’était là une partie perdue d’avance et Anna réagit d’instinct. Sans un mot, les lèvres tremblantes elle prit congé puis s’éloigna d’un pas rapide, espérant de toute son âme que ses pas la conduisent rapidement hors de portée d’Iduna et Mamie afin qu’elles ne l’entendent pas pleurer. Auprès de mamie, Iduna ne quittait pas sa seconde fille des yeux, elle aussi se sentait brisée. Elle n’avait pas revu Anna si triste depuis sa plus tendre enfance lorsqu’elle pleurait en silence face à la porte fermée d’Elsa. Elle voulait lui courir après, la couvrir de son châle et l’emmener voir un champ de crocus comme elle le faisait pour la consoler il y a tant d’années mais mamie la retînt.


-Je sais Iduna… c’est dur !
-Maman… Comment est-ce que ?...
-La rendre triste à ce point ?... Oui ça nous arrache le cœur… Mais c’est notre rôle ! Nous avons un devoir envers nos enfants… et nos petits enfants ! Celui de veiller sur eux, de les guider, de les protéger… et s’il le faut de les sermonner ! N’as-tu jamais entendu l’adage qui dit « ça me fait plus mal qu’à toi ? »
-Si… une phrase facile que l’on sort aux petits… Une parole bien lâche !
-Le penses-tu vraiment ?! Je sais ce que tu ressens pour elle… Et crois-moi je suis tout aussi peinée que toi d’avoir dû me montrer si sévère ! Si je m’écoutais j’irais la prendre dans mes bras et lui faire faire une balade auprès des géants !... Mais alors, est-ce que la leçon aurait-elle été apprise ?
-Penses-tu vraiment que cela soit si nécessaire ?... Tu n’imagines même pas comme ça me fait mal de la voir ainsi…
-Oh si… Dis-moi Iduna, par quel miracle n’as-tu après tes quatre ans, plus jamais touché aux mixtures de Mouna ?
-Quoi ?!


Iduna eût un mouvement de recul. La curieuse question de sa mère lui fit remonter de très vieux souvenirs d’enfance. Elle se revoyait toute petite s’amuser avec les potions de guérisons entreposées dans la hutte des Nattura et soudain, sa grand-mère Helga qui furieuse la prenait sur le fait. Malgré elle, Iduna eût la désagréable sensation de ressentir à nouveau la brulure de la correction cuisante reçue ce jour-là…


-Tu croyais que je ne le savais pas ?... Tu fouillais si souvent dans ses potions. Combien de fois Mouna a-t-elle dû tout recommencer pour être certaine de n’empoisonner personne et vérifiait que tu n’avais rien ingurgité ! Et moi… Je me refusais à sévir, je n’avais pas la force de te gronder ou de te punir… Maman l’a fait pour moi. J’ai tout vu ! Et te voir ainsi punie m’a fait tellement mal, comme toi j’en ai pleuré toute la nuit… Mais au petit matin tu es venue penaude, la leçon apprise… cela t’avait fait grandir n’es-tu pas d’accord ?
-Si… c’est possible… Concéda Iduna
-Mais cela n’a pas empêché ta grand-mère de continuer à t’adorer et toi aussi… Et moi, si après cet événement j’ai appris à parfois sévir avec toi, ça ne m’a pas empêché de t’aimer… Et j’ose croire qu’au final cela a marché quand je vois quelle brillante adulte, épouse et mère tu es devenue…
-Brillante… Tu t’emballes peut-être un peu maman…
-Oui peut être ! Après tout tu aurais dû la décourager dès qu’elle t’a demandé de l’aide au lieu de céder si je devais chipoter mais bon… ça se saurait si les Picéaerd étaient des gens parfaits ! Allons, laisse-là se calmer toute seule, elle est plus forte que tu ne le penses et c’est une fille intelligente… Je pense que maintenant, elle va se sortir cette idée de la tête… Et si pour cela elle doit me détester pendant quelques jours eh bien… qu’il en soit ainsi !
-Tu as sans doute raison maman… Il… Il faut la protéger du danger de la famille Sappos… Admit Iduna.
-Pardon ? Tu peux répéter ?! Hoqueta Mamie.
-Quoi ?... Euh non je… Je réfléchissais à voix haute…
-Iduna ! … C’est donc de ça que tu es allée parler avec ta grand-mère ?!
-Quoi ?... Mais …
-Ne me mens pas ma fille ! Je ne t’ai pas appris cela et de toute manière, un Picéaerd ne sait pas mentir ! … Maman t’a parlé de la malédiction ? Et du rôle des Sappos ?!
-Je… Oui… Maman il faut que…
-Viens avec moi Iduna ! Vite !
-Pardon, mais où ça ?
-Allons prendre un thé ! Elsa est déjà avec Emma ! Elles doivent nous attendre ! Puisque tu sais tout ça… Profite-en pour l’expliquer à notre cinquième esprit ! Et nous devons discuter de choses importantes ! Nous devons parler de ce que nous comptons faire pour Kaspian !
-Quoi ?! … Maintenant ?! Mais ?! … Et Anna ! Nous… Nous devons la prévenir !
-Anna ?! … Non c’est inutile ! Elle n’est pas en état pour l’heure et de toute façon… Elle n’est pas prête ! Fais-moi confiance !
-Je…
-Tu hésites… C’est normal ! Ecoute ça n’est pas pour me montrer désagréable ou pour la punir ! C’est pour la protéger ! Fais-moi confiance Iduna !... Si je fais tout ça c’est pour son bien !
-Très bien maman… Après tout ça n’est qu’un thé !
-Pars devant ! Je te rejoins !
-Que vas-tu faire ?
-Veiller sur elle ! … Et veiller à ce que ton père ne s’approche pas ! Allez ! Ouste !


Iduna ne comprit pas mais face au regard insistant elle rendit les armes et s’éloigna en direction du château laissant la matriarche seule. Du coin de l’œil, Anna observait sa petite fille au loin, prostrée sur les rives, elle devait sans doute pleurer toutes les larmes de son corps en cet instant et devait avoir l’esprit trop embrumé pour remarquer qu’elle était observée. Mamie resta ainsi de longues secondes avant de pousser un long soupir. Puis, avec dignité, elle sortit de sa tunique papier et plume et commença à griffonner de sa merveilleuse calligraphie quelques mots avant de sceller à la hâte sa missive. Elle devait se montrer plus claire encore vis-à-vis de celui qu’elle ne voulait désormais plus jamais revoir et se confiait auprès du grand roi qui souhaitait partager son existence avec elle désormais. Lui saurait quoi faire ! Déterminée, la matriarche observa son courrier s’envoler dans les douces rafales de courant d’air, prêt à servir de facteur pour la chamane. Mamie observa l’horizon quelques instants après que la missive eût disparue dans le lointain, puis, après un dernier regard vers Anna toujours prostrée, se décida à retourner au château… Elle le savait, il était grand temps de discuter et partit laissant sa petite fille seule face à sa tristesse.
Anna de son côté ne voyait pas le temps passer et continuait de pleurer toutes les larmes de son corps. Au bout de longues heures, elle finit par entendre une voix l’appeler ce qui la sortit enfin de sa torpeur.


-Eh maman !!!


Anna écarquilla ses yeux rougis de larmes puis peu à peu sa vision se fit plus nette et enfin elle put distinguer la silhouette longiligne et déjà grande d’Helga. Cette petite avait grandi si vite ! A croire qu’elle prenait un an à chaque fois que se passait une semaine. Lorsqu’elle était arrivée dans l’Hellheim, Helga parlait à peine et voilà qu’environ une année et demi après, elle donnait l’impression d’être une adolescente à peine plus jeune que pouvait l’être Anna lorsqu’Iduna et Agnarr entreprirent leur périlleux voyage laissant les deux sœurs livrées à elles-mêmes.


-Oh Helga ! C’est toi mon rayon de soleil ! Non ne me regarde pas ainsi… Je dois être pitoyable ! Grogna Anna en reniflant et tentant vainement de sourire et d’essuyer les sillons de larmes.
-Pour moi tu ne serais jamais pitoyable maman ! Et puis il faut croire que c’est la journée ! Je viens juste de consoler maman !
-Mais ça n’est pas à toi de me consoler mais plutôt à moi de le faire pour toi et… Attends qu’est ce que tu as dit ?! Demanda soudain la jeune rousse qui venait d’oublier sa tristesse.
-Oui… J’ai vu maman… Ma vraie maman je veux dire même si… Enfin toi aussi tu l’es mais tu as compris… Enfin voilà, elle était là elle était toute triste et je l’ai rassurée à propos de Papy et Mamie… Comme on peut dire dans le monde d’où elle vient… c’est la vie ?! Pas vrai ?!
-Euh… Oui… On… On dit ça ! Mais… Ta mère est ici ?! Mais comment ?... Et où est-elle ?! Il ne faut surtout pas que je… Sinon nous pourrions…
-Allons maman ! Du calme ! Du calme ! Tu n’as pas à t’en faire ! Maman n’est pas là ! Elle est tranquillement retournée chez elle, prête pour affronter ses problèmes ! Si je l’ai vue c’est seulement parce qu’elle a fait un voyage astral ! Elle avait besoin d’aide et de réponses !
-Quelles réponses ?
-Elle voulait savoir pour Papy et Mamie ! Je lui ai dit de ne pas s’en faire ! Après tout, cela ne nous regarde pas ! C’est leur histoire, pas la nôtre !
-Vraiment ?... Tu lui as vraiment dit ça ?
-Euh… Oui en gros, et puis elle était d’accord, apparemment la mamie de son monde l’avait bien houspillée pour lui dire de ne pas s’en mêler, enfin à ce que je crois avoir compris…
-Eh bien décidément c’est une manie… Grinça la souveraine entre ses dents.
-Qu’est-ce que t’as dit maman ?! Demanda Helga avec la voix fluette d’une petite fille innocente.


Cette petite phrase anodine eût le don de faire naître un étrange fou rire à la souveraine qui prit de longues secondes pour se contenir alors qu’Helga l’observait sans comprendre quelque peu gênée. Anna s’en rendit compte et son visage s’empourpra quelque peu…


-Pardon… Excuse-moi ça n’est pas toi… Mais cette petite phrase… Je me souviens… Dans des vies multiples que mamie m’a fait observer il y en avait une où j’avais une petite fille… Pas toi, car… elle s’appelait Emma ! Et oui une de plus ! Bref et cette Emma avait souvent tendance à nous poser cette question avec la même intonation que ce que tu viens de faire… Souvent lorsque nous parlions de choses que ses petites oreilles ne devaient pas entendre… Pardon je sais c’est ridicule…
-Ah non mais tu peux rire maman… Je ne te jugerai pas… Commença Helga mal à l’aise avant de poursuivre avec sérieux : Alors du coup dis-moi ? Que viens-tu de dire que je n’aurais pas dû entendre ?
-Quoi ?! Oh non rien… Je m’étonne seulement de voir que peu importe notre plan de l’existence moi ou mes autres entités sommes destinées à nous faire disputer par mamie !... Grommela Anna.
-C’est normal que tu te fasses disputer… Tu es ma maman !... Papa Kristoff quand je le fais tourner en bourrique n’arrête pas de dire que je suis folle, faut bien que je l’aie hérité de quelqu’un…
-Merci… Enfin je crois… Faudra retravailler les compliments Helga !
-Je sais maman ! Je suis comme toi après tout !
-Petite futée ! Et donc tu as dit à ta mère de ne pas s’en occuper ?
-Oui et que tout allait s’arranger ?!
-Oh ?... Parce que tu veux agir pour que cela soit le cas ? Demanda Anna en reprenant espoir.
-Quoi ?! Oh non surement pas, moi je n’ai pas à m’en mêler c’est à eux de s’en charger…A se remémorer leur passé et faire le bilan pour mieux se retrouver… Mais moi je ne dois surtout pas intervenir ! Faudrait être complètement bête pour essayer d’ailleurs !
-Je confirme Helga… Il faut vraiment que tu revois les compliments !
-Bah maman désolée de te le dire mais si tu veux agir pour les réconcilier… oui c’est quand même un peu bête ! Tu sais bien qu’on ne peut pas jouer sur l’amour ! Regarde tu aimes Kristoff mais pourtant dans une autre vie tu as dû y renoncer… Et heureusement parce que comme ça j’existe ! Et j’ai des supers cousins et cousines avec qui jouer… Bon dommage eux ils ne grandissent pas par contre… Alors moi quand je vois ça, je me dis qu’il faut laisser le temps agir… et si papy et mamie doivent se retrouver… Ils n’ont pas besoin qu’on intervienne… Le passé va bien les rattraper tôt ou tard…
-Se remémorer le passé…
-Oui c’est ça !
-Oh ma chérie ! Tu es si brillante ! Si grande désormais !



Enfin Anna recouvrait le sourire alors que ce fut Helga cette fois-ci qui fut prise d’un fou rire. La souveraine observa l’adolescente avec des yeux ronds. Pourtant elle n’avait rien dit de particulièrement amusant.


-Helga ?... Tu vas bien ?
-Oui maman… Pardon c’est ma faute !... C’est juste que… Bah justement, maman m’a dit pratiquement mot pour mot la même chose ! Donc c’est drôle j’ai l’impression d’avoir un écho… Mais je ne suis pas si grande que ça !
-Oh si tu l’es ! Bon pas forcément par la taille et je ne pense pas que tu deviennes un jour plus grande qu’Elsa par exemple mais… Tu raisonnes comme une adulte… C’est formidable !
-Pourtant maman… Je n’en suis pas une…
-Non mais tu l’es presque ! Tu grandis si vite ! J’oublie que je n’ai plus à faire à une petite fille…
-Si maman… Dès fois, je préfère en rester une quand même et… J’entends tonton Olaf en parler, il y a pleins de choses où je suis encore petite… J’ai toujours peur du noir. Je suis heureuse que papa Kristoff vienne tous les soirs me dire bonne nuit et m’apporter un bol de lait chaud pour que je dorme… J’adore me faire mes petites couettes ou mes doubles tresses comme toi… Même si mamie DuDu m’a fait cet horrible chignon… Je le déteste ! Je préfère avoir une coupe de petite fille… Ou cheveux tout lâchés, comme avait mamie Dudu quand elle était petite !
-Comme ça ?! Demanda Anna alors que d’un geste expert elle dénoua sans tirer un seul cheveux le chignon serré qui donnait à Helga une allure stricte.
-Hihihi… Maman aussi m’a fait ça ! Je n’étais pas très contente, mais avec toi si ! Avec elle je dois être grande, mais avec toi je peux rester toute petite.
-Ah oui ? Alors pourquoi as-tu refait le chignon ?
-Je ne voulais pas faire de peine à mamie DuDu… Mais si c’est toi qui me dit de rester comme ça je reste comme ça ! …Oui j’aime bien aussi écouter les ordres de maman Anna de l’Hellheim… Mais il y a une chose que je préfère encore plus…
-Ah oui quoi donc ?


Helga ne répondit pas et allât à la place directement se blottir contre la poitrine d’Anna et se lova aussi fort qu’elle put contre la souveraine. Anna rapidement enroula ses bras autour de l’adolescente et sentit une curieuse chaleur l’envahir. Sa tristesse disparaissait et, alors qu’elle baissait les yeux vers sa fille, l’espace d’un instant, elle eût l’impression de la retrouver toute petite comme l’espérait Helga. Elle était si délicatement collée contre elle, à froisser doucement la robe douce d’Anna contre son visage, cherchant sa protection. Anna profita volontiers de ce petit instant hors du temps et, du coin de l’œil, découvrit dans la besace que sa fille avait autour du cou, deux poupées de chiffon qu’elle reconnut immédiatement.


-Helga mais… Qu’est-ce que c’est que ça ?!
-Oh ça ?! C’est euh… Ce sont… Tes poupées maman…Bredouilla d’une voix penaude Helga… A cet instant, Anna aurait juré que l’adolescente face à elle était en réalité une petite fille de 4 ou 5 ans pas plus.
-Mais… où as-tu trouvé ça ?!
-Je… C’était dans tes affaires maman… Mais je les ai trouvées tellement mignonnes… Là c’est toi ! Et là c’est tatie Elsa ! …Je voulais juste m’amuser avec… Pardon j’aurai dû te demander la permission… Bredouilla celle qui était définitivement retombée dans la petite enfance malgré sa grande taille.
-Tu aurais dû me demander Helga d’abord ! … Fit Anna d’un ton faussement strict.
-Je sais, pardon maman… Tiens… Renifla Helga.
-Allons… Garde les si ça te fait plaisir ! Mais évite de fouiller dans mes affaires sans mon autorisation la prochaine fois !
-Je te le promets maman ! Fit Helga en suçant son pouce, ce qui lui conférait une allure on ne peut plus curieuse.


Anna se laissa attendrir par ce curieux tableau et, sans vraiment savoir pourquoi, elle se retrouva embarquée dans une curieuse partie de poupées avec sa fille qui avait grandie bien trop vite et qui retrouvait ses instincts de toute petite fille. Prise dans le jeu, Anna, qui oubliait ses tourments ne remarqua même pas une silhouette pourtant familière passer sur le chemin légèrement en amont avant de prendre la route vers la taverne. Non pour Anna, plus rien n’avait d’importance que ce doux moment hors du temps alors que mère et fille finirent par s’allonger toutes les deux dans l’herbe afin de reprendre leur souffle. Anna continua d’observer Helga alors que cette dernière rangeait avec soin dans son sac les petites poupées qui avaient ramené la reine à ses souvenirs d’enfance.


-Bien, voilà qui fut plus que divertissant !... Merci de m’avoir redonné le sourire !
-Moi aussi ! Dis, on peut rejouer comme ça tous les jours maman ?!
-Si tu veux mon rayon de soleil mais d’abord promets-moi une chose ?
-Oui quoi ?
-Tu as grandi tellement vite… Mais du coup, tu te dois de te comporter en tant que tel… Tu peux garder ton âme d’enfant mais… Tu ne peux pas agir comme une si petite fille…
-Je sais maman… Mais je ne me contrôle pas… C’est plus fort que moi ! Répondit Helga avec sa voix sérieuse d’adolescente mature.
-Attends quoi ?
-Oui… Je ne sais pas pourquoi… Mais par moments… Je suis à nouveau une petite fille… Hier, j’ai même fini par m’endormir avec une vieille tétine que tu m’avais donnée quand nous sommes arrivées ici… Avoua Helga en la sortant de sa poche… C’est comme ça et puis juste après… Paf ça se termine et je redeviens grande ! … Dis maman… C’est normal qu’on agisse comme ça quand on est adolescent ?
-Euh… Eh bien c’est une période où tu te transformes grandement…
-Oui ça je sais maman… Mamie DuDu m’a expliqué… Elle m’a même… Enfin tu vois… Tu sais ce qui nous arrive à nous et pas aux garçons…
-Oh ?... Parce que… ça…
-Oui… Mais mamie DuDu m’a tout expliqué, que c’était la nature… C’est pour faire les bébés mais c’est curieux… Puisque nous sommes mortes on ne peut pas en avoir… Alors c’est bizarre qu’on n’aie quand même ces trucs tu ne crois pas ?!
-Euh… Je ne me suis jamais posé la question. Avoua Anna, mal à l’aise de ne pas s’être chargée de cette conversation avec Helga… C’était son rôle pourtant.
-Oh ! Peut être que mémé Anna le sait elle !... Tu crois que je peux aller lui demander tout de suite ?! Elle pourra peut-être fouiller dans le passé pour voir s’il y a eu des précédents ?!
-Fouiller dans le passé ! … Mais oui Helga ! C’est ça !!! Fouiller dans le passé ! Tu es géniale ma petite ! Surtout ne change pas !
-Euh… Oui… D’accord !... Je ne sais pas pourquoi mais d’accord !
-Je t’expliquerai quand tu seras plus grande mais tu es mon petit génie !!! Allez file et je te promets qu’à mon retour ce soir, je t’offrirai moi-même un bol de chocolat chaud avec une histoire avant de t’endormir si c’est ce que tu souhaites ! Tu l’as bien mérité
-Alors… Au lieu d’une histoire… Tu pourras me chanter la berceuse plutôt…
-Tout ce que tu veux ma chérie ! Allez vite ! File ! J’ai quelque chose à faire !
-D’accord ! A tout à l’heure maman !


Anna observa sa fille s’éloigner en trottinant comme l’aurait fait une fillette. L’attitude d’Helga était très curieuse, tantôt elle pouvait être encore plus sage et mature qu’elle-même et l’instant d’après donner l’impression d’être encore en âge de mouiller ses langes. Mais pour l’heure c’était bien le cadet des soucis de la jeune rousse…. Enfin cette journée lui offrait une éclaircie ! Après sa sœur sa mère, pire encore sa grand-mère et même d’une certaine manière qu’Helga lui ai tourné le dos pour l’aider à reconstruire le couple iconique de la famille Picéaerd désormais peu lui importait. Elle pouvait se retrouver seule contre tous, elle savait comment l’emporter ! Comment trouver la solution… Ironie du sort voilà que pour faire revivre ce grand amour elle allait devoir retourner sur les lieux de sa propre mort…